@"LOU ABERLINE" & FINNLEY ⊹⊹⊹ i knew there'd be a price to pay, another term, another day. and now i hear a knocking at my front door, spitting voices coming to settle the score. what can i do about it ? i have no chance to doubt it.

(REDCLIFFE, LOGEMENTS). Est-ce lui qui fait constamment les mauvais choix ? Est-ce les autres qui persistent à se jouer de lui ?

Il ignore quel cas de figure est applicable à la situation, toujours est-il que l’un des deux s’avère véridique. Ou peut-être est-ce un savant mélange ; et que la manière dont les gens se jouent de lui contribue à ses mauvais choix. À cet instant, ceux-ci sont nombreux et, fait rare, ils ne concernent pas cette dépendance qui prend toujours plus le contrôle de sa vie. À moins que celle-ci ait laissé place à une autre, plus insidieuse, plus bruyante, plus agréable. Plus surprenante, plus petite, plus humaine, tout simplement. La facilité avec laquelle Lou s’est fait une place de son choix dans sa vie (et désormais son cœur) l’a surpris, mais les choses se sont mises en place avec un tel naturel qu’il a rapidement chassé ces quelques interrogations afin de profiter de la présence de la jeune femme (lorsqu’elle concédait à lui l’offrir). Peut-être aurait-il dû se poser plus de questions, peut-être aurait-il dû être plus sceptique face aux multiples zones d’ombre entourant la brune, peut-être aurait-il dû résister face aux minauderies utilisées pour détourner le sujet, peut-être aurait-il dû lire entre les lignes ; mais Finn n’a rien fait de tout ça, se complaisant dans son bonheur égoïste sans chercher à l’expliquer. Pour une fois, il avait accepté de se laisser porter par ce que la vie avait à lui offrir, sans remettre tout ce qui l’entoure en question. Et il fait aujourd’hui le constat amer qu’il aurait dû s’interroger, sans quoi la chute n’aurait pas été si douloureuse.

Est-ce qu’il fait les mauvais choix ? Est-ce qu’il aurait dû retirer le pansement bien plus tôt, dès qu’il a été en mesure de procéder à l’enregistrement de toutes les informations partagées par cette dénommée Raelyn, alors même qu’il n’avait pas voulu l’écouter, ce jour-là, à l’hôpital ? Mais elle ne lui avait pas laissé le choix, dévoilant carte sur carte, causant surprise sur surprise au jeune homme qui est parvenu, dans les jours qui ont suivi, à reconstituer le puzzle du mystère de sa petite amie. Un puzzle qu’il aurait préféré ne jamais assembler, mais qui est désormais complet, s’offrant à ses yeux et l’obligeant à reconnaître la difficulté du jeu. La difficulté à tout encaisser, à tout accepter. Des jours, des semaines même, durant lesquelles il s’est contenté d’observer, de s’interroger silencieusement, sans jamais verbaliser ses doutes et ses questions – il n’était pas en mesure de tenir une conversation d’une telle envergure alors qu’il se remettait de tous ces os brisés ; son cœur ne pouvait décemment pas suivre le même chemin. Est-ce qu’il aurait dû remettre en cause les propos de cette illustre inconnue sans questionner la sincérité de celle qu’il partage sa vie ? Probablement. Et il s’en veut d’avoir été berné si facilement par la blonde glaciale, mais les éléments ne peuvent être tous cachés sous le tapis ; et il a retourné la situation dans tous les sens pour comprendre l’intérêt que Raelyn a à lui ouvrir les yeux sous couvert de mensonges. Il n’est personne, a contrario de Lou, véritable Némésis aux yeux de la blonde. Il faut frapper, l’atteindre ; il n’est qu’un dommage collatéral et personne n’a de temps à perdre à le manipuler plutôt que de se contenter de la vérité. Un dommage collatéral qui a servi d’avertissement autant qu’il a récolté toute la haine que la brune a semée derrière elle, sur son chemin vers la vengeance et une justice dont seule elle a la conception.

Alors, est-ce qu’elle s’est jouée de lui ? Est-ce qu’il n’a s’agit que de ça, de s’assurer d’avoir un larbin à sa solde, un idiot qui tomberait dans le panneau de ses battements de cils, une distraction qui saurait être utilisée au bon moment, qu’elle utiliserait comme bouclier humain pour ne pas être salie elle-même, pour ne pas être atteinte alors qu’elle ne demandait que ça par la liste de ses mauvais choix à elle ? Il n’en sait rien et une part de lui ne veut pas le savoir, alors qu’il a eu le cœur serré à l’idée d’ajouter le prénom de Lou aux côtés de tous les autres qui se sont servis par le passé. Il ne pensait plus être en mesure de se laisser aveugler, encore moins par ce sentiment aberrant qu’il n’a jamais ressenti auparavant qu’est l’amour. Mais il est tombé dans le panneau ; ce qui rend les choses encore plus difficiles. Car il peut vivre avec ses mauvais choix, il est le seul maître de ceux-ci. Mais il n’a aucun pouvoir sur Lou et sur ce qu’elle décide de faire de lui ; et c’est un combat inégal que de l’avoir placé dans cette position qui ne lui permet pas de se défendre.

Il aurait pu, pourtant. Bien sûr qu’il aurait pu, car si Raelyn ne lui a pas ouvert les yeux, elle s’est contentée d’ôter ses œillères. Ses yeux, eux, sont bien ouverts, depuis quelques semaines, quelques mois. Mais il a refusé de voir l’évidence devant lui pour ne pas faire éclater cette bulle dans laquelle Lou et lui évoluent, seule accalmie dans un quotidien chaotique. Ignorer la vérité a semblé être la meilleure chose à faire ; pire, il en a profité en acceptant d’emménager ici, dans un appartement de standing qui dénote avec le quotidien que Lou a présenté comme le sien au début de leur rencontre. Quotidien qui est devenu de plus en plus mystérieux, inexpliqué, mais il a laissé tomber, s’est contenté de sa présence. Et il s’en satisfait, alors il ne peut empêcher cette part de lui qui crie à l’hypocrisie, qui se moque ouvertement de sa volonté d’ignorer la vérité pour mieux l’y confronter aujourd’hui. Peut-être que le problème n’est pas tant les découvertes qui ont été faites que la volonté de savoir depuis quand Lou le prend pour un idiot et combien de temps encore elle compte le faire.

Mais cela en demeure pas moins ridicule, alors que des mois durant, il s’est voilà la face. Il ne saurait dire quel a été l’élément déclencheur, qu’est-ce qui lui a permis de réagir aujourd’hui plutôt que hier, peut-être est-ce la voix trop envahissante de Raelyn qui a résonné plus que d’accoutumée, peut-être est-ce un énième mensonge formulé avec un naturel désarmant, peut-être est-ce simplement la convalescence arrivée à son terme et la volonté d’avoir profité d’elle autant qu’elle profite de lui, dans un esprit vengeur qui est à sa portée – car il ne saurait égaler la jeune femme dans le domaine. « Salut. » Il n’a même pas à feindre le sourire sur ses lèvres quand il l’aperçoit enfin de retour dans l’appartement qu’ils partagent et il se déteste pour ça, pour cette capacité à tomber dans le piège alors même qu’il l’a repéré. « Je ne t’attendais plus. » Il souligne en jetant un coup d’œil à l’heure. « Je commence à me demander si tes répétitions ne se transforment pas en kidnapping. Cligne deux fois si tu as besoin d’aide. » Il ajoute, un léger sourire sur les lèvres, qui dissimule le goût amer de la tromperie. Elle n’était pas aux répétitions aujourd’hui et ce n’est qu’un énième fait qui s’ajoute à la liste de tout ce qu’il sait désormais sur elle.

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“On en a attrapé un.”
Pieds sur le bureau du bookie, Lou regardait deux étudiants en médecine tenter de se prouver sur le ring improvisé d’un oeil. De l’autre elle comptait. Les liasses de billets entre ses doigts avaient, pour elle, l’exact même toucher que de la soie. Elle savait déjà combien il y avait de dollars entre ses mains ; elle ne recommençait que pour le plaisir de passer un bout de papier après l’autre et s’entendre faire grossir le chiffre centaine par centaine. “J’arrive.” elle souffla d’un air distrait. Elle quittait son angle de vue de premier choix à contrecoeur, loin de se montrer pressée de suivre le sbire qui l’avait approchée. Parce qu’elle savait parfaitement ce qui l’attendait, ce qu’elle n’avait pas le choix de faire. Strange lui avait dit qu’elle devrait se battre pour obtenir ce qu’elle voulait, et elle lui avait promis des répercussions à la hauteur. Il était temps pour elle de prouver qu’aucune de ses menaces n’était faite en l’air. Elle traînait les pieds, prenait son temps, encadrée par deux gros bras de deux têtes de plus qu’elle. Mains dans les poches, un brin morose, elle prit le temps de respirer une fois devant la porte. A l’époque du Club, elle aurait sautillé jusqu’à la salle et ri en entrant en grande pompe. Qu’est-ce qui avait changé ?

Face au dealer du Club que ses hommes lui avaient apporté, le visage déjà méchamment amoché, Lou tira une chaise afin de s’asseoir face à lui, à sa hauteur. Les pieds en métal traînaient sur le carrelage du cagibi où ils l’avaient installé -plus facile à nettoyer- avec une sorte de fatalité. “Ecoute… Je suis désolée pour tout ça, et pour ce qui va arriver ensuite, dit-elle. Vraiment. J’ai essayé de raisonner Strange. Il n’y a aucune raison pour que le Club se goinfre de tout le gâteau, tu comprends ?” Lors de leur dernière entrevue, les négociations de la jeune femme pour le contrôle d’une partie du trafic de Brisbane avaient fait chou blanc. Elle avait obtenu un pourcentage sur les rentrées d’argent liées à l’immobilier, mais cela n’était qu’un maigre os à ronger afin de calmer ses ardeurs, elle en avait bien conscience et ne comptait pas se faire mener par le bout du nez. “Alors tu vas porter un message, elle reprit, la voix douce, basse, quasi-monocorde. Tu vas faire comprendre à tes petits camarades, et au reste du Club, que maintenant c’est nous qui contrôlons le deal dans cette ville. Et que tous les dealers que nous attraperons subiront le même sort.” Elle les voulait hors de ses rues. Les plus intelligents se contenteraient de changer de camp. Lou se releva, fit glisser sa chaise au hasard, plus loin, et effectua quelques pas dans la salle avant de s’adosser à un mur, nonchalante, impassible. “Mais tu ne le leur dira pas avec des mots. Parce que tu sais ce qui est plus efficace qu’un discours ?” Il comprit. Ses yeux ronds, sa bouche prête à hurler, l’insulter, tous ses membres crispés dans le même frisson d’horreur ; tout ceci s’éteignit aussi soudainement dans un “bang” assourdissant. Tête molle, regard vide, une flaque grandissant à ses pieds ; il était le message. “Body language.” elle souffla. En partant, elle ne releva pas les éclaboussures de sang sur ses souliers.

Les rayons du supermarché étaient devenus étrangement irréels en comparaison avec la machinerie du bowling. Lou se voyait, là, au milieu d’un rayon de cochonneries sans plus se souvenir ce qu’elle était venue y prendre. Il y avait des dizaines, des vingtaines de paquets de chips différents. Barbecue, paprika, poulet, pizza, fromage, crème, aigre-doux, à l’ancienne, ondulées, tuiles, extra-larges, premier prix, petit paquet, format familial. Elle en avait le vertige -ou était-ce la réminiscence du coup de feu qui l’avait suivi jusqu’ici, sifflait encore dans son oreille ? Est-ce que tout ceci était bien nécessaire ? Toutes ces chips. Comme arrachée à un rêve, elle secoua la tête. Machinalement, elle tendit le bras, empoigna le premier paquet qui lui tombait sous la main. N’importe lequel ferait une bonne excuse.

A peine eut-elle ouvert la porte d’entrée que Wernicke vint à sa rencontre. Lou flatta affectueusement son col, songeant que l’animal semblait de moins en moins vif de jour en jour. Finnley était dans le déni de l’état de son fidèle ami, loin d’être résolu à subir un drame supplémentaire, mais la jeune femme était persuadée que le chien ne verrait pas 2021. La voix de son colocataire la fit sursauter. “Hey.” Ce qui devait être une plaisanterie de la part de Finn la crispa un instant ; la mention d’un kidnapping fut comme un coup de poing dans son ventre. Le jeune homme ne pouvait imaginer à quel point ses paroles étaient plus réelles qu’il ne le pensait, à quel point elles furent palpables pour elle aujourd’hui. “Tout va bien. On a simplement pas vu le temps passer.” elle lui assura cependant, avec le même naturel qu’à chaque fois. Elle n’avait jamais eu de mal à mentir, elle ne s’en étonnait plus. Ni à ses parents, ni à lui. Et elle n’avait pas de remords non plus. Elle le protégeait, et tant qu’elle s’en persuadait, chaque bobard était vertueux à ses yeux. C’était ce qu’elle répétait tandis qu’elle lui volait un baiser. “Il y a une nouvelle dans la troupe, et ça prend plus de temps de répéter, le temps qu’elle maîtrise le show. C’est plus difficile que ça en a l’air.” ajoutait-elle en traversant le salon, quitte à devoir se dépêtrer de ces faux détails plus tard. Cela sonnait plus réel, à son sens. Puis elle sortit le paquet de chips de son sac et le déposa sur un plan de travail de la cuisine. “Et je suis passée racheter le snack de notre soirée film, parce que, les priorités, tu sais.” Lui, elle, le canapé, la télé et de quoi grignoter ; tel était la recette des rares soirées où Lou n’était pas sur scène, un rituel qu’elle n’aurait jamais pensé chérir autant un jour. “Qu’est-ce que toi tu as fait pendant tout ce temps ?” elle renvoya à son tour. Jusqu’à preuve du contraire, son retard à elle s’était avéré utile, pour une bonne cause ; l’air faussement sérieux, un rictus malicieux au bout des lèvres, elle attendait que le reproche à demi-mot de Finn soit fondé par une gigantesque productivité.

Il ne saurait expliquer pourquoi aujourd’hui plutôt que hier ou demain, ce qui est certain est que Finn a repoussé l’échéance les menant à cette conversation autant qu’il le pouvait. Ce n’est pas tant une histoire de conflit que de vérité ; Finn n’a jamais eu de difficulté à supporter le second, mais s’avère rancunier lorsque la seconde lui est volontairement dissimulée. Et c’est très exactement dans ce cas de figure qu’il se trouve avec Lou aujourd’hui, alors qu’il sait, pour s’être rendu sur place dans une dernière volonté d’asseoir ces doutes qui se sont frayés un chemin dans son esprit depuis sa rencontre avec Raelyn, qu’elle n’était pas aux répétitions. Peut-être que la réponse est à trouver là, dans cette dernière bribe de d’espoir qui a été anéantie - pour son plus grand malheur. Et même si les propos de Raelyn lui semblent exagérément créatifs pour être véridiques, le constat qui peut déjà se faire est suffisamment clair pour être assumé : Lou lui ment. Sur quel(s) sujet(s) exactement, il l’ignore encore et cette confrontation (puisqu’il peine à s’imaginer qu’il puisse s’agir ‘seulement’ d’une conversation) vise à éclaircir la zone d’ombre autour de son mensonge. Il l’espère de tout cœur au singulier, mais ne peut s’empêcher d’appréhender le pluriel ; après tout il a toujours été question de répétitions avec la jeune femme : de ses absences à ses fausses excuses, en passant par leurs quiproquos réguliers sur les interprétations de chacun. Mais à cet instant, ce sont bien aux deux premières que Finnley songe, l’agacement d’être pris, une fois encore, pour plus stupide qu’il ne l’est, ne l’aidant pas à se rattacher à tous les bons souvenirs créés depuis sa rencontre avec la jeune femme, pourtant tellement plus nombreux que les mauvais.

Le sourire se glisse naturellement sur ses lèvres à la vue de Lou et il se déteste pour ça, pour la faiblesse dont il fait preuve dès qu’elle apparaît - cette même faiblesse qui l’a envoyé sur un lit d’hôpital, songe-t-il avant de balayer cette pensée d’un bref soupir. Son regard se porte sur la petite brune ; et s’il ne peut empêcher les mots de celle qui se présente comme sa plus grande ennemie de résonner dans son esprit, il peut néanmoins tenter de les atténuer. La vérité à laquelle il souhaite accéder n’est pas celle de la blonde, mais bien celle de sa petite amie, afin d’évaluer la part de sincérité qui lui est accordée dans son quotidien, a priori, empli de mensonges. Il ne relève pas les explications de Lou ; d’ordinaire il aurait tenté d’affiner son sens de l’humour pourtant inexistant en rebondissant sur la possibilité proposée quelques mois plus tôt de rejoindre les petites mains de la troupe - mais aujourd’hui la situation n’est pas à la plaisanterie et Finn se contente de hocher la tête de manière nonchalante. Il entend, mais il n’écoute pas et même le baiser qu’elle lui vole ne le fait pas dériver de l’objectif qui est le sien en amenant cet échange. « Ça devra attendre. » Il souligne en jetant un regard au paquet de chips déposé sur le comptoir. Et un bref instant, il a un pincement au cœur qui tente de le convaincre de faire marche-arrière, que cette discussion n’amènera rien de bon, pire, serait susceptible de lui enlever la seule personne qui égaye ses journées. Mais est-ce que ses valeurs valent plus que l’amour ? Si c’est une question qu’il s’est déjà posée en sa présence, c’en est surtout une à laquelle il n’a toujours pas trouvé la réponse. « J’ai réfléchi. » Qu’il rétorque lorsque la question lui est retournée ; conscient que ses attentes étaient autres. Ce n’est pas une situation qu’il apprécie, cette impression de vivre au crochet de quelqu’un, ou même de quelque chose, en l’occurrence. Et il sait pertinemment que de nombreuses choses pourraient lui être reprochées, pour autant ce n’est pas lui le sujet et quand bien même il le serait, il peut se targuer de ne jamais avoir flirté avec les limites que Lou outrepasse chaque jour - toujours s’il en croit les propos de cette Raelyn. Et le besoin de pouvoir lier les vérités de cette dernière à celles de Lou devient oppressant, vital, alors qu’il aimerait tant qu’un élément parvienne à le convaincre de faire marche-arrière, que tout ceci n’est qu’un terrible quiproquo, qu’une vengeance digne de la cour d’école ; et Dieu sait qu’il a énuméré une longue liste visant à donner la victoire à Lou – mais il ne peut empêcher Raelyn d’avoir marqué des points. Au mieux, il passera pour un imbécile pendant quelques jours, un peu plus longtemps si la jeune femme s’avère rancunière, dans tous les cas il devrait s’en remettre. Au pire... il ne veut pas songer au pire, en réalité et à la perspective d’avoir touché à un sujet si bien enterré sous le tapis qu’il n’aurait jamais dû voir la lumière du jour. « Je repensais à mon séjour à l’hôpital. » Qu’il reprend la parole tandis qu’il marque la distance entre eux en allant s’accouder contre un placard à l’opposé de la pièce, réfléchissant un instant. Non pas par volonté sadique de faire durer le suspens, mais par nécessité de choisir les mots adéquats ; ceux qui n’en diront pas trop, de manière à ce qu’elle soit celle qui les complète. « Et à cette Raelyn qui est venue me rendre visite. Une amie à toi, d’après ce qu’elle m’a dit. Vous avez travaillé ensemble, il paraît. Mais si elle t’avait côtoyé à la pâtisserie ou au RHPS, je crois que je m’en serais souvenu, on n’oublie pas un prénom aussi particulier. » Qu’il explique avec un haussement d’épaules avant de laisser échapper un léger sourire. « Faut croire que ma tête a pris un sacré coup, pas vrai ? » Et le sourire se transforme en rire nerveux sans qu’il ne sache si cela est lié à l’impression d’avoir été manipulé, aux doutes qui l’habitent encore et qu’il verbalise, à la crainte de découvrir ce dont il n’aurait jamais préféré avoir connaissance. Mais il est désormais trop tard pour reculer et il soutient le regard de Lou alors qu’il lui laisse les cartes en main quant à l’issue de cette conversation, quant à déterminer lequel d’entre eux sera définitivement catalogué comme étant une ordure.  

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Elle eut soudain le pressentiment qu’elle ferait mieux de s’asseoir, Lou. Mais seule sa main se posa sur le comptoir de la cuisine et soutenait le poids de son corps alors que l’air sérieux de Finnley faisait flageller ses jambes. Depuis le temps qu’ils se côtoyaient, malgré une relation en dents de scie, la jeune femme savait faire la différence entre toutes les nuances d’expressions qui pouvaient traverser le visage blême de son petit-ami ; il ne faisait pas grand effort pour masquer ses émotions avec elle, ceci dit, tandis qu’elle prenait un trop grand soin à être fausse à ses yeux pour son bien. Elle était sincère dans ses sentiments, mais aucune vérité n’avait traversé ses lèvres depuis si longtemps face à lui qu’elle en avait oublié le goût amer que pouvaient avoir les mensonges. Des cachoteries qui faisaient partie d’elle désormais et dont l’existence était aussi naturelle que celle d’un bras ou d’une jambe. Elle ne savait pas ce que Finnley souhaitait aborder de si important pour que cela mette le programme de leur soirée entre parenthèses, mais y faire face l’épuisait déjà vis-à-vis de la journée qu’elle avait passée. “Aucune conversation agréable au monde ne commence par “j’ai réfléchi”, t’es au courant ? C’est à peu près aussi stressant que “il faut qu’on parle”.” fit-elle, comme si l’ironie lui permettait de reprendre son souffle au sein de l'ambiance pesante qui s’était emparée de l’appartement.

Son maigre espoir que cette tentative de dédramatisation aboutisse sur l’exposition d’une quelconque mauvaise blague de la part du rouquin tomba rapidement à l’eau alors qu’aucun sourire, aucun rire ni aucune parole rassurante ne traversa ses lèvres afin de lui assurer que tout allait bien, qu’elle n’avait rien à craindre. Lou croisait les bras, observait Finn s’exiler à l’opposé de la pièce, mettre de la distance entre eux. L’angoisse entreprit de creuser un trou dans son estomac qu’elle pressait nerveusement. Elle avait conscience d’être la raison pour laquelle Finn avait atterri dans ce lit d’hôpital qu’il mentionnait des mois plus tard et la culpabilité allant de paire avec ce fait s’était ajouté à la longue liste des regrets qu’elle portait en silence et alimentaient une haine sourde envers elle-même et ses mauvais choix. Jamais ne se serait-elle douté que le jeune homme, lui aussi, savait que son sort était le dommage collatéral d’une rivalité ; car il n’y avait aucune autre raison au monde pour qu’il évoque Raelyn, tout comme celle-ci ne pouvait être allée lui rendre visite qu’afin de savourer le fruit de sa mesquinerie. Finn tournait autour du pot et cela était dans l’intérêt de l’australienne. Elle ne pouvait faire tapis de ses secrets de but en blanc sans en savoir plus à propos de cette entrevue avec sa Nemesis, et faire la sotte lui sembla être, à nouveau, une excellente option pour temporiser l’arrivée de l’inévitable. Au fond, peut-être que Finn le faisait exprès afin de lui faire une fleur, lui laisser le temps de réunir ses esprits et ses justifications avant de la confronter frontalement. “C’est une… une collègue d’avant. Avant la pâtisserie et le théâtre. Avant qu’on se connaisse.” Peut-être que Raelyn n’avait rien dit. Peut-être avait-elle rendu visite à Finn dans l’unique but que celui-ci le lui rapporte et que l’information lui fasse peur ou l’agace. C’était encore possible, qu’elle ne lui ait rien dévoilé à propos de son passé, du Club, de Mitchell, de la Ruche. Lou s’y raccrochait, un peu trop elle le savait. Après tout, les membres du Club étaient passés maîtres dans l’art des menaces en l’air. “Pourquoi est-ce qu’elle est venue te voir ? Qu’est-ce qu’elle te voulait ?” demanda la brune en quête d’informations qui lui permettraient de préparer sa propre plaidoirie. Trouver une énième bobard afin de justifier d’où elle connaissait Raelyn et pourquoi celle-ci s’intéressait à Finn était un exercice simple. Evoquer le Club et tout ce qu’avait été sa vie avant leur rencontre à l’hôpital, en revanche, la tétanisait des pieds à la tête.

Il ne se considère pas comme stupide, Finn, il a même l’impression de ne pas être trop mauvais au jeu de cerner les autres ; mais force est de constater que le temps lui a prouvé que de telles certitudes n’avaient pas lieu d’être. Le temps, et surtout les personnes qui ont la chance de se frayer une place dans son cœur, là où les places sont limitées. Sa famille, ses sœurs, maintenant Lou : elles semblent partager un point commun non-négligeable ; le fait de faire du rouquin le dommage collatéral de leurs ambitions. La soif de gloire a été plus forte que la perspective d’une famille soudée, le lancement de la carrière de sa petite sœur valait plus que ses mises en garde à l’égard de leur mère et maintenant c’est le soi-disant business (puisqu’il n’a encore aucune certitude quant à l’existence de celui-ci) de Lou qui néglige ses sentiments. Il tente toujours d’y croire dur comme fer, Finn, que le récit raconté par Raelyn n’est qu’un tissu de mensonges, mais au cours des derniers mois, au cours de sa convalescence, le temps lui a été donné pour réfléchir. De toute évidence, à part refaire le monde dans cet appartement ou s’oublier dans l’alcool au bar du coin, les activités n’ont pas été nombreuses ; pire encore ces deux principales se marient très bien comme il a eu l’occasion de le découvrir au fil des semaines. Boire pour oublier, boire pour réfléchir, surtout, alors que certains éléments qu’il refusait de voir en pleine possession de ses moyens devenaient soudainement plus clairs une fois les barrières de l’inhibition levées et la perspective d’imaginer une telle vérité sans culpabilité autorisée. Et il ne saurait expliquer pourquoi aujourd’hui plutôt qu’un autre, pourquoi le poids de ces questionnements sont devenus trop lourds à supporter au point de nécessiter d’être verbalisés. Il n’y a pas réellement eu d’élément déclencheur et lui-même au réveil ne s’était pas convaincu qu’en fin de journée, il aurait cette conversation repoussée tant de fois auparavant. Il l’ignore et finalement ce n’est pas tant de savoir la raison pour laquelle c’est aujourd’hui qu’il trouve ce courage qui lui a manqué durant des semaines, que de questionner le déni de ses propres valeurs pour être resté aussi longtemps dans le silence. Il n’avait pas non plus prévu d’aller vérifier par lui-même les dires de sa petite amie en se rendant à la salle de répétition, pas plus qu’il avait prévu d’agir de la sorte dès son retour ; mais c’est bien là où ils en sont à cet instant et il n’y a pas de retour arrière qui soit possible. Encore moins face à l’attitude de Lou, aux discours qui lui rappellent amèrement une discussion du même ordre quelques années plus tôt, minauderies et fausse naïveté à l’appui pour cacher les questionnements sous le tapis. « Alors ‘’il faut qu’on parle’’, Lou. » Cette fois-ci, il ne s’agit justement pas de simples questions, mais de vrais mensonges et Finnley ne peut pas se montrer aussi compréhensif qu’il l’a été par le passé, ni même qu’il ne l’est avec ses propres omissions. Parce que cette fois-ci, il ne s’agit pas de jouer avec des valeurs ou sa dignité, mais bien de jouer avec autrui – lui-même, dommage collatéral aux nombreux os brisés et à la lente reconstruction.

Et il ne sait pas exactement sur qui rejeter la faute entre sa petite amie et cette dénommée Raelyn. La première a été à l’origine du désir de vengeance et la seconde à l’origine des coups – bien qu’il ne soit pas assez naïf pour croire qu’elle ait gâché sa manucure pour lui. Probablement qu’il ne le saura pas plus à la fin de la soirée ; ou alors qu’à l’inverse, la colère l’aura tellement emporté que la perdante sera toute désignée. Et il ne quitte pas sa petite amie du regard lorsqu’il prononce ce prénom qu’il a trop longtemps gardé pour lui, espérant y déceler la moindre émotion qui saurait lui donner tort. Il s’en fiche bien de passer pour un imbécile à l’issue de cette conversation, si tant est qu’il est convaincu de sa bonne foi. Mais ce n’est pas le cas et, de plus en plus, la perspective d’être en tort lui semble bien irréelle en vue du silence de la jeune femme et de l’hésitation dont elle fait preuve pour lui offrir des réponses satisfaisantes. Elle ne ment pas, qu’il remarque et cela pourrait lui permettre d’apaiser ses doutes. Mais c’est tout l’inverse qui se produit, alors qu’elle n’en dévoile pas plus ; pire encore, qu’elle devient celle qui pose les questions, tentant de prendre le contrôle de l’échange. « Juste m’expliquer les circonstances de mon agression. » Il souligne, nonchalant, tandis que son regard soutient toujours celui de la petite brune. Et il commence déjà à lui en vouloir, Finn. Parce qu’il aurait tellement voulu qu’elle soit crédible, il aurait tellement voulu qu’elle dénigre les idioties qui sortent de sa bouche, il aurait tellement voulu qu’elle le rassure dans son déni. Mais son attitude hurle le contraire ; et il est forcé d’admettre que, peut-être, peut-être, Raelyn a raison. Et il n’en aura le cœur net qu’en verbalisant les choses et en cessant de tourner autour du pot, mais difficile d’être celui qui accuse en voulant pourtant que les éléments soient mis en avant par la défense. « M’expliquer tes nouvelles activités, surtout. » Il finit par admettre, avant qu’il ne finisse par avancer d’un pas, laissant retomber ses bras le long de son corps, alors qu’y songer lui paraît encore une fois totalement irréaliste. Il s’agit de Lou Aberline, de sa petite amie. Elle ne peut pas être une dealeuse, ou pire, à la tête d’un véritable gang. C’est dans les films, ce genre d’histoire, ça ne peut exister dans la réalité. « Sérieusement, dis-moi qui est cette fille, parce qu’elle a une sacré dent contre toi et... » Il s’interrompt, coupé par un rire nerveux qui s’échappe d’entre ses lèvres. « ...toutes ces choses qu’elle m’a racontées, c’est digne d’un film et je ne veux pas y croire, mais... » Et il essaie de dissimuler cette nervosité qui traduit de cette gifle monumentale qu’il a pris il y a quelques semaines et de tout l’aspect irréel de la situation que lui-même ne comprend pas. « Mais je sais que tu n’étais pas à la répétition et je ne sais plus distinguer le vrai du faux. » Il termine, tandis que son regard se porte sur elle ; s’il te plait, Lou, s’il te plait, soit crédible cette fois, parce que je veux vraiment y croire, j'ai vraiment besoin d'y croire.

► WITCHING HOUR @Finnley Coverdale & LOU ABERLINE I knew there'd be a price to pay Another term, another day And now I hear a knocking at my front door Spitting voices coming to settle the score

La confrontation lui tordait l’estomac. Dans sa boîte crânienne, Lou devinait les rouages et les engrenages de son cerveau tourner à plein régime ; pourtant, si Finn lui avouait tout savoir à propos du Club et de la Ruche, la jeune femme n’avait pas l’ombre d’une idée quant à l’explication qu’elle lui donnerait. Son esprit faisait barrière entre sa réflexion et ce sujet, bloquant entièrement sa capacité à anticiper la suite de la conversation et les réactions de son petit-ami. Pourtant au milieu de la pièce, l’australienne se sentait prise au piège dans un coin, prisonnière dans les cordes. Pourquoi n’avait pas réfléchi à l’éventualité de cette situation plus tôt ? S’était-elle crue hors d’atteinte des soupçons de Finn ? Elle ne mentait même pas au sujet de Raelyn ; faire simplement omission des conditions dans lesquelles elles s’étaient connues lui parut être la meilleure stratégie. Il était certain que la jeune femme avait mentionné une partie de leur passé commun, mais faute de savoir jusqu’où l’information était allée, Lou estima qu’elle ne pouvait risquer d’inventer quoi que ce soit d’entrée de jeu. Ses interrogations visant à préciser les circonstances de la visite de Raelyn à l’hôpital lui permirent de confirmer la conviction qu’elle avait eu depuis le départ au sujet de l’agression dont son petit-ami avait été victime ; le Club était derrière ceci. Et sans nul doute, Raelyn avait pris en main la situation avec grand plaisir. Lou l’avait ridiculisée, elle le lui rendait au centuple. Afin de couronner le tout et savourer les résultats de son oeuvre, elle était allée à la rencontre de Finn à l’hôpital. Bien sûr, elle lui avait tout dit. Tout ce qu’il y avait à dire. Tous les secrets jalousement gardés d’un passé peu reluisant, et d’un présent dangereux. “Mes… nouvelles activités ?” elle reprit, déglutissant difficilement. Le deal, certes, mais à quel point savait-il ? A quel point elle, elle savait ? Si Raelyn s’était penchée sur la marchandise de la Ruche et sa composition, si elle avait fait part de ce détail à Finn, alors Lou savait qu’il ne lui pardonnerait pas. Elle risquait la santé, la vie de milliers de personnes, à leur insu, afin d’écraser le Club. Et parfois cette pensée la tenait éveillée la nuit. Alors comment pourrait-il lui pardonner, en plus des mensonges, de ce milieu, du danger ?

Sans le vouloir, Finn lui offrit la parfaite porte de sortie, et Lou s’engouffra immédiatement dedans. Elle fronça les sourcils, durcit son regard, effaça la culpabilité de son visage de poupée et ravala les larmes d’angoisse de ses paupières peintes. “Comment ça tu sais que je n’étais pas à la répétition ? fit-elle sèchement. Tu me fliques maintenant, Finn ?” Derrière ses froides accusations, son coeur se fêlait. Il s’était sûrement rendu au théâtre pour constater son absence de lui-même. C’était jusque là que ses soupçons l’avaient mené. Il avait manoeuvré dans son dos avant de la confronter. Il avait fait en sorte d’avoir une preuve, un élément à charge afin de l’acculer. Oui, c’était à ce point qu’il avait perdu confiance en elle, et Lou ne pouvait pas l’en blâmer. C’était entièrement sa faute. Elle l’avait poussé à prendre une mesure pareille. La culpabilité pesant sur les épaules la faisait sentir si petite, absorbée par le plancher. Pourtant, ce fut un index furieux que la jeune femme pointa vers Finnley, redirigeant cette colère vis-à-vis d’elle-même droit sur son petit-ami. “Je ne te dois aucune explication. Tout ce qui a eu lieu avant notre relation, ça ne regarde que moi, c’est compris ?” Imaginer le regard de Finn posé sur celle après qu’elle eut été forcée de tout avouer lui brisait le coeur à l’avance. Il lui faudrait évoquer Mitchell, le lien qui les unissait à l’époque, les raisons de leur haine désormais, l’ampleur qu’avait prise la vendetta. Et le souvenir de cette alchimie gâchée, de ses années dans la rue, tout faisait si mal. C’était tant de choses que Lou n’avait jamais vraiment dit à haute voix à qui que ce soit, une partie d’elle qu’elle avait tenté d’enterrer. Elle n’était pas prête à y faire face, pas avec Finn, pas de cette manière. “Je ne viens jamais te demander des comptes quand tu schlingues l’alcool que je sache.” Dent pour dent, la jeune femme donnait un grand coup de pied dans l’objet de la culpabilité de son petit-ami. C’était petit, c’était mesquin, c’était surtout la seule arme qu’elle avait pour répliquer et continuer à gagner du temps. Mais en gagner pour quoi ? “Laisse-moi m’occuper de Raelyn et ne t’avise plus jamais de m’espionner.” siffla-t-elle en s’éloignant. Puis elle fit volte-face et fonça d’un pas pressé jusqu’à la première pièce qu’elle trouva pour s’isoler -la salle de bains. La porte claqua, et immédiatement, Lou plaqua une main sur sa bouche afin d’étouffer les grincements de peine et de douleur qui s’échappaient du fond de la gorge. La peur que Finn ne soit plus dans l’appartement lorsqu’elle se déciderait à sortir serrait tant son estomac qu’elle se plia en deux. Il allait la détester, il allait la rejeter, et cette idée lui était insupportable. Il ne pourrait ni comprendre, ni encaisser, ni accepter l’entièreté de son passé et toutes ses conséquences sur son présent -sur leur présent. Nul n'avait les épaules pour cela.

Durant des semaines, les révélations faites par Raelyn ont tourné dans sa tête. Et durant des semaines, Finnley a gardé le silence malgré ses interrogations. Ce n’est pas tant qu’il souhaitait questionner Lou sur ses « nouvelles activités » qu’il convient de prendre avec des pincettes tant elles lui semblent irréelles. La Lou qu’il connait, celle dont il est tombé amoureux ne peut se rendre coupable de telles atrocités – à vrai dire, peu de personnes pourraient s’en rendre coupable, alors il paraît encore plus hautement improbable que la petite brune devant lui puisse être la cible toute désignée des accusations de Raelyn. Elle est féroce, elle a du caractère, c’est une certitude, il n’est pas non plus sans savoir que leurs visions du monde peuvent être relativement éloignées de par leurs expériences ô combien différentes. Pour autant, dans aucun scénario Lou ne peut être cette personne que la blonde a dépeinte à son chevet, peu importe le passé et les circonstances dans lesquelles il l’a rencontrée. Impossible et impensable. Non, les questions qu’il s’est posé depuis résident plus dans le fait de savoir le véritable lien qui unit les deux jeunes femmes et qui justifierait de faire de lui un dommage de leur rivalité. Et si d’ordinaire le rouquin se veut peu curieux du quotidien des autres, y compris des personnes qui lui sont le plus proche, ce cas de figure change la donne par le fait d’y être directement confronté – et de quelle manière. Peut-être que s’il n’avait pas passé des jours dans un lit d’hôpital et des semaines de repos forcé, il n’aurait pas envisagé un seul instant cette confrontation. Mais son agression demeure inexpliquée, gratuite et pour le rouquin qui aime avoir des explications rationnelles à des situations qui le sont tout autant, cet événement a laissé plus de marques psychologiques que physiques. Il n’a ni obtenu d’explications, autant qu’il n’arrive pas à voir la rationalité de tout ça ; il n’y en a pas. Rien de tout ceci ne semble pouvoir s’expliquer, se justifier et si Lou était un élan de réponses à tout cela, cette chance se doit d’être saisie. Car bien sûr qu’elle n’est pas à la tête d’un gang (rien que le penser lui donne des frissons dans le dos et il s’en veut aussitôt), mais il peut au moins comprendre pourquoi cette Raelyn a décidé de s’en prendre à lui pour toucher à Lou et savoir dans quelle mesure il peut se positionner en tant que soutien auprès de cette dernière, car bien évidemment qu’il se serait rangé de son côté ; son manque d’objectivité était une raison tout à fait valable à cette prise de parti.

La pâleur toute nouvelle de la jeune femme autant que son manque flagrant de réactions à mesure qu’il explique les raisons derrière cette discussion l’oblige à se flageller toujours plus quant au fait d’imaginer, même de façon minime, qu’elle puisse être liée, de près ou de loin, à son état. Il n’est pas imperméable à son malaise, bien sûr qu’il ne peut pas l’être et sa voix se veut légèrement plus adoucie lorsqu’il entreprend d’apporter des précisions à ses accusations. « Le deal, ce que tu... vends, fabriques, j’en sais rien, tout ça. » Qu’il souligne en prenant des pincettes, fuyant même son regard face à ce malaise qui devient également le sien. Et s’il avait tort ? Il n’arrive toujours pas à envisager la perspective que Lou soit une cheffe de gang, mais pour le reste, s’il s’était fait des films concernant cette Raelyn et Lou et que tout ceci prend des proportions déraisonnables alors qu’il existe d’autres explications auxquelles il n’a pas songé ? Et si tout ceci relève d’une méprise dont il est à l’origine ? Tout ceci semble tellement irréel que cela justifierait de ne jamais plus en parler, de présenter ses excuses pour même l’avoir envisagé. Mais Finn n’y arrive pas, ayant besoin que la visite de Raelyn ait un sens et il ne pourra lâcher l’affaire tant qu’il ne trouvera pas celui-ci. Et si Finn s’en voulait il y a encore une poignée de secondes, la réaction de Lou face à ses insécurités est la réponse la plus claire qu’elle puisse lui donner. « C’est la seule chose que tu retiens ? » Son ton à lui-aussi se durcit, non pas face aux accusations qui sont dorénavant retournées contre lui, mais plutôt concernant la manière de le faire. La jeune femme balaie ses questions, ses doutes, simplement pour détourner le sujet ; et croire qu’il est dupe relève d’une moquerie qu’il n’est pas certain d’apprécier. Il aimerait lui dire qu’il n’a pas eu le choix, que ses réponses évasives quant à ses absences, ses journées à rallonge ou simplement le financement de ce nouveau train de vie, l’ont obligé à en trouver par lui-même. Mais il ne le fait pas, Finn, ne voulant pas devenir celui qui se justifie et ne souhaitant pas lui donner la satisfaction d’ignorer le sujet qui la concerne elle et uniquement elle. « Mais ce que tu fais maintenant me concerne un minimum, surtout si c’est susceptible de m’envoyer à l’hôpital. » Il souligne, sa voix qui porte légèrement et qui traduit de sa colère. Aux oubliettes la culpabilité ressentie quelques minutes plus tôt, c’est effectivement la colère qui prédomine pour le jeune homme, touché par le comportement de sa petite amie. Est-ce qu’elle s’en fichait à ce point ? Est-ce que le fait qu’il ait fini à l’hôpital dans un tel état ne vaut pas une seule explication, pas une seule excuse et seulement des accusations quant à son désir de comprendre ? Est-ce que cela justifie de mettre en avant ses propres travers, sans même une once de compréhension, pour être elle-même passée par là ? « Tu veux vraiment jouer à ça, Lou ? » Il questionne, blessé dans son orgueil, la colère qu’il ne retient plus. Ses traits se durcissent autant que sa voix se refroidit et qu’il se permet à son tour de faire preuve d’une mauvaise foi certaine pour se sortir de cette situation indélicate. « C’est tout ce que je vaux, à tes yeux ? Pas une excuse, pas une explication, juste des reproches ? » Et qu’elle n’essaie pas de mettre en évidence que son attitude est la même à son égard ; elle ne s’est pas fait tabasser sans raison, elle n’a pas été laissée pour morte, elle n’en a pas pour des semaines de convalescence. « Je te rassure, ça n’arrivera plus. » Parce qu’au-delà de rester dans le flou, il se rend surtout compte qu’il ne connaît pas beaucoup plus qu’à leur rencontre cette femme qui partage sa vie et que s’il lui a fait une place dans la sienne, de son côté, elle n’en est pas capable. Et le constat est douloureux, perturbant, d’autant plus de prendre conscience que tout ceci était devant ses yeux depuis des semaines et qu’il ne voulait simplement pas voir cette vérité, celle que Raelyn lui a partagée et qui devient concrète alors qu’il se permet de souligner le détail remarqué dès son arrivée, preuve mise de côté pour le moment où elle tenterait de s’innocenter. « Profite-en pour nettoyer le sang sur tes chaussures. » Qu’il lui crie avant que la porte de la salle de bain ne se referme. Et bientôt, chien en laisse et sac de fortune sur le dos, c’est celle de l’entrée qu’il claque à son tour.