C'était pas le plan de base, ça l'est jamais finalement. Quand il se gare devant l'immeuble et que Jill a l'air d'avoir l'esprit autant ailleurs que l'est le sien, c'est un peu avec une impression de déjà vu qu'il détourne le regard vers sa soeur, Matt.

Ils ont merdé, à différents niveaux, mais les voilà tous les deux avec des mariages cassés et des coeurs qui menacent constamment d'epxloser. Drôle de paradoxe les McGrath, quand on y pense : ils ressentent tout trop fort mais sont incapables d'extérioriser leurs sentiments, même entre eux. Trop d'années à être réprimés diront certains, trop peur d'être vulnérables aux yeux des autres qu'ils diront eux-mêmes. Ceux-là même qui sont effrayés bien plus de ce qu'ils finissent par être que ce que le monde peut ultimement voir d'eux.

Elle parle pas, il parle pas plus. La musique qui joue en ambiance est à chier, une pop commerciale qu'il a juste laissée passer en trame de fond même si Jill savait tout autant que Matt qu'ils n'allaient rien dire du trajet. Rien à dire seraient des termes plus juste : c'est pas comme si les mots pouvaient changer quoi que ce soit au bordel dans lequel ils évoluent depuis des semaines déjà.

Rien ne peut changer ça, sauf peut-être là où ils sont aujourd'hui.

« L'agente est pas là de l'après-midi, elle a fait exprès de dégager pour qu'on puisse faire le tour tous seuls. » elle est piquante, l'ironie, quand il se rappelle qu'il y a même pas une poignée de mois il faisait la même cérémonie avec Lily. À visiter des apparts à travers la ville tantôt pour s'improviser être des riches bourges de la haute, surtout pour faire passer l'idée d'emménager avec elle dans un chez eux plutôt qu'un chez lui. Connerie.

Jill ignore que c'était ça l'option du jour, Matt qui lui avait juste dit de monter dans sa bagnole sans poser de questions. Il se fait directif le grand frère en situation de crise. Pourtant pour l'heure, la crise est autant la sienne que celle de sa cadette. La seconde d'après il sort, jugeant qu'elle aura elle-même autant de raisons que lui de le faire et de le suivre, au moins jusqu'à l'étage.


@jill mcgrath-fitzgerald

Rien ne va pour elle, rien ne va pour personne chez les McGrath apparemment. Elle n’a plus aucune nouvelle de Levi, Matt et Jill ont brisé leurs mariages. Il n’y a que Ginny qui a l’air de vivre les plus beaux moments de sa vie à l’autre bout du monde sans se soucier de personne. Elle n’est pas là pour Jill aujourd’hui, pour Matt non plus, alors ils sont là, ensemble, l’un pour l’autre. Il lui a envoyé un message lui demandant de le suivre, et elle n’a pas posé de question. Ils sont au plus mal et il pourrait l’emmener n’importe où qu’elle le suivrait. Elle regarde par la fenêtre sans rien faire d’autre que respirer et compter le nombre de virages et de feux rouges qu’ils croisent. Ils n’ont pas besoin de parler, rien à dire de très important apparemment. Elle est épuisée, mais elle pourrait rester toute une vie et une autre encore pour soutenir son frère, elle ne veut pas qu’il plonge, il n’a pas le droit. Elle peut tuer sa femme s’il le faut, mais elle ne veut pas le voir se faire du mal pour une femme qui n’en a jamais valu la peine. Elle l’avait dit depuis le début, il est trop bien pour elle et il mérite mieux. Mieux qu’une gamine incapable de contenir ses hormones face au meilleur ami de son mari. Elle s’expliquera avec Ezra le temps venu, elle ira le frapper de toute ses forces pour être le roi des conneries.

Ils se retrouvent devant un immeuble qu’elle ne connait pas. Un seul regard interrogatif vers lui et voilà qu’il lui répond dans la seconde. Elle squatte partout et nul part depuis que Bailey l’a viré de la maison, et l’idée de visiter un appartement, ou plusieurs, avec Matt lui donne le sourire. “On en a combien à visiter ?” Elle peut y passer l’après midi, ou ils peuvent automatiquement prendre le premier visité. Ils pourraient prendre n’importe quel taudis qu’ils y vivraient bien les deux gamins paumés. “Dépêche je veux pas que quelqu’un vienne nous faire chier quand on se battra pour qui dort du côté droit.” Et la voilà qui grimpe les escaliers sans savoir où elle va.

“On en a combien à visiter ?”
« Cinq en tout mais lui c'est mon préféré. »
“Dépêche je veux pas que quelqu’un vienne nous faire chier quand on se battra pour qui dort du côté droit.”
« Prends pas tes aises trop vite McGrath, sinon tu vas le chercher longtemps le côté droit sur le canapé. »

Et ils les grimpent deux par deux les escaliers, sans jamais regarder une seule fois derrière. Ça pourrait compter comme une belle métaphore de leurs vies qui ont merdé durant les derniers jours, dernières semaines, et sûrement qu'à quelque part ils le savent tous les deux. Mais pour l'heure Matt ne pense à rien d'autre qu'aux détails. Au où et au comment, au quoi et jamais au pourquoi. Ça fait trop mal encore.

Jill arrive en haut bien avant lui mais il la pousse plus loin dans le couloir parce que c'est lui qui a la clé et déjà ça, c'est une victoire de plus qu'il lui mettra entre les dents. L'esprit de compétition des McGrath n'est pas qu'un mythe, ils en sont tous les deux d'excellents portes-paroles et ambassadeurs. Et le voilà qui entre donc, dans une première immense pièce bordée d'une baie vitrée toute aussi imposante. L'endroit est vide de meubles mais les plafonds sont hauts et la lumière est parfaite. On y respire bien et juste pour ça, pour eux deux qui ont manqué d'air au point d'avoir eu besoin de fuir ensemble, ça vaut pour beaucoup.

La laissant faire un tour du propriétaire et inspecter les chambres et la salle de bain, Matt file à la cuisine pour juger du rangement qu'ils auront, et de l'espace pour y loger la meilleure des machines à café possible sans se faire chier à devoir faire des concessions. « L'appart est okay - mais c'est la vue du toit qui est dingue. » ce n'est que lorsqu'elle revient dans la même pièce que lui qu'il fait signe de suivre. La porte donnant sur le balcon donne aussi sur une cage de métal et quelques marches le amenant tout en haut de l'immeuble. Et pour ça, rien que ça, les autres appartements ne valent absolument rien en l'état.

« Cinq en tout mais lui c'est mon préféré. » Autrement dit ils ne visiteront que celui là parce que Matt sait ce qu’il fait et Jill trouvera cet appartement parfait elle aussi. Elle ne fait qu’hocher la tête, pas besoin de rajouter quoi que ce soit. Ils ouvrent la porte et vont aller visiter. Ils n’ont pas mieux à faire. La brune s’imagine déjà vivre avec son grand-frère. Ils vont être insupportable, mais ils seront bien tous les deux. « Prends pas tes aises trop vite McGrath, sinon tu vas le chercher longtemps le côté droit sur le canapé. » “Rêve toujours.” Parce que s’il y en a un seul qui doit dormir sur le canapé c’est Matt. Il a l’habitude des canapé, encore plus qu’elle elle en est certaine.

Ils montent, ils entrent, et Jill prend ses aises comme si elle était déjà chez elle. Il est pour eux cet appartement, elle le sent. Matt l’a senti aussi puisque c’est le premier qu’il a voulu visiter avec elle. Elle n’avait pas prévu ça ce matin encore, et maintenant le projet lui paraît indispensable. Elle le suit dans la cuisine, assez grande pour qu’il lui fasse goûter tous ses nouveaux cocktails et qu’il lui fasse des sandwichs affreux post gueule de bois.

Elle le suit et monte les escaliers en fer qui se trouvent à l’extérieur. « L'appart est okay - mais c'est la vue du toit qui est dingue. » Elle est sans voix Jill, elle regarde tout autour d’elle. Ils ont une vue à 360 degrés sur le toits de Brisbane. Aucun vis à vis. Seulement aux et les nuages, les étoiles quand ils se perdront dans des discussions qui durent une nuit et une journée et même une autre nuit dans la foulée. “Faudra mettre une machine à café sur le toit aussi.” Parce qu’elle sait déjà qu’ils ne voudront pas faire les allers-retour à chaque fois qu’ils voudront du café. “Et là on met une table pour faire des beer pongs.” Elle a envie de retourner en arrière, parce qu’elle est toujours cette adolescente qui a terriblement besoin de son grand frère.

Le toit, oh le toit. C'est une bonne dose d'air frais qui lui réveille les sens à commencer par ses poumons, ceux-là même qui sont encrassés par toutes les clopes qu'il cumule lui qui habituellement ne fume qu'en soirée. C'est que son horaire en est rempli, des bars qu'il visite avec Pete et Deklan, des clubs desquels il abuse avec Scarlett et Noa dans l'espoir de faire mieux que ses mauvais plis d'avant. Ceux de Londres qui ressortent en vitesse accélérée depuis que Lily et lui sont en pause - ou un truc du genre. Il boit pour son poids Matt, il dort encore moins qu'à l'habitude, surfe en visant les pires vagues les plus hautes et les plus dangereuses. Il se bagarre et il a toujours aux lèvres la blague frôlant l'insulte la plus cocky du lot rien que pour provoquer, rien que pour se sentir un peu plus con vivant pour une fois. Rien ne va.

“Faudra mettre une machine à café sur le toit aussi.”
“Et là on met une table pour faire des beer pongs.”
« P'tit génie. »

Il la laisse prendre possession de l'endroit un pas à la fois, la suivant des yeux une seconde pour finir par reporter son attention sur la ville en entier qui semble dessinée rien que pour eux. C'est beau et c'est tout ce dont il a besoin pour mieux respirer. D'espace et d'horizon, de se sentir petit, minuscule dans un monde qui l'étouffe et le suffoque depuis des semaines déjà. S'il monte ici il aura de la perspective, et pas seulement celle qui colorie le quartier et bien au-delà sa perception. De la perspective toute seule. Celle dont Jill se moquera, une claque derrière la tête venant après l'autre, rien que pour lui rappeler ses torts, rien que pour lui remettre les idées à la bonne place à savoir n'importe où sauf à ressasser un passé qu'il ne peut pas changer. Elle va l'énerver et il va vouloir la tuer - la routine. Il l'aime plus que sa vie et lui pardonnera toujours tout, de toute façon.

« On donne la clé à personne. » oh que cet appartemment deviendra leur safe zone, leur cocon, leur secret à eux envers et contre le reste du monde. « Sauf Swann et Gin sinon ils vont nous le remettre sous le nez pendant une infinité d'années les gamins. » parce que dans la vie faut savoir reconnaître ses alliés.

« P'tit génie. »
“T’en doutais encore ?” Elle hausse un sourcil, faussement outrée qu’il n’ait pas remarqué qu’elle était un génie avant. Elle observe, ne regarde pas l’appartement dans les détails tant elle fait confiance à son grand frère. Elle se concentre sur l’ambiance, et leur capacité à projeter tout un appartement dans leurs esprits. Elle sourit, un sourire sincère qui n’était pas apparu sur son visage depuis un moment déjà. Elle va pouvoir souffler ici, et ne plus avoir à réfléchir à où est ce qu’elle passera ses nuits maintenant qu’elle n’a plus vraiment de chez elle. Elle aura son chez elle ici, avec Matt. C’est en même temps la meilleure et la pire colocation du monde, et elle aimerait déjà être installée.

Elle a besoin de lui, et ils ont rarement eu autant besoin de l’un et de l’autre. Elle a besoin de se retrouver avec lui, de renforcer ce lien spécial qui les a toujours lié et qu’elle ne veut pas perdre, jamais. Jill hoche la tête en continuant de tourner pour profiter de la vue à 360 degré sur la ville qui est son chez elle depuis toujours et qu’elle regrette d’avoir quitté pendant tant d’années pour l’Angleterre. « On donne la clé à personne. Sauf Swann et Gin sinon ils vont nous le remettre sous le nez pendant une infinité d'années les gamins. » Elle pouffe de rire et se tourne vers son frère. Elle voit son dos, et bien évidemment qu’elle se met à courir pour lui sauter dessus. Il ne faut jamais être dos à Jill il devrait le savoir pourtant. Elle s’accroche, comme un koala à sa branche. Elle est bien là, elle respire et elle pense à autre chose pendant une fraction de seconde. “On ramène personne, on parle de l’appartement au moins de monde possible. Ca fait juste un nouveau secret de famille.” Elle pose son menton sur l’épaule du brun, espérant qu’il sera d’accord avec elle. C’est bénéfique, c’est vitale. Leur endroit à eux où ils vont vivre pendant un temps, tant que leur vie est chaotique. Ils risquent d’y revenir souvent dans cet appartement les McGrath.