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Tapant dans ses mains à travers la salle de réunion, Mac affichait un sourire d’oreille à oreille -et les managers de ses équipes qui bordaient le pourtour de la grande table ovale au centre de la pièce également. Ce meeting avait lieu tous les lundis matins ; le kick-off qui lançait la semaine, l’heure des bonnes et des mauvaises nouvelles, des nouveaux objectifs, du brainstorm, de la cohésion et de la compétition. Et si l’horaire aurait habituellement poussé les cadres à tirer une moue de six pieds de long, puisque leurs montres n’indiquait que huit heures et demi après tout, ils pouvaient compter sur leur directeur pour les récompenser de se réunir de si bon matin à peine leurs aux revoir faits au week-end. Il ne manquait jamais de les féliciter pour le travail accompli, de souligner les efforts des uns, mais aussi -et surtout, il fallait l’avouer- les ratés des autres, boostant ainsi les égos, alimentant l’esprit de compétition par la même occasion.
Cérémonialement, un livreur passa la porte, les bras débordants de gobelets ornés du fameux logo vert et un nom inscrit sur chacun d’entre eux. “Votre attention : le café est servi !” lança Marcus. Libérant le jeune homme avec un généreux pourboire, il s’atela par la suite au service en effectuant plusieurs fois le tour de la table à la manière d’un professeur rendant des copies. “Un latte, un mocca…” Chacun obtenait sa boisson de prédilection, il y veillait. Et il n’était pas simple, de nos jours, de se souvenir parfaitement de qui buvait quoi. Il existait désormais six ou sept nouveaux genres de laits, ce qui, à ses yeux, était cinq ou six de trop. “Un americano noir, comme ton âme, Daisy.” Il déposait le gobelet devant une jeune femme blonde au tailleur rose et crème à la réputation d’être un peu trop bonne poire ; il ajouta un clin d’oeil à sa boutade. A la fin de sa tournée, il ne restait qu’un seul café, mais deux personnes sans boisson chaude, dont Mac lui-même. Le blond roast vanillé, était évidemment celui du directeur, tous ici le savaient, et tous savaient ce que cela signifiait ; Jeremy n’avait rempli ses objectifs. “Oh, désolé, il n’y en a pas pour toi.” soulignait Marcus, l’air étourdi mais certainement pas désolé. “D’ailleurs, il faut qu’on reparle de tes chiffres.” Zéro pointé devant toute la classe, Jeremy. Tu feras des lignes après les cours, Jeremy.

La salle de réunion se vida sur les coups de neuf heures. L’open space s’était rempli des premiers arrivants, et la poubelle, elle, débordait désormais de gobelets vides. Le sourire de Mac n’avait pas disparu à l’issue du meeting, pas même face à la perspective de tous les autres qui ponctuaient son planning heure par heure. Les choses roulaient comme des engrenages bien huilés, et il y avait quelque chose de diablement satisfaisant dans l’accomplissement de rituels qui propulsaient la semaine. Profitant d’une heure de battement, il s’était installé au calme pour sa lecture des premiers mails de la journée. On le trouvait rarement dans son bureau, même s’il en appréciait la vitrophanie sur la porte mentionnant son nom et son poste. Cela lui permettait de s’assurer que les personnes qu’il ne souhaitait pas voir ne sachent pas où le trouver. Eventuellement, on finissait par abandonner l’idée de parvenir à le coincer par surprise et on attendait simplement qu’il détermine lui-même le jour et l’heure d’une entrevue de son propre chef. Il demeurait donc dans la salle de réunion désormais silencieuse, ordinateur sur la surface de la table, un fond de café froid que ses discours ne lui avaient pas permis de boire non loin de lui. Lorque la porte s’ouvrit, il arracha ses yeux de l’écran pour les poser sur le visiteur -probablement venu pour lui demander de libérer les yeux. Mais la tignasse brune face à lui, reconnaissable entre mille, n’était pas un membre de son service à proprement parler. “Yeleeeeeee !” s’exclama-t-il, laissant presque coeurs et paillettes s’échapper de son crâne comme un cartoon vivant. “Qu’est-ce qui t’amène ? Croco t’as viré de ses pattes ?” Il fallait dire que les humeurs de son ami méritaient un mode d’emploi des derniers temps. Dans ses élans de morosité, personne ne trouvait grâce à ses yeux ; Yelahiah ne faisait peut-être pas exception à la règle.

Yele passe de plus en plus de temps dans l’entreprise de Saül depuis plusieurs semaines. Ca lui va très bien, il engrange des centaines d’informations toutes les minutes pour les garder dans un coin de sa tête et ne plus jamais les oublier. Il est un bon élève, un homme d’affaire redoutable, mais ça, il n’en a jamais douté. Il a pris tous les conseils de Sébastian et de Saül dès l’instant où il a commencé à discuter travail avec eux. Et, grâce à Saül, il a rencontré Marcus. Il se sent proche de Marcus. Il aime le monde dans lequel il est, plein de pression et d’esprit de compétition, ça ça le branche le Parker. Il a attendu qu’une des réunion se termine. Il ne fait pas encore parti de tout ça, il a du chemin à parcourir mais il se fait impatient le jeune homme. Persuadé qu’il vaut mieux et sera bien plus utile que plus de 10 mecs qui viennent passer du temps dans cette salle pour les réunions.

Il entre et Marcus se tourne. “Marcuuuuus” Il utilise le même ton avant de venir lui serrer la main. Il fronce le nez. “Tu sais que je suis un modèle il me virera pas.” Parce qu’il ne lui donnera aucune raison de le faire tant qu’il ne sera pas persuadé qu’il peut se débrouiller tout seul. Il a encore beaucoup de choses à apprendre. Et il compte bien sur Marcus pour l’aider à devenir un connard égocentrique hors pair. “Il est pas souvent là en ce moment alors je viens traîner dans les tiennes.” Il hoche la tête et s’assoit sur une chaise juste à côté de l’homme d’affaire. “T’en as viré combien aujourd’hui ?” Il serait capable de faire ce genre de choses Yelahiah. De virer des dizaines de type sans avoir aucune pitié. Pourquoi il n’a pas décidé de faire partie de ce genre d’entreprise plus tôt ? Il est parfait dans tout ce qu’il entreprend. Il était un chirurgien génial et il sera le meilleur atout de cette entreprise.

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L’apparition de Yelahiah dans le paysage de l’entreprise vis-à-vis de sa précédente carrière laissait planer un doute sur les motivations qui avaient poussé Saül à l’accepter en tant que protégé. Enfin, stagiaire. Et l’inverse se valait également ; qu’est-ce qu’un ancien chirurgien espérait trouver comme nouvelle vocation auprès de ces grosses pierres qui brillaient ? Les manoeuvres de ces deux-là n’avaient aucune importance pour Mac ; il s’était rapidement trouvé des atomes crochus avec le jeune homme et tant que celui-ci n’était pas un boulet dans leurs jambes, il pouvait bien traîner dans les parages autant qu’il le souhaitait. “Tu sais que je suis un modèle, il me virera pas.” Yelahiah avait cet air éternellement sûr de lui, dénué du moindre doute. Il était certain que plus d’un de ses interlocuteurs l’avait déjà trouvé suffisant, et si cela n’était pas tant éloigné de la réalité, Mac préférait tourner la chose de manière positive ; c’était simplement un jeune homme qui savait ce qu’il valait et ne s’encombrait pas de l’avis des autres, ce qu’il pouvait totalement respecter. “Je sais aussi qu’il n’apprécierait pas un coup de pied bien placé de la part de ta soeur.” Il était peu d’informations croustillantes qui ne trouvaient pas leur chemin jusqu’au creux de l’oreille du brun. Son sourire laissait deviner à quel point il en était fier. “Il est pas souvent là en ce moment alors je viens traîner dans les tiennes.” Saül avait beau être un livre ouvert pour Mac, toute la situation en cours le dépassait quelque peu. Après tout, il l’avait toujours connu avec Elise, puis marié. Il l’avait soutenu au cours de l’adoption de Cosimo, il avait toujours tout su de cette famille. Et désormais, les choses s’effritaient peu à peu, tout changeait et plus rien n’était comme avant. Ils y perdaient tous leurs repères. Mac ne savait pas si Yalahiah était au parfum de tout ceci, s’il avait conscience des raisons qui arrachaient Saül à son bureau bien aimé, cependant il n’avait pas l’intention d’aborder un sujet sensible et privé. “C’est ma chance alors, je peux espérer te convertir aux mille-et-une joies du marketing.” Ce qui était, à ses yeux, la branche la moins ennuyeuse de l’entreprise. La compta ? Non merci. Les ressources humaines ? Pas sa tasse de thé. Le département ne le portait pas dans son coeur d’ailleurs, à raison. “T’en as viré combien aujourd’hui ?” demanda le brun, presque trop enthousiaste à l’idée de commencer la journée avec ce genre de nouvelle à se mettre sous la dent. Mac fronca les sourcils, prit l’air le plus surpris et offusqué du monde ; “Dès le lundi matin ? Pour qui tu me prends, voyons.” Mais tout l’étage le savait déjà, c’était évident, et le principal concerné également ; il en était un qui pouvait préparer son carton d’affaires sur son bureau. “J’attends vendredi pour remercier Jeremy. Il aura le week-end pour s’en remettre auprès de sa chère femme et de leur lardon. Il a match de hockey sur gazon tous les dimanches, il aura vite oublié cette contrariété.” Et puis, cela faisait moins de questionnements, moins de regards en coin… Tandis que si Marcus se mettait à remercier les employés dès le lundi, l’équipe aurait toute la semaine pour ressasser et l’agacer. C’était une fleur qu’il faisait à tout le monde, alors.

Il entre dans le bureau sans vraiment s’annoncer. Il n’a pas besoin de le faire quand c’est Marcus qu’il va voir. Etonnement, il s’entend mieux avec le brun qu’avec Saül. Il a l’impression de lui ressembler un peu plus, d’être mieux compris. Mais il cherche aussi à être dans les bonnes grâces des deux hommes. Il a bien compris Yele, qu’il fallait être en bon termes avec les gros poissons de la boîte, et Marcus est certainement le deuxième le plus important ici. C’est un bonus qu’il soit sympathique. Sympa aux yeux de Yele, mais le reste de la boîte n’est pas forcément du même avis. “Je sais aussi qu’il n’apprécierait pas un coup de pied bien placé de la part de ta soeur.” “C’est son problème, il s’est casé avec une folle il va pas me remettre ça sur le dos.” Il grimace, il espère vraiment que Saül ne peut pas lui en vouloir si Ariane détruit sa vie, ce qu’elle est capable de faire quoi qu’il se passe.

“C’est ma chance alors, je peux espérer te convertir aux mille-et-une joies du marketing.” Il sourit en s’asseyant Yele. “Tu sais que je veux être incollable sur chacun des domaines qui me permettraient de gérer une boîte.” Et le marketing, c’est bien important que ce que les gens peuvent s’imaginer. Alors il boira les paroles de Marcus, il enregistrera chacune des informations pour devenir meilleur que lui. Pour devenir meilleur que n’importe qui dans ce domaine. Il en a les capacités le jeune homme, et il s’en vante Yelahiah. Il ne cache ni son caractère, ni ses capacités, ni son ambition. Et c’est peut-être ça qui plaît tant aux hommes puissants de cette grande entreprise.

Il pose des questions qui l’amusent, et il aimerait pouvoir assister à toutes les réunions célèbres du grand Marcus Leckie. Lui aussi il terrifie le monde entier quand il le veut, et il est fier d’avoir le même style de caractère que le brun, il serait capable de virer la totalité de la boîte sans même un remord. “Dès le lundi matin ? Pour qui tu me prends, voyons.” Yele fronce les sourcils, il attend la suite de l’explication.  “J’attends vendredi pour remercier Jeremy. Il aura le week-end pour s’en remettre auprès de sa chère femme et de leur lardon. Il a match de hockey sur gazon tous les dimanches, il aura vite oublié cette contrariété.” Et le voilà qui pouffe de rire en se penchant sur sa chaise. “Je me disais bien qu’une conscience ne pouvait pas être née dans ton corps en seulement un week-end.” Si ça avait été le cas, Yele aurait tourné les talons pour aller apprendre aux côtés d’un autre homme plus intéressant. “Il était temps.” Yele n’aime pas vraiment le petit personnel. “Même si je vois pas qui est Jérémy il doit le mériter. Je pourrai venir à la réunion vendredi ?” Il hausse les épaules. “Faut bien que j’apprenne non ?” Il s’amuse Yele, et il a aussi envie d’apprendre tout ce qu’il peut sur ces métiers. Virer des gens est une partie importante non ?  

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Mac laissait de l’espace à Saül le temps que le divorce soit finalisé et que toute cette panade soit derrière lui et Elise. Ce n’était pas le moment pour lui de plonger son nez dans leur linge sale, d’autant qu’il peinait lui-même à accepter la fin d’une ère ; il avait quasiment toujours connu les Williams dans une certaine composition, Saül avec Elise, Auden avec son égo, Damon dans l’ignorance, Savannah et Anastasia papillonnant à l’italienne. Les mutations avaient commencé par le mariage d’Auden et se poursuivaient avec la rupture de Saül. Alors non, Mac ne s’était jamais penché sur la personne qu’était Ariane, mais il avait le pressentiment qu’elle ne lui plairait pas. Il partait déjà avec un à priori ; elle était la cause de tout ceci à ses yeux. “C’est son problème, il s’est casé avec une folle il va pas me remettre ça sur le dos.” rouspétait Yelahiah d’une manière qui confirmait l’aura destructrice de la jeune femme en question. Et nul autre que son propre frère ne pouvait être le meilleur juge sur la question. “Je sens un débordement d’amour fraternel dans le son de ta voix.” nota Mac avec sarcasme. D’un autre côté, le brun était brillant et parfaitement au courant de cela ; n’avait pas d’office une faible opinion des autres tant il les regardait du haut de son QI ? Si l’on pouvait prendre cela comme son unique preuve d’humilité, c’était que le jeune homme admettait volontiers qu’il avait des choses à apprendre ; tout à apprendre, même, lorsqu’il était question de business. Il était capable de travailler dur et de se donner les moyens de ses objectifs ; en somme, Mac lui trouvait toujours toutes les qualités du monde pour excuser son tempérament parfois exécrable. Personne n’était parfait, après tout. “Tu sais que je veux être incollable sur chacun des domaines qui me permettraient de gérer une boîte.” Le marketing faisait partie de la colonne vertébrale de toute entreprise. Personne ne pouvait espérer vendre quoi que ce soit sans une stratégie de communication et d’acquisition de clients, et de nos jours, ce pilier prenait de plus en plus de place dans le budget. Digital, nouveaux médias et augmentation d’une concurrence féroce poussaient à redoubler d’efforts et de créativité pour attirer le chaland. Si on lui demandait son avis, Mac affirmait sans l’ombre d’un doute que sa direction était la plus importante de de tout Michael Hill. “Même la compta ?” il demanda pour plaisanter, le visage grimaçant. Excel lui donnait de l’urticaire, il ne voulait pas en entendre parler. Les chiffres n’étaient pas son problème ; il prodiguait des stratégies impeccables, c’était au reste de la boîte de se débrouiller pour lui donner les moyens de les faire briller.

Difficile de croire que Mac ne prenait pas tant de plaisir de virer du personnel tant il lui arrivait d’envoyer des employés chez les ressources humaines avec leur carton d’affaires par poignées de temps à autre. Autant il ne tirait aucune satisfaction sadique à mettre un père ou une mère de famille au chômage par exemple ; il était surtout contrarié de s’être fourvoyé dans son choix au moment du recrutement et d’avoir donné une chance à une personne n’en ayant pas valu la peine. On le décrivait moins humain qu’il ne l’était au fond, uniquement parce que l’intérêt de l’entreprise allait avant toute chose, avant le sentimentalisme et les bons sentiments. Il ne voulait pas qu’on lui fasse perdre son temps, ou pire, que l’on fasse perdre de l’argent à Michael Hill à force d’incompétence. Alors oui, s’il fallait mettre à la porte l’entièreté d’une équipe créative pour s’épargner un nouveau désastre après des résultats insatisfaisants, il le faisait. “Oh, j’ai une conscience, assurait-il à Yelahiah. Une conscience professionnelle. Et selon ça, les employés qui n’atteignent pas leur objectifs doivent s’en aller pour une entreprise à la hauteur de leur médiocrité.” De fait, il ne demandait pas le licenciement de qui que ce soit de manière gratuite et sans fondement, uniquement parce que son café n’était pas assez sucré ou qu’il s’était coupé en se rasant le matin. C’était ce que son cher stagiaire devait comprendre. “Même si je vois pas qui est Jérémy il doit le mériter. Je pourrai venir à la réunion vendredi ? Faut bien que j’apprenne non ?” Mac laissa échapper un petit rire. Qu’il était étrange d’être aussi enthousiasmé par un licenciement. “Si ça te chante. Travaille ton meilleur regard noir.” répondit-il. La sonnerie d’une notification sur son ordinateur lui fit poser le regard sur son écran. Le rappel indiquait que sa prochaine réunion de la journée débutait dans peu de temps. Les locaux de l’entreprise étaient un dédale assez important pour qu’il quitte la salle actuelle en direction de la prochaine avec de l’avance ; parfois, juste attendre l'ascenseur pour se rendre d’un étage à l’autre pouvait dévorer de précieuses minutes. “J’ai le meeting icono pour la campagne de Noël dans une dizaine de minutes, tu vas avoir l’honneur de tyranniser des créatifs avec moi.” annonça-t-il d’un air enjoué en fermant son pc. Il prit celui-ci sous son bras, jeta son reste de café dans la poubelle et laissa Yelahiah lui emboîter le pas. “Nous commençons à préparer Noël dès fin juillet pour un lancement dès novembre. Cette réunion va viser à valider les photos du shooting, le design du site, le planning des réseaux sociaux…” Tandis qu’il marchait d’un pas rapide, Mac poursuivait ses explications. La fin d’année était toujours une période chargée, entre Halloween, le Black Friday, Noël et le Nouvel An. Quatre campagnes à enchaîner sur une période de trois mois, tel était le challenge tous les ans.

Il est bien là Yelahiah. Il profite de l’accalmie, c’est rare de trouver cette salle de réunion complètement vide. Marcus n’est pas occupé pendant quelques minutes et ça aussi c’est étonnant venant du chef d’équipe. Yele prend le temps de discuter avec Marcus, il est de bon conseils et il a beaucoup de choses à lui apprendre. Il enregistre le Parker, il se concentre sur tous les détails qui peuvent lui être utile pour être capable de créer sa propre entreprise dans les mois ou les années qui suivent. Il n’est pas fait pour suivre des ordres Yelahiah, il est fait pour en donner. Il est impatient, mais est aussi assez réfléchi pour prendre le temps d’avoir toutes les informations et les capacités dont il aura besoin. Ils parlent d’Ariane, et bien évidemment, maintenant qu’elle traîne autour de Saül, il n’est pas prêt de ne plus en entendre parler. Il aurait aimé qu’elle reste loin de son travail, mais elle ne fait jamais rien comme il l’aimerait. Ils font bien partie de la même famille ces deux-là. “Je sens un débordement d’amour fraternel dans le son de ta voix.” “L’amour fraternel est là, mais je veux pas qu’il m’arrive une merde parce qu’un jour elle aura décidé qu’elle en avait marre de s’amuser avec le boss de la boîte.” Ca aurait un impact direct sur lui, il en est persuadé.

“Même la compta ?” “J’ai pas besoin d’étudier pour être un crac en compta.”’Il a su compter avant même de savoir parler, et il est sûrement plus doué et plus efficace que chacune des personnes qui travaillent déjà pour Saül. Ce n’est pas ce qui l’intéresse, c’est bien trop bas sur l’échelle sociale de l’entreprise pour qu’il veuille bien s’y intéresser plus longtemps que cinq petites minutes dans sa journée. “Oh, j’ai une conscience Il ne se retient pas de pouffer de rire Yele, mais attend impatiemment la suite de ce qu’il va dire. Une conscience professionnelle. Et selon ça, les employés qui n’atteignent pas leur objectifs doivent s’en aller pour une entreprise à la hauteur de leur médiocrité.” “Tu m’as fait peur.” Il a presque cru pendant une seconde qu’il avait mal compris comment fonctionnait l’homme qui se tient debout en face de lui. “Si ça te chante. Travaille ton meilleur regard noir.” “Ca non plus j’ai pas besoin de le bosser.” Il rit et se lève pour se rapprocher un peu de lui. Son regard et son attitude sont ce qui le rende aussi terrifiant aux yeux du monde.

Il lui présente la réunion, fait un petit débrief pour qu’il sache dans quoi il est embarqué. “J’ai le meeting icono pour la campagne de Noël dans une dizaine de minutes, tu vas avoir l’honneur de tyranniser des créatifs avec moi.” “Je trépigne d’impatience.” C’est peut-être ça qui lui plaît le plus dans l’idée de gérer une entreprise. Le fait de pouvoir tyranniser toutes les personnes qui travailleront pour lui un jour. “Nous commençons à préparer Noël dès fin juillet pour un lancement dès novembre. Cette réunion va viser à valider les photos du shooting, le design du site, le planning des réseaux sociaux…” Il hoche la tête, enregistre chacune des informations. “J’ai le droit de donner des avis ou je ne fais que apprendre aujourd’hui ?” Il demande la permission, toujours dans ce genre de situation, il ne veut pas avoir de problèmes avec le deuxième homme le plus important de l’entreprise. “Tu comptes accepter des choses le premier coup ou tu les fais venir en sachant qu’ils vont déjà devoir tout recommencer ?” Son sourire s’agrandit un peu, il ne reste que quelques minutes avant que les créatifs de l’entreprise n’arrivent.

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En chemin pour la réunion avec les créatifs chargés des campagnes de Noël, Mac briefait un Yelahiah enthousiaste à l’idée de mettre son grain de sel. Les produits, les visuels et les slogans pour les fêtes de fin d’années étaient certainement les plus importants de l’année, et les plus complexes ; il était question non seulement d’inspirer des cadeaux dans la tête des clients, mais aussi des achats pour accessoiriser les tenues de Réveillon et pourquoi pas implanter dans le crâne des tourtereaux que la magie de Noël était l’occasion idéale de faire une proposition en mariage. Vous pensez que votre Roméo s’est enfin décidé de lui-même ? Que nenni ; toute une équipe marketing réfléchissait depuis l’été pour le persuader. “J’ai le droit de donner des avis ou je ne fais que apprendre aujourd’hui ? - Bien sûr que tu pourras donner un avis.” Tous les avis étaient bons à prendre après tout ; Yele était un représentant de la clientèle comme un autre, la campagne devait être en mesure de lui parler. La clé d’un bon marketing était de ne jamais perdre de vue le dialogue avec le consommateur au profit d’une vision professionnelle. “Tu comptes accepter des choses du premier coup ou tu les fais venir en sachant qu’ils vont déjà devoir tout recommencer ? - Ce n’est pas notre première réunion sur le sujet, les grandes lignes sont déjà actées depuis quelques temps alors il n’est pas question de repartir de zéro, nous n’aurons pas le budget. Mais ils savent déjà que je vais pinailler sur les détails.” Ils tremblaient sûrement d’avance, d’ailleurs. Rien n’était jamais parfait du premier coup. Aux yeux de Marcus, il n’y avait surtout rien de pire qu’une équipe de créatifs lui servant du préchauffé sans le moindre challenge et c’était sa hantise à chaque campagne. Il préférait être perfectionniste à propos d’idées innovantes que de s’ennuyer à tenter d’améliorer des concepts médiocres.

L’équipe en question arriva finalement. Un à un, Mac leur serra la main. “Kathy, Dom, Will, vous avez déjà vu Yelahiah me traîner dans les pattes je crois.” fit-il en indiquant le jeune Parker à ses côtés. Personne n'osa l'interroger sur sa présence dans le cadre de la réunion ; si Marcus l’autorisait, alors ils acceptaient. Tous autour de la table, les créatifs étalèrent des photographies et des maquettes qu’ils projetaient également à l’écran. La sélection des bijoux avait été faite au préalable et ceux-ci avaient fait l’objet d’un photoshoot. En un rien de temps, il fut évident que l’australien n’était pas convaincu. “Non… non… nope… sûrement pas…” l’entendait-on souffler dans sa barbe en parcourant les photos. Il passait sa main sur son visage, de plus en plus dépité. La lumière ? Affreuse. La profondeur de champ ? Inexistante. Les diamants ressemblaient à du cristal et l’argent à du plaqué. Les graphistes allaient devoir faire des miracles pour rattraper tout ceci. “Je veux que vous appeliez ce photographe pour lui dire qu’il ne travaillera plus avec nous, ce photoshoot est un scandale.” Et d’un geste agacé, il en sélectionna quelques-unes exploitables pour la campagne. “Des wordings ?” il demanda en s’enfonçant dans sa chaise, les bras croisés, le visage fermé. Kathy et Dom échangèrent un regard inquiet. Will osa se jeter à l’eau. “On pensait à “Collection Brillance, pour des fêtes scintillantes”.” Et l’expression du visage de Mac ne changea pas. “Je savais pas qu’on vendait des bijoux fantaisie pour des fillettes de huit ans sapées en fées.” lâcha-t-il. Il n’était pas impressionné, ni emballé, ni persuadé que de terminer cette réunion sans virer qui que ce soit n’était pas une mauvaise idée.

Il attend que la réunion commence en continuant de poser des questions et d’écouter Marcus. Il en apprend beaucoup à ses côtés, et il enregistre tout ce qui peut lui être utile. Et, en vérité, tout lui est utile. - Bien sûr que tu pourras donner un avis.” Il hoche la tête, pourtant, Marcus sait que Yele n’a pas l’habitude de faire dans la dentelle, il est franc et il pourrait blesser n’importe qui fait du mauvais travail. - Ce n’est pas notre première réunion sur le sujet, les grandes lignes sont déjà actées depuis quelques temps alors il n’est pas question de repartir de zéro, nous n’aurons pas le budget. Mais ils savent déjà que je vais pinailler sur les détails.” Il fronce le nez, il a loupé les premières réunions, il n’aura donc pas toutes les informations nécessaires pour voir qui a fait ou non du bon travail. “Si tu pinaillais pas sur les détails tu serais pas aussi riche.” Il hausse les épaules avant de sourire, prêt à prendre place auprès du jeune homme pour observer et continuer d’apprendre.

Les créatifs entrent et Yele se tient droit, prêt à serrer la main de tous ceux qui entrent. Il n’en connait pas beaucoup, mais eux l’ont déjà sûrement vu plusieurs fois auprès de Marcus ou de Saül. “Kathy, Dom, Will, vous avez déjà vu Yelahiah me traîner dans les pattes je crois.”  Il ne dit rien, il sourit. C’est plutôt une bonne chose qu’il ait le droit de traîner aussi près des grosses têtes de la boîte.

Il reste derrière Marcus pour pouvoir observer les tablettes. Et, même lui qui ne connait rien en photo a envie de lancer la tablette par dessus la fenêtre. C’est une catastrophe, tout est affreux et il se demande comment il va pouvoir rattraper une chose pareille. “Non… non… nope… sûrement pas…” Il sent le ton qui change, les épaules qui sont bien plus tendues et il sait que les personnes qui se tiennent devant lui sont dans la merde. “Je veux que vous appeliez ce photographe pour lui dire qu’il ne travaillera plus avec nous, ce photoshoot est un scandale.” Bonne première idée, Yele ne peut que hocher la tête. “Des wordings ?” Les deux personnes qui se tiennent devant lui sont en train de se liquéfier en direct. “On pensait à “Collection Brillance, pour des fêtes scintillantes”.” Il ouvre de grands yeux étonnés. Ce nom est affreux. Aussi horrible que les photos qu’ils ont pu montrer il y a quelques secondes. “Je savais pas qu’on vendait des bijoux fantaisie pour des fillettes de huit ans sapées en fées.” Yele ne retient pas le sourire moqueur qui se fait une place au coin de ses lèvres, il croise le regard de Marcus en se décalant sur le côté. Comment ces gens peuvent-ils faire aussi mal leur travail ?

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Ce qui devait être une réunion de calage routinière devint finalement un brainstorming improvisé en compensation de ce que l’esprit de Mac avait déjà catalogué comme de l’incompétence de la part des créatifs de l’équipe face à lui. Une perte de temps, donc, sur un maigre créneau d’une heure sur des enjeux bien trop grands pour être réglés à la volée de la sorte. De temps à autre, Marcus lançait un regard en coin à Yelahiah, quelque part entre la lassitude et le dépit. Il pouvait voir que son aîné perdait rapidement patience, mais jamais son sang froid. Finalement, un nouveau slogan fut adopté, des clichés furent sélectionnés, et avec plus d’une demi-heure de retard, la réunion prit fin en ayant bouclé tout l’ordre du jour. Kathy, Dom et Will quittèrent la salle les premiers, la queue entre les jambes et leurs ordinateurs pressés contre eux.

Une fois qu’ils disparurent derrière la vitrophanie de la baie vitrée de la pièce, Mac put lâcher un long soupir. Il avait cessé de fumer depuis une dizaine d’années -notamment à cause de la naissance de sa nièce- mais dans ce genre de cas, l’appel de la nicotine pour soulager ses nerfs manquaient à chaque fois de le faire basculer vers cet ancien vice. Il ôta ses lunettes de vue et se pinça l'arrête de son nez entre ses doigts un instant. Puis il passa un main à travers ses cheveux et décréta qu’il s’était assez lamenté. Il se releva et remit la veste de son costume qu’il avait retirée pendant la réunion. “Je pensais que t’aurais un avis à donner.” fit-il enfin en se tournant vers le stagiaire. Il lui avait bien demandé s’il pouvait parler pendant le meeting et personne ne l’avait entendu lorsqu’il aurait pu briller en suggérant des idées sûrement plus brillantes que celle des pseudo-professionnels auxquels ils avaient eu affaire. “T’es plus doué que ça pour l’ouvrir d’habitude.” Oh, même que personne ne pouvait l’arrêter lorsqu’il était question d’étaler son intellect et sa future réussite dans les métiers dont Saül et Marcus lui enseignaient les ficelles. Ce n’était pas ce que le brun avait pu voir ce jour-là de la part de Yelahiah. Peut-être que le marketing était hors de sa ligne. L’esprit créatif était souvent hors de portée des donneurs d’ordre.

Amicalement, Mac s’approcha du jeune homme et tapota son épaule d’un air relativement encourageant. “Anyway, t’as encore des choses à apprendre. Heureusement que t’es chez nous pour ça.” Toute objectivité mise à part, le brun estimait que Michael Hill était une entreprise de qualité où faire ses armes. Il en avait intégré les rangs depuis sûrement trop longtemps pour remettre son avis en question et il n’avait pas l’intention d’être délogé de son poste durement mérité de sitôt. Sur ces paroles, le Leckie quitta la salle à son tour, laissant Yelahiah songer à son opportunité manquée -ou s’en laver les mains.

La réunion est bien plus longue qu’elle n’aurait pu le prévoir. Il fronce le nez à de nombreuses reprises, observe et enregistre chacune des idées que Marcus peut donner. Il n’y connait pas grand chose en marketing, ce ne sont que ses premiers pas dans ce métier là, alors il enregistre absolument tout. Mais il ne prend pas part à la discussion, mais apparemment, il aurait dû. Si ça avait été sur n’importe quel sujet qu’il connaissait déjà, il n’aurait pas hésité, mais il n’est pas encore un expert dans ce domaine, ce n’est qu’une question de temps. “Je pensais que t’aurais un avis à donner.” Yele fronce les sourcils, entre l’étonnement et l’amusement. “T’avais besoin de mon avis ?” Il n’y a pas d’autre avis qui compte pour lui que celui de Marcus et de Saül. “T’es plus doué que ça pour l’ouvrir d’habitude.” “Je connais le domaine d’habitude.” Il a toujours de bonnes raisons le jeune homme. “Je crie pas sur les gens quand j’ai pas tous les arguments pour leur prouver que j’ai raison et qu’ils ont tort.” Il a encore des choses à apprendre, et c’est pour ça qu’il s’épanouit autant dans cette entreprise.

Il se demande s’il a vraiment fait une erreur ou si Marcus parle sur le ton de l’ironie. Yele sait ce qu’il fait, et il ne changera pas son fonctionnement. “Anyway, t’as encore des choses à apprendre. Heureusement que t’es chez nous pour ça.” Yele pince les lèvres en regardant l’homme s’approcher de lui et taper sur son épaule. “Je vais devoir te coller pendant des jours pour pouvoir virer toute ton équipe pendant la prochaine réunion.” Il ne rechignerait pas à la tâche Yelahiah, bien au contraire. Si les gens ne sont pas compétents, ce n’est ni sa faute ni son problème. Il est certain qu’ils arriveraient à trouver de très bons employés à engager dans les 24 heures après le renvoi de tous les autres. Les travailleurs, ça n’est pas ce qu’il manque, la plus compliqué, c’est de trouver les meilleurs.

Marcus s’éloigne et Yele lève les yeux au ciel, il ne pourra pas suivre Saül aujourd’hui alors il décide de rejoindre le brun, sans vraiment lui demander son avis. “Tu peux pas te débarrasser aussi facilement de moi, j’ai des choses à apprendre apparemment.” Un clin d’oeil et un rire plus tard il continue de marcher à travers les couloirs de l’entreprise.