« Va te faire foutre, Blackwell ai-je craché alors qu’elle m’enfonce. Je ne devrais pas la laisser m’atteindre. Non seulement, elle n’a jamais compté parmi ces proches influents susceptibles de provoquer en moi une remise en question et, en plus, tout ce qui sort de sa bouche est uniquement destiné à me piquer, à me mettre à terre. Elle fragilise les fondations de ma personnalité afin de mieux me contrôler. C’est téléphoné. Je doute qu’elle y ait pensé toute seule d’ailleurs. Elle a dû lire la méthode dans un livre de psychologie ou dans un reportage diffusé sur une chaîne télé ennuyeuse à mourir et ayant trait au danger des sectes réputés de dangereuse. Qu’à cela ne tienne, elle l’est, Raelyn. J’en ai pris la mesure et ma nervosité dépasse les limites de l’entendement. Je n’arrive même plus à faire semblant, pas plus que je ne parviens à lui rendre la monnaie de sa pièce à cette garde. Elle m’a froissé, je la chiffonne à peine et je me déçois. Je suis trop bavard pour être un grand orateur, un rien top bon également, un rien trop con a priori. J’ai entré mon doigt dans l’engrenage et tandis que je tourne, c’est elle qui m’impose le rythme. Elle contrôle la manivelle : je suis pris au piège. Je suis le captif de son odieux chantage et pourtant, plus je l’écoute, plus elle intéresse le flic en moi. Je ne la soumets pas à un interrogatoire en bon et due forme. Je n’en fais pas mon témoin, mais en révélant ces détails sur la came vendue par son ennemie, elle prend l’allure d’indic et ça me plaît. Serait-elle inscrite sur nos listes pour obtenir l’argent dû à nos taupes que j’en rirais. Ce serait un juste retour de chose puisque je détiendrai à mon tour de quoi la faire danser, la menacer, de quoi détruire son univers tout entier. Au lieu de ça, je lui accorde toute mon attention. Jamais elle n’aura été aussi intéressante pour de loyales raisons et je choisis d’envisager que je ne suis pas son pantin, mais que nous travaillons en collaboration. Je m’en convaincs pour mon bien,  pour me déculpabiliser. « Du fentanyl ? » Sa rivale, c’est un gros poisson a priori. Quand il s’agit  de s’enrichir, elle a moins de scrupules que le Club. « Pourtant, il faudrait que ça devienne le mien. Plus j’en sais, plus je peux attirer l’attention de mes boss. Qu’est-ce que tu t’imagines ? Qu’on roule comme à la télé ? Qu’il suffit que je balance une info ? A l’équipe, je balance mes sources et ni toi ni moi n’avons envie que tu sois la mienne. Alors, donne-moi un nom, trouve moi de sa came et… je me chargerai du reste. » Parce qu’elle m’intéresse cette ruche et que déjà, pour me déculpabiliser, je me dis qu’au moins mon addition m’aura valu une promotion.  

« Va te faire foutre, Blackwell. » Je l’ai mérité celui là, et je l’accepte d’un sourire radieux. Je n’ai jamais rougi d’emmerder le monde : au contraire, je crois que je ne me délecte jamais autant d’une situation que lorsque je sens que je pousse mon interlocuteur à bout, et j’ai piqué l’égo de Loris, je le sais. Le mâle qui sommeille en lui s’insurge autant d’être moqué de la sorte que de ne pouvoir se rebiffer, puisque je le tiens sous ma coupe. Du reste, notre partenariat pourrait être plus désagréable puisque c’est la première fois que j’ai réellement besoin de lui pour un service. A quoi s’attendait-il ? A ce que je ne le contacte jamais pour mettre en marche ce que j’ai promis en découvrant son identité ? A ce que ce ne soit que des paroles en l’air et que, finalement, je le laisse s’en tirer aussi facilement ? Il ne me connaît pas bien, mais mieux que ça tout de même.

S’il lui reste un minimum de conscience professionnelle, la suite l’intéressera surement. Certes, il détestera d’agir pour me rendre un service mais je ne mens pas : la drogue qu’écoule Lou est aussi dangereuse qu’elle est addictive, une vraie merde dans toute sa splendeur. A côté de sa ruche, le Club apparaîtrait presque comme une association caritative. « Du fentanyl ? » « Affirmatif. » Je hoche la tête sortant une cigarette de mon paquet : si la conversation s’éternise et qu’il a besoin que je lui explique son métier, je vais en avoir besoin. « T’as pas besoin de moi pour savoir que c’est dangereux. » Non pas que j’en ai quelque chose à foutre de mon côté, mais peut être que cela captera son attention. « Pourtant, il faudrait que ça devienne le mien. Plus j’en sais, plus je peux attirer l’attention de mes boss. Qu’est-ce que tu t’imagines ? Qu’on roule comme à la télé ? Qu’il suffit que je balance une info ? A l’équipe, je balance mes sources et ni toi ni moi n’avons envie que tu sois la mienne. » Je réfléchis un instant, mes doigts qui glissent sur mes lèvres, et je dois admettre qu’il a raison : s’il doit agir sur la base d’une information donnée par un indic, ce ne sera pas moi, pas officiellement du moins. « Alors, donne-moi un nom, trouve moi de sa came et… je me chargerai du reste. » « Si c’est un indic qu’il te faut je t’en trouverais un. » L’un des dealeurs sous mes ordre fera largement l’affaire. « Par contre son nom apparaît dans aucun document officiel. C’est non négociable. » C’est le Club que je protège, moi par la même occasion, je n’ai pas l’intention de sacrifier un pion pour prendre la reine de la ruche. Pas tout de suite, en tout cas. « Quelle quantité de marchandise il te faut ? »



@Loris Baumann

C’est salvateur que de l’envoyer paître, mais ça ne me dégage en rien de mes nouvelles obligations. Ne serais-je pas froissé qu’elle m’insulte à travers mes performances – je suis sûr : elle est de mauvaise foi – que je lui aurais reconnu qu’elle a su se montrer fine, la chef de file de l’ennemi du bien. Elle m’a démasqué – j’ignore toujours du comment -, m’a confronté, m’a laissé mariner dans mon jus jusqu’à ce que je finisse par oublier son chantage. Oublier ou refouler ? A priori, c’est la deuxième option puisque j’ai frémi en lisant son message. Elle m’a convoqué, Rae, et j’ai su d’emblée que je n’aurais d’autres choix que de plier à sa loi. “Tu as essayé de lutter, c’est déjà pas mal“, ai-je au départ songé de guerre lasse. A présent, alors que le nom de produis dangereux tombe sur la table, c’est avec intérêt que je me tourne vers elle. Je lui propose même un plan d’action : elle souhaitait de la créative, en voilà ! ça lui tombe tout cru entre les bras. Je n’ai besoin que d’une maigre intervention de sa part : un peu de la substance frelatée et, comme elle l’exprime si bien, un indic, un autre qu’elle, un qui ne dévoilera pas nos acoquinements ou nous serons perdus, tous les deux, surtout moi, et c’est tout ce qui m’importe. Elle, ça me permettrait de m’en débarrasser et je ne désespère pas d’y parvenir. Comment ? Je l’ignore encore. Le pourquoi ne m’échappe pas en revanche. « Je n’ai pas besoin que son nom apparaisse, j’ai juste besoin de savoir où il crèche que mon boss puisse le rencontrer au cas où j’arriverais à capter son attention.» Qui mieux que nous, confrontés régulièrement à des gangs, pour comprendre que de l’anonymat dépend leur survie ? « Disons qu’il m’en faut assez pour donner le change, pour avoir l’impression que ça circule. Par contre te fais pas d’illusions. Ça sera pas rapide. Il va falloir laisser le temps de laisser aux collègues de remonter la source vers celle qui te fait peur… » ai-je confié en haussant les épaules. « Tu peux m'avoir ça pour quand ? » me suis-je enquis tandis qu'un plan se dessine dans mon cerveau. Je ne suis pas le type le plus fin de l'existence, mais je peux être futé, particulièrement futé quand il en va de passion. Jusqu'ici, elle a rarement été jumelée à ma survie. Résutat, je découvre que ça me donner des ailes. « Dis, ça voulait dire quoi tout à l'heure.... les choses se créent, tout ça, demande à Leah... » Mauvaise idée. Je m'étais promis que je ne demanderais pas. La curiosité et l'inquiétude sont cependant à  leur comble.


 

J’aime ce sentiment que les choses se mettent en marche. Certes, je ne me fais pas d’illusion, je me doute qu’il lui faura du temps pour agir et, si je suis patiente je ne suis pas idiote, je me promets de garder un oeil sur lui pendant ce temps là, pour lui rappeler les conséquences d’une éventuelle traîtrise. J’espère lui en avoir fait passer l’envie, mais il n’est pas bien malin le brun et surtout il rêve de s’émanciper et de se libérer de mes chaînes. « Je n’ai pas besoin que son nom apparaisse, j’ai juste besoin de savoir où il crèche que mon boss puisse le rencontrer au cas où j’arriverais à capter son attention. » Je hoche la tête en portant ma cigarette à mes lèvres pour inspirer et relâcher ma fumée toxique. « Laisse moi le temps de parler à mon gars. » Celui que j’ai en tête pour jouer ce rôle. « Je t’enverrai ce qu’il faut et il te contactera pour organiser une rencontre. » S’il le souhaite. Finalement, la preuve en est, suis plutôt conciliante et arrangeante non ? Pas de quoi me décrire comme la dernière des garces manipulatrices.

« Disons qu’il m’en faut assez pour donner le change, pour avoir l’impression que ça circule. Par contre te fais pas d’illusions. Ça sera pas rapide. Il va falloir laisser le temps de laisser aux collègues de remonter la source vers celle qui te fait peur… » « Je suis patiente, c’est pas un problème. » J’ai beaucoup de défaut mais cette fois ci je dis la vérité : j’ai attendu des mois pour mettre mon plan en marche je ne suis pas à quelques semaines près. « Mais pas d’entourloupe. Tu me tiens au courant. Régulièrement. Et si je me rends compte que tu te fous de ma gueule… » Je ne termine pas ma phrase et me contente de poser sur lui un regard à la fois innocent et mutin : à l’opposé des menaces que je profère. « Tu peux m'avoir ça pour quand ? » « Laisse moi une semaine. » Récupérer la marchandise de la brune ne devrait pas être bien compliqué, même s’il faut pour ça que j’aligne quelques dollars australiens. « Tu recevras des mots doux de ma part bien assez vite, t’en fais pas. » A nouveau, mes lèvres s’étirent en un sourire qui dévoile mes dents blanches.

« Dis, ça voulait dire quoi tout à l'heure.... les choses se créent, tout ça, demande à Leah... » Je l’observe, un sourcil levé, et l’air passablement amusé. Il a mordu à l’hameçon - je m’en doutais - et à présent je lis même plus de panique et d’angoisse que de fierté d'orgueil sur son visage. « T’as vraiment envie de le savoir ? » Une fois la boîte de Pandore ouverte, pas de retour en arrière possible pour les Baumann.



@Loris Baumann

Elle exige du temps, celui nécessaire à s’organiser et ça m’aide à me détendre puisque je peux, un instant durant, me bercer de l’illusion que je suis plus que sa marionnette, que je tiens les rênes moi aussi, que je peux décider étant donné qu’elle me rend des comptes. Sauf que c’est des conneries. Je le sais et cette blonde agaçante m’hésite pas à me le rappeler. Elle fixe le délai, me rappelle qu’elle est d’une patience débordante et je soupire. Je ne suis plus mal à l’aise : je sais où me situer. Me poserait-on la question que j’expliquerais avoir conscience que jamais elle ne me fichera la paix. Il ne me suffira pas de lui offrir la ruche sur un plateau d’argent. Après celle-là, il y aura une autre organisation qui lui fera de la concurrence, un autre dealer plus malin qui provoquera un produit qui défonce mieux, qui sera plus criminel, mais qui marchera sur ses plates-bandes. Certes, tant que je peux verser dans le légal, je veux bien envisager que nous formions une équipe – ce qui ferait d’elle mon indic, par ailleurs – mais je la soupçonne capable d’exiger que je trempe l’orteil dans l’illégal bien autrement qu’à cause de la drogue et j’ai peur à nouveau. Je n’en montre rien, mais mon cœur bat plus rapidement : « Je n’ai pas de raison de te la faire à l’envers, Blackwell. Ce ne serait bon ni pour moi ni pour moi. » Je la ramène, mais c’est une vaine tentative. Elle ne la secoue pas : elle ne me prend pas au sérieux. Je suis l’atout dans sa manche. « Et toi non plus ! Va pas baver dans mon dos alors que … » J’ai posé un genou à terre ? J’ai été faible ? Je t’ai cédé dans tous les sens du terme ? Que ne donnerais-je pas pour être là le jour où elle perdra une bataille ! Je m’enivrerais de son échec avec un sadisme malsain. « Alors que cette fois, on en tient un vrai d’accord.» Cette formulation me paraît moins violente pour mon ego à taille normale. Et ce qu’elle sait au sujet de ma sœur ? Est-ce que ce sera aussi brusque qu’un uppercut ? Aussi douloureux qu’un coup de poignard ? Ai-je envie de savoir ? Elle fait bien de poser la question et, si j’y réfléchis, j’ai déjà acté : je veux. J’ai besoin de savoir si ce maître chanteur a dans son sac à malice de quoi nuire à Leah. « J’ai vraiment envie de savoir. Et puis, tu meurs d’envie de raconter. Vas-y. » Trop tard pour faire marche arrière désormais.




 

« Je n’ai pas de raison de te la faire à l’envers, Blackwell. Ce ne serait bon ni pour moi ni pour moi » J’en vois tout un tas des raisons qui pourraient pousser le brun à me la faire à l’envers et la principale est celle ci : il me déteste. J’ai privé de son libre arbitre et il abhorre que je sois capable de jouer de lui comme une marionnettiste. Je le place dans les pattes d’une femme qui me déteste aussi aussi de surcroît, et je crains qu’il oublie un instant qu’elle ne vaut pas mieux que moi à cause de la haine viscérale qu’elle me voue. Alors, pour me prémunir d’une alliance de ma némésis et de mon valet, je lui rappelle pourquoi il c’est tout sauf à son intérêt de me trahir. « Et toi non plus ! Va pas baver dans mon dos alors que …  » Alors que ? Je hausse un sourcil, l’invitant à continuer. « Alors que cette fois, on en tient un vrai d’accord. » Un accord. Je lui adresse un sourire dévoilant une rangée de dents blanches, avant de secouer la tête en riant. Mais je joue les adultes : la preuve en est que je ne relève pas et que je ne précise pas que ce qu’il appelle accord est en fait un rapport de force : si se bercer d’illusion l’aide à servir mes objectifs rapidement et efficacement, qu’il le fasse.

« J’ai vraiment envie de savoir. Et puis, tu meurs d’envie de raconter. Vas-y. » Oh, bien sûr que je vais le lui dire. Je vais le lui dire puisque je sais que contrairement à sa réputation et sa liberté, il ne fera rien qui puisse nuir à sa soeur. Elle est là, la carte que je cachais dans ma manche depuis des mois. « Bien sûr que j’en meurs d’envie. Tu me connais si bien, c’est presque mignon. » Pour peu j’attraperais son visage entre mes doigts comme on le fait à un petit enfant. Mais je décide que ma condescendance suffira, surtout vu ce que j’ai à lui révéler. « On a pas mal trainé ensemble ta cadette et moi à l’époque. » Assez pour que je glisse un cachet d’XTC dans son verre d’ailleurs. « Elle était touchante, à être prête à tout pour s’intégrer dans un univers dans lequel elle détonnait. » Le mien. « Bref, je te passe nos innombrable sorties et bêtises de jeunesses. » Elle m’a embrassée d’ailleurs, est-ce utile de le lui préciser ? « Dans notre bande il y avait ce type, Tobias, riche, fils à papa, qui avait craqué sur ta frangine. C’est pas touchant comme histoire ? » Je prends une pause pour m’intoxiquer de fumée grise. « Là où c’est moins touchant, c’est quand il est mort d’une overdose après une nuit dans ses bras. Evidemment, Bambi a paniqué et moi, parce que j’ai bon coeur, j’ai fait étouffé ce petit incident. » Sauf que je ne suis pas idiote non plus. « Sauf que, tu comprends, je pouvais pas prendre le risque qu’elle prenne peur et balance tout aux flics. » Après tout, c’était ma came qu’il consommait, et il est mort dans mon appartement. « Alors disons qu’avant de me débarrasser du gentil Tobias, je me suis assurée de conserver quelques preuves qui l’incrimineraient elle, au cas où elle se révélait un peu trop bavarde. » Et qui, bien sûr, me placeraient au dessus de tout soupçon. Voilà, là, c’est là que je jubile.




@Loris Baumann

Je me berce de l’illusion que nous avons un contrat et je la maudis qu’elle balaie mes convictions avec si peu de considération. Qu’est-ce que ça peut lui foutre de rétablir la vérité ? Quel plaisir prend-elle à m’assommer de ce sourire arrogant ? Elle a déjà tout pouvoir sur moi… Je ne sais pas ce qui me retient de le lui faire avaler d’une gifle, si ce n’est la bienséance et mon éducation, celle que je partage avec Leah, celle dont nous sommes fiers finalement. L’a-t-elle oublié durant une époque de sa vie ? S’est-elle laissé embrigadé par de mauvaises fréquentations lorsqu’elle était à l’université ? Mes frasques sont de notoriété publique chez les Baumann. En ce qui concerne le reste de la fratrie, chacun est resté discret finalement. Alors je tremble d’envie de savoir. Je brûle d’entendre le récit, non pas pour confronter ma sœur, mais pour évaluer l’ampleur de sa bêtise d’avoir permis à ce corbeau de femmes d’être la détentrice de l’un de ses secrets. Et quel secret ! « Traîner dans le sens vous étiez amies ou vous vous croisiez dans des bars de temps en temps ? » ai-je réclamé en précision. Réflexe de flic. Tous les détails comptent, et ce, sans exception. Par exemple : de quel univers parle-t-elle ? Celui dans lequel gravitait Raelyn ou celui de son auditoire ? Je m’étonne, mais cette fois, quoique mon regard s’assombrit sous le joug de la concentration, je ne pipe mot. J’écoute : je n’interromps pas. « Connais pas de Tobias et ça me surprend. Elle m’en aurait parlé. Tu me joues du banjo, là.» l’ai-je arrêtée, plus à l’aise, moins crispé par la faute d’un mauvais pressentiment. J’aurais bien choisi ce moment précis pour m’éclipser, histoire de la quitter sur une demi-défaite, mais je n’ai pas aimé l’expression de ses traits lorsqu’elle m’a toisé. Il semblait crier : attends la suite, ça vaut le coup. Et, borgne parmi les aveugles, je me suis senti pousser des ailes. « Il est quoi ? » me suis-je exclamé à la suite du récit. Consommait-elle, Leah ? A-t-elle durant des années jouer les jeunes femmes irréprochables alors qu’elle compte son lot d’expérience ? « Non ! C’est pas possible.» Je l’idéalise, ma sœur et, cette mascarade, je ne veux pas y croire. « Des preuves ? Mais, des preuves de quoi ? Tu as fait quoi exactement ? » Est-elle donc née pour nous pourrir la vie ? Pour saccager notre équilibre ? « Crache-le morceau.» J’étais plus calme et, à nouveau, je sue à grosses gouttes.



 

« Traîner dans le sens vous étiez amies ou vous vous croisiez dans des bars de temps en temps ? » Oh j’ai piqué son attention mais pas assez et, en tout cas, rien par rapport à ce que je m’apprête à faire. Nul doute qu’il ne pourra rien faire d’autre que se taire, paniquer, ou être dans le déni une fois que je lui aurais tout raconté et moi je jubile d’avance. « Elle était amie avec moi, si c’est ça la question. » Moi, je n’avais que des jouets à cette époque là et, aujourd’hui encore, il m’arrive d’avoir du mal à ne pas avoir envie de m’amuser à tirer les ficelles : il est bien placé pour le savoir. « Elle m’a embrassée une fois. J’espère que je lui ai pas brisé le coeur. » Cette anecdote innocente, ce baiser échangé par deux filles complètement ivres pour rendre fou leur cavalier respectif se transforme en arme contre Loris. Et pour le coup, je n’ai même pas besoin de mentir. « Connais pas de Tobias et ça me surprend. Elle m’en aurait parlé. Tu me joues du banjo, là. » Je lui jette un regard pour qu’il se taise. Mes yeux, ils crient : tais tois et attends., ou encore laisse moi finir et je finis, oh que je finis, incapable de me refuser le plaisir de lui livrer l’histoire dans sa version la plus complète, celle qui m’arrange en tout cas. « Il est quoi ? » Ah, là voilà la réaction escomptée. Enfin, il transpire et moi j’exulte. Je hausse les épaules, pas plus touchée par le sort de ce pauvre Tobias qu’il y a douze ans. « Non ! C’est pas possible. Des preuves ? Mais, des preuves de quoi ? Tu as fait quoi exactement ? Crache-le morceau. » Je l’observe en souriant, les coudes appuyés contre la rambarde et le regard provocateur. « Tu vois que j’ai gagné Baumann ? » Parce que ça, il était certainement loin de s’y attendre.

« Rien que j’ai envie de partager avec toi. » Des photos, un vêtement appartenant à la jeune femme laissé dans l’hôtel ou Erik a déposé le corps sans vie du jeune homme après l’avoir récupéré chez moi, la trace de leurs échanges par texto et, le clou du spectacle, mon chef d’oeuvre, une page arrachée du registre des réservations de l’hôtel, falsifié pour faire croire que c’était bel et bien la brune qui avait réservé la chambre ce soir là. « Disons juste qu’il s’agit de mon assurance. Tant que tu me plantes pas de couteau dans le dos, je garde ça pour moi. Tout comme je parle pas à ta cadette de toi et moi. »


@Loris Baumann

[i]“Elle était amie avec moi.“. N’est-ce pas éloquent comme formule ? N’est-elle pas méprisante ? Elle sous-entend clairement que Leah s’est accroché aux basques de cette femme qui, a priori, ne l’a jamais considérée comme son égal et, dans le fond, elle a raison, la Blackwell. Ma sœur vaut bien mieux que cette incarnation du mal. Je lui prêterais volontiers les qualités qui plaisent au Diable sans être arrivé au bout de mes surprises. Autant dire que ma réaction n’a rien d’effarante tandis qu’elle avance dans son récit. Qu’elles se soient embrassées, ma foi, c’est étrange, mais je m’en cogne. C’est une erreur de jeunesse, on en fait tous. J’ai bien couché avec cette femme. En revanche, l’élément perturbateur de cette histoire m’a arraché un hoquet de stupeur et un lazzi d’étonnement. Quant aux éléments réparateurs, ils m’ont donné l’impression d’entendre le scénario d’un mauvais film et j’aurais préféré. Je ne transpirerais pas à nouveau à gros bouillon. Je n’aurais pas l’impression que je suis coincé de toute part, que jamais je ne pourrai me défaire de son chantage puisque Raelyn me tient en cisaille. Dans une des lames, mon addiction et la menace qu’elle la révèle à mes employeurs (ou autre). Dans l’autre, la bêtise de ma sœur, celle provoquée par son besoin perpétuel de s’intégrer, d’appartenir à un groupe social et ce malgré la nature de ce dernier. Dès lors, dans ma poitrine enfle une angoisse sans précédent et, plus que pour moi, c’est pour la frangine que j’ai peur. Je sais par avance que je ne parviendrai pas à donner le change, quoique j’essaie vainement. « Si tu ne partages pas tes preuves, pourquoi je te croirais ? » Et comment tirer Bau de ce guêpier si je ne connais pas la nature exacte de ces derniers ? Est-ce incriminant au point qu’elle finisse un jour en prison ou juste assez pour qu’elle supporte un nouveau retour à la case départ avec, cette fois, un sérieux handicap pour pouvoir se reconstruire ? « Surtout qu’il y a un truc qui colle pas dans ton histoire, vous n’étiez pas amies, vous ne vous fréquentez plus. C’est moi qui te suis tombé dessus… » Et je le regrette aujourd’hui. Je m’en maudis chaque nuit. « Si c’était vrai, pourquoi tu as gardé tout ça pendant tout ce temps ? Qu’est-ce que tu t’en fous de Leah ? » Lui ferais-je l’affront de vérifier l’anecdote macabre ? « Tu as inventé ça de toutes pièces pour avoir un moyen de pression supplémentaire sur moi. Ou me le faire croire. » En vérité, je n’en suis pas convaincu. Le hasard est parfois un beau salaud.

Bien sûr, il veut connaître la nature de mes preuves mais je ne suis pas idiote : je doute que ce soit pour autre chose que pour appréhender un mouvement de ma part, les effacer s’il te plait. Sauf que je ne lui permettrai pas de faire tourner la situation à son avantage : j’étais là moi aussi ce soir là, dans la chambre d’à côté avec mon jouet de l’époque - je n’avais que ça des jouets, avant de rencontrer Amos - et j’ai décidé de ne pas appeler la police et d'étouffer l’affaire. Dans ma position il n’y avait pas d’autre conduite à adopter, mais elle m’en a voulu la brune, de mon insensibilité. Que voulait-elle, que je pleure Tobias comme si je tenais à lui ? Je ne suis pas une hypocrite. « Si tu ne partages pas tes preuves, pourquoi je te croirais ? » J’esquisse un sourire avant de secouer la tête. « Je sais très bien pourquoi tu veux savoir. Pour t’y préparer et ça, tu comprendras que je peux pas me le permettre. » Au contraire, tout réside sur le fait qu’il ne sache pas par où j’attaquerais si besoin. « Surtout qu’il y a un truc qui colle pas dans ton histoire, vous n’étiez pas amies, vous ne vous fréquentez plus. C’est moi qui te suis tombé dessus… » Un merveilleux coup du destin ça, s’il veut mon avis. J’aurais perdu l’emprise que j’ai sur lui beaucoup plus facilement s’il n’avait pas été le frère aîné de Blanche Neige. « Si c’était vrai, pourquoi tu as gardé tout ça pendant tout ce temps ? Qu’est-ce que tu t’en fous de Leah ? Tu as inventé ça de toutes pièces pour avoir un moyen de pression supplémentaire sur moi. Ou me le faire croire. » « T’as fini ? » Avec ta théorie fumeuse, vouée uniquement à te rassurer ? « Je te l’accorde : je pourrais bluffer. » Ce serait loin d’être surprenant. « Et si j’avais eu besoin, je l’aurais certainement fait. Mais c’est pas le cas, je suppose que je dois ça à ma bonne étoile là haut quelque part, ou à mon Karma. » J’ai dû faire de sacrées bonnes actions dans une vie antérieure pour compenser avec celle ci. « On peut appeler Leah si tu veux. On peut l’appeler là, tout de suite, et lui demander de confirmer cette histoire. » Si elle ne tourne pas de l’oeil en entendant le son de ma voix, évidemment. « J’ai gardé ça parce que je suis prudente. Parce que j’ai jamais pensé que ta soeur tiendrait sa langue. » J’ai toujours cru qu’elle irait voir les flics pour soulager sa conscience. « Là dessus, j’avoue m’être trompée.  » Elle a eu plus de cran que ce que je pensais, la brune. Ou alors plus peur de tout perdre. « Tobias Evans. Renseigne-toi si tu veux. »



@Loris Baumann

Est-moi qui suis trop bête ou elle qui est bien trop fine ? J’aimerais, mais je ne peux pas lui enlever. Tout comme j’avance sans prétention qu’à défaut d’être subtil, je suis moins idiot que je n’en aie l’air. Observateur, j’arrive même à lire les gens, mais Raelyn, elle n’est pas n’importe qui. Elle est celle qui détient de quoi me faire tomber et qui, si j’accepte de la croire, partage avec ma soeur une histoire qui menace de lui causer du tort personnellement et de nous en causer à tous les deux par rapport à notre relation somme toute fusionnelle. Alors, je ne la regarde pas ou pas vraiment. Je n’essaie pas de la deviner : je me laisse happer par son récit et engloutir par ce qu’elle a le dessus sur moi. « Me préparer à quoi ? A ce que tu pourrais lui faire ? A comment les contrer tes indices ? Je t’ai déjà dit, je suis pas Copperfield.» Le concret n’est pas effaçable. Bien sûr, je vais tenter. Evidemment que je vais cuisiner Leah. Mais, je ne peux garantir de rien et elle le sait. Elle le sait d’autant mieux que je réalise soudainement qu’elle me sous-estime et, si mon ego s’en fâche, ma tête s’en satisfait. Elle se méfiera peu, commettra une erreur et alors, je frapperai. Je me débarrasserai d’elle. Je couperai mes chaînes et c’est à son pied que j’attacherai un boulet. En attendant, je feins de ne pas la croire entièrement et, a priori, il y a du vrai. J’aimerais douter, de tout mon coeur. « Ton karma ? Si c’est ça, c’est toi qui devrais te préparer, parce que la chute sera douloureuse.» Je ne la détesterais pas et, à condition que j’ai foi au principe du retour de bâton, j’en aurais preque pitié pour elle. « Crois-moi, ce jour-là, je serai au première loge. Mais, vas-y appelle Leah. Maintenant. Devant moi. Fais là parler. Je te dirais bien que c’est difficile de lui arracher quoi que ce soit, mais tu le sais déjà visiblement. » Elle en est la première surprise et, de mon côté, je note mentalement le nom de leur soi-disant victime. « Allez, qu’est-ce que tu attends. Et tant que tu y es, donne-moi une date, précise… tu dois bien te souvenir de ce genre de choses, c’est un moment important, non ? »

« Me préparer à quoi ? A ce que tu pourrais lui faire ? A comment les contrer tes indices ? Je t’ai déjà dit, je suis pas Copperfield. » Il joue au con Loris et si je sais qu’il ne fait pas partie des plus malins, je devine qu’il tente de m’arracher des informations en prétendant de pas voir ce qu’il pourrait en faire. Sauf que cela ne prend pas et moi, je secoue la tête et je campe sur mes positions. « Me prends pas pour une conne Loris. » Je sais qu’il tentera de tout faire pour contrer ce qui peut l’être, pour trouver une excuse aux plus accablantes de mes preuves. Je ne suis pas née de la dernière pluie et je n’oublie pas qu’il appartient aux forces de l’ordre : je les considère tous comme pourris jusqu’à la moelle et surtout, il sait un minimum ce qu’il fait. « Ton karma ? Si c’est ça, c’est toi qui devrais te préparer, parce que la chute sera douloureuse. » Je hausse les épaules, comme peu touchée par ce qui peut m’attendre au tournant. « J’ai hâte de voir ça. » Je le provoque : si l’avenir me fait parfois trembler, ce n’est pas avec lui que je le partagerai.

« Crois-moi, ce jour-là, je serai au première loge. Mais, vas-y appelle Leah. Maintenant. Devant moi. Fais là parler. Je te dirais bien que c’est difficile de lui arracher quoi que ce soit, mais tu le sais déjà visiblement. » Oh qu’il est vindicateur. Si ce jour arrive et s’il souhaite être là pour voir ça, je lui paierais sa place en loge VIP avec champagne et petits fours offert. En attendant c’est moi qui mène la partie, et c’est lui qui se plie aux règles : rien de ce qu’il dit ne changera ça. Surprise, je lève un sourcil. Imagine-t-il que je bluffe ? Pense-t-il que je n’attraperai pas mon téléphone pour appeler sa cadette ? Il me connaît plus mal encore que je ne l’imagine. « Elle risque de ne pas décrocher si mon nom s’affiche, mais ma foi. » Je hausse les épaules, j’épie la moindre des ses réactions. « Allez, qu’est-ce que tu attends. Et tant que tu y es, donne-moi une date, précise… tu dois bien te souvenir de ce genre de choses, c’est un moment important, non ? » J’éclate de rire face à son culot. « C’était en mars 2012. Quant au jour précis... » J’attrape mon téléphone dans mon sac à main et je cherche le numéro de la jeune femme. Je n’efface jamais un contact de mon répertoire et en l’espace de quelques secondes, je clique sur son prénom avant d’approche le portable de mon oreille, mon bras libre croisé sous l’autre dans une pose nonchalante. « On n'a qu'à demander à ta soeur. »



@Loris Baumann

« C’est pas ce que je fais !» Loin de là ! Je la sous-estime bien moins que le contraire. J’ai bien failli le lui rétorquer d’ailleurs, mais est-ce bien l’heure de me découvrir des trésors de fierté et d’orgueil ? Jusqu’ici, il ne m’a que rarement embarrassé. Autant dire que je préfèrerais qu’il ne se sente pas pousser les ailes du besoin de justice. Je me moque que Raelyn me prenne pour un idiot. Je dirais plutôt que ça m’aurait arrangé. Or, tout porte à croire qu’elle est soit méfiante à outrance de nature, soit qu’elle ne m’a pas catalogué dans la rangée des beaux mecs ignares. Dommage ! Elle m’aurait facilité la tâche. J’aurais pu tirer ma soeur du mauvais pas qui lui pend au nez par notre faute à tous les deux. Que Raelyn ait conservé des preuves incriminantes, je le comprends. L’acte colle au personnage. En revanche, que Leah s’acoquine avec un junkie proche de l’overdose, c’est sa responsabilité. Quant à moi, si je n’avais pas flirté avec Raelyn pour quelques grammes de drogues ou autres médicaments, je n’en serais pas là. Qui est donc à blâmer, dans le fond ? L’évidence ou notre inconscience ? J’ai déjà statué, sans quoi je ne me battrais pas avec mon bon sens pour réfuter les affirmations de Rae qui, sans surprise, attrape son téléphone dans sa poche. « Trop facile ! Tu bluffes et tu bluffes mal. C’est bon, laisse tomber. Je règlerai ça moi-même.» Je tomberai sur Leah à la première occasion. Je quitterai ce stade que je courrai jusqu’à son appartement. « Alors ? La date ? » Elle m’en sort une et je la note dans un coin de ma tête. Elle me sera importante, bien plus que les détails dont je suis incapable de distinguer, sur l’heure, s’ils sont vrais ou faux. Ils doivent être recoupé, c’est d’autant plus nécessaire si je veux évaluer le danger et venir en aide à ma soeur. « Ce n’est plus la peine. J’en sais assez…. C’est bon ? Son altesse n’a plus besoin de moi ? » Je l’ai toisé, l’air mauvais, réalisant qu’en réalité, je la déteste autant que je ne l’apprécie. Elle a de la jugeote et c’est remarquable. Elle aurait fait un bon flic. Je la raille, mais elle a quelque chose de fascinant dans son attitude. Sans doute est-ce lié à sa confiance en elle. « N’oublie pas, Raelyn. Le karma….» ai-je conclu, théâtral, avant de prendre congé.

« C’est pas ce que je fais ! » Bras croisés sous ma poitrine, je le toise et je lui lance un regard qui ne fait que réitérer ma phrase précédente : ne me prends pas pour une conne Loris. Bien sûr que c’est ce qu’il fait, et il aurait été idiot de ne pas tenter sauf que, si je ne lui attribue qu’une intelligence moyenne, il protège les siens et pour ça je me doute qu’il est prête à se salir les mains. « Trop facile ! Tu bluffes et tu bluffes mal. C’est bon, laisse tomber. Je règlerai ça moi-même. » Je bluffe ? Il va vite se rendre compte qu’il n’en est rien, je me fiche bien d’appeler sa cadette sur mon téléphone pour la provoquer. Elle ne comprendra pas, elle me raccrochera peut-être au nez mais seigneur je n’ose même pas formuler la somme indécente que j’offrirais pour la possibilité d’assister à la prochaine discussion entre le frère et la soeur Baumann. J’espère qu’il ne laissera aucun détail de côté, particulièrement celui où il s’est compromis en s’ébrouant dans mes draps. « Alors ? La date ? » Je la lui donne, avant de glisser ma main dans mon sac à main pour attraper mon téléphone. « Je bluffe ? » Je ne bluffe que rarement : le fait est que je n’ai pas peur de prendre des risques et que je me fous bien des conséquences qu’aurait un tel appel.

Pour moi, certainement aucune à vrai dire. Mais pour lui ? Comment vivrait-elle la brune d’apprendre tout ça au téléphone, bercé par le joli son de ma voix ? Il le sait sûrement puisque, alors que je porte le téléphone à mon oreille, il arrête mon bras. « Ce n’est plus la peine. J’en sais assez…. C’est bon ? Son altesse n’a plus besoin de moi ? » Mon sourire s’étire et j’abaisse mon bras avant de raccrocher avant la première tonalité. « Tu vois quand tu veux que tu sais être raisonnable. » Je plisse le nez et tord mes lèvres en un regard innocent, avant de ranger le portable. « J’ai terminé. Dans une semaine, mon type te contactera directement. » Pour les détails en ce qui concerne notre arrangement.

« N’oublie pas, Raelyn. Le karma… »
« Passe le bonjour de ma part à ta soeur. »


@Loris Baumann

RP terminé