La décision de reprendre le violon, Lena l'avait prise en retrouvant son cousin, Jordan. Il s'était avéré l'être réellement, un cousin de sang, et ça avait tellement fait réfléchir la blonde qu'elle n'avait pas hésité à ressortir son instrument. C'était sans doute le seul lien qu'elle gardait avec son enfance, sa vie passé, sa vie en Europe. Le seul lien qu'elle maintenait avec ses parents qui lui avaient appris à pratiquer la musique, qui lui avaient transmis leur passion des arts. Alors la décision lui parût simple à prendre. Reprendre l'archet, se replonger dans les partitions c'est quelque chose qu'elle n'avait plus fait depuis un bon moment. Bien décidée à s'y remettre, elle avait pris contact avec un violoniste renommé afin qu'il lui ré-apprenne les gestes, les sensations. C'est là qu'elle se rendait en avançant sans trop réfléchir, son étui à violon dans la main, jusqu'à ce que son œil ne soit naturellement attiré par un visage qu'elle ne reconnaissait que trop bien. Rudy. Le cœur de la jeune femme rata un battement, comme à chaque fois qu'elle l’apercevait, mais elle se rendit compte qu'il était accompagné de sa plus jeune sœur. L'aîné et la cadette. Ils lui offraient un beau portrait, les deux Gutiérrez. Un portrait dont elle aurait pu faire parti peut-être, si tout avait été différent - mais bien entendu tout n'était que complications, comme toujours. Elle s'était laissée prendre au jeu à plusieurs reprises dans la passé Lena, à s'imaginer mariée à cet homme, portant son nom. Ce n'était pas tellement leur genre lorsqu'on les voyait ensemble dépasser toutes sortes de limites, mais elle se voyait passer le restant de ses jours à ses côtés. A vrai dire, elle ne s'imaginait plus une autre vie que celle-ci. Mais Rudy semblait être un aimant à douleur lorsqu'il s'agissait de Lena, ou lorsqu'il s'agissait de tout, d'ailleurs. Parce que dans une telle fratrie, rien ne pouvait être simple ; parce que dans sa vie, en générale, rien ne l'était. Peut-être avait il fait des mauvais choix, peut-être avaient-ils été trop nombreux - sans aucun doutes, en réalité. Néanmoins, il fallait être aveugle pour ne pas comprendre que le brun était né sous une mauvaise étoile, qu'il n'avait pas eu beaucoup de chance dans sa vie. Sûrement l'une des raisons qui le rendait aussi irrésistible aux yeux de la blonde, qui renforçait son attachement et sa fascination malsaine et irrémédiable qu'elle s'efforçait de combattre. Elle déposa les armes pourtant, à la seconde où elle entendit la voix de María scander son nom. Impensable qu'elle puisse la reconnaître deux ans après, surtout à son jeune âge, mais il faut croire que les longues heures de jeu qu'elle avait partagé avec la petite dernière l'avait marquée. Elle avait de nombreux frères et soeurs pourtant, elle avait de quoi s'occuper la petite, mais il fallait croire que la façon particulière que Lena avait de profiter de ce temps précieux était ancré dans leurs mémoires, aux deux. Après tout, pouvoir passer du temps avec une petite soeur ou un petit frère, c'était le souhait le plus cher de l'écossaise pendant très longtemps. Bien consciente que son père avait refait sa vie, qu'il avait eu trois enfants après elle, il n'était pas impossible que ce soit le cas de sa mère également. Le fait de savoir qu'elle avait des demi frères et sœurs quelque pars lui brisait le cœur, mais elle n'avait pas la force d'affronter les démons qui la conduiraient à eux. Dis donc María, t'en as de la chance d'avoir un si gentil frère qui t'accompagnes au cinéma. Elle devait en avoir des démons sans doute, déjà à son âge, tant ses cernes étaient dessinés, tant ses joues étaient creusées. Dans les oreilles de l'enfant ces mots sonnaient comme de simples retrouvailles, dans ceux de Rudy ils devaient sonner comme une pique - parce qu'il était loin de pouvoir être qualifié de gentil ces derniers temps ; parce que leurs derniers échanges ne s'étaient pas réellement passés sous le signe de la sympathie. Alors, qu'est-ce que vous avez regardé ? Elle s'adressait plutôt à la petite sœur qu'au grand frère, il fallait bien admettre que l'échange passait bien plus facilement avec elle qu'avec lui. Lena faisait d'ailleurs tout son possible pour éviter de croiser son regard plus de deux secondes consécutives. Pour une fois cela semblait facile, ses pupilles fixées sur l'enfant qui venait de s'agripper à elle pour essayer de l'enlacer. Deux ans étaient passés. Autant dire une éternité. Alors il était hors de question de laisser filer ce moment.

Depuis qu’il est sorti de prison, rares sont les moments où le jeune Mexicain a le droit de voir sa petite sœur. Sa mère la surprotège et agit comme si l’aîné de ses enfants pouvait nuire à la cadette, comme s’il avait le pouvoir d’accélérer sa maladie, comme s’il rêvait de la pousser à l’intérieur d’une tombe. Toute personne saine d’esprit saurait qu’elle ne pense pas réellement cela de lui, mais Rudy ne penche pas de ce côté-là de la balance : sa perception du monde est obscurcie, elle le suit dans sa chute et s’assombrit au fur et à mesure que ses démons gagnent du terrain. Lui, il est persuadé que sa mère ne lui veut que du mal, car elle pense qu’il veut nuire à l’entièreté de sa famille. Il croit vivre un énorme quiproquo, dans lequel il n’y a que lui de lucide, là où tous les autres vivent dans le mensonge : il se trompe, bien évidemment. Mais quand Rudy a quelque chose dans la tête, il est difficile – voire impossible – de le lui retirer. Pour lui prouver sa bonne volonté, aujourd’hui, sa mère lui a donné l’autorisation de sortir avec María, à la seule condition qu’il la ramène au moindre signe de faiblesse. Il a donné sa parole et même si elle ne vaut plus grand-chose à l’heure actuelle, ça a suffit à Maritza pour le laisser s’en aller avec la prunelle de ses yeux. C’est comme ça qu’il est parti en début d’après-midi, main dans la main avec sa petite sœur, pour aller voir un film au cinéma. Une connerie qui plaît aux petites de sept ans, quelque chose qui désespère les grands de vingt-huit. Il a pourtant tenu à ne pas s’endormir durant toute la séance et a accepté d’en discuter avec elle à la fin, comme le font les plus grands cinéphiles après de véritables chefs d’œuvres – pas qu’il veuille spécialement critiquer, mais il y a plus conséquent que les trolls, cinématographiquement parlant. Après un long débat sur la couleur de l’un des protagonistes, il a décidé qu’il était l’heure de rentrer à la maison pour prendre un goûter, et c’est sur le chemin que sa petite sœur a trouvé judicieux de lui lâcher la main, pour courir vers quelqu’un en scandant son prénom : Lena. En quittant son domicile la dernière fois et en la quittant elle par la même occasion, il savait que ce moment-là, qu’ils vivent à l’instant-même, allait finir par arriver. Il savait qu’il allait la revoir sans l’avoir désiré. Il savait qu’il allait être obligé de lui parler, d’échanger avec elle quelques courtoisies et de s’en aller après l’avoir salué, comme avec n’importe quelle connaissance. Il s’arrête et regarde sa petite sœur s’arrêter en face d’elle : elle n’est définitivement pas n’importe qui, c’est Lena. Il prend une longue inspiration et reprend finalement sa marche pour s’arrêter face à la blonde, derrière María, ses mains sur les épaules de la petite brunette. Dis donc María, t'en as de la chance d'avoir un si gentil frère qui t'accompagnes au cinéma. Elle parle d’eux, de lui, de ce qu’ils font ici. Elle fait pourtant l’effort de ne pas s’adresser à lui directement, de passer par elle, comme un intermédiaire pour qu’il n’ait pas à lui répondre. Mais Rudy ne fait jamais ce qu’on attend de lui, et c’était bien trop lui demander que d’espérer qu’il reste silencieux. Tu voudrais que je t’accompagne au cinéma, toi aussi ? María rigole à cette question, innocemment. Elle ne sait rien de ce qu’il se passe entre eux. Des tensions, des mensonges, des colères et de l’amour qu’ils ne se disent plus, qu’ils ne se font plus. Alors, qu’est-ce que vous avez regardé ? Elle prend soin de ne pas le regarder lui, également. Il se sent comme un fantôme, comme l’une de ces façades qui les encerclent : invisible, sans la moindre importance à ses yeux. Il l’a mérité, ça et le reste. Ça et qu’elle passe à autre chose. Ça et qu’elle finisse par l’oublier. Mais là, devant lui, devant María, est-ce qu’elle l’a oublié, encore, ou est-ce qu’elle fait semblant ? Les trolls, c'était trooop bien ! Elle crie, joyeuse, et se débarrasse des mains de son grand frère pour aller se blottir contre Lena. La blonde accepte l’étreinte, et Rudy se demande si elle le fait par réelle affection ou par pitié. Il faut être aveugle pour ne pas remarquer son teint pâle, ses yeux fatigués et cernés, sa petite mine. Il regarde Lena et il se rappelle qu’elle n’a pas vu ses démons, à lui, qu’elle a volontairement fermé les yeux sur tous ses défauts pour glorifier ses qualités, pour se confirmer à elle-même qu’il n’y avait aucun mal à être amoureuse d’un homme comme lui. Est-ce qu’elle voit sa maladie, est-ce qu’elle choisit de l’ignorer ? Il ne sait pas, et il a envie de le découvrir. Soudainement joueur, Rudy s’étire légèrement avant de poser une question. On comptait aller prendre un goûter à la maison mais maintenant qu't'es là, on pourrait aller se manger une glace tous les trois, hein, t’en dis quoi María ? Une question piège, car ce que l’enfant veut, l’enfant l’obtient. Et évidemment, sa réponse n’est pas négative : oui ! Que la gamine hurle, alors qu’elle se détache de Lena avec des yeux suppliants, tandis que la malice se lit dans ceux de Rudy.

@Lena Edwards

Il fallait bien que ce moment arrive, qu'ils se recroisent un jour. Lena aurait préféré que ça ne se fasse pas si vite, mais qu'importe, au moins l'abcès serait crevé - si tant est qu'entre Rudy et Lena, il n'y en avait pas un mais plusieurs qu'ils auraient dû crever depuis pas mal de temps. Stoppée dans sa marche pour aller à la rencontre de Maria, sa plus jeune soeur, Lena ne put cependant échapper à Rudy. Elle ne le pouvait jamais, de toute manière, et ce moment précis ne faisait donc pas exception à la règle. Tu voudrais que je t’accompagne au cinéma, toi aussi ? Elle l'insultait de tous les noms, dans sa tête. Comment pouvait-il garder son sang froid de cette façon après les discussions qu'ils avaient eu depuis sa sortie de prison ? Comment pouvait-il se montrer si odieux ? Elle ne devrait plus être surprise par lui, Lena, devrait savoir à quel point Rudy savait se montrer cruel. Il l'avait encore démontré quelques jours auparavant, alors qu'elle le suppliait de rester avec elle mais qu'il était parti sans demander son reste. Un baiser d'adieu, voilà tout ce qu'il avait bien voulu lui accorder. La blonde savait pertinemment que s'il était resté, elle serait passée par delà les ressentiments et aurait finie dans ses bras, encore. Alors sa cruauté avait été la bienvenue, finalement. Elle lui aura au moins permise, à l'écossaise, de remettre les pieds sur terre, de ne pas succomber, de ne pas oublier qui il était réellement. Elle aurait pourtant préféré qu'il le soit moins, que ces années derrière les barreaux l'auraient calmé, adouci un peut. Il était au contraire plus déchaîné que jamais.  Oh non ça ira, je suis une grande fille maintenant. Qu'elle clamait haut et fort pour appuyer le fait qu'en réalité, elle n'avait plus besoin de lui. Des gamineries, voilà tout ce que ces échanges représentaient. Rudy et Lena, ils n'étaient que deux gosses prêts à tout pour piquer l'autre, prêts à tout pour prouver à l'autre que dans la compétition, il n'y avait qu'un vainqueur. Heureusement, la tension était un peu apaisée par la présence de la benjamine des Gutiérrez. Les trolls, c'était trooop bien ! Une banale discussion qui pouvait sembler futile pour certains ; pour la blonde, elle était précieuse. Alors elle donnait toute son attention à Maria. Je suis sûre que ça l'était ! Qu'elle répondait, toute sourire, à la petite brune. Mais alors que celle ci la serrait toujours plus fort dans ses bras, l'étreinte prit fin. Lena s'apprêtait à reprendre son chemin, à saluer l'enfant - et son rustre de frère, mais celui ci trouva bien plus marrant d'inviter son ex copine à un goûter. On comptait aller prendre un goûter à la maison mais maintenant qu't'es là, on pourrait aller se manger une glace tous les trois, hein, t’en dis quoi María ? Un goûter. Dans les oreilles de la juvénile cela devait sembler innocent au possible, cela semblait être la meilleure idée du monde. Dans celles de l'écossaise, cela résonnait plutôt comme si elle était en train de tomber en plein dans un piège dont elle ne saurait plus sortir. Elle comptait refuser poliment mais fut prise de court par Maria qui, plus que ravie, se mit à répondre d'une manière enjouée. Oui ! Elle était gênée au possible, Lena, et fusillait Rudy du regard pour l'avoir mis dans une situation où aucun refus n'était possible. Il savait bien qu'elle craquerait pour Maria, savait bien que si elle s'était arrêtée dans son chemin, c'était bien pour la jeune fille, et sûrement pas pour lui. Je suis désolée mais je suis attendue... Commença-t-elle par dire pour essayer de se débarrasser tant bien que mal de la situation. Mais le regard suppliant de la petite finit par convaincre la blonde. Bon il faut croire que je vais décaler. Va pour une glace. Maria s'agrippa de nouveau à elle en signe de reconnaissance d'avoir accepté de passer ce moment avec elle, avec eux - s'ils pouvaient encore être nommés ainsi. Le regard de Lena se fixa sur Rudy qui semblait bien trop fier de sa manigance. Il n'eut, en retour, qu'un haussement de sourcil exaspéré par son comportement enfantin et grotesque, selon elle. Mais la petite, elle, n'avait rien demandé, ne méritait pas d'être mêlée à tout ça, et elle semblait bien avoir besoin de passer un peut de bon temps. J'espère qu'au moins t'invites, Rudy ? L'idée de passer du temps avec lui la stressait beaucoup, lui qui était plein de surprise, elle ne savait jamais à quoi s'attendre à ses côtés. Mais quitte à le haïr, au moins que ce soit drôle - même si elle se prendrait sans doute un revers de bâton, la blonde.

Il lui demande si elle veut qu’il l’accompagne au cinéma, elle aussi. Autrefois, elle aurait accepté. Autrefois, ils seraient allés voir n’importe quel film et n’en auraient regardé que les premières scènes, trop occupés par la suite à se regarder eux-mêmes, à s’embrasser et à apprécier ce moment à deux. Oh non ça ira, je suis une grande fille maintenant. Les temps ont changé, leur relation également : elle ne veut plus de lui et finalement, peut-être que c’est une bonne chose. Si elle ferme les yeux sur tout ce qu’ils étaient, si elle accepte tout ce qu’ils ne seront plus, peut-être que ce sera plus évident par la suite. Là, ça ne l’est pas. Ni pour lui, ni pour elle. Il ressent la tension, l’attraction. Tant pis pour toi. Il lui répond ainsi, de sorte à remettre la déception ressentie sur elle et non sur lui. De sorte à lui faire comprendre que depuis qu’ils ne sont plus ensemble, elle est bien plus perdante qu’il ne l’est. Tout le monde sait que ce n’est pas vrai, que c’est l’inverse, mais il a ce pouvoir sur elle : ce qu’il dit devient une vérité, une croyance, et elle finira par le penser à son tour. Du moins c’est ce qu’il croit, c’est ce dont il est sûr. Elle se met ensuite à discuter avec la benjamine du film qu’ils viennent de regarder. Il sent qu’après ce sujet-là, elle mettra un terme à la conversation et s’en ira. Il n’en a pas envie, alors il la retient. Et il sait que ce qu’il fait n’est pas correct. Il utilise sa petite sœur comme appât. Il se sert d’elle et des envies que tous les enfants de son âge ont pour obtenir ce qu’il veut, lui : Lena. Elle est son prétexte, son excuse. Je suis désolée mais je suis attendue… Elle essaie de se faufiler mais elle ne peut plus. L’idée est ancrée dans les yeux et le cœur de Maria, elle ne peut pas refuser : personne ne le pourrait, avec cette gamine. Bon il faut croire que je vais décaler. Va pour une glace. La petite l’étreint à nouveau, Rudy se contente de sourire. Il aimerait bien pouvoir faire comme elle et serrer Lena dans ses bras, juste une dernière fois – aussi fort que les premières, parce que la passion est toujours là, quelque part – mais il ne fait rien. Il ne bouge pas, il attend. J’espère qu’au moins t’invites, Rudy ? Elle s’adresse à lui, enfin. Il hoche doucement sa tête de haut en bas. Paraît qu’je sais être galant. Son léger sourire se transforme en un grand, qui étire ses lèvres au maximum : c’est complètement faux. La galanterie et Rudy, ça fait deux. Mais s’il doit payer pour Maria, il paiera aussi pour Lena. Question de bon sens – ça aussi, il n’en a aucun, mais il se trouve des excuses. On y va. Il attrape la main de la petite et fait demi-tour pour marcher vers le stand de glaces qui est ouvert, un peu plus loin. Il s’avance vers le marchand et passe la commande pour la petite – fraise – et pour lui – chocolat. Il connaît le goût préféré de Lena, après tout ce temps, mais il trouve intéressant de le lui demander. Et toi Lena, t’veux quoi ? Parce qu’il sait, mais il préfère avoir oublié. Il ne la lâche pas du regard, une fois de plus, alors que Maria s’agrippe à lui. Sa petite sœur est faible et il le ressent. Une glace et ils partiront, une glace et elle retournera au fond de son lit. S’il savait le faire, il culpabiliserait d’avoir rallongé leur sortie juste pour les beaux yeux de la blonde. Mais il n’y arrive pas, il est bien trop fier pour l’admettre. Ça va ? Il lui demande, quand même, en chuchotant presque. Fatiguée. Elle répond d’un mot et il le comprend. Ils ne doivent pas trop tarder. Et peu importe les mots échangés, il n’a quand même pas lâché la blonde du regard. Elle est sa distraction et la raison de cette bêtise – sa mère l’engueulera, encore. T’étais attendue où ? Il demande à Lena, indiscret comme à son habitude. Ton mec ? Parce qu’elle a forcément un mec, non ? Quelqu’un d’autre que lui, qui l’attend quelque part ? Il ne sait pas pourquoi il en est aussi sûr, pourquoi ça l’emmerde autant, mais la question est posée et il n’y a aucun filtre là-dessus : alors Lena, est-ce que tu m’as remplacé ?

@Lena Edwards

Tant pis pour toi. Elle le reconnaissait bien là à ne jamais admettre que lui aussi était déçu de la situation, mais Lena savait bien qu'il l'était. Sinon, il ne se serait pas prit la peine de la recontacter. Sinon, il n'aurait pas tenu à ce point là à mettre officiellement un terme à leur relation, à s'offrir des adieux digne de ce nom. La décision fut prise, l'écossaise allait les suivre pour passer un moment avec eux - bonne ou mauvaise idée, ça, elle ne pourrait le dire que plus tard, mais elle ne pouvait pas dire non à María. Elle prit malgré tout le temps de taper un rapide sms à celui qu'elle devait aller rencontrer pour prévenir qu'elle devait décaler. Paraît qu’je sais être galant. Elle ne répondit rien mais n'en pensait pas moins. L'énorme sourire faux qu'arborait Rudy ne faisait que terminer de convaincre la blonde que ses années en prison n'avaient rien changé de ce côté là - sans surprise. Et, bien que ça n'avait jamais été quelque chose de rébarbatif pour elle qui prônait l'égalité des sexes et ne comprenait pas pourquoi l'homme devait être le grand sauveur de la femme, le sarcasme du brun l'agaçait particulièrement aujourd'hui. A croire qu'elle avait enfin fini par réussir à se convaincre qu'elle détestait tous les traits qui le caractérisaient. On y va. La main de María fut agrippée par celle de son grand frère, et sous l'impulsion du mexicain, les trois se dirigèrent vers le marchand de glaces qui se trouvait à quelques pas. Marchant un peu derrière eux, car elle se sentait presque de trop entre eux, Lena fut attendrie l'espace d'une seconde par le tableau du grand frère protecteur qui aimait passer du temps avec sa benjamine. Elle fut bien vite sortie de ses pensées alors que Rudy était déjà en train de passer commande. Et toi Lena, t’veux quoi ? Elle fut surprise de voir qu'il n'avait pas pris les devants en commandant quelque chose à sa place, ç'aurait été typique de sa personne. Il aurait pu vouloir prouver tout savoir sur elle, ou vouloir prendre toute la place et ne lui laisser aucune occasion de parler que ça ne l'aurait pas choqué. Elle ne lui porta pas plus d'attention cependant, ayant accepté pour la petite María et pas une seconde pour lui - non, ça, elle en était convaincue. Coco, s'il vous plaît. Le vendeur s'empressa de préparer leur commande sous l'œil attentif de la blonde qui ne pouvait s'empêcher de replonger dans ses souvenirs. Avant, elle aurait négocier pour lui prendre un peu de la sienne. Mais avant, c'était bel et bien fini. Rudy avait bien prit soin de le lui faire comprendre lorsqu'il était venu lui rendre une visite surprise chez elle. Elle remarqua que les yeux du brun ne la lâchaient pas une seconde, renforçant son envie de lui prouver sa fausse indifférence. Les siens, alors, fuyaient sans états d'âmes. Ça va ? Qu'il demandait à sa sœur dans un murmure. Fatiguée. Lena savait toute l'importance qu'il portait à sa famille, mais il le trouvait particulièrement attentionné - et la petite particulièrement affaiblie. Elle aurait des questions, des tonnes sur son état, mais gardait le silence dans un soucis de bienveillance. Peut-être aurait-elle l'occasion d'en parler avec Rudy, si tant est qu'ils avaient la capacité d'avoir une discussion sérieuse. T’étais attendue où ? Un léger rictus se dessinait sur les lèvres de la jeune femme, qui se demandait quand sa curiosité allait bien pouvoir s'éveiller. Ton mec ? Elle secoua machinalement la tête de droite à gauche. J'ai pas de mec. Qu'elle lançait de but en blanc, préférant ne laisser planer aucun doute à ce sujet. Et même si j'en avais un, je crois que je te le dirais pas. Après tout, elle aurait trop peur que dans un élan de folie, lui aussi finisse à l'hôpital. Même si techniquement Rudy n'avait plus aucune raison d'être jaloux, elle n'avait aucune confiance en lui, pas à ce sujet là. J'avais prévu un cours de violon, j'ai eu envie de m'y remettre. Dit-elle en désignant l'étui qu'elle portait avec elle. Des années qu'elle n'y avait plus touché, et même si Rudy était au courant qu'elle savait y jouer, elle doutait-même d'avoir déjà joué un jour devant lui. Ce n'était de loin pas quelque chose qu'elle aimait partager, ce loisir étant lié de bien trop près à ses parents. Le glacier les sortir de leur conversation, et Lena attrapa sa glace et celle de María qu'elle s'empressa de lui donner. Tiens, fais attention elle fonds déjà. Elle la regardait manger consciencieusement son goûter sans en laisser tomber une goutte. Le sourire aux lèvres, Lena était émue d'avoir la chance de la revoir. Inutile de dire qu'en deux ans, l'enfant avait changée du tout au tout. Elles filèrent s'installer sur le banc qui se trouvait à deux pas de là, laissant Rudy les rejoindre quelques secondes après seulement. Merci. A croire que t'es vraiment devenu galant. Ses remerciements s'accompagnèrent d'un pique, mais aussi d'un sourire sincère - sans doute le plus sincère de la part de l'écossaise auquel il avait eu le droit depuis la soirée où tout avait basculé. Et toi dis moi, y'a une fille avec qui tu préfèrerais partager cette glace ? Il n'était pas sorti depuis si longtemps que ça de prison, mais Lena savait bien qu'avec lui tout pouvait aller vite, qu'il était tout à fait capable d'avoir déjà conquit le cœur d'une femme - ou deux. Et à vrai dire, elle avait envie de savoir si c'était le cas.

Coco, s’il vous plaît. Il ne peut s’empêcher un léger sourire satisfait en entendant sa réponse au marchand de glace : c’est ce qu’il avait imaginé. En deux ans, le goût demandé n’a pas changé. Après deux ans, rien n’a bougé, non, il continue de la connaître par cœur. Mais rapidement, sa concentration divague et il s’intéresse de nouveau à sa petite sœur. C’est elle qui doit être au centre de ses pensées, aujourd’hui et pour les semaines, mois à venir. Il espère s’arrêter là et ne pas compter sa maladie en années ; elle ne mérite pas ça. Il n’est pas du genre à supplier, ni à prier, mais il serait capable de s’y mettre seulement pour l’écarter du danger dans lequel son propre corps la met, pour éloigner toutes les maladies, toute la souffrance, pour l’épargner. Mais il n’est pas question de ça, pour l’instant. Pas maintenant alors que Lena est avec eux, pas alors qu’elle ne se plaint pas particulièrement d’être nauséeuse ou d’avoir mal à tel ou tel endroit. Elle est fatiguée, rien de plus – bien qu’à ses yeux, ça reste inquiétant. Sa réponse obtenue sur son état de santé, il reporte son attention sur la blonde. Car si elle partage cette glace avec eux, c’est aussi pour qu’il obtienne des informations : ce qui a été à Rudy reste à Rudy, c’est une nouvelle règle qu’il veut instaurer dès maintenant. J’ai pas de mec. Elle répond vite. Peut-être trop vite. Peut-être qu’elle ment, qu’elle cache quelqu’un, qu’elle ne veut pas le lui dire. Qui voudrait dire à un homme qui a fait de la prison par pure et simple jalousie qu’il a été remplacé ? Personne, surtout pas Lena. Et même s’il est suspicieux, le brun, il n’a pas encore le don de lire dans les pensées et de deviner si elle cache quelque chose ou si elle lui dit la stricte vérité. Alors il hoche la tête, doucement, sans rien ajouter, sans commenter. Elle n’a pas de mec et il en est content, mais il ne compte pas le lui dire ; elle le sait déjà. J’avais prévu un cours de violon, j’ai eu envie de m’y remettre. Effectivement, l’étui qu’elle porte dans l’une de ses mains était un indice évident. Mais après tout, elle aurait pu vouloir en jouer dans le salon de son copain. Il hausse un sourcil. Fais-le. Il dit, simplement, comme si c’était évident. Enfin, j’t’ai un peu empêché d’le faire aujourd’hui, j’avoue, mais dès qu’tu peux. J’suis sûr qu’tu sais t’y prendre. Elle n’a jamais joué devant lui mais elle lui a déjà parlé de cet instrument, de ce qu’elle savait faire. Il ne s’y intéressait pas particulièrement à l’époque, bizarrement il a maintenant envie de payer très cher pour la voir s’en servir. C’est une manière détournée de se dire que, finalement, peut-être qu’elle lui manque un peu. Le glacier termine la commande et tend les glaces aux deux femmes d’abord, au mexicain ensuite. Il les laisse aller s’installer sur un banc alors qu’il règle la commande, avant de les rejoindre. Merci. À croire que t’es vraiment devenu galant. Il hausse ses épaules. Paraît qu’il y a qu’les cons qui changent pas. Bon, d’hab, c’est qu’ils changent pas d’avis qu’on dit, mais ils peuvent aussi changer d’comportement non ? Il ne sait pas s’il peut manier l’expression à sa guise ou si elle doit rester comme il a l’habitude de l’entendre. Et non, ce n’est pas une question très importante, mais Rudy ne peut pas s’empêcher de réfléchir à haute voix – pour le peu qu’il pense, c’est déjà ça. Et toi dis moi, y’a une fille avec qui tu préférerais partager cette glace ? Elle va droit au but, Lena. Elle n’osait pas, quand ils se sont rencontrés : elle prenait toujours des détours, tournait autour du pot, le laissait deviner lui-même la question qu’elle n’osait pas poser. Là, c’est franc et direct : est-ce qu’il y a une autre fille, dans sa vie ? Il secoue son visage de gauche à droite. Il aurait aimé se sentir capable de mentir et inventer quelqu’un, juste pour voir sa réaction. Mais avec la petite avec eux et le fait qu’ils ne se sont pas croisés depuis longtemps, il n’ose pas réellement. J’ai été un peu trop occupé avec l’boulot et la p’tite pour m’intéresser à qui qu’ce soit. Et c’est vrai, il n’a même pas essayé d’aller dans un bar. Et à la seule soirée où il est allé, il a trouvé le courage – car il en fallait – de repousser quelqu’un. Vraiment, il est tout sauf intéressé, en ce moment, Rudy. Il est trop préoccupé par l’état de santé de Maria, par le fait qu’il est incapable de faire quoi que ce soit, par sa culpabilité qui ne fait que de s’accroître. S’il n’avait pas été enfermé, elle n’aurait pas été malade : il en est certain. Ça t’intéresse vraiment, ça, ou tu m’recopies ? À savoir, est-ce qu’elle veut lui montrer à quel point il est peut être lourd à travers sa possessivité et jalousie, ou en est-elle encore à ce stade, elle aussi ? Elle peut aussi seulement s’informer mais, cette option, Rudy la barre automatiquement. Elle n’est pas assez amusante pour y réfléchir, pas assez intéressante pour la mentionner. La petite ne dit pas un mot, elle se contente de manger sa glace en passant son regard de lui à elle, de elle à lui. De son jeune âge, elle est incapable de comprendre les sentiments qui s’emmêlent et le fait qu’ils ne peuvent plus être ensemble – pour le moment ou à jamais, ça, Rudy lui-même ne saurait le dire. Elle est malade. Il ne sait pas pourquoi, mais il le dit, en désignant sa sœur du menton. C’est assez grave. Il le dit sur un ton nonchalant, comme s’il annonçait qu’il allait pleuvoir le lendemain ; c’est dans sa tête et dans son cœur qu’il y a un orage, et il sait que Lena le connaît suffisamment bien pour savoir ça de lui, pour le ressentir, même s’il ne le dira pas vis-à-vis de sa fierté mal placée.

@Lena Edwards

Ils parlaient comme des personnes civilisées, sans doute grâce à la présence de Maria, grâce au fait qu'ils étaient au beau milieu de la rue aussi. A les voir, personne n'aurait pu deviner toute la haine qu'elle pouvait lui porter. Fais-le. Elle levait les yeux au ciel, un sourire ironique au coin des lèvres. Il n'avait pas changé Rudy, parlait comme si cette décision qu'elle avait prise était désormais la sienne, à lui. Voilà tout ce qu'il avait toujours fait : s'accaparer ses décisions, se l'accaparer elle. Et si aujourd'hui elle souriait parce qu'elle avait réussi à prendre de la distance par rapport à toute cette situation, par rapport à ce qu'ils ne seront sans doute plus jamais l'un pour l'autre, elle n'en gardait pas moins tous ses défauts en tête - dont celui de la prendre pour une chose, sa chose à lui. Enfin, j’t’ai un peu empêché d’le faire aujourd’hui, j’avoue, mais dès qu’tu peux. J’suis sûr qu’tu sais t’y prendre. Elle hocha la tête pour en attester. Je me débrouille. Il n'en aurait pourtant jamais la preuve, Lena ne comptant plus sur le fait qu'elle aurait une occasion pour lui montrer ses talents. Il ne le fallait pas, ils avaient de toute manière perdu le droit de ne serait-ce que songer à passer un tel moment ensembles. Lui avait des problèmes à gérer, elle devait reprendre sa vie en mains, et tout ça les rendait foncièrement incompatibles. La commande réglée, ils filèrent tous les trois en direction du banc qui se trouvait juste à côté de là. L'écossaise en profitait pour remarquer qu'il était peut-être réellement devenu galant, ceux à quoi il prit un malin plaisir à surenchérir. Paraît qu’il y a qu’les cons qui changent pas. Bon, d’hab, c’est qu’ils changent pas d’avis qu’on dit, mais ils peuvent aussi changer d’comportement non ? Il ne comprenait jamais rien aux expressions communes, les tournait toujours a sa manière. S'il avait vraiment changé, Lena voulait le découvrir. Elle le détestait toujours d'avoir disparu, gardait une rancœur indéfinissable envers lui pour tout ce qu'elle avait subi depuis leur rencontre. Les disputes, la colère, la douleur. Voilà tout ce qu'il restait d'eux désormais dans ses souvenirs. Mais elle voulait bien croire désormais qu'il pouvait être différent de celui qui l'avait abandonné. L'ancien Rudy n'aurait pas hésité à rester pour la nuit alors qu'elle le suppliait de rester. Il s'était pourtant contenté d'un baiser d'adieu, tout à fait digne d'un film romantique - même si en dehors de ce geste, le reste de la situation n'en avait rien. Faut croire. Même si te ranger dans la catégorie des cons, ça te va mieux que dans les galants. Qu'elle lançait de manière nonchalante, son sourire désormais greffé à son visage. A croire qu'elle apprécierait presque de passer du temps avec lui, à le taquiner comme ils le faisaient avant. Pouvaient-ils espérer devenir amis ? Ou en tout cas ne plus se déchirer tous les quatre matins ? Il était difficile de l'imaginer après tout le passif qu'ils avaient accumulé. Elle plongeait son regard dans le sien, se demandant si elle aurait pu réussir à le faire changer sans que leur histoire ne vire au drame. Puis elle tournait la tête, baissant les yeux vers la petite Maria pour s'assurer qu'elle ne réussisse à manger son dessert sans que toute la glaçe ne lui fonde dans les mains - pour fuir les yeux de Rudy pendant un instant, aussi. Elle se décidait ensuite à lui demander s'il avait rencontré une fille, curieuse de savoir, même si presque persuadée qu'il ne lui dirait pas la vérité. J’ai été un peu trop occupé avec l’boulot et la p’tite pour m’intéresser à qui qu’ce soit. Il semblait sincère, avait répondu sérieusement et sans la moindre remarque sarcastique à la grande surprise de l'écossaise. La réponse aurait dû lui être égale à Lena, après deux ans de disparition, après une rupture en bon et due forme. Elle comptait pourtant, et savoir qu'il n'avait personne lui procurait une certaine satisfaction. Car après tout, la blonde n'avait aucune envie d'imaginer Rudy dans les bras d'une autre. L'envisager la dérangeait au plus haut point, malgré tout les efforts qu'elle mettait à passer outre tout ce qu'elle avait pu ressentir pour lui. Ça t’intéresse vraiment, ça, ou tu m’recopies ? Elle secouait doucement sa tête de gauche à droite. Ça fait longtemps que j'ai arrêté de te recopier sur quoi que ce soit, tu sais. C'est du moins ce qu'elle essayait de faire depuis un moment. Bien qu'elle ait appris à vivre grâce à lui, elle avait compris après quelques temps qu'il avait été bien loin d'un exemple à suivre. Donc oui, ça m'intéresse vraiment. Inutile de mentir, il posait la question mais savait pertinemment deviner quand elle ne disait pas la vérité. Les coups de cuillère s'enchaînaient un instant, et Rudy vint briser le silence. Elle est malade. Il désignait sa sœur. C’est assez grave. Lena avait mille questions à poser, son regard désormais bloqué sur la petite. Elle était donc bien plus pâle et frêle que dans ses souvenirs. Grave comment ? Elle était inquiète, la blonde, et ça s'entendait parfaitement à sa voix. Elle faisait malgré tout des efforts pour ne pas trop le montrer, refusant de faire ressentir quoi que ce soit à Maria. Depuis quand ? Elle voulait tout savoir, connaître les moindre détails de sa peine. Je peux aider ? Parce que si elle était en danger, Lena s'en voudrait de ne pas tout faire pour la soutenir - et pour l'aider, lui.

Si on lui avait dit ce matin qu’il allait croiser Lena, qu’il allait réussir à lui parler et qu’il allait même partager une glace avec elle, il n’y aurait pas cru. Il lui a dit adieu, officiellement : à leur couple d’abord, à elle ensuite. Ils ne pourront jamais être amis, c’est ce qu’il s’était dit, ce qui s’est confirmé le jour où il a décidé d’en finir avec elle. Quand ils se sont rencontrés, il a directement été attiré par elle. Ce n’était pas que physique, le mental jouait énormément, elle lui plaisait dans son entièreté. Et même s’ils ne se sont pas mis ensemble dans l’immédiat, il n’a jamais su être – seulement – son ami. Aussi loin qu’il s’en souvienne, il a toujours été amoureux d’elle. Et même s’il n’est pas le genre d’homme à dévoiler ses sentiments et à vivre à travers eux, quand il s’agit de Lena, tout est différent. Ils ne seront pas amis, ils ne discuteront pas des heures au téléphone, mais ils se supportent étrangement bien, là. Elle lui parle de ses cours de violon et il prend la décision presque à sa place, lui intime de ne pas hésiter, de foncer. Il est même persuadé qu’elle se débrouille bien – il sait qu’il ne le verra pas de ses propres yeux, que ça aurait dû se passer dans leur vie d’avant, mais il tient à le mentionner quand même. Je me débrouille. Il en est certain, de ça. Il aimerait bien ajouter qu’il veut des preuves mais il sait qu’il n’a pas le droit, qu’il doit se retenir. Il sait aussi que la petite est là, avec eux, et qu’elle ne comprendrait pas que Lena mette un terme à ce petit goûter à trois trop rapidement. Il se contient, pour sa petite sœur, parce qu’elle mérite de profiter de son ancienne belle-sœur autant qu’elle le peut. Elle mérite tout, cette enfant, même que Rudy s’assagisse – c’est dire le pouvoir qu’elle a. La blonde lui dit que finalement, il sait être galant : il remanie toute une expression à sa sauce, comme il en a l’habitude. Faut croire. Même si te ranger dans la catégorie des cons, ça te va mieux que dans les galants. Le sourire qu’il avait déjà au bord des lèvres ne fait que de s’agrandir. Si les autres lui disent de changer, elle, elle l’accepte comme il est. Ça a toujours été le cas et même si aujourd’hui elle prétend le détester pour tout ce qu’il a été, une part d’elle l’aime sûrement encore pour tout ce qu’il est. Qu’elle le veuille ou non, ils s’aimeront toujours, au fond d’eux. J’suis content que tu le remarques. Il dit, finalement, sur un ton humoristique plus que sérieux. J’suis ton con préféré. Il hausse ses épaules, sûr de lui à propos de ça. Et à ce sujet-là, d’ailleurs, elle lui demande à son tour s’il a quelqu’un dans sa vie. L’honnêteté se présente à lui et il la laisse sortir, pure, dure : il n’a personne, il n’a pas le temps pour ça. Et même s’il l’avait, il aurait peut-être quelqu’un dans son lit, pas dans sa vie. Il a donné dans l’amour une fois, il a perdu deux ans de sa vie, il ne refera pas la même erreur une seconde. Ça fait longtemps que j’ai arrêté de te recopier sur quoi que ce soit, tu sais. Donc oui, ça m’intéresse vraiment. Ils ne seront jamais amis : ça se confirme. Elle ne lui aurait pas donné ses félicitations et encouragements s’il avait prétendu avoir quelqu’un, tout comme il aurait serré les poings et les dents en apprenant qu’elle en fréquente un autre. Finalement, pour ne pas rester sur ce sujet trop périlleux, il se lance sur un autre encore plus instable : Maria et sa maladie. Grave comment ? Elle s’inquiète de suite, il l’entend à sa voix, le voit à son regard. Depuis quand ? Je peux aider ? Il se mord l’intérieur des joues. Grave au point que j’m’inquiète vraiment, j’suis presque prêt à aller prier. Lui, prier. Lui qui croit en tout, absolument tout, sauf en dieu. Il secoue son visage pour la suite. Depuis… j’sais pas exactement. Ça s’est déclaré quand j’étais en prison et depuis que j’suis sorti, ça s’est pas amélioré, au contraire. Il a le poids de cette maladie sur ses épaules : il se sent coupable, il a la sensation de l’avoir abandonnée. S’il avait été là, peut-être qu’elle se serait mieux battue contre la maladie, dès le départ. J’pense pas que tu puisses aider. On a besoin d’argent mais j’te demanderais jamais ça, qu’ce soit pour elle ou pas. J’veux pas de ton aide. Il le dit pas méchamment, il le dit pourtant froidement, involontairement ; ce sujet l’affecte énormément, c’est dur d’en parler sans avoir le cœur qui se serre, sans que ses émotions passent à la trappe pour ne laisser qu’un être vide, une coquille débarrassée de son âme.

@Lena Edwards

J’suis content que tu le remarques. Qu'il lançait, visiblement amusé. J’suis ton con préféré. Elle levait les yeux au ciel pour la dixième fois en dix minutes au moins, bien décidée à lui montrer qu'il l'exaspérait toujours, qu'elle n'avait pas accepté de passer du temps avec lui pour lui mais bien pour la petite Maria. Il était si facile de s'attacher à un enfant qu'au cours de ses années à graviter autour de la famille Gutiérrez, Lena s'était pris d'affection pour la fillette. Une affection dont elle ne s'était jamais caché et qui lui avait brisé le cœur au moment où, alors que Rudy était porté disparu, toute sa famille avait tourné le dos à la blonde, la laissant sans explications. Plutôt simple à comprendre aujourd'hui puisqu'ils devaient la penser fautive de ses déboires, loin d'imaginer que c'était à l'inverse leur cher aîné qui avait embarqué Lena sur un chemin bien sombre. Elle ne pouvait rien à ses excès de colère, elle ne pouvait rien à sa jalousie maladive envers elle. Elle était aussi impuissante qu'ils avaient dû l'être en apprenant qu'un membre de leur famille serait à l'ombre deux années durant. Qu'importe, elle n'en voulait à personne, sa rancœur n'était dirigée plus que vers celui qui se trouvait face à elle. Car aussi cordiale qu'elle se donnait l'air d'être, elle brûlait au fond d'elle d'un millier d'émotions contradictoires d'être juste à côté de lui. Elle fut ravie d'apprendre qu'il n'y avait pour l'instant personne pour la remplacer auprès de Rudy, lui semblait l'être de la savoir seule. A croire que même en s'haïssant ils ne pouvaient supporter que l'autre puisse passer à autre chose, jalousie mal placée qui devrait bien finir par les lâcher un jour - elle ne pouvait que l'espérer. Mais ils ne pouvaient pas parler de tout ça, pas ici, pas avec Maria. Lena craignait même qu'ils ne le puissent jamais, leurs discussions ne se passant jamais comme prévues et dans le calme ; ils étaient bien trop houleux à deux pour ça. Alors il changeait de sujet pour en aborder un autre, un peu plus dramatique encore. Grave au point que j’m’inquiète vraiment, j’suis presque prêt à aller prier. Ses mots étaient graves, son ton était dur. Rudy avait ses défauts mais elle voyait qu'il était sincèrement touché par la maladie de sa sœur, ce qui révélait la gravité de celle ci. Elle lui demandait alors des explications, Lena voulait tout savoir. Elle voulait tout comprendre, tout décortiquer. Le moindre détail était important pour pouvoir mesurer l'impact de cette situation qu'elle savait déjà catastrophique. Depuis… j’sais pas exactement. Ça s’est déclaré quand j’étais en prison et depuis que j’suis sorti, ça s’est pas amélioré, au contraire. L'écossaise devinait la culpabilité qu'il pouvait ressentir, bien consciente que la petite était précieuse à ses yeux. Elle jetait un regard à Maria qui mangeait innocemment sa glace, se demandant si elle comprenait à quel point elle était en danger, à quel point sa vie ne tenait peut-être plus à grand chose. Alors elle voulait aider, Lena. Elle ne voulait plus que ça, agir et se sentir utile, parce qu'elle ne supporterait pas de savoir ce calvaire subit sans soutien. J’pense pas que tu puisses aider. On a besoin d’argent mais j’te demanderais jamais ça, qu’ce soit pour elle ou pas. J’veux pas de ton aide. Il était d'un coup plus froid, plus distant. Commence pas. Elle murmurait presque, essayait de garder son calme. Le but n'était pas de s'énerver, Maria n'avait pas besoin d'assister à ça. Tu sais que je peux aider, que je vous demanderais rien. J'ai envie de le faire pour elle. Et pas pour toi. Ou peut-être un peu. Elle secoua la tête, incapable d'accepter qu'il refuserait son aide, mais pas surprise pour autant, connaissant son égo. Je comprend pas pourquoi tu me le dis si je peux rien y faire. Tu savais très bien comment je réagirais. Elle gardait son sang froid mais déjà il l'avait énervée tant elle savait comment la conversation allait se terminer. Deux ans les avaient séparés et pourtant elle aimait à croire qu'ils se comprenaient toujours comme avant, qu'ils se connaissaient encore par cœur. Et si elle ne pensait pas qu'il lui avait annoncé la maladie de la petite simplement pour la torturer, elle détestait le fait qu'il veuille la laisser en dehors de tout ça.

Rudy n’a pas pour habitude de prendre des pincettes, peu importe le sujet abordé. Ce qu’il pense, il le dit. Il le dit parfois même avant de le penser sincèrement, c’est dire à quel point il s’en moque. Que ça blesse, que ça déplaise ou que ça fasse plaisir n’a aucun effet sur le Mexicain. Ce qui doit être dit l’est, et le reste ce n’est que du bonus – ou une complication sur laquelle il ne s’attardera pas, dans tous les cas. Avec la maladie de Maria, c’est vrai que ça lui semble plus difficile. Informer les autres de l’état de santé de sa petite sœur ne le dérange pas, tous ceux qui ont côtoyé la petite de près ou de loin ont le droit de savoir ce qu’elle subit présentement. Le plus dur, c’est d’expliquer ce qu’il se passe mentalement. Quand toutes les personnes s’excusent et promettent de prier pour elle, lui ne sait plus quoi dire, ne sait plus quoi faire. Parce que Rudy n’est pas un homme qui accepte facilement de montrer ses faiblesses, la preuve avec son enfermement : il a préféré rester seul durant deux ans que d’accepter la pitié de ses quelques proches qui venaient le voir par plaisir et non pas pour lui cracher au visage à quel point il était décevant. Et même s’il a des facilités à jouer l’acteur et à passer au-dessus de ses émotions, c’est bien plus difficile face à la femme qui le connaît mieux que personne. Elle a beau avoir l’impression de ne plus rien savoir de lui, elle reste celle qui a réussi à le dompter durant des mois et des mois, celle qui a réussi à capturer son cœur, celle pour qui il ferait absolument tout – même maintenant qu’ils sont séparés. Il lui annonce pour la maladie de sa petite sœur sans passer par quatre-chemins, certes, mais pour le reste, ça semble se bloquer au niveau de sa gorge. Il ne veut pas qu’elle l’aide, que ce soit financièrement parlant ou mentalement parlant. Il ne veut pas de son argent – par principe, simplement, c’est supposé être lui qui ramène l’argent. Et son réconfort, il serait capable de l’accepter s’il ne voyait pas déjà tous les risques que ça implique : Maria qui s’attache de nouveau à Lena, Rudy qui fait tout foirer, Lena qui s’évapore et Maria qui se retrouve attristée. Elle n’a pas besoin de ça, alors il se permet de dire que lui n’a pas besoin d’elle. Un raccourci qui, évidemment, ne plaît pas à la blonde. Commence pas. Tu sais qu je peux aider, que je vous demanderais rien. J’ai envie de le faire pour elle. Qu’elle ne joue pas à ça avec lui, il sait très bien qu’il y a une part d’elle qui, malgré l’affection qu’elle porte à Maria, a envie de le faire uniquement pour lui. Je comprends pas pourquoi tu me le dis si je peux rien y faire. Tu savais très bien comment je réagirais. Il hausse ses épaules. Le moment m’semblait approprié. Il regarde la petite et baisse d’un ton pour continuer. T’aurais préféré que j’te l’annonce en te demandant de préparer un éloge funéraire ? Car la suite logique, pour Rudy, c’est cette étape-là. La différence avec Alejandro et Maria, contrairement à ses autres frères et sœurs, c’est qu’il est réellement en âge d’être leur père. Évidemment, il reste le grand frère, mais il se sent bien plus concerné par eux qu’il ne l’a jamais été pour les quatre autres. Plutôt mourir que de devoir enterrer Maria, donc. Si t’as besoin qu’on aille faire gonfler ton ego tu peux toujours aller voir dans les hôpitaux, des gamins qui ont b’soin de dons pour financer les soins ça s’trouve à chaque couloir. Il hoche sa tête vivement, il l’a vu de ses propres yeux. Mais nous, on a jamais fait dans la charité et on l’fera certainement pas avec toi. J’te le disais car t’as le droit de le savoir, maintenant si ça t’plaît pas, on peut partir. Il regarde Maria et reprend un ton plus naturel, plus fort, pour s’adresser à elle. T’as fini ta glace princesse ? Il demande, et la petite laisse le reste de son cornet en l’air, il ne lui reste qu’une ou deux bouchées. C’est à Lena de voir si elle veut les laisser partir, ou non.

@Lena Edwards

Le moment m’semblait approprié. Il n'existait sûrement aucun moment propice à ce genre d'annonce, mais celui ci en était loin. Pour une fois qu'ils avaient réussi à trouver un genre de paix, Rudy venait de lui retirer. Pour une fois qu'ils étaient loin de leurs habituels affrontements, il venait d'en annoncer un énième. Et alors que l'ambiance se tendait un peu plus à chaque instant, Lena se rappelait seconde après seconde tout ce qu'elle haïssait en lui. Il réussissait toujours à faire ressortir le pire de lui même, elle s'en rappelait désormais. Rudy était incapable de rester le drôle et charmant jeune homme qu'il avait été avec elle ces dix dernières minutes. T’aurais préféré que j’te l’annonce en te demandant de préparer un éloge funéraire ? Elle secouait la tête doucement, attristée de voir qu'il n'avait pour seule réaction que la cruauté, alors même qu'elle n'avait pour seul objectif que d'être là pour eux. Ses yeux se fixèrent sur la petite, qui mangeait innocemment sa glace entre eux. Et si Lena s'en voulait d'avoir légèrement haussé le ton à côté d'elle, elle ne pouvait s'empêcher de croire que Maria comprenait bien plus de choses qu'elle ne laissait paraître ; que son silence était loin de prouver son ignorance. Non mais pas là, pas comme ça. Elle lui en voulait, mais se rendait compte qu'elle trouverait toujours des raisons de lui en vouloir pour quelque chose. Et alors qu'elle proposait son aide, qu'elle voulait être présente pour eux, Rudy dépassait encore une limite - une de trop. Si t’as besoin qu’on aille faire gonfler ton ego tu peux toujours aller voir dans les hôpitaux, des gamins qui ont b’soin de dons pour financer les soins ça s’trouve à chaque couloir. Elle faillit lever la main pour la lui coller en plein visage, mais s'empêcha de le faire par respect pour Maria - et parce qu'il aurait sans doute eu le temps de l'intercepter pour l'empêcher d'aller au bout de son geste. Il ne pouvait pas faire plus fausse route que ça, et elle le détestait de pouvoir croire une seule seconde qu'elle les aurait aidés pour une telle raison. Loin d'être du genre de Lena, elle aurait espérer que celui qui la connaissait si bien auparavant aurait retenu au moins ce trait de sa personnalité. Elle se résignait donc, se contentant d'offrir au brun sa mine dégoutée. Mais nous, on a jamais fait dans la charité et on l’fera certainement pas avec toi. J’te le disais car t’as le droit de le savoir, maintenant si ça t’plaît pas, on peut partir. Il n'y avait toujours que deux choix avec lui, ceux qu'il imposait à chaque fois qu'une situation le mettait mal à l'aise : la dispute ou la fuite. Mais Lena n'avait plus la force pour l'affronter depuis quelques temps déjà. Tu sais quoi, t'as raison, je crois qu'il y a rien de tout ça qui me plaît. Mais c'est moi qui vais partir. La maladie de la petite bien sûr, mais toute cette situation et ces retrouvailles ne lui convenaient pas non plus. Eux deux, assis tranquillement sur un banc pour profiter de leur après midi, ça ne collait pas et ça ne collerait jamais. T’as fini ta glace princesse ? Elle n'en revenait pas de la douceur dont il pouvait faire preuve envers sa petite sœur après les propos qu'il venait lui tenir. Ses yeux toujours collés sur la petite, la blonde comprit qu'elle avait bientôt terminé son goûter. Elle passa sa main doucement sur le dos de Maria avant de s'adresser à elle. Il faut que je m'en aille, je suis désolée. Je te laisse avec ton grand frère, d'accord ? Et la petite hocha la tête sans dire un mot, et Lena prit ses affaires en main pour échapper à cette situation - pour lui échapper à lui. A bientôt Maria. Du moins elle l'espérait, craignant désormais d'apprendre son décès sans avoir pu aider d'une quelconque manière. Elle déposa un baiser sur le front de la juvénile avant de se retourner sans daigner jeter un regard à Rudy. C'était mieux ainsi, il fallait s'y résoudre ; rien ne réussirait à apaiser leur relation trop amochée alors que même face à la maladie, le mexicain restait buté.