À la base, c'était juste un café. Un café qui devait sauver tes yeux fatigués de cette nuit dans ce lit froid où tu as mal dormi, qui devait faire cesser ces bâillement qui se répète sans cesse depuis que tu es debout. Le problème est venue quand tu as déroulé sans intérêt les nouvelles de la journée, quand l'image s'est arrêté sur la photo de Ivy et Jack, quand les gros titres supposaient une grossesse. C'est que les nouvelles courent vite, alors que la veille tu assistais à cette merveilleuse comédie. C'est pas vrai tout ça. C'est n'importe quoi. Au fond de toi, tu le sais. Ça ne t'empêche pas d'avoir soudainement la nausée, et encore moins de transformer ce café en café-cognac. Une grossesse, le pire fake-news qu'ils pouvaient lancer. Il avait promis que ce serait simple, Jack. Ce n'est pas simple. Pourquoi tout est compliqué depuis que le divorce est entamé ? Ce ne devrait pas plutôt être le contraire ?

Tu souffles doucement lorsque les coups se font entendre à la porte d'entrée. Tu n'as pas envie d'ouvrir. Tu n'as pas envie d'affronter la suite. Tu le sais déjà que c'est lui - ou tu l'espère peut-être ? Malgré tout, tu vas l'ouvrir cette porte qui laisse place à tes traits fatigués, épuisés et aux siens qui ne semble pas mieux. « Tu as la tête de quelqu'un qui n'a pas dormi depuis des jours. » que tu lui dit en venant appuyer ta tête sur la porte. Oh, si seulement tu savais vraiment ce qui le tient éveillé toutes les nuits. Si seulement tu savais à quel point il s'enfonce et à quel point tu es idiote de ne rien voir, aveuglé par tes propres problèmes, aveuglé par ce désir que ce soit parfait avec lui. « Tu en as mis du temps » Parce que ne pas t'avoir rejoint à la seconde où tu les as vu, c'est avoir mis trop de temps. Tu les attends les excuses que tu n'es même pas certaine de vouloir entendre, les explications qui, tu es convaincu, ne te plaîront pas. Il est là pour ça, non ?

« Tu as eu ce que tu voulais au moins ? » que tu lui demandes sans trop savoir si ce qu'il voulait était de faire passer la Waterhouse pour enceinte de lui ou s'il était là pour l'argent. Tu sais reconnaître une soirée quand les grosses têtes sont là pour signer des chèques. Et ce n'est certainement pas Jack qui était là pour en signer. Qu'importe la raison, tu ne la comprend pas. C'est pas lui de courir après de l'argent. C'est pas lui de faire semblant. Peut-être que tu ne le connais pas aussi bien que tu le pensais au finale.

Dis-moi que rien de tout ça n'est vrai, Jack.
Dis-moi qu'elle n'est rien.

@jack epstein

Elle est partie bien avant qu'il puisse dire ou faire quoi que ce soit ; sera la version qu'il continuera de se répéter encore et encore, jusqu'à y croire parfaitement. La vérité, c'est qu'il aurait pu arrêter de croire pouvoir maîtriser son portable et lui envoyer des messages de merde entrecoupés. La vérité c'est qu'il aurait pu trouver une bien meilleure façon de la contacter, qu'il aurait dû même se demander quelle information elle aurait besoin de savoir avant de simplement se contenter d'un "je vais t'expliquer". La vérité, c'est qu'il aurait dû être sur son palier bien avant et surtout, la vérité c'est qu'il aurait dû quitter la soirée pour la retrouver à l'instant.

Mais non bien sûr que non.
Elle est partie bien avant qu'il puisse dire ou faire quoi que ce soit.
N'est-ce pas, Jack?

« Tu as la tête de quelqu'un qui n'a pas dormi depuis des jours. »
« Tu en as mis du temps »
« Tu as eu ce que tu voulais au moins ? »
« T'es belle au naturel. »

Il a la dégaine facile Jack, parce que la vérité c'est qu'il s'ennuie. Férocement. Il s'ennuie du Canada et des solos de ukulele improvisés, il s'ennuie des nuits dans le jardin à lui chuchoter à l'oreille qu'il a vu des bestioles dégueulasses se faufiler entre les draps. Il s'ennuie d'eux et il s'ennuie d'elle. Mais évidemment que c'est pas assez ; ça l'est jamais, et il ne l'est jamais non plus.

Une voiture passe derrière lui, deux autres. Ils sont là à se regarder en chiens de faïence, il n'a conscience de rien d'autre Epstein. Elle, appuyée dans l'embrasure de la porte, lui à taper le porche du bout de ses espadrilles de gamin agencées à son corps de vieil idiot. La dernière fois où ils se sont vus, il était pété et défoncé, autant par la drogue que par les coups qu'il avait donnés autant qu'il les avait cherchés.

« Tu veux qu'on aille marcher? » entrer rime avec Saül et entrer rime avec sa vie à elle qu'il a chamboulée presque autant qu'il se réjouit qu'elle ait chamboulé la sienne à lui aussi, de vie.

« T'es belle au naturel. »
« Change pas de sujet. »

Parce qu'il n'a aucun compliment qui te fera décrocher un sourire attendrit, aucune blague douteuse qui t'arrachera un rire, aucun contact qui ne te donnera envie d'aller nicher le bout de ton nez contre sa nuque. Le sujet d'Ivy ne peut pas être évité cette fois-ci. Pas quand il décide de l'afficher au grand jour avec elle, alors que toi, tu es encore un secret pour tout le monde. Et il est lourd le silence qui s'installe entre vous deux. Il est lourd et il fait mal. Il devrait pas pourtant, parce que c'était prévisible que ça se terminerait un jour ou l'autre. Parce que tu n'as rien à faire avec quelqu'un comme lui. Tout comme il n'a rien à faire avec quelqu'un comme toi. Elle fait mal la réalité quand elle rattrape. « Tu veux qu'on aille marcher? » « Okay .. » La porte que tu relâches juste avant de venir attraper une veste que tu glisses sur tes épaules.

Le vent glacial frappe de plein fouet dès que tu mets un pied à l'extérieur - ou c'est l'ambiance qui est glaciale c'est pas trop claire. Elle semble si loin l'époque où sa simple présence embrasait ton corps tout entier. Il te manque soudainement l'horrible Canada pluvieux. L'envie d'y repartir te prend pendant une seconde.

Tu viens enfouir les mains dans tes poches pour éviter qu'elles se faufilent ailleurs, les traîtresses qui n'ont qu'une envie; celle d'aller voler la chaleur du Canadien. Il y a une panoplie de mots qui se bousculent dans ta tête sans vraiment savoir lesquels utiliser. Tu veux juste savoir, tout comme tu ne veux pas savoir. La peur que la vérité détruise tout te tiraille de l'intérieur. « Tu t'es déjà demandé ce que tu désirais pour plus tard ? » Plus tard, dans un avenir rapproché. Lui, il a sa place dans ce futur que tu idéalise. Mais toi ? Tu fais partie du sien ? Dure d'y répondre, parce qu'en même temps que tu penses à la possible vie à deux que vous pourriez avoir, lui il s'invente une nouvelle vie avec une autre femme. Alors non, à première vue, tu n'en fais pas partie.

Elle accepte et là, juste là, c'est un peu comme une victoire pour lui. Il se contente de peu Jack, absolument convaincu qu'elle n'aurait jamais même voulu en entendre parler tant il a mis du temps avant d'apparaître sur le pas de sa porte. Il l'aurait cherché presque, le gars qui laisse la vie couler, le gars qui ne prend jamais action, laisse les décisions être prises à sa place. Il l'a fait déjà à quelques reprises avec elle ; avec Ivy, aussi. Mais le voilà nourri d'une envie qui bouscule, celle de secouer sa vie et sa carrière, tenter vraiment d'être autre chose qu'un rocher immuable. Mais il n'a pas l'étoffe d'aller vite et fort, il prend son temps, le prendra éternellement.

« Tu t'es déjà demandé ce que tu désirais pour plus tard ? »  d'ailleurs, le temps, il file. Entre ses doigts à lui qui cherchaient la proximité d'Elise, mais desquels ses doigts à elle se sont dérobés dès lors qu'elle les cache dans sa veste au fil de la brise qui remonte pour mieux refroidir leurs joues. « À chaque fois que je le fais je finis déçu. » il n'a jamais été aussi honnête qu'il l'est avec la brune, ironiquement. Il ne parle pas de ces choses-là comme il parle peu tout court, Epstein. À croire qu'elle vient chercher un nerf, un angle, un fond là où il se sent assez en confiance pour lui partager sans la moindre évidence pour lui quand le monde entier n'en est que plus surpris.

« J'ai pas appris à faire des plans, ou à penser au futur. » il a envie de s'allumer une clope comme jamais, l'associe à ses rechutes de plus en plus nombreuses en la gardant au fond de son paquet, lui-même au fond de sa veste. Pas avec elle. Pas depuis la dernière fois. « Toi? Tu y penses? » à ses mots s'ajoutent sa tête qu'il détourne vers elle, gamin dans un corps qui a tout vu, s'arrimant à ce qu'elle aurait bien à dire sur le sujet. Si elle le considère ; peut-être qu'il le considèrera lui aussi? « À ce qui va se passer, après ça. » oh qu'il joue avec le feu le musicien, quand du menton il pointe son bras gauche à elle, celui cachant l'une de ses mains, l'annulaire dépouillé d'alliance depuis un moment déjà.

« À chaque fois que je le fais je finis déçu. » Il se brise encore plus ton petit coeur à l'instant même. Alors, il a été déçu trop souvent. Il a appris à ne pas avoir d'attente dans la vie, parce que ça fait moins mal quand ça n'arrive pas comme prévu. Elle est là la différence quand toi, tu as toujours eu ce que tu voulais quand tu le voulais, gamine capricieuse que tu pouvais être. « J'ai pas appris à faire des plans, ou à penser au futur. » Mais il aurait quand même dû y réfléchir. Vous n'en seriez pas là s'il penserait au futur, à ce qu'il veut vraiment, et qu'il agirait en conséquence pour l'obtenir. Comment veut-il que tu saches, que tu comprennes ce qu'il veut, s'il ne le sait même pas lui même ?

« Toi? Tu y penses? À ce qui va se passer, après ça. » Après ça. Après le divorce. Tu tournes la tête vers Jack en même temps qu'il fait pareil. Il est beau là, à cet seconde près, dans toute sa vulnérabilité. « Oui. » Tu y penses sans arrêt, mais en même temps, tu n'en a pas réellement le choix. C'est un livre tout entier qui va se fermer quand le divorce sera prononcé. C'est une nouvelle vie que tu dois te reconstruire. Et tu sais ce que tu veux pour la suite. Et tu sais surtout ce que tu ne veux pas. « J'ai cru qu'on ferait des plans ensemble. » Tu y a vraiment cru. Parce que c'était tout simplement insensé d'avoir tout investi - tout détruit - pour que ça ne mène nul part. Il pouvait pas détruire une amitié si précieuse pour rien. Non ? « Mais tu en as publiquement avec une autre alors... ouais, tu as raison. C'est décevant d'y penser. » Il fait mal le doux sourire qui se glisse sur tes lèvres, celui qui se brise en même temps que ton regard fuit le sien. Tu le vois déjà venir avec ses explications qui ne suffiront pas, avec ses excuses qui ne passeront pas non plus. Il a prit le mauvais chemin Jack s'il désirait que ça fonctionne entre vous deux. S'il voulait que tu ne sois que de passage, c'est très réussi. Tu es passée et c'est terminé.

Elise y pense. Il n'aurait jamais cru, et certainement pas à lui dans l'équation. Elle pense à l'après, elle pense à la suite, elle pense à ce qui viendra et au-delà de tout ça, elle pense à lui faire un place lui qui a passé sa vie à s'effacer au profit des autres, de prendre ce qu'on lui donne avant de tirer sa révérence lorsqu'on ne veut plus de lui.

« J'ai cru qu'on ferait des plans ensemble. » sa voix se casse, au même titre que leurs pas ralentissent. Ils gardent tout de même un quelconque rythme, dans les rues d'un quartier où les immenses villas se ressemblent toutes aux yeux du musiciens qui a grandi dans un monde bien moins tapant, qui a toujours fait avec les moyens du bord. Elle a réalisé qu'il n'y a rien de tout ça qu'il puisse lui offrir et voilà où ils en sont. Elle a capté que Jack ne pourrait jamais la suivre dans ses excès et elle n'en voulait plus, du boulet au pied. Il l'a distraite pendant un temps, lui a sûrement été d'un support pendant un moment, mais désormais elle tourne la page au même titre qu'elle signe son divorce. « Mais tu en as publiquement avec une autre alors... ouais, tu as raison. C'est décevant d'y penser. »

Alors on y est, à ça. À la soirée où elle s'était envolée avant même qu'il puisse lui parler. À la raison pour laquelle il s'est retrouvé sur son pallier il y a une poignée de minutes déjà, lui qui oubliait le plus volontairement du monde la discussion qu'ils devaient avoir à deux, qui urgeait au point où il a tout abandonné ce matin pour se poster sur son palier. « Le label est à un mois, maximum deux de faire faillite. » qu'il souffle, son paquet de clopes toujours fidèle entre ses doigts, lui qui les occupe avant d'en glisser une entre ses lèvres. La première bouffée qu'il prendra en détournant sa tête de celle d'Elise, crachant la fumée en sens inverse à elle. « Elle m'aide à lui refaire un nom. » jamais il ne dira à quoi il l'aide lui, par contre, jamais il ne parlera de son secret à elle quand rien que mentionner son secret à lui est déjà assez douloureux. Son bébé, son business, sa vie qui lui glisse entre les doigts parce qu'il a tout laissé faire, bohème sans esprit cartésien. « On bosse ensemble. » et donc, elle est là pour rester.

« Le label est à un mois, maximum deux de faire faillite. » En voilà une discussion que tu ne penserais jamais avoir. Pas avec quelqu'un qui partage ta vie comme lui le fait. Une preuve de plus que vous n'avez rien à faire ensemble. Lui, à deux doigts de la faillite. Toi, qui dépense excessivement juste pour calmer tes nerfs. Tu l'es désolée, vraiment, de ce qu'il traverse, mais tu ne peux quand même pas t'empêcher d'être déçu de la manière dont il te l'apporte. Déçu de ne pas avoir été la première à qui il aurait eu envie de se confier. Déçu qu'il attende d'être surpris la main dans le sac avant de te parler. Ça ne sert à rien de lui demander pourquoi. Tu l'a connais déjà la réponse; tu en as déjà assez à gérer, il n'a pas voulu t'encombrer de ces problèmes à lui. S'il savait qu'il passe bien avant tout le reste...

« Elle m'aide à lui refaire un nom. On bosse ensemble. » Et ça, ça fait encore plus mal qu'il l'ait choisis elle plutôt que toi pour se confier. Qu'il ait cru qu'elle pouvait mieux l'aider que tu ne le peux. « C'est sûr que de savoir que tu as mis en cloque Ivy Waterhouse ça va donner envie à tout le monde de signer avec toi. » Et tu n'y comprendra assurément rien à leur technique de merde pour faire du fric. Tu l'acceptera encore moins. Et c'est tellement pas une bonne idée ce qu'ils sont en train de manigancer. C'est pas juste ton côté jalouse qui parle là. C'est vraiment pas une bonne idée. Il n'a pas encore compris qu'il vaut mieux être dans les bonnes grâces des bonnes personnes dans ce monde là. S'attirer les foudres du paternel Waterhouse, pas une bonne idée. Ce sera une semaine qui lui restera à son label et pas deux mois.

« Je peux encaisser beaucoup de choses Jack » Encore plus qu'il ne pourra jamais se l'imaginer. « Mais tout ça, je peux pas. » Tout ça, les mensonges et les secrets. Pas quand tu n'en fais pas partie. Il est tout simplement hors de question que tu sois spectatrice de ce couple - ce désastre oui - au même titre que tout le monde. Tu ne seras certainement pas dans l'ombre de Ivy. Ça lui ferait beaucoup trop plaisir.

À voir l'air impassible qu'elle garde en place sur son visage, c'est impossible qu'il comprenne de suite. Lui, l'aveugle de service, lui qui ne remarque rien et surtout pas le plus évident. Elle aurait voulu savoir plus tôt. Elle aurait voulu qu'il la mette dans le secret, elle aurait souhaité qu'il ne se laisse pas avoir par son égo une seule et unique fois dans sa vie, étonnamment trop fier pour avouer ses torts de but en blanc. Jack, il voulait être bon pour elle, il ne voulait pas être une cause de plus de complications. Il lui avait promis, pourtant, que tout serait simple avec lui. L'avait statué en toutes lettres. L'évidence serait bancale, si au final s'il s'attardait à faire leur rétrospective, Il y verrait qu'il n'a été qu'épine à son pied depuis le début.

« C'est sûr que de savoir que tu as mis en cloque Ivy Waterhouse ça va donner envie à tout le monde de signer avec toi. » « Elle est pas enceinte. » qu'il répond, les mots aussi doucement articulés que le sera l'expiration de sa clope qu'il prend comme une conclusion, encore une. Pourquoi est-ce que toute cette conversation sonne comme la fin de quelque chose? Comme un au revoir inachevé? Parce que c'est sûrement le cas.

Une seconde passe et une infinité d'autres. Il est loin, le silence confortable dans lequel ils se complaisaient tous les deux au-delà les problèmes. Quand elle se lovait dans ses bras et qu'il ne faisait que composer des mélodies inventées sur le moment le long des parcelles d'épiderme qu'elle s'autorisait à lui dévoiler. « Je peux encaisser beaucoup de choses Jack » il est loin, le coco de confort dans lequel ils étaient bien, loin du reste du monde. Le reste du monde les a rattrapés donc. S'il avait pu être égoïste et repousser encore un peu plus leur échéance, il l'aurait fait Jack. Sans la moindre hésitation. « Mais tout ça, je peux pas. »

Il hoche de la tête, quel imbécile. Il encaisse aussi, surtout. « Est-ce que ça veut dire que c'est terminé? » ironiquement, il n'avait même pas réalisé que leurs pas étaient désormais revenus sur leur chemin, faisant le trajet inverse sans la moindre impression de l'avoir choisi. Avant maintenant.

« Elle est pas enceinte. »
« Qu'est-ce que ça change ? »

Et il semble bien loin ton sang froid des dernières minutes. Elle est ironique la vie quand, lui, le musicien qui gagne sa vie pour mettre des mots et des émotions sur papier est complètement nul pour le faire à voix haute. Tu y a goûté une fois à Charleville et tu y regoûtes là maintenant quand jamais il ne saurait trouver les bons mots qui ne sont pourtant pas si compliqué à trouver. Il a dit qu'il ferait tout pour que les choses soient faciles. Quel joli mensonge quand il ne fait que tout compliquer.

« Est-ce que ça veut dire que c'est terminé? » Ta gorge se noue sous ses paroles. Oh que ça fait mal. Encore plus que tu n'aurais plus l'imaginer. La revoilà de retour, la maison du malheur qui repointe le bout de son nez. La même qui trône de sa pancarte à vendre, celle dont le vendu prendra toute la place sous peu, le temps que Saül arrête de faire chier et vienne finaliser la vente de sa merveilleuse signature. Tu ne sais même pas où tu iras après tant tu te fiais sur les plans à deux.

Ta main sors finalement de sa cachette pour aller voler la sienne, pour l'arrêter dans cette marche qui vous mène tout droit vers la fin de quelque chose qui n'a jamais réellement débuté. Tu y étais pourtant si confortable dans cet espace temps qui vous appartenait à tous les deux, qui n'était autorisée à personne d'autre. Mais c'est terminé. Et il te laisse partir. Tes bras viennent s'enrouler autour de sa nuque pour une dernière fois, le bout de ton nez y trouvant un douloureux réconfort. Le je t'aime qui se bouscule derrière tes lèvres sans jamais en trouver la sortie. « Ça n'aurait jamais dû commencer. » Et c'est ça la triste vérité. Vous n'avez pas assez attendu. Vous n'avez pas fait les choses dans le bon ordre. C'est pas votre tour. Pas encore. Peut-être dans dix ans.

« Bonne chance. Avec le label. » que tu ajoutes par la suite en te détachant difficilement de lui. Un dernier baiser qui se termine encore plus abruptement qu'il a commencé, alors que tu lui tournes dos, emboîtant les derniers pas qui te ramène jusqu'à chez toi, là où tu t'écroulera à la seconde où la porte se refermera derrière toi. Tu pourras ajouter peine d'amour au registre de tes malheurs.

« Ça n'aurait jamais dû commencer. » comment ses mots peuvent-ils être aussi durs quand ses gestes sont aussi doux? Elle commence par sa main, d'abord, ses doigts à elle, aussi délicats qu'assassins amenant avec eux des dizaines d'infinités d'étincelles chatouillant autant qu'elles brûlent ses terminaisons nerveuses à lui. Elle s'égare le long de son bras, remonte jusqu'à sa nuque, alors que le même manège lui brise le coeur une seconde et le recolle la suivante. Ses paumes à elle sont glacées, sa peau à lui est bouillante. Le contraste qui d'habitude le faisait sourire aujourd'hui l'énerve, l'horripile. Elle est loin, la dernière ligne qu'il a sniffée. Elle lui apparaît inatteignable, la neige qu'il aimerait inspirer pour chasser le reste de ce qu'elle pourrait bien dire. Lâche petit drogué qui se raccroche à une béquille à défaut d'être incapable de se raccrocher à lui-même.

Elle l'embrasse, aussi. Ça veut dire que c'est terminé et ça n'aurait jamais dû commencer et ses lèvres sont aussi douces qu'agressantes. Il ne se dérobe pas Jack, quand pourtant ce n'est que ce qu'il voudrait, en surface du moins. Son corps en entier est bloqué, le lâche qui aurait autant envie de rester que de reculer. Elle lui fait mal mais il lui a fait pire, et à l'entendre et à la voir, il sait que ce n'est pas qu'une page qu'on tourne en attendant la suite. Le chapitre en entier est conclus, le livre avec. Elle était belle, leur mélodie. Probablement parce qu'elle était isolée dans le temps, aussi éphémère que le sera son parfum qu'il inspire probablement pour une dernière et ultime fois.

« Bonne chance. Avec le label. »
« Attends. »

Mais elle n'attend pas.
Pourquoi est-ce qu'elle attendrait de toute façon?
Elle attendrait quoi?

Le label qui a bon dos, son dos à elle, d'ailleurs, qu'il voit se tourner pour qu'Elise puisse enfin se libérer de ce qui devait n'être qu'un boulet de plus. Elle a la vie devant elle, alliance ou non au doigt. Et Jack, il n'était que de passage, il n'était là qu'à titre de comète. Aujourd'hui et hier, mais certainement pas demain.