Il n'y avait plus aucun doute: Tim avait définitivement grandi au cours des derniers mois qui venaient de s'écouler, comme quoi le fait de devenir père lui avait apporté plus qu'il n'aurait pu l'envisager avant la naissance des deux petits. Avec leur arrivée, en effet, Decastel avait dû apprendre à se responsabiliser, à penser pour trois plutôt que de se replonger perpétuellement dans ses bien tristes souvenirs. Au bout du compte, il avait cessé d'aller se terrer au fond des placards qu'il trouvait lors d'une crise de panique quelconque, non, l'ancien soldat prenait les choses en main, serrait les poings quelques instants en reprenant son souffle pour mieux retourner dans l'arène parce que les enfants comptaient sur lui. A force de se répéter ce laïus, le concept avait fait son nid au creux de son cerveau et la majorité des crises avaient fini par s'arrêter. Tim redevenait peu à peu un homme normal, si une telle chose existait en réalité. Il arrivait à avoir un travail lambda, loin de son cimetière sombre qui ne faisait rêver absolument personne mais avait-il perdu de son originalité pour autant? Non, il resterait probablement pour toujours ce garçon gentil et serviable, quoiqu'un peu timide, même si son assurance s'était développée en une année. Désormais, il était face à de la clientèle, ce qui sembla choquer Charlie et à raison, vu les difficultés qu'il avait longtemps eues à s'exprimer face à autrui, que ce fut à cause de bégaiements ou de rougeurs naissantes sur ses joues. Il allait mieux, c'était indéniable et c'était clairement une version de lui que Villanelle n'avait pas eu l'occasion de côtoyer en vue de leur passif de ces derniers mois mais elle verrait, quelque part elle voyait déjà. Il était le père qui gérait la moindre situation, emmenant apparemment de temps en temps les jumeaux à proximité d'un beau livre pour les nourrir d'une multitude d'histoires, pas dans l'histoire qu'ils en ressortent plus intelligents, non, l'affaire était déjà faite sur la question mais plutôt qu'ils deviennent des rêveurs ou des curieux, quelque chose que Tim avait été lui aussi par le passé, avant les traumatismes. Il en revenait néanmoins, hochant la tête face à la proposition finale d'une Charlie qui désirait ardemment qu'il possède un double des clés, le brun espérant que ce n'était pas dans l'optique d'en partir et de le laisser se débrouiller avec toutes ses affaires. Non, Timothy devait lui faire confiance, ou apprendre à le faire malgré cette fuite difficile, il n'avait plus que ce trait de caractère doux pour l'appuyer dans cette direction. Alors, il laissa Charlie s'occuper de Willow alors qu'il était en charge de Gabriel, les deux bébés gigotant chacun à leur manière entre les bras du parent face à eux. "Il y a tout ce qu'il faut pour eux dans la cuisine. Il y a leur nom sur chacun des biberons, ils commencent à chouiner quand ils remarquent que c'est pas leurs affaires, à croire qu'on les a faits avec trop de caractère." Tim se dirigea d'ailleurs vers ladite pièce pour se munir des affaires de Gabriel, laissant au soin de Charlie de gérer Willow, en espérant qu'elle n'ait pas tout oublié lors de ces longues semaines loin d'eux. "Elle est beaucoup plu gourmande qu'avant, je te préviens." Willow avait longtemps été la plus frêle des deux bébés mais elle prenait clairement sa revanche, ce petit glouton de Gabriel se laissant rattraper sans souci alors qu'il attendit deux petites minutes que son père réchauffe le biberon, fin prêt à téter dès qu'on lui présenta sa chère nourriture. "Il y a eu quelques changements, mais rien de gigantesque encore." Non, ils n'avaient pas encore essayé de se mettre debout, heureusement d'ailleurs que Charlie n'avait pas loupé de moments essentiels, c'aurait été dur d'expliquer l'absence de leur mère sur les vidéos.

Il aligne les conseils et lui donne toutes les explications nécessaires pour qu’elle sache se retrouver dans cet appartement qu’elle n’a jamais pris le temps de découvrir. Les affaires des jumeaux sont rangées et organisées et non pas que cela l’étonne, loin de là, mais elle reste simplement souriante face à une telle vision. Dans ses bras, Willow hésite entre se rendormir ou faire un caprice parce que sa nourriture n’arrive pas assez vite alors la jeune mère fait au mieux pour la bercer en même temps que son biberon chauffe. "Il y a tout ce qu'il faut pour eux dans la cuisine. Il y a leur nom sur chacun des biberons, ils commencent à chouiner quand ils remarquent que c'est pas leurs affaires, à croire qu'on les a faits avec trop de caractère." Leur fille a toujours été celle avec le plus gros caractère mais Charlie n’a jamais douté que Gabriel suivrait le même chemin un jour. Ils sont fait du même bois et reçoivent la même éducation, il est finalement normal qu’ils prennent tous deux le même chemin de vie - et pensent cela judicieux de faire des histoires pour des choses aussi futiles que des biberons échangés. A leur âge, pourtant, les adultes ont tendance à tout leur pardonner, les parents en particulier. Ainsi la blonde a précautionneusement choisi le biberon estampillé d’un W, pour ne pas que sa fille alarme tout l’immeuble.

"Elle est beaucoup plu gourmande qu'avant, je te préviens." Et comme s’il venait de balancer sa propre fille, Charlie a un sourire suivit d’un regard en coin en direction du nourrisson pris sur le fait. “Petite coquine, tu m’avais pas dit ça.” Elle n’avait rien d’une gourmande à l’époque alors la nouvelle a tout pour l’étonner et c’est une raison de plus pour presser un peu plus la cadence et tester rapidement la température de son lait à l’intérieur de son poignet. "Il y a eu quelques changements, mais rien de gigantesque encore." Annonce une ultime fois Tim en arrière plan alors que la plus jeune se contente de hocher de la tête, égoïstement heureuse que le monde n’ait pas tant continué de tourner que ça en son absence.

Ne sachant pas quand est ce qu’elle pourra retrouver ses enfants, Charlie profite au maximum de ce dernier instant à leurs côtés et le simple fait de leur donner le biberon devient quelque chose d’incroyable. Ses lèvres sont animées d’un sourire niais qu’elle ne remarque même pas alors que ses yeux restent accrochées à ceux de Willow. “Ils ont l’air de se plaire ici.” Simple remarque qui ne mène nulle part, elle éprouve simplement l’envie de lui faire part du fond de sa pensée - puisqu’à partir d’aujourd’hui elle se promet de ne plus rien lui cacher. La vie des jumeaux se résumant encore majoritairement  à manger et dormir, Willow n’a besoin que d’une dizaine de minutes pour montrer de nouveaux signes de fatigue et quelques autres de plus pour se blottir contre le cou de sa mère et s’y endormir, une couverture bien trop grande posée sur ses délicates épaules. S’enfonçant elle même un peu plus entre les coussins du canapé, elle garde la jeune blonde bien au chaud, aposant ses lèvres contre sa tempe pour l’embrasser, oubliant de les en retirer ensuite. “Tu penses qu’on arrivera à trouver un équilibre, un jour ?” Ils n’en ont jamais eu, finalement, et en trouver un est aujourd’hui tout ce qu’elle désire.

Il ne savait pas tellement où se placer mais qui pourrait le blâmer d’un tel fait? Timothy avait passé les derniers mois à se battre contre ses démons, l’éternel abandon et toutes les tâches à effectuer pour s’occuper des jumeaux au quotidien. Clairement, le grand brun avait été surmené mais il avait géré les événements avec autant de flegme nécessaire, sans se laisser totalement déborder. Pourtant, Decastel aurait pu craquer, sombrer et ne plus jamais revenir à la surface car c’était trop d’un coup, depuis un moment déjà. Il s’était retrouvé à nouveau seul du jour au lendemain mais au lieu de devoir maîtriser les soucis d’un ego au bout du rouleau, il avait dû assumer pour trois êtres en même temps, autant dire qu’il avait été face à une montagne… Mais il en était sorti vainqueur, apparemment plus à même d’être en phase avec ses émotions, pour sûr que les deux petits monstres n’étaient pas étrangers à ce fait. C’était une évidence, oui, que la présence de Willow et Gabriel avait remis les choses en perspective et avait quelque part forcé Timothy à s’offrir plus d’instants de sérénité. Ce n’était pas toujours idéal et cela ne le serait sûrement jamais, pas avec un passif comme le sien pour sûr mais le français savait un peu mieux où il allait. Avec les enfants, à ses côtés. Il ne pouvait que les observer, l’un après l’autre, se perdre de longues minutes silencieuses contre leur biberon. Timothy n’avait pas envie de dire quelque chose, il avait certainement usé de trop de mots pour les jours à venir et peut être que, égoïstement, il désirait simplement profiter du moment, sans le briser. Il avait conscience que tout ne repartirait pas comme avant, surtout pas après les décisions prises ces dernières semaines mais le brun ne souhaitait rien bousculer. Juste se taire, tout arrêter, même le temps et laisser Charlie retrouver son rôle de mère pour cette soirée. Le libraire ne reprit d’ailleurs pas la parole en premier puisque ce fut la blonde qui remit les pendules à l’heure, avec une question dont la réponse n’avait jamais été sienne. Elle aurait dû le savoir que c’était elle qui mettait leur équilibre en péril à chaque fois qu’elle agissait avec impulsivité, changeant d’avis pour un oui ou pour un non, comme si elle pouvait tout diriger dans un claquement de doigts et s’en sortir sans égratignure. Ce ne serait probablement plus le cas avec Decastel, le grand homme la regardant sans trahir la moindre émotion, ce temps-là était également passé apparemment. ”Je pense que ça dépend que de nous.” Que d’elle, en un sens. Timothy n’avait jamais voulu que cela, vivre en équilibre aux côté de Charlie et même si la formule serait différente à partir de maintenant, il n’avait envie de rien d’autre que d’un peu de paix. ”Je vais coucher Gabriel.” En effet, le brun se leva et se dirigea d’un pas doux vers le berceau pour chantonner quelques légèretés à l’enfant qui s’assoupissait sans demander son reste. Il n’y avait aucun lendemain d’écrit mais Tim avait encore le droit de rêver qu’il pourrait être heureux dans cette version peu traditionnelle de la famille. En tout cas, c’était déjà meilleur que tout ce qu’il avait pu avoir dans ce domaine, comme quoi il y avait un début à tout.