La nouvelle lui était parvenue un peu comme un cheveu vient tomber sur la soupe. Toutes les nouvelles avaient adopté ce type de façon de faire, il fallait croire, quelque mois plus tôt. S’enchainant, s’emboitant parfaitement. D’abord le trépas de Frank, qui avait été si cher aux yeux d’Ezra. L’homme avait été un modèle, comme un second père, pendant tant d’année que de le savoir disparu lui avait semblé impossible - et pourtant, retrouver Cameron lors de la cérémonie ancrait les choses de façon bien plus permanente dans le temps. Il ne pouvait plus le nier, Ezra, qu’une partie de sa vie s’enfuyait en suivant Frank dans l’au-delà. Mais cette mauvaise nouvelle n’allant pas seule, comme dit plus haut, ce fut le jeune Parrish qui lui apporta la seconde au détour de leur conversation lors de la cérémonie de commémoration. Livia et lui s’étaient séparés un peu plus tôt dans l’année et Ezra avait eu du mal à y croire, n’ayant pas vu venir un tel retournement de situation. A ses yeux, Cameron et la jeune femme représentaient le couple parfait sachant traverser le temps et les épreuves, en ressortant plus fort qu’avant, plus aguerri. Il les avait vu se rencontrer, tomber amoureux et se lier à jamais - et il avait naïvement cru que ces éléments seraient pérennes, qu’il pourrait les retrouver à tout point dans le temps sans avoir à en douter. Ce fut donc un choc pour le Beauregard que de se rendre compte que toutes ces choses ne seraient plus non plus.

Et ce fut peut-être et même surement la raison pour laquelle il avait mis tant de temps à se manifester auprès de Livia. S’il avait été ami avec Cameron depuis des années maintenant, rencontrant la jeune femme par son biais, il avait appris au fil du temps et des années à la connaître également. Pas autant qu’il pouvait se vanter pendant un temps de connaître son compagnon, mais ils avaient tissé des liens assez importants pour qu’il en vienne, finalement, un jour à lui envoyer un message. Quelque-chose de simple, quelque-chose sans chichis. Parce-qu’il désirait lui montrer qu’il était désormais au courant, que Cameron lui en avait parlé, et que s’il n’était pas venu vers elle plus tôt, c’était qu’il était resté dans l’ombre jusqu’à ce jour - ou presque, plusieurs semaines et même quelques mois s’étaient écoulés depuis l’enterrement et sa discussion avec le jeune homme. Prendre des nouvelles, en somme. Il ne se voyait pas faire autrement après tant d’années à apprendre à s’apprivoiser, à se côtoyer. Et puis, il l’avait vu, dans le regard de Cameron - la tristesse. Il n’était pas idiot, ou en tous cas pas à ce point là, et il mettrait sa main à couper que Livia était dans un état similaire à son ex-compagnon. Veiller sur elle n’était pas une mauvaise idée, loin de là.

Alors, il lui donna rendez-vous quelque-part, là où n’importe où ferait l’affaire. Aller boire un café et profiter de pouvoir se noyer dans un bain de foule, ou aller fouler les planches du port et profiter de la vue, de l’air marin et de la discrétion qu’offrait ce lieu. Simplement choisir un banc au milieu du parc et s’y installer pour le reste de l’après-midi pouvait venir sonner doux à son oreille. Il voulait simplement pouvoir se retrouver quelque-part en tête à tête avec la demoiselle et prendre de ses nouvelles - vraiment, pas simplement à travers quelques messages échangés à la va-vite entre deux tâches du quotidien. Finalement, Livia fut partante pour aller le retrouver autour d’un café, et le rendez-vous fut pris. Et, bien sur lorsque vous retrouvez quelqu’un que vous n’avez pas vu pendant un temps qui vous semblait l’éternité, un léger stress emplissait l’estomac d’Ezra lorsqu’il se pointa au lieu de rencontre le jour donné. Tentant de garder une respiration calme, et de marcher jusqu’au café d’un pas cadencé. Pour ne pas changer, il se trouvait être en retard - mais dans son souvenir, la jeune femme était bien au courant de ce trait de caractère dont il n’arrivait guère à se défaire. Tirant sur son cou une fois devant le café, regardant à droite et à gauche pour repérer le visage de Livia, ce fut un sourire qui vint prendre l’assaut de ses lèvres lorsque ses yeux accrochèrent les siens. Quelques pas supplémentaires et il la rejoignait à la table qu’elle avait choisi. « La ponctualité n’est toujours pas mon fort, pardonne moi. »

Spoiler:

Juillet 2020. Les derniers mois s’étaient écoulés à une vitesse qui avait tout à la fois surpris, attristé et rassuré la jeune femme. Cela faisait désormais un an qu’elle avait emménagé dans son nouvel appartement et que sa vie s’était retrouvée chamboulée du tout au tout lorsqu’elle et Cameron avaient sonné le glas d’une relation longue de plus de dix ans. Si les premières semaines avaient été difficiles, tant émotionnellement que physiquement alors qu’elle se retrouvait à devoir aménager entièrement un nouveau chez elle tout en s’occupant seule de Gabi la moitié du temps alors que l’épicerie grappillait le reste de ses heures, l’italienne avait fini par trouver une routine réconfortante qui lui avait permis de dépasser le stade des regrets et des remords. Ceux de n’avoir pas assez donné, ou trop tard, pour sauver son couple - quand bien même leur rupture s’était finalement faite d’un commun accord. Elle avait passé de longues semaines à regretter sa décision, à se persuader qu’elle avait raté cette famille unie qu’elle avait tant désirée, d’autant plus après avoir perdu toutes ses illusions sur son père lorsqu’elle avait appris l’existence de Vittorio. Lorsqu’elle avait enfin fini par sortir la tête hors de l’eau, réellement et sans se cacher derrière des sourires en demi-teinte qui disaient que tout allait bien alors que son coeur s’effritait derrière sa carapace, elle s’était surprise à se complaire dans son nouveau quotidien qui était le sien. Depuis quelques mois désormais, le temps filait à une vitesse qui la confortait dans son choix, tout autant que cela l’inquiétait quant à son avenir dont les contours demeuraient flous. Alors, elle se contentait de saisir les jours les uns après les autres, de s’émerveiller devant les progrès quotidiens de son fils, et de se féliciter que son épicerie tourne désormais si bien.

Lorsqu’elle avait reçu le message d’Ezra, elle avait souri de surprise et s’en était presque voulu de ne pas l’avoir recontacté plus tôt. Elle, qui mettait un point d’honneur à prendre régulièrement des nouvelles de ses amis, ne s’était plus tourné vers le Beauregard qu’elle associait sans le vouloir à Cameron. Quand bien même elle l’avait côtoyé suffisamment d’années pour ne pas avoir besoin de son ex-compagnon pour prendre des nouvelles d’Ezra, son inconscient faisait le lien entre les deux hommes, et c’était la seule justification qu’elle pouvait trouver au fait de ne pas l’avoir recontacté depuis qu’elle avait appris le décès de Frank. Même si elle ne partageait plus tout avec Cameron, elle avait appris le décès de son oncle et savait qu’Ezra l’avait connu - alors, le message de ce dernier lui avait rappelé à quel point elle avait manqué à son devoir de ne pas lui avoir proposé son soutien lorsqu’il avait sûrement dû en avoir besoin. Le brun avait connu son lot de difficultés par le passé, que Livia avaient suivies plus ou moins directement, mais ses propres problèmes l’avaient détourné de l’écoute qu’elle tenait pourtant à accorder à ses amis. Elle n’avait donc pas hésité une seconde avant de lui proposer d’aller boire un café dans un endroit qu’elle appréciait beaucoup vers chez elle, depuis lequel l’océan offrait une vue qu’elle trouvait toujours aussi apaisante.

Comme à son habitude, elle était arrivée en avance, quand bien même le trajet avait été court. Elle s’était assise à l’extérieur et avait baladé son regard sur les vagues tout en se demandant s’il lui était déjà arrivé de voir Ezra sans que Cameron ne soit présent - sans doute, mais elle ne réussissait à s’en souvenir, et l’idée qu’elle n’ait en réalité jamais eu l’occasion de réellement échanger seul à seul avec le brun la perturbait légèrement. Elle ne pouvait s’empêcher de se questionner sur ce qu’en dirait Cameron, même s’il n’avait rien à en dire et qu’elle ne comptait par ailleurs pas s’en cacher - après tout, elle connaissait Ezra depuis assez longtemps pour considérer qu’elle l’appréciait réellement, peu importe qui il pouvait être pour son ex, et comment elle avait pu le rencontrer. Le fait qu’il n’y ait aucun signe du brun, alors que l’heure à laquelle ils s’étaient donné rendez-vous venait de passer, lui indiquait qu’elle le connaissait en effet suffisamment pour ne pas s’étonner qu’il ait un peu de retard. Alors, lorsqu’elle le vit arriver au loin, elle ne put s’empêcher de sourire, amusée, ce qui eut au moins pour effet de détendre l’atmosphère de retrouvailles qui auraient pu être quelques peu gênantes après tout ce temps. “La ponctualité n’est toujours pas mon fort, pardonne moi.” Au moins quelque chose qui ne changeait pas, et c'en était presque rassurant. Elle fit un signe de la main pour lui indiquer que ce n’était rien. “J’aurais dû te proposer un café vers chez toi, là au moins j’aurais pu t’en vouloir.” L’italienne se laissa tomber dans son siège en attendant qu’il prenne place en face d’elle, alors qu’elle hésitait encore sur le ton à donner à ses premiers mots après tant de mois de silence. Devait-elle s’excuser de n’avoir pas pris de nouvelles, de ne pas avoir été là à la cérémonie en mémoire de Franck, de ne pas lui avoir parlé de sa séparation la dernière fois qu’ils s’étaient croisés par hasard quelques mois auparavant, ou encore lui demander si Noah allait bien ? Quoi qu’il en soit, elle lui devait des excuses, même si la présence d’Ezra en face d’elle lui indiquait qu’il ne lui en tenait sans doute pas rigueur. Mais, fidèle à elle-même, elle voulait justifier son comportement. “Je suis vraiment désolée de ne pas t’avoir envoyé un message depuis le temps, il s’est passé pas mal de choses en un an...” Elle n’avait pas besoin de prononcer tout haut ce qu’il savait déjà, même si elle n’avait pas connaissance de l’étendue de ce qu’Ezra avait pu entendre. “J’ai eu des nouvelles par Cameron quand même. Noah va bien?”

A l’instant où son regard s’était posé sur la jeune femme et où il avait pu enfin repérer l’endroit où elle l’attendait, un sourire s’était glissé sur les lèvres d’Ezra, le réflexe reprenant le dessus sur le stress qui avait pu s’immiscer en son sein. Le second réflexe qui vint se faire fut celui de s’excuser pour son retard. Il l’était tellement souvent, en retard, qu’en règle générale ses proches étaient plus étonnés lorsqu’il arrivait à l’heure que du contraire. « J’aurais dû te proposer un café vers chez toi, là au moins j’aurais pu t’en vouloir. » Aux mots que Livia vint prononcer, un petit rire cette fois ci se fit entendre de la part du Beauregard. « Et je t’en aurais pas voulu une seule seconde. » Parce-que, oui, même autour de chez lui il aurait été en retard au rendez-vous, c’en était certain.

Les deux jeunes gens vinrent finalement s’installer définitivement autour de la table de la terrasse du café, alors qu’un petit silence venait prendre la suite des premières paroles prononcées après s’être retrouvés. Ce n’était jamais facile de revenir vers des personnes avec qui le contact s’était fait de plus en plus rare voire inexistant des mois durant. La vie était quelque-chose d’autant étrange que bien faite, en venant à faire et défaire l’entrecroisement des chemins des gens. Ceux de Livia et d’Ezra étaient venus à se mêler à leur insu, là où une connaissance en commun était venue jouer le rôle de l’entremetteur - un heureux hasard, pourraient qualifier certains. Ils étaient cependant venus à se retrouver séparés par les aléas de la vie et des nouvelles habitudes venant polluer cette dernière, et le temps faisant son effet, ni l’un ni l’autre n’avait forcément pris l’initiative de retour vers l’autre pour prendre des nouvelles. Ezra n’en voulait aucunement à Livia de cette situation dans laquelle ils se retrouvaient aujourd’hui et surtout après avoir appris les dernières nouvelles par son désormais ex-mari, quelques mois plus tôt. Alors, lorsqu’elle vint reprendre la parole après ce petit silence commençant quelque peu à s’éterniser, ce fut un nouveau sourire qui s’installa sur le bas de son visage. « Je suis vraiment désolée de ne pas t’avoir envoyé un message depuis le temps, il s’est passé pas mal de choses en un an… » A l’instar de sa première réaction lorsqu’il était venu s’excuser de son retard au rendez-vous, il vint faire un petit geste de la main pour lui signifier qu’il lui jetait pas la pierre d’un tel comportement. « T’en fais pas. J’ai pas été un exemple non plus, tu sais. » Et c’était vrai. Dans le cas présent, si aucun de deux jeunes gens n’avait eu des nouvelles de l’autre, c’était parce-que le dit comportement dérangeant avait été leur mode opératoire des deux côtés. Livia venait s’excuser de ne pas avoir pris plus de nouvelles d’Ezra, mais il pouvait adopter la mêle attitude car s’il n’était pas venu à croiser Cameron quelques mois plus tôt - et si ce dernier ne lui avait pas donné des nouvelles de la désormais demoiselle -, le Beauregard n’aurait pas forcément pris l’initiative de se rapprocher d’elle pour avoir des nouvelles. Ce n’était jamais l’idéal, mais il était vrai que les mauvaises nouvelles et mauvaises expériences permettaient souvent de renouer le contact entre connaissances de longue date.

« J’ai eu des nouvelles par Cameron quand même. Noah va bien ? » Parce-que, malheureusement, Livia faisait partie de ces personnes qui avaient été dans les alentours de vie du Beauregard lorsque ce qu’il qualifiait de la pire expérience était arrivée. Si Cameron et lui ne se côtoyaient plus autant qu’auparavant, ils gardaient contact et se croisaient plusieurs fois à l’année afin de rattraper le temps perdu. Ce dernier avait failli être des plus sinistres pour Ezra et il pouvait désormais aborder le sujet de son fils avec un sourire tout particulier - celui que tout parent fier de son enfant savait présenter dès que le prénom de sa progéniture était prononcé. « Il va super bien. Parfois trop j’ai envie de dire, tellement il est une boule d’énergie ambulante. Infatigable. » Un fin rire se fit entendre, alors qu’il venait secouer quelque peu la tête pour laisser s’évaporer les quelques images d’un Noah courant partout qui lui venaient en tête. « Plus il grandit et pire c’est je crois. » Aucun regret ou reproche ne se faisait entendre dans sa voix, en revanche. Ezra était des plus heureux de voir ce petit bout de bonhomme grandir et s’épanouir là où les larmes et les ennuis avaient fait pendant trop longtemps partie de son quotidien. Venant finalement expirer un petit soupire de satisfaction, il vint reporter son regard et son attention sur la demoiselle en face de lui - hors de question qu’il en vienne à monopoliser la conversation alors que son intention était toute contraire en arrivant ici. « Et toi, comment va Gabriele ? » Un sourcil inquisiteur vint se hausser sur le dessus de son visage, alors qu’il vint tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de laisser la prochaine question s’en échapper. « Et toi ? Comment tu vas ? » Après tout, il était venu là pour ça aujourd’hui - prendre des nouvelles de la jeune femme -, alors autant ne pas tourner autour du pot pendant mille ans et entrer directement dans le vif du sujet.

Spoiler:

“Et je t’en aurais pas voulu une seule seconde.” Se saisir d’une occasion bien trop tentante pour se moquer d’Ezra gentillement, à travers les souvenirs partagés du bon vieux temps, avait en soit quelque chose de réconfortant qui avait suffi en quelques secondes à détendre les traits de Livia. “Y a des choses qui changeront jamais, visiblement.” Lorsque le rire d’Ezra parvint à ses oreilles, celui qu’elle avait bien trop entendu par le passé pour réellement l’oublier, ses craintes quant à ces retrouvailles bancales et les regrets de ne pas l’avoir recontacté plus tôt s’envolèrent en partie, tandis qu’ils prenaient place face à l’autre. Pourtant, la situation était suffisamment singulière pour que la jeune femme se sente un instant déstabilisée, tandis qu’un léger silence s’installait entre eux - qu’elle ne tarda pas à briser, s’engageant sur la pente des excuses, qui lui semblait la plus adaptée. Une fois que ses regrets seraient prononcés, mis à plat et n’existeraient plus seulement que dans son esprit, les derniers relents de gêne s’évacueraient, elle le savait. Ou du moins, l’espérait-elle. “T’en fais pas. J’ai pas été un exemple non plus, tu sais.” Livia offrit un sourire au Beauregard, soulagée qu’il se montre aussi compréhensif, quand bien même elle n’en avait jamais réellement douté. La réalité était pourtant celle qu’il décrivait - la faute était partagée, et l’un comme l’autre aurait été bien mal avisé de retenir des griefs qui n’avaient en réalité pas lieu d’être. Ils s’étaient perdus de vue, emportés par le tourbillon de leur propre vie, et Livia se félicitait qu’Ezra ait pris l’initiative que leurs chemins se croisent à nouveau.

L’italienne n’était pourtant pas dans un flou total concernant Ezra, dont l’historique avait été plus que mouvementé et qu’elle avait souvent observé de loin en songeant qu’il ne méritait rien de tout cela. Elle ne savait pas réellement à quelle fréquence Cameron le croisait encore - sans doute trop peu, s’il avait mis de nombreux mois avant de lui annoncer leur séparation - mais il avait à plusieurs reprises laissé filer des nouvelles de Noah. Si Livia n’avait croisé le petit garçon qu’une fois ou deux, les difficultés qu’il avait traversées ne l’avait jamais laissé de marbre, et quand bien même il allait mieux depuis, elle ne s’était jamais départie de cette habitude régulière de demander des nouvelles le concernant. Lorsque le petit se battait encore pour sa vie alors qu’elle venait à peine d’accoucher, elle n’avait pu être le soutien qu’elle aurait parfois aimé être auprès d’Ezra, mais cela l’avait profondément bouleversé alors qu’elle tenait son propre fils, en plein santé, dans ses bras. “Il va super bien. Parfois trop j’ai envie de dire, tellement il est une boule d’énergie ambulante. Infatigable. Plus il grandit et pire c’est je crois.” Ce fut au tour de Livia de joindre son rire au sien, tant elle se retrouvait dans ses mots. “Et toi, comment va Gabriele?” “Je crois que j’ai le même à la maison, donc ça promet pour les années à venir.” Si aucune plainte ne se faisait réellement entendre dans le discours de l’italienne, elle leva pourtant les yeux au ciel, dans un semblant d’exaspération qui reflétait ce qu’elle ressentait parfois, mais qui était bien peu comparé à la joie que lui procurait la présence souvent tonitruante de son fils.

“Et toi? Comment tu vas?” Le sourire de la jeune femme se fit plus discret mais pas moins présent sur ses lippes. Surprise par la question, elle ne l’était pas, mais quelque peu hésitante quant à la réponse, si. La vérité tenait dans le fait qu’actuellement, elle allait bien, car l’inverse n’était en fin de compte pas réellement envisageable pour elle. Néanmoins, elle se doutait que la question englobait surtout le fait de savoir si elle allait mieux depuis que sa vie avait été bouleversée. “Honnêtement, bien. L’épicerie tourne à fond en ce moment, et j’ai un appart vraiment sympa pas loin d’ici.” Elle ne mentait en aucun cas, et n’essayait pas réellement d’éviter les sujets qui pouvaient fâcher - néanmoins, ils paraissaient inévitables dans une discussion entre deux personnes qui n’avaient pas pris de nouvelles depuis aussi longtemps. Aussi préféra-t-elle mettre les pieds dans le plat à son tour, car avec l’âge et les tourments lui était venue cette franchise plus décomplexée. “Je ne sais pas vraiment ce que t’as dit Cameron, mais ça fait un an que j’ai déménagé, donc tout le monde a repris ses marques. Ça a pris du temps, mais ça va, vraiment.” C’était en tout cas ce qu’elle croyait réellement, de son côté comme celui de son ex-compagnon. “Qu’est-ce qu’il t’a raconté, exactement?” La voix de l’italienne trahissait moins la volonté de contester la version des faits de Cameron, plutôt qu’une réelle curiosité quant aux pensées de son ex auxquelles elle n’avait plus réellement accès, finalement, ce qui lui manquait parfois encore.

S’ils ne s’étaient pas vus depuis quelques temps désormais - Ezra ne saurait dire avec précision la dernière fois qu’il avait pu maintenir une réelle conversion avec la jeune femme -, le Beauregard avait eu quelques nouvelles de Livia par le biais de Cameron, désormais son ex-mari. Cela faisait tout drôle à imaginer, qu’ils puissent ne plus être ensembles, alors qu’Ezra avait toujours eu l’impression que leur couple durerait encore pour des années et des décennies à venir. Il avait connu Livia, à l’époque, par le biais du Parrish et cela lui semblait plus que logique que le jeune homme épouse et garde auprès de lui la jeune femme. Comme quoi, le temps était d’une étrangeté et plein de surprises - qu’elles fussent bonnes ou mauvaises. Si Ezra n’était donc pas sans nouvelles de la jeune femme, ayant discuté peu de temps plus tôt avec Cameron, il ne lui avait pas parlé directement depuis plusieurs mois et lui semblait d’un des plus grands naturels que de lui demander des nouvelles de son petit garçon directement de vive-voix, comme elle venait de le faire l’instant précédant ce moment avec Noah. « Je crois que j’ai le même à la maison, donc ça promet pour les années à venir. » Ezra vint rire lorsqu’elle leva les yeux au ciel, sachant parfaitement qu’elle feintait et que ce n’était que pour mettre des gestes accordés aux mots qu’elle avait opté pour cette réponse non-verbale. Il comprenait, Ezra, ce qu’elle ressentait. Il n’avait pris qu’en cours de route l’éducation de son propre fils, mais l’aider à grandir au quotidien n’était pas chose aisée. Ces mini-être humains savaient se forger un vrai caractère dès le plus jeune âge, et il était parfois quelque-peu compliqué de composer avec au quotidien. « J’ai plus qu’à te souhaiter bon courage pour la suite alors. » Il vint ponctuer ses paroles d’un petit rire et d’un sourire affectueux, même si le fond de ces dernières restait on ne peut plus vrai. Il en fallait, toujours, du courage pour voir grandir son enfant, et l’aider dans toutes les manières qu’il était possible dans cette quête.

Cependant, si parler de leurs fils était quelque chose d’aisée et un bon amorceur de conversation, ce n’était pas pour prendre des nouvelles du gamin qu’Ezra était venu boire ce café aujourd’hui, mais pour savoir comment était la jeune femme. Il n’avait pas été trop présent ces derniers temps - si ce n’était pas du tout - pour eux, pour elle, et il s’en voulait un brin. Il voulait tenter de faire mieux désormais. « Honnêtement, bien. L’épicerie tourne à fond en ce moment, et j’ai un appart vraiment sympa pas loin d’ici. » Les yeux d’Ezra n’avaient pas lâché le visage de Livia, tentant d’y voir si elle s’adressait à lui avec l’entière vérité ou si elle tentait juste de noyer un poisson là où ce n’était pas nécessaire. Mais de ce qu’il voyait, de ce à quoi elle lui donnait accès, la demoiselle semblait tout à fait honnête avec lui. « Je ne sais pas vraiment ce que t’as dit Cameron, mais ça fait un an que j’ai déménagé, donc tout le monde a repris ses marques. Ça a pris du temps, mais ça va, vraiment. » Et elle ne tentait pas de noyer le poisson sur ce point là non plus. D’un côté, Ezra était content, cela montrait qu’il représentait encore quelqu’un de confiance à ses yeux, et qu’elle était prête à avoir ce type de discussion là avec lui. Il ne lui en aurait pas voulu, si elle avait désiré tout le contraire de ce vers quoi il dirigeait la conversation. Il aurait surement été un peu déçu mais Ezra était un grand garçon qui comprenait désormais les problèmes des grandes personnes, et étant un ami de Cameron à l’origine de toute cette histoire, il aurait pu être tout à fait logique de la part de Livia qu’elle ne veuille pas venir discuter de ses sources de couple avec un ami de son ex-mari.

« Qu’est-ce qu’il t’a raconté, exactement ? » Ezra vint plonger un instant son regard dans celui de l’italienne, pesant le pour et le contre de ce qu’il pouvait bien se permettre de raconter. En effet, si Livia aurait pu ne pas désirer s’interposer entre les deux jeunes hommes et dans leur amitié, le Beauregard en désirait pas mettre son grain de sel là où il n’était pas attendu. Mais il avait toujours été honnête avec Livia, et il ne comptait pas se détourner de cet objectif là aujourd’hui, pas alors qu’il était celui qui avait enclenché cette conversation là. C’était plutôt légitime de sa part que de poser ce type de question - la curiosité n’était pas un vilain défaut comme d’autres pouvaient le prétendre, selon Ezra. « Que vous étiez plus ensembles. » C’était peut-être l’évidence et il enfonçait peut-être une porte ouverte, mais cela lui semblait nécessaire de le dire à haute voix. Qu’il mette des mots sur ses connaissances, sur ce qu’on lui avait appris plus quelques temps plus tôt. « J’étais sur le cul, je dois dire. » Il avait légèrement haussé un sourcil, s’osant une petite moue accrochée à ses lèvres. Il avait toujours été honnête avec la jeune femme et il savait qu’elle le connaissait assez pour savoir qu’il agirait comme tel à ses côtés. L’avantage d’avoir les années de leur côté. « Que vous viviez plus ensemble non plus par la même occasion, que le petit faisait les navettes entre vos deux logements. » Il vint cependant par la suite se gratter quelque peu la gorge. La partie qu’il venait d’énumérer, c’était la partie facile, celle qui était aisément discutée à l’orale. L’autre partie, celle sur laquelle Ezra hésitait présentement à venir apporter dans la conversation, était bien moins facile à aborder. Lorsque cela touchait les généralités, c’était toujours plus simples - les spécificités étaient la partie toujours plus délicate. « Il m’a dit que c’était pas simple tous les jours et que tu lui manquais aussi. » Et puis il vint finalement s’arrêter là. Parce-qu’il ne savait pas jusque où il pouvait réellement se permettre de dévoiler ce que Cameron lui avait dit, entre deux verres, alors qu'ils enterraient son oncle. Il comprenait la curiosité de Livia, mais il ne savait pas jusque où il pouvait se permettre de l’alimenter sans que cela ne soit au delà des limites de l’entendu. Alors, après un petit soupire quelque peu gêné, Ezra vint relever son regard dans celui de la jeune femme. « Qu’est-ce qu’il s’est passé, Livia ? » La question était frontal, mais il ne faisait jamais dans les sous-entendu.

Spoiler:

“J’ai plus qu’à te souhaiter bon courage pour la suite alors.” Oh qu’elle allait en avoir besoin, de courage, pour gérer le tourbillon que s’annonçait déjà être son fils pourtant si petit encore. On lui avait souvent répété que les enfants s’assagissaient avec l’âge - ce fameux âge de raison - mais elle avait du mal à croire dans le cas de Gabi. Le fait qu’il la pousse à être toujours aussi active et occupée lorsqu’elle en avait la garde était une des raisons qui lui laissait à penser qu’elle avait sûrement assez d’un fils, et qu’elle n’avait pas à regretter si amèrement que la famille nombreuse qu’elle s’était un jour imaginée n’existe plus que dans ses souvenirs et ses regrets. Pourtant, cette idée latente ne disparaissait jamais complètement, même si l’italienne s’était faite à ce nouveau quotidien qui la comblait en presque tous points. Si Livia était ravie d’apprendre que Noah se portait comme un charme et qu’elle l’était tout autant de donner à Ezra des nouvelles de Gabi qu’il avait beaucoup vu par le passé, elle se préparait déjà à la conversation qui l’attendait au tournant - raison pour laquelle elle finit par l’amorcer elle-même.

Elle ne savait pas réellement ce qu’Ezra avait pu entendre à son sujet, à leur sujet avec Cameron, ni même s’il en était étonné ou peu surpris en réalité. Cela faisait désormais plus d’un an que ses conversations avec Cameron ne dépassaient plus vraiment le stade de la co-parentalité, car il avait été nécessaire de couper le lien à un moment donné, pour avancer. Cela ne s’était pas fait sans heurts, sans cris et sans larmes, mais ils avaient mutuellement fini par comprendre qu’il s’agissait de la bonne solution pour eux comme pour leur fils, qui méritait de connaître un quotidien dénué des tensions qui les avaient animés pendant trop longtemps. Pour autant, toute la famille s’était faite à cette nouvelle organisation qui avait pris du temps à se mettre en place mais était désormais parfaitement rodée - si l’on oubliait les quelques fois où Gabi réclamait son père lorsqu’il était avec Livia, et que cette dernière ne pouvait s’empêcher d’avoir la gorge terriblement nouée devant cette demande à laquelle elle n’avait aucune réponse satisfaisante. Au fond, elle avait tourné la page, s’en était persuadée du moins, et elle ne pouvait qu’être curieuse de la manière dont Cameron avait perçu ces changements et pouvait les avoir racontés à Ezra. “Que vous étiez plus ensembles.” Il ne se mouillait pas trop, le Beauregard, et elle ne pouvait que le comprendre - Livia était la première à prendre des pincettes dans ce genre de discussion délicate, lorsqu’il s’agissait de quelqu’un d’autre. “J’étais sur le cul, je dois dire.” Livia s’autorisa une moue presque amusée, davantage par la formulation d’Ezra que par la teneur de son discours. Au fond, elle n’était pas réellement étonnée qu’il le soit, car elle et Cameron avaient tenté de maintenir une façade d’unité jusqu’à ce que cela ne soit plus possible. Jusqu’à ce qu’elle craque, qu’elle n’en puisse plus d’avoir l’impression d’être trop seule à gérer cette famille, à parler avenir et projets. “Que vous viviez plus ensemble non plus par la même occasion, que le petit faisait les navettes entre vos deux logements.” “Gabi s’y fait vraiment bien. J’ai fait exprès de ne pas prendre un appartement trop loin.” A ces mots, l’italienne hocha la tête, jusque-là satisfaite que Cameron n’ait pas inventé des informations qui n’avaient pas lieu d’être. Elle n’avait jamais réellement cru qu’il pourrait la descendre plus bas que terre, car elle savait que ce n’était pas son genre et qu’ils ne s’étaient pas déchirés à ce point, mais ce genre de situation était toujours délicat. Elle-même avait parfois du mal à mettre des mots sur ce qu’il s’était réellement passé - après tout, elle n’avait pas réellement d’autre expérience à comparer à celle-ci, et c’était ce qui faisait aussi le plus mal. Qu’elle ne retrouve jamais ce qu’elle et Cameron avaient, que cela soit définitivement terminé entre eux.

“Il m’a dit que c’était pas simple tous les jours et que tu lui manquais aussi.” Il s’agissait là de la première information qu’elle entendait de la bouche d’Ezra sans que Cameron ne lui en ait fait part - du moins, plus depuis quelques temps. Les premiers mois, l’ajustement avait mutuellement été compliqué, et l’envie de tout oublier et de retourner en arrière était bien présente. Mais Livia savait que cette décision était basée sur un mal être enfoui depuis bien trop longtemps, pour pas dire depuis la naissance de leur fils, et il n’était plus pensable de continuer à le mettre sous le tapis en prétendant que tout allait bien. Pour autant, cela ne signifiait pas que Cameron ne lui manquait pas, sa personne souvent, son corps parfois, leurs souvenirs partagés toujours. “J’aimerais que ce soit simple.” Elle en avait rêvé, même, de passer à autre chose en un claquement de doigt, mais elle n’avait pas besoin d’en dire plus pour confirmer qu’elle-même souffrait des mêmes difficultés que son ex. Pour autant, ce n’était pas dans ses habitudes de se plaindre, et elle préférait nettement avoir une discussion à cœur ouvert avec Ezra, plutôt que de ne pointer que les difficultés. Quand bien même ils ne s’était pas vus depuis ce qu’elle considérait comme longtemps, il faisait sans doute aucun partie des personnes à qui elle aurait confié son fils sans hésiter - ce qui signifiait par conséquence qu’elle pouvait lui confier ses pensées sans craindre de jugement. Au contraire, lui-même avait connu son lot de difficultés et de séparations, et elle n’était jamais contre des conseils basés sur le vécu d’autres personnes. “Qu’est-ce qu’il s’est passé, Livia?” Il avait hésité avant de lui poser la question, elle l’avait senti, et lui avait donc offert un sourire discret comme pour l’assurer qu’elle ne lui tenait pas rigueur de toutes les questions qu’il pouvait avoir. Si tant est qu’elle en ait la réponse, ce qui n’était encore une fois pas si simple. “Pour être honnête, c’est difficile à expliquer.” L’italienne vint se redresser sur son siège et se pincer les lèvres, non pas pour tourner autour du pot, mais parce qu’elle ne voulait pas servir à Ezra le même discours qu’elle avait servi à d’autres. Que leurs divergences étaient trop grandes et qu’il s’agissait de la meilleure des décisions, que c’était la vie. Car la réalité englobait bien plus de nuances que celles-ci, et s’il y avait bien une personne capable de les entendre car il connaissait les deux parties impliquées, il s’agissait d’Ezra. “Je pense qu’on avait pas les mêmes attentes, ou pas au même moment. J’ai toujours senti que Cam était pas un grand fan de l’engagement.” Cela n’était un secret pour personne, et donc sûrement pas pour Ezra. “J’ai peut-être trop poussé, je ne sais pas.” Le but de Livia n’était pas d’accabler Cameron, et les mots qui franchissaient la barrière de ses lèvres servaient autant d’exécutoire à ses propres pensées que d’explications au profit du blond. “J’avais l’impression de faire mes projets toute seule, d’être la seule pour qui ça comptait vraiment.” Elle finit par lever timidement une main en l’air, comme pour illustrer la frustration qui ressortait de ses paroles. “Pourquoi tu crois qu’on était pas mariés? J’ai toujours voulu, moi.” Mais le mariage ne faisait pas vraiment partie de ces institutions dans laquelle on poussait quelqu’un qui n’y accordait que peu d’importance, ou pire, qui le redoutait.

Dans tous les cas, au cours de leurs discussions du jour, les deux jeunes gens n’auraient pas pu éviter l’éléphant dans la pièce. Et Ezra était plutôt reconnaissant envers Livia que ce soit elle qui en soit venue à amener le sujet de sa séparation avec Cameron sur la table. Le Beauregard y serait venu, à un moment ou à un autre, mais n’aurait pas spécialement été à l’aise avec l’idée de le faire. Au moins, la jeune femme avait pu les emmener vers cette discussion de la façon qui la rendait la plus à l’aise. « Gabi s’y fait vraiment bien. J’ai fait exprès de ne pas prendre un appartement trop loin. » Il n’était même pas étonné qu’elle ait pris cette décision là, en venant déménager. Les enfants étaient toujours - ou tout du moins, dans les cas où les parents divorçant étaient sains d’esprit - quelque-chose mis en avant pendant les séparations; ce n’étaient pas aux bambins de venir trinquer pour des histoires d’adultes où ils n’avaient rien demandé. Ezra connaissait assez bien Cameron pour savoir qu’il n’irait pas jusqu’à mettre l’équilibre de son enfant en péril à cause d’une séparation. Et puis, il avait pu aborder doucement le sujet avec ce dernier la dernière fois qu’ils s’étaient vus, c’était aussi la raison pour laquelle certaines idées pouvaient être mises sur la table aujourd’hui sans qu’Ezra ne prenne trop de risque de venir appuyer sur des points qui ne le concernaient en rien. « J’aimerais que ce soit simple. » Ses lèvres vinrent se pincer en une petite moue désolée. Il savait que ce n’était jamais le genre de situation facile à gérer, et il savait aussi parfaitement à quel point Livia et Cameron avaient pu s’aimer.

Et c’était aussi pour cette raison là qu’il ne comprenait pas comment ils avaient pu en arriver là. Il aurait pu tourner autour du pot pendant des heures, éviter les fragilités de cette conversation comme un professionnel et repartir de ce rendez-vous avec la jeune italienne sans avoir pointé du doigt ce qu’il ne comprenait pas en détails. Cependant, adopter ce genre de comportement, ce n’était pas Ezra. Il n’était pas du genre à faire des courbettes et des fantaisies pour éviter le sujet principal et passer à autre chose avec les gens qu’il connaissait bien - et, pour lui, Livia faisait partie de cette catégorie là. Alors, il lui posa la question: qu’est-ce qu’il s’est passé ?; sans artifices, sans détours possibles, de but en blanc. « Pour être honnête, c’est difficile à expliquer. » Malheureusement, toutes les fins de relations étaient bien plus complexes qu’elles n’y paraissaient. Et il était souvent difficile de mettre des mots sur des maux, si bien qu’Ezra ne vint ajouter aucun mot, aucun commentaire, laissant toute la place dont la jeune femme avait besoin pour venir s’exprimer. « Je pense qu’on avait pas les mêmes attentes, ou pas au même moment. J’ai toujours senti que Cam était pas un grand fan de l’engagement. » Désolé de devoir être d’accord avec Livia, il vint pincer ses lèvres en hochant délicatement la tête. Pour le connaître depuis une poignée d’années, il savait que Cameron n’était pas le premier à se jeter dans le grand bain et Ezra avait toujours été fasciné qu’il ait réussi à trouver son équilibre avec la jeune femme, justement. « J’ai peut-être trop poussé, je ne sais pas. J’avais l’impression de faire mes projets toute seule, d’être la seule pour qui ça comptait vraiment. » Les yeux du Beauregard vinrent se poser sur la main qu’elle vint hausser devant son visage, plissant un brin les paupières, attendant la phrase où elle désignerait là où elle voulait en venir. « Pourquoi tu crois qu’on était pas mariés? J’ai toujours voulu, moi. » Moi, qui venait parfaitement illustrer le fait que Cameron n’était réellement pas de celui qui s’engageait malgré la perle rare à son bras.

Alors, Ezra vint s’autoriser un petit soupire, venant reporter son regard un instant sur son café en train de refroidir. Dans un sens, il était plutôt rassuré d’entendre ces mots là sortir de la bouche de Livia, car ils venaient corréler avec les dires qu’il avait pu entendre du côté de Cameron. Avec leur pointe de nuance selon les points de vue, certes - cela ne pouvait se faire autrement -, mais les raisons semblaient être établies de façon équitable des deux côtés. « Il est vrai que j’ai du mal à imaginer Cameron se marier. » Le petit sourire en coin qu’il vint avoir été quelque peu amusé, même si ce n’était pas forcément l’endroit où le moment de venir esquisser un semblant de rire sur ce type de situation. « Mais j’ai toujours pensé qu’il le ferait, pour toi. » Il vint hausser les épaules, abordant toujours cette attitude généralement désolée pour la jeune femme que ses projets n’aient pu aboutir avec celui qui partageait sa vie depuis tant de temps. « Il a été con, sur ce coup là. » Petit soupire venant parfaitement illustrer ses propos. « C’est pas pour prendre la défense de l’un et pas de l’autre, mais t’étais parfaite pour lui et s’il s’est arrêté à ça, il a agi de façon stupide. » Bien sur que présentement, il venait prendre un parti. Il avait beau connaître Cameron depuis bien plus longtemps que la demoiselle, c’était pourtant de son côté qu’il se rangeait présentement. Il y avait des choses où les couples pouvaient ne pas toujours être d’accord, mais les engagements étaient indéniables sur le long terme. Que ce fusse pour un mariage ou un enfant, ou toute autre forme habituellement connue, les engagements se faisaient en allant de paire avec les concessions. Mais tout ça, c’était fait à deux, main dans la main - là était en tous cas la vision qu’avait Ezra des relations de couple durable. C’était bien beau de penser ça lorsqu’il n’était pas le mieux placer pour discuter relation à long terme là où il n’avait jamais été lui-même foutu de garder quelqu’un dans sa vie plus de quelques années.

Spoiler:

Ezra ne tentait même pas de cacher son air désolé à l’écoute des paroles de Livia, alors que cette dernière ne cherchait en aucun cas à attirer sa pitié par ses explications. La seule raison pour laquelle elle ne disait rien à ce propos tenait simplement du fait qu’elle aurait très certainement affiché la même moue s’il lui avait fait part de ce genre de nouvelles - celles devant lesquelles il était difficile de rester pour marbre pour peu que l’on y soit sensible. Il eut la décence, la gentillesse, ou l’intelligence - difficile de nommer laquelle des trois - de la laisser finir ses explications sans tenter de la couper ou de lui faire réaliser qu’elle se fourvoyait peut-être quant aux intentions de Cameron. Si les raisons de leur séparation avaient tout de même donné lieu à nombre de discussions entre eux, et que l’italienne ne pensait pas avoir faux sur toute la ligne, peut-être qu’Ezra était en possession de détails qu’elle ignorait et qui pourraient l’éclairer davantage. Que ce soit le cas ou pas, il la laissa terminer, son regard ancré dans le sien avant qu’il ne vienne le reporter sur son café. D’un geste maladroit qu’elle accompagna à son tour d’une moue désolée, elle vint avaler la dernière gorgée du sien, déjà entamé avant que le Beauregard ne prenne place en face d’elle. Elle se serait volontiers excusée de l’avoir accaparé suffisamment longtemps pour que son café refroidisse, mais la teneur de leur échange reflétait désormais assez de confiance mutuelle pour qu’elle ne se répande pas en excuses pour un malheureux café.

Les traits du Beauregard finirent par se détendre en un léger sourire presque amusé. “Il est vrai que j’ai du mal à imaginer Cameron se marier.” A dire vrai, Livia préférait encore plaisanter à ce sujet que s’en lamenter, car elle avait pris conscience au fil du temps que ressasser ce qui avait mal tourné ne l’aidait en rien, au contraire. Alors à son tour, elle s’autorisa un hochement de tête comme pour lui donner malheureusement raison et s’amuser d’elle-même. “Moi aussi, mais l’espoir, tu sais.” L’espoir, cette chose qui l’avait tenue en haleine pendant des années avant qu’elle ne décide à contre-coeur d’abandonner, envers et contre sa nature même. Pourtant, c’était ce même espoir qui l’avait convaincue de donner de son temps et son énergie dans d’autres choses, qui avaient su en temps voulu combler une partie du vide laissé par ses anciens idéaux. “Mais j’ai toujours pensé qu’il le ferait, pour toi.” Comme quoi, l’espoir touchait tout le monde, même ceux qui n’étaient pas directement concernés. Elle croyait volontiers qu’il ait pu avoir cette pensée, car elle-même l’avait traînée pendant de nombreuses années, persuadée que la vie qu’elle avait construite avec Cameron passerait au-delà de leurs barrières mutuelles. “Il a été con, sur ce coup là.” Le soupir d’Ezra tira un petit rire à la jeune femme, qui était à la fois amusée et émue par cette remarque, d’autant plus que le blond n’était pas du genre à parler à la légère alors qu’il en pensait le contraire. “C’est pas pour prendre la défense de l’un et pas de l’autre, mais t’étais parfaite pour lui et s’il s’est arrêté à ça, il a agi de façon stupide.” Bien évidemment qu’elle ne lui demandait en aucun cas de prendre partie à travers cette discussion dans laquelle le principal intéressé n’était même pas inclus. Néanmoins, l’italienne était toujours touchée lorsqu’elle sentait que la personne en face d’elle entendait réellement ses arguments, comme c’était le cas pour Ezra. Cela ne rendait pas plus facile d'entendre à quel point elle et Cameron était faits l'un pour l'autre, pourtant, et un voile de triste obscurcit momentanément ses yeux avant qu'elle ne les relève. “Après, ça s’arrête pas qu’à une histoire de mariage, évidemment…” Leurs divergences de points de vue avaient entraîné bien d’autres désaccords, qui s’étaient accumulés au fil de temps jusqu’à venir empiéter sur le reste. Parfois, Livia ne se rappelait même pas de l’origine de la rancœur qu’elle avait accumulée envers Cameron sur de nombreux sujets, jusqu’au moment où tout avait explosé pour venir briser les morceaux d’une vie parfaite qui ne l’était désormais plus. “C’est une accumulation de plein de choses, et en dix ans il y a de quoi accumuler…” Dix ans. Lorsqu’elle prononçait ses mots, cela lui semblait toujours aussi irréaliste, d’autant plus depuis que ces années-là avaient pris fin. “Mais je cherche pas à l’accuser.” En réalité, cela dépendait surtout des moments, et le cœur de l’italienne n’était pas toujours exempt de rancœur, malgré ses efforts pour la dissiper. “Je pense qu’on a jamais voulu se faire du mal... et c’est le plus important.” Les bonnes intentions ne permettraient jamais de recoller ce qui était cassé, mais cela leur permettait au moins d’agir en adultes et en parents responsables qui éprouvaient toujours beaucoup d’affection l’un pour l’autre.

Enfin, l’italienne vint se redresser comme pour prendre une inspiration après avoir déballé tout ce qui se mélangeait dans son esprit depuis qu’elle savait qu’elle allait très certainement aborder le sujet avec Ezra. Elle avisa du regard son café avant de le pointer du doigt. “T’en veux un autre? J’ai trop parlé là.” En fin de compte, évidemment qu’elle allait s’excuser pour un café froid, même si elle le faisait sur le ton de la plaisanterie. “Je te demanderais bien des nouvelles, mais si elles sont aussi longues que les miennes…” Et surtout, s’il avait l’intention de lui en faire part, aujourd’hui, demain ou n’importe quel autre jour qu’elle espérait bien voir venir. Contre toutes attentes et malgré la gêne qui lui serrait le ventre avant de s’asseoir face à Ezra, se confier lui avait fait le plus grand bien, et elle n’avait désormais plus l’intention de manquer à son devoir de prendre des nouvelles du Beauregard - surtout si les siennes étaient plus passionnantes, ce qu’elle espérait.

« Moi aussi, mais l’espoir, tu sais. » Oh, oui, il le connaissait on ne peut que trop bien Ezra, l’espoir. Il avait été l’essence même de son moteur pendant des temps affreusement longs - et même lorsqu’il n’aurait plus du l’être, il avait préféré en remettre dans le réservoir plutôt que de se rallier à la réalité. L’espoir faisait vivre, l’adage était des plus vrais lorsqu’il en devenait nécessaire. Et en grand spécialiste de cette affaire, il était vrai que le Beauregard avait toujours espéré que le couple formé par Livia et Cameron serait éternel et qu’ils s’étaient réellement bien trouvés. Comme quoi, il n’y avait pas que pour sa propre histoire qu’il ne savait guère correctement placer son espoir, mais également pour celles des autres. « Après, ça s’arrête pas qu’à une histoire de mariage, évidemment… C’est une accumulation de plein de choses, et en dix ans il y a de quoi accumuler… » Elle n’avait pas encore tout à fait terminer sa phrase que déjà, il en venait à hocher doucement la tête. Il savait, tout ça. Même si Cameron n’avait pas touché de mot sur cette partie là, il pouvait amplement imaginer qu’une séparation de la sorte ne se faisait pas uniquement sur un désaccord à propos d’une union plus officielle. D’autres pierres venaient s’ajouter à l’édifice facilement, et le temps faisait le reste - même si parfois, il le faisait un brin trop bien. « C’est quelque chose d’important dans une histoire, dix ans. » Il ne le savait que trop bien, qu’en disant, des choses pouvaient venir se mettre en travers d’une route. Il ne connaissait qu’avec trop d’ardeur cette sensation de se retourner et de voir tout le chemin parcouru pendant ce laps de temps qui semblait avoir filé entre les doigts bien trop rapidement. Un instant, les sourires étaient en tête d’affiche et les regards amoureux plein d’énergie - celui d’après, tout cela avait été remplacé par une incompréhension prenant toute la place.

Secouant quelque peu la tête, Ezra vint se gratter discrètement la gorge, prenant un gorgée de son café devenu définitivement froid - il retint cependant la petite grimace allant de paire avec la situation. Il ne fallait pas trop s’enfoncer dans ce type de pensées, parfois, ou il pouvait être difficile de s’en ressortir correctement - il était un professionnel dans le domaine. « Mais je cherche pas à l’accuser. » Son regard qui vint rattraper celui de la jeune femme. « Je pense qu’on a jamais voulu se faire du mal... et c’est le plus important. » « Ca, j’en doute pas un seul instant. » Même si de l’amour à la haine, il n’y avait effectivement qu’un seul pas assez facile à parcourir, il ne voyait ni Livia ni Cameron veni l’effectuer pour rendre l’autre misérable. Et c’était la raison pour laquelle il n’avait pas attendu le moindre instant pour venir affirmer cette pensée, parce-qu’il n’en avait jamais douté pour de vrai. « Même si j’espère réellement qu’il ne s’est pas arrêté à ça, je vois pas Cameron vouloir te blesser d’une manière ou d’une autre. » Il connaissait assez bien le jeune homme, malgré les années écoulées depuis leur rencontre, pour affirmer ce genre de choses. Et s’il se trouvait à avoir tort, les oreilles de Cameron allaient se retrouvées tirées par Ezra lui-même. Si le Parrish était venu à blesser Livia en ayant l’intention d’agir ainsi, il ne laisserait pas passer ça.

« T’en veux un autre? J’ai trop parlé là. » Que Livia vint finalement dire, en portant du doigt le café d’Ezra. Un petit rire vint s’échapper d’entre les lèvres du jeune homme, alors qu’il venait doucement secouer sa tête. « T’en fais pas, c’est surement mieux pour ma santé si j’ai eu le temps d’en boire qu’un seul de toutes façons. » Toutes les autres excuses du monde qui pourraient venir contrecarrer le fait qu’elle avait beaucoup parlé seraient les bienvenues. Parce-qu’à ses yeux, elle n’avait pas trop parlé, Livia, ils ne s’étaient simplement pas assez vus dernièrement pour que toutes ces explications soient séparées en plusieurs épisodes. « Et t’as pas trop parlé, t’en fais pas pour ça non plus. » Le sourire qu’il vint désormais afficher était rassurant, bienveillant. En aucun cas il ne pourrait penser ça, il n’avait réellement pas besoin de se forcer pour venir lui affirmer. Si elle en avait aussi gros sur le coeur, mieux valait que cela sorte plutôt que de garder ça pour elle. Et si Ezra aurait pu couper court à certains passages de leur histoire en ayant vu Cameron peu de temps auparavant, il savait pertinemment qu’il y avait toujours deux versions à chaque histoire et que chaque point de vue était intéressant à connaître - cela pouvait rapidement amener des histoires dans des situations impossibles, autrement. « Je te demanderais bien des nouvelles, mais si elles sont aussi longues que les miennes… » Il eut un petit rire, en tant que première réponse aux paroles de la demoiselle. Autant pour venir détendre l’atmosphère qui avait pu être alourdie par les idées échangées que pour venir lui indiquer qu’elle n’avait pas besoin de se laisser aller sur ce type de chemin pentu. Il y avait des nouvelles dans la vie d’Ezra, mais rien qui pourrait rendre intéressant une conversation et surement rien qui pourrait venir satisfaire quelconque curiosité de la part de la jeune femme. « Ma vie est pas intéressante de toutes façons, t’inquiète pas. » Il vint lui faire un petit clin d’oeil, haussant en parallèle les épaules. « Le plus important à savoir, c’est que Noah va bien… » Et, venant jeter un coup d’oeil à sa montre, il vint faire un légère grimace. « … et que je vais devoir t’abandonner pour aller le chercher à l’école. » Il aurait préféré rester là encore quelques temps pour être sûr de ne pas abandonner la jeune femme alors qu’elle désirait pouvoir discuter encore un petit temps de Cameron et de tout ce qui en découlait.

Malheureusement, un autre devoir auquel il ne manquait plus une seule fois depuis que son regard s’était posé sur son fils l’appelait. Soupirant un brin, il vint se relever, déposant quelques billets sur la table afin de régler son café ainsi que celui de la jeune femme. « Il faudrait que tu passes à la maison, un jour, avec Gabriele. Noah sera ravi de se faire un nouveau copain de jeux, je suis sûr. » Il vint étirer un petit sourire, un brin amusé et tout autant taquin aux coins des lèvres. « Y’a pas que lui qui serait content de vous voir passer. » Ils avaient beau s’être connus à travers Cameron et avoir ce dernier comme dénominateur commun pendant des années, la présence de Livia était loin d’être dérangeante - bien au contraire -, et Ezra ne serait pas contre en profiter une autre fois lorsqu’ils auraient davantage de temps devant eux. Alors, après avoir hésité une seconde de plus, il vint déposer un baiser sur la joue de la jeune femme avant de s’en aller de la terrasse du café pour rejoindre sa voiture.

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