Déjà plus d’une semaine que Caelan était de retour au bercail et il se rendait compte à quel point sa famille lui avait manqué. Partir n’avait pas été une décision facile pour lui mais il en avait grandement besoin, même s’il culpabilisait parfois de ne pas avoir été présent pour Norah durant cette période. Son accident de voiture lui avait fait remettre en perspective ses priorités et il comptait être présent pour elle aussi longtemps qu’elle en aurait besoin. La vente de sa maison lui avait quand même donné quelques liquidités qui allaient lui permettre de rester sans emploi le temps que Norah se remette sur pieds, ou du moins qu’elle soit assez en forme pour sortir de l’hôpital. En attendant, il se faisait plaisir de reprendre le temps perdu avec son neveu et sa nièce. « Aidan, Julie, les crêpes sont prêtes! » Autant dire qu’il faisait tout en son pouvoir pour mettre un peu de joie dans leur vie pendant cette période difficile. « La prochaine fois que je vais au Canada, je vous rapporterai du sirop d’érable pour mettre sur vos crêpes. Vous allez voir, c’est délicieux. » Il servit les assiettes des deux enfants avant de se servir et de se joindre à eux à la table. Julie semblait pensive alors qu’elle jouait avec sa nourriture avec sa fourchette sans manger. Caelan se pencha par-dessus la table et posa sa main sur la sienne pour la réconforter. « Ta maman est forte tu sais? Les médecins font tout pour la remettre sur pieds pour qu’elle puisse être avec vous. » Julie leva les yeux vers son oncle et haussa les épaules. « Je ne veux pas aller à l’école, je veux venir à l’hôpital avec toi. » « Moi non plus, veux pas y aller! » Quelque chose disait à Caelan que Aidan ne faisait que répéter ce que sa grande sœur disait mais il comprenait quand même que leur mère leur manquait cruellement. Caelan aussi trouvait cette période difficile bien qu’il essayait d’être fort et de ne pas leur montrer. « C’est normal qu’elle vous manque vous savez? Vous lui manquez à elle aussi. En attendant qu’elle puisse revenir, il faut être fort et l’aider le plus que possible. Je suis certain qu’elle voudrait que tu ailles à l’école Julie. Ça va te faire du bien de sortir de la maison et de voir tes amis. » L’idée commençait à faire son chemin tranquillement alors que les deux commencèrent à manger leur petit-déjeuner.

Après avoir déposé les deux enfants, Caelan arrêta dans un café du quartier pour s’acheter du café, un sandwich et des muffins pour l’hôpital en se disant que ces dernières sucreries remonteraient peut-être le moral de sa sœur jumelle puisque la nourriture des hôpitaux est généralement assez déprimante. Il ramassa également des fleurs à la boutique de l’hôpital avant de rejoindre Norah dans sa chambre. « Hey. » dit-il en souriant à sa sœur dès qu’il pénétra dans la chambre. Il déposa les fleurs et son café sur le bureau qui se trouvait en face du lit puis il s’approcha de Norah l’embrassa délicatement sur la tempe pour ne pas lui faire mal. « Julie et Aidan t’ont fait un petit quelque chose. » Il sortit de son sac un dessin que Aidan avait fait pour elle la veille. Caelan avait aidé Aidan en écrivant « On t’aime » à côté du dessin puis les enfants avaient écrit chacun leur nom, la signature d’Aidan ressemblant plutôt à un gribouillis. « Je ne sais pas si tu peux en manger mais je t’ai aussi apporté des muffins. Je les ai achetés avec amour parce que tu sais trop bien que si c’était moi qui les avais faits, ils seraient immangeables. » Et disons qu’il n’avait pas tellement envie de rajouter une intoxication alimentaire à sa longue liste de problèmes actuels. Assit sur la chaise à côté du lit de Norah, Caelan se pencha vers l’avant, accota ses coudes sur ses genoux et posa ses deux mains sur celle de Norah. « Comment tu te sens aujourd’hui? » L’inquiétude de Caelan se lisait dans ses yeux. « As-tu besoin de quelque chose? Manger, boire, que je déplace tes oreillers? Profites-en pendant que t’as un homme à tout faire à ton service, gratuit en plus. » Il lui fit un petit clin d’œil tout en caressant sa main du bout de ses doigts.

SOMETIMES MIRACLES COME IN PAIRS ft. @Caelan Leckie

Norah se trouvait particulièrement chanceuse d'avoir des proches aussi présents pour elle, qui restaient même si elle avait besoin de repos, sans se permettre de perturber sans sommeil sous prétexte qu'ils savaient mieux qu'elle ce dont elle avait besoin. Marcus emmenait toujours de quoi bouquiner jusqu'à ce qu'elle se réveille, Percy restait souvent dans ses pensées, Anwar enchaînait les tasses de café au goût médiocre jusqu'à ce que chacun puisse échanger quelques mots avec la belle brune. Ils se démenaient en parallèle pour s'occuper des enfants, à leur donner des explications et des nouvelles en attendant qu'ils puissent à nouveau la voir. Norah se remettait, mais lentement. La plus grande surprise pour Norah était d'apprendre que son frère jumeau était de retour à Brisbane, après plusieurs d'absence en s'étant réfugié au Canada. Elle était soulagée aussi, de l'avoir désormais plus près d'elle, de le voir. Le fait qu'il ne soit pas présent avait généré un autre creux dans sa vie que personne ne serait capable de combler. Il n'avait pas la moindre idée de la façon avec laquelle l'état mental de sa jumelle s'était dégradé, à moins que ses autres frères ou Anwar lui en ait fait un rapport détaillé dès qu'il était de retour. "Les douleurs, aujourd'hui ?" demandait l'une de ses collègues en entrant dans la chambre pour vérifier l'ensemble des drains encore présent. "Pas vraiment mieux qu'hier." admit Norah sans détour. "Tu sais autant que moi que les douleurs de ce genre sont les plus compliquées à soulager." Tessa, sa collègue, la regardait d'un air navré. "Si ça ne tenait qu'à moi, je ferai n'importe quoi pour que la guérison se passe plus vite pour toi." "Ca ira mieux quand on m'aura débarrassée des drains, aussi." fit-elle remarque avec un sourire. "C'est encore trop juste pour les enlever." Norah connaissait bien cette impression là, en étant infirmière. Ce sentiment d'impuissance lorsque tous les soins possibles ont été faits dans le but de soulager un malaise ou une douleur et que malgré ça, le problème n'était toujours pas résolu. "Tiens bon." souffla Tessa en posant une main encourageante sur son bras avant de quitter la chambre. Suite à quoi, la belle brune sombrait une nouvelle fois. Elle fut réveillée une heure plus tard par la visite de son frère jumeau, qui avait les bras bien chargés. "Hey." répondit-elle un peu enroué, un léger sourire aux lèvres alors qu'elle émergeait encore. Il le laissa poser des affaires sur la table de la chambre avant de s'approcher d'elle pour l'embrasser affectueusement. C'était avec beaucoup d'émotions qu'elle vit l'oeuvre d'art de son petit bout de chou. "C'est adorable." dit-elle d'une voix tremblante. Elle regardait les traits maladroits de son petit garçon, l'écriture très appliqué de sa fille. Ils lui manquaient terriblement. "Tu les embrasseras, pour moi. Dis-leur... Que je les aime." Elle transmettait toujours les mêmes messages. Leur rappeler combien elle les aimait, qu'elle avait hâte de pouvoir les resserrer dans ses bras comme bon lui semblait, les rassurer. Sa convalescence allait prendre un certain temps, mais elle finirait par aller mieux. Caelan apportait lui-même quelques attentions, des gourmandises. Il connaissait les talents de sa soeur en terme de pâtisserie. Lui n'en avait pas vraiment. Elle rit doucement au fait qu'il l'ait acheté avec amour. " Merci  beaucoup. Je peux en manger, bien sûr, mais pas pour tout de suite, je me sens un peu barbouillée à cause de la morphine." lui dit-elle. "Promis, je le mangerai un peu plus tard." Le brun restait focalisé sur sa soeur, aux petits soins, prêts à faire n'importe quoi pour accroître son confort, faire en sorte qu'elle se sente un petit peu mieux. Il prit sa main entre les siennes, restant près d'elle à son chevet. "J'ai l'impression de m'enraciner peu à peu dans ce lit, mais à part ça, ça peut aller." Elle pouvait encore plaisanter un petit peu. Elle qui était toujours attachée à son indépendance, voilà qu'elle était clouée dans un lit d'hôpital depuis trop longtemps pour elle. "J'ai hâte qu'on me débarrasse un peu de tout ça, qu'on puisse enfin me dire que je vais bientôt pouvoir rentrer à la maison." Et reprendre un peu la marche, démarrer une convalescence. Elle savait d'avance qu'elle allait être surveillée d'un peu trop près par ses frères et par Anwar afin de s'assurer qu'elle ne se force pas, au risque de voir son état se dégrader à nouveau. Son jumeau s'empresser de lui faire toute une liste de suggestions de choses qu'il pourrait faire pour l'aidée. "Caelan, je vais bien." lui dit-elle d'un ton calme. "Tout ce que je veux, c'est profiter un peu de ta présence et de discuter. J'en demande pas plus." Elle lui souriait. Elle n'oubliait pas qu'il lui devait un certain nombre d'explications. Ses doigts serraient sensiblement les siens. "Si j'avais su qu'il fallait un accident de voiture pour que tu reviennes, j'aurais fait en sorte qu'il m'arrive un truc bien moins grave, mais beaucoup plus tôt." plaisantait-elle. Elle comprenait son départ, elle le respectait. C'était surtout le fait qu'il ne lui ait pas trop fourni d'explications qui l'avait contrarié. "Parle-moi plutôt du Canada. C'est comment, là-bas ?" demanda-t-elle, l'air sincèrement intéressé. Elle rêvait de savoir ce que son frère avait fait là-bas ces derniers mois.

Caelan trouvait que sa sœur n’avait pas l’air si mal, considérant les circonstances. Elle était loin d’être prête à aller courir un marathon, évidemment, mais elle semblait déjà beaucoup mieux que lorsqu’il l'avait vue pour la première fois à son retour. La voir dans le coma pendant plusieurs jours avait été particulièrement difficile pour lui et il détestait se sentir impuissant. Il était conscient que la route vers la guérison allait être encore longue mais de la savoir alerte le rassurait déjà beaucoup. « Le je t’aime est particulièrement bien écrit je trouve. » dit-il en lui faisant un clin d’œil. Caelan était content de voir que Norah appréciait ce qu’il avait apporté. Il n’avait jamais été hospitalisé de la sorte mais il n’avait aucun mal à imaginer comment Norah devait se sentir alors il faisait tout pour essayer de lui apporter un petit morceau de bonheur à chacune de ses visites. « T’inquiète, j’ai comme mission de leur dire à tous les jours. » Caelan tapota doucement la main de sa sœur avec l’une des siennes tout en lui souriant tendrement. Voir sa sœur rire de ses conneries lui faisait le plus grand bien, aucune thérapie lui en ferait autant. Peut-être que son corps était ravagé par l’accident mais son moral semblait toutefois quand même assez bon. « T’as pas trop mal au cœur? » Après tout, les narcotiques ne convenaient pas à tout le monde. Caelan continua de caresser la main de sa sœur et il se mit à rire légèrement lorsqu’elle mentionna qu’elle s’enracinait dans son lit. « Tu vas faire comme Homer Simpson dans son canapé. » dit-il en faisant référence au creux dans le canapé d’Homer quand ce dernier se levait enfin, à croire que son canapé était fait de mousse mémoire. « On pourra faire un moule de ton corps pour que tu puisses garder un beau souvenir de ton séjour ici. » Caelan se leva un instant pour aller prendre une gorgée de son café et pour se prendre un muffin. Il reprit place aux côtés de sa sœur aussitôt tout en dégustant son muffin. « Pas mauvais, pas mauvais. Pas aussi bon que les tiens mais pas mauvais. » D’autant plus qu’il n’avait pas pu manger de pâtisseries de Norah depuis son départ au Canada. Caelan donnerait tout pour que sa sœur soit sur pied et qu’ils soient dans sa cuisine à se chamailler parce qu’il ne pouvait s’empêcher de manger les garnitures qu’elle avait préparées pour ses pâtisseries. « Si je pouvais, j’échangerais de place avec toi. » Et il était sincère car il n’avait pas d’enfants à sa charge et qu’il méritait sans doute que ça lui arrive plus qu’à elle. En plus, comme elle était infirmière, il savait qu’elle le traiterait aux petits oignons. Caelan se sentait coupable de voir Norah dans cet état. Il s’était toujours considéré comme son protecteur et il l’avait l’impression d’avoir totalement échoué cette fois-ci. Lorsque Norah affirma qu’elle allait bien, Caelan se dépêcha d’avaler sa bouchée en haussant les sourcils. « Tu sais que t’as déjà été plus convaincante? » Il ria un peu en serrant les doigts de Norah un peu plus fort pendant une seconde pour lui montrer qu’il rigolait. La conversation prit un tournant beaucoup plus sérieux tout d’un coup. Le sourire de Caelan disparut alors qu’il baissa les yeux pour se regarder les cuisses, honteux. « Je n’ai pas voulu te laisser toute seule, je m’en veux tellement. Partir était égoïste, je suis tellement désolé. » Partir était nécessaire mais est-ce que son bonheur était si important, au détriment de celui de sa sœur? Norah est ce qu’il a de plus important dans la vie et de passer près de la perdre ainsi lui avait fait réaliser beaucoup de choses. Caelan se leva, se dirigea vers le bureau en face du lit de sa sœur et prit quelques gorgées de son café en lui tournant le dos. Il prit une grande respiration avant de se retourner et d’aller se rassoir, son café à la main alors que la discussion prit une tournure un peu plus légère, ce qui le satisfaisait. « Froid? Partir là-bas en plein hiver n’était probablement pas ma plus brillante idée. » Effectivement, janvier et février sont les mois les plus froids et la température peut atteindre les –50 en Alberta. « Oh mais le sirop d’érable Norah... ça n’a rien à voir avec ce qu’ils servent ici, c’est du vrai là-bas. Je voulais en apporter mais je suis parti tellement vite. » Du vrai sirop d’érable, pas du sirop de poteau comme ils disent là-bas en parlant de l’espèce de sirop sucré que certains endroits font passer pour du sirop d’érable. « Sinon j’ai passé l’été à planter des arbres, ça fait changement d’être derrière un bureau toute la journée. Ça explique aussi pourquoi je suis bronzé comme un mexicain. » dit-il en se pointant un bras pour montrer son teint. Caelan avait vraiment aimé son expérience au Canada, ça lui avait vraiment fait beaucoup de bien même si ça n’avait pas répondu à toutes ses questions. Sauf qu’au final, au Canada, il ne pouvait pas passer de temps avec sa famille et c’était ce qu’il y avait de plus important. « C’était bien mais le plus important n’était pas là. Je me suis ennuyé. » Il s’était ennuyé d’elle, des parents, de Percy et même de Marcus même s’il avait toujours senti que Norah avait plus d’attention de sa part, donc qu’il devait toujours se prouver. « Et toi, comment s’est passé ton année? » Il avait évidemment gardé contact avec elle pendant tout ce temps, bien qu’il fût moins présent que quand il était à Brisbane avant son départ, mais ce n’était quand même pas pareil et Norah ne lui avait probablement pas tout dit.

SOMETIMES MIRACLES COME IN PAIRS ft. @Caelan Leckie

La redondance des questions qu'on lui posait depuis son réveil avait parfois tendance à lasser Norah. Mais elle n'en disait rien; elle savait que ses proches ne savaient pas trop quoi lui demander d'autre, ni trop quoi raconter. Il y avait surtout Marcus qui cachait ses inquiétudes par des conversations diverses et variés, ne manquant jamais d'idées de sujets à aborder. Une variante qui convenait tout à fait à la jeune femme. Elle savait qu'en disant qu'elle allait bien, elle n'allait pas soulagé le poids des appréhensions et des inquiétudes. Tout ce qu'elle pouvait faire pour les rassurer, c'était de s'en remettre. Sauf que ce processus allait prendre de nombreuses semaines, voire des mois. "C'est toujours bien écrit." dit Norah en lançant un regard pétillant à son frère jumeau. Ses proches s'alternaient pour s'occuper des enfants et leur rappelaient quotidiennement combien leur mère les aimait. Ce n'était que des mots, ça n'allait jamais valoir son pensant d'or face à l'envie grandissante de pouvoir la revoir, mais il était nécessaire de le leur dire. "Merci." souffla-t-elle avec reconnaissance. Norah n'avait jamais vraiment trop pris de médicaments dans sa vie, sauf en extrême nécessité. Et là, voilà qu'elle en avait à la pelle par le biais de perfusions et de comprimés à avaler plusieurs fois par jour. Alors, forcément, son estomac était un petit peu mise à mal (mais heureusement, il y avait aussi des médicaments pour ça, le comble.) "Ca reste tout à fait supportable, ne t'en fais pas." dit-elle à Caelan afin de le rassurer, en serrant la main qu'il venait de poser sur la sienne. La comparaison qu'il faisait avec Homer Simpson la fit gentiment sourire. "Oh, non merci." dit-elle avec un léger. "Pas besoin de souvenirs pour ça." Elle allait déjà devoir faire face aux souvenirs de son séjour là, pas besoin d'avoir quelque chose de matériel pour le rendre encore plus concret. "Et puis, j'aurai déjà quelques cicatrices pour m'en rappeler, ne t'en fais pas pour ça." ironisa-t-elle. Le brun se dégourdit un petit peu les jambes avant de rejoindre le chevet de sa jumelle, prêt à manger son muffin. Il était un fin gourmet, il avait toujours su apprécier les bonnes choses, surtout les pâtisseries de sa soeur. "Je t'en referai quand je serai de nouveau en état." lui promit-elle en passant une main tendre sur sa joue. La phrase qu'il prononça ensuite fit serrer le coeur de Norah dans sa poitrine. S'il pouvait effectivement échanger sa place, elle le refuserait catégoriquement. "Ne dis pas ça, Caelan." lui souffla-t-elle, le regard profondément triste. "Et quand bien même, je ferai tout mon possible à mon tour pour rééchanger avec toi, ce serait un cycle sans fin." Le lien qu'il y avait entre eux était unique. Ils ne pouvaient pas vivre sans l'un l'autre et Norah aurait juré, plus d'une fois, ressentir ce que son frère ressentait sans qu'ils ne se trouvent forcément dans la même pièce. "Alors acceptons les choses telles qu'elles sont, ça nous aidera à avancer." Le pragmatisme de Norah faisait parfois froid dans le dos. Surtout que concernant le décès de Frank, elle avait bien du mal à appliquer les conseils qu'elle donnait. Il était plus facile pour elle de prendre soin des autres que d'elle-même. Elle acceptait la mort de Frank, elle l'avait assimilé, le processus de deuil était enfin enclenché. Cela dit, cela ne voulait pas signifier qu'elle pouvait se passer de lui. "Je suis dans le gaz à cause de la morphine, on peut pardonner la médiocrité de mes talents d'actrice." plaisantait-elle. La légèreté de leur conversation disparut bien rapidement lorsque Norah abordait un sujet épineux, mais ô combien nécessaire. Il fallait mettre les choses à plat, s'expliquer. Ils savaient le faire calmement et Norah ne voulait pas trop bercer l'illusion sous prétexte qu'elle était hospitalisée et attendre le retour à domicile pour qu'ils puissent parler. Elle était parfois trop franche et authentique pour ce genre de choses. Les regrets pesaient sur Caelan, il avait pleinement conscience de sa culpabilité et de ses erreurs. "C'est pas le fait que tu sois parti qui me dérange. Tu en avais besoin, soit, je respecte ça." lui fit-elle remarquer. "Seulement, j'aurais aimé connaître les raisons de ce départ plutôt précipité." Parce qu'il y avait forcément une raison, Norah le savait. Il ne serait jamais parti du jour au lendemain sans raison, il y avait un élément déclencheur qu'il avait choisi de cacher à sa soeur. Il savait qu'un jour ou l'autre, il allait devoir passer par là. Mais avant cela, elle préférait qu'il parle de ce pays qui l'avait accuilli ces derniers mois. "Tu as du atteindre ton quota de neige, là-bas." dit-elle avec un sourire. "Tu es allé skier ?" Elle adorerait essayer le ski un jour, Norah. Descendre des pistes à toute allure, au milieu d'un paysage enneigé. Sans grande surprise, il ramenait rapidement la discussion autour de la nourriture. "On pourrait peut-être en commander ? Tu as certainement du trouver de bonnes adresses là-bas. On se fera un petit stock." Elle avait hâte d'y goûter, de le cuisiner, de l'incorporer dans ses gâteaux. Il devait y avoir beaucoup de délicieuses recettes qui tournaient autour du sirop d'érable. Caelan admettait sans détour que sa soeur lui manquait, que ne pas l'avoir à proximité l'avait mené à l'ennui, alors qu'il devait y avoir des centaines de choses à découvrir là-bas. Elle le regardait avec tendresse, le sourire aux lèvres. "Qu'est-ce que tu ferais sans moi, hein ?" Elle plaisantait. La famille Leckie était particulièrement soudée, en dépit des tensions qui pouvaient animer les relations entre certains frères, tous savaient qu'ils pouvaient compter sur l'un l'autre. Cela n'empêchait pas que chacun devait avoir son lot de petits secrets. Elle soupira après la question, plus par réflexion que par lassitude. "Eh bien... Comme tu sais déjà, j'ai été en arrêt travail pendant plusieurs semaines. C'était long. Mais sinon, ces derniers mois ont été très... métro boulot dodo. Des insomnies ici et là," Non, les insomnies étaient quotidiennes mais elle se gardait bien de le lui dire. Dans le pire des cas, Caelan l'apprendrait de la bouche de ses frères, ou d'Anwar, peut-être. ", Julie s'est mis en tête de me caser et elle a repéré le père de sa meilleure amie, comme potentiel candidat." Norah en riait. Non pas qu'elle ait besoin de sa fille pour se trouver quelqu'un. C'était surtout le fait d'accepter qu'elle avait le droit de passer à autre chose qui la bloquait. Un étape trop difficile à franchir pour elle encore. "J'avais repris le sport, mais... Bon, c'est un petit peu compromis, là." Norah avait toujours été sportive, se dépenser de temps en temps lui faisait le plus grand bien. "Que dire de plus ?" Elle n'en savait trop rien, elle ne pouvait pas dire que ces derniers mois aient été haut en couleurs, loin de là. Noyée dans sa dépression, elle ne se projettait pas et ne vivait que par le biais de ses enfants et de son travail. "Est-ce que tu as trouvé ce que tu cherchais, au Canada ?" demanda-t-elle finalement. "Je veux dire... même si ton voyage a été écourté." Nul doute qu'il avait du avoir beaucoup de temps pour lui. Norah désirait savoir ce qu'il en avait fait, de ce temps là, si le voyage lui a été d'une bonne aide, ou non.

Puisqu’il était parti pendant plusieurs mois, Caelan avait eu peur de revenir et que sa relation avec Norah ne soit plus comme avant. Il était rassuré de voir qu’elle riait toujours de ses blagues et qu’il se sentait finalement comme s’il n’avait jamais été au Canada. Évidemment, les deux avaient clairement raté plusieurs mois de la vie de l’autre et il allait falloir rattraper le temps perdu mais leur relation ne semblait pas en être affectée. « Et est-ce que je le dis bien aussi? Je t’aime. » Caelan se pencha vers sa sœur et il l’embrassa tendrement sur la joue. En plus de sa relation avec Norah, Caelan était bien content d’avoir gardé le bon lien qu’il avait avec Julie et Aidan. À leur âge, tout évoluait tellement vite. « J’aurais préféré que ce soit dans d’autres circonstances mais je suis vraiment content de pouvoir passer du temps avec eux. » Caelan n’avait pas encore d’enfants mais ce n’était vraiment pas parce qu’ils ne les aimaient pas, au contraire il chérissait l’idée d’avoir les siens un jour. En attendant, il en profitait pour passer du temps avec son neveu et sa nièce. Il prenait son rôle d’oncle très au sérieux et il serait toujours disponible pour les enfants de Norah, quoi qu’il arrive. « J’espère qu’ils te mettent confortables. Comme tu es une de leur collègue, ils doivent bien te traiter aux petits oignons. » Et ça le rassurait dans un sens qu’elle soit hospitalisée ici parce qu’il était persuadé que les collègues de Norah allaient lui donner les meilleurs soins qui soient. Ils n’étaient mieux de ne pas la négliger parce que Caelan n’avait pas du tout peur d’aller les voir trente fois par jour pour se plaindre si elle manquait de quoi que ce soit. « Est-ce qu’ils t’on dit pour combien de temps tu devrais être ici? » Il ne doutait pas une seconde que ça devait faire au moins dix fois qu’on lui demandait cette question mais Caelan voulait avoir une petite idée pour savoir à quoi s’attendre. Après tout, il allait bien falloir qu’il se mette à chercher pour un emploi et un logement bientôt mais il voulait tout de même rester disponible pour Norah et ses enfants pour le moment. Caelan appréciait que Marcus accepte de l’accueillir pour quelques semaines, le temps qu’il s’organise un peu, mais il ne voulait pas abuser de son hospitalité et il avait assez hâte de retrouver un peu d’intimité et d’indépendance. Il faut dire qu’il avait quand même habité avec d’autres personnes pendant son séjour au Canada. « J’ai tellement hâte d’en remanger. » dit-il, le regard émerveillé comme un enfant le matin de Noël tout en posant une main sur celle de Norah, qui lui caressait le visage. « C’est vrai, je le ferais. Il n’y a plus personne qui m’attend à la maison. Ça ne me dérangerait pas du tout de prendre un coup pour l’équipe. Puis qui sait, peut-être qu’une de tes collègues aurait un faible pour moi. » Dit-il en lui faisant un petit clin d’œil même s’il savait très bien, comme elle le disait, qu’elle ne le laisserait jamais faire. S’en suivrait une bataille sans fin pour prendre la place de l’un et de l’autre. « D’accord, j’abdique. » Avancer était une excellente idée et il fallait qu’il se rende à l’évidence qu’il ne trouverait jamais de lampe de génie qui lui permettrait de faire le vœu de changer de place avec elle. Lorsqu’elle évoqua ses mauvais talents d'actrice, Caelan rigola doucement. «Donc si je comprends bien, c’est le moment de te poser toutes les questions croustillantes qui me viennent en tête parce que si tu mens je le saurai? » Il plaisantait, évidemment, il ne serait jamais capable de profiter de ce petit moment de faiblesse pour tirer les vers du nez de Norah à quel que sujet que ce soit. Même si de son côté à elle, elle semblait bien partie pour essayer d’obtenir plus d’information sur la raison de son départ. Profitait-elle du fait qu’il aurait du mal à lui refuser quoi que ce soit dans les circonstances? Lorsqu’elle évoqua qu’elle aurait voulu connaitre les raisons de son départ, Caelan baissa les yeux et hocha lentement de la tête. Tôt ou tard, il devrait lui dire la vérité, il lui devait bien ça. Le jeune homme était déchiré entre la peur de la décevoir et l’envie de tout lui raconter pour enfin être libéré du poids immense de ce secret sur ses épaules. Caelan se pencha lentement vers l’avant et serra la main de Norah entre les siennes. Il plongea son regard triste dans le siens et il soupira longuement. « J’ai vraiment de la difficulté à vivre avec ce que j’ai fait. » Caelan passa sa langue sur ses lèvres alors qu’il réfléchissait aux bons mots à utiliser. « Je suis la seule personne à blâmer pour notre divorce. » Non il n’était pas fier de ce qu’il avait fait et il s’en voulait à mourir aujourd’hui mais il n’était pas con et il assumait sa part de responsabilité. « Non je ne l’ai pas trompée. » précisa Caelan en se doutant que ce serait peut-être la première hypothèse qui viendrait à l’esprit de Norah. Il était loin d’être blanc comme neige mais on ne pouvait pas lui reprocher une infidélité. C’est vrai que quand il était plus jeune, dans ses années de célibat, il avait probablement eu pas mal de conquêtes, mais lorsqu’il était en couple, il prenait cet engagement très au sérieux. Caelan fronça un peu les sourcils, le regard toujours triste. « On s’en reparle quand on sera à la maison, que tous les deux, je te le promets. » Caelan n’avait pas du tout envie de se lancer dans cette discussion difficile alors qu’ils pourraient être interrompus par n’importe qui, que ce soit Anwar ou Marcus ou bien même des infirmières pour lui faire passer des tests. Il préférait aborder le sujet alors qu’ils seraient tranquilles à la maison même s’il n’avait pas particulièrement hâte que cette journée arrive. Ils changèrent de sujet, à son grand bonheur, pour parler un peu de son pays d’accueil pour les 7-8 derniers mois. « C’est impressionnant à quel point la neige est lourde quand elle est trempe. » Pas étonnant que certaines personnes fassent des crises cardiaques en pelletant de la neige. « Oui, un peu. C’était vraiment bien. On devrait y aller ensemble un jour, on s’amuserait comme des fous. » Lorsque Norah mentionna la possibilité de commander du sirop d’érable, Caelan hocha la tête, pensif. « Tu as raison. Je pourrais probablement demander à un de mes anciens coloc de m’en envoyer. » Ce qu’il ne ferait pas pour faire plaisir à Norah. Caelan préférait ne pas imaginer ce qu’il ferait sans sa sœur. Si elle n’avait pas survécu à l’accident, il n’avait aucune idée de ce qu’il serait devenu. Ça l’aurait probablement achevé lui aussi, alors qu’il était déjà un peu fragile. « T’es sérieuse? » dit-il en riant lorsqu’elle évoqua que Julie voulait la caser avec le père de sa meilleure amie. « Il est comment? Attends, c’est quoi son nom que je l’espionne sur internet pour voir s’il a ma bénédiction? » dit-il en sortant son téléphone comme s’il attendait d’avoir son nom pour le chercher immédiatement. Caelan décida de revenir sur ce que sa sœur venait de dire juste avant, sur ses insomnies. « Est-ce que tu as été voir ton médecin pour ça? Ils peuvent peut-être te donner quelque chose pour t’aider à dormir. » Norah le savait probablement, puisqu’elle était infirmière, mais il ne pouvait pas s’empêcher de lui en parler. Il savait qu’elle était fragile elle aussi, depuis la mort de Frank, et il voulait qu’elle prenne soin d’elle. Lorsqu’elle lui demanda s’il avait trouvé ce qu’il cherchait au Canada, Caelan se redressa et accota son dos contre sa chaise, pensif. « En parti. Je pense que je vais essayer de me trouver un boulot dans la construction. Puis quand j’aurai trouvé en quoi me spécialiser, j’irai peut-être faire un cours. » C’était vraiment différent des finances mais Caelan avait vraiment besoin de bouger, pour sa santé mentale. Il aimait travailler de ses mains et il avait eu la chance d’accompagner un ami sur le chantier, au Canada, et il avait bien aimé son expérience. « Pour le reste, il faudra que je laisse la chance au coureur. » dit-il vaguement par rapport à sa vie amoureuse. Qu’il soit au Canada ou en Australie, il faudrait bien qu’il brise la glace un jour et qu’il sorte de sa zone de confort en donnant la chance à une nouvelle personne de gagner son cœur.

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Loin d'être la plus affirmative en terme d'affection, Norah appréciait néanmoins ce qu'on lui offrait. Pour ceux qui la connaissaient mal, ils la pensaient parfois un peu trop froide, certains avaient pensé qu'elle était sans coeur. Elle n'était simplement pas des plus expressives. Les signaux étaient discrets, mais présents. Elle ne doutait pas de l'affection de son jumeau, qui lui était beaucoup plus expressif qu'elle, même si ses dernières décisions laissaient penser le contraire. Elle sourit en sentant ses lèvres furtives sur sa joue. "Julie et Aidan savent le dire très bien aussi, tu as une sacrée concurrence." le taquina-t-elle. Bien sûr, les je t'aime de Frank surpassaient tous les autres. Qu'est-ce qu'elle aurait donner pour pouvoir l'entendre encore quelques fois. Caelan adorait passer du temps avec son neveu et sa filleule. Il avait toujours été là pour eux aussi, toujours volontaire pour les garder afin que Norah puisse se consacrer un petit peu de temps. "Mais désormais, tu auras d'autres opportunités pour pouvoir passer du temps avec eux, pas vrai ?" lui demanda-t-elle. Une question très peu subtile pour s'assurer qu'il comptait bien rester, et que son séjour à Brisbane n'allait pas se limiter à la durée d'hospitalisation de sa soeur jumelle. En attendant, il voulait s'assurer que l'on prenait bien soin d'elle. "Ils ont surtout du être déstabilisé, d'abord." lui répondit-elle lorsqu'il supposait qu'on la bichonnait comme pas possible depuis son arrivée ici. Voir une collègue arriver, entre la vie et la mort, alors qu'on l'avait vue la veille sur ses deux jambes, il y avait de quoi choquer. La psychologue du travail avait même fait le déplacement dans le service afin de faire un groupe de paroles, que tout le monde puisse verbaliser leur ressenti face à cela. "Mais oui, ils prennent bien soin de moi, ne t'en fais pas pour ça. Je les connais, ils sont la crème de la crème." Une bonne entente demeurait au sein de l'équipe, Norah prenait beaucoup de plaisir à travailler avec eux. Se retrouver de l'autre côté de la barrière était tout aussi étrange pour elle, mais au moins elle avait l'honneur de pouvoir dire qu'elle ne manquait jamais de sujets de conversation avec ceux qui prenaient soin d'elle. "Je n'ai toujours pas de réponses précises à te donner." dit-elle, d'un air désolé. "Quand j'aurai moins besoin d'une surveillance aussi rapprochée que j'ai ici, je serai transférée dans un autre service. Mais te dire quand... Impossible. Ca dépend de tellement de choses, si tu savais." Norah, elle, savait. Elle en avait vu passer des dizaines, des centaines, des patients qui arrivaient et qui n'étaient jamais à l'abri d'un imprévu, qu'il soit favorable ou non. "Je pense qu'il faudra dans tous les cas encore compter au moins deux, voir trois semaines. Mais je n'ai aucune doute à te donner." Donner une date de sortie était signe d'espoir, que les choses allaient mieux, qu'elle allait pouvoir retrouver sa vie d'avant. Elle se doutait que ses proches n'allaient plus la laisser reprendre le même rythme qu'elle avait avant. Qu'il fallait qu'elle se ménage, qu'elle pense un peu à elle, qu'elle s'accorde à dire stop. "Donc... Pour résumer, tu voudrais prendre ma place juste pour pouvoir draguer mes collègues ?" résuma-t-elle avec humour, en arquant l'un de ses sourcils. Elle s'étonnait à garder l'humeur plutôt légère tout en sachant qu'elle attendait des explications de la part de son frère. Il laissait plâner une part de mystère que Norah n'appréciait pas vraiment. Malgré cela, les conversations n'étaient pas forcées ou imposées. Les sujets venaient d'eux-mêmes, les sourires étaient sincères. "Est-ce que je t'ai déjà menti ?" lui rétorqua-t-elle avec amusement. Ce n'était vraiment son genre. Et elle ne disait pas cela en référence aux cachotteries qu'il lui faisait dernièrement. Quoi que cela pouvait être, il vivait avec ça sur la conscience et c'était une épreuve difficile. Elle le voyait. Certes, il restait encore très vague, mais elle avait bien remarqué que ce n'était pas de petites futilités qui l'avaient mis au tapis. "Je n'oublierai pas cette promesse." lui assura-t-elle, avec un regard particulièrement déterminé. Il était clair que ce n'était ni le lieu, ni le moment d'avancer des mélodrames alors que Norah devait avant tout prendre soin d'elle, et non des autres. Caelan parlait ensuite du Canada dans les grandes lignes, s'enthousiasmant déjà à l'idée de l'emmener avec lui un jour. "On verra." dit-elle avec un sourire. Elle n'arrivait déjà pas à se projeter tout court, alors se prévoir des vacances lui étaient encore inconcevables pour le moment. Caelan demandait ensuite les nouvelles du côté de sa soeur, savoir ce qu'elle avait fait de ces derniers mois. Jamais n'admettrait-elle qu'elle avait de gros problèmes d'insomnie, ni qu'elle se sentait à bout. Alors elle se contentait de parler de faits plutôt amusants, anecdotiques. "Il est comment quoi ?" lui rétorqua-t-elle en arquant un sourcil. "Tu vas t'allier avec Julie pour me caser, c'est ça ?" Ca ne serait pas surprenant, cela dit. Caelan avait été l'un des premiers à tenter de lui faire comprendre qu'elle avait droit à une vie amoureuse après la mort de Frank. "Il s'appelle Tommy. Et je ne t'en dirai pas plus, sinon tu vas finir par envoyer des plans sur la comète, je te connais." Comme beaucoup d'autres avant lui, le jumeau Leckie se demandait si Norah ne devrait pas avoir recours aux somnifères, afin de corriger son problème d'insomnies. "Hors de question, je n'en veux pas." Le risque de dépendance était élevé et tant qu'elle avait ses enfants, jamais ne voudrait-elle en prendre, par crainte de ne pas se réveiller s'il y avait des bruits suspects dans la maison. "Ca ira mieux." lui assura-t-elle. "J'arrive à dormir, ici, après tout." Et c'était peu dire. L'on pourrait croire qu'elle rattrapait tout le sommeil qu'elle avait en retard. "Et je verrai bien comment ça se présentera une fois que je serai rentrée à la maison." Le brun avait du avoir tout le loisir de se recentrer et de se poser tout un tas de questions existentiels quand il était à l'autre bout du monde. Il se tenait responsable de quelque chose, il devait sûrement y avoir pensé. Mais au lieu de donner quelques nouveaux indices à sa soeur, il préférait centrer la conversation sur ses projets professionnels. "Tu as une idée plus précise ? La construction, c'est quand même un domaine bien vaste." Le virage était drastique, comparé à l'emploi qu'il exerçait avant de plier bagages. "Qu'est-ce qui t'a convaincu à t'orienter vers cette branche ?" lui demanda-t-elle finalement. Il s'agissait de la seule chose sur laquelle il semblait avoir réfléchi, préférant laisser aux mains du Destin  tout le reste. "La première question que j'aurais du te poser était : est-ce que tu comptes rester ?" Tout partait de là, finalement. Avait-il encore besoin de s'évader un petit peu, ou préférait-il rester au sein d'une famille qui l'aimait, d'un paysage qu'il connaissait jusqu'au bout des doigts ?

Caelan grimaça légèrement tout en calculant les chances qu’il avait vraiment de gagner contre les enfants de Norah. « Je ne crois pas que j’ai des chances, tu risques de manquer d’objectivité un peu. » Il fallait bien qu’il se rende à l’évidence que Julie et Aidan lui avaient assurément volé la place de la personne favorite dans le cœur de sa sœur jumelle. Et il la comprenait, même s’ils n’étaient pas ses enfants à lui, Caelan tenait à eux comme à la prunelle de ses yeux et il n’hésiterait pas un instant à mettre sa vie en danger si c’était pour sauver la leur. Maintenant qu’il était de retour dans son pays natal, il allait pouvoir rattraper le temps perdu avec eux et les voir grandir. « C’est certain que oui. Ils grandissent tellement vite à leur âge, je ne voudrais pas manquer ça. » Il n’avait pas envie d’être l’oncle qui habite à l’autre bout du monde qu’on voit une fois par année à Noël et qu’on ne connait plus vraiment. Pour l’instant, il n’avait pas l’impression que son départ avait trop fait souffrir la relation qu’il entretenait avec eux et il en était reconnaissant. « C’est certain, je n’ai pas de mal à l’imaginer. » dit-il en souriant tristement en imaginant ce qu’ils avaient dû ressentir lorsqu’ils avaient vu que c’était elle sur la civière. Comme Caelan était à l’autre bout du monde lors de l’accident, il n’avait pas vu Norah alors que l’accident venait de se produire et c’était sans doute mieux ainsi. De voir sa sœur autant amochée, par après, n’avait pas été évident pour lui. Il s’était fait un sang d’encre pendant tout le long de son vol qui lui avait paru comme une éternité. « Je ne suis pas vraiment inquiet pour ça, je ne doute pas une seconde que tu as les meilleurs soins. J’imagine que c’est l’avantage de travailler dans un hôpital. » Caelan avait toujours trouvé sa sœur courageuse de faire ce métier exigeant mais tant nécessaire. Lorsqu’il lui avait demandé si elle avait une idée de quand elle sortirait, il savait qu’elle n’aurait peut-être pas de réponse précise pour lui mais il voulait quand même avoir une idée. Effectivement, Norah lui donna une réponse assez vague, elle ne le savait pas. « Ça prendra le temps qu’il faudra, c’était juste pour avoir une idée. Pas de stresse. » Le trentenaire pouffa de rire lorsque sa sœur évoqua qu’il voulait être à sa place seulement pour draguer ses collègues. « T’es de bonne humeur, j’aime ça. » C’était encourageant de la voir se moquer de lui un peu. « Draguer tes collègues pour que vous puissiez parler de moi après, quand je ne suis pas là? Je ne sais pas pourquoi mais ça ne me semble pas être une si bonne idée que ça. » Et si cette idylle ne se terminait pas sur une bonne note, l’ambiance au travail risquait fort bien d’être moins agréable pour les deux concernées lorsqu’elles se croiseraient. Définitivement pas une bonne idée. Lorsqu’elle lui demanda si elle lui avait déjà menti, Caelan se caressa la mâchoire inférieure, pensif. « C’est toi qui le sais, en fait. » Peut-être que c’était déjà arrivé même s’il s’en serait probablement rendu compte parce qu’il la connaissait comme le fond de sa poche. Puis Caelan promit à sa sœur de tout lui raconter dès qu’ils seraient seuls à la maison et il savait qu’il ne pourrait pas s’en sauver cette fois-ci. Le simple fait de penser à cet instant lui donnait la nausée, mais il était impatient que ce soit enfin derrière lui. Sa bonne humeur reprit le dessus lorsque Norah évoqua les plans de Julie. Lorsqu’elle lui demanda s’il allait s’allier avec Julie, Caelan hocha vivement la tête tout en mordant sa lèvre inférieure. « Je trouve que son plan est génial, elle veut que tu sois heureuse. » Évidemment, Caelan ne forcerait jamais sa sœur à fréquenter quelqu’un si elle n’était pas prête, mais il avait hâte de voir sa sœur s’abandonner à quelqu’un d’autre et d’être heureuse. Caelan rigola lorsqu’elle refusa de lui donner plus de détails, haussant les épaules d’un air tout à fait innocent. « Il faudra que j’aille enquêter auprès de Julie pour avoir plus d’information sur ce Tommy. » Pour l’avoir à l’œil surtout, il était mieux de ne pas briser le cœur de Norah. Caelan n’était pas surpris que Norah refuse les somnifères. Disons qu’elle était bien placée pour en connaître les risques et les effets secondaires. Elle tenta de le rassurer en lui disant que ça irait mieux et qu’elle arrivait à dormir à l’hôpital. « D’accord. Mais si tu as besoin d’aide, je ne veux pas que tu hésites à demander. Ok? » dit-il en penchant légèrement la tête vers elle, le regard soucieux. « Je pensais commencer dans une compagnie qui fait dans la rénovation de maison puis peut-être me spécialiser quand j’aurai une meilleure idée de ce qui m’intéresse. » Il préférait essayer diverses choses avant de s’inscrire dans un cours pour ensuite se rendre compte que ce n’était pas ce qui l’intéressait. Il avait déjà l’impression d’avoir perdu son temps en finance, il ne voulait pas faire la même erreur deux fois. « J’ai accompagné un de mes colocs sur des chantiers, pendant mon séjour au Canada, et j’ai bien aimé. J’aime me rendre utile, travailler avec mes mains. J’étais en train de devenir fou à regarder mon écran d’ordinateur toute la journée ici, fallait que ça change. » Bien que ça lui ferait toujours plaisir de donner des conseils financiers à ses proches, s’ils en avaient de besoin. Norah ne tourna pas autour du pot et lui demanda s’il comptait rester. Caelan lui sourit affectueusement puis il reprit la main de Norah entre les siennes pour l’embrasser tendrement. « Ne t’inquiète pas, je n’ai pas l’intention d’aller nulle part. Je suis ici pour rester. »

@Norah Lindley

SOMETIMES MIRACLES COME IN PAIRS ft. @Caelan Leckie

"Manquer d'objectivité ? Moi ?" dit-elle d'un air faussement offusqué et innocent. "Tu sais très bien que de base, je manque clairement d'objectivité aussi te concernant, et pour Marcus et Percy aussi." lui rappelait-elle. La belle brune l'assumait pleinement. A ses yeux, il y avait bien peu de monde qui arrivait à la cheville de ses frères. Elle les aimait et les admirait tous. Mais Julie et Aidan étaient ses très deux trésors le plus précieux, ses plus grandes fiertés. Il lui était bien difficile l'amour qu'elle portait à ses frères et celui qu'elle avait pour ses propres enfants. Incomparable, impossible à évaluer et surtout, à dépasser. "Un peu trop vite à mon goût, même." reconnnut-elle, avec un brin de mélancolie. Voir Aidan grandir, aller à l'école, même si ce n'était encore que la maternelle, lui rappelait étrangement l'envie qu'elle avait eu (et qu'elle avait toujours, cela dit), d'avoir un troisième enfant. Elle avait grandi dans une famille nombreuses et elle s'y était toujours sentie heureuse; il devait être donc tout à fait normal qu'elle ait toujours eu ce désir d'agrandir la sienne. Ce n'était plus vraiment à l'ordre du jour, au vue d'un veuvage qu'elle vivait toujours mal, et de sa condition actuelle. Caelan avait eu tout le loisir de s'imaginer l'état dans lequel elle était pendant les très longues heures de vol qui séparaient le Canada et l'Australie. Il y avait de quoi faire une syncope, de se sentir impuissant, à ne rien pouvoir faire de plus en attendant son arrivée à Brisbane. "Et puis je peux les fliquer un petit peu, je sais ce qu'ils font." dit-elle d'un air plaisantin. Elle ne jugeait pas le travail de ses collègues, loin de là (enfin si, elle le faisait pour quelques autres infirmières, d'autres services avec qui elle avait eu le plaisir de travailler; Norah était assez très rigoureuse dans son métier), mais elle avait l'avantage de savoir à quoi s'attendre, de se douter de quels soins elle aurait droit. "Ce sont les meilleurs." Malheureusement, leurs compétences n'allaient en rien accélérer la guérison de leur amie. Son frère jumeau était tout de même curieux de savoir s'il y avait la possibilité d'envisager une date de sortie. Ne serait-ce que pour se faire une idée. Constater que Norah était toujours en mesure d'être d'humeur taquine, et capable d'avoir un certain sens de la répartie, faisait beaucoup sourire son frère jumeau. "Parce que tu penses vraiment qu'on ne parlait pas de toi avant ?" Les frères Leckie étaient quand très plaisants à voir, alors quand ils rendaient visite à leur petite soeur, il y en avait forcément quelques uns qui venaient se rincer l'oeil. Certaines étaient bien déçues que Marcus soit de l'autre bord (mais ça en arrangeait d'autres), d'autres semblaient beaucoup aimer le côté très réservé de Percy, et il y avait celles qui n'avaient d'yeux que pour Caelan, mais il était marié, à l'époque. Leur succès avait toujours beaucoup amusé Norah. Elle n'en disait pas grand chose, mais elle adorait entendre ce qu'on se disait. "Il y en a qui sont sacrément ravis de vous voir défiler ici toute la semaine durant." Norah les voyait, ces quelques regards. Ca aussi, c'était distrayant. Ce n'était pas tout le monde non plus, juste une pincée, mais suffisamment pour qu'elle les remarque. Suite à cela, il lui avait promis de lui donner toutes les explications nécessaires sur son départ brutal, une fois qu'elle serait un petit peu plus rétablie. Pendant ce temps, qui sait ce que Julie faisait. Peut-être qu'elle poursuivait ses recherches pour trouver une nouvelle âme soeur pour sa mère. Elle jouait les cupidons, et c'était parfois tout aussi attendrissant qu'agaçant. Caelan comptait bien mener sa petite enquête de son côté, mais avant cela, il se faisait beaucoup de soucis pour le repos de sa soeur. "J'y arrive très bien sans traitement exprès pour ici, même si je suppose que la morphine y est aussi un petit peu pour quelque chose." lui assura-t-elle avec un sourire. "C'est d'ailleurs mon activité principale, ici. Domir, me reposer." A croire qu'elle rattrapait tout le sommeil qu'elle n'avait pas eu ces derniers mois. "Ca va aller." Norah avait tellement hâte de retrouver sa maison. Le parfum des fleurs de son jardin, la douceur des draps de son lit, l'odeur des plats qu'elle cuisinait avec amour pour ses enfants et ses proches. Le brun envisageait une réorientation professionnelle plutôt radicale, dans un domaine que Norah n'aurait jamais pensé l'y voir. Elle aimait le fait qu'il arrivait toujours à la surprendre, de temps à autre. "Du coup, si jamais il y a des travaux à faire chez moi, je pourrai faire appel à toi ?" Caelan était un homme très actif, cela dit. Il avait besoin de se dépenser, débordant d'énergie. Alors qu'il se convertisse dans une filière plus physique et manuelle semblait presque naturel. En tout cas, ce projet semblait véritablement le motiver, et ne faisait que confirmer sa volonté de bel et bien rester à Brisbane. "Tu es quelqu'un de tout aussi physique que cérébral, je ne serai pas étonnée que tu montes rapidement en grade." fit-elle remarquer. Peut-être devenir chef d'équipe, ou chef de chantier, quelque chose du genre. "A partir du moment que ce que tu feras te rendra heureuse, je le serai pour toi aussi." Norah le regarda prendre ses doigts, afin d'y déposer affectueusement un baiser. Il confirmait haut et fort qu'il comptait bien rester ici, et l'entendre lui fit le plus grand bien. Elle en aurait probablement eu le coeur de brisé, de devoir le voir repartir pour une durée indéterminée. Elle ne le lui aurait jamais pardonné, aussi. "Ca me rassure, de l'entendre." lui souffla-t-elle. Jamais Norah ne voudrait se défaire du lien qu'elle partageait avec son frère jumeau. Elle le regardait un long moment, comme si elle devait réaliser une nouvelle fois qu'il était bien de retour, avec elle. "Comment se passe la cohabitation avec Mac ?" demanda-t-elle finalement. "Vous vous supportez toujours ? Ou est-ce que je vais avoir à gérer des chamailleries ?" plaisantait-elle. Car quand bien même la fratrie s'entendait relativement bien, se remettre à vivre ensemble, même temporairement, était susceptible d'éveiller quelques frictions.

Caelan se mordilla la langue en riant. « Bien sûr que je le sais, mais je ne suis pas stupide, je sais quand même qu’ils ont une longueur d’avance devant nous, c’est ta chaire. » Tout comme Norah avait une légère longueur d’avance devant Marcus et Percy, pour Caelan. Ses frères étaient très importants pour lui mais sa jumelle passerait toujours en premier, elle était comme une extension de son être. Enfin, peut-être se trompait-il royalement sur le sujet, qu’est-ce qu’il en savait, il n’avait pas d’enfant après tout. En aurait-il seulement un jour? Encore faudrait-il qu’il soit à l’aise de se lancer à nouveau dans une relation amoureuse et que la concernée en veule. À 36 ans, il n’était pas rare que les femmes qu’il rencontrait en aillent déjà et Caelan ne s’était jamais vraiment demandé ce qu’il ferait s’il rencontrait quelqu'un dans cette situation. Il les adorait, certes, mais il y avait toujours le risque de se retrouver seul un jour, sans enfants, si cette relation prenait fin. « Aidan me fait penser à moi quand j’avais son âge. » dit-il en souriant fièrement. Lorsqu’il regardait toute l’énergie que son neveu avait à revendre, il se revoyait lorsqu’il était enfant, toujours prêt à bouger. Il lui était alors facile d’interagir avec Aidan et de trouver une activité qui leur plaisait à tous les deux. « Oh ça je n’en doute pas une seconde, tu dois les avoir à l’œil quand ils s’occupent de toi. Impossible qu’ils t’en passent une petite vite. » Comme Norah travaillait dans le domaine de la santé, elle avait l’avantage de comprendre les soins qui lui étaient nécessaires et que ses collègues lui donnaient. Lorsqu’elle insinua que Caelan était déjà parfois au centre des discussions, il parut surpris puis un sourire flatté apparut aux coins de ses lèvres. « Ah ouais, vraiment? Ça m’intéresse là. » dit-il en la suppliant du regard de lui fournir plus de détails. Il semblait peut-être prendre la chose à la légère, en blaguant, mais le trentenaire trouvait qu’il n’était pas évident de retourner sur le marché après près de quinze années de relation. Il se demandait sincèrement s’il était encore capable de séduire quelqu’un après tant d’années. Son âge ainsi que le rêve de goûter à la paternité ne faisaient qu’amplifier l’urgence qu’il ressentait à se remettre en couple avec quelqu’un. Le trentenaire détourna la tête et porta soudainement attention aux employées qui passaient devant la porte, particulièrement amusé par ce que sa sœur venait de lui dire. « Il faut croire que je ne finirai peut-être pas ma vie tout seul. » De savoir que sa visite alimentait certaines discussions le rassurait légèrement. Bien que Norah soit célibataire par obligation, il était assez surprenant que la fratrie complète se retrouve sur marché du célibat en même temps, à leur âge. L’état civil de Marcus n’avait rien d’étonnant, puisque celui-ci ne semblait pas prêt à se poser, mais les trois autres avaient vécu une "séparation" assez difficile et Caelan espérait sincèrement qu’ils réussiraient tous à aller de l’avant et à trouver quelqu’un qui les rendrait heureux. « Profites-en pendant que tout est sous contrôle à la maison, les dernières années n’ont pas été de tout repos pour toi. » dit-il en serrant doucement sa main dans la sienne. Puis Norah tenta de le rassurer en lui disant que ça allait aller, pour la millième fois depuis son retour en Australie. Caelan se pencha doucement vers elle, la tête légèrement penchée sur le côté. « T’as beau me dire trente-trois fois que tout va bien aller, je vais toujours m’inquiéter pour toi et tu le sais. » Caelan enchaîna sur ses projets professionnels. Lorsque sa sœur lui demanda si elle pourrait faire appel à ses services si elle avait besoin d’aide pour des travaux chez elle, il hocha la tête. « Évidemment, ça me fera plaisir. Je devrais pouvoir te faire un bon prix. » dit-il en lui faisant un clin d’œil. Comme la compagnie ne lui appartiendra pas, il ne sera pas en mesure de la faire seulement payer pour le matériel, mais il s’arrangerait avec son patron pour lui négocier un bon prix. « Merci de m’encourager dans mes projets, ça fait du bien de se sentir supporté. » Ce n’était pas évident de recommencer au bas de l’échelle à son âge mais l’attitude de Norah ne faisait que le motiver davantage à aller de l’avant dans cette nouvelle aventure. Il ne savait pas encore exactement ce qu’était son objectif ultime, sur le plan professionnel, mais il devait commencer par le commencement. Il avait déjà refait son curriculum vitae et avait commencé à regarder les offres d’emploi en ligne pour avoir une petite idée de ce qu’il y avait de disponible sur le marché. « Parfois on se rend compte de la valeur de quelque chose une fois qu’on l’a perdu. Partir était nécessaire, revenir auprès de vous tous l’était encore plus. » dit-il reconnaissant d’avoir une famille aussi soudée. Lorsqu’elle lui demanda comment se passait la cohabitation avec leur aîné, Caelan ria légèrement. « Toi, tu te concentres sur ta santé, pas question que tu gères quoi que ce soit. » dit-il en la pointant, le regard faussement réprobateur. Il reprit un air plus sérieux alors qu’il s’apprêtait à répondre sérieusement à sa question. « Ça va, on devrait survivre à ces quelques semaines de colocation, nous sommes des adultes maintenant après tout. Mais je compte quand même commencer à regarder pour un appartement bientôt, peut-être pour la mi-octobre, on a tous les deux besoin de notre intimité. » Bien qu’il n’y avait encore personne qui lui tombait dans l’œil, Caelan ne serait jamais à l’aise de recevoir une femme chez lui alors qu’il habitait avec son frère. Il ne voulait pas non plus que Marcus s’empêche d’avoir des invités à cause de lui.

SOMETIMES MIRACLES COME IN PAIRS ft. @Caelan Leckie

De toute la fratrie Leckie, Norah était la seule qui avait assuré la descendance. Alors forcément, Julie et Aidan étaient mis sur un piédestal et bichonné par toute la famille. Les parents de Norah, qui étaient plutôt stricts mais justes quand elle était petite, étaient devenus papi et mami gâteau, et les trois frères n'avaient que d'yeux pour leur neveu et nièce. La brune était un peu fière quand même de les avoir également tous coiffé au poteau quand elle s'était mariée la première. Elle ne pouvait s'empêcher de sourire avec nostalgie lorsqu'elle se souvenait des yeux particulièrement humides de Marcus en voyant sa petite soeur vêtue de sa robe blanche (mais il ne l'admettrait jamais), Percy qui tenait à avoir une danse avec elle et Caelan qui ne parvenait pas à se défaire de son sourire en voyant sa soeur jumelle plus heureuse que jamais. Ce temps lui semblait si lointain. "Oui mais toi t'es mon frère jumeau, c'est pas rien non plus." fit-elle remarquer avec un sourire attendri. Caelan se reconnaissant beaucoup en son neveu, qui n'avait pas vraiment hérité du tempérament de ses parents. "C'est vrai que niveau caractère, il te ressemble beaucoup." L'électrique, le vif d'esprit, l'énergie inépuisable. "La dynamique qu'il y a entre Julie et lui, c'était beaucoup comme toi et moi quand on était petits. Celle qui est toujours posée et impassible devant l'hyperactivité du frangin, mais ils se complètent vraiment bien. C'est un peu le même état d'esprit." Mais avec aussi une touche de Frank dans tout ceci. Un savant mélange que Norah affectionnait tout particulièrement. Elle aimait ses enfants tel qu'ils étaient, elle ne voudrait en rien les changer, pour quelque raison que ce soit. Les collègues de Norah prenaient bien soin d'elle, même si la situation semblait étrange pour tous les partis. "Ne fais pas le surpris." dit Norah avec un sourire, le voyant pantois devant le succès qu'il pouvait avoir devant la gente féminine. "Tu faisais juste pas attention avant parce que tu étais déjà pris, c'est tout." Qu'importe ce qu'il s'était passé avec son  mariage, Caelan était désormais célibataire, qui avait le droit de faire ce qu'il voulait; sauf se comporter comme un porc auprès des femmes sinon il aurait droit à des réprimandes de la part de sa soeur. "Tu trouveras ton bonheur, que ce soit ici ou ailleurs." lui assura-t-elle, confiante. Elle espérait juste qu'avant ça, le brun tienne parole et lui explique tout en bonne et due forme ce qu'il s'est vraiment passé. Il le lui avait promis et elle le gardait bien en tête. Oui, le repos sera prioritaire aussi une fois qu'elle sera rentrée à la maison, mais ça ne l'empêchait pas de s'asseoir et d'écouter ce qu'on avait à lui dire. Tout le monde voulait la voir lever le pied un petit, ne pas autant s'alourdir les épaules avec des tâches pour lesquelles elle pouvait être aidée, avec plaisir, par ses proches. Elle haussait les épaules. "Il fallait que le boulot soit fait." dit-elle avec un certain détachement. Qu'il s'agisse de son rôle de mère, d'infirmière ou de maîtresse de maison, elle avait tout rempli, jusqu'à s'oublier elle-même. Son quotidien n'était pas de tout repos. Elle ne voulait pas vraiment qu'on s'inquiète pour elle, mais en toute ambivalence, elle était touchée que ce soit le cas. "Et moi pour toi." souffla-t-elle tout bas. Norah veillait sur ses frères, de près comme de loin, qu'importe, elle avait toujours un oeil sur eux. Ou les deux, autant que faire se peut. Après que Caelan en ait dit un petit peu plus sur son projet professionnel, il reconnaissait avoir pris conscience de l'importance de sa famille, en admettant qu'il avait fallu faire ce long voyage à l'autre bout du monde pour s'en rendre véritablement compte. Certains avaient besoin de ce détachement là pour le réaliser, d'autres avaient pleine conscience de ses valeurs au quotidien. Il s'agissait là d'un point qui différenciait tout à fait, et avec complémentarité, les jumeaux. Quand ils se partageaient leur point de vue, il était tout à fait rafraîchissant de voir comment son frère, ou sa soeur, voyait le monde qui les entourait. Elle prit un air un peu blasé quand Caelan, à son tour, exigeait d'elle qu'elle ne prenne que soin d'elle pour le moment. "Tout le monde s'y met, ça y est. Même toi." soupira-t-elle. Mais elle finit par sourire. "C'est quelque chose que je dois réapprendre à faire, je crois." admit-elle en enfonçant sa tête dans son oreiller. "Ca prendra du temps." Elle se connaissait. Une fois rentrée à la maison, elle aura probablement envie de faire beaucoup de choses, qu'importe la douleur intense causée par ses multiples fractures de côtes. Mais ça la freinerait aussitôt, et ça la frustrerait. En attendant de retrouver un toit rien que pour lui, Caelan logeait chez son frère aîné. Elle ne doutait pas que la cohabitation se passait bien, tant que cela ne durait qu'un temps. L'un comme l'autre avait besoin de son espace. "Nouveau boulot, nouvel appartement... Il y a tout ce qu'il faut pour un tout nouveau départ." lui fit-elle remarquer. "Il y a juste la famille, qui n'a pas changé." Sauf elle, qui sortait d'un grave accident de voiture, certes. Norah restait silencieuse un moment, avant de reprendre la parole. "Tu sais déjà dans quel quartier tu voudrais te chercher un appartement ?" Brisbane était une grande ville, l'âme de chaque quartier différait beaucoup. Et vu que Caelan recherchait à se reconstruire totalement, elle ne saurait dire quel coin de la ville il privilégierait dans ses recherches. S'il préférait rester proche de sa famille, s'il avait besoin d'avoir beaucoup de nature autour de lui ou si, au contraire, il opterait pour une ambiance bien plus citadine et active.

« J’espère. » dit-il en pensant à la relation qu’il entretenait avec Norah. Il était assez incroyable de penser qu’ils étaient ensemble depuis leur première seconde d’existence, ce qui expliquait bien pourquoi Caelan avait de la difficulté à être loin de sa sœur trop longtemps. S’exiler loin d’elle pendant plusieurs mois n’avait pas été sans difficultés et il savait qu’il aurait été tout simplement incapable de rester outre-mer à long terme. Mis à part Norah et ses enfants, il voulait également être présent dans la vie de ses frères et de leurs parents qui ne se faisaient plus tous jeunes. « Je suis content qu’ils s’entendent si bien malgré leur différence d’âge et de caractère. » Quand ils étaient jeunes, Caelan pouvait aller déranger Marcus ou Percy si Norah avait besoin d’un moment de tranquillité. Malheureusement pour Julie, Aidan n’avait personne d’autre sur qui se rabattre, ni même des cousins. Au moins, depuis qu’il avait commencé l’école, il avait dû se faire quelques copains de son âge avec qui il pouvait dépenser un peu d’énergie. « T’as peut-être raison, l’amour rend aveugle à ce qu’on dit. » dit-il d’un air amusé en lui faisant un clin d’œil. Norah avait probablement raison, Caelan n’était pas du tout du genre à aller voir ailleurs lorsqu’il était en couple alors il n’avait probablement pas porté attention aux regards et aux chuchotements qui s’échangeaient lors de son passage à l’hôpital. « J’espère bien, c’est encourageant en tout cas. » Savoir que son passage faisait tourner des têtes lui faisait un petit velours. Puis Norah répondit avec détachement qu’il fallait que le boulot soit fait, ce qui ne l’étonna pas vraiment. Comme elle s’était retrouvée seule à gérer la maisonnée du jour au lendemain, elle n’avait pas eu d’autres choix que de continuer à faire ce qu’il fallait pour que tout fonctionne, ce qui n’aida pas le sentiment de culpabilité que ressentait Caelan fasse à son départ. Sa sœur avait visiblement eu ses difficultés et il n’avait pas été présent pour l’épauler durant les derniers mois. « Tu as raison, mais là, laisse-nous prendre soin de toi maintenant. Si je dois dormir sur ton canapé, à ta sortie, pour m’assurer que tu te reposes, je vais le faire. » Et il était sérieux, au diable l’appartement de Marcus ou l’endroit où il allait dormir d’ici là. Il connaissait bien trop sa sœur pour savoir qu’elle ne voudrait pas rester assise toute la journée sans rien faire et qu’il faudrait l’avoir à l’œil. Et Norah ne tarda pas à critiquer le fait qu’il était légèrement sur son dos en lui demandant de se reposer. « Tu pensais que j’allais faire quoi? T’apporter des vêtements pour qu’on puisse te déguiser et te sortir d’ici en douce? » Il y allait peut-être un peu à l’extrême, mais quand même, il était assez évident qu’il allait vouloir qu’elle se repose et qu’elle récupère de son accident sans soucis. Caelan croisa ses bras contre son torse et hocha la tête lorsqu’elle affirma qu’elle allait devoir réapprendre à se reposer et prendre du temps pour elle. « Je sais et c’est normal à notre âge. » Il y avait longtemps que leurs parents ne s’occupaient plus d’eux comme quand ils étaient enfants, à tout gérer pour eux. Maintenant adultes et indépendants, ils étaient habitués de faire leurs propres choses seuls alors de réapprendre à laisser d’autres personnes tout faire à sa place, ça demandait un certain ajustement. « Il ne faudra pas que tu hésites à nous appeler si tu as besoin de quelque chose. Et tantôt, quand je t’ai offert de dormir sur ton canapé quelques temps, ce n’était pas une offre en l’air. » Oui elle allait être mieux à sa sortie, mais il ne fallait pas se mettre la tête dans le sable, elle n’allait toujours pas être au meilleur de sa forme. Il serait illogique qu’elle retourne vivre dans sa maison, seule avec les enfants sans aucune aide extérieure. « Il faut ce qu’il faut, les factures ne vont pas attendre elles. » Il avait beau ne pas avoir de loyer à payer, il fallait bien qu’il se nourrisse d’une façon ou d’une autre et il n’allait certainement pas exploiter la générosité de Marcus éternellement. Lorsque Norah affirma que la famille était la seule chose qui n’avait pas changé, il haussa les sourcils et hocha lentement la tête, le regard pensif. Il adorait sa famille, mais ça ne faisait que lui rappeler qu’il n’avait toujours pas réalisé l’un de ses rêves les plus chers : être père. « Je ne changerais pas de famille pour rien au monde. » dit-il finalement, en rapportant son regard sur elle. Puis la discussion s’arrêta sur le choix de son futur quartier. Caelan passa une main dans ses cheveux pendant qu’il réfléchissait. « J’avais pensé à Fortitude Valley pour commencer, ce n’est pas trop cher. Comme ça si je décide de faire un retour aux études, je devrais pouvoir arriver à tout payer avec l’argent que j’ai mis de côté avec la vente de la maison et en travaillant juste un petit peu. Je doute que papa et maman apprécieraient que je retourne vivre chez eux à mon âge. » dit-il en riant. Et pour tout dire, il n’avait pas particulièrement le goût de retourner vivre chez eux non plus. À trente-six ans, il n’avait plus l’habitude qu’on lui dise quoi faire - ou ne pas faire - et il ne risquait pas d’impressionner beaucoup de filles en disant qu’il habitait chez ses parents. « Si jamais t’es trop fatiguée et que tu ne veux plus m’endurer, tu me le dis hein? » D’un côté, il savait que Norah n’avait probablement rien d’autre à faire que de dormir toute la journée, mais il savait aussi que son corps avait besoin d’énormément de repos pour guérir de toutes ses blessures.

SOMETIMES MIRACLES COME IN PAIRS ft. @Caelan Leckie

It's a twin thing. Une phrase qu'elle gardait toujours en tête lorsqu'on lui demandait d'expliquer la connexion qu'elle avait avec Caelan. Si on le vivait, on ne pouvait pas comprendre. C'était abstrait, parfois même pour leurs propres parents e leurs frères. L'indépendance de Norah l'avait appelé à se détacher de lui au fil de leur croissance. Elle n'était pas de ceux qui avaient eu beaucoup de mal à couper le cordon, mais il fallait qu'elle ait régulièrement des nouvelles de son frère, ça devait être quotidien. Ce n'était pas parce qu'ils n'étaient plus collés l'un à l'autre qu'ils avaient perdu le lien qui les unissait. Au contraire, elle sentait qu'il s'était fortifié avec les années. Sinon, son voyage au Canada aurait été bien plus insupportable qu'il ne l'était déjà initialement. "Ils attendent avec impatience d'avoir des cousins et des cousines avec qui jouer." plaisantait-elle en plongeant son regard dans le sien. Leurs parents étaient déjà bien contents d'avoir deux petits-enfants à gâter, mais ils ne seraient pas mécontents d'en voir débarquer un jour ou l'autre. Marcus n'était pas vraiment enclin à s'engager, Percy ne pouvait qu'envisager l'adoption si l'envie tenace d'élever un enfant, et Caelan... devait se retrouver quelqu'un, si c'était ce qu'il désirait. En somme, sauf si surprise monumentale, Aidan devrait calmer son enthousiasme à l'idée d'avoir un jour un cousin. Et aussi un petit frère ou une petite soeur, parce qu'il avait confié à Norah quelques jours avant l'accident qu'il voudrait bien être grand frère, lui aussi. Rassure-toi, trésor, c'est pas l'envie qui manque, avait-elle pensé durant cette conversation. L'idée lui trottait déjà avant que Frank ne soit tué. "A ce qu'on dit, oui." soufflait-elle au célèbre dicton que Caelan venait de dire à haute voix. Elle savait qu'elle ne serait jamais objective lorsqu'il s'agissait de Frank. Elle l'aimait, et aimait toutes ses qualités, tous ses défauts. Peut-être que c'était à lui, qu'elle voulait prouver qu'elle pouvait gérer la maisonnée seule; alors qu'il aurait bien été le dernier à lui demander de montrer ce dont elle était capable. Frank le savait et où qu'il pouvait être; le paradis, si ça existait; jamais ne se permettrait-il d'exiger autant d'elle. Non, il aurait préféré qu'elle continue à vivre sa vie, à avancer, pas la voir bloquée et enlisée comme elle pouvait l'être. Mais jusqu'ici, jamais Norah ne s'était vraiment demandée ce que son feu mari voudrait; elle s'était posée la question uniquement par rapport aux enfants, mais jamais pour elle-même. Caelan était bien déterminé et il comptait bien à veiller au grain. Il était sur la même longueur d'ondes à ce sujet, avec Marcus, Percy et Anwar. "Si tu veux mon avis, il y en a qui vont carrément ne pas me laisser le choix." lui fit-elle remarquer un sourire. Elle n'imaginait pas à ce qu'Anwar ou Marcus attendent que Norah ne le leur demande explicitement pour s'imposer chez elle les premiers jours après son retour à la maison. La famille Leckie était soudée, aucun de ses membres ne voulaient en sortir. Leurs parents avaient tenu à leur inculquer des valeurs qui leur étaient fondamentales.  "Fortitude est un quartier particulièrement actif. Tu comptes aller en boîte toute la nuit ?" le taquina-t-elle. Bien sûr, elle savait qu'il optait pour ce quartier comme les loyers étaient bien plus abordables que Logan City ou Bayside, par exemple. Il fallait bien recommencer quelque part. "Ils vont peut-être pas t'héberger, mais je les vois mal ne pas te filer un coup de main, ne serait-ce les premières semaines. Que ce soit financier, ou même pour te filer des meubles, de la vaisselle; enfin le kit de base pour t'installer." lui dit-elle. "Je peux même aussi te filer quelques trucs de chez moi si tu as besoin." proposa-t-elle, tout naturellement. Bien que les visites lui faisaient le plus grand bien, Norah finissait par fatiguer malgré elle. Le fait de devoir se concentrer à ce qu'on lui disait, à ce qu'elle réponde, à faire l'effort de rester attentive, lui demandait beaucoup d'énergie, alors qu'elle en avait aussi besoin pour se rétablir. Un phénomène qu'elle avait déjà constaté quand elle faisait son boulot. Certaines familles qui se pensaient bienveillantes restaient au chevet de leur famille pendant une éternité. Certains patients appréciaient, d'autres suppliaient du regard les soignants pour que ceux-ci leur demandent de partir sous un quelconque prétexte, parce que le soigné ne voulait froisser personne en le demandant lui-même. Norah s'y appliquait avec joie, ça ne lui avait jamais posé de problème de se faire passer pour la froide ou la psychorigide en demandant de partir. Ca l'amusait aussi, d'inventer des prétextes. "Reste encore un peu." lui souffla-t-elle en lui serrant la main. Certes, il était de retour pour de bon, mais cela n'empêchait sa soeur de vouloir profiter au maximum de sa présence. Même si ses paupières s'alourdissaient, même si elle ne se sentait plus vraiment capable de maintenir une conversation en bonne et due forme. Norah se demandait si eux aussi, arrivaient à se reposer. Elle avait vu dans le regard d'Anwar ce mélange d'inquiétude et de colère qui l'animaient, elle savait que derrière les plaisanteries de son frère aîné se trouvait aussi beaucoup d'inquiétude. Et Caelan devait avoir tellement à penser qu'il ne serait pas non plus surprenant qu'il ait également besoin de repos. Elle se posait la question, tout simplement. Elle espérait qu'ils prenaient soin d'eux, eux. C'était sur cette réflexion qu'elle avait fini par s'assoupir.