Je ne m’attendais pas à ça. Je ne m’attendais pas à ce que cette conne parte au beau milieu de la tournée avec un autre mec. Ca m’apprendra à m’attacher, à vouloir tenter de nouveau quelque chose. Je la déteste, j’espère qu’il va finir par crever dans un crash de l’avion et qu’elle emportera l’autre vieux connard avec elle. J’élabore déjà des centaines de plans pour que ma vie devienne géniale et que la sienne ne reste que le trou noir qu’elle a toujours été. Elle gâchera tout, comme elle le fait toujours. Je l’espère de tout mon coeur. Elle ne mérite même pas d’avoir le droit à une seconde de bonheur. Ni lui ni elle.

J’ai fini ma tournée seul, c’est bien mieux comme ça. Je n’aurais jamais dû proposer à qui que ce soit de m’accompagner. Je vais détester le monde entier pendant un bout de temps. Je n’aimais déjà pas beaucoup les gens, mais maintenant, je n’ai plus envie d’avoir aucun rapport avec des êtres humains. Je pourrais rester là, dans ce van à ne rien faire de plus que regarder les étoiles et jouer de la guitare. C’est ce que je fais de mieux de toute manière.

J’ai fini par revenir à Brisbane, et la première personne que je vais voir c’est le frère de la pire connasse de l’univers. Je suis allée chez lui, elle doit être à l’autre bout du monde alors je ne me demande même pas si je vais la croiser. Je ne toque pas, je ne le fais jamais. Et même si la porte avait été fermée à clef j’aurais forcé la serrure. “Dis moi que si je butte ta soeur tu m’aides à enterrer le corps pour pas que je me fasse choper.” Il va dire non ce con, parce qu’il a fait l’erreur d’être proche des membres de sa famille. Foutaises.


@Wyatt Parker

« T'es passé où ? » Jour 1
« Réponds Ariane bordel. » Jour 3
« T'es vraiment qu'une sale chieuse quand tu t'y mets. » Jour 5
« J'ai bu tout le vin que t'aimais. » Jour 5.5
« Ariane, réponds... » Jour 6
« »

Elle a mis du temps, elle n'a rien dit de particulier, juste un emoji à la con, mais elle a répondu. Ma soeur qui s'est barré de sa fabuleuse tournée avec Jet. Cette idiote qui a préféré foutre le camp avec un gars. Un vieux selon les dires du musicien. Je crois deviner, mais je ne préfère pas spéculer. Elle fait ce qu'elle veut Ariane, enfin, jusqu'à un certain niveau. Je dois avouer que je suis plutôt heureux de ne pas la savoir partie, je ne sais où avec l'autre con de marin. Maintenant, j'étais loin et je n'ai pas toutes les informations nécessaires. Elle va entendre parler quand elle rentrera. Si elle rentre...

L'absence de ma sœur comme colocataire aura eu au moins un point positif, je peux essayer d'écrire en paix. Les idées ne fussent pas à vitesse grand V, mais parfois, il m'arrive d'avoir un peu d'inspiration. Vautré dans mon canapé, carnet à la main, stylo qui court sur les pages, je tente d'assembler ce qui m'est venu hier soir. Les lignes se noircissent, je pense tenir quelque chose qui tient la route, une idée de plus que je ne veux pas laisser mourir entre ces pages. Je pensais pouvoir avancer, ne pas me laisser perturber. C'était sans compter sur Jet. « Te gêne pas surtout. » Il a ouvert la porte en grand, laisser ses chaussures dégueulasses à l'entrée et ramener sa gueule fatiguée dans mon champ de vision bien trop rapidement. « Dis moi que si je bute ta soeur tu m’aides à enterrer le corps pour pas que je me fasse choper. » Je ne lui laisse pas le temps de s'asseoir à mes côtés, que déjà, il se prend une frappe à l'arrière du crâne. « Personne bute ma sœur à part moi. » Règle numéro un, elle est immuable celle-là. « Et arrête de faire la chialeuse. » D'avance, un sourire narquois se dessine sur mes lèvres. J'ai piqué dans le vif. « Ca te va pas au teint ma biche. »

Bien sûr que je ne me gêne pas, depuis quand je le devrais. Il pense vraiment que je vais commencer à toquer tout ça parce que monsieur a décidé de faire semblant de travailler ? Foutaises. Je me ramène à côté de lui pour cracher mon venin sur sa soeur. Mais il a une foutue règle à la con le Parker, celle qu’apparemment sa famille est plus importante que moi alors que je sais qu’au fond il a envie de buter Ariane encore plus que moi. Mais il faut qu’il joue le grand frère sauveur, quelle horreur d’être aussi con. Lui aussi il commence à m’énerver.

Une frappe derrière ma tête et mon coude qui se place rapidement dans ses côtes. C’est donnant donnant, il le sait. Je ne vais pas me laisser frapper sans répondre. “Fais le vite alors.” Vite et bien, que surtout personne ne retrouve son corps à temps pour la sauver. J’ai même pas envie de parler d’elle, même si son regard à lui mon rappelle le sien à elle. Foutu lien de famille de merde. “Je t’emmerde. Mon teint est déjà à chier.” Il est à chier depuis que j’ai dû finir mon voyage seul et que j’arrive plus à écrire de mélodie potable. Ca ça m’énerve, j’arrive plus à écrire ni à ressentir alors que c’est l’essence même de mon métier. Je la déteste, vraiment. “Toi aussi tu fais chier.” Et j’aurais dû rester un long moment sur les routes tout seul, sans rien faire d’autre que boire et visiter des villes que j’ai encore jamais vu. Et pourtant je me dirige vers la cuisine pour sortir de bière du frigo et lui en ramener une. “Sur une échelle de 1 à 10 à quel point t’es dans la merde pour écrire ton livre ?” Il fera croire qu’il n’arrive pas à écrire parce que je suis là.

La règle est d’or chez les Parker, on se menace de tout entre nous, les autres n’en auront jamais le passe-droit. Quiconque s’en prend à ma sœur ou même notre petit frère et c’est l’enfer qui s’abattra sur eux. Meilleur ami depuis des années, ou pas, Jet ne déroge pas à la règle. Il peut rager tant qu’il veut, qu’il ose lever un petit doigt et je lui brise tous les os du corps un par un. Au fond, il le sait parfaitement, ce n’est pas ce qui l’empêche de rêvasser sur des plans de vengeance de l’extrême quand visiblement Ariane lui a poser un lapin durant leur méga tournée. J’avais promis de pas m’en mêler, on va voir combien de temps la promesse va tenir. Mon record personnel est de trois jours, qui dit mieux ? « Fais le vite alors. » « Oui oui, c’est ça, allez ranger les crocs puppy. » S’il y en a bien un qui ne pourra jamais m’impressionner avec ses menaces, c’est bien Jet. Il pense être pire que le reste de la planète quand en réalité, je serais toujours pire que lui. Pis avouons le, j’adore l’emmerde. Une vraie passion dans ma vie, encore plus lorsque cela fait des heures que je m’emmerde seul dans mon appartement à prétendre écrire alors que rien ne vient. « Je t’emmerde. Mon teint est déjà à chier. » Je hoche la tête, le laissant faire sortir tout ce qui est nécessaire, tant il fulmine sans avoir encore rien expliquer. Je finirais par tirer les vers du nez, mais déjà, on va le laisser penser qu’il est pas atteint par quoique ce soi. « Toi aussi, tu fais chier. » Et aller. C’est qu’il commence à se répéter le petit. « Ca fait beaucoup de chier en deux minutes là. Tu me fais une crise ? » Je sais que je vais encore le faire rager pire. C’est peut-être bien le but. On se foutra sur la gueule comme toujours et ça finira par aller mieux pour lui. Ou quelque chose comme ça.

La bière fraîche qui atterrit dans ma main lui sert de millième excuse pour squatter ici bien plus longtemps que de raison. « Sur une échelle de 1 à 10 à quel point t’es dans la merde pour écrire ton livre ? » « Sur une échelle de 1 à 10 à quel point t’as envie de mourir là maintenant ? » Foutez-moi tous la paix avec ce putain de bouquin. J’en peux plus que l’on me presse, que l’on me pose des questions quand clairement rien n’avance et ils le savent. Lorsque j’écris, enfin lorsque j’écrivais vraiment, je passais mes journées enfermer dans une pièce sans parler à personne. Je me coupe du monde quand j’ai une idée, une vraie. Alors ils seraient au courant si je ne passais pas mon temps à écrire des piges pour tenter de gagner ma vie quand il semble certains que le prochain bouquin ne verra probablement jamais le jour. « Me gonfle pas avec ça Jet, tu vas prendre pour les autres. » Pour Ariane qui me tanne, pour Emma, pour Yele même. « Pourquoi t’es venu pleurnicher chez moi. Elle t’a fait quoi la frangine Parker encore ? » Parce que c’est toujours pour ça qu’il vient.

« Oui oui, c’est ça, allez ranger les crocs puppy. » “Fuck you” Il me fait chier en fait. Autant que sa soeur maintenant. J’ai envie de lui envoyer un poing dans la figure mais je me dis que ce sera pour plus tard. Autant qu’on soit tous les deux au maximum de notre énervement avant qu’on ne commence à frapper pour évacuer. C’est comme ça que ça fonctionne à chaque fois après tout. « Ca fait beaucoup de chier en deux minutes là. Tu me fais une crise ? » “Je m’adapte quand je suis avec des personnes âgées.” Je ne sais même pas vraiment quel âge il a, même si ça fait des années qu’on est toujours fourré ensemble. Il me fait chier, et je pourrais encore le dire plusieurs fois s’il veut que je continue de radoter. Mais au lieu de répéter, je préfère aller attraper une - deux - bières dans son frigo. Et j’espère que c’est Ariane qui les a payé. Elle me doit bien ça, même si je suis déjà en train de préparer tout ce que je vais bien pouvoir lui dire et lui faire pour me venger.

« Sur une échelle de 1 à 10 à quel point t’as envie de mourir là maintenant ? » J’en déduis qu’il est vraiment dans la merde et ça me fait rire. “T’es carrément au dessus de 10.” Et mon sourire de con arrogant ne quitte pas mon visage. Il m’énerve, je l’énerve, c’est du donnant donnant et il le sait. Il me cherche je le cherche, et on sait qu’on se connait bien et que c’est presque trop facile de jouer à ce jeu là. « Me gonfle pas avec ça Jet, tu vas prendre pour les autres. » “Bouuuh j’ai peur !” Et je bois une gorgée de bière pour lui montrer à quel point je suis terrifié par ces quelques menaces jetées en l’air. J’en ai vu des pires que lui, et il en faut beaucoup pour que je commence à avoir peur.

« Pourquoi t’es venu pleurnicher chez moi. Elle t’a fait quoi la frangine Parker encore ? » Oh il n’est pas au courant. Et ça me fait encore plus rire, un rire presque incontrôlable. “Oh ça va pas te plaire.” Je le connais bien assez pour savoir qu’après ce que je vais lui dire il va lui-même établir un plan pour qu’elle meurt et que son sugar daddy aussi. “Elle est partie à Vegas, certainement se marier avec un mec riche et bien plus vieux qu’elle. Mais t’as certainement déjà entendu parler de lui non ?” J’espère pour elle, sinon, je ne donne pas cher de sa peau.

« Fuck you. »
« Yeah love you too. »

Je lui envoi le sourire le plus narquois qui soit. Il est énervé Jet. Il tourne comme un lion en cage, si c'est souvent le cas, cela fait bien longtemps que je ne l'avais pas vu aussi agité. Quelque chose l'énerve plus que d'habitude, joue avec ses nerfs, tire sur la corde sensible. Je soupçonne ma sœur d'être la véritable coupable, mais il faut croire que c'est moi qui mérite de recevoir les foudres du jeune homme. Il faut dire que c'est clairement devenu une habitude. Avec moi, il sait qu'il n'a pas besoin de filtre, qu'importe ce qu'il dira si quelque chose ne convient pas, on finira par se foutre sur la gueule. Ca durera une heure, puis on sortir de quoi se mette la tête à l'envers, le tout arrosé de bières pas chères, mais qui font généralement l'affaire. « Mec t'a deux ans de moins que moi, respecte toi. » que je viens le charrier alors qu'il parle de personnes âgées. Ce con.

« T’es carrément au-dessus de 10. » Bien sûr que je suis dans la merde. On a dépassé le dix pour aller chatouiller les nuages à ce rythme-là. Je devrais écrire, je devrais chercher à publier même, alors que je rester coincer dans cette étape d'entre-deux de merde. Rien de ce que je ponds ne semble correct, tout m'énerve sur des propositions folles et les commentaires du brun me donne envie de lui arracher la tête. Qu'il s'abstienne le merdeux. Il est bien plus aisé de tourner la conversation sur son être entier, si nombriliste qu'il est, il se fera un plaisir de parler de sa personne. « Oh ça va pas te plaire. » Sa réponse me laisse sans voix, un brin interloquée sur ce que je pourrais bien apprendre. En quelques mots, il obtient toute mon attention la plus entière. « Elle est partie à Vegas, certainement se marier avec un mec riche et bien plus vieux qu’elle. Mais t’as certainement déjà entendu parler de lui non ? » C'est réfléchir, même pas l'espace d'une seconde, que je viens foutre un coup de pied dans le tibia de Jet. « Et toi, tu la laisses se barrer ?! » Putain, mais c'est pas possible d'être aussi con. « C'est qui ce gars? » Je jure si c'est le marin, je vais aller tuer de mes propres mains. Dans quelle merde elle est encore allée se foutre. Sans attendre, j'attrape mon téléphone pour envoyer un énième message à Ariane. « Elle me répond pas depuis des jours en plus cette conne. » J'ai déjà hâte qu'elle rentre. Mais dans la seconde qui suit, mon regard se pose sur Jet. « Et c'est pour ça que tu chiales toi ?! » Il est jaloux ma parole ?

« Yeah love you too. » je grogne, il me fait autant chier que sa soeur celui là. J’ai pas envie de penser à elle, et pourtant je suis allé me réfugier chez Wyatt comme si c’était ma seule option. J’aurais dû me barrer à Paris et ne plus jamais donner de nouvelles à personne, mais la musique est encore bien plus importante pour moi que tout ce que peut penser ou faire Ariane Parker. « Mec t'a deux ans de moins que moi, respecte toi. » “Toi t’as 30 ans de plus que moi dans ta tête.” Il est plus vieux que moi et c’est la seule chose qui compte à ce moment là.

Je lui dis qu’elle est partie avec un connard, persuadé qu’il le connait déjà. C’est étonnant que Wyatt ne cherche pas à connaître le moindre détail de la vie de sa soeur. « Et toi, tu la laisses se barrer ?! » Mes yeux s’ouvrent en grand, je suis particulièrement étonné. J’ai envie de l’étrangler ou de le prendre à coups de poing mais pour le moment je reste calme. “T’es sérieux là ?” Je suis ni son père ni son grand frère, c’était pas à moi de la surveiller. “J’allais pas la supplier de rester elle a qu’à crever pendant son voyage.” Si elle ne faisait plus partie des personnes présentes sur cette planète, je pense que ça me rendrait heureux. Elle est nocive, elle est odieuse, et je mourrai en jurant qu’elle est la pire personne sur cette Terre. « C'est qui ce gars? » “Je lui ai pas demandé son identité.” Je grogne et bois la moitié de ma bière en une gorgée. Et si je me saoulais jusqu’à la fin des temps ? Ca me parait être une très bonne idée à cet instant. « Elle me répond pas depuis des jours en plus cette conne. » “Qu’elle reste où elle est et qu’elle disparaisse.” Il pourra dire ce qu’il veut, je ne ferai rien pour l’aider à la chercher ou avoir de ses nouvelles. « Et c'est pour ça que tu chiales toi ?! » “Oh ta gueule.” Et ma bière est terminée. “Elle est dégueulasse ta bière.” C’est pour ça que je pars à la recherche d’une autre bouteille d’un alcool un peu plus fort.

« T’es sérieux là ? »
« Plus que jamais dude. »

Juste pour l’emmerder encore un peu, juste pour voir son regard noircir au fil des minutes. Il est si facile à lire Jet dès que l’on aborde le sujet de ma sœur. On est comme deux cons à laisser nos faiblesses se cacher dans des courbes féminines. Je pourrais lui péter la gueule pour le seul fait qu’il est laissé Ariane filer, mais il est perdu comme un con Jet. Trop attacher à elle, parfois trop dépendant pour laisser le jeu l’influencer. Je pourrais le détester de s’amuser autant avec ma sœur. Étrangement, lui, je lui fais confiance. Je saurais le retrouver en clin d’œil après tout. « J’allais pas la supplier de rester, elle a qu’à crever pendant son voyage. » J’éclate de rire aussi rapidement que mon pied vient heurter sa cuisse avec violence. « Tu feras gaffe t’as ta jalousie qui ressort. » Il lui en veut de s’être barré avec un autre et ça coule de partout sur sa face.

« Je lui ai pas demandé son identité. »
« On peut pas te faire confiance ! »

Je râle pour la forme, pour le faire crisser aussi un peu. On a l’air de deux vieux cons à jurer toutes les deux minutes en maudissant Ariane sur des années. Elle serait là, on l’insulterait bien plus avant de lui faire les yeux doux. Mais elle est pas là. « Qu’elle reste où elle est et qu’elle disparaisse. » Je retiens un énième rire et préfère boire une gorgée de ma bière. Il s’énerve Jet, il rage encore plus fort et dans deux minutes, il va s’en prendre à moi. J’attends en sifflotant, pose mes pieds sur la table basse et m’installe pour le reste de la soirée, il est pas prête de partir. « Elle est dégueulasse ta bière. » Je souffle et il se lève. « Placard du haut à gauche. » Il va chercher plus fort, autant lui donner les directions. « T’aurais pas un truc ? » Il a toujours un truc dans ses poches. « Pour un pote. » Parce que j’ai clairement pas les moyens de lâcher des billets pour l’instant. « Qu’on se plaigne de ce que les femmes nous font en planant un peu au moins. »

« Plus que jamais dude. » Je le déteste, je pense qu’à cet instant je le déteste encore plus que sa soeur. Je devrais éliminer tous les Parker de cette planète. « Tu feras gaffe t’as ta jalousie qui ressort. » “Ta gueule.” Si seulement j’avais sa Emma sous la main, je pourrais lui rendre coup pour coup. Parce qu’elle aussi c’est une conne qui mériterait d’être envoyée à l’autre bout de la planète. Mais je ne parle pas d’elle, parce que je suis bien trop occupé à voir rouge et à penser à la rousse qui a piétiner mes idées d’avenir à deux. Je n’en parlerai pas, et surtout pas à son grand-frère. Ma fierté est bien trop importante pour que je sois capable de revenir sur cette situation un jour. Ca sera oublié, pour toujours.

« On peut pas te faire confiance ! » “Comme si c’était nouveau.” Je ne suis pas une personne de confiance en temps normal, mais Wyatt sait très bien qu’il peut compter sur moi, il est important et il le sait.

Je veux quelque chose de plus fort. Plus d’alcool, plus de n’importe quoi qui pourrait faire passer la douleur et inonder mes pensées. Je sais que c’est terminé, et c’est mieux comme ça. « Placard du haut à gauche. » Je hoche la tête et je me dirige vers l’endroit qu’il m’indique. J’attrape deux bouteilles des alcools les plus forts qu’il a en réserve, et je continue de l’écouter. « T’aurais pas un truc ? » Je fronce les sourcils avant de croiser son regard, je vois très bien de quoi il parle. « Pour un pote. » Autrement dit, il n’a pas assez d’argent pour payer sa drogue en ce moment. J’ai toujours quelques trucs pour ma consommation personnelle, parce que je ne prends jamais mes les drogues que la Ruche nous fournit, c’est bien trop dangereux et addictif. « Qu’on se plaigne de ce que les femmes nous font en planant un peu au moins. » “Poudre ou pilule ?” Parce que je peux lui fournir les deux. “T’as des problèmes d’argent ?”

« Ta gueule. »
« Dis moi des mots doux. »  

C'est une véritable passion que de le faire tourner en bourrique, de chercher le moindre petit truc pour le titiller. Il va monter dans les tours en un rien de temps, lui qui semble déjà tant rager rien qu'à l'évocation de l'existence de ma sœur sur cette planète. Cela a toujours été un sacré cirque entre eux, du genre que je n'ai jamais réellement compris et dont je préfère ignorer certains tenants et aboutissants. C'est leur bordel, et même s'il n'y a rien que je ne ferais pas pour protéger Ariane, elle est bien assez grande pour se démerder avec le Etish. Lui qui rage toujours pour un rien, mais qui finit par revenir vers elle la queue entre les jambes, une fois sur deux. Je pourrais lui en faire la remarque, mais préfère m'abstenir, ne souhaitant pas réellement recevoir son poing en pleine figure. Je préfère, pour bien des raisons, lui indiquer où se cache la réserve d'alcool. C'est la tradition entre nous. On se fout sur la gueule, on se plaint un peu et on finit par boire avant d'aller exécuter quelques conneries dont nous seuls avons le secret. La recette est toute trouvée pourquoi en changer la formule lorsque l'on sait par avance que c'est ce qu'il nous faut. IL fait comme chez lui Jet, sors les verres pour faire bonne figure alors que l'on risque de finir au goulot dans cinq minutes trop feignant pour prétendre avoir de bonnes manières. Sans discutailler, je lui demande s'il est venu armer de ses meilleures munitions et il déçoit jamais lorsqu'un sourire malicieux se dessine sur ses lèvres. « Poudre ou pilule ? » Les deux seraient trop demandés ou un brin abuser comme elle aurait pris un malin plaisir à le souligner sans vergogne, Rosie. « Pilule. » Je n'ai pas pris de blanche depuis bien trop longtemps et on va éviter les grosses conneries alors que je tente de lisser mon image pour reprendre le chemin du travail. Enfin un truc comme ça. « T’as des problèmes d’argent ? » Un rire m'échappe alors que je hausse les épaules. « J'ai plus d'inspiration. » Et chez moi, c'est le cœur même des problèmes. Pas d'inspiration, pas de matière à publier et donc pas de rentrées d'argent. C'est pas le peu de pige que je peux faire de temps en temps qui va forcément remplir mon porte-monnaie. C'est la merde et il l'a déjà compris. « C'est temporaire. » que j'assure comme s'il en avait foncièrement quelque chose à faire. « Je t'offre la boisson, fait pas le radin. » que j'ajoute, juste pour la forme. Pour l'emmerder surtout.

« Dis moi des mots doux. » Il me fait chier ce con, je lui envoie un doigt d’honneur et ça c’est la dernière étape avant de lui mettre mon poing dans la figure. Il m’énerve et il me cherche alors que c’est sa soeur qui fait de la merde et qui a tout gaché cette fois. Je serre les dents, je n’arrive pas à décolérer. Je m’assois sur son canapé, une bière à la main et je finis par regarder le plafond. J’ai besoin de me changer les idées, de dormir ou de me défoncer. Mais Wyatt décide d’opter pour la deuxième option, il est pire que moi le Parker. « Pilule. » “Un autre choix m’aurait étonné.” J’attrape ce dont on a besoin dans ma poche, je choisis les meilleures.

« J'ai plus d'inspiration. » Donc il a des problèmes d’argent. On est dans le même cas avec Wyatt. Si nous n’avons pas d’inspiration nous n’écrivons pas, et tant qu’il n’y a pas d’écriture il n’y a ni ventes ni projets. Je hoche la tête, qu’est ce que je pourrais bien lui dire de plus ? « C'est temporaire. » “C’est toujours temporaire.” A ce niveau là on pourrait presque croire que je suis en train de l’encourager. Je ne connais que trop bien cette situation, alors je ne fais pas de blagues, et je bois le fond de la bière que je tiens entre mes mains depuis seulement quelques minutes. “Choisis.” Deux pilules, et je lui laisse l’occasion de choisir en premier. « Je t'offre la boisson, fait pas le radin. » “J’espère que la boisson c’était pas seulement une bière parce que ce serait l’arnaque du siècle.” Je hausse un sourcil, je ne sais pas comment finira cette soirée mais je ne compte pas partir d’ici avant un très long moment. On a pas d’inspiration, donc j’imagine que l’on n’a pas mieux à faire.

À force de le titiller, il va rager. Ce n’est que jouer avec la corde sensible. D’abord un doigt d’honneur et bientôt un poing dans ma figure. C’est peut-être ce que je cherche inconsciemment, un coup de sa part, un truc qui réveille. Ce ne serait pas la première fois que l’on se fout sur la gueule tous les deux et probablement pas la dernière au final. On se décide à d’abord s’embrumer l’esprit comme on sait si bien le faire. Une pilule contre un peu de rancune. Il pourra rager encore plus fort, je pourrais exulter la colère qui sommeille en profondeur. Le cocktail risque d’être explosif, mais qu’importe quand tout ce qu’il nous reste, c’est peu d’inspiration et une volonté téméraire de tout foutre en l’air. « C’est toujours temporaire. » Il le sait aussi bien que moi, il connaît les mêmes traversées du désert, il juge sans force. « C’est rien d’important. » On prétendra toujours le contraire, que rien ne nous affecte quand bien même je n’en peux plus d’être incapable de pondre quoique ce soit de convaincant.

Main tendue, il m’offre la pilule récréative de mon choix. Je prends au hasard, qu’importe, le tout sera rincé par une gorgée de bière presque tiède. « J’espère que la boisson c’était pas seulement une bière parce que ce serait l’arnaque du siècle. » Je lève les yeux au ciel soupirant bien trop lourdement. « Casse couille. » C’est son surnom attitré celui-là, celui qui corresponds le mieux à sa tête à claques. Je soupire encore un peu, pour souligner le tout avant de me lever et d’aller fouiller dans un placard en hauteur. Assez haut pour qu’Ariane ne puisse l’atteindre facilement. Se cache le stock de whisky et autre boissons bien plus intéressante. Je descends deux bouteilles avant de me tourner vers Jet. « Whisky ou vodka ? » Je connais déjà presque son choix, mais on a la soirée devant nous après tout.

« T’as de nouvelles chansons ? » que je finis par lui demander, autant s’intéresser un peu avant qu’il ne passe le reste de la soirée à rager sur ma sœur.

« C’est rien d’important. » C’est jamais important parce qu’on passe toujours au-dessus de tout. On se débrouille avec ce qu’on a, avec ce qu’on est capable de faire. C’est comme ça que ça fonctionne ce genre de métier, l’inspiration finit toujours par revenir à un moment ou à un autre. Alors on s’assoit sur le canapé, et on devrait parler de tout sauf de boulot. Si travailler de sa passion peut être noté comme un boulot. J’ai soif, et j’ai besoin de quelqu’un pour me défouler. Peut-être qu’on finira par se taper dessus, et ça serait une fin de soirée habituelle.

« Casse couille. » Je fournis la drogue, c’est toujours moi qui la fournit et lui il s’occupe de l’alcool. Alors j’espère qu’il a prévu un peu plus qu’une simple bouteille de bière. Il faudra que j’aille trouver autre chose ailleurs s’il n’a pas prévu le coup. Mais je sais que je peux compter sur lui, on ne se déçoit pas vraiment à ce sujet là tous les deux. On a toujours ce qu’il faut quelque part. “Merci, c’est mon surnom préféré.” J’adore rester sur le ton de l’humour avec lui, c’est uniquement comme ça qu’on peut réussir à se changer les idées au milieu de toute cette merde. « Whisky ou vodka ? » “Depuis quand faut choisir ?” C’est qu’il devient radin le Parker avec les années. « T’as de nouvelles chansons ? » “J’ai plus d’inspiration.” On fonctionne pareil, et aussi en même temps apparemment. Je n’ai plus d’inspiration depuis qu’Ariane a décidé de choisir un vieux riche comme nouveau partenaire de vie. Je la déteste, et par extension je vais détester toutes les personnes qui vont me parler d’elle en des termes trop positifs pour que je puisse le supporter. J’ai besoin de boire, et que les pilules commencent à faire leur effet.

« Merci, c’est mon surnom préféré. »
« Tu préfères pas Jeremiah ? »

C’est jouer avec le feu. C’est tenter le diable. Il pourrait partir sans rien offrir, mais il semble bien décidé à rester Jet. Quand bien même il me jette un regard noir. Le jeu est trop aisé, il sait que je n’abandonnerais jamais la partie, qu’importent les horreurs que l’on sera capable de se balancer à la gueule. Au moins, il fournit le nécessaire pour s’évader, mais il réclame de quoi arroser le tout l’enfoiré. Me voilà obligé de taper dans ma réserve personnelle. « Depuis quand faut choisir ? » C’est qu’il fait le chieur en plus l’habitué. « Abuse pas. » Et pourtant, j’embarque les deux bouteilles avant d’aller chercher des verres et quelques glaçons pour agrémenter. Je sais qu’il préfère le whisky et nous sert deux verres qui seront que le marquant du début de cette soirée.

« J’ai plus d’inspiration. » Comme par hasard… Il ne serait pas dans mon canapé si ce n’était pas le cas, il ne serait pas à se plaindre d’Ariane à tous les degrés de variation. Il pourrait au moins s’inspirer de ça le con, mais c’est jamais ce qui prend quand on se laisse bouffer par des sentiments. On sait pas gérer ce genre de choses tous les deux. On préfère hurler à notre indépendance, jurant à qui veut l’entendre que l’on ne sera jamais atteint par ce genre de futilités. Qu’importe si c’est tout le contraire quand on finit par se faire bouffer de l’intérieur. « T’essaye même pas. » Piquer là où ça fait mal. Chercher à réveiller son ego, c’est peut-être ce qui finira par l’inspirer.

On ira jamais la chercher cette foutue inspiration, préférant noyer ce que l’on avouera jamais vraiment entre deux pilules, quelques verres et des blagues à la con.