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 noralfie + life gets heavy

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Message(#)noralfie + life gets heavy EmptyMer 2 Sep 2020 - 23:39

LIFE GETS HEAVY
sail away to the sun, yeah, i hope you finda  little truth in a world full of pretty lies. don't cry, don't cry. we all get lost sometimes – @alfie maslow

Le plaisir de pouvoir emmener ses enfants à l'école le matin était ce qu'il y avait de plus simple. Un événement quotidien, rien de très extraordinaire pour tous ceux qui travaillaient en semaine, avec des horaires que l'on qualifierait de classique. Avoir une journée de congés variable entre le lundi et le vendredi était pour Norah l'opportunité de se mêler aux habitudes matinales, à préparer le petit déjeuner et s'assurer que toutes leurs affaires soient prêtes. Courir après Aidan qui pensait que c'était le meilleur moment de jouer à loup avec sa mère alors qu'il était grand temps qu'il enfile ses chaussures pour qu'ils puissent y aller. C'était si simple, si anodin. Même les insomnies toujours bien persistantes de Norah ne l'empêchait de savoir ces quelques dizaines de minutes au petit matin. Julie, elle persévérait dans ses démarches pour convaincre sa mère de lui fournir, enfin, un téléphone portable. Toutes ses copines en ont un, apparemment, alors pourquoi pas elle ? Il y avait des avantages, mais aussi des inconvénients et Norah ne voulait vraiment pas que ses gamins fassent partie de cette génération qui restent greffés à ces petits écrans. Julie était pourtant une personne sage, plutôt contrôlée et peu influençable, mais elle restait une pré-adolescente vulnérable comme les autres. Sa mère reconnaissait néanmoins qu'elle serait très probablement rassurée de savoir que son aînée puisse être en mesure de la contacter à tout moment de la journée, qu'importe où elle se trouvait. Alors, elle y songeait, elle hésitait. Après avoir enfin réussi à enfiler les chaussures à son fils, Norah lui donnait son sac à dos avant d'inviter les enfants à rejoindre la voiture. Elle avait écrit à Alfie en se réveillant, elle avait envie de le voir. C'était bien mieux que de tourner en rond à la maison alors que cette dernière était impeccable. Il était disponible, elle aussi, et elle avait envie de passer un peu de temps avec lui. Il n'était pas comme les autres, Alfie. Il avait une façon de penser qui n'était pas dans la norme et même si son égocentrisme lui valait régulièrement une bonne paire de claques, il y avait là quelque chose de fascinant, que de voir le monde par ses propres yeux. Voir le quotidien sous un tout autre angle, court-circuiter la normalité et quasiment tout ramener à soi. Il listait parfaitement les personnes qui étaient suffisamment intéressantes pour qu'il s'en soucie, il faisait le tri dans les choses qui méritaient son attention ou non. Un égocentrisme et une arrogance démesurés qui avaient la tendance à énerver tout le monde. Il se fichait bien de vexer son entourage, tant qu'il disait ce qu'il pensait. Il aimait avoir raison, avoir le dernier mot. Il adorait encore plus la provocation, trouver l'élément qui faisait sortir une personne de ses gonds. Il prétendrait que c'est pour la science. Toujours est-il que la façon dont il interprétait le milieu qui l'entourait avec quelque chose de fascinait. Du moins, Norah savait l'apprécier, peut-être parce que cela lui permettait de se détacher de son propre monde. Loin des insomnies, loin du lourd fardeau qu'était son deuil, loin de l'épuisement accumulé ces derniers temps. Son arrêt de travail ne lui aurait pas été d'une grande aide, ni les conseils d'Anwar quand il s'agissait d'aller consulter un médecin quant à ses problèmes. L'infirmière l'avait proposé de se retrouver dans la forêt de mangroves; suffisamment retiré du centre ville sans pour autant avoir trop de temps de route. "Pas plus tard qu'avant-hier, Julie me demandait quand tu repasseras à la maison." lui dit-elle lorsqu'ils s'étaient rejoints. "Je lui ai offert un petit kit de vernis à ongles en pensant qu'elle voudrait s'en mettre, mais elle a assez hâte de les essayer sur tes doigts à toi." A moins que ce ne soit un énième prétexte pour que sa mère ne passe plus de temps avec la gente masculine. La pré-adolescente se mettait de plus en plus en tête de recaser sa mère, au point de faire ses propres choix dès qu'elles se promenaient ensemble en ville. "Et Maman, tu penses quoi de celui-là ?" était devenue une question presque régulière, juste pour que la gamine ne cerne les goûts de sa maman et entretenir son rôle d'entremetteuse. C'en était autant amusant qu'agaçant, mais Norah la laissait faire dans la mesure où elle n'en devenait pas insupportable. Julie se mesurait parfaitement bien, autant dans ses dires que dans la spontanéité de sa réaction. Elle tirait bien ces traits là de ses deux parents. En revanche, l'histoire du smartphone, était d'une bien autre affaire. "Comment se porte Anabel ?" Depuis le temps, elle devait se porter bien mieux. De par leurs occupations respectives (et leurs problèmes), Alfie et Norah s'étaient moins vus qu'usuellement ces derniers temps. A moins que leur précédente conversation ne les ai chamboulé. Alfie ne parlait que très rarement de ses faiblesses, de sa vulnérabilité. Il n'aimait pas afficher ses points faibles, dissimulant le tout par son intelligence et son humour parfois douteux. Mais Norah y était réceptive. Déjà que les plaisanteries dans le monde du médical tournaient soit autour de l'humour noir, du sexe, ou des situations rencontrées au quotidien. Elle était bon public, au fond. "Ca me fait plaisir, de te revoir." dit-elle en l'invitant à commencer leur marche au milieu du mangrove. Le temps nuageux avait probablement dissuadé les amateurs de nature. Il allait peut-être pleuvoir, du moins c'était ce que la miss météo de la chaîne locale laissait comprendre. "Je voulais me changer les idées et tu es la meilleure personne que je connaisse pour ça." Elle appréciait sa présence, l'aura qu'il dégageait. Peut-être même plus qu'elle ne le devrait. Norah ne lui avait pas trop raconté ce qu'il s'était passé ces derniers temps. Elle ne lui avait pas dit non plus que ses insomnies persévéraient, mais peut-être que cela se lisait particulièrement bien sur son visage. C'était le cadet de ses soucis; elle n'avait pas changé ses habitudes de maquillage pour autant. "Si jamais t'es passé aux urgences ces dernières semaines sache que je n'en ai rien su pour la simple et bonne raison que j'étais en arrêt." dit-elle avec une légèreté déconcertante. A-t-elle profiter de son temps libre pour aller consulter ? Absolument pas. Elle avait fini par tourner en rond et ne plus aller au travail avait fini par être plus délétère qu'autre chose. "Mais c'est bon, on a arrêté de m'empêcher d’entrer à l'hôpital, j'ai le droit de travailler." dit-elle d'un ton ironique. Elle n'était pas mécontente d'avoir repris le travail. Ca lui avait manqué, de s'occuper l'esprit avec autre chose que ses idées noires et ses pensées biaisées.
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Message(#)noralfie + life gets heavy EmptyMer 23 Sep 2020 - 22:05


@NORAH LINDLEY & ALFIE ⊹⊹⊹ sail away to the sun, yeah, i hope you finda little truth in a world full of pretty lies. don't cry, don't cry. we all get lost sometimes.

Un câlin étouffant à Anabel et un geste de la main en guise d’au revoir plus tard, Alfie a la décence d’attendre que la porte de la maison de sa tante soit totalement refermée et qu’il lui fasse dos pour afficher le large sourire qu’il contient depuis trop longtemps déjà. C’est un soulagement qui l’envahit aussitôt tandis que les véritables vacances ne sont pas celles que sa filleule s’apprête à passer chez ses grands-parents, mais celles qu’elle lui offre de par son absence. Bien sûr qu’il a été sincère lorsqu’il lui a murmuré à l’oreille qu’elle allait lui manquer et qu’ils se reverraient vite ; néanmoins ce serait mentir que d’affirmer qu’il n’a pas légèrement surjoué pour que son attitude ne soit pas perçue comme étant aussi infecte qu’on pourrait l’imaginer. Pourtant, à ses yeux, il n’a pas à s’excuser de se sentir soulagé à l’idée d’avoir refourgué sa filleule dans les pattes de ses grands-parents le temps d’une semaine (mais il compte bien pousser le vice jusqu’à quémander une seconde semaine aussi), parce que son attitude lui semble bien plus humaine que celle qui vise à devenir un véritable marshmallow dès qu’un enfant entre dans l’équation. Ce ne sont pas des sentiments qu’il perçoit, de son côté et s’il craignait de devenir un parrain gâteau avec la petite à terme, il est ravi de constater que ce n’est pas le cas. Ce n’est pas qu’il ne l’aime pas, bien sûr qu’Anabel est la personne la plus importante à ses yeux, seulement, c’est son rôle qu’il n’aime pas. Dans le fond, ses proches avaient raison ; les six mois d’absence (supposée) de Stephen désormais transformés en une année entière, l’autorisation lui est donnée de se lasser de l’enfant et de ce rôle de père de substitution qu’il a endossé pendant trop longtemps. L’attrait de la nouveauté de ce nouveau rôle n’est plus et si autrefois Alfie se maudissait d’envisager cette perspective, aujourd’hui il ne cherche pas à s’en excuser. Parce que malgré sa manière de voir les choses, malgré son incapacité à vouloir se considérer comme un père et l’honnêteté dont il fait preuve vis-à-vis de la situation qui lui déplait, Anabel est heureuse. Bien sûr, cela se fait souvent à son détriment et à la manière dont il a dû mettre sa propre vie et ses propres envies de côté, mais depuis peu les choses s’équilibrent alors que l’anthropologue bascule dans les vieux travers qui lui ont mené la vie dure pendant longtemps. Pas assez pour qu’il les remette suffisamment en question et s’abstienne d’agir comme il le faisait et comme il le fait à nouveau à l’heure actuelle, mais suffisamment pour qu’il cesse de se justifier comme il en avait pris l’habitude au cours des derniers mois. Ses pires défauts se réactivent depuis moins d’un mois et son égoïsme est de plus en plus visible. Sauf qu’il ne cherche plus à se fondre dans le moule d’une société dans laquelle il ne s’intègre pas et de laquelle il n’a aucune envie de faire partie. Sa décision est prise ; il sait qu’il repartira un jour ou l’autre, seul s’il le faut. Il attendra le temps qu’il faut, mais plus rien ne pourra le faire changer d’avis. Pas même Anabel, pas même Jules, pas même Norah. Il se considère à nouveau comme le seul maître à bord ; et cela passe par le fait d’utiliser les autres pour servir ses propres intérêts. Anabel en a fait les frais : c’est bien parce qu’il était curieux de voir la manière dont il pouvait gérer ce rôle et le challenge que cela représentait, l’envie de se valoriser auprès des autres, qu’il a accepté de prendre la petite fille sous son aile. Et le fait qu’elle ne soit pas malheureuse l’a convaincu de poursuivre sur cette voie ; dernièrement c’est Lily qui a fait les frais de sa façon d’être, tandis qu’elle lui a apporté des réponses aux questions qu’il n’ose même plus se poser et qu’il fait de son mieux pour sceller ce lien qu’ils ont brisé au cours des dernières années. Pas parce qu’elle lui a manqué, pas parce qu’il la considère comme une véritable amie, mais parce qu’elle est une arme dans le combat qu’il mène et qu’il attend le bon moment pour l’utiliser. Jules en fait les frais depuis si longtemps que c’en devient naturel, alors que la manière dont elle a décidé pour lui depuis si longtemps devient concrète et que cela lui donne l’autorisation de retourner la situation pour désormais agir comme il le souhaite, en s’épargnant son ressenti. Il se sent plus léger face à cette impression d’être redevenu lui-même ; mais au fond il sait que ce lui-même est faussé de par la régression qui s’est opérée. La rechute, pourrait-on même anticiper.

Tout ce qui lui permet de s’éviter de penser à tout ça est bon à prendre et c’est le pas rapide, une cigarette en guise de substitut dans une main, qu’il rejoint la banlieue côtière à la demande de Norah. « Ils en ont vu d’autres, ils s’en re-remettront, i’m in. » Qu’il rétorque en haussant les épaules, un sourire aux lèvres. Ce n’est pas tant qu’il est bon client pour suivre les vacheries que des enfants souhaitent tester sur lui, c’est surtout qu’il ne voit pas en quoi c’est un problème qu’il s’affiche avec des ongles peints. Il n’a pas eu besoin d’Anabel pour s’y mettre de temps à autre, sur deux ou trois doigts (importance capitale sur le majeur, par ailleurs), juste parce que ça lui disait sur le moment. « Elle va bien. » Il acquiesce tandis qu’au fond de lui, il ne verbalise pas cette critique qui aimerait partager à chaque fois qu’on lui pose la question ; et cela concrétise toujours plus son désir de ne pas avoir d’enfants : le fait est qu’il se pense désormais conjointement avec l’enfant et non plus dans son individualité, alors même qu’il est bien seul à sa rencontre aujourd’hui. « Julie et Aidan ? » Il retourne la question alors qu’il enfonce ses mains dans ses poches et qu’il prend le rythme de la balade. « Moi aussi. » Il concède avec un sourire en coin, avant de hausser les sourcils. « Oh, wow. Quelle respo-responsabilité sur mes épaules que tu me fous là. » Il s’amuse avant de rapidement reprendre. « En général, quand on me dit ça, ça finit mal. » Il poursuit avec un haussement d’épaules, avant de répondre à son commentaire. « Nope, me suis tenu loin des urgences. Je fais vœu d’ab-abstinence pour le dernier trimestre 2020. » Alfie commente, reprenant rapidement alors qu’il tourne le regard vers elle : « Ils ont fait comment pour y arriver ? Sé-sédatif dans ton café ? Voyage au vert offert pour ton anniversaire ? » Il s’amuse, même si le fond de sa question est sincère ; il ne pensait pas qu’elle accepterait cet arrêt qui planait sur elle depuis longtemps et il est curieux de savoir comment elle se sent vis-à-vis de celui-ci. « Je dois comprendre que tu as des co-collègues à abattre ? » Il interroge en lui lançant un regard de biais, conscient du ton ironique de sa phrase et de l’agacement sous-jacent. « Du coup, je te demande plutôt qui sont les ci-cibles que si tu vas bien, hein. » Même si la réponse l’intéresse, il sait à quel point cette question peut être agaçante ; raison pour laquelle il n’a pas l’intention de la formuler tant qu’elle ne le souhaite pas.
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Message(#)noralfie + life gets heavy EmptyVen 2 Oct 2020 - 11:40

LIFE GETS HEAVY
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Le puzzle complexe qui composait la personnalité d'Alfie donnerait probablement du fil à retordre aux psychologues, même les plus compétents qui soient. Quelque part, il arrivait toujours à surprendre. Norah peinait à se l'expliquer clairement, mais elle était habituée au fait qu'il puisse la surprendre. Que sa part inconventionnel survient à tout temps, tout heure, mettant en avant parfois les pires de ses défauts. Parfois il s'adoucissait parfois, parfois on devinait que la coupe est pleine. Mais il restait avant tout authentique et fidèle à qui il était, refusant catégoriquement de se plier à n'importe quel règle – ce qui le rendait parfois vraiment insupportable. Qu'il accepte la demande de Norah que de se rejoindre et de passer un peu de temps ensemble procurait à la jeune femme comme un sentiment de soulagement, de bien-être. Elle aimait passer du temps avec lui, même les jours où il se levait du pied gauche et qu'il avait décidé d'être imbuvable. Le voir lui rendait un peu son sourire, bien que celui-ci ne reste parfaitement éphémère. "Julie en sera ravie. Elle veut essayer plusieurs couleurs en même temps en plus, j'espère que tu es prêt pour du grand art." répondit-elle l'air amusé, et enthousiaste que de pouvoir apporter cette nouvelle là à sa fille aînée.  Par habitude, la belle brune avait demandé des nouvelles d'Anabel et eut droit à une réponse des plus concises. Comme si ça le contrariait. Il ne voulait pas s'épancher davantage sur le sujet. La soignante l'observa quelques secondes. Elle supposait qu'il ne supportait plus vraiment qu'un petit être, qu'il devait pourtant adorer, dépende autant de lui et de ses décisions. L'indépendance et le désir insatiable de liberté d'Alfie avaient du en prendre un coup. Peut-être qu'il avait besoin de prendre ses distances avec elle pour se recentrer sur lui et faire repartir de plus belle son égoïsme désormais légendaire. "Pareil." Julie entrait dans la pré-adolescence avec son petit penchant à la rébellion – mais rien d'incontrôlable pour sa mère. Aidan restait fidèle à lui-même, avec son énergie habituelle et une maladresse qu'il commençait à perdre car il gagnait (enfin) en agilité et en dextérité. Durant leur marche, la brune lui révélait qu'elle n'était plus allée sur son lieu de travail depuis un bon bout de temps. Il n'y avait donc aucun de ses collègues aux urgences qui pouvaient lui annoncer d'un air douteux, que Maslow s'était encore blessé s'il s'était décidé à de nouvelles expériences pouvant paraître étranges pour le commun des mortels. "Je vois bien que ça t'a mis la pression." dit-elle avec amusement. Mais même sous ses traits d'humour, Norah était sincère. Elle appréciait sa compagnie parce qu'il était différent. Sa vision de ce qui les entourait était donc synonyme de bouffée d'air frais. "Toi ? De l'abstinence ?" rétorqua-t-elle en haussant un sourcil. "Tu as eu ton quota pour cette année, c'est ça ?" Et il y avait de quoi. Alfie souffrait encore de quelques séquelles, mais il s'était beaucoup amélioré depuis la dernière fois qu'ils avaient discuté ensemble. Norah était heureuse pour lui, qu'il parvienne à s'en remettre malgré le temps et les efforts (probablement) que cela lui demandait, même si elle n'en avait jamais douté. Elle ressentait aussi comme une sorte de fierté qu'elle ne s'expliquait pas forcément. Le sourire qu'elle  avait était amusé au premier abord, avant qu'il ne prenne un air soudaine bien plus triste alors qu'elle baissait la tête. La soignante restait silencieuse quelques secondes, le temps de réfléchir à la manière dont elle pourrait construire ses explications. "Pas besoin de sédatif, ni de voyage, non." commençait-elle. "Ca va te paraître complètement bête." Parce que d'un point de vue extérieur, ce qu'il s'était passé pour qu'elle perde pied ne devait pas avoir beaucoup de sens, ni d'intérêt. Pas de quoi mettre quelqu'un en arrêt, en somme. "J'avais eu l'année dernière une conversation avec Anwar –c'était le coéquipier de Frank– , où on en était justement venu à parler de lui, comme beaucoup de fois. Il m'avait révélée le jour là que la toute dernière conversation que Frank avait eu avant... enfin, tu sais, c'était un débat sur le meilleur Skittles. Il adorait ces bonbons." La dernière conversation qu'elle avait avec lui était dotée d'une pointe d'amertume, car il n'était pas initialement prévu à ce qu'il fusse de service durant la nuit d'Halloween. "Enfin bref, c'est juste pour que tu comprennes la suite." reprit-elle après une courte pause. "J'étais au boulot et il y avait un père et son fils qui venait rendre visite à la mère hospitalisée chez nous. Il avait un paquet de Skittles en main et l'a renversé par terre par mégarde. Il a juste fallu ça." En le disant à haute voix, cela lui paraissait toujours aussi anodin; et pourtant. Elle était assez déçue d'elle-même. D'être devenue particulièrement vulnérable, d'avoir atteint ses limites en charge mentale. Elle se pensait plus solide que ça. "A ce moment précis, c'était comme la goutte d'eau, tu sais. Comme si je perdais pied et que je me sentais soudainement incapable de faire quoi que ce soit, qu'absolument tout me dépassait. J'étais bloquée, tétanisée sur place." Difficile de trouver les mots les plus justes pour décrire une telle sensation, même avec le recul qu'elle avait pu acquérir suite à cet événement. "Tout était de trop. Ca l'est encore." conclut-elle.  Et ça l'était encore, d'ailleurs. Seulement, elle ne l'avait verbalisé qu'à très peu de monde. Même si ses frères s'en doutaient, ce n'était pas un sujet qu'elle voulait particulièrement aborder avec eux. A ce jour, elle ne pouvait pas dire qu'elle se portait vraiment mieux. "Pas de cibles à abattre, donc. Pour le moment." reprit-elle en lui adressant un regard complice. Alfie avait toujours une drôle de façon d'exprimer l'attention qu'il portait à quelqu'un. Rares étaient les fois où il posait ses questions intéressés avec sérieux ou inquiétude. Il devait être sincère, mais il dissimulait là ces traits appréciables sous le reste de sa personnalité, suffisamment exubérante pour cacher le reste. "C'est le médecin du service où je bosse qui m'a mise en arrêt, si tu veux tout savoir. Andy, tu l'as déjà croisé. C'était avec lui que vous vous accordiez sur le fait que je ne m'occupe pas de toi quand tu était dans un piteux état." lui rappelait-elle avec une pointe d'amusement. Norah n'avait vraiment pas apprécié à l'époque et elle leur avait fait part de son ressenti plus d'une fois. Mais c'était passé et elle s'était simplement faite à l'idée. Inutile de ruminer là-dessus. "Il me menaçait avec depuis un moment et le papier était déjà prêt aussi. Je suppose qu'il s'y attendait depuis un certain temps." Norah savait qu'il avait ce papier mais jamais n'aurait-elle cru qu'il en ferait usage un jour. Elle avait bien tort. Elle supposait qu'elle s'était peut-être un peu surestimée. "Mais le temps commençait vraiment à devenir long." admit-elle dans un soupir las. Et l'ennui ne lui était pas d'une grande aide non plus. Ce n'est pas un sentiment qui lui avait permis de se reposer non plus. "Je suis contente d'avoir repris, finalement. C'est mieux comme ça."[/color] Au moins, elle faisait à nouveau quelque chose de ses journées, en dehors de devoir s'occuper quotidiennement de ses enfants.
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Message(#)noralfie + life gets heavy EmptyLun 19 Oct 2020 - 0:01

C’est une caractéristique du brun qui tend à surprendre ceux qui ne le connaissent pas et se heurtent à lui pour la première fois au cours d’un débat enflammé ou lorsqu’il est de mauvais poil ; mais il est vrai qu’au couvert de son métier qui implique un désintérêt sincère et une bienveillance exacerbée, le fait qu’Alfie persiste à voir les choses de façon à servir ses propres intérêts avant ceux des autres contrebalance la réalité de son travail. C’est d’autant plus surprenant que son éducation ne l’a pas amenée à penser de telle façon et que c’est bien lui, au cours des années et de son développement, qui a construit sa propre vision du monde, refusant de l’adapter à ce qu’on aurait pu atteindre de lui. Sa manière de concevoir le monde autour de lui a souvent représenté une difficulté dans son quotidien, même si « difficulté » n’est pas exactement le mot qu’il emploierait de son côté – puisqu’il tend à croire que s’opposer aux autres ou tenter de faire entendre son point de vue quitte à en laisser toute son énergie n’est pas quelque chose de difficile, mais plutôt d’enrichissant. Dans tous les cas, Alfie n’a jamais ressenti le besoin de s’excuser quant à sa manière d’être – quand bien même elle puisse choquer et semble totalement paradoxal. Aujourd’hui ne fait donc pas exception à la règle ; et malgré l’amitié qui l’unit à Norah, sa visite n’est pas totalement désintéressée : il y trouve également son compte et peut-être même plus que Norah peut y parvenir, de son côté. Elle avait besoin de se changer les idées ; il avait besoin de prendre l’air. Il n’a jamais vraiment eu besoin de s’excuser pour quitter l’appartement qu’il partage avec sa petite-amie, et même lorsqu’il était célibataire (et encore maintenant), Alfie s’en fiche bien que sa volonté de faire selon ses envies puisse être perçue comme irrespectueuse. Une conversation l’ennuie ? Il mettra un terme à celle-ci sans la moindre délicatesse. Il n’est pas d’accord avec son interlocuteur ? Il ne se privera pas pour le souligner, quand bien même cela implique de mettre ce dernier mal à l’aise et (avec un peu de chance) les quelques autres participants à la conversation. Il n’a aucune envie de prendre part aux activités auxquelles on le convie ? Il le dira et ne s’excusera pas de ne pas faire l’effort de pendre sur lui. Alors non, quand bien même Norah ne l’aurait pas invité à se joindre à elle, il ne se serait pas imposé de rester toute la journée dans cet appartement qu’il tend de plus en plus à fuir.

Mais le fait d’être face à Norah lui permet un facteur d’imprévisibilité qu’il apprécie au quotidien. Si Alfie parvient sans difficultés à s’occuper seul, il n’en reste pas moins un individu qui a besoin d’être entouré. Pas parce qu’il n’aime pas la solitude ou parce qu’il a besoin des autres pour exister (loin de là, merci pour lui), seulement parce que les autres représentent un défi, un bouleversement, une imprévisibilité qui régit ses interactions et qui est agréable. Il se gère seul, mais il sait aussi comment il est : il n’y a jamais aucune surprise, aucun challenge, contrairement à des moments passés avec les autres où il n’est pas seul commanditaire du déroulement de cet échange. Voyez ça comme une déformation professionnelle et peut-être est-ce le cas ; mais encore une fois Alfie ne s’en excusera pas. « Toujours prêt pour de nouvelles e-expériences. » Il rétorque en haussant les épaules avec un fin sourire, avant que celui-ci ne disparaisse à la mention d’Anabel. Oh, bien sûr qu’il l’adore sa filleule, bien sûr qu’il ferait tout pour elle, mais il ne se sent pas l’âme d’un père et le rôle qui est devenu le sien par la force des choses devient de plus en plus difficile à assumer. Une réponse brève et la question retournée de manière aussi expéditive à l’égard de ses propres enfants, le sujet qui fâche peut être clôturé. Il n’est pas un grand fan des enfants, Alfie et il n’a jamais compris ce besoin de faire de petits êtres le centre d’une conversation simplement parce que la société a décidé qu’une fois venus au monde, ils doivent représenter 80% du contenu des interactions entre adultes. Des adultes qui existaient bien avant eux et dont l’individualité est enlevée au profit d’une vision familiale des choses ; mais il ne se pense pas seulement en compagnie d’Anabel, tout comme il ne se pense pas exclusivement en compagnie de Jules.

Son intérêt est plus sincère lorsqu’il est question de cet arrêt qu’elle mentionne et de la perspective d’avoir dû se trouver une autre infirmière attitrée. Manque de chance (ou non), Alfie n’a pas accumulé les séjours à l’hôpital depuis son agression, pas par crainte de jouer à nouveau avec sa vie, mais par lassitude de cette prison aux murs blancs. « Ouais, je sais. Sus-surprenant, mais pas impossible, faut croire. » Il ne sait pas exactement à quel type d’abstinence elle se réfère, n’oubliant pas que Norah est une des rares personnes à avoir connaissance de son dossier médical et des excès qui ont rythmé sa vie pendant des années. Et l’ironie de parler d’abstinence aujourd’hui est particulièrement amusante de l’avis d’un Alfie déconnecté de cette réalité depuis bien trop longtemps. « Pour les dix prochaines, plutôt. » Il souligne, même s’il n’en pense pas un traître mot ; il n’a aucun problème avec l’accumulation de ses séjours aux urgences ou autres soins intensifs et ce n’est pas ce constat qui lui fait prendre du recul, mais bien l’agacement perpétuel d’être coincé entre les murs immaculés d’un hôpital et d’être couvé comme un enfant de par la gravité des blessures qui sont les siennes lorsqu’il se met dans pareille situation. « Parait qu’il faut savoir jouer à-à l’adulte, parfois. » Mais il n’y compte pas. Alors pourquoi il le prétend face à Norah ? Il n’en sait rien, probablement parce qu’il est lassé d’essayer de partager sa vision des choses et qu’il décide de s’abstenir des questionnements inutiles. Et parce que là n’est pas le sujet, alors qu’il a bien compris que leur rencontre n’était pas tant pour se changer les idées que par besoin de parler, sans quoi elle n’aurait pas évoqué d’entrée de ce jeu cet arrêt qui, effectivement, lui pendait au nez depuis des semaines. Et un instant, il regrette, Alfie, de s’être déplacé jusqu’ici pour jouer au psychologue de pacotille, mais il se raisonne en partant de principe que c’est le but des amitiés et qu’il faut aussi qu’il apprenne à faire quelques efforts. Restant silencieux en comprenant que la demande d‘informations se transforme en récit, il écoute tout en secouant par moment la tête dans l’assurance non-verbale qu’il l’entend, son histoire. Et il entend, effectivement, mais il ne peut pas mentir : Alfie ne s’attendait pas à ça et à plusieurs reprises, son regard divague dans une volonté d’avoir l’opportunité de s’échapper de la même manière. Il ne fait pas dans le soutien psychologique, pas quand il n’en a pas l’absolue nécessité, pas quand il n’est pas sur le terrain, même quand cela concerne ses plus proches amis. Ce n’est pas qu’il ne veut pas, en réalité, c’est surtout qu’il ne sait pas comme s’y prendre. Il aurait nettement préféré la perspective d’abattre quelques cibles ; là au moins il aurait su comment s’y prendre.

Et finalement, il n’est question que de ça, de cibles : parce que certaines planent encore sur sa tête, menaçant de s’abatte sur lui à tout moment. Et peut-être est-ce la raison pour laquelle il s’avère aussi détaché, quand bien même Norah fait partie de ses amis. Parce que ce discours, il aurait pu le tenir et y être confronté de cette manière lui est insupportable. Il aurait voulu avoir le temps de s’y préparer – et on en revient à son égoïsme, parce que la situation de l’infirmière faisant écho à la sienne, cet effet miroir l’impacte plus qu’il ne le voudrait. « L’offre reste valable. » Qu’il se contente de souligner dans un premier temps, tandis que son regard ne se détache pas de l’horizon face à lui. « Un brave type. » Qu’il souligne avec un sourire lorsqu’elle mentionne cet Andy ; Dieu sait qu’il l’avait remercié lorsqu’il avait accédé à sa demande de tenir Norah éloignée de sa chambre lors de son retour sur le territoire australien. Ça ne le regardait pas et il n’aurait pas apprécié qu’elle veille sur lui comme elle l’aurait fait, parce que sa bienveillance a elle est sincère et c’est ce qui la rend d’autant plus insupportable. « Vraiment ? » Qu’il lui demande lorsqu’elle se réjouit d’avoir repris le travail, concédant finalement à tourner légèrement la tête vers elle. « T’as été en arrêt et-et après ? » Il poursuit, car si son récit demeure complet en apparence, dans le fond il manque de nombreux éléments pour qu’il soit compréhensible à quelqu’un n’ayant pas vécu la situation. « Tu t’es reposée ? Et tu penses que ça suffit ? » Le ton volontairement provocateur, il ne lui laisse pas l’opportunité de l’interrompre avant de reprendre la parole. « Tu l’as dit. T’étais b-bloquée, téti-tétanisée sur place. C’était la goutte d’eau et qu’est-ce que tu as fait pour, pour vider le verre ? » La métaphore n’est pas des plus appréciables, mais en demeure réaliste. Elle ne le mentionne pas, le passe sous silence, ce qui lui laisse penser que le verre n’a jamais été vidé et qu’il menace de déborder à nouveau à tout moment. « Je sais pas trop à quel disq-discours tu t’attends de ma part. » Il admet, en haussant les épaules avant de reprendre : « Je dis pas, t’es assez grande pour te gérer comme tu le souhaites et compte pas sur moi pour te faire la mis-morale. » Oh non, là n’est pas son rôle, il n’est pas tant dans le soutien que dans la confrontation, Alfie. « Moi, je suis juste l’emmerdeur qui pointe du doigt les cir-contradictions. » Un sourire sur les lèvres pour mieux faire passer sa provocation, avant d’achever : « M’enfin, si t’arrives à te p-persuader que c’est mieux comme ça. » Il reprend ses propres mots, qui expriment pourtant une lassitude bien réelle, alors même qu’elle est contente d’avoir repris, il paraît. Contradiction, il l’a dit.
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Message(#)noralfie + life gets heavy EmptyVen 23 Oct 2020 - 22:12

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Bien qu'elle avait de nombreuses heures de libre depuis qu'elle était arrêtée, Norah n'avait pas grand chose à raconter. Se détacher de son travail n'était vraisemblablement pas suffisant pour qu'elle prenne suffisamment de recul pour se reprendre en main. Les journées étaient ponctués par les heures d'école des enfants et des choses qu'elle devait faire pour que tout soit en ordre. Elle pouvait dire qu'elle allait courir quotidiennement, elle allait se baigner de temps en temps ou rattrapait son retard dans l'immense pile de livres qui prenait la poussière sur sa table de chevet. Mais il n'y avait pas eu de déclic, de virages serrés qui lui permettaient de reprendre sa vie sur une route plus assurée. Elle était vidée et perdue. Comme toujours, elle minimisait et cela commençait doucement à agacer son entourage, plus par inquiétude qu'autre chose. Elle y était réceptive, Norah, elle le voyait bien. Si elle savait quoi faire pour ne plus se sentir aussi enlisée, elle l'aurait fait de suite. Ce travail là, elle devait le faire seule, mais pour l'heure, elle n'avait pas la main sur les outils nécessaires pour y remédier. "Dix ans ?" s'étonna-t-elle, avec un rire. "Donc la prochaine fois qu'on se revoit là-bas, j'aurais plein de cheveux gris et je me déplacerai avec un déambulateur." Elle exagérait beaucoup trop, bien sûr. Mais cette image l'amusait assez, au fond. Malgré le plaisir qu'elle supposait partagé à l'idée de passer un peu de temps ensemble, Norah ressentait une certaine lassitude de la part de son ami. Elle avait bien remarqué qu'il ne voulait pas parler d'Anabel, et quand elle faisait part de ce qui avait marqué plus ou moins son quotidien, elle avait noté à nouveau cet harassement. Comme s'il ne voulait plus vraiment être là, ou plutôt, qu'il ne voulait pas être venu pour ça. Malgré cela, il écoutait, il rebondissait sur ce qu'il disait. Il aimait la piquer, Alfie, appuyer là où elle n'avait pas les réponses, là où ça faisait mal. Il posait les questions pour lesquelles il savait qu'elle n'aurait de toute façon pas la réponse, ou qu'elle répondrait à la négative. "Et après quoi ?" répondit-elle calmement. "Est-ce que je pense que c'était la bonne solution ? La réponse est non. Est-ce que je sais quelle serait la meilleure solution ? Non plus." Elle le reconnaissait, elle n'avait aucun mal à le verbaliser. Alfie enchaînait le questionnement. Elle ignorait s'il se lançait là-dedans pour dénicher davantage d'informations et mieux la comprendre, donc par réel intérêt, ou s'il préférait jouer la carte de la provocation pour palier cette lassitude qu'il dégageait de temps à autre. "Je sais d'où vient le problème. Enfin, je suppose." Souvent, quand elle allait faire du footing, c'était pour se vider l'esprit après avoir eu trop de temps à réfléchir à sa situation.  La fameux verre a commencé à se remplir le lendemain d'Halloween 2016, le jour où Anwar était venu à la maison annoncer la mort de Frank. Norah avait pourtant fait au mieux pour essayer d'avancer. Elle avait notamment déménagé dans l'espoir de reprendre un nouveau départ, et même si elle ne partageait que trop peu sa tristesse, elle ne s'était pas non plus totalement coupée du monde. Elle avait tenu le cap, en s'occupant des enfants, en continuant à aimer le métier qu'elle exerçait. Elle pensait qu'elle se débrouillait plutôt bien. Mais son empathie lui avait fait oublier que personne ne prenait soin d'elle comme elle pouvait prendre soin des autres. Ses frères et Anwar veillaient sur elle, mais ils n'arriveraient pas à la forcer à faire des choses qu'elle ne voulait pas faire. Caelan avait déjà tenté de lui glisser qu'elle avait le droit d'avancer, sur tous les aspects de sa vie. "J'attends pas de discours ou de moral, Alfie." répondit-elle, un peu agacée. "Je pensais que tu serais intéressé de ce que je suis devenue dernièrement." Rien de plus. Norah n'attendait pas de lui une séance de psychothérapie comme lui pouvait le penser. Mais Alfie restait Alfie, et Alfie avait toujours été quelqu'un de très égocentrique. Elle avait presque oublié qu'il trouvait toujours un intérêt personnel dans ce qu'il entreprenait. En d'autres temps, elle l'aurait titillé, elle aurait aussi cherché à le provoquer et à donner à leur conversation des allures de challenge, même elle n'en avait plus l'énergie. Oui, même ça, elle n'arrivait plus. Cependant, le sourire de brun était plutôt contagieux chez Norah, alors elle ne pouvait qu'y répondre. Elle aimait beaucoup son sourire. "Et tu le fais toujours aussi bien." lui assura-t-elle. L'emmerdeur, comme il disait. "Je tournais en rond, chez moi. Je suis même allée avoir une psychologue, pour dire. Mais la nana ne m'a pas plus apportée de réponses. Je sais qu'il faut que je fasse mon deuil de Frank et qu'il faudrait que je prenne plus soin de moi. On me la martèle à longueur de journée." Elle l'entendait, elle le comprenait. Ce que son entourage n'arrivait pas à constater, c'était qu'elle n'y arrivait pas. Alfie pointait du doigt la totale contradiction dans laquelle elle s'était perdue. "Disons qu'entre tourner en rond chez moi et reprendre le boulot et faire quelque chose de mes journées, le choix était vite faite. T'aurais fait pareil, à ma place." Il était hyperactif, il avait besoin de faire quelque chose, de se poser des questions que personne d'autre ne se posait. Ce n'était pas parce qu'il avait quelques neurones qui avaient déraillé que ce n'était plus le cas, elle le savait. "Alors oui, j'ai réussi à me le persuader." Norah en était à un stade où elle ne s'identifiait plus que comme infirmière et mère de ses enfants. Elle avait des frères aimants et des amis sur qui elle pourrait jouer sa vie. Alfie avait très bien compris que lorsqu'il fallait parler de Norah, et juste de Norah, elle bloquait totalement. Les seules choses qui lui faisaient plaisir l'aidaient avant tout à se vider la tête, pour qu'elle puisse encore mieux se remplir ensuite. "Et de ce que j'ai pu faire pour prendre soin de moi, y'a pas grand chose qui a pu le faire vider, ce verre." Son ton était si calme et si naturel que cela avait de quoi être déconcertant. Qu'elle soit aussi détachée de sa propre détresse. Que pouvait-il bien lui dire de plus ? Rien. Elle connaissait son problème, elle n'avait pas la solution, point à la ligne. "Mais assez parlé de moi, ça va finir par te saouler sinon." Depuis qu'elle avait un peu commencé à le comprendre, Norah finissait toujours par se demander : quelle bénéfice pourrait-il, lui, tirer de cette conversation ? Ce n'était certes pas irréfutable à chaque fois. Mais ça aidait. Sa personnalité excentrique ne lésait en rien toute l'affection qu'elle avait pour lui. D'ailleurs, cette affection la déroutait assez, depuis quelques semaines. Elle ne savait pas trop quoi en faire. "Tu veux toujours pas me dire ce qu'il s'est vraiment passé, avec ton soit-disant accident ?" Il avait été assez secret à ce sujet, et Norah n'était pas dupe. Lui aussi, minimisait ses histoires quand il le voulait bien. Elle l'observait attentivement. "Je crois que de toutes les fois où tu as du être hospitalisé, c'est la première fois que j'ai eu véritablement peur pour toi." Pourtant, il était déjà arrivé plusieurs fois dans un piteux état. Mais Norah l'avait bien caché, elle se devait de rassurer Jules lors de ses visites, et se rassurer elle-même. Norah avait pourtant un très bon contrôle de ses émotions, mais là, oui, c'était bien la première fois qu'elle avait véritablement été inquiète de sa survie. Alors qu'il continuait à regarder droit devant lui, Norah l'arrêtait dans sa marche en saisissant son avant-bras d'une main délicate, espérant qu'il tourne la tête vers elle et qu'elle puisse croiser son regard. "Je suis juste... vraiment contente que tu ailles mieux." Elle savait que tout était loin d'être résolu. Mais au niveau de la parole, la progression était flagrante. Elle ignorait pourquoi, elle se sentait fière de lui. Elle n'avait jamais vraiment douté de ses capacités et espérait qu'il ne doute pas des siennes dans la résolution de ses propres problèmes.
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Message(#)noralfie + life gets heavy EmptyMer 4 Nov 2020 - 13:16

Les séjours à l’hôpital ne l’ont jamais dérangé. Ou du moins, ils n’ont jamais été perçu aussi dramatiques que tend à les considérer son entourage – car ce serait mentir que de dire qu’il les apprécie, sachant que Norah est la première à pouvoir le contredire si le souvenir de leur rencontre lui est intact. Il n’a jamais considéré ces passages par la case hôpital comme véritablement problématiques, mais plutôt comme une étape obligatoire pour vivre pleinement sa vie. Il ne regrette rien, Alfie, il en fait un point d’honneur quant à la façon dont il mène sa vie et si bien évidemment les conséquences de ses actions ne lui ont pas toujours réussi, elles ont toujours été utiles, dans un sens. Même cette dernière agression en date lui est bénéfique, au fond, quand bien même elle le perturbe bien plus qu’il ne se l’autorise. Pour autant, les récents événements l’ont convaincu qu’il n’a guère envie de retrouver les murs d’un hôpital avant quelques temps (même s’il a conscience que dix ans paraît improbable et qu’il serait plus cohérent de miser sur quelques mois), ne serait-ce que pour se remettre complètement de ses blessures avant d’en enchaîner de nouvelles. « Oh, t’es dure avec toi-même. » Il souligne en lui adressant un regard en coin. « Je suis sûr que t’auras juste le... déambulateur. » Il verbalise après un moment de réflexion quant au dernier mot à répéter. Il en rit, Alfie, quand bien même au fond la vérité n’est pas aussi joyeuse : il sait pertinemment que cette scène qu’ils viennent d’imaginer n’a aucune chance d’être existante dans la réalité, tout simplement parce que selon la sienne, d’ici dix ans il ne sera plus sur cette terre pour respirer le même air qu’elle. Ce n’est pas qu’il est suicidaire, le brun, seulement il ne s’est jamais imaginé vivre vieux. Il vit sa vie à cent à l’heure, il veut en profiter tant qu’il le peut encore, il veut poursuivre les excès à défaut de flirter avec les extrêmes ; et en ce sens il ne supporterait pas d’être bridé par son âge ou son corps. Dans dix ans, il n’imagine pas être en mesure de vivre la vie qu’il aime mener – alors autant espérer ne plus vivre du tout plutôt que de se contenter d’une existence au rabais. Le discours n’est pas triste, n’est pas tragique, absolument pas ; et cette perspective ne provoque aucun frisson à l’anthropologue, aucune tristesse ; c’est plus une mélancolie qui s’installe, une réjouissance d’avoir profité autant qu’il le pouvait qu’une détresse à l’idée de cesser d’exister.

La conversation prend une tournure qui lui est déplaisante. Non pas qu’il soit parfaitement insensible, Alfie, contrairement à ce que l’on pourrait supposer. Mais il n’est pas toujours à l’aise avec les émotions des autres, il l’est encore moins qu’il n’arrive lui-même pas à maîtriser les siennes. Il n’a jamais été un fin psychologue, autant par envie que par capacités – il sait écouter quand il le veut (Norah bénéfice de cela à cet instant), mais sa vision des choses, sa manière d’appréhender les difficultés, font de lui une piètre oreille autant qu’un très mauvais conseiller. Oh, bien sûr, si les conseils visent à sortir de sa zone de confort, à repousser ses limites, à se montrer plus irrationnel que responsable, il est la personne à consulter. Il pousse les autres autant qu’il se pousse ; il aime appuyer là où ça fait mal, il aime piquer, provoquer, pour obtenir une réaction d’autrui. Et, le plus souvent, cette réaction est celle que son interlocuteur vise sans vouloir l’admettre. Alfie ne force jamais les autres à quoi que ce soit ; et malgré son passé mouvementé qui laisse penser le contraire, le fait est que chacun est responsable de ses propres actions et qu’il se contente d’orienter celles-ci au besoin, mais jamais il n’a usé et abusé de chantage auprès des autres, lui permettant de se dédouaner des mauvais choix qu’il aurait pu pousser. Malgré le ton calme de Norah, ses réponses frontales lui font comprendre qu’il a touché à un point sensible ; tant mieux, c’est très exactement ce genre de réactions qu’il veut déclencher et c’est ainsi un sourire qui s’affiche sur ses lèvres. « Est-ce que tu en as profité pour ré-réfléchir ? » Il questionne, avant de reprendre : « Sur toi, sur ce que tu vis ? » Il poursuit ses interrogations, ne s’arrête pas, quitte à en être foutrement agaçant, autant que parfaitement incompréhensible : il n’a pas le débit, ni l’énergie, de parvenir à formuler toutes les idées qui habitent ses pensées afin qu’elles soient interprétées comme il l’aimerait. « La solution à quoi ? » Qu’il conclut, conscient qu’elle serait susceptible de s’offusquer de ce qui apparaît comme un désintérêt – ça n’en est pas. Seulement, pour faire usage de ce mécanisme depuis longtemps, il sait pertinemment ce qu’est le déni ; à la différence qu’il l’assume et sait le relier aux situations propices, ce qui ne lui semble pas être le cas de Norah. Tout son entourage verbalise son épuisement, elle-même le reconnaît ; et pourtant, elle s’offusque qu’on tente de la mettre sur la touche alors que le point de non-retour a été atteint. Alors, oui, il ne sait pas exactement ce qu’elle attend de lui, mais il ne compte pas faire comme son entourage et la brosser dans le sens du poil pour lui éviter de se confronter à cette réalité ; Norah n’est pas en sucre et peut-être a-t-elle besoin d’être secouée. « C’est la première fois que tu dis qu’il peut y avoir un problème. » Il souligne, ayant l’impression que ces mots n’ont jamais franchi ses lèvres avant aujourd’hui (bien qu’il ne soit pas à l’abri de l’avoir oublié de par les conséquences des coups portés il y a quelques mois). « Je le suis. » Il précise avant de reprendre, avec un haussement d’épaules las : « Je pensais que tu étais consciente de mon fonctionnement. » Aussi agacée qu’elle soit, il ne cherche pas à présenter ses excuses. Elle est supposée le connaître, ce qui implique de ne pas s’offusquer de sa manière de fonctionner. Encore une fois, les gens ne se confient pas à lui dans l’espoir d’avoir les mêmes conseils qu’un manuel de psychologie pourrait donner ; elle-même le sait. Alors il ne sait pas ce qu’elle cherche, mais il ne va pas s’excuser de ne pas faire preuve de la même délicatesse à laquelle elle s’est habituée à force qu’elle lui soit adressée.

Il ne s’excuse pas, mais il n’est pas pour autant vexé par son agacement perceptible alors qu’elle reprend la parole. « On te le ma-martèle à longueur de journée, mais ça ne sert à rien si toi-même tu n’y crois pas. » Et là encore, il ne comprend pas exactement ce qu’elle désire, semblant de se plaindre d’autant de sollicitudes, ne pas en comprendre le but, alors que jusqu’ici, elle n’a jamais dialogué avec lui comme elle le fait à cet instant, s’épanchant un peu plus sur ses difficultés. « Mais tu peux pas attendre des autres qu’il comprenne ce que tu ne veux pas leur dire. » Oh, bien sûr, c’est l’hôpital qui se fout de la charité, mais il n’est pas le concerné ici ; ainsi peut-il se permettre de le souligner. « Oui, mais je n’ai pas explosé, moi. » Il précise et cette fois-ci il ne s’agit aucunement d’une quelconque forme de provocation, seulement d’un constat. « Et si ça se re-reproduisait ? » C’est arrivé une fois ; elle n’a rien fait pour améliorer les choses à l’entendre. Et si ça se reproduisait ? Et si la situation se répétait, encore et encore ? Si de son côté il ne cesse de forcer son esprit et son corps contre leur volonté, ça lui a souvent réussi – il n’est pas sûr que le même succès puisse se reporter sur Norah. Finissant par admettre qu’elle s’en est persuadée, c’est un bref sourire qui s’affiche sur les lèvres d’Alfie. [color:c1ba=#darkseagreen]« Et ça te convient ? » Qu’il poursuit ses interrogations ; question rhétorique, il est évident que ce n’est pas le cas. « Peut-être qu’il faut que tu t’écoutes au lieu d’écouter les autres. » Il conclut, car c’est bien ce qui ressort de son discours : ce sont les autres qui s’inquiètent, les autres qui proposent des solutions et elle semble s’adapter. En réalité, il n’en sait rien, il n’est pas présent au quotidien dans la vie de Norah pour en avoir une telle certitude, mais c’est sa manière de voir les choses en fonction des éléments qui lui sont transmis ; ainsi se permet-il de donner son avis. Mais encore faut-il accepter la perspective d’être égoïste quand l’empathie est la qualité qui vous caractérise et ce qui lui semble facile de son expérience s’avère sûrement bien compliquée pour Norah de la sienne. « Tout me saoule, en ce moment. » Il se contente de rétorquer avec un bref rire. « Non, parce que j’en sais tou-toujours rien. » Il précise, sans mauvaise volonté. Il a des pistes, de potentiels indices, mais rien de concret jusqu’ici : c’est toujours un néant complet qui entoure les explications qu’il aimerait obtenir quant à ce fameux jour de 2019. « Oh, t’inquiète, il en faut plus pour me mettre en terre. » Bien plus, il l’a expérimenté lors de son retour à Brisbane fin 2017 dans un état lamentable. Son corps avait souffert comme jamais et même ce rappel il y a un an n’est pas suffisant pour envisager une comparaison fiable. Mais il est vrai qu’il minimise constamment ses séjours à l’hôpital, supposant qu’il est le plus concerné et que s’il ne voit pas ceux-ci comme un souci ; ses proches ne devraient pas le faire à sa place. Surpris par le soudain arrêt de Norah et l’obligation qu’il en fasse de même lorsqu’elle se saisit de son bras, il se retourne vers elle en fronçant légèrement les sourcils avant d’afficher un sourire – de ceux qui minimisent, toujours. « Je te le dis, il en faut plus. » Il souligne, avant de reprendre : « Merci. » Des fois qu’il passerait pour un ingrat alors qu’il ne l’est pas totalement. Pourtant, dans le fond, il ne va pas mieux ; c’est même tout l’inverse, mais c’est un détail qu’il ne désire pas évoquer, pas aujourd’hui. « À présent, c’est à ton tour. » D’aller mieux et il espère que ce sera effectivement le cas, vite, très vite.
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Message(#)noralfie + life gets heavy EmptyJeu 5 Nov 2020 - 22:32

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Les années de pratique rendaient parfois les infirmières aigries, blasée de ce qu'elle rencontrait au quotidien, avec un détachement si marqué qu'il était difficile de passer à côté. Elles ne se laissaient plus surprendre par les patients que l'on accueillait, elles se montraient beaucoup moins tolérantes avec les étudiants qu'elles encadraient, elles devenaient amères au moindre changement. Mais on ne leur en voulait pas pour la simple et bonne raison que plusieurs dizaines d'années dans cette carrière méritait un minimum de respect. Enfin ça, c'était ce que les plus jeunes pensaient; Norah elle, ne se gênait certainement pas pour faire remarquer quand une de ces collègues faisaient n'importe quoi ou montaient sur ses grands chevaux. Elle ne voulait tellement pas devenir comme elles. "Tu me flattes, si tu penses que je garderais ma superbe couleur de cheveux jusque là." répondit-elle avec un léger rictus. Une teinture et c'était réglé, après tout. Norah ignorait comment son ami imaginait son futur. Avec le temps, elle avait bien remarqué qu'il était de ceux qui vivaient au jour le jour. Au diable les conséquences sur autrui et sur son futur, à partir du moment qu'il croque la vie à pleine dents. Parce qu'il savait qu'à un moment donné, il ne le pourrait plus. Que ce soit par un décès ou par la perte d'un de ses bras ou jambes, quoi que ça ne l'empêcherait pas de continuer. Cela dit, la belle brune ignorait également où elle serait d'ici dix ans. Mais pas du tout en étant dans le même état d'esprit que son ami. Elle ignorait déjà de quoi le lendemain serait fait et était incapable de trouver des activités qui lui donneraient la satisfaction de profiter de sa vie autant qu'elle ne le pouvait. Et pour cela, elle enviait Alfie, d'y parvenir. C'était aussi pour sa manière de penser, sa manière d'être, qui il était, qu'elle l'appréciait tout particulièrement. Il sortait des sentiers battus, il n'avait pas peur des représailles ni des réactions négatives des personnes à qui il parlait, qu'ils soient un membre de la famille, un ami, ou non. Elle savait que s'il s'entre contrecarrait royalement, il ne ferait même pas l'effort de l'écouter ou de chercher à la provoquer. Que tirait-il de leurs réactions ? Norah l'ignorait. Le faisait-il vraiment par intérêt ? Ca aussi, elle ne le savait pas. Il en tirait une sorte de satisfaction, ça, c'était certain. Sinon il ne serait pas là à sourire devant les réponses de Norah. Elle avait remarqué qu'il bégayait beaucoup moins lorsqu'il enchaînait ses questions. Interrogations qui avaient pour unique but de la pousser à bout, de la mener à son tour sur des voies qu'elle n'aurait jamais envisagé auparavant et qui était bien plus douloureuse qu'elle n'aurait pu le penser. Et il pensait à quoi maintenant qu'il la voyait au-delà du point de rupture ? Ils avaient soulevé le sujet, lors de leur précédentes entrevues: :de tenter de surpasser ses propres limites, ou du moins, de les approcher dangereusement. Il voyait désormais ce que ça donnait pour Norah : rien de très probant. "J'ai pas les mots pour décrire ce que je vis." dit-elle d'une voix bien plus incertaine. "Alors, pour y réfléchir dessus..." Elle haussait les sourcils. C'était une épreuve particulièrement difficile pour elle, de s'y confronter pleinement. Et particulièrement effrayant aussi. Cela la forçait à approcher une souffrance qu'elle avait laissé renfermer en elle pendant des années et qui lui était absolument insupportable. Aucune réponse concrète ne lui venait en tête et ce n'était pas faute d'y réfléchir dessus intensément. Elle releva vers lui un regard surpris dès qu'il soulevait le fait qu'elle ait mentionné qu'elle avait un problème. Norah n'en revenait pas elle-même, dans un premier temps. "La première fois, oui." admit-elle, encore interloquée qu'elle ait pu dire une telle chose à haute voix. "T'es le seul à qui je l'ai dit." Pourquoi pas Caelan, Marcus, Percy, ou Anwar ? Là, Norah s'interrogeait vraiment. Pourquoi c'était plus facile de l'admettre à Alfie ? Alors qu'il donnait là l'air d'être particulièrement agacé que Norah en vienne à raconter un peu sa vie. Il lui assurait du contraire, presque déçu qu'elle ne l'ait pas compris en premier lieu. "Je le suis." lui assura-t-elle. "Excuse-moi." ajoutait-elle en toute sincérité. Elle était à fleur de peau, la tête dans le guidon.  

Se massant nerveusement la nuque, elle encaissait comme elle pouvait les remarques d'Alfie, toujours aussi pertinente. Ca lui faisait autant de bien que de mal de les entendre : un peu comme une épine que l'on devait retirer du pied. "Et qui me dit qu'ils peuvent comprendre sans que ça les fasse culpabiliser ?" Elle aimait ses frères plus que tout, Anwar faisait partie de la famille. Ils étaient les témoins démunis, ceux qui la voyaient se dégrader de jour en jour, se désolant de la voir refuser d'admettre sa détresse. A quel point allaient-ils également être touchés de la voir bien plus en souffrance qu'elle ne l'avait jamais admis auparavant ? "Je sais pas, rien qu'à l'idée de l'évoquer vraiment devnt eux, ça me met vraiment mal à l'aise." confessa-t-elle avec une pointe de nervosité. "Touché." lui répondit-elle quand il lui rappelait que lui n'avait pas encore atteint le point de non-retour.  "Je sais pas, Alfie." lui répondit-elle. La soignante n'avait vraiment aucune idée de ce qu'il adviendrait d'elle si elle était menée à se sentir chuter une nouvelle fois. Les dégâts seraient bien plus considérables, peut-être même irréversibles. "Si je m'écoutais, je..." Elle commençait à parler d'une voix tremblante, avant de lancer quelques jurons en essuyant ses yeux subitement humides. Non, elle ne voulait pas en pleurer, elle estimait être plus forte que ça. Elle ne voulait pas être celle à plaindre, ou celle pour qui on devait ressentir une quelconque pitié. "... La première chose qui me vient en tête c'est..." Elle soupirait. Il lui était bien difficile de trouver les mots les plus justes. "Je n'ai qu'une envie : que ça s'arrête." La phrase était peut-être crue, et certaines interprétations pouvaient s'avérer plus qu'inquiétantes. "Je parle pas de suicide ou de trucs de ce genre, hein." lui assura-t-elle rapidement. Elle glisser ses doigts dans ses cheveux, lâchait un énième soupir. C'était très difficile pour elle. "Mais plutôt qu'il suffise d'appuyer sur un bout pour que ça s'en aille." Si seulement ça pouvait être aussi simple. "J'ai l'impression d'être une vraie drama queen à m'apitoyer comme ça." Et ça  aussi, ça l'énervait.  Alors qu'elle était la dernière à se plaindre de sa condition et de l'utiliser comme excuse pour que l'on se mettre plus souple pour ses beaux yeux. "Dis -moi franchement." De base, elle savait qu'elle pouvait compter sur l'honnêteté parfois très crue de son ami, et qu'elle appréciait à sa juste valeur. "Est-ce que tu me crois si je te dis que cette souffrance là est insupportable ?" A vivre au quotidien, surtout depuis que la fameuse chute du paquet de Skittles avait fait remonter en elle tout ce qu'elle avait si précieusement refoulé. "C'est... indescriptible. D'être confrontée à ça, je connais pas un mot qui soit à la hauteur de ce que je ressens." Alors, à quoi bon essayer d'être comprise si elle-même ne trouvait pas une juste définition de son vécu. "J'avais parfaitement conscience des risques du métier de Frank. Seulement, que le pire nous tombe dessus... Il n'y a rien qui prépare à ce qu'on perde une personne que l'on a aimé et que l'on aime encore de tout son coeur." Norah n'était vraiment pas des plus romantiques qui soit, pourtant elle avait toujours su que Frank était sa moitié, celle dont elle ne pourrait jamais se dissocier. "Du jour au lendemain, il n'était plus là. Mais la vie continuait." Un bon vieux dicton qui avait bon dos. "C'est surtout à ça que je réfléchissais, finalement. Et au fait qu'en quatre ans, j'ai pas l'impression que grand chose ait changé." Elle en était toujours au même stade. Il fallait qu'elle accepte que Frank ne reviendrait pas, et qu'elle devait continuer sans lui. "Tu as devant toi un merveilleux cas de deuil pathologique." dit-elle d'un ton las sans même prendre la peine de sourire. Dire ces mots là à haute voix, c'était aussi une première. Le reconnaître ouvertement aussi. "Ca t'intéresse pas, pour tes petites enquêtes personnelles ?" suggérait-elle avec une pointe d'amusement. "Pas aussi fascinant qu'un DVD montrant l'activité de tes fameux petits soldats, je le conçois." Ce souvenir lui donnait le sourire. Une étrange de manière de faire connaissance avec le personnage qu'était Alfie Maslow, mais efficace. Il lui faudrait encore un certain temps avant de s'en sortir, mais déjà accepter qu'elle n'allait pas bien et avoir conscience qu'elle n'était vraiment pas sur la bonne pente, c'était déjà un début.

Norah avait bien gardé en tête ce qui était arrivé à Alfie. Difficile d'oublier son passage aux urgences le jour alors qu'elle y travaillait. Elle ne l'avait qu'aperçu, mais c'était amplement suffisant. Maintenant qu'il s'en était plutôt bien remis, il semblait être blasé. Il l'affirmait sans détour. "Et c'est quoi, ce tout ?" lui demanda-t-elle rapidement. Alfie disait ne pas se souvenir de ce qu'il s'était passé. Il ne trouvait pas les causes de blessures aussi profondes, d'un traumatisme autant physique que psychique. Il tenait à préciser et à répéter qu'il avait besoin de beaucoup plus de ça pour être mis KO. Norah n'avait beau être que l'ombre d'elle-même et particulièrement vulnérable, elle n'était pas dupe pour autant. Elle aurait même presque pu croire qu'il cherchait à la rassurer, mais Alfie était trop nombriliste pour se soucier de ce genre de futilités. Il lui souriait alors, et ça lui faisait sourire également. Ca venait tou seul, c'était spontané, ça lui faisait du bien. A quoi tu penses, là, Leckie ?, se demanda-t-elle. Il se souciait d'elle, il espérait qu'elle retrouve sa forme habituelle, son sens de la répartie qu'il avait toujours apprécié, l'énergie qui l'animait. Il veut que j'aille mieux. Est-ce qu'il se fait du soucis ? Norah avait gardé sa main délicate sur son bras. "Je ne demande que ça." Qu'elle puisse se passer de tout ce qui la pesait, qu'elle n'ait plus cette sensation d'être enlisée et d'étouffer. La brune s'approchait de lui d'un pas. "Je pense que..." Elle soupirait. "Je préférais t'en parler à toi parce que tu es le seul qui aurait vu les choses différemment et qui ne soit pas directement concerné par cette histoire. Tu n'as pas connu Frank, tu n'as rien à te reprocher, tu n'as pas le même ... engagement émotionnel que pourraient avoir mes frères ou Anwar." dit-elle en croisant son regard avec le sien. "Et que tu penses tellement différemment des autres. Je savais que tu m'y confronterais et que tu ne mâcherais pas tes mots. Ca fait mal, c'est encore plus difficile que je ne l'imaginais, mais..." C'était nécessaire. "Je sais que c'est pas le genre de conversations que tu préfères." Loin de là. Il aurait certainement préféré aller courir avec elle, discuter des prochaines pâtisseries qu'elle devrait lui faire; retrouver en somme l'insouciance de leur amitié.  "Toi aussi t'avais plutôt apprécié que je te tienne tête et ça t'avait d'autant plus amusé de mettre à rude épreuve, même si tu n'as finalement jamais réussi." Ca la rendait presque nostalgique. Là ils étaient sévèrement endommagés tous les deux et ils tenaient le coup comme ils le pouvaient, chacun à sa manière. Seulement, Alfie avait rapidement compris qu'elle était bien plus fragile et n'attendait d'elle que d'aller mieux, le plus vite possible.
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Message(#)noralfie + life gets heavy EmptyJeu 19 Nov 2020 - 21:47

Que l’on puisse s’offusquer de sa répartie ou de ses diverses provocations n’est guère surprenant ; d’aussi loin qu’il s’en souvienne Alfie a toujours pris un malin plaisir à manipuler les mots de telle façon à obtenir des réactions outrées, souvent exagérées, de la part de ses interlocuteurs. C’est un plaisir qu’il trouve dans la manière dont il dirige de tels échanges et si certains tendent à fuir le conflit, il le recherche perpétuellement car, selon lui, c’en est bien plus stimulant intellectuellement qu’une conversation lambda sans intérêt. Il s’ennuie rapidement lorsqu’il parle de la pluie et du beau temps – alors il préfère tout simplement l’éviter. Norah en a conscience ; la manière dont elle amorce leur conversation implique bien qu’ils n’évoqueront aucun sujet suffisamment superficiel pour qu’il décide que son attention mérite d’être ailleurs : non, c’est bien une annonce à laquelle il ne s’attendait pas qu’elle lui partage aujourd’hui. Une annonce qui le fait inévitablement réagir ; ou plutôt, la manière dont elle présente (et accepte) les événements ne manque pas de l’interroger, de le ravir dans un sens puisqu’il ne tarde pas à user de cette provocation dont, elle, a l’habitude. Pourtant, Norah semble en être outrée – peut-être que sa franchise a été trop brutale, peut-être qu’il devrait modérer ses propos dans une première phase et frapper par la suite. Mais Alfie n’a jamais su coller aux attentes des autres et s’il ne perçoit pas d’intérêt à brosser son interlocuteur dans le sens du poil simplement pour que son opinion soit mieux acceptée, il ne compte pas agir de la sorte. Norah et lui se connaissent depuis suffisamment d’années pour qu’elle ne prenne pas ses provocations à titre personnel. Du moins, c’est ce qu’il croyait et même en ayant la preuve de l’inverse ce ne sont pourtant pas des excuses qui s’échappent d’entre ses lèvres, mais des questionnements qui visent à la pousser à aller plus loin, toujours plus loin et peut-être même au bout de ses ressources et limites. Elle s’offusque qu’on ait pu la mettre de côté, pourtant la situation telle qu’elle est présentée laisse présager que sa mise à pied était la solution la plus évidente en fonction du contexte – et probablement que si elle avait été à la place de ce fameux Andy, la décision qu’elle aurait prise aurait été la même que celle qui lui a été imposée. Alfie ne comprend pas son raisonnement et pourrait continuer sur cette voie durant de longues minutes, mais il sait aussi qu’il serait bien mal placé pour poursuivre dans les jugements pour être lui-même ancré dans le déni ; à défaut il s’interroge surtout quant à ce que cette pause a pu lui apporter. Des questions auxquelles la jeune femme n’est pas en mesure de répondre et cette fois-ci, il tend à se vouloir plus empathique tandis qu’elle exprime son incapacité à mettre des mots sur la situation qu’elle vit. Cela raisonne en lui, aussi reste-il silencieux et l’anthropologue se contente d’acquiescer doucement, silencieusement, comprenant où elle veut en venir et ne souhaitant pas poursuivre. Il pourrait, là-encore, il aime avoir le dernier mot et il n’est jamais à court d’arguments, et s’il peut être exécrable, il n’est pas toujours sadique : inutile de la pousser à bout, de l’obliger à verbaliser quelque chose sur laquelle elle n’est pas capable de poser des mots. À défaut, il souligne simplement le fait qu’elle reconnaisse qu’il s’agit d’un problème et son discours lui semble se moduler du tout au tout. Exaspérée il y a une dizaine de secondes, désormais consciente des raisons ayant poussés ses supérieurs à lui demander de prendre de recul. Il y a un problème. « C’est pas grave que tu saches pas p-poser des mots dessus. » Il souligne en reportant son attention sur la jeune femme, avant de poursuivre : « Au moins, t’as conscience qu’il est là. » Et c’est à elle d’en faire ce qu’elle souhaite : le laisser de côté, l’accentuer, tenter de le régler, les solutions sont multiples, mais le choix est individuel. « Tu m’en vois honoré. » Gardien des secrets d’autrui n’est pourtant pas un rôle qu’il apprécie, mais dans ce cas précis il peut le supporter. Il n’aime pas que l’on fasse de lui une oreille attentive, mais jamais les confessions n’iront plus loin que son esprit ; il manque cruellement d’empathie, mais il a le mérite d’être loyal.  

Norah s’excuse de sa méprise, il secoue la tête pour lui confirmer que ce n’est rien – il ne s’excuse jamais auprès d’autrui, ce n’est pas pour qu’on le fasse à son égard. Il aurait très bien vécu avec la perspective de l’avoir vexée ; il lui en faut bien plus pour qu’il se considère comme atteint par les autres et pour remettre en question ses propos autant que ses actes. « Qu’ils c-culpabilisent n’est pas ton problème, mais le leur. » S’ils culpabilisent, c’est qu’ils ont quelque chose à se reprocher. La règle n’est évidemment pas universelle ; mais elle demande son opinion, sa vision des choses et c’est celle-ci. Quelqu’un qui n’a rien à se reprocher – ou à défaut, qui vit très bien avec ce qu’on peut lui reprocher – ne ressentira pas de culpabilité. « C’est aussi parce que tu as fait pal-passer les autres avant toi que t’en es là. » Il ajoute, l’air de rien. Alors, les autres, ils peuvent aller se faire voir, même si parmi ses autres se trouvent l’un de ses amis – il apprécie Annie, mais à cet instant le parti pris est celui de Norah. « Il y a des alternatives. » Il mime un crayon invisible dans sa main ; incapable de se fatiguer plus pour proposer ses arguments. Mais en parler à ses proches n’implique pas nécessairement de le faire devant eux, d’autres opportunités existent et dans d’autres circonstances probablement qu’il lui aurait déroulé la liste des options pendant une bonne demi-heure. Tout comme il pourrait lui dérouler la liste des raisons pour lesquelles leurs situations ne sont pas comparables, la première étant que le tictac infernal continue de raisonner dans sa tête à défaut d’avoir explosé, comme c’est le cas pour Norah. Le recul qu’elle semble prendre sur la situation n’est que factice ; le problème n’est pas maîtrisé, alors qu’en sera-t-il s’il se reproduit ? Il aime pointer du doigt les contradictions ; mais il reste muet tandis qu’il entend sa voix se briser et ses yeux s’humidifier. Elle hésite, elle n’ose pas, elle se reprend, il ne la quitte pas du regard pour l’inviter à expulser ces craintes qu’elle a sur le bout des lèvres. Il devrait froncer les sourcils, s’opposer à cette idée inconcevable, s’exprimer quitte à prendre toute la place ou se plonger dans un silence assourdissant pour faire part de sa désapprobation, mais Alfie ne réagit pas. Ou plutôt, refuse de réagir : l’idée que cela s’arrête n’est pas intolérable si elle est la sienne ; il n’a pas son mot à dire, même si elle venait à parler de suicide. Probablement qu’il pourrait finir condamné pour non-assistance à personne en danger de par son détachement ; mais Alfie persiste à penser que chacun est maître de ses actions : Norah l’est et jamais il ne l’empêchera de mener à bien ses souhaits, quand bien même ils peuvent paraître révoltants. Ils ne le sont pas à ses yeux et il a conscience que cet avis ne faisant pas l’unanimité, il ne le souligne pas alors qu’elle ne tarde pas à préciser le fond de sa pensée, trouvant, cette fois-ci, les mots. « C’est lég-légitime. » De vouloir que tout s’arrête, d’avoir un bouton sur lequel appuyer pour que cette souffrance cesse. C’est légitime autant que c’est impossible ; c’est bien ça le problème. « Mais ce bouton n’existe pas, Norah, alors il faut que tu tentes de trouver d’autres solutions. » Il pourrait exister, en réalité, ce bouton stop : mais il sait qu’elle n’appuiera jamais dessus. Il sait que ses enfants et ses proches sont plus importants que tout le reste. Il y a d’autres alternatives, d’autres solutions qui donnent l’impression de pouvoir appuyer sur pause à défaut de ce stop. Il en a essayé de nombreuses plus jeune, il sait qu’elles sont efficaces mais jamais il ne les conseillera – il les garde égoïstement pour lui. « T’es humaine. » Et non une drama queen. Elle est humaine, avec ses forces et, en l’occurrence, ses faiblesses. Tournant la tête lorsqu’elle demande son attention, il fronce les sourcils à sa question. « Je peux pas y répondre, Norah. » Il a perdu des proches ; la douleur causée par la perte de Rachel est encore bien présente et ne pourra jamais être comblée. Mais il ne peut pas lui répondre, pas à cette question. « J’imagine que oui, mais c’est propre à chacun. » Il peut imaginer la croire, oui, mais cette douleur est aussi si subjective qu’il ne peut pas émettre un avis qui fera office de généralité. Il s’est remis du décès d’Amelia, il a accepté par obligation celui de Rachel, il vit avec l’idée qu’il a lui-même enduré cette souffrance et que, ces semaines-là, en Colombie, il aurait réellement voulu appuyer sur le bouton stop. D’autres n’ont pas la même vision des choses, seraient encore hanté par la culpabilité d’avoir causé une mort autant que d’avoir dû se séparer d’une partie d’eux-mêmes, tandis que certains vivent très bien sans que jamais les morts qui les entourent ne leur pèsent sur la conscience. « Est-ce que tu t’es déjà d-demandée ce qui devrait changer ? Ce que tu voudrais changer ? » Il peut entendre que la mort de Frank a été destructrice, mais il ne peut pas prétendre l’avoir vécu. Sa relation avec Amelia n’est pas comparable avec le décès d’un partenaire de plusieurs années, père de ses enfants, alors il n’essaie même pas de comparer les deux situations. Tout ce qu’il peut essayer de faire, c’est de continuer à la pousser dans ses retranchements, dans ces interrogations qui sont, encore une fois, trop abstraites pour servir à quelque chose. Pas grand-chose n’a changé, mais est-ce qu’elle a déjà pris le temps de réfléchir à ces changements ? « Pas vraiment, tu m’excuses si je préfère les trucs plus fun. » Il rétorque avec un demi-sourire lorsqu’elle le renvoie à leur première rencontre ; mais il ne perd pas espoir qu’un jour le DVD lié à ce souvenir-là puisse être quémandé, signe que les choses se seront améliorées.

Ce n’est pas le cas pour lui ; le temps passe, mais les souvenirs demeurent inexistants. Elle le questionne, il ne peut répondre, elle persiste, il signe : « tout. » Il met un point final à la conversation en haussant les épaules ; ce tout englobe énormément de choses dont il ne peut pas parler : il n’en a pas les capacités autant qu’il n’en a pas l’énergie ; peut-être qu’un autre jour il sera capable de s’épancher sur la question, aujourd’hui il n’a pas envie d’y laisser son énergie. Alors il reporte l’attention sur elle, sur sa situation – c’est bien pour cela qu’ils sont là aujourd’hui. « C’est pas ce que je préfère, mais c’est pas pour autant in-inutile. » Il tente de la rassurer en haussant les épaules. Il n’aime pas jouer au psychologue au-delà des frontières de son métier ; mais il a la décence de ne pas le montrer outre-mesure et de faire des efforts. « Oui et j’attends de toi que tu le fasses à nouveau. » Pas qu’elle n’en soit présentement plus capable, mais le fait est que sa répartie n’est pas aussi développée qu’à l’époque où ils se sont rencontrés, la faute à ces problèmes évoqués auparavant. Une seconde mise en garde quant au fait qu’il attend d’elle qu’elle prenne soin d’elle, qu’elle prenne le temps de résoudre le problème plutôt que de trouver des fautifs à celui-ci. « Toujours présent pour te secouer. » Qu’il ajoute, plus sérieusement ; c’est son rôle de prédilection, celui qu’il connaît le mieux, autant être efficace dans celui-ci. « Enfin, pour quelques mois. » Qu’il soupire avant d’ajouter : « Tout ça, ça m’a fait réaliser certaines choses. » Qu’il n’a encore jamais admis, qu’il n’a encore jamais annoncé officiellement et c’est aussi la conversation des premières fois pour lui : « dès que je peux, je repars sur le terrain. » Et cette fois, il n’est pas certain que les raisons soient suffisantes pour le convaincre de revenir, mais il ne le dira pas : il ne veut pas d’adieux ; alors il n’en fera pas.  
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Message(#)noralfie + life gets heavy EmptyDim 22 Nov 2020 - 22:50

LIFE GETS HEAVY
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Le brun semblait presque être introspectif face à l'incapacité de son amie à trouver réponse à ses nombreuses questions. Le vocabulaire anglais manquait cruellement de richesse aux yeux de Norah pour qu'elle ne trouve pas les mots le plus exacts pour décrire la façon dont elle se sentait. Alors il acquiesçait, il semblait comprendre malgré tout. Norah était interpellée par le fait qu'il ne cherche pas à faire rebondir la balle plus que ça, comme si ce qu'elle traversait lui parlait. Là, elle comprenait. Il savait de quoi elle parlait. Peut-être même que c'était un peu trop évocateur pour lui. Et au lieu de balancer une autre vanne ou de continuer à la marteler de questions plus pertinentes les unes que les autres, Alfie se montrait incroyablement compréhensif. Il ne la blâmait pas, de ne pas trouver les bons mots, loin de là. Il était d'habitude bien égocentrique et il ne se laissait pas influencer par les réactions et les attitudes des autres pour mieux leur correspondre. Il restait fidèle à lui-même, envers et contre tout. Il savait qu'il pouvait d'autant plus l'être avec Norah, qui d'habitude ne s'offusquait pas pour un sou avec lui. Excepté à ce jour, où elle n'était plus vraiment elle-même. La belle brune relevait les yeux vers lui, touchée qu'il accepte de révéler l'empathie dont il était doté et qu'elle n'était pas certaine d'avoir déjà vu auparavant. Il se sentait déjà plutôt rassuré de voir que Norah avait enfin noté qu'il y avait quelque chose qui clochait chez elle. Ne pas parvenir à le verbaliser n'était au fond pas un drame, qu'elle l'accepte enfin représentait bien plus que tout le reste. Alfie ne lui en voulait pas d'avoir pris la mouche un petit peu plus. Il avait voulu la faire réagir et il avait réussi. Cause et conséquence. Tout comme Norah craignait la conséquence des confidences qu'elle ferait à ses proches. Pour Alfie, ça devait être le cadet de ses soucis. Il avait raison sur ce point, s'ils culpabilisaient c'était qu'ils avaient quelque chose à se reprocher. C'était donc leur problème. La jeune femme ne put qu'acquiescer d'un signe de tête, mutique. Elle appréhendait d'être menée à en parler à ses proches, ça la bloquait. Alfie lui fit remarquer qu'il existait d'autres options en mimant un geste reconnaissable qu'il jugeait inutile à expliquer. Proposait-il donc de l'écrire ? Ca n'était pas une mauvaise idée, au fond. Ca avait le mérite de se pencher sur la question, d'y réfléchir. Elle pourrait rédiger avec tout le temps dont elle avait besoin, ils pourraient lire en toute tranquillité le moment venu. Suite à quoi Alfie continuait à aller encore plus loin dans le questionnement de Norah, et ce, dans l'intérêt de la brune. Il avait compris très vite que la relativité dont elle faisait preuve n'était qu'une façade. Le fond du problème était irrésolu et il ne se faisait pas berner par son détachement et sa lassitude. Et là, il lui posait la question qui la fit totalement perdre pied. Alfie le remarquait facilement et plongeait rapidement son regard dans celui de Norah et fit en sorte qu'elle ne s'en détache pas tant qu'elle n'avait pas réussi à répondre correctement. Il restait pantois devant son émotivité, se montrant d’une grande patience face à ses bégaiements hésitants et incertains. Les mots étaient prononcés et certains se seraient montrés alarmistes devant une telle verbalisation de sa détresse. Mais Alfie n’était pas comme tout le monde et acceptait cette confession avec une sérénité des plus agréables. L’absence totale de jugement retirait un poids conséquent des épaules de Norah. Elle en était émue aux larmes, qu’il le prenne de cette façon. Jamais n’aurait-il été de ceux qui la secoueraient par les épaules tant qu’elle ne promettait pas de faire quelque chose d’inconscient et que d’autres ne songeraient jamais faire. “Je sais.” Que ce bouton là n’existait pas. Fermer les portes à ses émotions parce que celles-ci étaient trop pénibles à supporter au quotidien. “Plus facile à dire qu’à faire.” fit-elle remarquer cependant. Pour l’heure, Norah n’avait pas trouvé de solutions, ni même de pistes pouvant mener à celle-ci. Elle se sentait au pied du mur et démunie de se sentir aussi incapable. Et ça, ça l’énervait au plus haut point. “Mais j’essaie.” Ce n’était que très peu évident, mais elle essayait d’avancer, elle essayait de trouver ces chemins à emprunter. Une tâche épuisante pour une femme chez qui la source d’énergie se tarissait depuis voilà des années. Personne ne lui demandait la lune; on espérait juste d’elle qu’elle s’accorde du temps, des pauses pour qu’elle puisse penser à elle aussi. T’es humaine, Alfie disait. Et pourtant oui, c’était aussi simple que ça. Jamais ses enfants ne se vexeraient qu’un jour où ils n’ont pas école, leur mère aille faire quelque chose sans eux pendant une ou deux heures, jamais ses frères ne la jugeraient ou ne l’insulteraient si elle demandait à ce que l’on garde ses bouts de choux. Au contraire, ils sauraient qu’à ce moment-là, les choses iraient mieux pour elle. Norah ne pouvait décemment pas être sur tous les fronts sans défaillir et de voir qu’elle n’en avait pas été capable était synonyme d’échec. Alors qu’il n’en était rien. T’es humaine. Et comme il le disait, chaque humain vivait de façon singulière la perte d’un être proche. Alfie ne voulait prétendre savoir. Il avait vécu la perte de Rachel à sa propre façon. Il n’avait pas la prétention de savoir comment elle le vivait, elle. “Ce que je voudrais changer ?” demanda-t-elle d’un air bien songeur. Elle se laissait le temps de faire une rétrospective. “Je devrais déjà commencer par arrêter de me dire que je ne peux pas être heureuse sans qu’il ne soit dans les parages.” Elle regardait dans le vide. “Je pense que rien que ça…” Rien qu’avec ça, on retrouverait Norah. “Ca va sûrement te sembler bête, mais pendant longtemps rien qu’à l’idée d’envisager une nouvelle relation, j’avais l’impression de le tromper.” Cette sensation s’était estompée depuis quelques semaines, mais c’était ce qu’elle avait ressenti dès que Caelan lui avait un jour tenté de lui faire entendre qu’elle devrait peut-être songer à s’engager dans une relation amoureuse. Elle sourit avec amusement lorsqu’Alfie lui disait s’intéresser à des choses plus distrayantes qu’un deuil pathologique, ce qu’elle entendait parfaitement. “Promis, je viendrai avec quelque chose de plus intéressant la prochaine fois.” répliqua-t-elle alors.

De son côté, Alfie disait que tout le saoulait, dernièrement. Norah aurait aimé en savoir un peu plus, mais il lui fit comprendre qu’elle ne comptait clairement pas débattre sur le sujet. Elle respectait son choix. Cependant, elle ne pouvait pas s’empêcher de se faire du souci pour lui. Qu’est-ce qu’il se passait donc dans sa vie pour être ainsi blasé. Elle se demandait ce qu’il en était de sa relation avec Jules, avec Anabel, son boulot… Tous les indicateurs étaient-ils au rouge ? “Dans quel sens ça n’est pas inutile pour toi ?” s’interrogeait Norah, perplexe. Elle savait qu’il agissait dans son intérêt. Peut-être que l’objectif était de tout faire pour retrouver la Norah qu’il appréciait. Il le confirmait par la suite : sa répartie et l’énergie qu’elle dégageait lui manquait. Alfie secouait les cocotiers comme il le fallait, et il le faisait bien. Norah l’interrogeait du regard lorsqu’il disait que ce n’était plus que pour quelques mois. Elle n’avait pas eu besoin d’ajouter quoi que ce soit pour qu’il s’explique un peu. Norah sentait son coeur se serrer dans sa poitrine, inquiète. Elle restait muette, comme abasourdie par le projet d'Alfie qui était de quitter Brisbane. Elle aurait s'y attendre, qu'il ne tiendrait pas en place. Il lui avait déjà parlé plusieurs fois de ses voyages, de ce besoin constant de bouger, n'importe où, n'importe quand. Il n'avait pas d'attache, doté d'une autonomie et d'un besoin de liberté. "Tu vas partir ?" Question purement rhétorique, mais c'était comme pour pouvoir rendre la nouvelle plus palpable, plus réelle. Elle en était bien plus chamboulée qu'elle ne l'aurait imaginé. Interdire pendant un long moment, Norah ne savait pas quoi dire. Elle se sentait perdue. "Que... Pourquoi maintenant ?" Oui, il y avait ce tout qui le saoulait, dernièrement. Il était frileux à l'idée de donner des détails. "C'est quoi, l'élément déclencheur ?" La raison qui l'avait poussé à se décider une bonne fois pour toute. Parce que c'était bien de la détermination, ce qu'elle entendait dans sa voix. "Je..." Il n'y avait vraiment rien à dire. Elle ne comptait pas l'en empêcher, c'était ce qu'il voulait faire, ce qu'il avait besoin de faire pour être mieux. Seulement, de savoir qu'il serait absent pendant une longue durée la peinait. "Tu vas me manquer." admit-elle alors. Il était devenu avec les années une personne très chère à son coeur. "Tâche de pas trop faire de bêtises, hein." dit-elle dans une vague tentation d'humour. Une bouffée d'air frais. Elle le fixait, droit dans les yeux, sans prononcer un seul mot. Norah ignorait à partir de quel moment elle avait commencé  à lever sa main, pour la porter vers la joue d'Alfie, d'un geste délicat. Son pouce effleurait légère sa peau. Oh que oui, qu'il allait lui manquer.
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Message(#)noralfie + life gets heavy EmptyLun 14 Déc 2020 - 23:03

Certains s’en surprennent encore, néanmoins les qualités dictées par sa profession n’en sont jamais devenues des privées ; Alfie peut se montrer parfaitement à l’écoute et bienveillant sur le terrain et n’avoir que peu de considération pour ceux qui gravitent autour de lui lorsque vient le moment de revenir au pays. Il n’est pas ignorant au point de considérer que son attitude est compréhensible, il sait pertinemment qu’il est surprenant qu’il ait parfois plus d’intérêt pour des individus qu’il ne côtoie que l’espace de quelques semaines, contrairement à ceux qui l’ont accompagné depuis des années, des décennies parfois. Il le sait, Alfie, mais ce n’est pas pour autant qu’il s’en excuse ; il ne voit pas l’intérêt d’aller à l’encontre de celui qu’il est seulement pour faire plaisir à cette société dans laquelle il ne se retrouve pas (et ce, depuis longtemps). Ce besoin d’instantanéité, de validation sociale perpétuelle, de cases bien définies desquelles il est impensable de s’éloigner, une consommation à outrance y compris d’êtres humains, on ne peut pas dire que cette manière de vivre lui convient. Alors non, il ne sera jamais celui qui fait le premier pas pour prendre de vos nouvelles, ni qui se proposera spontanément pour vous changer les idées ou, pire, vous écouter poser vos problème sur la table. Il ne sera pas non plus celui qui prendra des pincettes pour ne jamais vexer l’autre – son intérêt résidant dans le conflit, il a besoin de le provoquer. Mais le conflit n’est pas nécessairement négatif, il peut également être source d’aide : dans cet interaction avec autrui, dans ce besoin d’étayer ses propres arguments au dépend de l’autre naît une nouvelle vision du monde, un nouvel angle de vue sur des problèmes qui n’aurait jamais été abordés dans d’autres circonstances. C’est dans cette négociation d’apparence agaçante que peut ressortir des éléments essentiels, Alfie le sait pour l’utiliser dans le cadre de sa profession, se permettant ainsi, sous cet aspect-là, de mélanger cette dernière avec sa vie privée. Alors non, il ne démontrera pas de son intérêt comme vous l’attendez, pour autant il en fait preuve, seulement il s’agit de sa façon de faire en dépit de la vôtre, ce qui peut paraître détestable, mais peut aussi être bénéfique. S’il ne mettait pas un minimum d’eau dans son vin, il n’aurait pas les relations qu’il a aujourd’hui. Il serait probablement seul, vivant en autarcie dans un coin du pays laissé à l’abandon par les gouvernements, menant la vie dont il a toujours rêvé. Alors oui, cette perspective ne l’enchante plus qu’elle ne le dégoute, tout comme la perspective d’être là pour les autres lui est supportable autant qu’il ne court pas après cette position. Mais il s’y adapte, à sa manière, avec un succès tout relatif. Il est égoïste ; c’est une certitude, mais c’est égoïsme il le partage avec les autres pour qu’ils s’épanouissent – et de là on ne peut décemment pas considérer qu’il est totalement insensible. La manière dont il parle à Norah peut paraître dure et peut-être est-ce le cas, mais selon l’important réside plus dans le résultat que dans le processus.

Et bien sûr qu’avoir un bouton sur lequel appuyer pour que tout cesse serait appréciable. Il sait qu’il en existe ; bien que le bouton prenne souvent la forme d’une substance à avaler ou à s’injecter, mais il sait aussi que Norah n’est pas pour cette solution-là. Car aussi surprenant que cela puisse paraître, malgré son historique autant que l’opinion bienpensante à ce sujet, Alfie n’a pas peur de proposer des alternatives qui semblent n’avoir guère de sens. Mais de son côté, il voit cela comme des béquilles sur lesquelles s’appuyer, un temps, sans se soucier de ce que les autres pensent. Sans parler nécessairement d’abus, il en va de même pour des perspectives ô combien impensable : délaisser ses enfants pour partir et se concentrer sur soi, dilapider ses économies par nécessité de se sentir exister le temps de quelques mois, cesser d’utiliser un filtre quand on s’adresse aux autres au risque de les maintenir à distance. La liste est infinie, toujours est-il qu’il s’agit d’options peu valorisées, même carrément décriées, qu’il persistera à proposer : c’est bien parce qu’elles ne sont pas bien vues qu’elles sont diablement efficaces ; car il serait étonnant que la société décide d’aller à l’encontre de la majorité quand bien même on connaît les problématiques que celle-ci pose. « Et tu y as réfléchi ? » Il questionne, bien conscient néanmoins que Norah appartient à cette majorité et que jamais elle ne pourrait envisager quelque chose d’aussi fou, surtout si cela implique de délaisser ses deux enfants. « Autre que de réfléchir aux solutions que tes p-proches proposent. » Combien de fois a-t-elle souligné que Julie espérait qu’elle retrouve rapidement un amoureux ? Combien de fois a-t-elle évoqué Anwar et ce deuil qu’ils partagent, qu’ils se remémorent à de trop nombreuses reprises pour s’oser passer à autre chose ? De toute les fois où le sujet a été évoqué, directement ou indirectement, jamais elle ne lui avait donné l’impression de réellement réfléchir à ce qu’elle, elle voulait. Et c’était bien ça le problème ; depuis trop longtemps Norah ne vit que pour les autres, se délaissant jusqu’à s’en oublier. Mais ce n’est pas elle qui a disparu, c’est bien Frank. C’est très exactement ce qu’il pointe du doigt, accentuant cette nécessité pour elle d’être égoïste – contrairement à ce que la société tend à penser, ça n’a jamais tué personne. Écoutant la jeune femme, il finit par hocher la tête : « Ça me paraît bien. » de commencer par-là, qu’il souligne, un sourire pincé sur les lèvres. Évidemment, pour lui qui a très (trop) souvent trompé ses conjoints, difficile de comprendre cette impression-là, néanmoins il imagine que c’est la pensée majoritaire dans une telle situation. « Tu étais heureuse avant qu’il entre dans ta vie. Il débute, tournant légèrement la tête vers elle. Tu as le droit de l’être alors qu’il n’est plus là. » Physiquement, du moins, puisque le conseil ne vise pas plus à la convaincre d’oublier son grand amour que le simple fait de ne plus s’interdire de vivre suite à sa perte. Il émet un léger rire à sa remarque, signe qu’il a déjà hâte de voir ce qu’elle sera en mesure de lui apporter la prochaine fois, bien que la fameuse vidéo ne pourra jamais être battue.

Dans le ping-pong d’intérêt qui semble inéluctable dans une conversation, il est désormais temps de s’intéresser à lui bien qu’il ne se serait pas outré d’être délaissé. Il n’y a pas grand-chose à dire ; sa situation ne s’arrange pas et après presque un an à attendre passivement que les choses s’améliorent, Alfie a décidé de prendre les choses en main. Cette passivité, justement, ne lui ressemble pas et il est essentiel qu'il redevienne l’individu (trop) actif qu’il est, peu importe si ses capacités laissent présager qu’il n’en est pas encore totalement capable. « J’ai pas dit que c’était pour moi. » Il souligne en haussant les épaules. Qu’elle n’imagine pas qu’il s’en fiche, ce n’est pas le cas, mais dans cet échange, la personne qui bénéficie le plus des réflexions échangées est en face de lui. Le but est de la secouer, mais qu’elle ne s’y habitue pas : d’ici quelques mois, il lui faudra trouver quelqu’un d’autre pour cela, Alfie ayant la ferme intention de ne plus être sur le territoire australien d’ici la rentrée universitaire. « C’est en projet. » Rien n’est encore acté, signé, mais il sait aussi qu’il a l’avantage de ne pas avoir de racines, de ne pas avoir peur de quitter le pays pendant des mois – des années, à vrai dire. Il sait aussi que sa récente agression fait de lui un outsider pour ce projet qui se met en place, mais il compte faire valoir sa motivation bien plus poussée que certains, autant que sa facilité à venir à bout des gens pour obtenir ce qu’il désire, au détriment des autres. « C’est un tout. » Qu’il rétorque en haussant les épaules. Il n’a pas l’intention de lui partager ses difficultés avec Jules ou Anabel, ni même de revenir sur cette agression à laquelle il est trop facilement associé, devenant une victime avant une personne. Toutefois, les choses peuvent être résumées. « Mais je suis resté trop longtemps ici. » Et il est temps de repartir, tout simplement. Il la voit, la manière dont Norah semble déstabilisée par son annonce. Pourtant, il n’a jamais caché à ses proches qu’il ne se voit pas finir sa vie dans cette ville, autant qu’il ne se voit tout simplement pas avoir l’occasion d’atteindre la retraite pour seulement envisager cette perspective. « Doucement, je suis pas encore mort. » Qu’il préfère s’en amuser lorsqu’elle souligne qu’il va lui manquer, riant légèrement à sa réflexion. « Jamais. » Il aurait pu poursuivre en prétextant (faussement) que ce n’est pas son genre, mais le geste de Norah le rend interdit et muet pendant un bref instant, tandis que ses sourcils se froncent. Il n’est pas naïf, Alfie, il n’est pas innocent, suffisamment pour savoir que ce geste, surprenant, ne peut s’expliquer par l’humour dont ils viennent de faire preuve. « Norah ? » Il se contente alors de prononcer son prénom, sans réellement savoir quel signal il désire activer.
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Message(#)noralfie + life gets heavy EmptyVen 18 Déc 2020 - 19:53

LIFE GETS HEAVY
sail away to the sun, yeah, i hope you finda  little truth in a world full of pretty lies. don't cry, don't cry. we all get lost sometimes – @alfie maslow

Alfie n'avait que faire de ce qui était sociablement correct ou pas. Pourtant il se pliait aux règles de la bienséance bien plus souvent qu'il ne saurait jamais l'admettre. Il avait ses principes et ses remèdes, pourtant il ne les proposait pas à Norah, ou ne l'incitait pas à suivre une voie qu'il aimait parfois emprunter. Il devait se douter qu'elle s'y refuserait, que ce n'était pas son genre. Après tout, ils se connaissent suffisamment pour savoir ce que chacun cautionnait ou non. Cette solution n'était peut-être pas non plus des plus adéquates. Il venait de voir sa fragilité à laquelle elle était confrontée alors qu'elle avait atteint ses propres limites. La pousser vers des produits illicites dont certains vendent la vertu était un risque conséquent à prendre. Norah avait saisi qu'il était incapable pour le brun de comprendre le lien qui unissait une mère à ses enfants. Quand certains parents n'avaient aucun scrupule à les laisser à des nurses et des gouvernantes des mois durant, elle, elle donnerait tout pour eux. Pendant longtemps elle était parvenue à trouver cet équilibre, à ne pas penser que sa vie ne dépendait que d'eux. La présence de Frank régulait le tout, ainsi que celle de ses frères, de ses amis, de son boulot. Là, son écosystème était totalement déréglé et elle se réfugiait là où elle le voulait bien. Elle avait pris des années à s'en rendre compte, et maintenant que cette étape était franchie, les solutions à ses problèmes n'était pour l'heure pas à sa portée. Certains membres de sa famille s'évertuaient à lui trouver des réponses, mais ce n'était pas forcément ce qu'elle voulait. D'où le fait qu'elle n'alimentait pas ces sujets de conversation. Elle sourit tristement quand Alfie lui demandait ce que elle, elle voulait. Norah restait longuement silencieuse, s'accordant tout le temps nécessaire pour réfléchir. C'était là aussi une preuve qu'elle n'y avait jamais vraiment songé auparavant. Elle n'était jamais arrivée jusqu'à cette étape là. "Je... Ce qui me ferait vraiment plaisir, c'est de reprendre comme c'était avant. Oui, j'avais des impératifs mais ça me semblait tellement plus facile de m'organiser lorsque j'avais envie d'aller courir ou de me baigner, ou ne serait-ce que de faire un tour en ville ou d'aller boire un verre sur un coup de tête." Jusqu'ici, Norah avait priorisé le fait d'être indépendante dans la gestion de sa vie quotidienne, or c'était l'indépendance qui ne la concernait qu'elle qui en avait pâti. "J'aimerais retrouver cette liberté là." L'avait-elle perdu, ou ne se permettait-elle pas de l'avoir ? Julie avait bien grandi depuis la morte de Frank, elle arrivait à un âge où elle voulait aussi de son autonomie. Peut-être qu'il serait envisageable qu'elle prenne soin de son petit frère pendant quelques sorties de Norah. Et puis, il y avait toujours la nounou, il y avait toujours ses proches. Mais si elle leur demandait ce genre de services, elle se sentirait rapidement redevable. Et elle ne voulait pas se sentir redevable. Mais peut-être que ça lui passerait enfin et qu'elle mettrait enfin sa fierté un peu de côté. Alfie soulevait un bon point, cela dit : avant d'avoir eu Frank dans sa vie, Norah n'avait pas été moins heureuse. Alors pourquoi ne pouvait-elle pas l'être à ce moment là ? Cette interrogation l'interpellait, la questionnait. Oui, elle devait se souvenir sur comment elle faisait avant. Ca ne devait pas être si compliqué que ça, après tout.

De son côté, Alfie était peu enclin à en dire plus sur ce qu'il advenait de lui dernièrement. Il ne voulait pas parler d'Anabel, ni de Jules, ni de son agression, ni de son état psychique, ni de... Enfin bref, la liste s'avérait être bien longue. Un tout, qu'il disait. Elle arquait un sourcil en entendant sa réponse. Donc, les réflexions dans lesquelles il la poussait, il ne le faisait pas pour lui ? Car le but ultime, c'était qu'il retrouve la Norah qu'il avait toujours connu. Mais il laissait sous-entendre là qu'il le faisait avant tout pour elle. Elle trouvait presque incroyable qu'il ne se montre pas aussi nombriliste qu'il ne pouvait l'être parfois. Pas si enfoiré que ça, le Maslow, finalement. Il lui fit part de son intention à quitter l'Australie pour un certain temps. Plusieurs motivations le poussaient à agir ainsi mais cela ne l'incitait pas plus que ça à en dévoiler quelques uns à son ami. Malgré les attaches qui pourraient lui donner raison et le faire laisser ici ne semblait plus suffire. A moins que de ce côté là, ça n'aille plus non plus. De l'eau dans le gaz, pensait Norah, en l'observant avec attention – et peut-être avec affection aussi. Forcément, elle se demandait où il allait partir, pendant combien de temps, ce qu'il comptait faire ici. Il ne revenait pas toujours très indemne de ses voyages et c'était ce qui l'inquiétait le plus, peut-être. Ca, et le fait de ne plus le savoir dans les parages durant une période indéterminée. Ca la minait bien plus qu'elle ne l'admettrait à haute voix. A partir de ce moment là, certaines paroles d'Alfie n'étaient plus que de vagues échos. Norah l'entendait, mais ne l'écoutait plus vraiment, profondément troublée par cette annonce et l'impact que cela avait sur elle. Oui, elle tenait à lui, mais elle ne s'attendait pas à ce que ce soit aussi massif, aussi conséquent. Bien sûr qu'il en fera des bêtises, quand il sera loin. Bien sûr qu'il s'entraînera dans des expériences très étranges que personne d'autre que lui n'oserait faire. Après quelques notes d'humour, la brune avait fini par poser sa main sur sa joue. Elle même ne savait pas trop ce qu'elle faisait; elle envie, même besoin, de le faire. De se rapprocher. Il allait partir, elle paniquait. Et quelque part, elle savait que son geste n'était pas adapté, qu'il n'était pas correct. Elle avait beau déjà l'avoir vu dans son plus simple habit lors de leur première rencontre, cela n'était rien comparé à l'intimité du geste qu'elle était en train de faire. Sa main posée là avait même laissé Alfie muet; ça aussi, c'était un exploit, au fond. Elle l'entendait l'appeler, cela aurait du l'interpeller sur son geste, sur sa signification. Pourtant, ses doigts ne bougeaient pas, si ce n'est son pouce qui effleurait très légèrement son épiderme. Si ce n'était que ça. Si seulement elle s'était contentée de cela, de reprendre ses esprits et de s'excuser pour ensuite faire comme si de rien n'était. Tout aurait été plus simple, tout aurait été plus facile. Mais non. Dans sa sorte de léthargie, bien seule avec ses pensées, Norah avait fini par s'approcher de lui. Qu'est-ce que tu fais, là ? – pensait-elle. Elle savait que c'était mal, elle savait que c'était inadapté (oui, même pour un Alfie). Mais c'était plus fort qu'elle. Pourquoi ? De par sa vulnérabilité grandissante, sa fragilité prévalente depuis plusieurs mois, l'accumulation d'une fatigue qu'elle ne maîtrisait et d'un manque certain d'affection. Ce n'était pourtant pas son genre, à Norah. Elle avait toujours eu un certain contrôle de soi, elle avait toujours su se contenter de ce qu'elle avait, sans faire de vagues. Alors pourquoi venir rapprocher ses lèvres des siennes ? Au dernier moment, les lèvres à peine effleurées, elle écarquilla les yeux en réalisant subitement ce qu'elle était sur le point de faire; sur ce qu'elle avait déjà fait, au final. Une erreur, une très grosse erreur. Elle ignorait quelle mouche l'avait piquée, perdue dans des émotions diverses et ambivalentes dont elle avait totalement perdu le contrôle. Elle recula d'un pas, plaqua sa main sur sa propre bouche, portant déjà en elle le poids de la culpabilité de son geste. "Je..." Elle en avait les larmes aux yeux. Selon elle, c'était foutu. Ca n'allait être qu'une raison supplémentaire pour lui de partir de Brisbane pendant un long moment. "Je suis vraiment..." Désolée. Confuse. Perdue. Perturbée. La liste de qualificatifs qu'elle aurait pu utiliser. Mais aucun d'eux ne traversait sa bouche. Elle n'osait même plus regarder Alfie dans les yeux. Dieu sait ce qu'il pensait de son geste et combien elle ne désirait pas le savoir. Il devait lui en vouloir énormément, il devait ne pas comprendre. Peut-être même qu'il préférerait l'oublier, ou bannir leur amitié. Norah songeait à beaucoup de choses en cet instant mais aucune d'entre elles n'était positives. "Je dois y aller." dit-elle finalement d'une voix tremblante, en passant une maison sur ses yeux humides, alors persuadée qu'elle avait perdu son amitié. "Je suis vraiment désolée." souffla-t-elle finalement, la gorge serrée, toujours bien secouée. Ne ressentant pas avoir la force pour une quelconque confrontation à ce sujet, la belle brune tournait rapidement les talons et démarrait une marche rapide, afin de rejoindre son véhicule. Si seulement ils avaient su à ce moment-là, ce qu'il serait advenu d'elle en ayant repris le volant à cette heure précise. Tout n'aurait pu se jouer qu'à quelques secondes près. Tout comme les quelques secondes qui venaient de s'écouler et qui, pour elle, venait de détruire une amitié qu'elle avait toujours chérie.
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Message(#)noralfie + life gets heavy EmptyDim 27 Déc 2020 - 20:04

Elle ne s’en rendait pas compte et si tel avait été le cas, Norah se serait probablement réduite au mutisme plutôt que de faire écho à ce point à la situation d’Alfie en évoquant la sienne. En pointant du doigt la nécessité pour elle de connaître et d’affirmer ses propres envies plutôt que de se contenter de suivre celles dictées par son entourage, Alfie n’imaginait pas qu’elle soulignerait ces impératifs qui vont de pair avec la vie de famille qu’il tend à fuir depuis des semaines, des mois, alors même qu’il a épousé ce rôle bien malgré lui en acceptant la garde d’Anabel. À l’origine temporaire, celle-ci s’éternise et l’anthropologue réalise l’erreur qu’il a fait en signant ces papiers et en plaidant sa cause ; et si la possibilité lui avait été donnée à ce moment-là de se projeter dans le futur, probablement qu’il aurait laissé sa filleule aux bons soins de ses grands-parents (et ça les aurait tués plus vite, en plus, autant dire que les bénéfices auraient été plus nombreux qu’ils ne le sont à l’heure actuelle). Et s’il ne peut s’enlever ce sentiment de décevoir la petite fille, celui-ci ne rivalise pas avec ses propres besoins : parce qu’Alfie possède ce que Norah n’a pas, un égoïsme qui ne devrait pas être autant disputé par une société qui en aurait pourtant bien besoin. Preuve en est avec l’infirmière, incapable d’être heureuse (elle ne le verbalise pas, mais tout dans son attitude indique cette vérité) parce qu’elle essaie de correspondre au moule que d’autres veulent pour elle à défaut de ses propres besoins. Et le résultat est ce qu’il est ; elle lâche prise, doucement, d’une manière qui ne présage rien de bon (à l’échelle de ce qu’est la vie de Norah, du moins) et qui aura des conséquences qu’elle n’arrivera pas à assumer sur le long terme si elle poursuit sur cette voie-là. Du moins, c’est ainsi qu’il voit les choses de son habitude d’analyser tout ce qui l’entoure – et la personnalité de Norah ne laisse pas de place aux remords. Elle tient à conserver la face même quand tout semble s’effondrer et si cela est un point commun entre les deux amis, l’un d’eux est prêt à accepter les conséquences de ses agissements, quand Norah n’arrivera pas à s’en relever. Sa bienveillance, sa gentillesse, sa loyauté, tout ceci font d’elle ce qu’elle est aujourd’hui : une femme sous pression qui menace d’exploser seulement parce qu’elle refuse que ces qualités n’en soient plus, même le temps de quelques jours, quelques semaines et que si elle devait penser à elle au détriment des autres, elle ne se le pardonnerait pas. Pourtant, elle n’a rien à se pardonner ; seulement la volonté d’aller mieux, de penser à elle, d’essayer de retrouver ce bonheur qui, contrairement à ce qu’elle semble penser, ne s’est pas arrêté avec la mort de Frank. Oh bien sûr, il comprend bien qu’il a été mis en pause, pour autant il n’a pas disparu : c’est à elle de se donner les moyens de le retrouver. Et pour ça, il ne peut rien faire. Si Alfie a longtemps été caractérisé par sa capacité à moduler les autres pour obtenir ce qu’il attendait d’eux, c’est très exactement ce qu’il reproche à l’entourage de Norah à cet instant. Et n’allez pas croire que ce paradoxe puisse lui peser sur la conscience ou engendre des questionnements éthiques suffisamment importants pour qu’il remette ses (bons ?) conseils en péril. Non, de sa façon de voir les choses Alfie considère, à cet instant-là, que leurs deux situations n’ont rien à voir. Les attentes qu’il a auprès des autres ne sont pas les mêmes que celles de l’entourage de Norah, tout simplement parce qu’il ne cache pas son comportement derrière de fausses excuses : il a toujours assumé celui qu’il est, avec ses défauts autant qu’avec ses qualités et n’a jamais cherché à faire croire à d’autres qu’il avait mieux à leur offrir que ce qu’il peut véritablement donner. Les proches de Norah ne semblent pas être dans cette même perspective alors qu’au discours qu’il comprend, ils continuent de lui demander alors même qu’elle est au bord de l’effondrement. Mais tout ceci, il ne l’exprime pas, conscient que son avis n’est pas demandé, conscient également qu’il ne serait pas le bienvenue s’il le partageait. À défaut, il se contente d’écouter, de hocher la tête et de souligner, finalement : « l’objectif est défini, il ne te reste plus qu’à tout donner pour le ré-réaliser. » Et il ne peut plus rien faire pour elle à cet instant, n’ayant guère envie de l’accompagner en lui tenant la main. Non pas parce qu’il n’apprécie pas ce rôle qui pourrait être le sien (bien que ce soit le cas), mais surtout parce qu’il s’agit d’un cheminement qu’elle doit faire seul, justement pour ne pas se cacher derrière de fausses excuses. Si elle veut cette liberté, c’est à elle de la reprendre et non aux autres de lui montrer la voie.

Et s’il ne peut que conseiller à Norah de reprendre cette liberté, c’est principalement parce qu’il s’apprête à reprendre la sienne, dans tous les sens du terme : il s’apprête à mettre un terme à presque cinq ans de vie commune, à presque une année d’un rôle de père de substitution qu’il n’assume plus, un travail qu’il n’apprécie pas, un quotidien dans lequel il ne se retrouve pas. Certains pourront juger de cette manière de tout envoyer balader à la première occasion, comme une crise de la quarantaine (beaucoup) trop en avance, mais Alfie s’en fiche : le but réside dans le fait de retrouver cette liberté qui lui manque tant et après laquelle il a couru durant des nombreuses années. Il l’avait trouvée, il l’a rendue et depuis il n’a cessé de le regretter. Et parce qu’il sait aussi qu’il n’y a rien de pire que les regrets, il ne lui reste plus qu’à s’assurer de n’en avoir aucun ; cela commence par le fait de reprendre son travail, le vrai, et de s’épanouir à nouveau dans l’exercice de celui-ci. L’annonce est peut-être abrupte, mais l’anthropologue n’a jamais pris de pincettes et aujourd’hui ne fait pas exception à la règle. Viendra peut-être le temps des véritables adieux (bien qu’il soit plus logique que le trentenaire file à l’anglais un beau matin), pour l’heure il se contente de prévenir Norah pour qu’elle ne place par trop d’attentes entre ses mains : il lui donne ces conseils aujourd’hui, mais il ne sera probablement plus là demain pour les voir mis à l’œuvre. Et s’il préfère faire usage d’humour pour faire passer la nouvelle, l’atmosphère s’alourdit par la réaction de Norah, d’apparence anodine, mais ses gestes en démontrent le contraire. Bien qu’il soit tactile de nature, il ne l’a jamais vraiment été avec Norah et il ne comprend pas réellement pourquoi les barrières s’abaissent en ce jour lorsque sa main se fraie un chemin sur sa joue et que son pouce caresse son épiderme avec douceur. Il l’interpelle ; aucune réaction et un instant il hésite : la brutalité dont il peut faire preuve n’aurait aucune peine à s’exprimer à cet instant, marquant peut-être un tournant dans son amitié avec la brune. Mais c’est parce qu’il est proche d’elle que cette interpellation fait office de premier avertissement ; et s’il supposait qu’elle reculerait, il n’imaginerait pas qu’en réalité elle réduirait encore plus la distance entre leurs deux visages pour venir effleurer ses lèvres des siennes. Si dans d’autres circonstances Alfie n’aurait pas mis plus d’une seconde à répondre à cet appel de tendresse, les actuelles font qu’il n’a aucune envie de briser la confiance de Jules alors même qu’il prévoit de le faire d’ici peu. Mais pas ainsi, pas de cette façon, pas en trahissant l’une des seules personnes qui a (presque) toujours cru en lui. Le visage de sa petite amie s’imprime dans son esprit alors qu’un mouvement de recul vient s’assurer que leurs lèvres ne puissent se toucher et que son regard d’incompréhension réussit à parler là où d’ordinaire il excelle dans le domaine. Les excuses de son amie sont confuses et saccadées ; il ne parvient pas à les compléter pour l’aider tandis qu’aucun son ne s’échappe de ses lèvres désormais scellées pour s’assurer qu’elles ne puissent être l’objet d’une telle trahison, la seconde pour Juliana. « C’est pas grave. » Qu’il finit par souffler entre deux excuses. L’est-ce vraiment ? Il n’en sait rien, incapable d’être aussi franc qu’il ne l’est d’ordinaire, tandis qu’il n’essaie pas plus de retenir Norah lorsqu’elle s’éloigne. Peut-être aurait-il dû, peut-être le regrettera-t-il, à l’instant ces regrets sont dirigées à l’intention d’une autre brune, tandis que son incompréhension se mue en colère à l’égard de celle qu’il avait encore face à lui il y a quelques secondes.  
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