| (Anwar & Caelan) Money can always be gained; lost time can never be recovered |
| | (#)Mer 23 Sep 2020 - 22:18 | |
| Si Norah n’avait pas survécu à son accident, Caelan ne s’en serait jamais remis. Elle n’était pas encore sortie du bois mais le fait qu’elle s’était finalement réveillée le rassurait beaucoup. En ce moment, elle était sa priorité quitte à rester sans emploi plusieurs mois pour prendre soin d’elle. S’il fallait qu’il liquide tout l’argent qu’il avait reçu à la vente de sa maison, il était prêt à le faire. Il s’était exilé au Canada parce qu’il était dans une période sombre de sa vie et qu’il craignait l’opinion qu’elle aurait de lui si elle venait à connaître la vérité sur sa rupture. En partant, il mettait de la distance entre lui et les questions de Norah. En partant, elle gardait somme toute une opinion relativement positive de lui. Sauf qu’en ne voulant pas la perdre, il aurait pu perdre les derniers mois de sa vie si elle n’avait pas survécu. Il n’avait pas hésité une seconde à revenir au pays lorsqu’il avait su ce qui s’était passé et il n’allait pas refaire la même erreur deux fois, il était de retour pour de bon. « Attends, je vais replacer tes oreillers ». Caelan aida Norah à se redresser doucement tout en plaçant ses oreillers derrière elle. Au même moment, quelqu’un cogna sur le bord de la porte ouverte pour s’annoncer. « Norah, on a quelques tests à te faire passer. » dit l’infirmière en s’approchant du lit. « Elle devrait être de retour dans un peu plus d’une heure. » Caelan hocha la tête et prit place sur la chaise qui prenait place dans la chambre d’hôpital. Caelan n’était pas pressé donc il avait tout le temps du monde d’attendre qu’elle revienne à la chambre. De plus, il était pas mal fatigué avec le décalage horaire, le voyagement et les courtes nuits qu’il avait eues dernièrement. Faut dire qu’avec Norah à l’hôpital, il avait beaucoup de difficultés à avoir un sommeil réparateur. Caelan se laissa glisser un peu dans la chaise pour être un minimum allongé, puis il installa sa casquette par-dessus son visage afin de cacher un peu la lumière agressante des néons. Il ne s’endormit pas profondément mais réussit tout de même à se reposer un peu tout en demeurant semi alerte aux bruits ambiants.
Caelan s’éveilla en sursautant lorsqu’il entendit le bruit de pas qui s’approchaient de la chambre à coucher. Il crut également reconnaître une voix familière. Il replaça sa casquette sur sa tête, se frotta les deux yeux puis se leva en baillant lorsque son ami pénétra dans la pièce. « Hey. Elle est partie passer des tests. » Caelan se tassa un peu pour laisser la chaise à Anwar, au cas où il voudrait s’asseoir. Depuis son retour, ils n’avaient pas vraiment eu l’occasion de se parler et Caelan sentait qu’il y avait une certaine tension entre eux. Il avait précédemment tenté d’engager la discussion avec Anwar mais ce dernier lui avait répondu que ce n’était pas le bon moment. Maintenant que Norah n’était pas à sa chambre, le moment lui semblait opportun. « Comment tu te sens avec le retour aux couches? Ça doit te faire bizarre maintenant que Tarek est grand. » Faut dire que ses deux enfants avaient un très grand écart d’âge entre eux donc c’était tout un retour en arrière en fait d’éducation à donner et d’autonomie. D’un autre côté, Caelan l’enviait quand même un peu. À 36 ans, il n’avait toujours pas d’enfants à lui et il commençait à craindre que ce rêve ne finisse jamais par se réaliser. « Écoute… » Il n’allait quand même pas tâter le terrain et tourner autour du pot pendant trois heures. S’il prenait trop son temps, Norah serait de retour et l’opportunité serait perdue. « Je sais que t’es fâché, mais je suis revenu. » Il ne s’attendait évidemment pas à ce que tout le monde agisse comme s’il n’était jamais parti mais il voulait qu’il sache qu’il était là pour eux. « Je suis désolé, sincèrement. » En même temps, s’il n’était pas parti, qui sait ce que Caelan serait aujourd’hui. Il était au bord de la crise existentielle quand il était parti, remettant en question ce qu’il était et ce qu’il voulait dans sa vie. Le portrait était loin d’être reluisant à ses yeux à 36 ans sans emploi, sans logement, sans copine et sans enfants mais il se sentait quand même que sa santé mentale allait mieux qu’au début de l’année. « J’espère qu’on pourra retrouver ce que nous partagions avant, t’es quelqu’un d’important dans ma vie. » Il ne s’attendait pas à ce que Anwar lui serre la main et que tout serait oublié mais au moins les premiers pas étaient faits. Maintenant la balle était dans son camp. @Anwar Zehri
Dernière édition par Caelan Leckie le Mer 14 Oct 2020 - 22:36, édité 1 fois |
| | | | (#)Mer 14 Oct 2020 - 21:57 | |
| Les occasions pour Lene, Alma et lui de passer du temps tous les trois étaient moins fréquentes depuis que la jeune femme avait repris son poste à la caserne de pompiers, et comme tous parents angoissés qui se respectaient Anwar et elle avaient dû se résoudre à confier leur bébé aux bons soins d’une nounou lorsqu’ils travaillaient tous les deux. Depuis l’accident de Norah cependant le policier liquidait une grande partie des heures supplémentaires qu’il devait récupérer, et lorsqu’il n’utilisait pas ce temps pour tenir compagnie à l’infirmière dans sa chambre d’hôpital ou prendre son tour auprès des deux garnements de la jeune femme, il en profitait pour passer du temps avec sa petite fille. Du haut de ses cinq mois Alma avait chaque jour un peu plus conscience du monde qui l’entourait, gazouillant joyeusement et offrant à ses parents d’immenses sourires dès lors que son estomac était plein et sa couche propre. Si les choses n’étaient pas simples tous les jours, Lene et Anwar tentaient également du mieux qu’ils pouvaient d’apprendre à faire équipe en tant que parents, non sans l’appui précieux de Talia, la cousine d’Anwar pouvant sans modestie se vanter d’être l’une des rares personnes à savoir brosser la Adams dans le sens du poil. C’est donc bien chez Lene qu’il avait passé une partie de la matinée et déjeuné le midi, trouvant plus de plaisir qu’aucune personne sans enfant ne pourrait jamais le comprendre à faire couiner Sophie la girafe en écoutant leur bébé rire aux éclats, et l’heure de la sieste sonnant du même coup l’heure pour lui de s’éclipser pour rejoindre l’hôpital non loin de là – rarement n’avait-il trouvé aussi pratique que Lene vive dans le quartier du Saint Vincent. Bien qu’un peu idiote, le brun ne parvenait pas à se débarrasser de la pointe d’appréhension qui le gagnait chaque fois qu’il atteignait le couloir où se situait la chambre de Norah. Il craignait toujours de tomber sur l’un des Leckie et de se sentir de trop, particulièrement s’agissant de Marcus qui ne faisait rien pour cacher son mépris à son égard, et de Caelan avec qui il n’avait toujours pas eu – pas pris – le temps d’une véritable conversation depuis qu’il était rentré à Brisbane. Espérant donc secrètement trouver la chambre vide de tout autre visiteur, et pourquoi pas Norah éveillée et d’humeur à commenter ces émissions de pâtisserie que la télévision passait en boucle les après-midi de semaine, il avait fait un bref stop en passant devant le poste de soin pour saluer l’infirmière occupée devant une antiquité informatique faisant presque passer le matériel du commissariat pour récent. Et lorsqu’enfin il avait atteint la chambre et poussé la porte avec précaution au cas où Norah dormait, il s’était retrouvé nez à nez avec un Caelan dont les yeux trahissaient qu’il s’était assoupi, tandis que le lit de l’infirmière, lui, était vide. « Hey. Elle est partie passer des tests. » Sans même prendre le temps de la réflexion, la première réaction du policier avait été de questionner « Elle va bien ? » d’un ton alarmé, l’absence de panique sur le visage du jumeau l’amenant néanmoins presque aussitôt à supposer que oui. Aussi bien qu’elle pouvait l’être en étant toujours bloquée ici, du moins. « Bon du coup je … je repasserai plus tard ? » Lui-même ne savait pas bien s’il questionnait ou s’il affirmait, n’ayant aucune idée de si Caelan s’apprêtait ou non à partir de son côté, mais pour autant au lieu de tourner les talons le brun s’était contenté de rester bras ballants à proximité de la porte, son regard peinant à soutenir celui de son ami et le malaise que lui provoquait la situation facilement perceptible. Ce n’était pas tant qu’il ne voulait pas parle à Caelan qu’il ne voulait pas se chicaner avec lui, et la situation faisait qu’ils en viendraient probablement là s’ils engageaient la discussion, d’où les tentatives répétées du brun pour s’y soustraire chaque fois que l’occasion s’était présentée ces dernières semaines. « Comment tu te sens avec le retour aux couches ? Ça doit te faire bizarre maintenant que Tarek est grand. » La question sortait suffisamment de nulle part pour qu’Anwar soit forcé de se la poser une seconde fois mentalement, et bafouillant un « Ouais, c’est … c’est inattendu. Mais c’est un peu comme le vélo, les réflexes sont toujours là … » La question était-elle purement innocente, ou bien visait-elle à lui faire subtilement remarquer comme il avait tardé à lui faire part de cette naissance ? Dans les deux cas, Anwar avait senti poindre un reste désagréable de culpabilité dans son estomac – il avait mis presque dix jours à informer Caelan de la naissance de sa fille, soit bien après tout le reste de son entourage, et ce par pure mauvaise volonté. Pas son moment le plus glorieux, ni le plus mature. « Écoute … » And here we are. « Je sais que t’es fâché, mais je suis revenu. Je suis désolé, sincèrement. » Mal à l’aise, Anwar avait retiré sa casquette d’un geste machinal et passé une main dans ses cheveux avec lassitude. « J’espère qu’on pourra retrouver ce que nous partagions avant, t’es quelqu’un d’important dans ma vie. » Et ? Est-ce que ce n’était pas un peu facile, de s’excuser et d’espérer que cela suffirait ? Cela avait peut-être fonctionné avec Norah, elle était coincée dans un lit d’hôpital et pas tout à fait dans son état normal, mais Anwar avait les idées claires, lui – croyait-il. « Moi aussi je suis désolé. » avait-il alors rétorqué d’un ton las. « Désolé qu’il ait fallu attendre que ta sœur manque d’y passer pour que tu te décides à revenir. » La remarque était facile, mais il ne voyait pas de raison de se priver de la faire malgré tout. Sans s’expliquer pourquoi, le brun se sentait plus fâché de la situation vis-à-vis de Norah que vis-à-vis de lui-même … Mais c’était elle qui avait le plus souffert de l’absence de Caelan. « Tu comptes repartir ? » Signe qu’il n’avait plus l’intention de couper court à la discussion, le policier avait fait quelques pas dans la pièce et s’était adossé au mur. « Parce que Julie et Aidan sont persuadés que non, et c’est pas vraiment le moment de leur faire de faux espoirs. » Il utilisait les enfants comme excuse, mais au fond ils n’étaient pas les seuls à risquer de se faire de faux espoirs.
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| | | | (#)Jeu 15 Oct 2020 - 19:20 | |
| Quand Caelan était parti pour le Canada, il ne s’était pas inquiété pour Norah parce qu’il savait qu’elle allait être entre bonnes mains avec Anwar, comme en témoignait son ton alarmé. S’il y avait bien une personne à qui il faisait confiance les yeux fermés, c’était bien lui. Caelan et Anwar s’étaient seulement rapprochés après le décès de Frank, il y a quatre ans, mais Caelan le considérait quand même comme un membre de la famille au même titre que ses frères. À vrai dire, il était probablement plus proche d’Anwar que de Percy alors il espérait sincèrement que leur relation ne souffrirait pas trop de son absence soudaine. « Elle va bien ? » Contrairement à Marcus, Caelan n’en voulait pas du tout à Anwar de ne pas avoir attrapé le coupable. Il savait que ce n’était pas toujours aussi simple et que les policiers devaient faire leur possible avec l’information et les preuves qu’ils avaient. Ce n’est pas qu’il ne voulait pas que le coupable soit arrêté, au contraire, mais le trentenaire savait faire la part des choses. « Oui, ce sont seulement des tests de routine j’imagine. » Caelan n’y connaissait rien en médecine alors tous les termes techniques ne voulaient pas dire grand-chose pour lui. De ce qu’il avait perçu, cependant, l’infirmière n’avait pas l’air inquiète lorsqu’elle était venue chercher Norah alors il avait assumé qu’il n’y avait rien d’inquiétant à signaler. « Bon du coup je … je repasserai plus tard ? » Caelan secoua vivement la tête de gauche en droite, tout en tendant un de ses bras vers Anwar pour lui faire signer d’arrêter. « Reste, elle sera bien contente de te voir. » Et puis contrairement à Anwar, Caelan ne travaillait pas encore et il n’avait pas d’enfants alors il était relativement facile pour lui de repasser à un autre moment sans qu’il n’ait à prendre plein d’arrangements. « Profites-en, je peux repasser plus tard quand je n’aurai pas Aidan et Julie. » Caelan avait longuement anticipé la discussion qu’ils s’apprêtaient à avoir mais il ne croyait pas que le temps allait la rendre plus facile alors il était aussi bien de crever l’abcès pour qu’ils puissent tous les deux avancer dans la même direction.
« Ouais, c’est … c’est inattendu. Mais c’est un peu comme le vélo, les réflexes sont toujours là … » Caelan hocha doucement de la tête tout en demeurant silencieux. Anwar avait probablement raison. La seule référence qu’il avait en la matière était l’écart d’âge que Julie et Aidan avaient mais, encore là, il ne faisait que jouer un rôle temporaire dans leur vie, dans le sens où ils n’étaient pas toujours à sa charge. Dans le fonds, Caelan avait relativement le bon rôle puisqu’il pouvait les gâter comme il le voulait et qu’il n’avait pas à faire autant de discipline que sa sœur avec eux. Il faudrait attendre qu’il ait ses propres enfants pour connaître l’autre côté de la médaille et tout ce qui vient avec. « J’imagine. Elle est vraiment mignonne en tout cas, j’ai hâte de la rencontrer. » Si Anwar croyait qu’il était toujours digne de son amitié et de tout ce que ça impliquait. Caelan s’était fait quelques amis, lors de son séjour au Canada, mais ça n’arrivait pas à la cheville de ce que l’amitié d’Anwar représentait pour lui. Ses anciens colocataires avaient seulement fait partie de sa vie pour quelques mois à peine et ils ne connaissaient rien de sa vie et de son passé. Caelan était débarqué là-bas comme une feuille vierge, sans histoire, alors que c’était tout le contraire. Bien que Caelan ne dise pas tout à Anwar, il sentait quand même qu’il pouvait être lui-même en sa présence et ça valait tout l’or du monde.
Caelan décida de briser la glace et de profiter de l’absence de Norah pour mettre les choses au clair avec Anwar. « Moi aussi je suis désolé. Désolé qu’il ait fallu attendre que ta sœur manque d’y passer pour que tu te décides à revenir. » Caelan pinça ses lèvres ensemble et détourna légèrement le regard, l’air coupable. La réponse de son ami ne laissait aucun doute sur la frustration qu’il ressentait à son égard. Est-ce que Caelan pouvait vraiment lui en vouloir alors qu’il lui avait annoncé son départ soudain par messagerie alors que son billet d’avion était déjà acheté? Pas vraiment, mais il avait quand même eu un peu d’espoir que les choses se passent autrement à son retour. « Je serais revenu sans ça, je ne sais juste pas quand. » Est-ce que ça aurait été vraiment mieux qu’il reste mais que Norah doive compter sur lui alors qu’il était lui-même au bord du gouffre? Avant son départ, sa consommation d’alcool avait augmentée et il s’était sincèrement questionné sur la valeur que sa vie avait. Peut-être que son ami ne le réalisait pas encore mais Caelan avait fait ce qu’il avait jugé nécessaire pour se sortir la tête de l’eau avant de se noyer. « Tu comptes repartir ? Parce que Julie et Aidan sont persuadés que non, et c’est pas vraiment le moment de leur faire de faux espoirs.» Caelan soupira en guise d’agacement, tout en croisant les bras contre son torse de façon défensive. « Eh non. Imagine-toi donc que vous allez être pris avec moi. » Le trentenaire se frotta le menton d’une main avant de poursuivre. « Je vais attendre quelques semaines avant de me trouver un boulot, comme ça je vais pouvoir être présent pour eux en attendant qu’elle se sente un peu mieux. » Le bien-être de son neveu et de sa nièce était très important et il ne planifiait pas de les décevoir cette fois-ci. @Anwar Zehri |
| | | | (#)Mar 10 Nov 2020 - 7:31 | |
| Et ainsi, comme si cette conversation ne différait pas de toutes celles qu'Anwar avait depuis ces derniers mois dès lors qu’il n’avait pas croisé son interlocuteur depuis longtemps, Alma redevenait l’objet de la conversation, le centre provisoire de l’attention. Et ce n’était pas pour lui déplaire en règle générale, à lui, car si une chose ne différait pas entre la naissance de sa fille et celle de son fils c’était cette capacité pour le policier à voir dans ses deux enfants la plus grande de ses fiertés. Du genre qui vous faisait bomber le torse et rendait difficile de ne pas montrer leur photo à tout bout de champ en répétant « c’est moi qui les ai faits » avec orgueil. Ça n’avait pas d’importance qu’ils ne soient pas prévus, qu’il ne file pas l’harmonie parfaite avec la mère ni de l’un ni de l’autre, et juré il avait dû se faire un peu violence pour ne pas sourire bêtement lorsque Caelan lui avait répondu « J’imagine. Elle est vraiment mignonne en tout cas, j’ai hâte de la rencontrer. » car tout fier qu’il était d’exhiber sa huitième merveille du monde à qui le voulait, la chose n’aurait pas été repoussée si longtemps si le jumeau de Norah ne s’était pas échappé, évaporé. Et parce qu’au bout du compte il était temps qu’ils l’aient, cette conversation qu'Anwar n’avait eu cesse de repousser tant que le sort de l’infirmière n’avait pas été certain. Bien sûr qu’elle aurait pu être pire, la situation. Bien sûr que Caelan aurait pu ne pas revenir, ou revenir pour n’avoir plus sa sœur mais seulement ses yeux pour pleurer … Et bien sûr qu’avec des suppositions on refaisait le monde, mais le sarcasme bien trop encombrant au fond de sa gorge le brun n’avait su que lever les yeux au ciel lorsque son ami avait affirmé « Je serais revenu sans ça, je ne sais juste pas quand. » et rétorquer presque du tac au tac « Alors je suppose qu’on peut remercier le chauffard grâce à qui tu es rentré plus tôt. » avec amertume. À lui aussi Anwar prévoyait de régler son compte, et pas de la même manière … Mais chaque chose en son temps. Le vrai problème c’était qu’il ne comprenait pas pourquoi. Pourquoi un départ si précipité, pourquoi aussi loin, pourquoi aussi longtemps … qu'y avait-il à Brisbane que Caelan puisse vouloir fuir au point d’abandonner derrière lui famille, boulot, amis. Et pourquoi ne leur avait-il pas simplement demandé de l’aide, à eux qui s’inquiétaient tant pour lui. Et maintenant ? Fallait-il passer outre, se contenter de ces excuses sans justification, croire qu’il était rentré pour de bon, ou bien le jumeau prévoyait-il déjà de prendre la tangente à peine sa sœur capable de tenir sur ses deux pieds ? « Eh non. Imagine-toi donc que vous allez être pris avec moi. » Bras croisés, le Leckie s’était renfrogné, déjà lassé sans doute des attaques à peine déguisées dont Anwar avait décidé de ne pas l’épargner. « Je vais attendre quelques semaines avant de me trouver un boulot, comme ça je vais pouvoir être présent pour eux en attendant qu’elle se sente un peu mieux. » À son tour, et sans quitter le mur contre lequel il s’était adossé, Anwar avait lui aussi croisé les bras, pas tant dans une posture défensive que pour tenter de se donner une contenance. « Bien. » Pour les enfants, prétendrait-il encore, et pour Norah. Mais que Caelan n’espère pas l’entendre dire qu’il s’incluait à la boucle … Celan lui avait manqué, certes, mais il ne méritait pas encore qu’Anwar l’admette à voix haute. Et ainsi la chose aurait pu en rester là, le silence s’installant de nouveau tandis que l’un rechignait à faire la conversation autant que l’autre rechignait à s’aplatir dans d’interminables excuses dont son interlocuteur semblait n’avoir que faire. Elles ne comptaient pas pour rien pourtant, Anwar les entendait bien les excuses, et elles mettaient un peu de pommade sur sa déception quand bien même il estimait ne pas être celui qui méritait le plus que Caelan soit désolé. « Qu’est-ce qui s’est passé, Caelan ? » Elle lui avait finalement échappé, cette question qu’il tentait jusque-là tant bien que mal de retenir, et avec elles d’autres avaient suivi sans qu’il ne puisse plus les en empêcher, tel le flot s’engouffrant dans la valve ouverte par mégarde. « On ne fuit pas à l’autre bout du monde comme ça, sans raison. » Et sans explications. « On ne lâche pas sa vie et son boulot du jour au lendemain. » Et tant d’autres choses, et tant d’autres personnes. Il ne pouvait pas croire que son divorce soit la seule explication, que la manière dont Caelan avait vrillé ne se résume qu’à cela … Et en même temps qu’en savait-il, lui, marié depuis vingt ans à une femme qu’il n’avait jamais vraiment aimé et qui le lui avait tout aussi bien rendu ? Il n’avait jamais vraiment aimé Anwar, pas comme ça, sans quoi peut-être que vriller de voir cet amour qui vous prenait aux tripes vous échapper pour de bon ne lui semblerait pas si lunaire.
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| | | | (#)Jeu 12 Nov 2020 - 5:17 | |
| Encore une fois, Anwar ne rata pas l’occasion de projeter sa frustration en plein dans la figure de Caelan qui commençait sérieusement à s’impatienter. « Alors je suppose qu’on peut remercier le chauffard grâce à qui tu es rentré plus tôt. » Caelan leva ses deux bras en l’air et soupira bruyamment en secouant la tête de gauche à droite. « Tu as raison d’être fâché contre moi, mais là tu vas trop loin. » lâcha-t-il en échappant quelques jurons en cours de route alors qu’il fusillait son ami du regard. « Tu penses que c’était facile pour moi d’être loin? Non, mais j’avais des choses à régler avec moi-même. Et crois-moi, si je pouvais, j’échangerais de place avec elle n’importe quand. En plus, ça ferait probablement ton affaire que ce soit moi plutôt qu’elle, sur le lit d’hôpital. » rajouta-t-il d’un ton sec. S’il y avait bien quelqu’un qui avait à cœur le bien-être de Norah, c’était bien lui, mais il n’était plus en état de la supporter après sa rupture avec Jessica. Sa nature plutôt secrète avait fait en sorte qu’il n’avait pas demandé d’aide et qu’il avait espéré que le temps finirait par faire les choses. Sauf que l’épreuve avait été plus difficile qu’il ne l’avait pensé et il avait dû se rendre à l’évidence qu’il était au bord du gouffre, que le poids était trop lourd à porter. Il avait alors fait ce qu’il avait cru nécessaire afin de ne pas passer de vie à trépas, littéralement. Comme Norah avait déjà assez de ses problèmes, il n’avait pas voulu lui rajouter un poids en lui confiant qu’il n’allait pas bien au point d’avoir des pensées suicidaires. Ces dernières lui avaient fait suffisamment peur pour lui ouvrir les yeux, comme un wake up call. Autant il regrettait d’avoir été absent pour ses proches pendant les derniers mois, autant il était conscient que ce départ avait été nécessaire parce qu’il se sentait mieux. Il était conscient que c’était difficile pour eux de comprendre, étant donné qu’il avait donné peu de détails sur la raison de son départ, mais ça ne l’empêchait pas de trouver les commentaires du pakistanais plutôt désagréables. L’accident pesait suffisamment sur ses épaules, il n’avait pas besoin des commentaires déplacés d’Anwar en plus.
Anwar creva finalement l’abcès en posant cette question qui devait lui brûler les lèvres depuis un moment déjà. « Qu’est-ce qui s’est passé, Caelan ? On ne fuit pas à l’autre bout du monde comme ça, sans raison. On ne lâche pas sa vie et son boulot du jour au lendemain. » Caelan serra les dents alors qu’il détournait le regard, l’air coupable, pour ne pas affronter celui de son ami. « Quelle vie? Celle où je passais mes journées à faire un boulot de merde pour ensuite me saouler en regardant les quatre murs de mon appartement en ayant que ma main pour me réconforter? » répondit-il brusquement. Accoté au mur opposé d’Anwar qui se retrouvait près de la porte, Caelan se sentait comme une proie qui n’avait aucune porte de sortie pour s’échapper. Il regrettait soudainement d’être resté pour essayer de réparer les pots cassés avec lui. D’un autre côté, cette question était inévitable et il le savait très bien. Il était maintenant déchiré entre l’envie de tout dire à son ami, pour se vider le cœur, et la peur des représailles lorsqu’il découvrirait le pot aux roses. Il était convaincu que la raison de sa rupture ne passerait pas avec lui et le boulot de son ami n’aidait en rien à le mettre en confiance pour qu’il s’ouvre. « J’avais besoin de réfléchir à qui j’étais et de quel sens je voulais donner à ma vie. » Réponse vague qui ne voulait probablement pas dire grand-chose mais Caelan avait peur de lui donner un doigt et qu’il lui veule lui prendre un bras. Il soupira et daigna finalement plonger son regard rempli de nostalgie dans celui de son ami. « Jess me manque Annie, beaucoup, et je ne peux rien y faire. J’imagine qu’il faudrait peut-être que j’en revienne après presque deux ans. » dit-il en souriant tristement. Il n’était pas stupide, il savait qu’il n’avait aucune chance de la reconquérir et il ne pouvait que diriger sa colère envers lui-même. Partir au Canada lui avait permis de prendre du recul face à ce qui s’était passé, sans le risque de tomber sur elle dans un magasin. Il se sentait un peu mieux mais il se doutait que la croiser quelque part ne ferait que lui faire faire trois pas en arrière et raviver sa flamme pour elle. Avant d’être trop écrasé par la tristesse que lui causait le simple fait de penser à sa rupture, Caelan se racla la gorge pendant qu’il se redressait pour replacer sa casquette sur sa tête. « Tu l’as dit, on ne part pas sans raison, j’avais mes raisons. Je ne te demande pas d’être d’accord, mais de comprendre. S’il te plaît. » ajouta-t-il d’une voix douce en l’implorant du regard. Allait-il avoir le courage de lui raconter la vérité un jour? Peut-être que oui, peut-être que non. Dans tous les cas, cette histoire lui appartenait et il ne la devait à personne. @Anwar Zehri |
| | | | (#)Sam 5 Déc 2020 - 14:00 | |
| Elle était vouée à se passer ainsi, leur confrontation. Biaisée par l’amertume qu’Anwar avait eu tout le temps et le loisir de cultiver durant les mois où Caelan s’était évaporé, le privant d’un ami autant qu’il l’avait privé de l’occasion d’en être un pour lui en retour. Caelan était parti, Tad était parti, et les amitiés déjà peu nombreuses du brun s’étaient réduites comme peau de chagrin, le laissant seul et désarmé pour affronter la lente – mais ô combien prévisible – dégringolade de Norah. Au fond il n’était pas tant question d’être là maintenant, au pied de la falaise, que de ne pas avoir été là lorsque Norah se tenait au bord du précipice et que ni ses frères ni Anwar n’étaient en mesure de le remplacer lui. Le jumeau, l’irremplaçable. Revenir pour contempler les dégâts ce n’était pas le plus difficile, et loin d’Anwar l’idée de vouloir encenser une lâcheté qu’il n’aurait pas pensé voir prendre vie sous les traits de Caelan … Comme quoi ceux auxquels vous teniez le plus étaient aussi ceux dont les erreurs vous heurtaient le plus. « Tu as raison d’être fâché contre moi, mais là tu vas trop loin. » Piqué au vif, l’australien lui avait offert un regard sombre et soupiré pour témoigner ostensiblement de son exaspération. Et s’il avait accueilli le « Tu penses que c’était facile pour moi d’être loin ? Non, mais j’avais des choses à régler avec moi-même. Et crois-moi, si je pouvais, j’échangerais de place avec elle n’importe quand. » sans broncher et sans remettre en doute la véracité de cette dernière phrase, le « En plus, ça ferait probablement ton affaire que ce soit moi plutôt qu’elle, sur le lit d’hôpital. » ajouté ensuite avait eu l’effet d’un retour à l’envoyeur que le policier avait reçu comme une gifle. « Là c’est toi qui va trop loin. » avait-il dès lors rétorqué du même ton abrupt. « Ce n’est pas ce que j’ai dit, et tu sais très bien que ce n’est pas ce que je pense. » Ou Caelan pensait-il réellement qu’il puisse en être ainsi ? Huit mois d’absence avaient-ils pu à ce point parasiter la perception qu’il avait de l’importance qu’Anwar accordait à leur amitié … Ou amitié n’y avait-il tout simplement plus ? Estimant en tout cas n’avoir plus rien à perdre à ce sujet, et doutant de plus en plus que le frère de Norah ne se décide lui-même à mettre les pieds dans le plat, Anwar s’était donc résolu à poser de but en blanc la question qui empêchait à la discussion d’être totalement mise à plat. Par que le retour en catastrophe n’expliquait en rien le départ en catimini, et ces mystères que Caelan continuait d’entretenir n’avaient toujours de sens que pour lui-même. Irrité semblait-il par le sens de la question, le concerné avait serré les dents et répondu d’un ton acerbe « Quelle vie ? Celle où je passais mes journées à faire un boulot de merde pour ensuite me saouler en regardant les quatre murs de mon appartement en ayant que ma main pour me réconforter ? » sans laisser aucun doute sur le côté purement rhétorique de son interrogation. Agitant les bras en signe d’impuissance et la tête en signe d’incompréhension, le brun avait renchéri en demandant « Pourquoi tu ne nous en as pas simplement parlé ? On aurait été là … on t’aurait aidé. » avec pourtant déjà la certitude que cette question-là aussi resterait sans réponse. Mais qui faisait de son divorce un tel secret d’état durant des semaines, des mois ? Et qu’y avait-il bien pu se passer au sein de ce couple en apparence heureux pour que du jour au lendemain le vent puisse tourner à ce point ? « J’avais besoin de réfléchir à qui j’étais et de quel sens je voulais donner à ma vie. » avait finalement repris Caelan d’un ton plus doux – ou simplement plus abattu, Anwar n’aurait pas bien su trancher. « Jess me manque Annie, beaucoup, et je ne peux rien y faire. J’imagine qu’il faudrait peut-être que j’en revienne après presque deux ans. » Peut-être, oui. Ou peut-être pas, au fond Anwar n’en savait rien et il était bien mal placé pour donner des conseils en matière de mariage – ou même en matière de divorce, d’ailleurs, puisqu’il n’avait pour ainsi dire réussi ni l’un ni l’autre. « Et ça nécessitait d’aller te terrer à douze mille kilomètres d’ici ? » La colère et l’amertume avaient cédé leur place à une certaine forme de lassitude, doublée d’un sentiment de frustration face aux pirouettes de Caelan pour slalomer entre les questions sans y répondre franchement. Il ne disait pas tout, il fuyait quelque chose, cela crevait les yeux et malgré tout il continuait d’entretenir le mystère pour une raison qu’Anwar ne s’expliquait pas. Retirant sa casquette d’un geste machinal, le brun avait passé une main dans ses cheveux puis sur son visage, avant de reporter son regard et son attention sur son ami. Caelan le mettait dans une position qu’il ne savait pas comment appréhender, il parvenait sans mal à percevoir la sincérité de ses explications et de ses excuses, et malgré tout une intuition dans un coin de son crâne continuait de lui indiquer avec plus ou moins d’insistance que quelque chose ne tournait pas rond. Qu’il manquait une pièce au puzzle. « Tu l’as dit, on ne part pas sans raison, j’avais mes raisons. Je ne te demande pas d’être d’accord, mais de comprendre. S’il te plaît. » La casquette de retour sur son crâne, le policier s’était décollé du mur et avait fait quelques pas dans la pièce, se fendant d’un « Je ne sais pas, Caelan. » désemparé pour finalement rediriger son regard dans sa direction. « Je demande que ça, de comprendre … Mais là, ce que tu me demandes c’est pas de comprendre. C’est de ne pas poser de questions et de faire comme si tu n’étais jamais parti, et partant de là je sais même pas si je suis supposé te croire sur parole quand tu dis que tu ne comptes pas repartir. » Peut-être parce qu’il l’avait trop entendue cette promesse, que Riley l’avait déjà trop usée avant lui durant vingt ans pour qu’Anwar ne soit encore capable de la prendre au sérieux … Caelan n’était pas Riley, bien sûr, mais Caelan se cachait derrière un écran de fumée et l’ami autant que le policier ne pouvait s’empêcher d’y voir le signe d’une honnêteté partielle. « Je t’ai appelé à l’aide quand Norah n’allait pas bien et t’as pas réagi, alors que t’es le seul qu’elle écoute vraiment … Et honnêtement, je suis pas persuadé qu’elle aille mieux, alors si vraiment tu veux te racheter fais-le auprès d’elle. C’est tout ce que je te demande … parce que ça me rend malade de la voir se laisser dépérir comme ça. » Et parce qu’il n’y parvenait pas, lui. Il ne trouvait pas les bons mots, pas les bonnes idées, ou peut-être n’était-il tout simplement pas la bonne personne, lui dont la promesse d’obtenir justice pour Frank s’effritait de jour en jour au même rythme, peut-être, que la confiance que l’infirmière plaçait en lui.
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| | | | (#)Jeu 10 Déc 2020 - 4:37 | |
| « Là c’est toi qui va trop loin. Ce n’est pas ce que j’ai dit, et tu sais très bien que ce n’est pas ce que je pense. » Oui il le savait. Pourtant, il n’avait pu faire autrement que de laisser échapper ces paroles pour le piquer lui aussi parce que les paroles d’Anwar étaient difficiles à entendre. D’un côté il était satisfait que ses paroles atteignent son ami comme il le souhaitait, mais de l’autre, il regrettait de ne pas avoir pesé ses mots avant de les prononcer. Au final, il savait que ça n’aidait en rien son cas, que ces échanges ne faisaient que renforcer leur frustration à l’égard de l’autre. Il aurait certainement pu s’excuser, lui dire qu’il ne pensait pas ce qu’il avait dit, mais il décida plutôt de rester silencieux par orgueil. Mieux valait qu’il garde sa salive pour répondre aux nombreux questionnements de son ami qui avait décidé d’entrer dans le vif du sujet sans plus attendre. Sa question l’avait irrité au plus haut point alors qu’il ne souhaitait pas trop entrer dans le vif du sujet. En même temps, il était conscient que son ami n’accepterait probablement pas une réponse évasive de sa part sans broncher et c’est sans doute ce qui l’énervait le plus. Il savait qu’il ne pourrait pas s’en sortir facilement avec lui, pas comme avec Channing qui acceptait et respectait son silence. « Pourquoi tu ne nous en as pas simplement parlé ? On aurait été là … on t’aurait aidé. » Caelan laissa tomber sa tête vers l’arrière, appuyant celle-ci contre le mur derrière lui. Il soupira en haussant les épaules. « Si seulement c’était aussi simple que ça Annie. » Pour lui peut-être que ce l’était, mais le Leckie n’en croyait pas une miette. Pas parce qu’il ne faisait pas confiance à son ami, au contraire, mais parce qu’il savait qu’il ne cautionnerait pas son geste. C’était tellement facile, sans tout connaître l’histoire, d’affirmer qu’il aurait été là pour l’aider. Mais qu’en aurait-il été s’il lui avait parlé comme il lui demandait? « Et ça nécessitait d’aller te terrer à douze mille kilomètres d’ici ? » Sur le coup ça lui avait semblé être la chose à faire. Maintenant qu’il subissait les foudres d’Anwar, il le regrettait un peu. Il savait que de s’exiler au Canada n’avait fait que repousser certaines discussions qu’il n’aurait pas le choix d’avoir éventuellement, avec ses proches. Pourtant, il avait l’impression que d’être parti lui avait du bien, que ça l’avait aidé à se reconstruire un peu et à se préparer à affronter les regards et les critiques de tout le monde. Ou peut-être qu’il ne voulait que s’en convaincre finalement, il ne savait plus trop. « Oui, je pense.» répondit-il en frottant ses mains moites sur son pantalon.
Il avait ensuite tenté de le convaincre tant bien que mal de ne plus insister et de comprendre qu’il avait besoin de partir, mais en vain. Caelan avait été naïf de croire que son ami aurait accepté d’arrêter de poser des questions. Il n’était pas inspecteur pour rien, creuser pour connaître la vérité il avait ça dans le sang. « Je ne sais pas, Caelan. Je demande que ça, de comprendre … Mais là, ce que tu me demandes c’est pas de comprendre. C’est de ne pas poser de questions et de faire comme si tu n’étais jamais parti, et partant de là je sais même pas si je suis supposé te croire sur parole quand tu dis que tu ne comptes pas repartir. » Il leva les bras en l’air en soupirant, déçu que son ami ne le croit pas. Il esquivait les questions et omettait certains détails dans ses réponses, mais il ne se souvenait pas de lui avoir déjà menti. Normalement, lorsqu’il disait qu’il allait faire quelque chose, il le faisait. Il n’avait qu’une parole. « Est-ce que je t’ai déjà menti? » demanda-t-il les sourcils froncés. Il redoutait un peu la réponse d’Anwar, soupçonnant que celui-ci considérerait peut-être ses nombreuses feintes comme des mensonges. Il voyait bien que l’incompréhension de son départ frustrait son ami et il avait bien envie de tout lui dire, mais il ne se sentait pas prêt d’en parler. Pas aujourd’hui, pas à lui. Il s’était juré que Norah serait la première de son entourage à qui il se confierait, malgré qu’il craigne que cet aveu brise le lien si unique qu’ils entretenaient. « Je t’ai appelé à l’aide quand Norah n’allait pas bien et t’as pas réagi, alors que t’es le seul qu’elle écoute vraiment … Et honnêtement, je suis pas persuadé qu’elle aille mieux, alors si vraiment tu veux te racheter fais-le auprès d’elle. C’est tout ce que je te demande … parce que ça me rend malade de la voir se laisser dépérir comme ça. » Anwar avait raison, il n’avait pas répondu présent lorsqu’il lui avait fait part de la détresse de Norah. En entendant cette critique, il ne put faire autrement que de baisser la tête pour fixer ses pieds avec honte. Il la releva toutefois lorsque le pakistanais termina de parler, posant une main sur son torse à la hauteur de son cœur. « T’as raison, je suis désolé. J’aurais dû être plus à l’écoute et moins centré sur moi-même. Tu sais que Norah c’est la personne la plus importante pour moi. » Il lança un regard furtif vers Anwar, comme s’il cherchait un signe d’approbation de sa part. « Je te jure que je ne compte pas repartir, je veux être là pour elle. Je vais faire tout ce que je peux pour l’aider à aller mieux, je te donne ma parole. » Il espérait qu’il allait le croire, même si ça n’aurait aucun impact sur ses actions. Norah était sa priorité, qu’il le croit ou non. « Je sais que tu veux des réponses, j’en voudrais aussi si j’étais toi. Je ne suis pas prêt à en parler, là tout de suite. » dit-il avant d’humecter ses lèvres. Il ferma les yeux quelques secondes avant de poursuivre. « Je veux faire ce qu’il faut pour arranger les choses, mais j’ai besoin d’un peu de temps. Je ne peux pas te faire de promesse à ce stade-ci, sur une éventuelle confession, tout ce que je peux te dire c’est que j’ai besoin de lui en parler à elle en premier. » dit-il en pointant l’endroit où le lit de Norah devrait normalement se trouver. Quelque part, il espérait que le fait de lui dire qu’il en parlerait à Norah le pousserait à le faire plus vite parce que toute cette histoire commençait sérieusement à peser sur ses épaules. @Anwar Zehri |
| | | | (#)Sam 9 Jan 2021 - 5:10 | |
| Anwar avait en horreur l’idée qu’on lui cache quelque chose. Un tempérament que son entrée dans la police bien des années plus tôt n’avait fait que creuser encore d’avantage, le mensonge devenant souvent la Reine des preuves de culpabilité, et la manifestation de la vérité étant depuis qu’il avait rejoint les homicides à la mort de Frank le mantra pour lequel il vivait. Et qui y’avait-il encore, désormais, pour empêcher l’inspecteur de sombrer dans le travers de ces flics dont la vie professionnelle et la personnelle confondaient tellement qu’elles en devenaient indissociables ? Le divorce n'était pas acté mais il était là. Son fils volait de ses propres ailes et n’avait plus besoin de lui. Son meilleur ami était mort. Et l’autre ne lui faisait pas confiance, ou plus confiance, peu importe. « Si seulement c’était aussi simple que ça Annie. » Et c’était aussi tellement simple à dire quand on était celui qui refusait de cracher le morceau. Mais Anwar n’avait rien rétorqué, ravalé ses sarcasmes et ses banderilles, fatigué d’avance de cette discussion stérile qui ne lui apporterait aucune réponse. Caelan faisait mine de vouloir parler mais au bout du compte il ne disait rien, et se cachait derrière de cryptiques « Oui, je pense. » et autres réponses vagues tout juste bonnes à trahir sa volonté de se glisser à nouveau dans son quotidien australien en exigeant des autres qu’ils ne posent pas de questions et voguent avec l’idée qu’il repartirait peut-être, ou pas. Qu’il était rentré pour de bon, ou pas. Qu’il allait bien, ou pas. Il demandait qu’on le comprenne mais n’expliquait rien, et il promettait de ce même ton exaspéré qu'avait Riley chaque fois qu’elle rentrait du front et jurait que cette fois, ce n’était pas juste pour quelques semaines. Spoiler : Riley repartait toujours après quelques semaines. Alors lorsque le Leckie avait questionné « Est-ce que je t’ai déjà menti ? » l’amertume d'Anwar n’avait pas fait un pli, et chassant la question d’une brève secousse de la tête il avait marmonné un « Ces promesses-là je les ai déjà entendues, je sais ce qu’elles valent. » désabusé. Il savait ce qu’elles ne valaient pas, surtout. Et qu’il s’agisse de son ami plutôt que de la mère de son fils, au fond, cela ne faisait pas grande différence. Cette discussion Anwar l’avait remise à plus tard parce qu’il l’avait imaginée sincère. Il l’avait repoussée à un temps où la survie de Norah ne serait plus la seule pensée occupant leur esprit, soucieux d’avoir l’espace mental suffisant à accorder à Caelan, et naïvement certain que la volonté de mettre les choses à plat était aussi commune que celle de ne pas rester sur un malentendu aussi long que le temps durant lequel le Leckie avait été absent. Mais Caelan n’avait jamais du l’intention de mettre carte sur table et Anwar n’était pas homme à supplier. Il était blessé, mais pas au point de s’aplatir, et ravalant tout ce qu’il aurait eu de bon ou de mauvais à sortir il s’était retranché sur le seul et unique sujet à cet instant susceptible de les mettre d’accord : Norah. Norah qu'Anwar voyait s’éteindre, dépérir, s’effacer sans ne rien réussir à faire pour l’empêcher, parce qu’au fond il n’était qu’un ami de Frank, une pièce rapportée, un goutte d’eau dans l’océan de soucis qui étaient les siens. « T’as raison, je suis désolé. J’aurais dû être plus à l’écoute et moins centré sur moi-même. Tu sais que Norah c’est la personne la plus importante pour moi. » Il savait, oui. Et même ça cela ne l’avait pas persuade de rentrer autrement que parce qu’elle avait – presque – eu un pied dans la tombe, alors il n’y avait bien que son frère pour y trouver du sens. Pour l’inspecteur cela n’en avait aucun. « Je te jure que je ne compte pas repartir, je veux être là pour elle. Je vais faire tout ce que je peux pour l’aider à aller mieux, je te donne ma parole. » Et là derrière sa mâchoire serrée et les barrières qu’il était malgré lui en train de mettre entre Caelan et lui pour s’éviter une autre déception, il avait envie d’y croire. Il avait envie de lui laisser le bénéfice du doute. Parce qu’il était question de Norah, et qu’à ce sujet plus qu’à n’importe quel autre son frère – son jumeau – était forcément sincère … pas vrai ? « Bien. » Laconique autant que dénuée d’agressivité, la réponse voulait tout et rien dire et pour l’heure Anwar n’était pas résolu à en donner plus. Il n’y avait pas que son ego qui était blessé, la plaie la plus douloureuse c’était celle faite à leur amitié, dont le ton fuyant de Caelan laissait tout le loisir au brun de songer qu’elle n’avait jamais eu la même valeur pour l’un que pour l’autre. Elle n’aurait servi à rien, cette conversation. Ou juste à jeter de l’huile sur le feu de leur frustration à tous les deux, et peu désireux de continuer à se brûler Anwar avait retiré sa casquette pour mieux la remettre en place après une main lasse passée dans sa tignasse brune. Se décollant du mur, signe que le dialogue arrivait à son terme, il avait pourtant à nouveau planté son regard sur Caelan avec attention lorsque ce dernier avait repris « Je sais que tu veux des réponses, j’en voudrais aussi si j’étais toi. Je ne suis pas prêt à en parler, là tout de suite. » Et là, sans crier gare, cela ressemblait contre toute attente à la chose la plus sincère que le Leckie ait partagé jusqu’à présent. Assez pour qu’une infime partie de la tension qu’il accumulait se décide enfin à lâcher prise. « Je veux faire ce qu’il faut pour arranger les choses, mais j’ai besoin d’un peu de temps. Je ne peux pas te faire de promesse à ce stade-ci, sur une éventuelle confession, tout ce que je peux te dire c’est que j’ai besoin de lui en parler à elle en premier. » Et ça ne lui semblait pas si fou qu’il en laisse la primeur à sa sœur au fond, ca ne le froissait pas autant qu’un refus catégorique de s’expliquer. Le nuage noir ce n’était plus que cet aveu déguisé, celui de ne pas pouvoir promettre lui parler un jour, à lui … Quelle amitié survivait à un non-dit qui prenait toute la place dans une pièce, et qui pesait sur chaque conversation ? Aucune, ou pas dans le monde d'Anwar. Et l’animosité remplacée par la résignation le brun s’était fendu d’un « Dans ce cas tu sais où me trouver le moment venu. S’il te vient. » qui l'était tout autant. Si, et seulement si il lui venait, si c’était ainsi qu’il choisissait sa voie. La main glissant dans la poche de son jean le policier y avait récupéré son téléphone, où l’heure s’était affichée par-dessus les visages de ses deux merveilles. « Je repasserai un peu plus tard. » Quand Caelan ne serait plus là, c’était ce qu’il voulait dire. Jouer d’hypocrisie et donner des sourires de façade si Norah se rajoutait à l’équation, pour ne pas l’inquiéter, pour ne pas la brusquer, c’était encore une chose dont Anwar ne se sentait pas capable. Et sans attendre que son ami – peut-être – n’y trouve à redire il avait quitté la chambre comme il y était entré, mais avec le cœur si lourd que le porter jusqu’au parking de l’hôpital avait été une épreuve. @Caelan Leckie
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| | | | | | | | (Anwar & Caelan) Money can always be gained; lost time can never be recovered |
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