Regard posé sur le soleil qui est décline, je resserre légèrement mon plaid autour de mes épaules, ramène mes genoux vers moi et referme les doigts un peu plus sur mon mug de thé fumant. On sent réellement que l'hiver est bel et bien installé, d'autant plus dans les hauteurs ici, dans la montagne, loin de la ville étouffante et oppressante. Si je suis ici, assis devant la tente à observer le monde qui s'incline tout doucement face à la nuit, c'est à cause de Loan. Il a débarqué ce matin, armé de sa bonne humeur et son engouement naturel, m'obligeant à me préparer en triple vitesse et de le suivre. Nous avons rouler pendant au moins une heure ou deux avant que nous n'abandonnions la voiture sur un parking et que nous commencions à gravir la montagne. J'avoue ne pas avoir compris pourquoi il avait tellement envie d'être avoir moi aujourd'hui, jusqu'à ce que nous n'installions notre campement, qu'il s'en aille chercher du bois sec pour allumer un feu et qu'il me laisse seul avec mes pensés.

L'idée que nous étions le 11 septembre m'a frappée d'un coup, avec force et vigueur. C'est la première année depuis 19 ans que je n'ai plus pensé à cette date maudite. Mais c'est aussi la première année depuis 10 ans que je sais que mon rituel ne m'aidera pas à tenir le coup. Si les années suivant l’attentat ont été très compliquées, j'ai, malgré tout, réussi à faire mon deuil assez facilement. Mais chaque années, sans exception, le 11 septembre reste le genre de date où mon humeur est maussade. Je suis autant nostalgique que triste, que mélancolique, énervé ou encore reconnaissant. Cette année, toutefois, je n'ai pas pensée à cette date et ça me rend d'autant plus émotionnel que Loan y ait pensé, lui.

Je relève mon regard vers mon meilleur ami lorsque ce dernier revient, les bras chargés de branche et l'observe les placer de manière à former un tas qu'on pourra embraser. J'allais me redresser pour l'aider mais il me fait signe de rester assit et je décide donc de ne pas bouger, me déplaçant simplement après que le feu ait prit et qu'il décide de prendre place à mes côtés. Mon regard se perd à nouveau sur le couché de soleil qui teint le ciel en orange et je prend une gorgé de ma boisson.

 «J'y ai pas pensé » brisais-je finalement le silence  «Au 11 septembre » je lance un coup d'oeil vers Loan et lui offre un doux sourire  « Merci, de t'en être rappelé et de m'avoir embarqué ici» je prend une profonde inspiration, soupire doucement et déglutis  « Ils me manquent tellement...» et je baisse le regard sur ma tasse presque honteux d'avoir avouer une telle chose.

@Loan Severide

Clément avait dégoté plusieurs rendez-vous pour que l'on puisse visiter des locaux. C'était idéal, jusqu'à ce qu'il me donne la date des visites. Vendredi 11 Septembre. Je n'ai jamais été aussi froid dans ma manière de m'adresser à lui que ce soir-là, sans le vouloir, instinctivement, je protégeais mon temps libre pour cette date en particulier. Mon refus catégorique l'as plus surpris que jamais avant que je me confonde en excuse et lui en explique la raison. Jamais je ne laisserais Martin seul à cette date. C'est arrivé parce qu'il était à des milliers de kilomètres et que je n'avais pas le choix, mais cette année nous sommes dans la même ville et il ne va pas bien. Hors de question que je le laisse seul dans son appartement alors que cette semaine-là, en plus, Eliott est avec sa mère. J'ai déjà tout planifié et la visite des potentiels lieux pour ouvrir un local pourra attendre encore un jour ou deux.

L'idée était simple, l'attirer en dehors de la ville prétextant un manque soudain de nature après deux mois sans aventure. Mon statut de gagnant de l'émission semble m'avoir donné tous les blasons d'aventurier à ses yeux et il ne questionne même pas ma subite envie de partir en week-end dans la montagne. Il y a encore quelques mois, l'idée ne serait jamais venue de moi aussi spontanément, aujourd'hui, ce serait presque normal. Le prétexte de vouloir revivre une nuit à la belle étoile fonctionne à merveille et plus on passe du temps seul tous les deux, plus je me demande si Martin réalise quel jour nous sommes. Je ne le questionne pas, me contente d'avancer peut-être en narguant un peu mes nouveaux skills appris durant l'émission.

On a trouvé le spot parfait avec une vue à couper le souffle. Je me charge du feu, bien trop fier de savoir faire sans galérer pendant des heures désormais. Surtout, je veux que Martin décompresse, il a besoin de souffler, je le sais sans qu'il ne me le dise. L'air est frais et une fois le feu lancé, je me dépêche d'attraper le deuxième plaid pour m'enrouler dedans et venir me coller au corps de mon meilleur ami. « J'y ai pas pensé. » Je m'en doutais. « Merci, de t'en être rappelé et de m'avoir embarqué ici. » Un haussement d'épaule en guise de réponse et un petit rire de ma part. « Je voulais vraiment revivre un weekend à la ROA. » Mais il ne me croira pas tant le weekend a été si parfaitement choisi. C'est tout ce qu'il y a de plus normal à mes yeux. « Ils me manquent tellement...» Et la douleur qui remonte quand on n'avait pas évoqué ses parents depuis si longtemps. Ils étaient géniaux les parents de Martin et Ian. Toujours accueillant, toujours avec le sourire. Son père m'avait appris à bricoler des trucs et sa maman nous attendait toujours avec des cookies faits maison excellents quand dehors la neige ne cessait de tomber et que l'on avait tellement jouer que nos nez en étaient geler. [color=#000000]« Tu veux parler d'eux un peu ? » Proposer sans jamais imposer tant je connais la difficulté. « Ils seraient si fier de toi, tu sais... » De Ian aussi, mais on a pas à s'inquiéter de ça.

C'est un avec un petit sourire mi amusé mi attendri que j'observe Loan allumer le feu avec toute la facilité du monde. Et en le voyant là, activé autour des flammes, je me rends réellement compte combien il a changé. Je n'avais jamais vraiment fait attention, mais toute l'aventure de la course lui a permis de grandir et changer. Moralement surtout, mais aussi physiquement. Si nous avons tous perdu quelques kilo lors de la course effrénée, j'ai l'impression que lui s'est surtout d'avantage raffermie et que ses muscles sont encore plus présent. Mais au final, le plus grand changement chez lui est moral. Il est plus prône à l'aventure, ne rechigne plus devant rien, n'hésite pas à prendre les choses en main. En vrai, les trois heures de marches jusqu'à ce spot étaient passée à une vitesse incroyable tant nous avons échangés sur des sujets divers et varié.

Jusqu'à arrivé ici et que je ne me rappelle subitement pourquoi il se plie tant en quatre aujourd'hui. Lorsqu'il vient s'asseoir à mes côtés, se collant à moi pour avoir une place face à la chaleur diffuse du feu, je le remercie enfin de faire tout ça pour moi avant que l'émotion ne me gagne et que j'avoue à quel point mes parents me manquent. Je déglutis lorsqu'il me demande si je souhaite parler d'eux et soupire doucement quand il me dit qu'ils seraient fier de moi. Ça fait mal ça, ça brûle et je me passe rapidement une main sur la joue pour essuyer la larme qui y coule.

 «fier d'un fils qui sait pas ce qu'il veut faire de sa vie, qui a des idées bien trop arrêtés sur tant de choses, qui se met en danger pour un combat perdu d'avance et qui ignore les conséquences de son manque d'implication dans son quotidien» je pince les lèvres, souffles doucement et secoue la tête  « Je … j'aimerais tant qu'ils soient là» mon regard se perd dans les flammes  «Ils sauraient m'aider avec Elliot. Ils auraient été d'un énorme soutient dans tout ce que j'ai vécu ces derniers mois et dans tout ce que je vais encore vivre. Ils m'auraient aidé à garder la tête hors de l'eau dans toute cette incertitude dans laquelle je nage et je ... » je relève mon regard embué de larmes pour le poser sur le paysage montagneux devant nous  «ça fait 19 ans putain. Dix neuf ans qu'ils sont partis et que nous n'avons jamais retrouver leur corps » je frissonne et resserre mes doigts autant de mon mug  « J'ai fait mon deuil assez facilement, le fait de quitter l'Allemagne m'a beaucoup aidé je pense en vrai. Mais je ...je sais pas pourquoi cette année est pire que d'habitude» je prend une profonde inspiration, secoue la tête comme pour reprendre contenance puis fini mon thé et pose mon mug sur une pierre  «T'as fait du bon boulot avec ce feu » assurais-je en me redressant pour attraper le sac de provisions et fouiller à l'intérieur comme pour occuper mes mains.

Cela fait dix-neuf ans que la vie de mon meilleur ami a basculé un 11 septembre. Je devrais m'y être habitué, chaque année le même rituel, passer la journée en sa compagnie et si ce n'est pas possible lui accaparer la majorité de son temps pour un appel en visio. Tout faire pour lui changer les idées sans jamais dénigrer le souvenir de ses parents et de ce qui s'est passé. C'est avoir regardé tous les reportages possibles sur le sujet avec lui toujours sans verser une larme. Cette année, je n'avais pas envie de reportage et je crois surtout que ce n'est pas ce qu'il fallait à Martin. L'année a été compliquée, et même si je l'ai arraché à son frère pour la journée, j'ose espérer qu'il ne m'en voudra pas trop. Il avait besoin de revenir à ses premiers amours, la randonnée et la montagne. Je pensais avoir fait du bon boulot à ne jamais évoquer la date, à ne pas parler de cette journée, mais il a fini par réaliser, par se rendre compte. On oublie jamais une date comme celle-là. Et nous voilà assis autour du feu, rien que tous les deux. Et je suis prêt à accueillir tout ce qu'il me donnera, à faire vivre son chagrin pleinement autant qu'il en exprimera le besoin.

« Fier d'un fils qui sait pas ce qu'il veut faire de sa vie, qui a des idées bien trop arrêtés sur tant de choses, qui se met en danger pour un combat perdu d'avance et qui ignore les conséquences de son manque d'implication dans son quotidien. » La vision qu'il dépeint de lui-même me ferait presque froid dans le dos tant j'ai l'habitude d'avoir en face de moi un Martin à la tête haute. Ma main vient se resserrer lentement sur son bras alors qu'il évoque l'aide précieuse qu'aurait pu lui apporter ses parents auprès d'Eliott. « Tu sais, j'aurais plutôt dit... Fier d'un fils qui sait ce qu'il veut et qui ne lâche rien dans ses combats. Fier d'un fils qui apprend à devenir père malgré les difficultés. Et surtout fier d'un fils qui reste avant tout un homme incroyable, compatissant et humain qu'importe ses petits défauts. » Un léger sourire se dessine sur mes lèvres alors je viens taquiner ses cheveux déjà en bataille. Il ne doit pas perdre son sourire mon Martin, c'est ma mission numéro un et elle est devenue si importante ces derniers mois. À mon tour de lui venir en aide quand pendant des années c'est lui qui a tenu ce rôle là auprès de moi. « J'ai fait mon deuil assez facilement, le fait de quitter l'Allemagne m'a beaucoup aidé, je pense en vrai. Mais je ...je sais pas pourquoi cette année est pire que d'habitude. » Je savais que ça allait être dur, il faut croire que je ne m'étais pas trop trompé. « Et c'est pour ça que je t'ai amené ici, rien que tous les deux. » Mais déjà il s'échappe Martin, à faire des commentaires sur mon feu et à chercher quelque chose dans son sac. « Je suis devenu un expert quand j'ai compris que ce serait jamais Kelly qui pourrait nous aider sur le terme camping de l'aventure. » Je me moque, mais à la fin ma coéquipière savait monter une tente en un temps record. « Ça me manque un peu cette aventure. » que j'avoue en jouant avec ma tasse de thé. Il ne veut plus trop aborder le sujet de ses parents pour le moment, alors on va tenter une autre pente un peu glissante. « Tu as revu Ivy ? »

C'est une immense douleur qui naît au fond de moi et qui me submerge telle une lame de fond lorsque Loan me dit que mes parents seraient fier de moi. J'y crois, souvent et j'ai envie d'y croire aussi maintenant mais aujourd'hui est un jour où je n'ai pas la force de faire semblant d'aller bien. Ces derniers mois on été des plus éprouvant et même si j'ai toujours été parfaitement bien entouré, même si j'ai été soutenu comme je n'ai jamais été soutenu auparavant, mes parents me manquent. Cruellement. Horriblement. J'ai l'impression d'être à nouveau cet adolescent qui s'est terré dans la chambre que j'occupais chez Loan et son père, celui qui ne voulait rien savoir du monde extérieur, qui se faisait petit et qui refusait de croire en une réalité où ses parents n'existaient plus.

C'est celui-là même, ce gamin tout juste sorti de l'enfance et projeter dans un monde d'ignorance, qui parle actuellement, qui se rabaisse, remet ses choix et sa vie en question. Celui qui essaie de retenir ses larmes et qui ne parvient qu'à inquiéter son meilleur ami. Ce dernier tentant de le rassurer comme il le peut en le contre disant. Je ferme les yeux, pince les lèvres, ravale mes larmes et essaie de chasser les pensées de cet enfant, les enfermant à nouveau dans un recoin de mon esprit. C'est, en hochant doucement la tête, que je promet à Loan et à moi que je ne ferais plus sortir cette négativité et je me concentre totalement sur le ton et les mots employés par mon meilleur ami. Et au final, lorsque mon meilleur ami passe une main dans mes cheveux, les ébouriffant à sa guise, j'accueille un nouveau léger sourire sur mes lèvres. Un sourire timide mais reconnaissant qui me permet de me redresser, me tourner vers le jeune comédien et le prendre dans mes bras. Les yeux fermés, je profite pleinement de cette proximité pendant plusieurs secondes ou minutes, je ne saurais dire combien de temps se sont découlés jusqu'à ce que je ne le relâche.

Me remettant à ma place, gardant toutefois une certaine proximité par rapport à Loan, je change de sujet, le félicitant par rapport au feu qu'il a parfaitement bien maîtrisé. J'apprends ainsi qu'il a rapidement apprit à en faire un quand il a comprit que jamais Kelly n'en serait capable et laisse échapper un rire. Un sacré duo c'est deux là.  « je vois que l'élève dépasse le maître» soufflais-je en référence à nos quelques aventures où jamais je n'aurais imaginer Loan pouvoir se débrouiller dans la nature aussi facilement.

 «Oui, je l'ai revu. Plusieurs fois » avouais-je finalement en attrapant un paquet de biscuit lorsque Loan souhaite savoir si j'ai revu Ivy depuis notre retour à Brisbane  «D'ailleurs j'te remercie pas de me l'avoir envoyé lorsque j'allais pas bien à la fin de ROA » je dis cela sur le ton de l'humour et de l'ironie, mais au final peut-être qu'il m'a sauvé la vie ? Je n'en sais rien. Tout ce que je sais c'est que cette situation nous a rapproché, Ivy et moi et rien que pour cela je lui en serais éternellement reconnaissant.

 « J'te l'ai jamais dit, mais elle a réussie à m'embarquer à un de ses galas de haute société» avouais-je  « En mode costume sur mesure et tout» je secoue la tête et mord dans le biscuit avant de tendre le paquet à mon meilleur ami  « c'était ...intéressant. Et maintenant on a prévu un week-end à Melbourne» je pince les lèvres  « Genre elle va réussir à me faire prendre l'avion pour un petit trajet quoi ...» je soupire doucement, pas forcément à l'aise à l'idée de me retrouver à nouveau dans les airs à polluer l'environnement.

Ce n'est jamais simple de laisser son meilleur ami se dénigrer d'une telle façon. Pourtant, aujourd'hui, en particulier, je sais qu'il a besoin de tout exorciser. Naïvement, j'avais pensé pouvoir échapper à la douleur dans son regard, mais depuis qu'il a réalisé la date du jour, elle est arrivée sans prévenir. La même qu'il y a dix-neuf ans lorsqu'il est arrivé chez nous. Je n'oublierais jamais ce jour et c'est toute la raison de ma présence à ses côtés. Le laisser parler pour mieux tenter de le regonfler à bloc par la suite. L'année a été suffisamment difficile et cette date anniversaire lui revient comme un boomerang qui prend de la force malgré les années qui s'écoulent. Cette envie de lui enlever sa peine et sa douleur qui me démange du bout des doigts, cette peur de dire la parole de trop, de ne pas être suffisamment prudent qui me colle au ventre. Ils n'étaient que les parents de mon meilleur ami, mais ils me manquent beaucoup également. Alors, jamais je ne pourrais imaginer être à la place de Martin, jamais je ne sous estimerais sa douleur, mais l'entendre se rabaisser de la sorte n'est pas quelque chose que je peux cautionner. Avec toute la prudence du monde, je tente de lui faire voir l'autre versant du miroir. Je ne suis personne pour l'affirmer pleinement, mais je sais que ses parents serait fier de lui. Alors, je prends le temps, je le taquine un peu et lorsqu'il me prend dans ses bras, je comprends qu'il m'a entendu. « Tout ira bien. » que je lui promets pour la énième fois cette année. Promesse déguisée de ne jamais l'abandonner quoiqu'il arrive, je n'ai pas besoin d'en dire plus, il le sait parfaitement.

Pour rendre l'atmosphère un peu moins lourde, on change radicalement de sujet, évoquant notre aventure télévisée qui aura laissé des marques dans nos vies respectives. Plus que ce que je n'avais pu imaginer le concernant. « Oui, je l'ai revu. Plusieurs fois. » C'est fou ce que ces quelques semaines d'aventure nous auront apporté. J'avais juré que jamais Martin ne pourrait s'entendre avec sa coéquipière et voilà qu'ils se revoient en dehors et que quelque chose semble être clairement en train de se dérouler entre eux. « D'ailleurs, j'te remercie pas de me l'avoir envoyé lorsque j'allais pas bien à la fin de ROA. » Je hausse les épaules en riant, pas le moins du monde désolé pour cette action. « Tu voulais pas m'écouter, elle avait plus le cran de te gueuler dessus que moi. » Il faut croire que je ne m'étais pas trop trompé en tout cas.

Je pensais que les révélations allaient stopper net. Martin n'est jamais du genre à trop parler de sa vie privée, mais c'est qu'il me surprend encore plus le brun. « J'te l'ai jamais dit, mais elle a réussi à m'embarquer à un de ses galas de haute société. En mode costume sur mesure et tout. » Je manque de m'étouffer avec le reste de mon thé. « Toi, dans une soirée guindée ? En costume ?! » Je l'observe les yeux écarquillés, n'ayant jamais volontairement imaginé entendre cela un jour dans ma vie. « Dis-moi qu'elle a pris des photos. » Oh forcément, sur Instagram. Il faudra que j'aille voir tout cela. Et comme s'il préparait son petit suspense, il finit de m'achever le con. « Et maintenant on a prévu un week-end à Melbourne. Genre, elle va réussir à me faire prendre l'avion pour un petit trajet quoi... » Cette fois, je m'étouffe pour de bon, crachant ma gorgée sur le sol et toussant la moitié d'un poumon par la suite. « Attends t'as dit quoi là?! » Martin. Mon Martin dans un avion ? Celui qui avait refusé que l'on prenne l'avion pour rentrer de notre voyage lorsque les choses tournaient mal, celui qui n'as jamais voulu retourner en Allemagne avec moi va aller à Melbourne en avion. « Vous êtes qui? Et vous avez fait quoi de mon meilleur ami ? » que je lui demande le plus sérieusement du monde. « Merde, t'es amoureux ? » Ca ne peut être que ça, non ?

C'est là, dans les bras de Loan, que je me sens pleinement serein. Les yeux fermés, je profite totalement de cette étreinte et me laisse aller contre son torse, hochant seulement la tête lorsqu'il me promet que tout ira bien. Et son ton est tellement doux et tellement sincère que je suis obligé de le croire. Je n'ai pas d'autre choix que de l'accepter et de me dire que oui, tout ira bien, que ce n'est qu'une mauvaise passe. Mais j'estime avoir le droit de ne pas aller bien, aujourd'hui étant une journée particulière depuis longtemps dans cette année pleine de challenge.

Toutefois, lorsque je relâche Loan, je suis bien plus tranquille, comme si mon meilleur avait aspirer ma peine avec cette étreinte fraternelle. En me redressant, je le gratifie d'un petit sourire puis reprend mon mug de thé et en prend une gorgé alors que le jeune australien me demande si j'ai revu Ivy depuis notre retour de la course infernale. Et voilà que je ne peux plus lui cacher la chose, que je lui avoue tout ce que j'ai vécu ces dernières semaines.

La première étant le fait que j'ai accepté d'accompagner ma partenaire de course à un gala. Du coin de l'oeil et avec un sourire presque moqueur j'observe le brun qui s'étouffe presque avec sa gorgé tant cette information lui semble inconcevable.  « Oui, c'est ça, moi en soirée guindée, comme tu dis» dis-je avec un sourire en coin  « Elle a payé pour mon costard cravate et je ne te dirais pas combien elle a dépensé mais c'est plus que mon salaire mensuel et ...franchement, je pense que je pourrais m'y habituer» haussais-je les épaules  « Mais malgré tout j'ai fait attention à ce que ce soit du tissus de qualité et écologique. Bref » je secoue doucement la tête  «Et évidemment qu'elle a prit des photos » reprenais-je en attrapant mon portable. Je fouille instant dans la galerie avant de tendre le portable à Loan en lui montrant la photo qu'Ivy a prit en secret devant le bâtiment sur lequel se trouvait le rooftop.

Et voilà que je choque mon meilleur ami en lui annonçant que je compte suivre Ivy pour un week-end à Melbourne, tel que elle l'entend. Ce qui signifie prendre l'avion et dormir dans des hôtels étoilés. Loan s'étouffe tellement qu'il en recrache sa boisson avant de partir dans une quinte de toux assez impressionnante. J'allais m'inquiéter pour lui mais il finit par retrouver l'usage de ses poumons pour me poser la question fatidique : suis-je amoureux ? Pour toute réponse je fronce les sourcils et grimace  «Mais n'importe quoi ! » que je m'insurge un peu trop de vivement  « Je ...je veux dire, elle me plaît beaucoup. Mais amoureux c'est un bien trop grand mot.» je secoue doucement la tête  «De toute manière ça ne fonctionnera jamais entre nous tant on est différent mais ...on prend du bon temps ensemble et c'est tout ce que je demande. Je veux pas me foutre dans une relation qui n'a pas de sens, encore moins maintenant que j'ai accepté d'avoir Elliot à ma charge donc ...bon bref, on verra bien, mais on tient bien trop à notre liberté pour décider quoique ce soit de ce genre» que je conclue ma réponse.

« Oui, c'est ça, moi en soirée guindée, comme tu dis. » Est-ce que l’on serait tombé dans une troisième dimension ? Non pas que cela paraissait totalement surréaliste, il a déjà fait tout un tas de gala pour ses associations sur l’environnement, mais une soirée guindée avec une peuplade de personne à l’opposé de ses convictions ? Non ça ce n’était jamais arriver auparavant. À croire qu’Ivy a des supers pouvoirs pour qu’il craque aussi facilement. Elle a payé pour son costume, et même s’il me parle de tissu écolo ou je ne sais quoi, je ne peux m’empêcher de l’observer d’un air quelque peu interloqué. Vraiment, je suis sur le cul, je crois qu’il n’y a pas d’autres mots. « Et évidemment qu'elle a pris des photos. » « Montre, montre, montre ! » J’ai conscience d’être le cliché même d’une adolescente de seize ans, mais je m’en fiche bien. Je me colle à lui pour voir le cliché et siffle un coup en apercevant le look de Martin. « T’étais hot. » Bon, clairement, il l’est souvent, mais là… Non vraiment, mon meilleur ami est une bombe quand il prend soin de lui. « Oh j’aurais aimé voir ça. » Vraiment, ça devait être quelque chose.

Mais le gala ce n’était que l’entrée, voilà qu’il me parle d’un voyage en avion pour se rendre à Melbourne… Autrement dit un lieu qu’il pourrait rallier en voiture ou même à vélo ou à pied dingue comme il est. Je m’interroge sur leur relation et dans la seconde Martin se trouve tout un tas d’excuses différentes pour en rien justifier qu’il se passe réellement quelque chose avec la blonde. « Elle te fait prendre l’avion. » Oui, je reste bloquer sur l’information, mais c’est presque capital. Je ris un peu avant de croiser son regard. « Mais je suis content pour toi, Martin. » Il mérite de souffler un peu, d’agir de manière complètement innocente après l’année qu’il vient de passer. « Fait attention à toi, c’est tout. »

Être là, juste là, proche de Loan, sentir sa présence contre moi et me retrouver dans ses bras, c'est vraiment ce qu'il me fallait actuellement. Cette année a été riche de rebondissements, beaucoup d'horreurs qui ont conduit à d'innombrables remises en questions, sur ma vie personnelle, professionnelle et activiste. Si bien que j'en avais oublié le 11 septembre. Lorsque je m'en rappelle, c'est avec force et violence et je suis submergé d'émotion et de sentiments négatifs. Fort heureusement, je peux compter sur mon meilleur ami, qui a les épaules bien assez fortes pour que je puisse m'y reposer, dont le cœur est si pur pour que je puisse me confier à lui et dont l'humour est si singulier pour me changer les idées. Il m'écoute, me contre dit avec douceur, me fait comprendre que je me pose bien trop de questions, puis m'oblige à changer de sujets.

J'embraye donc sur ma relation avec Ivy qui, je le sais, ne mènera à rien. Oui je l'apprécie énormément elle et les moments que nous partageons, oui j'adore la découvrir sous tous les recoins elle, son caractères et même son corps, mais non, nous ne pourront jamais former un couple en tant que tel, tant nous sommes différents. Si on dit souvent que les contraires s'attirent, je pense qu'il faut un minimum de points communs pour qu'un couple puisse survivre. Mais de toute manière, je ne me suis jamais posé beaucoup de questions concernant une éventuelle relation et ce n'est donc pas aujourd'hui que je vais commencer à le faire.

Alors je décide de parler du concret, évoquant ce moment où Ivy m'a payé un costume sur mesure pour m'emmener à un gala. Lorsque Loan, en voyant la photo, dit que je suis 'hot' je laisse échapper un rire amusé et légèrement la tête  «Doucement mon chéri, il ne faudrait pas que Clément t'entende » soufflais-je, malicieux, complétant mes paroles par un clin d’œil complice avant de lui donner un coup de coude dans les côtes.

Je parle ensuite du fait qu'avec Ivy nous avons décidé que nous irons bientôt passer un week-end à Melbourne et Loan s'étouffe presque avec son thé, tant cet aveux est choquant. C'est avec innocence que je me lance dans des explications, démontrant par A et pas B que non, je ne suis pas amoureux et roule des yeux lorsque mon meilleur ami me reprend en me disant qu'Ivy réussi à me faire prendre l'avion  «Mais ça veut rien dire !  » protestais-je en secouant la tête  «C'est juste que ... » que quoi ? Que je veux passer un week-end avec elle mais qu'on ne peut pas se permettre de prendre trop temps pour l'aller et le retour ? Que nous voulons optimiser notre temps sur place ? Je soupire et repose mon regard sur Loan lorsqu'il me demande, inquiet de faire attention  « J'me met pas en danger en prenant l'avion, tu sais» rétorquais-je avec innocence  « Je met juste en danger la planête et ...» je grimace comme si on m'avait enfoncé un couteau dans le flanc et me prend la tête entre les mains  «putain...mais dans quoi je me suis lancé là, sérieusement... » je déglutis puis prend une profonde inspiration  «bon, on va dire que toutes ces années sans avion, à avoir réduit mes déchets de 90% et de m'engager tous les jours pour une énergie plus verte, ça peut compensé le fait que je prenne l'avion une fois cette année. Hein ? Pas vrai? je regarde Loan  «Dit moi que ce n'est pas grave de prendre l'avion... » soufflais-je, comme si les paroles de mon meilleur ami m'aideront à avoir bonne conscience.

J’ai l’impression d’avoir atterri sur une autre planète à entendre Martin me parler de soirée guindée et de costume acheter sur-mesure qu’il ne remettra probablement jamais. Je voudrais le pincer, mais je suis bien trop captivé par tout ce qu’il est en train de me raconter. Littéralement pendu à ses lèvres, je bois ses paroles et dois probablement ressembler à un poisson hors de l’eau. Je ne me gêne pas pour faire quelques commentaires et bien sûr que tout cela l’amuse. « Doucement mon chéri, il ne faudrait pas que Clément t'entende. » J’éclate de rire, levant les yeux au ciel, avant de me pencher vers Martin pour le mettre dans la confidence. « T’es beau, mais pas autant que lui. » Non vraiment, que l’on remette les choses à leur place, tout de même.

Et alors que je pensais le moment confession terminée voilà que Martin balance une bombe encore plus énorme. Ivy a réussi à lui faire accepter de prendre l’avion pour passer un simple weekend à Melbourne. J’ai dû rentrer d’un tout autre pays en bateau militaire pour lui faire plaisir et il va prendre l’avion avec elle juste pour les beaux yeux de la demoiselle ? Sous le choc, je me mets à poser tout un tas de questions et surtout commence à me demander s’il ne se trame pas quelque chose là-dessous. Je n’ai jamais vu Martin sembler s’en foutre autant de foutre les pieds dans un avion et clairement, ce n’est pas normal. « Mais ça veut rien dire ! C’est juste que... » J’attends un moment pour qu’il puisse finir sa phrase, mais rien ne vient si ce n’est le silence total. « Que ? » Non vraiment, je suis curieux de connaître le fond de sa pensée sur le sujet. Il doit bien avoir une raison qui se cache là-dessous, ce n’est pas possible autrement. « J'me mets pas en danger en prenant l'avion, tu sais. Je mets juste en danger la planète et… » Il se moque de moi là ? Mais non… Innocemment, il pensait que je parlais de ses convictions ou je ne sais quoi, alors que ce n’est pas du tout la direction que je prenais. « Martin… Je parlais pas de ça. » Mais il m’entend à peine mon meilleur ami tellement il est déjà parti sur tout un discours qui se veut rassurant pour lui. Il a tellement besoin de se convaincre que ce n’est rien qu’il ne comprend absolument pas ce que j’étais en train de sous-entendre. « Dis-moi que ce n'est pas grave de prendre l'avion... » « Eh respire Martin. » Je lui souris en venant poser ma main sur son épaule. « C’est pas grave du tout. » Vraiment, ce n’est rien, c’est juste une fois, mais je sens bien que ça le travaille vraiment. « Okay tu sais quoi… Pour compenser, je promets que je prendrais pas l’avion pour les six prochains mois. » Bon, faut pas qu’on est subitement l’idée de partir je ne sais où avec Clément sinon on risque d’être bien dans la merde parce que quand je fais une promesse, je la tiens toujours jusqu’au bout. Mais vraiment, je n’ai pas envie de discuter de la conscience écologique de Martin pour le moment. « Quand je te disais de faire attention Martin, je parlais plus de tes sentiments. » Je ne vais pas avoir la prétention de connaître Ivy, elle est très gentille – quand elle le décide – mais quand même… « J’ai rien contre Ivy, mais fait juste attention à toi. » que j’insiste un peu, malgré tout.

C'est une moue de déception qui s'affiche sur mon visage lorsque mon meilleur ami me dit que je suis beau, mais pas autant que Clément, avant que je ne soupire  « Eh voilà ...» soufflais-je doucement  «C'est fou comment on est tellement vite remplacé» je grimace, secouant la tête alors qu'un sourire amusé et malicieux s'affiche sur mon visage.  « Non mais c'est bon j'ai bien compris que j'avais aucune chance avec toi. J'en ai jamais eu de toute manière» une façon bien personnelle pour lui dire combien je suis heureux pour lui et combien de tonne de bonheur je lui souhaite.

C'est alors que nous commençons à parler de mes propres sentiments et j'avoue que c'est quelque chose qui me panique plus que je ne le voudrais. Si bien que lorsqu'il est question de faire attention à moi et à ce que je ressens, je me met à lui parler de la planète que je détruis un peu quand j'ai décidé que je prendrais l'avion pour la première fois après un an en australie. Et voilà que cette panique amuse Loan plus que de raison. Je le vois bien qui se retient de rire alors qu'il me dit que ce n'est absolument pas grave, que je devrais me calmer un peu avant de préciser qu'il parlait bel et bien de Ivy et de ce que je ressens envers elle. Et bien qu'il me dise qu'il n'ait rien contre elle, j'avoue que j'ai l'impression que cette mise en garde n'est pas annodine. Mais je ne veux pas entrer dans un débat avec Loan qui ne connaît pas Ivy aussi bien que je la connais moi. Lui, tout ce qu'il peut juger, c'est une façade, la couverture d'un livre qui révèle bien plus de chose intéressantes.  « T'inquiète pas, je sais me protéger» et avec un clin d'oeil je lui fait comprendre que cette protection vaut dans tous les sens du terme.

Finissant mon thé, j'attrape à nouveau le sac et propose à Loan de commencer à cuisiner notre repas du soir -qui est une simple soupe déshydratée, mettant ainsi fin à une conversation qui risque de prendre des proportions un peu trop énorme. C'est de cette manière que nous finissons par parler de bien d'autres sujets et ce jusque tard dans la nuit.