| | | (#)Dim 20 Sep 2020 - 12:32 | |
| Je tournais comme un lion en cage. Impossible de mettre la main sur mon carnet. Non pas que ce dernier renferme un manuscrit précieux, mais plutôt un enchaînement de phrases sans queue ni tête, une ébauche de trame qui ne se prétend pas comme telle. Aucune idée fulgurante, juste des bribes çà et là, ces quelques paragraphes écrit entre les retrouvailles avec Ginny et un moment passer avec Emma. Une dualité dans la forme que je voulais relire, peut être retravaillée. Tenter, encore une fois, de m’exercer à mon métier. Mais le carnet a disparu et je rage. Il n’est pas dans ma chambre, il n’est pas dans le salon non plus. Bien sûr que l’étape suivant fut d’aller retourner la chambre d’Ariane. Tout y est passé, j’ai refait la déco pour des semaines, accroché la croûte que j’avais tenté de peindre à l’atelier de mon amie également. Au passage, j’en ai profité pour finir de déchiqueter toutes traces de son marin de merde. J’avais aussi fait le tour dans ses affaires personnelles, jusqu’à mettre la main sur son manuscrit le plus abouti pour son bouquin. À charge de revanche.
Assis sur le rebord de la fenêtre, stylo rouge à la main, je commence à parcourir les lignes. Oh, elle m’en a fait lire des histoires. Tout un tas, même. Un scénario qui se répète si souvent que la sélection fut compliquée. Celle qu’elle a choisie en premier qui m’as trop souvent hanté tant le souvenir en semblait familier. En rien, je ne me gêne, pour venir apposer des notes sur le côté. Manque de figure de style, mauvaise ponctuation. Je me perds dans les écrits de ma sœur, tente d’y trouver tout un tas de défaut quand en réalité le tout est véritablement bon.
Plutôt crever que de l’admettre. À l’instant où elle franchi le seuil de l’appartement, je balance le bouquin à ses pieds. « La première anecdote est à chier. » Je déplie mes jambes et m’étire avant de venir me poster devant la rouquine, main tendue, regard noir. « Mon carnet. » |
| | | | (#)Mer 23 Sep 2020 - 4:18 | |
| « La première anecdote est à chier. » « C'est parce qu'elle est inspirée de toi et d'Emma. »
C'est facile de faire mal à Wyatt. C'est simple et évident, c'est le sujet chaud que personne n'a le droit d'aborder et moi encore moins, surtout pas moi. Parce que c'est ma faute s'ils se connaissent et parce que je m'en voudrai toute ma vie, mais aux grands maux les grands remèdes. Il a pas choisi sa bonne journée pour me faire rager, comme je choisis toujours les pires moments pour l'emmerder. À force, c'est simplement devenu notre modus operandi aussi simple et facile sans que jamais rien ni personne ne comprennent comment un frère et une soeur prêts tous les deux à donner leur vie pour l'autre passent également leur temps à faire du quotidien de chacun un enfer. J'appelle ça l'équilibre.
Il tend sa main, je lui pouffe au nez. « Mon carnet. » bifurquant désormais vers la cuisine de là où je sors deux coupes, une bouteille de rouge, ouvre le tout en verse une et l'autre et oh fuck, c'est vrai, je suis enceinte. Connerie. Sa coupe à lui sera remplie jusqu'au bord donc, la mienne finit sauvagement au fond de l'évier. J'abandonne pour faire volteface vers lui et passer ma rage d'avoir procréé en sortant la boîte de ses biscuits préférés bien décidée à tous les manger même si c'est pas ma sorte ; il le sait. Je vais à peine savourer et ça sera ma façon à moi de me rebeller contre la Terre en entier mais surtout contre lui je sais même pas pourquoi aujourd'hui.
« Je l'ai perdu j'pense. » pas du tout, il est dans ma chambre, bien rangé dans ma table de nuit avec le plus grand soin, presque autant que notre première édition des Fleurs du mal. Un Graal. « De toute façon il te sert plus à rien t'es bloqué depuis des semaines. » ma voix statue l'évidence, attrapant entre deux bouchées de cookies mes feuilles à moi, ses commentaires à lui qui les tapissent. |
| | | | (#)Ven 25 Sep 2020 - 19:55 | |
| « C'est parce qu'elle est inspirée de toi et d'Emma. » Uppercut du droit, en plein dans l'estomac.
C'est si simple pour elle de taper là où ça fait le plus mal. Elle sait que je ne vais pas répliquer, que le sujet est bien trop sensible pour cela. Les jours sans nouvelles s'allongent et je me sens comme un con à attendre, je ne sais quoi. L'inspiration s'est fait la malle, Emma en sera a jamais la coupable. C'est un fait que je réfute, mais que ma soeur, elle, a toujours si bien cerner. Je pourrais rager sur son amant de merde, mais rien ne me viens. Juste l'envie de me tirer, pas vraiment enclin à me prendre ses charges. J'en oublie pas de réclamer mon dû, geste qu'elle ignore avec flegme. Voilà qu'elle s'échappe Ariane, qu'elle cherche le rituel en sortant une bouteille de vin et que j'attends cette seconde où elle va réaliser. Son geste qui s'arrête et cette rage de verser encore plus de rouge dans ma coupe. « C'est con, hein. » Adieu nos soirées a dégusté un bon millésime pour les prochains mois. J'allais insister à l'instant où elle se précipite sur ma boîte de biscuit. Pas le temps de l'arrêter au vol, elle a déjà filé. Fait chier.
« Je l'ai perdu j'pense. » « Donc tu va mourir. »
La conclusion n'en a jamais été aussi simple. Elle peut s'amuser a tout ce qu'elle veut, mais en rien perdre des années de travail. Je sens la rage monter petit à petit, elle bouillonne dans le sang. Je voulais retravailler des paragraphes, pas supporter les gamineries d'Ariane. « De toute façon il te sert plus à rien t'es bloqué depuis des semaines. » « Ta gueule Ari. » Elle fait mal et pourtant, c'est près d'elle que je viens m'installer sur le canapé. Souffler un bon coup, prendre une gorgée de vin. « Je veux pas être bloqué. » Pas pour elle, en tout cas. Je ne supporte plus de voir mon inspiration fluctuer autant que notre relation. C'était des histoires de gamin, ça ne doit plus durer. « Qu'est-ce que t'as lu ? » Jamais elle ne l'aurait subtilisé uniquement pour le plaisir. Elle a fouiné, j'en suis persuadé. Elle s'est perdue au milieu de mes idées avortées.
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| | | | (#)Mar 29 Sep 2020 - 0:23 | |
| « Donc tu va mourir. » « Don't be so dramatic. »
Je l'ai pas perdu son foutu cahier, il est idiot ou quoi de penser que c'est le cas? Quel con, et quel triple connard aussi, un doublé, quand je le vois son sourire de gagnant, de géant qui prend toute la place sur son foutu visage que j'aurais envie d'éborgner alors qu'il sirote son vin comme s'il était un roi face à son peuple de paysans. « Ta gueule Ari. » ah tiens, au moins là on est sur la même longueur d'ondes tous les deux. « Je veux pas être bloqué. » qu'il le veuille ou pas, c'est le cas. Dès lors que son poids vient s'affaler sur le divan à côté de moi, il le fait sans grâce aucune et mes restes d'os cassés me font plus mal encore que jamais. Aucun rictus ne transparaît sur mon visage par contre - lisse, lisse l'expression suffisante. « Qu'est-ce que t'as lu ? » « Oh donc c'est là où le "ta gueule Ari" est levé? Déjà? Impatient. » j'use de ses mots et de son ton, de la totale et de mon doigt aussi, qui tapote avec condescendance son torse. S'il ne me le casse pas, ce sera juste pour mieux me l'arracher. On est très démonstratifs dans la famille, êtes-vous étonnés?
« J'ai tout lu, tu me prends pour qui. » je prends une longue inspiration par-dessus son verre, l'air d'être une addict en manque me sied parfaitement. « Les débuts sont bons. Tu fais chier à te casser trop la tête ensuite. » puis je me replace, non sans passer mes jambes par-dessus les siennes en prenant le plus mes aises que possible. S'il suffoque, c'est que je suis confortable. « T'avais arrêté de faire ça Wyatt. T'avais arrêté de mettre des tas de pistes qui font aucun sens. » il avait arrêté quand il avait compris que ce serait pas dans ce angle-là qu'il ferait mieux qu'Emma. Il avait arrêté quand il avait recommencé à écrire avec un pourquoi en tête, et pas juste des quand et des quoi. « Ça allait mieux quand t'avais qu'une idée et que tu la menais de front. Là t'essaies trop de trucs en même temps, no wonder que tu finis plus rien. » ça allait mieux quand il ne tentait pas de se prouver à lui, mais surtout à elle. Je vais la tuer un jour, c'est qu'une question de temps.
Une seconde passe, suivie d'une autre sans que j'ai envie de le tuer lui. On fait du progrès. « Elle est à chier pourquoi? La première. » là aussi, quand il sait à quel point il est le seul de qui je tolère les commentaires sur mes écrits. |
| | | | (#)Ven 2 Oct 2020 - 22:24 | |
| « Oh donc c'est là où le "ta gueule Ari" est levé? Déjà? Impatient. » Je lui ai trop bien appris lorsqu’elle retourne ma propre arrogance contre moi de son sourire fière comme jamais. Elle savoure dès l’instant où son doigt vient creuser mon tee-shirt pour appuyer sa maîtrise. Elle a lu ce que contenait le carnet, elle est allée chercher les réponses à la source quand elle savait parfaitement que rien ne viendrait naturellement. Parfois, je déteste qu’elle me connaisse si bien, qu’elle sache interpréter le plus petit des signes alors que je me crois le roi du monde, persuadé que personne me percera au grand jour. « Aller putain. » Crache le morceau Ari. Elle aura le temps de me faire tourner en bourrique plus tard.
« J'ai tout lu, tu me prends pour qui. » Pour l’affreuseté de petite sœur qu’on a collé entre mes pattes y a de ça trente ans. Comme si je l’avais voulu. « Les débuts sont bons. Tu fais chier à te casser trop la tête ensuite. » Heureusement, elle prend de la distance elle-même. J’aurais pu accidentellement la pousser du canapé. Je rage alors que ses jambes prennent toute la place sur le divan, tant que je ne sais plus comment m’installer. J’emprisonne sa cheville entre mes doigts, mon pouce effectuant déjà des cercles sans pression autour de sa malléole, pour penser à autre chose, pour prétendre que tout est okay alors qu’elle est en train de décortiquer tout mon travail. « T'avais arrêté de faire ça Wyatt. T'avais arrêté de mettre des tas de pistes qui font aucun sens. » « T’avais arrêté de me faire chier aussi fut un temps. » Faux, elle a jamais été bien loin et j’ai toujours été là pour en râler mille et une fois. « Ça allait mieux quand t'avais qu'une idée et que tu la menais de front. Là t'essaies trop de trucs en même temps, no wonder que tu finis plus rien. » Ça allait mieux quand les rumeurs du milieu pestaient sur les autres et non pas quand le prénom d’Emma était de nouveau sur toutes les lèvres. Ça allait mieux quand je tentais d’écrire pour moi et non pas pour la doubler, elle. « Elle avance pas ma putain d’idée. » Elle le sait, Ariane. Elle est bien la seule à m’avoir vu lâcher des larmes de frustrations au-dessus de cette histoire à la con, celle qu’elle m’avait volé. Celle que je n’ai jamais abandonnée et de laquelle j’aimerais accoucher un jour, pour de bons. « Je prends chaque truc qui me vient pour essayer d’en faire une trame qui tient la route. » On sait tous les deux à quel point la méthode est à chier, mais c’est celle qui me perd encore d’écrire un peu chaque jour.
« Elle est à chier pourquoi? La première. » Je pouffe alors qu’elle s’inquiète de ce que j’ai pu dire. « Parce qu'elle est inspirée d'Emma et moi. » Sans gêne, je reprends ses mots tant ils sonnaient juste. J’ai pensé à elle dès les premiers paragraphes, j’en ai conclu que c’était forcément à chier. « C’est cliché à mort Ariane. » C’est nul, c’est bidon, ça fait pas sens. « On avait dit qu’on arrêtait les histoires à la con. » que je lance, mon regard qui passe de son visage, à son estomac encore parfaitement plat. |
| | | | (#)Dim 4 Oct 2020 - 14:38 | |
| « T’avais arrêté de me faire chier aussi fut un temps. » « Ouais genre pendant cinq minutes parce que tu me faisais pitié. » « Elle avance pas ma putain d’idée. » « J'ai vu ça. » « Je prends chaque truc qui me vient pour essayer d’en faire une trame qui tient la route. » « Spoiler alert : ça marche pas. »
Les doigts de Wyatt savent exactement où presser pour me donner envie de lui crever les yeux dans la seconde. Mais le fait qu'il s'attarde sur mes pieds donne presque l'impression qu'il les masse. Pour l'image que ça renvoie, je suis bien prête à le laisser faire rien que pour l'afficher comme un grand frère niais à la moindre occasion. J'en jubile déjà comme si c'était Noël.
Et lui, il jubile moins. Pauvre, pau-vre chaton. « C'est pas les mots que t'écris qui comptent. Là tu te répètes dix fois pour dire l'inverse après. Trouve ton centre et après fais-la à l'envers. » on en a des dizaines de milliers des techniques pour écrire. On sait faire que ça, y'a que là-dedans qu'on est doués. À l'école on se faisait chier, et si le sport qu'on pratique n'est pas la boxe, l'effet est le même. On est deux ratés dans tout, mais on excelle dans le peu qu'on aime vraiment, dans le peu auquel on tient. C'est comme ça qu'on a appris et si cette manière de faire-là marche pas, on en a une infinité d'autres à passer au tordeur. Sa page blanche ne m'impressionne pas, il y est bien plus sujet que moi et avec le temps j'ai appris à palier sans même le juger en fronçant des sourcils. Ça fait partie du processus d'avoir Wyatt dans les parages, et je changerais la dynamique pour rien au monde.
« Parce qu'elle est inspirée d'Emma et moi. » ah ouais non finalement il peut crever. « C’est cliché à mort Ariane. » quel connard. « On avait dit qu’on arrêtait les histoires à la con. » non mais qui dit ça à sa soeur, sa muse, à une future mère? (fuck me, son verre de vin a l'air délicieux)
Et comme sa précieuse petite conne est off limits - pour l'instant - je divague et je dérive. « Elle est venue à ma lecture, la semaine dernière. » évidemment que je fais exprès par contre, de peser sur mes mots rien que pour voir jusqu'à quel point il va flipper sans l'explication qui vient derrière. « Sa femme, pas Emma. Tu l'auras vue au point info de 19h en morceaux si ça avait été le cas. » mes paupières battent la mesure, et y'a peut-être un coup de coude que je perds dans ses côtes quand il boit une énième gorgée de rouge que je jalouse comme une folle. « Lui par contre, il est toujours missing in action. » si je peux pas parler d'Emma, il peut pas parler de Saül. J'adore ce jeu.
« Pourquoi on n'écrit plus ensemble déjà? » je me souviens pas ça date de quelle dispute et de quelle menace de mort. Mais vite comme ça, là, ça me manque. |
| | | | (#)Dim 4 Oct 2020 - 15:56 | |
| Elle a réponse à tout, la rousse. Elle me cherche dans un ping-pong verbal qui commence sérieusement à jouer avec mes nerfs. Trop souvent elle m’a vu perdre pied, trop souvent elle est venue me brusquer alors que je pensais ne plus pouvoir écrire. Le syndrome de la page blanche est mon pire ennemi et depuis un certain événement, je laisse l’ennemi bouffer du terrain à chaque nouvelle crise. Ariane le sait. Alors elle tape toujours dans le mille, toujours dans ce qui énerve le plus, mais qui sonne bien trop juste. « C'est pas les mots que t'écris qui comptent. Là, tu te répètes dix fois pour dire l'inverse après. Trouve ton centre et après fais-la à l'envers. » On vit pour écrire. On en connaît tous les tenants et les aboutissants, quand ça ne va pas en allant à gauche, on prend la tangente. C’est comme cela qu’elle a publié son premier bouquin, c’est en déconstruisant le récit par tous les bouts que j’ai publié le mien. Cette histoire-là, elle est différente. Je l’ai jeté du nid, il y a des années pour qu’elle prenne son envol, c’est elle qui a tout rafler en me doublant. Depuis, je stagne, je m’épuise à tout reprendre depuis le début, à complexifier quand en réalité, je devrais me contenter de raconter. « Écrire un personnage après l’autre ? » Ils sont trois à mener légion dans un coin de ma tête. Ils se retrouvent dans les pages, je ne le conçois pas autrement, mais s’il faut prendre le chemin de traverse, il réside peut-être là le problème. À trop vouloir les nouer, je me perds.
La conversation pourrait durer des heures tant elle aurait de choses à dire, tant je finirais toujours par la contredire. À la fin, nos échanges ne seraient qu’insultes et autre menace, mais on aurait avancé sur un point. Le souci, c’est que parler de moi ne m’intéresse pas. Elle a mon carnet, cool, elle retient ses réflexions à la con sur Emma, tant mieux, maintenant va falloir qu’elle m’explique pourquoi on se retrouve dans cette position avec elle qui ne cesse de baver sur mon verre tant elle s’est mise dans la merde jusqu’au cou. On évoquera à peine mon histoire pour plonger dans la sienne. Je l’ai décidé ainsi, c’est moi l’aîné. « Elle est venue à ma lecture, la semaine dernière. » Ce serait mentir de dire que mon cœur n’as pas loupé un battement face à son annonce. Emma est venue la voir ? La scène me semble surréaliste. « Sa femme, pas Emma. Tu l'auras vue au point info de 19h en morceaux si ça avait été le cas. » « Oh. » Imbécile, trop crédule. Elle a donc vu Elise. Intéressant. Je me redresse, mon pouce toujours enfoncé dans sa cheville. Qu’elle crache le morceau un peu. « Elle te voulait quoi ? » Qu’est-ce que la Williams est allée foutre auprès de ma sœur. « Lui par contre, il est toujours missing in action. » Oh le con. Erreur fatale. Elle me tient juste avec ça, je le sais. Il faudra que ce soit donnant-donnant. « Tu sais qu’il va pas s’en tirer facilement ? » J’irais chercher au bout du monde s’il le faut, qu’il assume ses conneries le vieillard. « Faut toujours que tu choisisses des putains de connard. Ça t’excite ?! » Elle s’en donnera à cœur joie dès la seconde suivante, je n’en doute pas.
« Pourquoi on n'écrit plus ensemble déjà? » Il se veut subtil le changement de sujet quand en réalité elle aurait mieux de se la fermer. « T’es parti écrire avec un autre. » C’était notre truc, a tous les deux, elle a préféré aller pitcher ses idées à son connard de mari. Il ne l’écoutait pas, la bridait dans ses idées et elle restait avec des yeux amourachés. Et j’ai du mal à lui pardonner. « Je parie que tu lui as tout laisser en plus. » Telle une blonde. |
| | | | (#)Dim 11 Oct 2020 - 1:26 | |
| Il fait chier à avoir besoin de toutes les réponses, et je fais encore plus chier à les lui donner sans même y réfléchir à deux fois. « Écrire un personnage après l’autre ? » « Exactement. On part de là, du con. » ça serait pas véritablement nous, d'avoir une épiphanie sans s'en envoyer à la gueule. Et voilà que l'équilibre est rétabli.
De façon éphémère, bien évidemment. « Elle te voulait quoi ? » « Me dire qu'elle sait. » ma main passe de la peau de son bras que je pinçais de la plus naturellement chiante des façons pour dériver sur mon ventre. Il est creux, rien ne se voit, rien n'est annoncé à personne sauf à un petit cercle et c'est tant mieux. Mais elle, on lui a dit. Ça a pas dû être le genre d'infos dont elle s'est délectée, à connaître la totale la concernant. « Me dire aussi qu'il en choppe sûrement d'autres à côté. La routine. J'aurais fait pire à sa place. » en vrai elle vient d'un tout autre monde que moi et ça n'a paru qu'un peu plus ce soir-là. À sa place, j'aurais fait véritablement pire. À tous les niveaux.
Lui par contre, il pourrait faire mieux. « Tu sais qu’il va pas s’en tirer facilement ? » bah, je pense que c'est l'évidence. J'attends juste d'atteindre le pire des niveaux de rage, celui qui va lui bloquer le passage envers et contre tout. C'est pas encore tout à fait ça mais ça vient ; et quand ce sera là, les p'tites menaces de bac à sable de Wyatt et de son couteau suisse ne seront rien, mais alors rien à comparer à moi. Faire pire que ce qu'ils font, dans ce monde-là, que je disais plus tôt, non? « Faut toujours que tu choisisses des putains de connard. Ça t’excite ?! » « Y'a un truc, qu'ils enseignent en psychologie. » mes jambes s'étirent un peu plus. Tant que mes os s'enfoncent dans sa chair et que je décèle de l'agacement à travers ses soupirs ça veut dire que j'ai réussi. « Ça dit qu'on tente toujours de rechercher chez l'autre l'aspect le plus ressemblant de notre figure paternelle. » une main vient tapoter son torse, ma voix frôle des consonances bien condescendantes. « T'as fait un incroyable père durant toutes ces années, tu le sais ça, hm? » papa Wyatt. Le pire, c'est que sans lui je serais même pas là aujourd'hui ; que l'inverse est fort probablement toute aussi vraie. N'empêche qu'il l'a cherchée.
Puis, moi aussi, j'ai pas surveillé mes arrières. « T’es parti écrire avec un autre. » aujourd'hui, et à l'époque. « Je parie que tu lui as tout laisser en plus. » yep, la totale, l'entièreté du manuscrit. Laissé à l'abandon sur son bateau quand je suis partie une bonne fois pour toutes, bateau que je veux aller défoncer une journée sur deux. À la seconde où je le propose à Wyatt, il va aller démarrer la voiture et la remplir de tout le nécessaire pour faire un joli feu de joie sur l'eau, l'ironie. Pas aujourd'hui. « Wait, c'est pas ce que t'avais prévu faire avec Emma? On dirait qu'on apprend pas de nos erreurs ni l'un ni l'autre. » mais aujourd'hui on passe une journée entre frère et soeur, le reste du monde ne compte pas. How cute.
Et je célèbre. « Une gorgée, c'est rien. » sa coupe que je vole, la petite gorgée à peine qui franchit mes lèvres. J'ai ajouté rien d'autre à mon pedigree depuis des semaines même si la vie est une véritable connasse depuis que je sais que je la porte. « Fais pas genre. » c'était pas maman, qui avait passé toute la grossesse de Yele à boire du vin et à fumer sans se gêner une seule fois? Wyatt dira que ceci explique cela. Il recevra une claque (et un rire) en échange s'il ose. « Et donne-moi ça, on le lira pas anyways. » du bout des orteils je pointe un des livres qui traînent sur la table basse. La tradition de lire en même temps le même bouquin n'a pas fonctionné pour celui-là. Qu'il passe à la casse ou qu'il devienne mon nouveau carnet de notes, quand les pages vides et les marges serviront à la suite. Nos mots, bien meilleurs, par-dessus ceux, absolument nuls, des autres. « Tu écris pas, tu parles. Moi j'écris. Personnage numéro un? » on part de là, du con. |
| | | | (#)Dim 25 Oct 2020 - 15:18 | |
| « Me dire aussi qu'il en choppe sûrement d'autres à côté. La routine. J'aurais fait pire à sa place. » « Elle mord la bourgeoise. » Elle comprendra ce qu’elle veut. Avec moi aussi, elle avait montré les crocs la Williams. En rien, je n’ai besoin d’étaler les raisons aux yeux d’Ariane. Elle sait déjà forcément. On passe notre temps à se mêler des relations de l’autre pour ne jamais réellement se concentrer sur les nôtres. Elle passera son temps à insulter Emma, je me ferais un malin plaisir à juger son vieillard. Il a déjà été classifié dans la case des non-fréquentables, celui que l’on déteste dès le départ. Plus jamais je me laisserais berner comme se fut le cas auparavant. Tout dans leur histoire pue la merde. « Y'a un truc, qu'ils enseignent en psychologie. Ça dit qu'on tente toujours de rechercher chez l'autre l'aspect le plus ressemblant de notre figure paternelle. » Elle se cache derrière ce genre de connerie maintenant ? « T'as fait un incroyable père durant toutes ces années, tu le sais ça, hm? » « Haha je suis mort de rire. » Elle se pense hilare, alors qu’elle mérite mille fois mieux que tout cela. C’est mon job de la protéger, de veiller sur elle. « Au moins, j’étais là. » Parce que c’est trop simple de cracher sur notre géniteur.
On en revient au sujet premier, l’écriture. Elle glisse vers un terrain dangereux ma sœur quand elle oublie que c’est elle qui s’est barré pour écrire avec un autre, lui laissant le fruit de son labeur en prime. « Wait, c'est pas ce que t'avais prévu faire avec Emma? On dirait qu'on n'apprend pas de nos erreurs ni l'un ni l'autre. » En un geste, ces jambes heurtent le sol alors que je me lève. Ne pas frapper une femme enceinte. Ne pas crier. Ne pas insulter. « Ne joue pas à ça. » Elle a tous les droits Ariane. Qu’importe la limite qu’elle dépasse, on se retrouvera. Pourtant, elle cherche de trop avec ce sujet. « Oublie pas que tout ça, c’est uniquement de ta faute. » C’est elle qui m’a forcé à aller à ce foutu dîner. C’est elle qui m’a bassiné pendant des semaines avec sa super patronne. C’est elle qui m’a poussé dans ses bras. Il faut un responsable autre que ma propre stupidité et Ariane restera à jamais le bouc émissaire de cette histoire sans queue ni tête. La tension grimpe inlassablement, revenant sur les mêmes disputes qui seront a jamais un terrain miné.
Tel un lion en cage, je ne cesse de tourner en rond alors qu’elle pique dans mon verre et reçoit un énième regard assassin. « Arrête les conneries. » Pour son gamin, juste pour une fois, faudrait qu’elle arrête de n’en faire qu’à sa tête. Jamais elle ne m’écoutera réellement Ariane. Têtue comme jamais, elle attrape un livre qui lui servira de carnet. « Tu écris pas, tu parles. Moi j'écris. Personnage numéro un? » On part de là, il paraît.
J’aurais pu creuser une tranchée dans le parquet a force d’arpenter le salon de long en large. Elle insiste, Ariane, elle ne lâche pas le morceau. Et voilà que je dois répéter, reprendre une idée pour aller plus loin alors que les heures ne cessent de défiler sans qu’aucun de nous n’en prenne réellement compte. « Fait voir. » Je cherche à lui arracher le livre des mains sans cérémonies, mais elle se défends la Parker. « J’ai assez parlé là, c’est bon. » J’ai jamais autant parlé en quarante de vie, faut pas qu’elle abuse des bonnes choses. « Ce sera jamais publié de toute manière, alors qu’est-ce que tu t’en fous ?! » |
| | | | (#)Jeu 12 Nov 2020 - 3:53 | |
| Il repousse mes jambes et je suis prête à parier que son but ici c'était de me défoncer la gueule en même temps. Just too bad, désolée coco, je porte la vie maintenant je suis intouchable pour neuf fois. Quel bonheur de lui renvoyer le sourire le plus triomphant du monde - oubliant derechef les horribles nausées du matin. « Ne joue pas à ça. » à quoi Wyatt? Mes paupières battent la mesure et mes fossettes se creusent encore plus, s'amusent en elles-mêmes. « Oublie pas que tout ça, c’est uniquement de ta faute. » ah fuck you. C'est facile ça, de me reposer la faute sur les épaules. De dire que c'est à cause de moi, quand il est libre de ses choix, quand il aurait très bien pu la cancel à des dizaines d'infinités de reprises mais qu'il est toujours pas foutu d'avoir les couilles pour le faire. On est pas si différents que ça, tous les deux, finalement. « Arrête les conneries. » les conneries? Comme celle de lui lancer sa coupe de vin à la gueule à la seconde où j'ai quitté le canapé pour aller chercher mon calepin de notes? « Oups, elle a glissé. » oups, donc.
Et puis, c'est pas que moi, c'est maintenant nous deux qui arrêtons les conneries. J'ai tout écrit. J'ai les mains tachées d'encre et des pages et des pages remplies. Il a la tête qui bourdonne, il sait faire que ça quand il filtre aucunes idées et qu'il laisse juste tout remonter.
« Fait voir. » « En temps et en heure. » « J’ai assez parlé là, c’est bon. » « Ça c'est vrai j'en peux plus de ta voix nasillarde. » « Ce sera jamais publié de toute manière, alors qu’est-ce que tu t’en fous ?! » « C'est beau comment ta génération n'a plus aucun espoir depuis que le mur de Berlin s'est effondré. »
La joute reprend et continue, j'en aurais eu pour des heures avant de finalement soupirer fort, lui tirer le carnet aux pieds et m'affaler de tout mon long sur le canapé. « Fais pas ça. » il n'a pas encore pris son dû entre ses mains, j'anticipe et j'avertis, meilleure joueuse que lui. « Tu vas vouloir tout réécrire déjà. » et pas dans le bon sens du terme, et pas de manière à ce qu'il puisse vraiment en tirer quelque chose de bien. « Faut que ça marine. Laisse-toi une chance. T'as mangé? » que je cuisine, ou qu'on se fasse livrer un truc. Qu'il se ferme la gueule sur quelque chose de bon, en somme. « J'te demande pas ce que tu veux, juste si t'as bouffé. Tu fais la fine gueule tu te contenteras de tes notes de merde ; et y'en a assez pour nourrir un buffet en entier pendant une semaine. » autant remettre les pendules à l'heure. |
| | | | (#)Dim 13 Déc 2020 - 0:20 | |
| « Ça c'est vrai j'en peux plus de ta voix nasillarde. » « T’es vraiment casse couilles. » « C'est beau comment ta génération n'a plus aucun espoir depuis que le mur de Berlin s'est effondré. »
Et la seule réponse qui me vient, c’est de brandir mon majeur dans sa direction. C’est l’effet qu’elle me fait ma sœur parfois, elle me fait tant rager que j’en perds mes mots. Je m’emmêle dans mes meilleures punchlines quand elle me cherche de cette manière. Bien sûr que ça la fait rire, bien sûr qu’elle prend une gorgée de vin encore sous mon nez. Elle s’amuse de la situation parce que je lui ai laissé voir les failles. Comme si elle ne les connaissait pas déjà bien trop par cœur à mon goût. « Fais pas ça. » Le livre entre mes doigts semble brûler ma peau tant je voudrais l’ouvrir. « Tu vas vouloir tout réécrire déjà. » « Même pas vrai. » Bien sûr que si c’est vrai, elle le sait par cœur. Je vais vouloir reprendre chaque tournure de phrase, changer un mot, reprendre un paragraphe en entier. C’est tout ce qui me démange. « Faut que ça marine. Laisse-toi une chance. T'as mangé ? » « Non. » que je souffle. « Crève pour que je cuisine. » Je suppose qu’elle va me sortir la carte de "je porte la vie" pour les prochains mois juste pour que je la nourrisse. Hors de question que je me transforme en larbin, plutôt mourir. Bon peut-être que je le ferais, mais elle n’a pas besoin de le savoir. Pas de suite. « J'te demande pas ce que tu veux, juste si t'as bouffé. Tu fais la fine gueule, tu te contenteras de tes notes de merde ; et y'en a assez pour nourrir un buffet en entier pendant une semaine. » « Faut souffrir pour son art pas vrai ? » Elle fouille dans le tiroir dédié au prospectus des restaurants du coin, le truc déborde de tous les côtés. « Commande pas le chinois, tu vas encore être malade. » que je nargue. « Et cette fois, je tiendrais pas tes cheveux ! »
Et si on passe le reste de la soirée à s’envoyer des piques à la gueule, personne n’aura besoin de savoir qu’en réalité, c’est tout ce dont on avait besoin, l’un comme l’autre. |
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