C'était sûr, évident, essentiel, inné qu'il allait être ici. Par quel miracle et surtout par quelle malédiction ça c'est autre chose. Mais c'était assuré qu'il allait apparaître à la seconde où j'avais l'air le plus pitoyable possible, à attendre depuis presqu'une heure déjà. Au moins le vin sans alcool dans ma coupe vend pas trop la mèche des détails. N'en reste que quand Jet entre dans la pièce, je maudis d'office la capacité que j'ai encore de savoir exactement quand il est là et où il est, sans même poser mes prunelles acérées - fatiguées - sur lui. Dammit.

Le bouquin que je traîne dans mon sac a bon dos, dès lors que je le sors en vitesse express, me calant dans mon siège sans rien foutre de plus. Le crayon que je pique au passage sert à noter dans la marge des pages toutes les idées de torture qui me viennent à l'esprit. Dans une minute, je penserai à l'infinité de façons dont je pourrai le tuer aussi, et le temps passera bien et le temps passera doucement et le temps passera déjà, et ça au moins ça vaut quelque chose. Mon portable vibre et mon regard me trahit, quittant mon chapitre pour regarder si à l'écran c'est pas l'autre connard qui me sert de mari qui m'a envoyé un message statuant son état entre le bureau et le restaurant où il devrait être là depuis une vie déjà ; mais non, vaut mieux rêver.

Et fuck. suffit juste d'une distraction une seule pour que mes iris trouvent ceux d'Etish. Je le hais d'être là et je le hais encore plus d'avancer vers moi. On était pas censés se vouloir mort l'un l'autre? On était pas censé s'ignorer, et s'enterrer avec? C'était pas ça, le plan originel? Parce que le plan il s'envole vite et bien là de suite, au fil de mes inspirations rageuses et de mes expirations qui le sont toutes autant. Il est beau et il rayonne, le bâtard. Je suis épuisée et je détonne, idiote d'imbécile qui bouge pas au fil de sa silhouette qui se rapproche de la mienne.


@jeremiah etish

J’ai passé plusieurs jours à faire des allers-retour entre mon appartement et celui de Chloe. En réalité, j’ai passé plusieurs jours à faire des allers-retour entre sa cuisine et sa chambre. Je suis parti un matin sans la prévenir, on ne se promet jamais rien avec la jeune femme et c’est bien mieux comme ça. C’est bien de passer du temps avec elle, c’est simple et elle ne fait pas de crise. Je n’ai jamais trouvé de fille comme elle avec qui m’amuser. C’est certainement pour ça que je finis par la voir aussi souvent.

Ce soir je passe ma soirée seul après avoir chanté dans un bar. Je n’ai besoin de personne pour passer le temps et je n’ai ramené aucune groupie. C’est étonnant et ce n’est pas la première fois ces derniers temps. Je suis épuisée et j’ai encore quelques sachets de Lou à refourguer avant la fin de la semaine mais tout va bien. On entend ma musique à la radio et j’ai des tournées prévues sur quelques mois en Australie. Je fais des concerts et je commence vraiment à vivre de ma passion. Je pourrais même arrêter de vendre de la drogue si je n’aimais pas autant ça. J’aime cette adrénaline et ce danger que je ressens à chaque fois que je fais un échange. Je suis un mec de la rue, et même une carrière dans la musique ne changera pas ça chez moi.

J’ai pas eu besoin de plus de 5 minutes dans ce restaurant pour la voir elle et ses cheveux roux seule à une table. Elle est seule à une table dressée pour deux personnes, est ce qu’on vient de lui poser un lapin ? Oh non, pauvre petite fille qui a l’air au bout du rouleau. Qu’est ce que j’aime la voir comme ça, la voir aller aussi mal après tout ce que j’ai appris grâce à Elise. Et au fond de moi, j’espère de tout mon coeur qu’elle sera une mère encore pire que la sienne. J’espère que cette histoire de karma est réel, parce que la seule chose qu’elle mérite c’est de se prendre le pire retour de bâton de l’univers après ce qu’elle m’a fait pour partir avec son sugar daddy.

Mais ce soir, tout va bien pour moi, je sais que je rayonne contrairement à elle alors je finis par avancer jusqu’à elle pour prendre la place qui n’a apparemment pas été prise par son rendez-vous. “C’est triste. Une femme enceinte qui se fait poser un lapin.” Je serre les dents, j’aurais beau dire n’importe quoi cette histoire me touche encore un peu trop à mon goût. Je hèle un serveur pour commander un verre de vin, celui qu’elle préfère. “Tu m’en veux pas, je vais boire à ta place vu que t’as pas le droit.” Mon sourire est faux et je commande deux verres. Deux verres qu’elle ne doit pas toucher.

Comme si c'était pas suffisant de l'entendre jouer à répétition à la radio peu importe la chaîne que je changeais rageusement, comme si c'était pas assez de me coltiner sa gueule de merdeux à la télé entre ses entrevues de jeune premier qui révolutionne fucking rien dans la musique. Mais à qui on promet vents et marrées depuis que Fitzgerald à la 2 l'ont recruté. Connard, connard, connard.

Et il s'installe, bien sûr. Il aurait pas juste pu vivre sa (meilleure) vie ailleurs, lui et ses yeux qui brillent, lui et son sourire qui était plaqué sur son visage bien avant qu'il me voit dans le plus pitoyable des états - à mon sens, au sien pareil. Il va bien Jet, il me fait chier et il va bien. Connard, connard, connard.

“C’est triste. Une femme enceinte qui se fait poser un lapin.” je me demandais vraiment quand il apprendrait. Les paris allaient de une semaine à une heure après moi. Entre Wyatt et Elise et la Terre en entier il avait de la ressource pour finir par savoir. “Tu m’en veux pas, je vais boire à ta place vu que t’as pas le droit.” et il commande du vin, le vin. La même bouteille qu'on a volée des dizaines de fois juste parce que d'abord elle était la plus chère sur le menu, mais qu'ensuite nos papilles de gamins avaient fini par évoluer vers quelque chose de bien plus solide, réalisant qu'on avait eu un putain de bon goût depuis le début. Même ados et merdeux on gérait. Notez bien l'imparfait.

« Tu m'en veux pas, mais malgré tous mes bons arguments t'as pas passé la sélection pour être parrain. » quelle horreur, quel bordel de parler de ça avec lui. Même quand je dis de la merde, même quand je pointe le plus possible mon discours vers la plus évidente des notes de sarcasme. Il fout quoi Saül, sérieux?! Et les coupes arrivent, deux, bien sûr. Connard, connard, con- « Comment ça se passe depuis que tu joues les rockers aux coeurs brisés sur scène? Tu fais du bon fric en chantant comment j'ai été la pire des connes pendant des années? » autant en venir aux faits. Il pue le show qu'il vient de donner, il est encore sur son high de spectacle je parie. Probablement qu'il vit son rêve au quotidien en alignant à quel point j'ai tout gâché. Charmant. Et son vin, damn son vin. Juste une gorgée, ça ferait rien, non? J'ai déjà fait bien pire.

Elle est dans un restaurant, et je regrette qu’elle ne soit pas déjà morte elle et sa foutue progéniture. Si je l’avais vu sur la route pour entrer dans le restaurant j’aurais sûrement fait une marche avant en plein sur elle et la marche arrière bien axée sur son ventre juste pour être sûr de pas louper mon coup. Mais ce soir je suis de bonne humeur, et même voir sa tête dépitée n’enlève pas le sourire de con que je garde bien ancré sur mon visage. Un bébé, il fallait bien qu’elle fasse ça pour faire croire au monde entier qu’elle était normale et différente de la famille dysfonctionnelle qui l’a mise au monde. Spoiler : elle est une famille dysfonctionnelle à elle toute seule, et elle s’en rendra compte avant même d’avoir fait son book des photos de naissance avec son sugar daddy. Il la paye plus cher parce qu’elle est en cloque vous croyez ? C’est une question que je garde et que je poserai peut-être à la suite de cette conversation.

« Tu m'en veux pas, mais malgré tous mes bons arguments t'as pas passé la sélection pour être parrain. » ”J’imagine qu’Elise a pas passé la sélection pour être marraine non plus ? C’est vrai que la fille en dépression à qui t’as brisé la vie ça doit faire tâche dans ton petit décors de vie parfaite.” Je suis bien meilleure au jeu de détruire l'autre aujourd’hui. Parce qu’elle n’a rien contre moi, parce qu’elle m’a déjà fait tellement mal qu’elle n’a plus aucune arme. Quand moi j’ai toute une panoplie de reproches et de phrases qui feront encore écho dans sa tête cette nuit quand elle n’arrivera pas à dormir. Et même dans des semaines quand elle se demandera si elle sera une bonne mère.

« Comment ça se passe depuis que tu joues les rockers aux coeurs brisés sur scène? Tu fais du bon fric en chantant comment j'ai été la pire des connes pendant des années? » Elle est mignonne, vraiment, je pourrais presque être attendrie par ses tentatives de se poser en victime. Parce que c’est ce qu’elle fait de mieux la rousse, ne jamais rien assumer et faire croire au monde entier que je suis la pire ordure de l’univers. “Je me fais pas mal de fric, les gens ont l’air de trouver que t’as été la pire des conne aussi la vérité est enfin rétablie.” Et je souris, je ne m’arrête pas, et encore moins quand mes lèvres trempe dans ce vin qu’elle aime tant et qu’elle n’a pas le droit de boire. “J’ai un regret quand même, j’ai jamais pu tester le sugar daddy.” Une fausse moue boudeuse et mon sourire revient aussi vite qu’il est parti. “Il te paye plus maintenant que t’as réussi à lui faire un enfant dans le dos ?” Il y a du public, et si elle me frappe ça me fera encore plus de pub. Moi la victime et elle la conne, what’s new ? “Tu me diras si ça marche bien de faire un enfant pour faire rester le père. Dans mes souvenirs ça a pas bien fonctionné pour ta mère.” C’est pas parce que moi je vis ma meilleure vie qu’elle n’aura pas le droit à chacune des piques qui me viennent en tête.

”J’imagine qu’Elise a pas passé la sélection pour être marraine non plus ? C’est vrai que la fille en dépression à qui t’as brisé la vie ça doit faire tâche dans ton petit décors de vie parfaite.” « T'as tellement une grande âme c'est beau. » il a rien du tout s'il veut mon avis - avis sur lequel il cracherait en l'instant. Qu'il me fasse pas croire qu'il a de bonnes intentions, quand de base je suis persuadée qu'il s'est rapproché d'Elise rien que pour profiter de la situation et chercher à travers elle exactement quels pions jouer pour mieux me casser. Il a peut-être fini par arrêter d'être un connard fini d'hypocrite pour vraiment s'intéresser à elle - mais les faits sont là. De base, il est allé là avec les motifs les plus profiteurs qui soit. Alors non, je pleurerai certainement pas sur son cas.

“Je me fais pas mal de fric, les gens ont l’air de trouver que t’as été la pire des conne aussi la vérité est enfin rétablie.”
« J'attends ma cote. »
“J’ai un regret quand même, j’ai jamais pu tester le sugar daddy.”
« T'as l'air pourtant à bien tester le volet sugar mommy. »
“Il te paye plus maintenant que t’as réussi à lui faire un enfant dans le dos ?”  
« La prochaine étape c'est de prier tous les saints pour qu'en fait ça soit des jumeaux. »

On aurait pu continuer comme ça longtemps, vraiment. On aurait pu s'envoyer les pires piques sans reprendre notre souffle, c'est probablement même son plan machiavélique à lui avant qu'il ne s'envole vers d'autres cieux - et que, dans mes prières aux saints, j'ajoute deux ou trois mentions stipulant que s'il se fait écraser par quinze bus et vingt avions ça fera comme tel. J'ai toujours su que j'aurais dû être croyante.

“Tu me diras si ça marche bien de faire un enfant pour faire rester le père. Dans mes souvenirs ça a pas bien fonctionné pour ta mère.” ah ouais, évidemment qu'on va là.
« Ah tiens ça me fait penser. Comment elle va, ta mère? » et son père surtout. Comment il va, son père qui l'a autant brisé que le mien l'a fait avec moi?

Le prochain soupir est véridique, le pire. Ma langue claque, mon verre d'eau m'emmerde, la vie en entier et lui avec. « J'suis fatiguée Jet. » et lui il a l'air en pleine forme. Où elle est, la justice. « Sois tu fermes ta gueule et tu dégages, soit tu fermes ta gueule et tu partages. » d'un doigt, je fais signe au serveur de venir à la table. Soit je lui dis de dégager Jet en lui inventant des allégations dignes du meilleur #metoo, soit il bouffe un truc en même temps que moi pendant que je continuerai éternellement d'espérer de tout coeur qu'il s'étouffe au passage. Une fille peut toujours rêver. « C'est sur sa carte, tu testes là. » dernier et ultime argument avant qu'il ne sombre dans l'oubli à nouveau - jusqu'à la prochaine fois.

« T'as tellement une grande âme c'est beau. Je lui envoie un clin d’oeil. Elle a l’air dans un sale état et ça ça suffit à refaire ma soirée, et même ma journée du lendemain. Je serai encore plus heureux grâce à elle et à son malheur, et je suis soudain content de me retrouver dans ce restaurant. “Ouais elle a l’air d’apprécier mon âme.” J’appuie sur ce dernier mot. Elle est sympa Elise quand elle le décide, et on se retrouve dans une souffrance que seule elle et moi on peut comprendre. Je ne sais pas pourquoi je me retrouve à traîner avec elle de plus en plus souvent. Je le fais, c’est tout.

« J'attends ma cote. » “Les livres ça marche pas assez ?” Si je me souviens bien, je me suis très bien entendu avec une de ses amie, ou même avec celle qui gère ses ventes. La soirée me revient en tête et je souris un peu plus. Pourquoi je n’y ai pas pensé avant ? Pourquoi je n’ai pas essayé de recontacter cette femme bien plus tôt ? Il faut que je trouve un moyen de m’immiscer dans ce côté de sa vie, elle a travaillé dur pour avoir ce qu’elle a aujourd’hui, et je pourrais tout détruire sans aucun scrupule.

« T'as l'air pourtant à bien tester le volet sugar mommy. » “Elle a plus sur ses comptes que son mari apparemment.” Je n’en sais vraiment rien, on ne parle pas vraiment des détails avec Elise. Mais j’espère qu’elle est assez intelligente pour essayer de le détruire et de prendre tout ce qui est à lui. Je ne serai fier d’elle que si elle le saigne à blanc. Un mec comme lui sans argent ça ne vaut plus rien, et Ariane sans un mec à sa botte ça ne vaut plus rien non plus. « La prochaine étape c'est de prier tous les saints pour qu'en fait ça soit des jumeaux. » “T’as qu’à en voler un de plus dans une ruelle et lui faire croire qu’il est de lui. Comment il peut savoir qu’il est vraiment de lui celui-là d’ailleurs ?” Je fronce des sourcils, c’est une vraie question. Elle peut coucher avec la terre entière si elle a envie de sa dose ou juste de s’amuser. Quel est le con qui a donné à Ariane Parker la possibilité d’engendrer un enfant ? Si elle elle peut être mère, moi je serais le meilleur père de l’univers.

Je baille, elle m’ennuie. Sa vie est devenue ennuyante et c’est dommage pour elle. Je penche la tête sur le côté, profite de mon vin qui est toujours aussi délicieux. Je vais sur les sujets sensibles, ceux qui font mal. Je ne me suis toujours pas assez vengé à mon goût, alors je continue. « Ah tiens ça me fait penser. Comment elle va, ta mère? » Je t’emmerde Ariane. Bien sûr qu’elle pique aussi, parce que je la blesse et qu’elle cherche à se défendre la conne. “Elle ira bien mieux quand elle sera enterrée six pieds sous terre.” Et que je n’aurai pas été présent aux funérailles.  « J'suis fatiguée Jet. » Ca me déçois qu’elle abandonne aussi facilement. Je grogne. Elle est fatiguée et moi je suis prêt à passer la meilleure soirée après un concert. Je hausse les épaules et j’attends la suite, comme si elle avait quelque chose d’intéressant à me raconter. « Sois tu fermes ta gueule et tu dégages, soit tu fermes ta gueule et tu partages.C'est sur sa carte, tu testes là. » J’allais partir. Je jure que j’allais partir. Mais si c’est sur sa carte, si tout ce que je prends et que je teste est à ses frais, je ne vais pas me gêner pour manger et prendre le plus de trucs chers possibles sur cette carte.

Le serveur nous ramène les cartes et je choisis au moins 5 entrées pour commencer. “J’espère qu’il a assez sur son compte pour payer le repas.” Et peut-être qu’elle elle ne mangera pas, parce qu’elle est trop déprimée, trop triste, trop enceinte.

Il m'emmerde, je l'emmerde, le monde a enfin recommencé à tourner dans le bon sens. “Elle a plus sur ses comptes que son mari apparemment.” c'est un vrai rat, Jet. Il vise les baleines, il vise les gros comptes et il les colle comme la peste, comme une moule à son rocher. « C'est pour ça que c'est elle que tu talonnes et pas lui? » qu'il traîne encore éternellement autour d'Elise ne fait que me confirmer qu'il n'a pas changé, et j'ai pas de temps à perdre à lui demander la moindre raison ou explication de quoi que ce soit. Merdeux, connard. Et oh ouais, vrai, je suis enceinte. “T’as qu’à en voler un de plus dans une ruelle et lui faire croire qu’il est de lui. Comment il peut savoir qu’il est vraiment de lui celui-là d’ailleurs ?” « Il est pas de toi et au moins ça c'est une grande victoire pour l'humanité. » j'ai cru, une fois, que j'étais enceinte de lui. J'en fais encore des cauchemars des années plus tard faut dire.

“Elle ira bien mieux quand elle sera enterrée six pieds sous terre.” sa mère, quelle charmante créature. Il avait qu'à pas aborder la mienne. « Charmant. Et papa Etish? » alors je pique là où je peux, je sors les munitions qui restent, le fin fond du tiroir en somme. La soirée est longue et chiante, il est l'enfer sur Terre mais son vin goûte bien trop bon pour que je repose la coupe, déjà. “J’espère qu’il a assez sur son compte pour payer le repas.” « Depuis quand tu la joues trésorier, sérieux? » entre les comptes d'Elise et ceux de Saül, c'est presque comme s'il pensait qu'à ça, le fric, ces jours-ci. Ils ne pensent tous qu'à ça au final, les imbus, les idiots, les égoïstes. « S'il a pas assez on se tire avant la fin et on laisse quand même la note à son nom. » comme on a fait avant, comme on faisait tout le temps. « J't'ai tout appris. » et apparemment la mémoire et la politesse s'envolent avec l'âge. Oh, qu'il est décevant.

« J'ai merdé, c'est bon, on le sait tous les deux et tu pourras te vanter d'être là et pas moi tout le reste de ta vie. » on avait quinze ans et on avait des plans de merde, avant. Lui, son là, c'était d'être dans la musique, de faire un album, des tournées, la totale.  Check. Moi, c'était d'écrire. De voyager à travers le monde et de ridiculiser l'univers de mes mots, entre mes pages. Pas check du tout. Connerie. « C'est quoi la suite? » quand on merde, on va où? Il a merdé bien plus souvent que moi, il doit savoir depuis le temps.

« C'est pour ça que c'est elle que tu talonnes et pas lui? »
“Tu me connais si bien.”

C’est vrai dans certains cas, ça ne l’est peut-être plus maintenant qu’elle a décidé de pourrir sa vie et que j’ai fait le choix de vivre à fond la mienne. Je la regarde s’écrouler de loin, je me délecte de voir qu’elle a fait le mauvais choix, et que je ne suis pas le pire de sa vie finalement, quand elle est le pire de la mienne. « Il est pas de toi et au moins ça c'est une grande victoire pour l'humanité. » Elle pique mais je ne montre rien, je n’ai jamais été fait pour avoir un enfant, et je suis ravie de ne pas être celui qui va devoir assister à la catastrophe que va être Ariane en tant que mère. Je suis mauvais, elle est mauvaise, et c’est toujours comme ça qu’on finit par se retrouver.

« Charmant. Et papa Etish? » Elle me fait presque rire, je sais qu’elle ne sait plus où frapper parce que ce soir elle n’a pas la force d’aller trouver de vrais réponses intéressantes. “C’est tout ce que t’as là ?” Je me cale au fond de ma chaise, lève les yeux au ciel et bois une nouvelle gorgée de vin. « Depuis quand tu la joues trésorier, sérieux? » “Depuis quand tu cherches pas à voler les cons.” Je penche la tête sur le côté, quoi qu’il se passe, il sera toujours un con à mes yeux. « S'il a pas assez on se tire avant la fin et on laisse quand même la note à son nom. » “Ce programme pourrait être légèrement mieux.” Je pose mes coudes sur la table et je finis mon verre. Visiblement, on avait pas assez de vin. « J't'ai tout appris. » “Dans tes rêves.”

« J'ai merdé, c'est bon, on le sait tous les deux et tu pourras te vanter d'être là et pas moi tout le reste de ta vie. » Bien sûr que je suis là, que je fais absolument tout ce que je veux et tout ce que j’ai toujours voulu. « C'est quoi la suite? » “A toi de régler tes problèmes. Fallait faire le bon choix quand on était sur la plage.” Finalement, peut-être que je n’ai pas aussi faim que ça. Je la regarde s’ennuyer, et je vais retourner à la vie que j’aime, une vie sans elle désormais. J’attrape la bouteille et je sors du restaurant, sans regarder en arrière.