“So it's storming on the lake, little waves our bodies break... There's a fire going out, but there's really nothing to the south. Swollen orange and light let through, your one piece swimmer stuck to you...”
Lisbeth a, depuis quelques temps, de plus en plus de mal à gérer l'irrespect de certains clients à l'égard de son travail, ainsi que de leur engagement au salon. Avec la politesse légendaire dont elle a toujours fait preuve, elle estime qu'un rendez-vous, à partir du moment où il est pris, doit être honoré. Malheureusement, la plupart des clients qui l'ont faite travailler pour eux récemment ne sont pas de cet avis... Qu'ils la contactent pour décaler leur rendez-vous à cause d'un empêchement ou d'un imprévu le jour-même, pourquoi pas. Mais qu'ils l'annulent carrément a tendance à faire hérisser les poils de Lisbeth. Les dessins qu'elle a créés pour eux, sur leurs indications, sont donc inutilisables car uniquement réservés à leur peau, d'autant plus lorsqu'ils ont une signification particulière, comme ceux avec une date ou un prénom. Le coup de téléphone qu'elle vient de prendre à l'accueil achève de l'énerver pour le reste de la journée. Encore une annulation. Qui se trouve donc être la troisième depuis le début de la semaine, et qui plus est d'un rendez-vous censé être honoré d'ici une petite heure. Tout en essayant de rester la plus courtoise possible, Lisbeth prend la liberté de ranger deux ou trois cartons de matériel dans la réserve en écoutant les vagues raisons que le client à l'autre bout du combiné lui baragouine. De son autre oreille, et alors que le coup de fil tire sur sa fin, elle entend la cloche de la porte d'entrée, ainsi qu'une voix masculine. Elle termine l'appel en quelques secondes, et, téléphone en main, rejoint la salle d'accueil et d'attente.
- - Bonjour ! fait-elle en arrivant derrière le comptoir pour se saisir du carnet de rendez-vous et rayer celui qui vient d'être annulé. "Oui, évidemment !" répond-elle en reportant enfin son attention sur l'homme qui vient d'entrer. "Si c'est seulement pour prendre rendez-vous et prévoir votre tatouage, ce n'est pas la peine d'appeler au préalable, ne vous en faites pas," le rassure Lisbeth. "Vous avez déjà une idée de ce que vous souhaitez, pour votre torse ? Si vous souhaitez un style particulier, je vous laisse observer les divers catalogues devant vous."
Elle conseille toujours de bien regarder tous les catalogues, mettant en avant le style de tous les tatoueurs présents dans le salon.
“So it's storming on the lake, little waves our bodies break... There's a fire going out, but there's really nothing to the south. Swollen orange and light let through, your one piece swimmer stuck to you...”
Lisbeth sourit presque tristement, quand l'homme lui demande si elle a du temps devant elle vu sa difficulté à se décider. Ça, pour avoir du temps, elle va en avoir. A rester derrière le comptoir faute de rendez-vous à honorer, étant donné que celui de cet après-midi -une grosse pièce, en prime- vient d'être tout bonnement annulé. La brunette se permet de se rasseoir pendant que le potentiel futur client feuillette les catalogues étalés sur le comptoir, tout en l'écoutant parler de ce qu'il souhaiterait.
- Chaque artiste a sa touche personnelle concernant certains motifs, commence Lisbeth en se saisissant de l'un des catalogues. "Regardez, là par exemple on a quelqu'un qui utilise énormément de couleur." Dans un autre catalogue, plus fin, lorsqu'elle trouve un exemple de mandala -ou ce qui s'en rapproche-, Lisbeth ajoute : "Ici, au contraire, on a du noir et blanc mais très épuré." Enfin, elle se saisit de son propre catalogue et l'ouvre à une page où elle se souvient avoir mis des mandalas et autres formes géométriques. "Là, je joue surtout sur les ombrages, et un peu de pointillisme."
A force de les présenter aux clients, Lisbeth a appris ces catalogues par coeur. Ils contiennent en majorité des exemples de modèles, pour que le futur tatoué sache à quoi il s'expose en demandant au tatoueur en question de lui créer une pièce. Et sinon, ils présentent aussi quelques petites pièces pré-dessinées, indisponibles au tatouage une fois réalisées sur quelqu'un.
- Vous pouvez me montrer au-dessus de votre tee-shirt ce que donnent vos cicatrices, avec vos doigts ? A moins que vous ayez une photo... Je serai plus à même de vous conseiller si j'arrive à avoir un visuel, demande Lisbeth. Puis elle acquiesce dans un sourire : "C'est vrai, c'est le plus difficile, se faire la démarche et de contacter un artiste."
“So it's storming on the lake, little waves our bodies break... There's a fire going out, but there's really nothing to the south. Swollen orange and light let through, your one piece swimmer stuck to you...”
Lisbeth a plus ou moins l'habitude qu'on se dirige vers son travail, mais lorsqu'on le fait devant elle, elle ne peut s'empêcher de ressentir une pointe d'orgueil. Non pas qu'elle n'ait pas confiance en son art, loin de là, c'est juste qu'elle prend ce choix comme le plus beau des compliments, surtout lorsqu'il s'agit d'un tatouage. C'est un acte définitif, et qu'on veuille de sa patte pour encrer une peau à vie la touche au plus profond. Lisbeth acquiesce en souriant légèrement, et se saisit d'une feuille de papier au-dessus de l'imprimante pour prendre quelques notes sur ce que lui raconte le potentiel client intéressé. Elle sourit une nouvelle fois, riant quelque peu, lorsqu'il lui propose de retirer son tee-shirt afin qu'elle puisse avoir un aperçu plus clair de son torse.
- Ça ne sera pas nécessaire ne vous en faites pas, une photo suffira amplement en attendant qu'on définisse un motif. Mon adresse mail se trouve sur les cartes de visite devant vous. Si vous en avez une sur votre téléphone, vous pouvez me la faire parvenir sans problème, explique Lisbeth en montrant le comptoir du doigt.
Elle s'efforce de ne pas noter le fait qu'il s'agisse d'impacts de balles, et même en sachant que sa curiosité l'emportera certainement si elle est amenée à le tatouer, Lisbeth ne s'estime pas encore légitime à lui demander de parler de l'origine de ces cicatrices. Cela n'aurait d'ailleurs aucune incidence sur le tatouage, il faut seulement qu'elle les voie pour ne pas se retrouver prise de court le jour donné, même une photo lui suffira.
- Nous recevons souvent ce genre de demandes, oui, mais plus rarement pour des impacts de balles, souligne-t-elle en souriant chaleureusement. "En général ce sont des cicatrices de césariennes ou de scarification, que nous recouvrons. Ce n'est pas toujours joyeux, je vous l'accorde !" ajoute la brune dans un mouvement d'épaules. "Si vous le souhaitez je peux vous faire un premier essai papier, sur vos directives ? J'ai du temps devant moi, mon prochain rendez-vous ayant été annulé je peux m'occuper de votre dessin, ou du moins du brouillon..." propose-t-elle dans la foulée.
“So it's storming on the lake, little waves our bodies break... There's a fire going out, but there's really nothing to the south. Swollen orange and light let through, your one piece swimmer stuck to you...”
- Il n'y a rien de glauque ! Enfin, je ne trouve pas, déclare Lisbeth à demi-mot, avant de continuer à rédiger de petites notes sur sa feuille de papier vierge, ce qui l'aidera lors de la conception du futur tatouage de ce jeune homme. "Merci !" fait-elle ensuite.
Elle profite du fait que le futur tatoué est en train de chercher lesdits clichés sur son smartphone pour ouvrir sa boîte mail sur l'ordinateur de l'accueil. Elle pense bien à se mettre en navigation privée histoire de n'embêter personne, et laisse l'onglet ouvert tout en levant le nez vers l'homme lorsqu'il lui fait un compliment sur son prénom.
- Merci ! fait-elle dans un sourire. Un nouveau mail s'affiche sur la page internet, et en l'ouvrant, Lisbeth sourit à nouveau. "Enchantée, Keith," répond-elle.
Elle détourne son regard de lui quelques dizaines de secondes afin d'examiner les photos qu'elle vient de recevoir.
- Les cicatrices sont comme des marques physiques de notre histoire, qui font de nous ce que nous sommes, et qui laissent une trace du chemin que nous avons emprunté, parfois malgré nous, songe Lisbeth à haute voix avec une moue compatissante.
Si toutes les épreuves par lesquelles elle a dû passer lui avaient laissé des cicatrices, elle aurait certainement un corps bien différent de celui qui est le sien aujourd'hui. Le dénommé Keith lui propose de lui payer un café, après que Lisbeth lui a annoncé qu'elle avait un peu de temps devant elle pour entamer un brouillon de son futur tatouage, s'il le désirait. Elle lâche l'écran des yeux et reporte son attention sur lui pour répondre :
- Avec plaisir pour le café ! Un cappuccino sera parfait.
Elle agrémente ses paroles d'un sourire et ajoute :
- Vous ne me dérangerez pas, j'ai l'habitude de m'occuper comme ça quand je suis à l'accueil, et il y a souvent des clients qui attendent ou qui viennent prendre rendez-vous... informe Lisbeth. "En général, il faut un à deux essais, en fonction des attentes du client. Vous savez, on sait où on va, même quand les explications sont très floues..." confie-t-elle, malicieusement. "Ne vous en faites pas, le dessin est compris dans le prix du tatouage. Nous parlerons tarif une fois que j'aurai établi une taille, et au pire nous ajusterons s'il doit être plus petit ou plus gros !" termine-t-elle avant que Keith ne quitte la boutique quelques instants en quête des cafés.
Lisbeth se rassied derrière le comptoir après avoir récupéré son classeur de flashs, histoire de s'inspirer de ce que le client lui a montré comme exemples. Elle griffonne d'abord quelques lignes grossières avec les photos de ses cicatrices sous les yeux histoire de s'y adapter, et tourne la feuille au verso une fois qu'elle sait vers quoi se diriger. Elle a presque terminé le dessin quand Keith entre à nouveau dans la boutique.
- Alors... fait-elle en se relevant et en posant la feuille sur le comptoir. "Voilà ce que j'ai déjà fait. Dites-moi si c'est la direction que vous souhaitiez prendre, ou si je me trompe complètement !" commente la brunette en souriant timidement.
“So it's storming on the lake, little waves our bodies break... There's a fire going out, but there's really nothing to the south. Swollen orange and light let through, your one piece swimmer stuck to you...”
Lisbeth sourit légèrement à la réponse de Keith.
- Quelques unes, mais ce ne sont que des coupures qui ont mis du temps à se refermer faute de laisser mes mains se reposer suffisamment, fait-elle en haussant les épaules. "Rien de notable, somme toute."
Elle repense quelques secondes à l'incendie d'il y a trois ans, duquel elle est ressortie seulement avec une légère intoxication à la fumée, qui a été vite prise en charge par les urgences et qui ne lui a laissé aucune séquelle durable si ce n'est une toux sèche les semaines suivantes. Un incendie qui a malheureusement fait écho au premier et plus gros traumatisme de sa vie, et qui a emporté avec lui sa soeur jumelle ainsi que leur père. Lisbeth et sa mère n'étaient pas présentes, à ce moment-là.
- C'est sûr qu'on ne choisit pas toujours son destin, ajoute Lisbeth pour couper court à ses pensées.
Le dénommé Keith propose d'aller leur chercher des boissons chaudes, ce qui laisse à la tatoueuse le temps d'entamer un premier jet de ce qu'elle pourrait être amenée à tatouer sur la peau de Keith. Il semble prévenant, chose plutôt rare chez la clientèle qui fréquente le salon. Personne ne lui a jamais parlé de payer le dessin en plus du tatouage en lui-même. Elle a presque terminé le brouillon, sans tous les détails qu'elle ajoute en général à la fin, quand Keith entre à nouveau dans la boutique, en lui posant un sachet qui semble contenir une gourmandise sur le comptoir, en plus du cappuccino promis. Lisbeth se relève d'abord pour lui montrer le dessin, puis se saisit du petit sachet en papier.
- J'adore ça... jubile-t-elle en se mordant la lèvre inférieure.
Lisbeth attrape l'un des deux cookies et hoche la tête après en avoir mordu une bouchée, pour répondre à Keith qui vient de lui demander si elle a fait ça en moins de dix minutes.
- Ce n'est qu'un brouillon, articule-t-elle après avoir avalé. "C'est délicieux... Merci beaucoup," fait la brune en souriant à nouveau, avant d'écouter les commentaires sur le dessin. Elle attend avant de prendre une nouvelle bouchée. "Oui, la symétrie est possible ! Et je peux grossir le trait, pour le décharner un peu plus, si vous avez peur que cela ne donne pas bien sur vous," précise-t-elle.
Lisbeth pose son cookie pour sortir de derrière le comptoir et récupère le dessin pour le placer sur le torse de Keith, afin de lui montrer.
- Comme ça... A peu près ! Bien sûr, il sera plus grand, pour couvrir les cicatrices, se permet-elle d'expliquer en touchant à travers son t-shirt les endroits où Keith lui a indiqué avoir des cicatrices. "Je vais regarder le planning..." ajoute la tatoueuse en retournant à sa place initiale, feuille en main. Puis, en se saisissant du cahier correspondant, explique : "Si vous le souhaitez, je peux terminer le dessin chez moi, et on peut voir ça par mail par la suite ! Et je peux encore faire quelques ajustements le jour J, si vous souhaitez modifier quelque chose à la dernière minute. La page de son planning est désormais ouverte sur un créneau de trois heures, temps maximal que la brune a estimé nécessaire pour le tatouage de Keith. "Je peux vous recevoir dans deux semaines, le mardi à partir de quatorze heures. Ça irait pour vous ?" fait-elle en lui montrant sur le planning le jour concerné par sa proposition.
“So it's storming on the lake, little waves our bodies break... There's a fire going out, but there's really nothing to the south. Swollen orange and light let through, your one piece swimmer stuck to you...”
- Eh oui ! C'est très mauvais la gourmandise, je sais, mais je ne peux pas m'en empêcher... confie Lisbeth, en mâchant discrètement.
Elle passe carrément pour une gloutonne en agissant de la sorte, mais elle s'en moque bien. On lui a toujours répété que c'était un trait plutôt mignon chez elle, aussi ne s'embarrasse-t-elle plus de dissimuler sa gourmandise aux autres, même aux clients du salon.
Pendant que le dénommé Keith est allé leur chercher de quoi grignoter et boire, Lisbeth a pu réaliser un brouillon déjà bien avancé. Depuis le temps qu'elle dessine pour des tatouages, elle a pris l'habitude de cibler ce que les clients souhaitent, et peut faire librement parler son art à travers cette pratique. C'est bien plus sommaire que ce qu'elle peut faire sur une toile ou du papier dédié à l'illustration, mais même sur un brouillon elle peut déjà pas mal mettre de détails. Keith a l'air de l'apprécier, ce qui fait plaisir à Lisbeth. Encore plus quand il lui offre le second cookie pour la remercier de son efficacité.
- Oh ! Merci beaucoup ! s'exclame-t-elle joyeusement en s'en emparant sans discuter pour le poser sur le comptoir, près de l'écran de l'ordinateur.
Sur la demande de Keith, elle consulte son planning et lui propose une date qui semble convenir au jeune homme. Elle hoche la tête et terminer sa bouchée de cookie avant de répondre :
- Oui, pas d'alcool ni d'aspirine ou tout autre anti-coagulant la veille au soir ! Couchez-vous tôt, dormez bien, et venez en forme ! Elle sourit, puis remet son cookie entamé dans le sachet où se trouve le second pour pouvoir noter le rendez-vous de Keith dans le planning. "On verra comment j'avance le jour-j, et aussi en fonction du dessin final. Si on ne peut pas tout faire en une seule séance, on le fera en plusieurs fois, ça n'est pas gênant !"
Keith a l'air plutôt inquiet maintenant que le rendez-vous est confirmé, ce qui ne manque pas d'attendrir Lisbeth. Elle a beau travailler dans l'art du tatouage, elle n'en a aucun sur le corps et pense souvent qu'elle serait dans le même état si elle décidait un jour de sauter le pas, même en connaissant les procédures par coeur.
- Vous me verserez un acompte avant qu'on commence le tatouage, quand on aura fixé le prix et le modèle final, avec le calque que je vous poserai. Ne vous en faites pas, on reste en contact par mail, de toute façon ! explique Lisbeth en remontrant du doigt ses cartes de visite, afin que Keith n'oublie pas qu'il ne sera pas lâché comme ça sous l'aiguille dans deux semaines.