crush the truth, turn it to dust.

@LILY MCGRATH & RORY

Nouvelle semaine à l’hôpital, au sein de cette association que Rory avait rejoint quelques semaines plus tôt et où il prenait ses marques avec plus de facilité qu'il ne l'aurait cru. Le temps que lui avait accordé Jessian lors de son intégration y était pour beaucoup, il le savait, tout comme la clémence dont une partie de l'équipe avait fait preuve avec lui malgré son profil légèrement atypique. Ici, et pour la première fois depuis plusieurs mois, il ne se sentait pas obligé de faire profil bas ou d’intérioriser la joie qu'il éprouvait d'être simplement ici, entouré de ces enfants et de ces bénévoles qui tous donnaient de leur temps pour rendre leur séjour à l’hôpital un peu moins difficile. Rory n'aurait jamais pensé un jour se retrouver à cette place, peut être parce qu'il n'avait jamais trop osé montrer à quel point ce genre de causes pouvaient aussi le toucher, mais ça voulait véritablement dire quelque chose d'être ici. A vrai dire, ça lui ferait certains jours presque regretter de s'être laissé convaincre de rejoindre l'association sous un prétexte peu charitable, du moins au départ. Aujourd'hui il n'était plus question de redorer son image ou de faire oublier ses écarts parce que viendrait forcément un moment où toute cette affaire finirait par se tasser d'elle-même, mais aussi de prendre son rôle à cœur et d'apporter un peu de joie à ceux qui en avaient incontestablement bien plus besoin que lui. Pourtant, c'est vrai, une partie de Rory se nourrissait aussi directement de tout ce que ces enfants leur offraient en retour. Peut être parce qu'il n'avait pas grand chose d'autre à quoi se raccrocher, ces derniers temps, et qu'en dehors de quelques personnes toujours présentes pour lui le brun n'était pas non plus la personne la plus entourée qui soit lorsqu'on y regardait de plus près. Il se contentait à vrai dire de ceux qui restaient à ses cotés et voulaient son bien, lui qui trop souvent s'était attaché en vain ou l'avait payé au prix d'une forte souffrance.

Aujourd'hui, l'ensemble des bénévoles fraîchement arrivés dans l'association et ayant parallèlement suivi leur propre parcours d'intégration avaient l'occasion de répéter ensemble et de faire connaissance les uns avec les autres. Ne pas être le seul à avoir récemment rejoint les rangs du Royaume Enchanté lui rendait les choses un peu plus faciles et Rory pouvait plus facilement se fondre au groupe. Une aubaine pour lui qui avait précisément besoin d'appartenir à nouveau à un ensemble, un « tout » au sein duquel il aurait l'impression de se rendre vraiment utile. Profitant d'une pause pour se désaltérer pendant que certains peaufinaient les différents numéros qu'ils présenteraient aux enfants, Rory glissa aux cotés de la brune qui incarnerait Blanche Neige, et avec qui il ne lui semblait pas avoir encore vraiment eu l'occasion de discuter. Lily, lui semblait-il. « J'ai pas eu l'occasion de me présenter tout à l'heure. » Il s'annonça en attendant d'avoir capté son attention pour tendre une main vers elle. « Rory. » Bien qu'ici on le connaisse plus communément sous le nom de Flynn Rider. Et à moins d'en venir à sympathiser tous les deux c'était aussi l'identité sous laquelle elle aurait au départ le plus souvent à faire à lui, ne serait-ce que parce qu'une fois devant les enfants il leur faudrait rester dans leur rôle et créer l'illusion. Et ça, Rory savait faire. Camper des personnages, se muer en quelqu'un d'autre, il le faisait depuis des années quoi que dans des contextes souvent très différents de celui-ci. Il n'avait pour ainsi dire jamais joué exclusivement pour un public jeune, et ça rendait cette expériences enrichissante à plus d'un titre. « Je viens d'arriver moi aussi mais je connais déjà deux-trois trucs sur l'emplacement de toutes les machines à café de l'étage ou sur les chansons que les enfants préfèrent entendre, si jamais. » Il proposa dans un léger sourire engageant. C'était sa manière de se montrer accueillant, et parce qu'en tant que nouveaux ils pouvaient probablement s'entre-aider et se filer quelques astuces quand ils en avaient. Pour prendre plus facilement leurs marques et donc pour le bien de la cause qui les unissait ici.

Le Royaume Enchanté est un monde merveilleux - littéralement - dans lequel Lily peut se sentir parfaitement à sa place, chose qui n’était pas arrivée depuis bien longtemps. Ici ils jouent tous un rôle pour devenir un personnage qui ne connaît rien de mal dans sa vie et à qui tout lui sourit toujours, une fois les premières épreuves passées. Elle joue donc le rôle qu’elle aurait voulu pouvoir ramener à sa propre vie mais à défaut d’y arriver, ce sont de ses plus beaux sourires d’apparence qu’elle se pare pour rencontrer les enfants. Ce sont eux qui lui donnent finalement le plus de force, surtout depuis qu’elle a cru être enceinte il y a quelques mois de cela à peine et qu’aujourd’hui son mariage vole en éclats - et qui dit absence de mariage dit absence d’enfant, cela va de soi. Entre les murs de l’hôpital elle est Lily, la nouvelle de pédiatrie et entre les murs plus restreints encore de la salle de répétition elle devient Blanche Neige, une héroïne un peu stupide parmi tant d’autres mais fort heureusement bien belle. Son monde vole en éclat alors elle utilise tout son temps et toutes ses forces pour paradoxalement s’occuper de réparer celui des autres et des plus jeunes avant tout.

La jeune femme a longuement hésité avant de décider de rejoindre l’association et notamment parce qu’elle était déjà occupée dans l’Association Beauregard. Cette dernière est pourtant étroitement liée à Ezra - le nom de famille commun, vraiment, cela n’aide pas - et à Ginny, c’est à dire la soeur de son mari. Mari qu’elle a trompé, donc. Autant dire que tant de coïncidences et autres répétitions variées ne l’aident pas à parfaire son rôle de petite menteuse et, restant toujours égale à elle même, la brune préfère fuir plutôt que de faire face au problème. Le Royaume Enchanté est devenu son refuge et cela prendra le temps nécessaire avant qu’elle n’ose de nouveau s’engager dans sa première association. Pour l’heure, c’est en passant un peu plus encore de son temps auprès des plus jeunes qu’elle se sent mieux respirer. Ce n’est qu’en leur présence qu’elle n’a pas à jouer aucun rôle et ils sont les seuls avec qui elle se sent parfaitement à l’aise et elle même.

Puisqu’elle reste quelqu’un de sociable, elle ressent aussi le besoin de se lier un peu plus aux autres membres et se fondre dans la masse, raison pour laquelle il lui a semblé tout naturel de rejoindre la petite réunion organisée du jour. Elle a de bonnes intentions, elle le jure, mais c’est sans doute bien ça son problème principal, au final. « J'ai pas eu l'occasion de me présenter tout à l'heure. » La voilà déjà qui tique, Lily. Il ne s’est pas présenté mais elle n’est pas venue le voir non plus. Beaucoup agissent comme si de rien n’était et elle ne s’est pas si c’est parce qu’ils sont lâches ou simplement stupides mais elle elle sait. Elle connaît son nom comme elle connaît son visage et ses misérables exploits de comédie réalisés à l’écran - être quelqu’un d’autre, elle sait le faire elle aussi. La main de l’australien reste pendue dans le vide alors que le sourire de l’infirmière s’efface doucement, ses yeux bleus ne quittant pas un seul instant les siens. « Rory. » La seule raison pour laquelle ses lèvres s’étirent à peine, c’est parce qu’elle trouve le tout cocasse qu’il ne se soit pas présenté de la même manière que tous les journaux du pays titraient ses derniers exploits. L’enfant du pays dans la tourmente aurait déjà été un bon début. “Je sais.” Ce devrait être le moment où elle se présente à son tour mais elle n’a nullement envie qu’un tel individu apprenne son nom. Qui sait ce qu’il pourrait faire avec une telle information en sa possession ? Le reste du monde lui a pardonné trop vite, si vous voulez son avis et ce qu’il y a de bien avec Lily c’est que elle, elle ne pardonne jamais. A personne, en témoignera son frère et ses amis les plus proches.

Blanche Neige n’a pas de super pouvoir et c’est bien dommage, mais au moins Lily a l’incroyable capacité de se montrer aussi horrible que toutes les marâtres du petit écran. « Je viens d'arriver moi aussi mais je connais déjà deux-trois trucs sur l'emplacement de toutes les machines à café de l'étage ou sur les chansons que les enfants préfèrent entendre, si jamais. » Il essaye et elle se dit qu’il est mignon. Elle se dit qu’avec ses yeux bleus et ses fossettes d’adolescent, il peut avoir qui il veut. Elle se dit qu’il doit en profiter, bien sûr, quoi d’autre ? Il doit dire qu’il est acteur, il doit dire qu’en tapant son nom sur google, on y verra toute sa vie retracé au fil des interviews. Il doit avoir un speech préconçu, lequel il ne change que pour placer des compliments adaptés à la personne qu’il a en face. Elle se dit qu’il doit être bon dans ce rôle comme il l’est dans tous les autres, parce que même si ça la tue de se l’avouer : oui, il est doué. Ce ne sont en rien des choses qui ont une quelconque importance pour elle, pas alors qu’elle esquisse un rire froid et sans vie. “T’as déjà repéré les issues de secours aussi ?” Bras croisés, elle n’est en rien intimidée par le fait qu’il fasse une tête de plus qu’elle. “Tu sais, quand t’auras encore attaqué quelqu’un. Pour fuir la sécurité, tout ça tout ça.” Ses yeux passent d’une de ses pupilles à une autre, prête à interpréter la moindre de ses réactions à sa guise pour la faire aller en son sens. Quoi qu’il fasse, quoi qu’il dise, elle l’a déjà condamné. “Je sais pas comment t’as pu rentrer ici avec des histoires comme ça, mais tu dois vraiment avoir de très bons amis.” Ça ressemblait presque à un compliment, non ? “Sache que ça ne sera jamais mon cas, par contre, et que si un jour il se passe la moindre chose, c’est à la police que tu devras t’expliquer.” Au delà de tous ses principes qu’il semble bafouer, c’est bien plus pour les enfants qu’elle s’inquiète. S’il s’en est déjà pris à un homme, qu’est ce qui pourra l’empêcher de faire pareil avec de petits êtres sans défense ?

 

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Moins d'un mois qu'il était ici, qu'il donnait de son temps et de son énergie à cette association, et déjà Rory avait le sentiment que cet engagement lui faisait un certain bien. Il faudrait plus qu'un peu de bénévolat pour corriger le regard qu'il posait sur lui-même et ça n'était pas non plus ce qui lui permettrait de faire à nouveau ce qu'il aimait sans plus se demander de quoi l'avenir serait fait, mais c'était un début. Et un but, quelque chose qui le motivait certains matins à quitter son lit ou lui donnait la motivation nécessaire pour continuer à travailler sur lui et sur l'image qu'il voulait dorénavant renvoyer. Le fait de compter des personnes comme Jessian ou Ava au sein de l'association était une autre des raisons qui le faisaient s'y sentir à sa place depuis quelques semaines, comme une sorte de deuxième famille où les gens s'acceptaient et aspiraient à offrir un peu d'eux-mêmes à ceux qui en avaient besoin pour rêver. Son père jugeait l'initiative naïve tandis que sa mère s'inquiétait de le voir se raccrocher à quelque chose qui pourrait très bien cesser du jour au lendemain et lui causer un autre crève-cœur – toujours très optimiste sur les chances pour que les choses se passent au mieux. Mais Rory n'avait que faire de leur avis, s'il les avait écoutés quelques années plus tôt il se serait certes évité les tourments qu'il traversait depuis des mois mais serait aussi et surtout passé à coté de ce qui avait redonné un sens à sa vie. Être ici, c'était comme maintenir ce lien entre la comédie et lui, quand bien même il n'était ni payé ni filmé pour le faire. C'était peut être ce dont il avait besoin, renouer avec l'essence de ce qui lui plaisait dans le fait d'être acteur, avec en prime l'impression d'apporter quelque chose autour de lui. C'est pour ça que chaque nouvelle tête l'incitait à vouloir se montrer aussi accueillant qu'on l'avait été avec lui à son arrivée, pour que quoi que soient venus trouver ici ceux qui rejoignaient leurs rangs, ils puissent aussi espérer le trouver. Il ne s'expliqua donc pas vraiment que la nouvelle arrivante paraisse si peu encline à répondre et serrer sa main en retour lorsqu'il s'avança vers elle pour se présenter. Tout ce qu'il voulait c'était se montrer sympa, pas envahir son espace vital ni lui laisser penser qu'il venait avec une idée derrière la tête, et cette méfiance dégagée par le regard bleu de la jeune femme le désarçonna légèrement. Ils n'étaient pas obligés de faire ça, copiner comme on le ferait dans une bande pour que les moments qu'ils passeraient ici soient les plus agréables possibles. Ils n'étaient pas non plus obligés de s'apprécier, convenir d'aller manger un bout ensemble à l'occasion ou se raconter leurs vies. Ils n'étaient même pas obligés d'échanger plus que quelques banalités, si elle n'était pas du genre loquace ou préférait se concentrer sur la raison de sa présence ici. Mais pourquoi ce mépris tout juste déguisé, cette impression d'avoir en face de lui quelqu'un qui n'avait ni l'envie ni l'intention de passer une seconde de plus que nécessaire dans la même pièce que lui ? Rory l'observa sans tout saisir, prenant sur lui comme si ça n'était qu'un détail. « Original, comme prénom. » Il tenta, dans un sursaut d'ironie. Je sais, ça ne semblait pas seulement être sa façon de lui dire qu'elle le connaissait pour ses rôles à la télévision et au cinéma. C'était plutôt comme si elle faisait délibérément en sorte de le laisser dans le flou. Oui, il jurerait à la regarder qu'elle riait intérieurement de son petit laïus et attendait de voir combien de temps il mettrait à réaliser qu'il s'épuisait probablement pour rien.

La brune se mit à rire et enfin il comprit, lorsqu'elle enchaîna aussitôt, bras croisés et la mine particulièrement dure pour des traits pourtant aussi doux que les siens. Maintenant qu'il avait mis le doigt dessus, sa réaction ne l'étonnait pas et la première chose qui lui vint à l'esprit, c'est que c'était bien sa veine d'être tombée sur une de ses détracteurs en chair et en os. Non pas qu'il n'ait pas l'habitude que certains d'entre eux glissent dans sa messagerie privée sur les réseaux sociaux et lui fassent savoir le fond de leur pensée, mais c'était autrement plus déstabilisant d'être placé face à ses erreurs par quelqu'un qui se tenait à un mètre de lui et le fixait comme s'il était la dernière personne qu'elle espérait trouver en poussant cette porte aujourd'hui. A moins qu'elle soit venue précisément pour lui dire tout le « bien » qu'il lui inspirait ? Ça restait peu probable, mais il était en revanche persuadé que maintenant qu'elle l'avait dans son viseur, il aurait du mal à éviter ses foudres. « Je prévoyais plutôt d'emprunter une fenêtre. Ça te permettrait de voir ce que je vaux sans doublure, et si la presse aurait du titrer "arnaque" à coté de "violent". » Ses lèvres étirèrent un sourire de façade. Qu'elle ait lu les journaux qui avaient traité de l'affaire n'était pas si surprenant, mais pour une raison qui lui échappait encore la brune semblait en faire une affaire personnelle et il jurerait que si ses yeux avaient pu cracher des flammes, elle l'aurait réduit en cendres depuis déjà plusieurs minutes. Rory l'observa un instant, tiquant malgré lui lorsqu'elle insinua qu'il avait du s'arranger pour intégrer l'association. Ce serait mal le connaître et aussi désireux ait-il été de trouver ici le but qui lui manquait dehors, il n'était pas désespéré au point de se mettre au même niveau que ces profiteurs qu'il avait toujours eu en horreur, dans son boulot comme ailleurs. Peut être pas le meilleur moment pour lui dire qu'une ex du lycée et sa meilleure amie faisaient elles aussi partie de l'association, cela dit, ça ne jouerait probablement pas en sa faveur et il n'avait pas envie de lui devoir des explications. « Ou bien ceux qui dirigent cet endroit s’abstiennent de juger un volontaire à son passif. » Ce qu'on avait précisément fait avec lui, que ces types se soient ou non tenus scrupuleusement au courant de ce qu'avait parfois pu écrire la presse. Il n'en savait rien, n'avait pas mis le sujet sur la table lorsque personne ne l'avait fait. « Désolé de te décevoir, j'ai intégré cette association à la régulière, comme toi. Mais si ma présence ici te pose un si gros problème, tu peux toujours aller te plaindre. On sait jamais, en parlant aux bonnes personnes tu pourrais réussir à te procurer une copie de mon casier judiciaire. » Qui était vierge, ça allait sans dire. Rory secoua la tête, pas surpris que ses prochaines paroles prennent l'allure de menaces à peine voilées. « Donc je m'en suis pris à quelqu'un une fois, et tout à coup je suis un danger public ? T'arrêtes toujours aussi rapidement ton jugement sur les autres ou tu fais une exception avec moi ? » Après lui avoir approximativement laissé dix secondes avant de le ranger dans une case et estimer qu'il n'avait rien à faire ici ni au contact de jeunes enfants. Et tout ça, pour une histoire dont elle ne connaissait ni les tenants ni les aboutissants et qui ne risquait pas d'être rapportée avec exactitude par les journaux. « Ça doit être merveilleux, cela dit, de vivre dans un monde vertueux où personne ne commet jamais la moindre faute. » Il releva d'un ton égal, son regard posé sur elle. Il supposait qu'elle était habituée à ne côtoyer que des modèles de vertu pour ainsi lui faire un procès d'intention avant même d'avoir préalablement tenté d'apprendre à le connaître. Inutile, si elle l'avait déjà condamné.

Prenons une dernière fois le temps de préciser ce qui est déjà évident : elle le déteste. Elle déteste ce qu’il a fait et elle déteste encore plus la manière dont il lui répond aujourd’hui, comme s’ils étaient au même niveau et comme s’il avait même le droit de lui parler, à elle, après avoir commis de tels actes. Même sa présence en ces lieux devrait être remise en compte, si le reste des bénévoles avaient la moindre once de bon sens. Pour Lily, justement, tout tombe sous le sens et le fait qu’elle se batte seule l’enrage. « Je prévoyais plutôt d'emprunter une fenêtre. Ça te permettrait de voir ce que je vaux sans doublure, et si la presse aurait dû titrer "arnaque" à côté de "violent". » Il est un peut être un acteur de renom mais au jeu du plus parfait sourire de façade, personne ne peut surpasser la Keegan. Elle lui répond en imitant le même regard, aussi fausse que ses yeux de biche qui se reposent dans les siens le temps d’un instant. Ils ont l’air de niais mais s’ils pouvaient se lancer des éclairs, ils le feraient. “Elle peut titrer “mort” après ton défenestrage. Je le leur dicterai.” Sans filtre et sans barrières, elle évoque directement le pire sans jamais s’en vouloir. Personne n’a jamais appris à Lily de doser ses mots et ses pensées et autant dire qu’elle ne l’a pas appris elle même non plus, Rory en faisant déjà les frais alors que, pour sa part, il ignore encore le prénom de la brune ou bien la raison exacte pour laquelle elle semble tant lui en vouloir. « Ou bien ceux qui dirigent cet endroit s’abstiennent de juger un volontaire à son passif. » “Passé. Tu sais, ce qui a justement tendance à se reproduire.” Qu’elle corrige tout aussi rapidement, bien décidée à ne pas se faire marcher sur les pieds, quand bien même il reste un homme avec une tête de plus qu’elle (nul besoin de préciser que ça aussi, ça l’enrage). Elle est de ceux qui pensent qu’il ne devrait pas y avoir de pardon et que ceux qui ont commis un méfait un jour en commettront un autre à un moment ou un autre de leur vie. Elle n’a pas besoin de chiffres ou d’exemples ou même d’études : c’est certain. S’il est un homme violent qui n’a pas su retenir ses poings un jour après une simple contrariété, c’est certain qu’il retournera dans ses travers à un autre moment, quand il sera trop fatigué, trop las, trop alcoolisé - parce que tout va de paire, c’est bien connu.

Elle voudrait lui conseiller de se taire et de passer à autre chose puisqu’elle ne risque pas de le faire à sa place, bien décidée à avoir le dernier mot. « Désolé de te décevoir, j'ai intégré cette association à la régulière, comme toi. Mais si ma présence ici te pose un si gros problème, tu peux toujours aller te plaindre. On sait jamais, en parlant aux bonnes personnes tu pourrais réussir à te procurer une copie de mon casier judiciaire. » Le bout de son nez se fronce, comme l’aurait fait celui d’un enfant en train de bouder, et pour cause : c’est réellement ce qu’est en train de faire Lily. Elle n’aime pas qu’il se montre à tel point confiant alors que, des deux, il est le seul à avoir à se faire pardonner et, qui plus est, le seul à n’absolument pas être légitime à se tenir ici. Pour sûr qu’elle aimerait se procurer une copie de son casier judiciaire, ça va s’en dire, et si jamais il s’avèrerait vierge alors elle crierait au scandale et au sabotage. "Compte sur moi.” Si même son stupide frère n’a pas su le garder intact alors une personne comme le Craine ne devrait pas avoir pu réaliser un tel exploit non plus. Elle confond tout, entre la violence et la drogue, mais pour elle ils restent des hommes qui commettent des erreurs comme il en existe des milliards - presque autant qu’il y a d’hommes, justement. « Donc je m'en suis pris à quelqu'un une fois, et tout à coup je suis un danger public ? T'arrêtes toujours aussi rapidement ton jugement sur les autres ou tu fais une exception avec moi ? » Le rire de Lily est immédiat et ô combien empreint de souvenirs d’un passé heureusement révolu. Elle a l’impression de retrouver Callum dans ces mots et ces réflexions, quand bien même à l’époque elle n’a jamais eu le courage de le confronter. Il disait qu’une simple gifle, c’était rien. Il disait qu’un os, ça se répare vite à son âge. Il disait que les bleus, ça donnait un style. Craine doit sûrement dire la même chose puisqu’il est du genre à préciser que cela n’est arrivé qu’une seule fois - avant la prochaine, c’est ça qu’il ne précise pas. “Tu t’es fait prendre qu’une seule fois, c’est tout ce que je retiens. Et c’était déjà une fois de trop, on t’a pas appris à parler au lieu de frapper ?” Ce sont les animaux qui s’expriment par les poings et sur ça comme sur tout le reste, elle est catégorique. Ses bras se resserrent sur sa poitrine, preuve qu’à son tour elle perd peu à peu ses moyens et qu’elle ne parvient plus à cacher sa rage qui n’était pas réellement cachée, de toute façon.

Il relance la conversation, remue la hargne de Lily à d’autres souvenirs et un peu de rancœur en plus ; autant dire que le mélange n’a rien de judicieux. « Ça doit être merveilleux, cela dit, de vivre dans un monde vertueux où personne ne commet jamais la moindre faute. » Il est trop calme pour un coupable. Il a commis les faits dont il est accusé et au moins il ne cherche pas à le nier ; pourtant elle ne tolère pas qu’il tente de se faire passer pour toute la victime de cette histoire. Jamais celui qui a frappé ne pourrait être la victime ; dans quel monde est ce qu’il vit, lui ? “Oh je te rassure, mon monde n’est pas vertueux mais au moins ceux qui commettent des crimes sont punis.” A en juger par ses poings libres et le manque de remords qu’elle peut lire sur son visage, il ne semble pas avoir payé grand chose pour ses fautes. Sans doute que tout est plus facile quand l’argent tombe du ciel et qu’une caution se retrouve payée en un claquement de doigts. "Et si mon monde tournait rond, alors les gens violents n'auraient pas le droit de s'approcher d'enfants, pas même s'ils se font passer pour le Prince Charmant ou je ne sais quoi." Là encore, jouer un rôle ça la connaît, mais lui il atteint des sommets. Elle, elle joue la comédie parce que c'est la meilleure chose à faire - quoi d'autre ? - mais lui il ne fait que se voiler la face et tenter de faire croire qu'il est quelqu'un de bien. C'est stupide. A ses yeux, c'est totalement stupide. "Si tu veux le rendre meilleure, donc, n'hésite surtout pas à ne jamais revenir."

 

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Il se sentait bien, Rory, au milieu des bénévoles et de ces enfants qui bientôt donneraient un vrai sens à sa présence ici. Il appréciait de pousser cette porte plusieurs fois par semaine, de retrouver les mêmes visages, les mêmes personnages avec lesquels interagir et monter diverses histoires pour répandre un peu de joie autour d'eux. Il aimait ce cadre et, jusqu'à il y a encore quelques minutes, il était persuadé qu'ici aucune négativité ne pourrait l'atteindre, pas tant qu'il serait Flynn et que les vraies problématiques de la vie quotidienne resteraient aux portes de l’hôpital. La brune qui plantait férocement son regard dans le sien, pourtant, ne semblait pas l'entendre de cette oreille. Elle était manifestement remontée et, pour une raison qui lui échappait encore, décidée à lui tenir personnellement rigueur de ce qu'elle avait lu à son sujet dans les journaux. Et elle ne prenait pas de pincettes, le jugement et le ressentiment qu'il lui inspirait étant écrits en toutes lettres sur son visage. Rory avait beau tenter un soupçon de sarcasme, ça ne prenait pas et le sourire étiré par la brune, lui, ne tromperait personne. « Et ma nécrologie avec, tant que tu y seras ? Pour ça, je doute qu'en ayant lu deux-trois articles sur mon compte tu en saches assez. » Et d'une manière plus générale, ça paraissait bien maigre pour s'être fait une opinion aussi rangée sur quelqu'un. Mais tout ça, ça n'était sûrement que détails et futilités pour la jeune femme, pour qui il ne méritait ni clémence ni bénéfice du doute. Ce qu'il avait fait, peu importe la raison exacte, ça faisait forcément de lui quelqu'un d'inapte à se tenir ici aujourd'hui. A vrai dire, il était certain que si elle avait fait partie de la direction et avait eu son mot à dire, il se serait vu remercier avant même d'avoir eu l'occasion d'essayer son costume. Rory voulait bien croire que les apparences jouaient ici contre lui, et d'ordinaire il aurait probablement accepté l'idée que cette jeune femme réagisse simplement d'après les informations qu'elle avait en sa possession. Mais ici, malgré tout, tout ça lui apparaissait comme injuste. Sa réaction, la manière qu'elle avait de le condamner sans le connaître, de le réduire à un seul et unique moment comme si plus rien chez lui ne valait même plus la peine de creuser. « C'est une vision de la vie très pessimiste, pour quelqu'un qui vient sûrement ici en espérant égayer le quotidien de ces enfants. » Du moins c'était la raison pour laquelle lui était là, et ce court échange lui ferait presque douter des motivations de la brune – ce qu'elle ne se gênait pas vraiment pour faire avec lui. Après tout, le costume ne pouvait pas complètement faire illusion quand celle qui le portait donnait l'impression d'attendre une occasion de le hacher en petits morceaux. « Je dois reconnaître que le sourire de façade est au point, cela dit. » Ça, elle le maîtrisait parfaitement et ça n'était pas lui qui irait dire le contraire. Elle avait peut être le jugement facile et tendance à voir le pire chez son prochain – décidément ironique, pour une princesse plus vraie que nature – mais elle savait au moins bien faire semblant,  il fallait lui reconnaître ça.

Ayant compris qu'il n'avait à ses yeux aucunement sa place ici, quand bien même il était celui d'eux deux qui n'avait encore pris personne en grippe ni agressé quelqu'un verbalement, Rory secoua la tête. Ça ne le surprenait pas qu'elle se dise prête à mettre le nez dans son casier judiciaire, quand bien même elle n'y trouverait rien. Elle s'était bien faite une opinion sur son compte en lisant des articles, il ne pouvait pas s'attendre à ce que sa curiosité résiste à ce genre de tentation. Le pire, c'est qu'elle semblait être le genre de femme à se donner les moyens d'obtenir ce qu'elle voulait, alors peut être qu'il devrait s'inquiéter qu'elle se mette à fouiller dans sa vie dans l'espoir de dénicher quoi que ce soit qui irait dans son sens. Malheureusement pour elle, elle connaissait déjà le pire. Mais quand bien même il lui fournirait la preuve qu'il n'était pas quelqu'un de dangereux, la brune irait probablement en douter. Il suffisait de voir l’aplomb dont elle faisait preuve au moment de le ranger une nouvelle dans la case qu'elle jugeait faite pour lui. Celle d'un type qui n'en était probablement pas à son coup d'essai. Celle d'une bête qui devait plus volontiers régler les conflits avec ses poings qu'autre chose, quand bien même c'était à mille lieux de celui qu'il était réellement. Elle glissait sur un sujet sensible en remettant son éducation en cause et ça, elle le comprendrait sans doute à la façon dont son regard clair s'était teinté d'animosité. « Qu'est-ce qui te fait croire qu'on s'est pas expliqués ? » Il lança, bras croisés sur son torse. Ça n'était pas le cas, pour la simple et bonne raison que lorsqu'il avait surpris Byers ce soir-là, il avait jugé plus urgent de l'éloigner d'Amber que de lui dire tout le dégoût qu'il lui inspirait. Mais ça son interlocutrice n'en savait rien. « En tant qu'experte auto-proclamée sur cette affaire, tu dois bien t'être fait ta petite idée sur le déroulement des faits. » La presse s'en était donnée à cœur joie à défaut d'avoir eu de version officielle sur laquelle s'appuyer, mais elle qui le fixait comme le diable en personne, qu'avait-elle imaginé ?

La suite fut pour lui un moyen de lui faire admettre que personne ne pouvait prétendre être irréprochable, pas même ceux qui s'en convainquaient eux-mêmes, et il crut la voir s'agacer pendant une seconde. S'il n'était pas convaincu de se heurter à un mur, Rory aurait cherché à creuser, voulu découvrir ce qui pouvait l'avoir rendue si aigrie et fermée. Est-ce que quelqu'un lui avait donné des raisons de réagir comme elle le faisait, et était-elle plus victime que responsable de la virulence de ses mots ? Peut être qu'ils se seraient mieux entendus dans un autre contexte, peut être que ça n'était pas aussi personnel qu'il avait tendance à le penser. Difficile d'en être sûr quand elle avait mis à peine dix secondes à décider de s'en faire un ennemi, lui renvoyant à la figure les bonnes intentions dont il était animé au départ et qui, contrairement aux apparences, ne l'avaient pas encore complètement quitté. « Si tu as lu la presse, tu sais sûrement que j'ai pas tourné depuis des mois. Que cette histoire fait régulièrement couler de l'encre et que mon intimité est envahie chaque fois que quelqu'un écrit un article à mon sujet ou qu'on m’apostrophe pour obtenir des déclarations que j'ai aucune intention de faire. Et ça, quand on vient pas me réclamer des comptes pendant les seuls moments où j'essaie de mettre ça derrière moi et d'employer le temps que j'ai en trop à quelque chose de juste, comme ici. » Il ne se plaignait pas, il exposait juste les faits. C'était ça, son quotidien depuis février et il n'était pas certain qu'elle puisse prendre la mesure de ce que ça impliquait. Et ça, alors même qu'elle n'avait aucune vraie raison de douter de ce que la presse pouvait écrire. C'était ça le pire, certains jours. Détenir la vérité et s'interdire de la rendre publique. « Je suis désolé si tu penses que je paie pas assez. » Non pas qu'il ne l'imagine pas jubiler intérieurement, elle devait probablement estimer que c'était trop peu, pas une vraie punition et finalement encore plus louche – parce que quoi qu'il puisse de toute façon lui dire, tout avait déjà sans doute des allures de conspiration à ses yeux. « C'est ce que tu penses que je fais, ici ? Prétendre en avoir quelque chose à faire simplement pour me racheter une conduite et trouver le sommeil le soir dans mon lit ? » Il demanda sans ciller lorsqu'elle reprit la parole. Elle avait déjà largement remis en question son intégrité et sa légitimité en tant que bénévole, elle pouvait bien émettre des doutes sur son engagement auprès de cette association. Rory le voyait dans son regard, ça aussi ça la dérangeait profondément et c'est sans aucune subtilité qu'elle l'incita à prendre la porte et à ne jamais revenir. « Okay. T'as un problème avec moi et ça tu me l'as bien fait comprendre. Et ça risque pas de s'arranger puisque j'ai aucune intention de renoncer à ma place ici. » Même si ça lui ferait probablement plaisir, non, il ne comptait aller nulle part. Il était ici pour donner de son temps et de son énergie à des enfants qui avaient besoin qu'on vienne répandre un peu de gaieté entre les murs de ce service, et ce but-là il en avait besoin pour continuer. « Moi, je peux vivre avec le fait de savoir que ma présence te dérange. A toi de te demander si tu peux passer cette porte et supporter à chaque fois de tomber sur moi. » Puisque comme il venait de le lui expliquer, il n'avait pas l'intention d'abandonner ce qu'il était venu faire ici. « Et si c'est pas le cas... Je suis d'avis que c'est celle que ça gêne qui devrait partir. » Il désigna la sortie d'un geste de la tête, puis reposa son regard sur elle. En d'autres termes, elle était libre de s'en aller, il ne la retiendrait pas non plus.

A son tour il est celui qui la juge et lui reproche une infinité de choses (quelques unes, en réalité, mais ça ressemble réellement à une infinité aux yeux de la parfaite Keegan à qui justement personne n’a rien à reprocher) alors il ne lui faut que peu de temps pour voir rouge et s’impatienter un cran de plus. « Qu'est-ce qui te fait croire qu'on s'est pas expliqués ? » Il croise les bras alors elle en fait de même, certaine (une fois de plus) de son point et prête à le défendre jusqu’à la mort. Elle sait qu’ils ne se sont pas expliqués parce qu’elle, de son côté, elle n’aurait jamais voulu en parler à Callum. Jamais, pas une seule fois après aucun des coups ou des remarques elle n’aurait voulu lui en parler. Elle n’aurait pas voulu remuer les choses, elle n’aurait pas voulu ramener sur le tapis un incident - ou mille autres - pendant le(s)quel(s) elle aurait été la plus faible des deux. Pour cet inconnu, ce B - quelque chose, c’est forcément la même chose. “Ose me dire le contraire, tu ne dois pas en être à un mensonge près.” Tous ceux qui tapent les autres sont les mêmes et une chose est sûre : aucun de ceux là ne devrait être mis en contact avec des enfants, surtout pas des malades qu’un rien pourrait faire basculer. En plus d’être irresponsables, ceux qui ont décidé de son acceptation dans le groupe de bénévoles sont totalement incompétents et dangereux. Dangereux, comme ce Craine. « En tant qu'experte auto-proclamée sur cette affaire, tu dois bien t'être fait ta petite idée sur le déroulement des faits. » Il se moque mais elle, elle n’en démord pas. Les apparences sont tout ce qu’elle a et si elle doit désormais porter la casquette d’experte auto-proclamée de l’affaire Craine alors c’est ce qu’elle fera, sans sourciller. “Tu l’as frappé. Il n’y a rien d’autre à savoir.” La finalité est tout ce qui a été retenu de cette histoire, c’est bien parce que cela signifie que c’est le plus important à en retenir.

L’autre, le violent, l’inconnu entame une tirade pour elle ne sait quelles raisons et si jamais il souhaitait qu’elle en vienne à le plaindre ou ne serait-ce à le prendre en pitié alors il a lamentablement échoué. Lily a bien du mal à gérer ses émotions et son rapport aux autres, c’est certain, mais une fois qu’elle a décidé de rester imperméable alors elle ne sait pas revenir en arrière. D’autant qu’aujourd’hui plus que jamais, elle n’en a pas la moindre envie. “Oh oui, pauvre de toi. J’imagine que la vie doit être horrible.” Peu importe quelles sont toutes les conséquences de ses actes : ce sont ses actes et il l’a mérité. Et elle aussi, elle est désolée de penser qu’il ne paie pas assez. Ce n’est pas la pensée en elle même qui la désole, c’est surtout le fait que, justement, il ne paie pas assez. Ce genre d’acte ne devrait pas simplement chambouler son petit quotidien tranquille de star du grand écran vivant d’excès en tout genre ; il aurait dû prendre la place de Joseph derrière les barreaux.

Son plaidoyer est bon et cela soutient l’idée récente de Lily selon laquelle il y est habitué. Il joue sur la corde sensible, il sort les violons, il dit aimez les enfants et à partir de là il vient de gagner à nouveau l’amitié de 95% du monde. Ils lui auraient sûrement déjà tous pardonné, ils auraient cessé de camper sur leurs positions et ils leur auraient simplement demandé “mais qu’est ce qu’il s’est passé alors ?”. Lily, elle, ne se laisse pas avoir par tout ce cinéma parce que justement, c’est son métier et il est doué pour ça, à défaut d’être un connard. Il annonce finalement ne pas bouger et bien que oui, cela déçoit quelque peu la jeune femme qui avait presque cru avoir réussit son coup. A défaut de pleinement pouvoir lui faire part de ses sentiments, pourtant, elle se contente de lever les yeux en direction du ciel, ses bras toujours croisés. “Je ne partirai pas non plus mais compte sur moi pour t’avoir à l’oeil.” Et si pour cela elle doit avoir à le suivre dans chacune de ses interventions et faire de La Belle au Bois Dormant la nouvelle acolyte de Fly machin chose alors soit, elle serait prête à prendre sur elle pour s’assurer que tout se passe bien. Qu’il ne compte pas lui arracher le moindre sourire dès qu’elle aura le dos tourné, cependant, parce qu’elle redeviendra aussitôt la Lily glaciale qu’il a en ce moment même face à lui. “Tu sais qu’à la moindre faute, c’est dehors.” Cette fois-ci elle en aura la preuve et personne ne pourra lui donner le bénéfice du doute ou n’importe quel autre stupide concept inventé pour des coupables et par des coupables. “En attendant, sens toi libre de t’étouffer avec le buffet. L’alcool pour oublier tes problèmes, c’est là bas.” Armée du plus beau des sourires alors qu’elle se retourne vers les quelques personnes agglutinées, elle pointe de sa main ouverte le bout de la table. S’il a des problème à oublier, il y a fort à parier qu’il les noit dans l’alcool. Ils sont tous pareil.

 

crush the truth, turn it to dust.

@LILY MCGRATH & RORY

Elle agissait comme si elle avait assisté à la scène, comme si elle connaissait le contexte exact de son altercation avec Byers quand même les journaux, qui prétendaient toujours être si bien informés, s'étaient jusqu'ici contredis les uns les autres faute de témoins pour corroborer les faits – jusqu'ici en tout cas. Et ça le lassait, Rory, parce qu'elle était loin d'être la première à nourrir autant de certitudes au sujet de cette histoire qui comportait bien plus de zones d'ombres que l'opinion publique avait envie de le croire. Comme si ça arrangeait finalement tout le monde, de croire qu'il ne pouvait y avoir qu'une seule explication derrière ce geste qu'il était facile de condamner, et que ça impliquait forcément qu'il soit trop impulsif, incapable de s'exprimer autrement qu'avec ses poings. Auraient-ils seulement envie de croire à la vraie version des faits lorsqu'elle serait connue de tous ? Il l'espérait, mais il était facile d'en douter face à la brune, déterminée à le voir comme une brute. « Tu sais que je te dois rien, pas vrai ? Et surtout pas la vérité. » Cette vérité, il ne la devait depuis le départ qu'à ses proches, ses amis, ses soutiens, ceux qui avaient toujours cru en lui et jamais cessé de penser qu'il était loin de l'image qu'on s'évertuait à dépeindre de lui. Et dieu sait que même à eux, il n'avait pas toujours pu dire tout ce que renfermait en réalité cette histoire. « C'est vrai, il faudrait surtout pas qu'on découvre que tu m'as jugé un peu vite. » Il souffla d'un ton égal, pas surpris qu'elle ait essentiellement retenu le geste qu'il avait eu, que le reste ne présente aucune importance à ses yeux et que dans son esprit, elle l'ait de toute façon jugé et condamné depuis la seconde où elle était venue le trouver pour lui dire le fond de sa pensée. Tout était déjà réglé depuis ce moment-là, si bien que tout cet échange était à lui seul sûrement dénué de sens : elle ne changerait jamais de position, ne le verrait jamais que comme un problème à éloigner à tout prix, et il n'y avait sûrement rien qu'il puisse faire pour y changer quoi que ce soit.

Alors il ne s'attendait pas vraiment à lui inspirer quoi que ce soit d'autre que le mépris qu'elle affichait ouvertement depuis plusieurs minutes lorsqu'il lui fit savoir que oui, il payait bel et bien déjà depuis le mois de février. Que non, ça n'était pas au sens propre comme elle l'aurait probablement voulu mais que cette histoire n'était pas pour autant sans conséquences sur sa vie. Bien au contraire, il n'y avait aucun plan sur lequel il ait été épargné et Rory s'était aperçu que l'intérêt si bienveillant que leur avait porté la presse à Penny et lui pendant des mois avant cette histoire s'était changé en quelque chose de beaucoup plus malsain. Tout le monde se fichait maintenant bien de leur carrière respective, tout le monde n'était plus intéressé que par ce que cette affaire avait de scandaleuse. Les rares fois où leur point de vue semblait compter un minimum, les rares fois où l'on était prêt à obtenir leur version de l'histoire, ça n'était qu'avec l'espoir qu'une déclaration viendrait mettre un peu plus d'huile sur le feu. Donna l'avait mis en garde, et Rory n'avait de toute façon aucune intention de s'exprimer. Il n'avait rien dit le lendemain des faits, pas plus que durant les mois qui avaient suivi. Il n'avait rien dit et il aurait peut être du, mais respecter le besoin de discrétion de Penny importait plus que de combler la curiosité de certains.

Comme il s'y attendait finalement depuis le départ, elle le somma de partir ou ne prit en tout cas pas vraiment de gants pour l'encourager à le faire. Elle ne voulait pas de lui ici, il l'avait compris et ne s'attendait pas vraiment à l'avoir fait changer d'opinion après un échange aussi infructueux. A vrai dire, Rory était quasiment certain qu'elle était plus déterminée encore à lui rendre la vie au sein de l'association difficile – elle se débrouillait suffisamment bien pour ne jamais l'exprimer aussi clairement, mais il savait reconnaître des menaces voilées et la brune savait visiblement y faire. Pour un peu, c'est lui qui se méfierait presque de ce qu'elle pourrait attenter contre lui pour obtenir de le faire renvoyer. Une chose est sûre, il ne pouvait que lui souhaiter bon courage puisque lui non plus, n'avait pas l'intention de lui faciliter les choses. Il ne comptait aller nulle part, bien décidé à honorer la confiance qu'on avait placée en lui et à faire ce pour quoi il était venu : donner de son temps à ces enfants qui avaient besoin de rêver. « J'ai plus qu'à remettre mon plan pour semer la violence dans l'hôpital à plus tard. » Quel dommage, c'est elle qui devait en ce moment même espérer qu'il ferait quelque chose dont elle pourrait ensuite l'accuser publiquement pour prouver à tout le monde qu'elle l'avait bien cerné depuis le départ. Le fait qu'elle se dise prête à le surveiller ne l'étonnait donc en rien, il allait sûrement devoir se faire à l'idée qu'elle serait toujours là, à le guetter dans l'ombre. Pas vraiment les conditions dans lesquelles il espérait rejoindre l'association, mais il n'allait pas laisser toute cette histoire lui voler le refuge qu'il avait trouvé ici. « Oui, et j'imagine que si je pars pas assez vite à ton goût, tu trouveras bien le moyen d'empoisonner mon café quand j'aurai le dos tourné. » Il haussa les épaules, l'air de ne pas trouver l'idée si incongrue après cette conversation. Et sans aller jusqu'à l'empoisonner, il l'imaginait maintenant capable d'à peu près tout pour obtenir son départ – chose qui, encore une fois, n'était pourtant pas prête de se produire. Sa dernière remarque lui tira finalement un rictus un peu amer. Pour le coup, elle ne pouvait pas se douter que l'allusion à l'alcool touchait un point plus sensible que son expression le laissa penser. « Je bois très peu, désolé de te décevoir. » Mais ça n'était pas vraiment le cas de sa mère, pour qui il se faisait suffisamment de souci ces derniers temps. Il n'avait pas envie d'y penser maintenant, parce qu'il n'avait pas envie que son expression le trahisse et qu'elle sache qu'elle avait touché à l'un de ses points faibles. Il ne montrait déjà rien devant les autres, il ne lui ferait pas ce plaisir-là à elle. « Et tout allait bien jusqu'à il y a encore quelques minutes. Les gens ici sont accueillants, c'est regrettable que certaines tiennent autant à mettre une mauvaise ambiance. » Il se faufila à ses cotés lorsqu'elle lui tourna le dos, songeant que si elle avait décidé de lui gâcher le reste de sa journée en venant lui faire savoir tout le bien qu'elle pensait de lui, il pouvait de son coté décider de quand cet échange prendrait fin. « Mais avec un petit effort, je suis sûr qu'on saura donner l'illusion qu'on se supporte. » Lui, parce qu'il était acteur et qu'il n'était jamais question de laisser quoi que ce soit d'autre transparaître que ce qui était écrit sur le script. Elle, parce qu'elle semblait maîtriser l'art des faux-semblants, comme il le lui avait déjà dit. Ils étaient là pour jouer le jeu pour une cause qui comptait bien plus que tout le reste, et c'était sa manière de lui dire qu'il comptait prendre sur lui si elle prenait sur elle. Un deal honnête.

Après tout, la vie est plutôt simple et pour passer au travers de tous ses obstacles, Lily a appris une règle primordiale au fil du temps : ne pas croire les hommes. Les femmes, pourquoi pas, mais certainement pas les hommes. Ils mentent tous comme ils respirent, ils ne sont pas fiables et ne savent toujours apporter que des problèmes. A cela elle ne tient l’exception que de Matt et Ezra (Alfie, non, certainement pas, il est presque aussi pire que Joseph). Rory, lui, rentre à la perfection dans cette liste infinie d'hommes qu’elle n’a jamais pris le temps de connaître, seulement de détester pour la moindre de leurs erreurs, aussi minimes avaient-elles pu être. La brune se dit qu’il n’y a que sa belle gueule et son beau parler pour le sortir des situations dans lesquelles il a dû se faire prendre un millier de fois et l’affaire Byers n’est sûrement qu’une goutte d’eau dans l’océan. S’il a frappé un homme cette fois alors il a dû faire la même chose avec d’autres, que ce soit à la fermeture des bars (il ne boit pas ? menteur) ou pour d’obscures raisons trouvées dans son esprit étriqué. Sans doute l’a-t-il fait avec une ex-petite-amie, tout en lui susurrant de n’en parler à personne sinon il ferait pire la prochaine fois. Oh, Lily renvoie bien trop ses propres souvenirs chez d’autres, il est vrai, mais après tout cela ne lui semble pas si farfelu. Pour d’autres, elle aurait l’air d’une folle à l’imagination débordante mais pour elle, tout coule de source et n’importe quel geste ou mot de Rory se retrouve à venir corroborer sa propre version des faits sans que jamais l’australien n’en soit tenu au courant. Sans jamais que cela ne soit juste non plus, mais ne le dites pas trop fort à la McGrath, elle pourrait entendre.

Lorsqu’elle pense avoir fait le tour de la question (comprenez : quand elle a réussi bien assez d’informations à son sujet pour le détester), la brune tente de s’extirper de la conversation et fuir le plus loin possible de cet homme désormais étiqueté comme dangereux. Pourtant il ne semble pas en avoir décidé ainsi et cela n’arrange en rien le caractère déjà à fleur de peau de la trentenaire. « Mais avec un petit effort, je suis sûr qu'on saura donner l'illusion qu'on se supporte. » Lily rigole (se moque) de ces paroles dignes d’un enfant qui pense encore que le monde entier lui veut du bien. Elle ne trouve pas ça mignon, simplement stupide. Elle ne sait que trop bien comment grandissent ce genre de bambins et à quel point la chute est rude pour eux ensuite ; alors autant cesser les illusions le plus tôt possible. C’est bien Lily qui demande une telle chose, oui, quelle ironie. Elle ne veut pas jouer à ce jeu là avec Rory simplement pour garder des forces lorsqu’elle prétend être quelqu’un d’autre tout le reste du temps. C’est lâche et égoïste, cela la représente donc plutôt bien. “Essaye déjà de donner l’illusion d’être quelqu’un de bien, ce sera un bon début.” Qu’ils se supportent ? Quelle stupide idée, elle ne veut certainement pas être associée à un homme tel que lui, que ce soit de près ou de loin cela lui semble tout bonnement impossible. Elle ne veut rien avoir à faire à ses côtés, pas même auprès des enfants. Blanche Neige ne doit pas rencontrer son … peu importe le rôle qu’il joue. Il pourrait bien être le Prince Charmant qu’elle continuerait de nier toute possible discussion avec lui. Au plus loin il est et au mieux elle s’en portera. “Je vais aller te supporter à l’autre bout de la salle, ça sera très bien.” Elle va l’oublier et nier son existence, parce que c’est un sujet et un mode de vie qu’elle pratique depuis toujours et dont elle est devenue maîtresse accomplie. Quand bien même, elle se créée elle même bien assez de problèmes pour ne pas avoir à se greffer à ceux de parfaits inconnus - qu’elle voit sa tête sur grand écran ne change rien à cela.