Tu as du mal tirer le rideau hier. Le soleil, il est là. Il est chiant à te crever les yeux à travers la pièce. Tu te retournes dans le lit, parce que simplement faire ces quelques pas pour te rendre jusqu'au rideau te semble être la pire idée du monde. Tout est un obstacle. La moindre petite chose te semble insurmontable. Et, il y a ton portable qui arrête jamais de sonner. Tu as pensé le fermer, vraiment, mais tu peux pas. Tu dois encore répondre aux messages de Cosimo qui arrive parfois. Mais pas trop souvent. Tu ne suis même plus le fil des autres personnes. Tu sais juste que parfois c'est Cosimo et souvent c'est pas Cosimo. Tu t'en fou. Il y a personne d'autre qui compte.

C'est le silence total dans la maison, le silence angoissant. Et tout ce que tu veux, c'est te rendormir au plus vite. Quelle heure il est ? Même simplement la journée, sont des informations que tu n'arrives plus à suivre. Juste suivre le jour et la nuit, c'est déjà pas mal. Tu n'entends rien quand on frappe à la porte. Ce que tu entends par contre, c'est la porte qui s'ouvre et qui se referme. Oh merde. C'est Saül. C'est sûr que c'est lui. Qui d'autre oserait y venir sans y avoir été invité ? Tu y as longtemps pensé à ne pas bouger, à juste espérer qu'il ne fasse pas le tour de la maison et qu'il s'en aille en la croyant vide. Tu sais pas trop où tu trouves la force de te lever. Tu sais pas comment tu arrives à descendre les marches sans que tes jambes ne te lâchent.

Mais c'est pas Saül. C'est sur Jet que tu tombes en bas des escaliers. Bien sûr qu'il y a encore lui pour se permettre d'entrer sans y avoir été invité. Toi qui a l'habitude de toujours avoir une apparence impeccable, tu dois faire peur. Tes joues sont creusées. Ton teint est pâle. C'est quand la dernière fois que tu as mangé ? Tes cheveux sont horribles. C'est quand la dernière fois que tu as pris une douche ? « Tu as forcé ma serrure ? » Ou ça fait juste des jours que la porte n'est pas vérouillé sans que tu ne t'en sois rendu compte. « Fou-moi la paix Jet. » Et t'es déjà prête à retourner dans ta chambre. Qu'importe la raison pour laquelle il est là. Ça t'intéresse pas.

@jeremiah etish

J’ai envoyé des messages, et je me fais chier aujourd’hui. J’ai envoyé un message hier soir, et ça m’étonne qu’elle ne réponde pas même juste pour me dire d’aller me faire foutre et d’arrêter de lui envoyer des messages. Et ce matin je lui ai dit que si elle ne répondait pas j’allais débarquer chez elle avec ou sans son accord. Chose promise chose dûe, je me retrouve devant sa porte qui est fermée à clef. Ca ne m’étonne pas vu la taille et le standing de la baraque. C’est gigantesque et je fronce les sourcils en essayant de voir quelque chose à travers la fenêtre. Rien, personne. Je trouve ça étrange et donc je me mets à crocheter la serrure. Ils sont vraiment cons de ne pas avoir installé de porte un peu plus solide et fiable que ça et je lève les yeux au ciel en entrant sans aucune difficulté.

Je fais le tour du bas de la maison. Je ne vois pas de lumière et la cuisine semble ne pas avoir été utilisée depuis des semaines. Où est ce qu’ils sont tous dans cette maison ? Elle est pas censée avoir une famille Elise ? Je m’apprête à monter les escaliers quand je me retrouve devant une Elise qui est bien différente de d’habitude. “Yep tu répondais pas.” Qu’elle ne fasse pas l’étonnée. “Tu fais peur à voir.” Elle doit sûrement déjà le savoir mais je suis sûr qu’elle avait besoin d’un avis extérieur. Je penche la tête sur le côté, elle a maigris et elle a le teint gris. Qu’est ce qui lui arrive ? Elle me dit de lui foutre la paix et je suis déjà en train de monter les marches de cet escalier pour la suivre. Je l’ai dit, je me fais chier aujourd’hui, et je suis pas près de partir de cette maison quoi qu’elle dise. Elle a l’air d’aller mal. “T’as pas mangé depuis combien de temps ?” Je n’écoute même pas la réponse et dégaine mon téléphone pour chercher un truc à commander. “Tu veux quoi sur ta pizza ? Si tu me sors un truc aux truffes tu pourras pas faire plus cliché.” Je grogne un peu en faisant défiler le menu. “Tu note que je t’ai laissé le choix seulement pour ce que tu veux sur la pizza, si tu me dis que tu n’en veux pas je vais aller dans la cuisine, et je vais préparer à manger, et tu vas regretter que j’y sois entré un jour tant il va y avoir un bordel monstre et tant je ne sais pas cuisiner.”

« Yep tu répondais pas. » Et il a pas cru bon d'en conclure que si tu ne répondais pas c'est que tu ne voulais pas le voir ? Ni lui. Ni personne d'autre. « Tu fais peur à voir. » « Ferme là. » Oui ça va. Tu es au courant. Tu n'as pas vraiment pris le temps de regarder de quoi tu avais l'air, mais les chances que ce soient mieux qu'hier sont très très minces. Tu n'attends même pas qu'il s'en aille pour retourner là ou tu étais quelques minutes plus tôt. S'il a trouvé le chemin jusqu'ici, il devrait facilement retrouver la sortie. Mais non. Il est en mode je fais chier aujourd'hui, puisqu'il monte les marches en même temps que toi. Non. C'est pas par là la sortie.

« T’as pas mangé depuis combien de temps ? » Quoi, il s'inquiète vraiment ? N'importe quoi. Pourtant, tu y réfléchi vraiment à sa question. « Hier. » C'est quel jour aujourd'hui ? C'est quel jour qu'il est venu ici, Auden ? C'est quel jour que Saül t'a fait croire qu'il t'aimait ? C'est quel jour que ce vide s'est installé en toi ? C'était quand hier ? Tu sais même pas si ce que tu dis est un mensonge ou la réalité. Tu te doutes que ce soit un mensonge, mais ton manque d'appétit prouve le contraire. Tu n'as pas faim. Tu as sûrement mangé il y a pas longtemps. Non ? Non.

« Tu veux quoi sur ta pizza ? Si tu me sors un truc aux truffes tu pourras pas faire plus cliché. Tu note que je t’ai laissé le choix seulement pour ce que tu veux sur la pizza, si tu me dis que tu n’en veux pas je vais aller dans la cuisine, et je vais préparer à manger, et tu vas regretter que j’y sois entré un jour tant il va y avoir un bordel monstre et tant je ne sais pas cuisiner. » Tu soupirs. C'est quoi son problème ? Il peut pas juste te foutre la paix quand tu lui demandes ? Il peut pas juste te laisser choisir pour une fois ? Tu t'en contre-fou de ce supposé bordel qui aura peut-être dans ta cuisine. Il trouvera jamais quelque chose de potable à cuisiner dans le frigo de toute manière. « Qu'est ce que tu comprends pas ? Dégage d'ici. J'veux pas te voir. » Et la seconde d'après, tu as déjà refermé la porte de ta chambre juste devant lui et tu as retrouvé ce lit aussi chaleureux qu'angoissant. Et non, même s'il fait vraiment un vacarme monstre au premier planché, tu ne bougera pas d'un poil. Avec de la chance, tu te laissera bercer dans un sommeil réconfortant d'avoir l'impression que cette maison est encore en vie.

”Et de mauvaise humeur en plus.” Je lève les yeux au ciel. Elle ressemble à un mort vivant, et en plus elle m’envoie chier parce que je suis rentré chez elle. La deuxième information ne m’étonne pas tant que ça, et j’ai pourtant l’impression qu’elle aurait besoin de compagnie la brune. Je me demande ce qui lui arrive mais je ne pose pas la question. Je suis sûr que je n’ai aucune envie de savoir ce qui la met dans cet état. Son hier paraît bien plus loin que mon hier à moi. Je fronce les sourcils. Est ce qu’elle ment ou est ce qu’elle est paumée à ce point ? “Ca m’étonnerait que t’ais mangé hier. Ou alors t’as mangé un fruit dans la journée.” Je souffle et continue de faire défiler le menu et je sens que je vais me commander une pizza que je vais manger chez elle. Qu’elle le veuille ou non.

Elle est hostile, elle veut que je parte mais elle sait bien qu’en le demandant autant je ne vais pas bouger d’ici. Elle entre dans sa chambre et je grogne. Elle a donc décidé d’être chiante aujourd’hui et je souffle derrière la porte. J’attends de savoir si elle reste collée derrière ou si je vais pouvoir y entrer comme je le veux. J’ouvre la porte sans encombre et fronce les sourcils. Elle vit dans le noir depuis combien de temps ? Ca aussi ça me fait grogner. “C’est pas une vie ça.” Et c’est vraiment moi qui donne des conseils sur les heures de sommeil à avoir et les choses à faire ? Je vais ouvrir les rideaux et les fenêtres. Ca aussi je sens que ça va pas lui plaire. “Tu peux pas rester comme ça arrête un peu tes conneries Elise.” Depuis quand je fais la morale ? Elle a vraiment l’air d’aller encore plus mal que quand je lui ai proposé le voyage en Nouvelle Calédonie. “Faut que tu sorte. Au moins que tu mange un truc et que t’arrête de râler.”

Tu t'enfermes dans ta chambre avec le seul espoir que ton humeur de chien suffise à ce qu'il se barre, mais non. Il persiste. Il entre à son tour et tu soupirs bruyamment en remontant la couverture par dessus tes épaules. « C’est pas une vie ça » C'en est une. C'est la tienne. « Va t'eeennnn. » À force de répéter, il va finir par s'en aller, non ? Non. Pire, il ose ouvrir les rideaux le con. Tes yeux se ferment immédiatement sous la lumière aveuglante qui traverse ta chambre. Tu changes de côté, lui tourne dos à lui et au soleil. « Tu peux pas rester comme ça arrête un peu tes conneries Elise. » « Je suis épuisé. » Par les derniers mois qui ont été chargés en émotions. Par les dernières semaines qui ont été maître de tes insomnies. Par Cosimo et c'est millions de questions. Par les mensonges de Saül. Par la vie tout simplement. C'est juste ça de la fatigue. Tu as juste besoin de quelques jours pour reprendre le dessus. Juste ça. Qu'il arrête de s'inquiéter. Pourquoi il s'inquiète de toute façon ? C'est pas comme si vous étiez des amis ou une connerie de ce genre. Vous êtes juste... rien.

« Faut que tu sorte. Au moins que tu mange un truc et que t’arrête de râler. » Il lâche vraiment pas le morceau. Et ça te fera presque un petit pincement au coeur qu'il insiste autant si tu oserais te l'avouer à toi même. « J'râle tout le temps. » que tu lui réponds, boudant presque autant qu'un enfant de quatre ans qui n'a pas eu l'assiette rouge. Tu l'entends déjà la voix de Saül arrête de faire l'enfant. Pour une fois, il aurait raison. Qu'il t'en fasse la remarque Jet et tu lui défonces la gueule. Rien de moins. Tu te retournes tout de même de nouveau vers lui, vu qu'il est toujours là et qu'il est toujours aussi chiant. « Qu'est-ce que tu disais déjà ? C'est pratique de rien ressentir ? Bah voilà, c'est mort. » C'est mort de chez mort. Dans ton corps. Dans ton coeur. Dans ton ventre. C'est juste vide. Tu ne ressens plus rien. Ça fait plus mal. Mais il y a aussi plus rien qui ne fait du bien. « Laisse moi dormir maintenant » que tu oses encore demander, l'idiote qui espère encore le faire changer d'avis.

Et elle ne s’arrête pas de parler, je crois qu’elle veut vraiment que je parte. Lol, nope. Elle s’enferme de la chambre et je suis déçue qu’elle n’ait même pas eu l’idée de fermer à clef. J’aurais dû prendre au moins 5 minutes pour ouvrir la porte de force parce que, non ça ne m’aurait pas empêcher d’entrer dans sa chambre. “Répète le encore peut-être que ça finira par marcher.” Spoiler : ça marchera pas. Je regarde la chambre, j’ai l’impression d’être dans un cercueil et c’est presque flippant. “Sérieux t’as pas vu la lumière depuis quoi ? 1000 ans ?” Je soupire avant d’ouvrir les rideaux, je sais que ça ne va pas lui plaire mais j’en ai rien à faire. “Les nuits sont pas censées durer plus de 24h” Je grogne et je reste debout à côté du lit.

“What’s new ?” Elle râle tout le temps et elle est insupportable, je le sais déjà. Je l’ai supporté pendant des jours en Nouvelle Calédonie et ça s’est étonnement bien passé. On ne s’est pas entretué et c’est ce que j’appelle se passer bien. Mais elle est au fond du trou Elise et je me demande comment je peux bien faire pour qu’elle sorte du lit. “Dramaqueen en plus.” Je lève les yeux au ciel, et pourtant je sais très bien qu’on peut ne plus rien ressentir, pendant un temps au moins. “Qu’est ce qui se passe ?” Peut-être que si elle parle un peu elle arrivera à sortir de son lit pendant plus de 10 secondes. “T’as bien assez dormi.” Et je vais rester là le temps que je voudrais parce qu’elle est incapable de me sortir de force. Je pense que son mari n’est pas prêt de rentrer alors pourquoi je m’inquièterais ? “Tu veux boire peut-être ? Fumer ?” J’aurais des tas d’autres trucs à lui proposer à la Williams, mais elle n’est certainement pas prête pour ça.

« What’s new ? »
« Toi qui arrête de me faire chier. Ça, ça serait nouveau »
Et drôlement agréable - ou pas. « Dramaqueen en plus. » Et c'est surtout pas prêt d'arriver, qu'il se tire. Sans que tu ne comprennes pourquoi. Il doit pas plus comprendre pourquoi lui non plus.

« Qu’est ce qui se passe ? » S'il avait longtemps été le seul a vraiment comprendre tout ce qui se passait, là, ce ne serait plus le cas. Il pourra pas comprendre. Personne le peu. Tu es la seule brisée dans toute cette histoire là. « Il l'a foutu enceinte » que tu souffles avant de t'asseoir dans ton lit. Pas besoin de mettre des noms ici. Il sait parfaitement de qui tu parles, les blessures communes. Il y a ta gorge qui se noue, ta voix qui se brise, et pour la grande finale, ce sont les larmes qui se mettent à couler toute seule, qui coulent à flot. Ouaip, de toute beauté. Comme si tu ne faisais déjà pas assez peur. C'est quand même une chance que tu avais déjà l'air d'une merde. Au moins, il y a pas ton mascara qui coule. Faut bien essayer de trouver un peu de positif à travers tout ça. Pas facile. Et puis, si les demandes répétées de partir n'ont pas fonctionné, les pleurs suffiront amplement à ce qu'il te laisse là toute seule comme une conne. Parce qu'il est pas comme ça Jet. C'est pas le genre de mec à rassurer, à consoler. Il va partir. C'est évident. « C'est tellement injuste. » Parce que ça aurait dû être toi la mère de ses enfants. Mais il peut pas comprendre Jet, parce qu'il lui manque des infos. Infos qu'il n'aura pas aujourd'hui, et probablement même jamais.


« Tu veux boire peut-être ? Fumer ? » « Sérieusement Jet ? » que tu demandes essuyant maladroitement tes larmes du revers de ta main. Oh bien sûr la solution à tous les problèmes du monde est de boire et de fumer. Il croit pas plutôt que tu vas juste encore plus pleurer si tu bois un coup ? Et puis fumer, bof, c'était juste l'histoire d'une soirée. Tu ne recommencera probablement jamais. « J'veux juste être toute seule... » Tu ne sais même plus en vrai ce que tu veux vraiment. Tu ne sais même plus ce qui ferait du bien tant ça te semble imposition que quelque chose vienne à bout de ce chagrin.

Elle continue d’essayer de me virer, ça ne marche pas vraiment puisque je vais jusqu’à traîner dans sa chambre alors qu’elle se plonge de nouveau sous sa couette. « Toi qui arrête de me faire chier. Ça, ça serait nouveau »  “Ta vie serait bien plus ennuyante.” Et je hoche la tête en regardant tout autour de moi. Ca se voit qu’elle a besoin de compagnie, et, même si elle n’a pas envie de me voir, je reste, parce que moi aussi j’ai pas envie d’être seul aujourd’hui.

« Il l'a foutu enceinte » Et là je me tais, là je me demande ce que j’ai bien pu faire pour aimer une fille aussi immonde. Je serre les dents et je ne me concentre même plus sur Elise qui s’assoit dans son lit. J’ai pas envie d’avoir de précisions, pas envie d’entendre parler d’elle encore et encore. “J’espère qu’elle va gâcher sa vie, et qu’il va lui arriver les pires des malheurs possibles.” Parce que c’est tout ce qu’elle mérite. Elise a l’air brisé et je ne peux pas comprendre sa peine à elle, j’aimerais pouvoir mais je n’en suis pas capable, je ne connais pas tout ce que ces mots veulent dire pour elle, et je ne le saurai sûrement jamais. « C'est tellement injuste. » “Ils méritent pas d’avoir ça. Un jour il aura encore plus mal que toi. Ils peuvent pas s’en sortir aussi facilement.” La vie est injuste pour tout le monde, et je la trouve un peu trop clémente avec eux alors qu’ils ont brisé deux personnes et une famille sur leur passage. Je la déteste Ariane, parce qu’elle est la pire personne que cette planète porte.

« J'veux juste être toute seule... » “C’est pas vrai.” Je croise son regard et je ne le lâche pas. Elle a tout sauf envie d’être seule et elle ne veut pas l’avouer. "Pourquoi tu réagis pas ?" Elle est en train de s’enfoncer, de s’effondrer et elle ne mérite pas ça. Il faut juste qu’elle trouve la force de faire sortir toute cette rage, toute la colère qui bouillonne en elle pour la diriger vers les seuls fautifs de son malheur.  

« Ta vie serait bien plus ennuyante. » C'est qu'il arriverait presque à te faire décrocher un sourire. Presque. Mais ton envie de sourire repart aussi vite qu'il est arrivé. Peut-être même plus vite. « J’espère qu’elle va gâcher sa vie, et qu’il va lui arriver les pires des malheurs possibles. » Il en a de la rage intérieur Jet quand toi tout n'est que tristesse et montagne insurmontable. Tu soupirs doucement, péniblement. Tu leur souhaite pas de malheur. Tu souhaites pas de malheur à ce bébé qui n'a rien demandé. Il en prendra soin Saül de cette nouvelle famille qu'il reconstruit. C'est peut-être ça qui fait encore plus mal, l'idée qu'il en prenne plus soin qu'il ne l'a fait avec Cosimo et toi, la famille aux terribles secret. « Ils méritent pas d’avoir ça. Un jour il aura encore plus mal que toi. Ils peuvent pas s’en sortir aussi facilement. » Et tu es assez égoïste pour penser que tu le mériterais plus qu'elle, plus que lui.

« C’est pas vrai. » Bien sûr que ce n'est pas vrai. Bien sûr que tu as besoin de quelqu'un pour te secouer, pour te sortir de ce chagrin - ce vide - qui pèse depuis de trop nombreuses années, celui que tu as choisis d'ignorer plutôt que de le penser. Tu peux plus l'ignorer maintenant. Il faudra faire ce processus de deuil stupide que tu détestes déjà. « Pourquoi tu réagis pas ? » Et ton regard cherche instinctivement le sien. Pourquoi tu réagis pas ? Parce que ça fait trop mal. Parce que tu es extrêmement jalouse. « Tu veux que je fasse quoi ? Que j'aille la pousser en bas des marches ? » Et il va tellement répondre oui, va peut-être même te piquer ton idée va savoir.

« Si tu commandes un pizza hawaïenne, j'appelle la police pour tentative d'empoisonnement. » que tu cèdes finalement, lui laissant presque carte blanche sur le menu de ce soir. Il va pas partir Jet. Aussi bien l'accepter et d'arrêter de luter pour qu'il parte.

Elle fait rien Elise. Ou si, elle essaie de me mettre dehors alors qu’elle sait très bien que je vais rester dans sa chambre tant que j’aurai pas décidé de sortir. Je sens qu’elle ne va pas vraiment bien, et sans pouvoir l’expliquer je me sens de l’aider et de ne pas la laisser toute seule. Je sais ce qu’elle ressent, et je sais pourquoi, c’est rare de réellement partager les mêmes sentiments avec quelqu’un. Je reste, je regarde les pizzas qu’on pourrait manger en attendant qu’elle craque et qu’elle réponde.

Ca m’énerve qu’elle m’annonce la grossesse d’Ariane, et que la seule chose qu’elle ait faite après ça c’est se terrer dans son lit pour déprimer et essayer d’éviter de faire face au monde. Je la pensais plus forte que ça Elise, mais je ne lui crie pas dessus. Je reste dans mon coin et je grogne un peu, je n’avais pas envie de parler d’Ariane, pas envie d’apprendre ce genre de choses. La pousser en bas des marches, ça peut être pas mal ça non ? Mais je pense qu’on pourrait mettre en place d’autres plans pour les éliminer tous les deux. “Ca te soulagerait ?” Parce que c’est ça la vraie question au fond. Est ce qu’elle serait apaisée de savoir Ariane et son bébé mort en bas des marches d’un escalier. Moi l’idée pourrait me plaire. Alors je garde ces pensées dans un coin de ma tête en attendant les réponses de la Williams.

Elle craque enfin et elle m’arrache un sourire alors que j’étais en train d’imaginer les milles manières de faire disparaître le corps de la rousse après l’avoir fait disparaitre. Je penche la tête, et me pose à nouveau sur mon téléphone pour commander. Et je la commande la foutue pizza aux truffes, parce qu’elle est le genre qui en mange. Et je commande deux autres au hasard qu’elle pourra garder dans son frigo pour quand je serai parti. “Tu sais que si t’as envie de te défouler je peux te faire entrer dans une salle de boxe ?” Je propose, on ne sait jamais, peut-être que ça pourrait l’aider.

« Ca te soulagerait ? » Tu lui fais signe de la tête que non, alors que du revers de ta main, tu viens masquer les larmes qui menacent de se remettre à couler à flot. Y a-t-il vraiment quelque chose qui arriverait à te soulager ? Non. Absolument pas. C'est une vieille, très vieille, plaie qui vient d'être ouverte et elle ne va pas se refermer aussi facilement. Cette fois-ci, tu ne peux pas simplement faire comme si elle n'existait pas, comme si le monde dans lequel tu vivais n'était pas qu'un tissus de mensonge que tu as égoïstement créée.

« Tu sais que si t’as envie de te défouler je peux te faire entrer dans une salle de boxe ? » Il sort tout seul, le rire d'entre tes lèvres. Parce que c'est forcément une blague n'est-ce pas ? Comme si tu avais le profil de te promener dans une salle de boxe. « C'est d'un psychiatre que j'aurai plutôt d'besoin. » Ah ouais, il y en a du boulot à faire dans cette tête là. Celle qui a été bourré de mensonge, de mauvaise valeur, de faux semblant. Celle qu'on a détruite a force de la vouloir trop parfaite, qui a mis son bonheur de côté pour faire ce qu'on attendait d'elle. La même qui a privé un enfant de sa véritable vie, parce qu'elle avait honte d'admettre ses imperfections, parce qu'on aurait honte qu'elle ne le soit pas au grand jour. Il est trop tard pour réparer tout ça ? pour réparer 42 ans de dommage ? Un divorce - un scandale - est possiblement le début de tout ça.

C'est donc à contre coeur que tu tires de nouveau les couvertures, que tu sors ta carcasse de ce lit qui est devenue ta maison ces derniers jours, que tu retournes au rez-de-chaussée suivit de Jet, là où ce n'est pas le bordel pour le commun des mortels, mais que ce l'est horriblement pour toi. Le livreur arrive dans les minutes qui suivent. Tu t'occupes de payer l'addition, naturellement. « Tu trouves pas que tu exagères un peu ? » que tu lui demandes en venant déposer les trois boîtes de pizza sur la table. Oui. Trois boîtes pour deux personnes. Tu espères qu'il compte ramener les restes. Sinon, tu les refilera à Cosimo probablement. « Tu es venue pour quoi ? » que tu demandes par la suite en fouillant dans les armoires à la recherche d'assiettes et d'ustensiles. Parce qu'il est sûrement pas venue pour te nourrir à la base. Il ne se doutait certainement pas du pitoyable spectacle que tu allais lui offrir en venant ici.

Je lui propose des alternatives, des possibilités de se défouler en frappant sur des trucs. Je hausse les épaules, reste dans un coin de la chambre en la regardant tenter de se cacher sous les couvertures. « C'est d'un psychiatre que j'aurai plutôt d'besoin. » Je secoue la tête. Bien évidemment qu’elle choisirait un psychiatre plutôt que d’essayer de gérer ses problèmes toute seule, comme une grande. Je regarde autour de moi. “C’est bien un truc de riche ça.” Mes lèvres se pincent et je commande à manger sur mon téléphone. “Qu’est ce que t’as contre les salles de boxe ?” Certainement qu’elle n’en a jamais vu, qu’elle n’a jamais voulu entrer dans ce genre d’endroit que j’affectionne tant.

Elle sort enfin de son lit, et je ne peux réprimer un sourire en la suivant dans les escaliers. On descend, et je me retrouve de nouveau dans son salon que j’avais quitté quelques minutes plus tôt. Je regarde encore une fois autour de moi, elle est gigantesque cette maison. Les pizzas arrivent et Elise sort des assiettes et des couverts de ses placards. “Qui mange une pizza avec des couverts ?” Je grogne, et attrape une part avant même qu’elle ne pose une assiette devant mon nez. « Tu trouves pas que tu exagères un peu ? » “J’ai faim !” Et elle aussi elle a plutôt intérêt de manger tout ce qu’elle peut. Surtout de cette pizza aux truffes qui doit avoir un goût affreux. « Tu es venue pour quoi ? » Je lève les yeux au ciel, on s’en fout non ? Il n’y a pas de réelle raison pour laquelle je suis ici. Même moi je ne sais pas vraiment ce que je suis venu faire ici. Peut-être l’ennuie, peut-être juste le fait que je n’ai pas envie qu’elle aille mal parce que nos émotions sont étrangements liés quand il s’agit de discuter du nouveau couple caché des hautes sphères de la ville. “Je préfère ta maison à la mienne.” Parce qu’elle est bien plus grande, et silencieuse.

“C’est bien un truc de riche ça. Qu’est ce que t’as contre les salles de boxe ?” « C'est pas mon truc. C'est tout. » Et non tu n'as même pas envie d'essayer pour confirmer tes paroles. Tu vois vraiment pas comment ça pourrait régler tes problèmes. Tu piges le fait que c'est supposé te défouler, mais voilà, tu as besoin de plus que ça. Tu as besoin d'un truc de riche. Tu en as absolument rien à faire de ce que lui peu bien penser. À chacun sa manière de réparer ses malheurs.

“J’ai faim !” Il a faim. Sérieusement ? Trois pizzas ? C'est complètement exagéré, et il ne semble pas du tout du même avis. Il vient rapidement se prendre une pointe directement de la boite. C'est un regard remplis de jugement que tu poses vers lui quand tu vois la première goûte de sauce tomber sur ton parfait plancher blanc impeccable. “Je préfère ta maison à la mienne.” C'est un rire sarcastique qui sort d'entre tes lèvres à cette seconde près. Oh oui tout le monde aime la luxueuse maison prisonnière des maux de tous et chacun. N'importe quoi. Tu détestes cette maison. Il devrait pas la préférer à son appartement aussi petit soit-il. « Garde la si elle te plaît autant. » Un roulement de yeux plus tard et tu viens enfin prendre une première bouchée de la pizza. Tu étais déjà en train d'anticiper qu'il se plaindrait que tu manges rien. À chaque fois que tu mâches ta bouchée tu te demandes si tu ne vas pas gerber, mais ça va. Tu essaie que ça ne paraisse pas trop.

Il est resté là avec toi pendant des heures à parler de tout et de rien, à t'énerver autant qu'à t'arracher des sourires. Puis, il a finit par partir même si tu aurais voulu qu'il reste encore. Ce qui est complètement stupide. Voilà pourquoi tu ne lui as jamais demandé de rester non plus. Tu ne lui avouera probablement jamais, mais c'est un peu grâce à cette visite forcé que tu es arrivé à surmonter la montagne qui s'est placé devant toi. Il a finit par prendre une grande place dans ta vie Jet.