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 a tender kind of cruelty (raph)

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Message(#)a tender kind of cruelty (raph) EmptyLun 31 Aoû 2020 - 17:14

Cinq, six, sept, huit. Clap de fin, parquet débarassé, au revoir miroir. Fini pour aujourd’hui. Ouf, la sueur, le robinet, les vestiaires ; en quelques minutes et un coup d’œil à l’horloge, il était prêt à partir, des ailes dans le dos, encore vif malgré l'énergie dépensée. Tiens donc. C’est embaumé d’une fatigue bienheureuse et le sourire jusqu’aux oreilles que Max s’apprêtait à quitter les locaux dans lesquels il venait de passer la dernière heure et demi à ce pour quoi il supportait cette pâle dimension de l’existence qu’étaient les cours et la vie à la maison — danser, bien évidemment. Le rythme de vie de Max, le rythme de ses humeurs, de sa fatigue, de ses rêves, suivait précisément celui de la danse, comme d’autres se contentent du cycle jour-nuit. Muni de son emploi du temps, il était possible de prévoir ses rires, ses paroles, le fond même de son cœur. Ainsi auréolé d’épanouissement, il n’était pas grand-chose qui aurait pu attirer l’attention du brun au point de l’interrompre sur le chemin d’un repos bien mérité ; ça, cette adorable scène qui était en train de se dérouler dans l’allée des casiers, et qui serait restée sans spectateurs si le garçon n’avait pas irrationnellement décidé de ne pas sortir par son couloir habituel — ça, c’était pourtant assez pour qu’il s’accorde quelques minutes de tête à tête. Une silhouette connue et angoissée dans un lieu où elle ne devait pas être. Le synopsis est court mais efficace. Max s’est posté sur le mur de casiers opposés, avec la plus féline discrétion, se sentant tout à fait dans son bon droit d’accompagner ce touchant spectacle. Car s’il aurait eu des scrupules à espionner qui que ce soit d’autre de la sorte, Raphael Elly (s’il ne se trompait pas de nom ?) faisait exception, pour la simple et bonne raison que cet adolescent étrange avait la fâcheuse manie de laisser trainer ses yeux de manière plutôt insistante autour de Max — ou autour de Diana, c’était difficile de savoir, vu que l’un entrainait l’autre, de la même manière que la gravité faisait tomber les objets sur terre. Raphael... Ils se connaissaient de vue depuis longtemps. Cette connaissance allait dans un sens plus que dans l’autre. Plusieurs fois, le plus âgé avait surpris des prunelles claires sur lui, provoquant l’immédiate désertion de ces iris aussi furtifs que leur possesseur était loufoque. Une tendance qui, s’ancrant dans l’habitude avec les années, avait fini par l’indifférer. Mais à vrai dire, Max avait toujours pensé que cette manie inoffensive était à mettre sur le compte de l’originalité plus générale de Raphael, garçon qu’il cernait le moins dans le cours ; et si le brun éprouvait difficilement de l’aversion spontanée envers quelqu’un, le caractère emporté, indiscipliné et fuyant de l’autre danseur n’était pas pour peser dans son capital sympathie. Et Max l’observait avec curiosité, content d’avoir réussi à se glisser dans le maigre intervalle entre le moment où Raphael avait dû vérifier les alentours et celui où il hésitait encore à commettre son forfait quelconque ; parce que Max n’avait aucune idée de ce que pouvait bien faire son collègue en dehors de ses horaires, mains moites, devant un casier — le casier de Diana. Max plisse les yeux pour vérifier, recompte un coup, et un brusque éclair de lumière se fait dans la situation. Voilà ce qui clochait, voilà pourquoi il restait à regarder un être qui ne lui était d’aucune importance — le bon terme était surveiller, sans qu’il sache lui-même pourquoi il se sentait ce besoin de surveiller l'adolescent. Et Raphael, avec une nervosité palpable, de sortir d’il ne savait où quelque chose comme un papier, une enveloppe, un message. (Décidément, c’était dramatique à souhait, presque attendrissant.) Aussi anxieux qu’il l’avait vu impulsif, Raphael tergiversait silencieusement sous les yeux attentifs de Max. Les doigts de l’indécis tremblaient plus encore que lorsqu’on lui demandait d’exécuter un mouvement avec une grâce maitrisée ; et il était évidemment illusoire de penser que l’espion allait s’en tirer comme ça. Max avait beaucoup trop envie d’en savoir plus sur cet individu sauvage qui leur jetait des œillades à la dérobée mais ne l’avait jamais approché — pas plus que sa partenaire. Quelque chose en tout cas lui intimait de ne pas partir, de s’informer innocemment, comme s’il avait été le représentant officiel de Diana. Si l’autre danseur était poli, peut-être pourrait-il obtenir qu'il passe son message à l'objet de sa quête, qui sait.

Il était temps de cesser la comédie qui, quoique divertissante, tournait en rond depuis quelques minutes. « Tu te trompes de casier, je crois. » La voix de Max brise enfin l’atmosphère tendue autour des efforts de Raphael se débattant avec lui-même ; le calme de son ton, la désinvolture de ses mots, tout à de quoi faire sursauter l’imprudent malchanceux dans sa recherche désespérée de courage. Max n’était certainement pas cruel, mais sa joie habituelle, sa confiance étaient telles à cet âge qu’il manquait parfois de tact, d’une touche d’empathie qui aurait pu rassurer Raphael ; libre à lui d’arranger cela en éclaircissant ses intentions. Après tout, en admettant qu’il réussisse à trouver les deux centilitres de bravoure nécessaire à déposer son humble présent, Max aurait fini par être au courant de son contenu sans même le demander. Ce n’était pas tous les jours qu’on recevait des missives de Raphael Elly, éternel mouton noir de la classe, envers lequel le jeune Harper venait de passer de la neutralité à une vague méfiance sans qu'il eût prononcé une syllabe. « Le tien est de l’autre côté. » Et d’enfoncer le clou avec une délicatesse discutable, les paumes appuyées contre le froid des casiers derrière lui, le visage aimable comme un conseil d’ami. Sauf que Raphael n’était pas son ami, et sans doute pas celui de Diana non plus.

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Message(#)a tender kind of cruelty (raph) EmptyJeu 3 Sep 2020 - 5:41

Il vérifie pour la cinquième fois qu’il n’y a pas de fautes d’orthographe dans son message – il y en a au moins sept si on ne compte pas la syntaxe. Dans ce dernier, il fait l’éloge de Diana de manière anonyme. S’il a enfin eu un éclair de lucidité en se réveillant ce matin-là, il n’a toutefois pas encore le courage de montrer son visage à celle qui danse dans ses rêves depuis près de dix ans : c’est un nombre d’années immense pour un adolescent qui a soufflé quatorze bougies récemment. Elle doit lui avoir lancé un sort en faisant tourner sa robe devant la classe. De celle-ci se sont échappé des milliers d’étoiles qui se sont collées dans ses yeux.

Il pense à elle trop souvent. Même ses pères en ont marre de l’entendre raconter à quel point ses cheveux sont soyeux, à quel point sa peau est lisse. Elle est sa drogue et on peut déjà le considérer comme un addict. Mais ils font semblant de ne pas être désespéré quand il précise pour la centième fois qu’il ira un jour se présenter. Ils s’échangent des regards, l’un se pince les lèvres et l’autre lui fait signe de ne rien dire. Mais ils sont de bons papas alors ils n’ont jamais rien dit pour le contrarier.

Salut Diana. On ne se connait pas vraiment mais j’aimerais beaucoup te rencontrer. Je te trouve très bonne en danse et je pense qu’on pourrait bien s’entendre. Ses yeux tracent les lignes que forment ses phrase et il se mord le bout de la langue, concentré, nerveux, les mains aussi moites que lorsqu’il sort de la douche. Il redresse la tête en entendant le son d’une chaussure qui couine contre le sol du gymnase et il constate qu’une danseuse a trébuché et s’est retrouvé les fesses au sol. Évidemment, il ne lui accorde pas longtemps d’attention parce que, à quelques centimètres d’elle, Diana vient lui tendre la main pour l’aider à se relever. Un sourire béat étire automatiquement ses lèvres mais il arrive à se ressaisir, ne détournant pas son attention de la mission principale. Jetant un dernier coup d’œil par la fenêtre de la salle de danse, il se lève et se précipite vers la salle des casiers. Il se dirige sans problème vers celle de sa muse et s’arrête devant, le cœur tambourinant dans sa poitrine. Il fixe les quatre fissures horizontales qui lui donnent accès à l’intérieur de son casier et il compte les secondes dans sa tête, une fois, deux fois, incapable de rassembler assez d’audace pour faire le seul mouvement qui glisserait la lettre anonyme dans la grosse boîte métallique qui n’appartient qu’à une seule personne. Il n’y aura qu’elle qui pourra lire ses mots, il ne risque rien. Pas de moqueries des autres élèves, pas de représailles injustes qui ne visent qu’à le ridiculiser une énième fois. Elle et lui. Lui et elle. Tout ce dont il a désiré pendant tout ce temps à rester silencieux. « Tu te trompes de casier, je crois. » Il sursaute comme un criminel pris la main dans le sac. Il colle automatiquement son papier contre sa poitrine pour le protéger des regards extérieurs. Lentement, il vint à croiser le regard du partenaire de danse de Diana. Max Harper, un an de plus que lui, chausse du huit et demi, spécimen menaçant qui ne mérite pas la chance qu’il a eue. Il le lorgne, incapable de lui faire face autrement. Il s’est à nouveau crispé, ayant perdu la moindre parcelle du peu de courage qu’il avait réussi à rassembler. Il y était presque. Il allait soulever la main et laisser le destin choisir de la suite. « Le tien est de l’autre côté. » Il en rajoute une couche, probablement parce que Raphael n’avait pas répondu à son premier reproche caché. C’est sa façon de le faire réagir, d’allumer la mèche de la dynamite. Nerveux comme un souriceau, il range furtivement sa missive dans la poche de son pantalon, combattant les tremblements encore plus nombreux dans ses doigts trempés. « Oui je sais. » Il finit par souffler en gardant ses yeux rivés vers le carrelage pour tenter de calculer la longueur de leur diagonale – n’importe quoi pour lui faire oublier la mauvaise situation dans laquelle il est tombé. Max n’est pas aveugle : il a vu ce papier qu’il a dissimulé comme s’il s’agissait d’un secret national. « Eum… C’était pour un devoir de maths. » Il invente sur le vif en passant sa main dans ses cheveux bouclés, se forçant un sourire qui hurle « je peux partir maintenant ? » à quiconque a l’oreille assez aiguisée pour l’entendre. Il n’aurait pas pu tomber plus mal. Max et Diana sont comme deux tourterelles qui ne se perdent pas de vue une seconde. Ils mangent ensemble à la cafétéria, s’installent toujours au même endroit dans la bibliothèque comme s’il s’agissait de leur coin VIP mais, le pire du pire, ils se tiennent la main pour exécuter leurs pas de danse alors que Raphael, lui, n’est accompagné que par la musique.    

@Max Harper :l:
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Message(#)a tender kind of cruelty (raph) EmptyJeu 3 Sep 2020 - 18:20

On peut toujours donner une seconde chance aux gens, mais Raphael n’avait jamais eu l’air pressé de saisir la branche. Il se comportait exactement comme Max aurait pu se l’imaginer de loin ; nerveux, alambiqué, absent. A l’image de ce qu’il produisait en termes de danse, Raphael hors la salle de cours paraissait impulsif, parfois gauche. Ses yeux léchaient le sol comme pour s’y perdre, tandis que ceux du plus âgé n’avaient pas dévié une seconde ; en position d’interrogateur, son assurance apparente ne l’empêchait pas de nager dans l’incertitude quand il essayait d’interpréter les réactions de son objet d’étude. Si Max s’y connaissait en langage gestuel, peut-être aurait-il accordé plus d’attention au brusque mouvement de Raphael pour plaquer l’objet du délit sur son torse, à tout ce qui suintait d’angoisse dans ce geste fébrile commandé par l’instinct. Mais seulement guidé par une vague envie de percer à jour cet individu opaque — et ce papier trop bien protégé pour être innocent —, l’adolescent se contente d’une analyse sommaire de la situation. Tout ce qu’il veut, c’est établir un contact avec Raphael, quelque chose qui confirmerait ou infirmerait l’opinion trouble qu’il en avait. Il n’était pas dans une optique de persécution, contrairement à ce que l’excès d’alarmisme du plus jeune laissait supposer. Pour sûr, cette affaire de casier n’était pas en train d’arranger ses affaires, mais il était très facile de se sortir de la culpabilité avec Max ; son penchant à la bienveillance l’attachait à la présomption d’innocence. Son interlocuteur n’en profitait pas, et ajoutait des preuves aux pistes par son attitude générale. « Oui je sais. » Première fois qu’il a l’occasion d’entendre la voix de Raphael adressée à lui personnellement, Max en garde soigneusement en mémoire les inflexions, sans savoir à quoi ce souvenir pourra bien lui servir dans le futur, ni pourquoi il serait si capital de ne pas oublier les détails d’une entrevue qui n’aurait sans doute pas de conséquences. Patient, presque aimable — un bourreau innocent —, il n’en attend pas moins une suite d’argumentation, un essai de défense, une ébauche de muraille qui viendrait défendre le petit papier dont le plus vieux avait bien suivi la trajectoire indécise. (Juste là, dans la poche droite, du bout des doigts parcourus de sursauts musculaires.) De toute façon, il n’envisagerait jamais de s’emparer de l’artéfact par la force. Tout pouvait se régler par la diplomatie, si Raphael voulait bien coopérer, et indiquer clairement que son manège étrange était dû à l’originalité de sa personnalité, et pas lié d’une quelconque façon à Diana. Quelque part, il épargnait à son amie l’ennui de cette confrontation absurde en se faisant, devant yeux-bleus-mains-moites, l’intermédiaire affable de la danseuse.

« Eum… C’était pour un devoir de maths. » (Non, il ne pouvait pas dire que c’était ‘bien tenté’. C’était tout juste ‘tenté’. Même la bonhomie du fils Harper ne pouvait se laisser avoir aussi facilement.) Sans se départir de son expression ouverte, Max fait quelques pas pour rejoindre Raphael, se plaçant du côté le plus proche de la sortie — dans l’optique évidente de continuer cette discussion de manière plus civilisée. Ils n’étaient pas des ennemis, pour parler depuis les rives de la douve formée par le couloir. La démarche n’avait pas pour but de ne laisser aucune échappatoire à Raphael. Pas consciemment, en tout cas. « Tu sais, je peux t’aider en maths si tu veux, » est la réponse qui sort instinctivement des lèvres de Max, sa gentillesse habituelle prenant des allures de réflexe face aux signes évidents de la détresse. Et ce, même s’il n’était pas particulièrement bon en mathématiques — il avait tout de même une avance d’un an, s’il évaluait correctement l’âge de Raphael. Mais cette première réplique, sortie du cœur bonne poire du garçon, est suivie d’une deuxième, qui lui échappe de la pensée comme un serpent glissant ; il ne pourrait pas se l’expliquer. « Ou je peux lui donner directement, elle l’aura plus vite. Je la vois tout à l’heure. » (Tu vas vite en besogne…) C’était, au moins partiellement, un mensonge ; il était tout à fait possible qu’il voie Diana dans l’après-midi, mais ça n’avait rien d’une certitude, d’un fait acté. Pourtant, Max n’avait pas l’impression d’avoir menti ; lorsqu’il mentait, ses joues, ses mains, ses regards le trahissaient aisément, son corps tout entier à l’exception de ses cordes vocales refusait de coopérer à la trahison de la vérité. Là, la phrase était sortie de lui comme ses paroles les plus spontanées, du naturel dont il aurait dit : la Terre tourne autour du Soleil. Quant à savoir pourquoi exactement il s’était senti d’appuyer de la sorte sur l’imminence de cette entrevue avec la danseuse, ça n’était pas dans les cordes de l’adolescent qu’une naïve curiosité avait poussé à s’arrêter près de Raphael. Curiosité dont la part diminuait dans les raisons pour lesquelles il restait à mesure que les réactions de Raphael persistaient dans leur incohérence. « Au fait, Max Harper. On est dans le même cours, mais je ne pense pas qu’on se soit déjà parlé. » Ça non plus, il ne savait pas pourquoi il le disait. La partie superficielle de son esprit, amicale et débonnaire, pas calculatrice pour un sou, lui soufflait qu’il s’agissait de mettre son cadet à l’aise, de faire un pas vers lui pour le sortir de la toile d’araignée mentale dans laquelle il s’empêtrait. Quelque chose de plus crypté, de plus inaudible pour Max semblait plutôt suggérer qu’il le disait parce qu’il était conscient de l’effet que ses mots auraient sur Raphael. Et que cet effet n’était pas positif. Mais Max n’entendait pas cette seconde voix ; elle parlait à travers lui sans se nommer.

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Message(#)a tender kind of cruelty (raph) EmptyJeu 17 Sep 2020 - 1:03


Il est complètement cerné et Max ne semble même pas s’apercevoir qu’il est un prédateur pour la pauvre petite proie dénommée Raphael. Cela fait déjà plusieurs secondes qu’il a caché la lettre dans sa poche mais il la sent aussi lourde qu’un carnet de notes complet. Elle lui rappelle sa présence, alourdi sa jambe, affaisse légèrement son pantalon retenu de justesse par une ceinture serrée. Il a perdu toute capacité de réflexion tandis que Max le regarde de bas en haut comme s’il était communiste au milieu d’une campagne électorale capitaliste. Il est légèrement plus grand que lui et ça lui suffit pour avoir l’impression d’être à nouveau dans le corps d’un gamin de cinq ans qui vient de faire une bêtise, les mains tachées d’encre permanente et les murs tout aussi salis par sa maladresse. « Tu sais, je peux t’aider en maths si tu veux, » Ses sourcils se froncent un millième de seconde parce qu’il ne s’attendait pas à une telle réponse. À vrai dire, il était prêt à entendre les insultes les plus originales ou à sentir le casier en métal se plaquer contre son dos. Si Raphael se fait habituellement discret, c’est bien parce qu’il n’a pas beaucoup d’amis dans cette école et qu’il ne peut compter que sur lui-même pour trouver assez de courage pour venir en cours tous les jours alors qu’il sait que les yeux des connards sont rivés vers lui et que les vautours n’attendent qu’il ne clenche pour venir picorer sa carcasse. « Eum, non, ça va aller. Je ne veux pas déranger. » Et puis, il n’est pas si mauvais que ça en maths. Ce sont plutôt ses notes en anglais et en histoire qui baissent sa moyenne. Les mathématiques, c’était son excuse la plus logique : les films abusent souvent du cliché de la pauvre élève qui ne comprend rien à Pythagore et qui demande l’aide au plus beau de la classe, au plus populaire. « Ou je peux lui donner directement, elle l’aura plus vite. Je la vois tout à l’heure. » Évidemment qu’il la voit tout à l’heure. Ils sont comme deux poumons. Rien ne peut les séparer. Secouant rapidement la tête de droite à gauche, il avale sa salive sèche, grimace lorsque le fond de sa langue se colle à son palet puis souffle : « Non plus ! » Sec, vif, alerte. Il plaque sa main sur la poche de son jean pour protéger le papier qui s’y cache. « Ce n’est pas grave, je trouverai un autre moyen de lui… de… de comprendre l’exercice. » Puis il se tape nerveusement le front en usant de son subtile talent en théâtre : « J’irai voir le professeur, tiens, j’aurais dû y penser. » Rire niais et saccadé, il baisse la tête se racle la gorge en ramenant ses cheveux vers l’arrière. Il ne se souvient pas la dernière fois qu’il a entendu son cœur battre lourdement contre ses tympans. Il entend à moitié la prochaine réplique de Max et relève la tête pour l’interroger du regard, n’ayant entendu que son nom ainsi que son constat selon lequel ils n’ont jamais discuté avant aujourd’hui. « Uh ? Ah, oui. » Ses neurones se remettent en marche et il fait lui-même le lien. « C’est vrai. Mais je connaissais déjà ton nom. » Détail inutile qui ne fait qu’éclairer ses connaissances trop approfondies au sujet de ce compétiteur ignorant qu’une compétition existe. « Non c’est faux en fait je pensais que tu t’appelais Max… Turner. Hahahahahahahahahaentoutcasmoic’estRaphael. » Il se pince les lèvres et ouvre grand les yeux en apportant la précision : « Elly. Raphael Elly. Je sais c’est bizarre hahahahahahahahah on dit deux fois le son « el » hahahaha RaphaEL ELly hahaha Raphaelly. » Okay, c’est à ce moment que tu te tais. Lèvres clouées, il détourne les yeux et se racle à nouveau la gorge en grattant discrètement la peinture écaillée sur la porte en métal du casier de Diana. « Aloooooooors. Toi et Diana vous… dansez ensemble ? » La question en cache une autre, évidemment. Il connait déjà la première réponse mais c’est la deuxième qu’il souhaite obtenir. Les rumeurs courent, dans cette école. Un garçon et une fille qui passent autant de temps ensemble, ce doit être un couple. Max a plus de chances que lui. Si les danseurs sont souvent stéréotypés, lui a été épargné en étant jumelé avec la plus belle fille de l’école – en toute objectivité, évidemment. Il ne s’agit pas d’une tapette efféminée mais bien d’un gentleman qui a du rythme. Une sorte de James Bond avant qu’il ne devienne un agent secret armé jusqu’aux dents. Quel veinard.    
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Message(#)a tender kind of cruelty (raph) EmptyDim 20 Sep 2020 - 23:52

Bien sûr que Max n’avait pas en soi l’intention de terroriser Raphael. Mais à vrai dire, ce dernier se terrorisait tout seul. Max était peut-être l’interlocuteur le plus compréhensif qu’il pouvait rencontrer dans cette école ; il n’était pas du genre à trop se fier aux rumeurs, pardonnait volontiers, n’aimait pas la tendance du professeur à fustiger ceux qui s’écartaient trop du rang. Si Raphael n’avait pas eu cette tendance aux regards en biais, il aurait pu trouver en Max un parfait défenseur de la veuve et de l’orphelin, parfois maladroit, parfois trop confiant, mais pas mesquin comme d’autres pouvaient l’être. Seulement, le plus jeune faisait tout —  et même plus — pour que ça ne se passe pas comme ça. Pour que ce qui n’étaient que des soupçons inconscients remontent à la surface de l’esprit de Max. « Eum, non, ça va aller. Je ne veux pas déranger. » (C’était pourtant pas permis d’être aussi nerveux.) Max garde le silence, examine Raphael, essaye de trouver quelque chose comme un fil rouge à ses actions. « Non plus ! » Bafouillant, à vif, des réactions anormales, un stress chronique ; tous les signaux qui disent à Max laisse-moi tranquille mettent en balance sa compassion et sa curiosité. Max avait beaucoup des deux. Mais Diana faisait pencher la balance en la défaveur du jeune Elly. « Ce n’est pas grave, je trouverai un autre moyen de lui… de… de comprendre l’exercice. » Ah, évidemment. L’exercice. Mais celui dans lequel ils étaient engagés actuellement avait beau ne pas être noté, Max y accordait plus d’importance qu’à ses évaluations de maths ; comprendre l’équation Elly en fonction de la variable Diana, voilà le problème qui ne cessait de le pousser à poursuivre cette conversation absurde. « C’est vrai. Mais je connaissais déjà ton nom. » Ce… c’était une perche, ça, Raphael, une manière de te faire sentir un peu plus à l’aise, de repartir sur de bonnes bases. Pas de t’enfoncer. Mais l’autre partie de Max, dans l’angle mort de sa conscience, n’est pas insatisfaite de cet aveu involontaire, autant que le reste de lui se demande comment mains moites trouvait encore le moyen d’ajouter de la gêne à ses agissements incohérents. « Non c’est faux en fait je pensais que tu t’appelais Max… Turner. » Max fronce un sourcil. Il avait vraiment toute la bienveillance du monde dans le cœur, mais Raphael était étrange. Voilà le seul verdict qu’il pouvait en tirer. Assez étrange pour que Max commence sérieusement à se demander s’il n’était pas littéralement perché, ailleurs. Si ça valait la peine de continuer cette conversation et d’y user son empathie, sa patience et ses nerfs. Et l’espèce d’énorme crapahutage nerveux épileptique de Raphael dans son propre prénom se déroule devant un Max perplexe, à la limite de l’embarras, presque contaminé par ce trop plein d’émotions négatives qui suintait de Raph à la manière d’exhalaisons empoisonnées destinées à le faire fuir.

Il est, Raph, dans une pièce de théâtre où il est à la fois acteur, réalisateur, producteur, bouffon et applaudissements ; sauf que le public, c’est juste Max, Max vaguement inquiet, vaguement antipathique, vaguement certain de maitriser la situation. « Oui, c’est marrant, Raphael Elly. Eh, tu peux te calmer, tu sais, on dirait que je vais te frapper là. » Max avait beau être parfaitement non-violent, il ne pouvait s’empêcher de se dire que le comportement de Raphael commençait à ressembler à celui d’un individu sous la menace physique de se faire tabasser. Était-il si effrayant que ça ? Il n’avait pas souvenir que les gens s’aplatissent de la sorte devant lui. Bon, il n’y a rien à en tirer, autant arrêter le carnage, est la pensée qui passe dans son esprit, et qui aurait peut-être permis à Raphael de trouver une porte de sortie, si… « Aloooooooors. Toi et Diana vous… dansez ensemble ? » …s’il n’avait pas brusquement rappelé à son interlocuteur toutes les raisons de cet interrogatoire en une simple phrase. Bien sûr qu’on avait posé à Max l’autre question un nombre infini de fois, bien sûr qu’il avait invariablement et sans fléchir répondu non, sans équivoque, à ceux qui voulaient lui extirper un aveu. Il était sans doute insouciant, naïf sur les bords, mais savait pertinemment que leur amitié était le cœur d’une myriade de spéculations et de rumeurs (qui s’amplifiaient à chaque fois que l’un ou l’autre démentait les faits). Alors oui, il ne pensait pas Raphael assez stupide pour ne pas avoir remarqué que Diana était sa partenaire de danse ; donc oui, il savait que cette question cachait probablement l’autre. Mais ça n’empêche pas son visage de s’éclairer brusquement. « Bien sûr, tu viens de remarquer ? » Un naturel tel qu’il était impossible de savoir si la seule mention de la danse et de Diana suffisait à insuffler à Max un tel entrain, ou s’il calculait son coup pour étudier la réaction de Raphael. Sans doute un peu des deux ; sans doute était-il un adolescent un peu trop heureux, un peu trop épanoui, un peu trop confiant pour s’empêcher de puer le ravissement à des kilomètres à la ronde ; et sans doute était-il trop habitué aux remarques sur lui et Diana pour se priver de juger Raphael sur les réactions qu’il aurait à entendre prononcer le nom de la belle danseuse dans cette réplique enduite de cyanure. « T’as l’air très intéressé par Diana, pour un type qui lui a jamais parlé, » qu’il remarque en se permettant l’hypothèse que Raphael n’avait jamais approché la danseuse, puisqu’il ne l’avait pas vu le faire. Diana et Max, deux et deux font quatre ; pas l’un sans l’autre. « Tu serais pas obligé de mourir de peur devant un casier si tu lui donnais directement ton truc. » Pas dupe des mathématiques. Étrangement rationnel, étrangement posé, arbitrant impartialement la situation ; la nature charitable de Max se battait avec l’instinct de protection qu’il éprouvait envers Diana. D’un côté, ce pauvre gars à deux doigts de faire un malaise après trois mots échangés ; de l’autre, une attraction inexplicable pour le contenu de ce foutu papier. Alors les actes de Max reflétaient tantôt l’une, tantôt l’autre tendance, selon le vent, selon rien du tout. « Dis, t’as pas beaucoup d’amis ici, pas vrai ? Si tu veux, je pourrais t’aider. » Ça, c’était le bon Max, celui qui ne pouvait s’empêcher de tendre la main, celui qui ne voulait pas croire aux préjugés, celui qui ne pestiférait pas les gens bizarres, celui qui aurait volontiers été l’allié de Raphael dans son existence houleuse. Celui qui n'aurait jamais tendu de piège ou tenté de chantage ; le bon Max. « Il suffirait de me montrer ce qu’il y a sur ce papier. » Et ça, c’était l’autre.

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Message(#)a tender kind of cruelty (raph) EmptySam 26 Sep 2020 - 5:20

« Oui, c’est marrant, Raphael Elly. Eh, tu peux te calmer, tu sais, on dirait que je vais te frapper là. » C’est bien pour cette raison qu’il agit ainsi, les nerfs brûlants, les poils dressés sur ses bras, la gorge aussi creuse qu’un cratère. Il a l’habitude des menaces de ceux qui ne le comprennent pas parce qu’il est différent des autres adolescents. Il n’a jamais fait danser ses pouces sur une gameboy ni désiré fouiner dans la collection de cartes Pokémons des garçons qui prouvent leur valeur en montrant fièrement une carte rare de Charizard. Il est un petit artiste dressé sur ses longues jambes aussi minces que des os de poulet et il est la parfaite victime pour espérer aucune représailles.

Il a peur que Max soit comme tous les autres. Qu’il le juge parce qu’il préfère s’isoler plutôt que de passer son temps à rigoler dans les corridors et à balancer des rumeurs sur les professeurs. Si le plus vieux partage la même passion que lui, il n’a pas l’impression qu’il reçoit les mêmes insulte. On ne traite pas de Max de tapette parce qu’il transporte à son bras la plus belle fille de l’école. On ne le traite pas de petite fille parce qu’il a cette prestance dont Raphael ne peut que rêver. Il a été plus chanceux que lui depuis le début et c’est pour cette raison qu’il le déteste en silence.

Pourtant, il ne sert pas les poings et il ne le foudroie pas du regard comme s’il était en train de se battre pour la dernière frite dans le fond du sac. Il est détendu comme un danseur qui sait utiliser ses muscles au bon moment. C’est probablement pour cette raison que Raphael arrive à lui poser la question ultime qui lui chatouille le bout de la langue depuis toujours. Il sait déjà que lui et Diana forment un couple de danse mais il veut savoir si toute cette histoire ne se résume qu’à un amour commun pour ce sport. Il veut savoir s’ils joignent parfois plus que leurs mains. « Bien sûr, tu viens de remarquer ? » Nerveux comme une palourde, il baisse à nouveau la tête en reniflant, notant le moindre détail dans les chaussures de Max. Il observe ses lacets blancs et constate qu’ils sont très bien serrés par l’étreinte d’un double nœud. Peut-être souhaite-il analyser chaque valeur de l’équation avant de partir en courant. Lequel des deux garçons court l plus vite ? Probablement Max ; Raphael est alourdi par le poids de la lettre honteuse dans sa poche. « Non. » Il finit par souffler après avoir trop longtemps senti le silence lui tirer les cheveux. « T’as l’air très intéressé par Diana, pour un type qui lui a jamais parlé, » Cette fois, il fronce les sourcils parce qu’il ne comprend pas comment le garçon a pu deviner qu’il n’a jamais adressé la parole à celle dont il souhaite gagner le cœur en attendant qu’un miracle se produise. Il ne pose cependant pas la question pour ne pas exposer toutes ses failles. Il préfère lui laisser le bénéfice du doute : ce n’était qu’un coup de chance. « Tu serais pas obligé de mourir de peur devant un casier si tu lui donnais directement ton truc. » Ses lèvres sont collées ensemble et il ne pense pas arriver à les rouvrir avec qu’il ne se sente en sécurité. La simple ombre de Max le menace, imaginez le pouvoir de sa silhouette légèrement plus imposante que la sienne. Il se contente de secouer la tête de droite à gauche en sachant pertinemment que ça ne répond pas du tout à sa proposition. Il n’est pas idiot, Raphael, il ne sait simplement pas comment s’adapter à une nouvelle situation. Il se replie dans sa carapace en attendant que les hostilités ne cessent – même si, au fond, il est le seul à penser qu’une guerre est en train de gronder. Max a toujours été son compétiteur. Depuis le jour un.

« Dis, t’as pas beaucoup d’amis ici, pas vrai ? Si tu veux, je pourrais t’aider. » Cette phrase, il la sonde comme une véritable menace. Non. Il n’a pas d’amis. Personne ne viendra le sauver si Max décide de l’enfermer dans un casier. Est-ce l’idée qui lui traverse l’esprit à cet instant-même ? Il ne saurait dire. Il connait ses goûts vestimentaires, sa couleur préférée pour surligner ses notes de cours, sa tendance à sourire lorsqu’il soulève Diana du sol. Mais, derrière le bleu de ses iris, il n’y a qu’un trou noir indescriptible. Une cervelle que Raphael ne peut déchiffrer parce qu’ils sont tellement différents tous les deux. « Il suffirait de me montrer ce qu’il y a sur ce papier. » C’est une menace. Elle vient d’être émise. La clochette dans la tête de Raphael s’agite, cogne, hurle. Il se met automatiquement à scruter les alentours pour trouver le meilleur chemin à emprunter pour s’en tirer sans perdre l’usage d’une jambe. Seulement, Max s’est trop bien placé et il n’a pas l’impression de pouvoir faire le moindre pas sans se faire attraper le poignet. Alors, conscient qu’il n’a aucune chance de s’en sortir, il pose son dos contre le casier, ainsi que l’arrière de son crâne. Il ferme les paupières comme si ça pouvait faire avancer le temps. « Je n’ai pas besoin d’amis. Tape-moi si tu veux je m’en fiche. » Il murmure en serrant sa poche avec sa main pour protéger ce papier qui briserait la minuscule miette de dignité qu’il possède encore.

On ne peut pas lui en vouloir d’être aussi mou qu’un concombre de mer et de penser que Max n’est là que pour le punir d’être qui il est. Il a été habitué à l’injustice et il a appris qu’il vaut mieux laisser tomber plutôt que de luter. Il est un danseur, pas un expert des arts martiaux. La dernière fois qu’il a levé les poings, il s’est retrouvé avec une fente à la lèvre. Il n’avait jamais avalé autant de sang avant cette journée-là. À côté de ça, la perte de ses dents de lait n’avait été qu’une piqûre de moustique.

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Message(#)a tender kind of cruelty (raph) EmptySam 26 Sep 2020 - 10:38

Raphael avait raison en un sens : Max ne méritait pas vraiment ce qui lui arrivait. Il rayonnait de bonheur comme si cela était son état naturel ; rien ne pouvait l’affecter au-delà de quelques minutes, comme si une autorité supérieure balayait du revers de la main les moindres nuages à son soleil. Protégé par une étoile personnelle qui n’avait encore jamais failli à sa tâche, les choses étaient incroyablement simples dans le monde de Max — trop simples pour qu’il puisse raisonnablement comprendre ce qui se passait dans la tête de Raphael, trop simple pour qu’il décèle le torrent d’émotions et de pensées négatives qui l’animait à son égard. Le plus jeune n’avait qu’à demander à son étoile, elle lui confirmerait que Max n’était pas une menace. Il se disait que Raphael n’était pas spécialement agréable avec le reste des élèves, que ça n’avait rien à voir avec lui particulièrement ; comment ça aurait pu ? Il n’avait pas d’ennemis, et il ne faisait rien qui puisse lui en procurer. L’idée même qu’on puisse le détester paraissait surnaturelle à Max. On ne détestait, n’est-ce pas, que les mauvaises personnes… et il n’était pas une mauvaise personne. Il parlait à tout le monde, il donnait toujours un coup de main, il ne se moquait pas quand quelque chose de ridicule arrivait à quelqu’un. Il avait tenté d’appliquer les mêmes règles avec Raphael. Avec plus ou moins de succès. « Je n’ai pas besoin d’amis. Tape-moi si tu veux je m’en fiche. » (Là, là il se sent vraiment comme une enflure.) Comment ils en étaient arrivés là, déjà… ? Ah, oui : par sa faute. (Voilà pourquoi Max évitait de se mêler de ce qui ne le regardait pas.) Mais ça regardait Diana. Et puis il avait maladroitement essayé d’être gentil à un moment. (Tais-toi, casse-toi.) Cette dernière voix était la plus rationnelle de toutes…
Même Diana était sortie de la tête de Max. Il avait eu un instant de lucidité, de cruauté inconsciente aussi, à tester l’effet de son nom sur Raphael ; mais son analyse n’allait pas plus loin, et son verdict définitif était que Raphael était bizarre en général, et que c’était tombé sur Diana cette fois. (Il garderait un œil ouvert, quand même.) Mais à cet instant précis, il se sentait juste comme un sale type qui ne sait pas ce qu’il a fait de mal, et il n’aimait pas vraiment ça. Alors il regrette instantanément les mots qui lui ont échappé à mesure qu’il les voit s’imprimer sur le visage fermé de Raphael ; s’il y avait une machine à remonter le temps, sans doute serait-il passé devant le casier et rentré chez lui avant même d’en arriver là. (Pourtant, ce n’était pas lui la victime dans l’histoire.) Ce n’était pas lui, mais il se sentait mal à l’aise. Il avait envie de comprendre Raphael, et en même temps aucune envie de perdre son temps. Et à en juger par la figure de ce dernier, s’acharner à sociabiliser relevait du harcèlement. L’espèce de satisfaction étrange qu’il avait pu ressentir en voyant Raphael se décomposer s’était tout à fait estompée maintenant. Il ne ressentait plus qu’une vague gêne, peut-être la simple contagion de celle de son interlocuteur. Il n’avait pas les moyens, la compréhension nécessaire pour continuer de parler à quelqu’un d’aussi peu réceptif. Certes, il y avait eu ces paroles jetées sans réfléchir dans le seul but d’observer les réactions de Raphael ; mais même les mots plus teintés d’empathie que Max avait prononcés n’avaient pas su adoucir le caractère du plus jeune. Maintenant c’était lui qui se sentait empêtré dans ce rôle de bourreau qu’il avait à moitié consenti, et qui l’horrifiait désormais.

Il soupire. Bien sûr qu’il n’allait pas le frapper. Max n’était pas un malade dans sa tête, il ne frappait pas les gens. Il ne pouvait interpréter les mots de Raphael que comme une manière de mettre fin à la conversation, pas comme une sérieuse résignation. On entendait ce genre de choses, des bagarres, une bosse de temps en temps chez quelqu’un. Pas l’affaire de Max. Il ne s’était jamais retrouvé en position de combat-fuite, ni menacé, ni menaçant (jusqu’à aujourd’hui ?). Non, décidément, Raphael était en train d’essayer de le transformer en ce qu’il n’était pas. Il ne marchait pas dans la combine. Le brun replace son sac sur son épaule, cherchant de quoi arrêter cette mauvaise blague dignement. La meilleure chose était sans doute encore d’ignorer tout ce que Raphael avait exprimé, si ce n’est son désir de solitude. Ça, il pouvait l’exaucer. Ça le rendrait peut-être un peu moins odieux ? (Non, il n’était pas odieux juste parce qu’il ne savait pas comment réagir en face d’un gars comme ça.) « Ok. Désolé de t’avoir dérangé. » (Ça n’était pas très honorable, mais au moins tout le monde y trouvait son compte.) Il s’éloigne lentement, comme s’il venait de discuter avec un ami qu’il quittait à regret. L’autre ne demandait sans doute pas mieux, qu’il parte ; et peut-être finirait-il, en son absence, par glisser son papier dans le casier, laissant paradoxalement plus de chance à Max d’en prendre connaissance. Mais ce n’était pas le dénouement qu’il aurait espéré. Il était mécontent, mécontent de lui-même, mécontent de Raphael, mécontent de cet échange, mécontent de n’avoir pas pu tisser un semblant de conversation normale, d’avoir été antipathique sur les bords et qu’on le lui ait rendu. Sauf que Max rentrerait tranquillement dans sa bulle de bonheur ; qu’il finirait par hausser les épaules de cet incident mineur ; et qu’il se contenterait de demander un de ces quatre à Diana si elle n’avait rien reçu d’étrange dans son casier. C’est tout. Cet évènement n’était pas mémorable, ne déboucherait sur rien, et s’oublierait vite. (Il avait eu envie de se retourner, de dire quelque chose de bien, une assurance qu’il n’était pas le méchant de l’histoire : mais rien ne lui venait. A part de lui proposer de l’aider en maths. (Pas une bonne idée.)) On oublierait.

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Message(#)a tender kind of cruelty (raph) EmptyMar 29 Sep 2020 - 23:42

Il attend sans savoir que cette attente est complètement inutile. Il avait décidé d’abandonner et de laisser à Max la voie libre pour qu’il le tape une fois, peut-être deux, avant qu’il ne tourne les talons comme toutes les brutes de l’école qui ne restent jamais long sur le lieu du crime. Ses poings sont déjà serrés et ses ongles pénètrent la peau de ses paumes parce qu’il souhaite s’affliger une douleur plus forte que celle que lui prodiguera les poings du garçon contre sa tempe ou son nez. Il préfère souffrir de lui-même que par les autres : encore une fois, c’est une question d’égo. « Ok. Désolé de t’avoir dérangé. » Avalant de travers, il reste immobile quelques secondes pour s’assurer que ce n’est pas une plaisanterie ou un semblant d’humilité mais, très rapidement, la silhouette de Max caresse l’air près de lui et il rouvre un œil pour l’observer partir sans se retourner. Sa démarche est calme et aucune once d’agressivité ne tend ses muscles. C’est comme s’ils n’avaient jamais discuté. À la fois rassuré et intrigué, il fixe son dos jusqu’à ce qu’il disparaisse de la salle des casiers. Seulement lorsqu’il se retrouve enfin seul, Raphael redresse la tête complètement et respire normalement. Quelques secondes plus tôt, il pensait devoir payer pour avoir approché l’intimité de Diana mais il se retrouve à nouveau seul devant le casier qui est toujours aussi intimidant. Il repose ses iris dessus, l’observe sa peinture légèrement écaillée de bas en haut et se mord la lèvre inférieure. Il pourrait se remettre à broyer toutes les questions du monde dans le fond de sa gorge mais il n’a plus envie de libérer sa parole. Le petit papier qui contient les mots qu’il souhaitait offrir à la jeune fille reste bien caché dans le fond de sa poche, au chaud. Ainsi sera son destin parce que Raphael n’a plus le courage de faire le moindre pas en sa direction. Max l’a vu, a noté son nom et son visage et saura immédiatement qu’il est celui qui a glissé cette missive pleine de fautes d’orthographe dans le casier de sa partenaire de danse.

Le soufflant tremblant, il inspire doucement en jetant un coup d’œil autour de lui pour encore s’assurer qu’il est seul – bien qu’il ne soit pas dans le délit et qu’il ne l’ait jamais été. Il n’est qu’un cœur amoureux qui n’arrive pas à s’exprimer. Du moins, c’est ce qu’il pense : parce qu’il n’y a que la douceur des cheveux de Diana qui attire son regard, ainsi que ses yeux en forme de noisette qui ne se posent jamais sur lui. Enfin, il se décolle du mur en glissant sa main dans sa poche pour récupérer la lettre qu’il voudrait maintenant brûler. Seulement, il ne possède pas d’allumettes (et ce n’est pas permis dans l’établissement scolaire) alors il ne fait que passer près de la poubelle pour y abandonner ce qui ne deviendra qu’un souvenir. Des mots qui n’auront jamais atteint l’attention de celle qui devait les lire.

Il aimerait se dire que ce n’est que partie remise et que ses chances existent encore. Qu’un jour il arrivera à être à la hauteur de Max, lui qui n’a jamais rougit quand Diana coinçait doucement sa main dans la sienne. Lui qui a gagné à la loterie sans même le savoir et qui continue de faire sa vie comme s’il n’avait pas conscience qu’il est en compagnie d’une jolie fleur que Raphael rêve de cueillir.

Max a tout pour lui et il pense qu’il n’a pas besoin d’être reconnaissant. Même s’il n’a pas levé les poings, il vient de se trouver un ennemi qui agira en silence – parce que c’est tout ce que Raphael sait faire sans abandonner avant la fin de ses projets.
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