| busboys and poets (winny #4) |
| | (#)Jeu 24 Sep 2020 - 20:28 | |
| « Je voulais juste me faire un peu de thunes, par ressembler à un putain de pingouin Nicolas. » Il éclate de rire ce con, alors qu’il bataille avec sa cravate. « Je te jure que tu vas te faire un max de blé. » Le plan me semble plus bidon que jamais. Le deal est de faire le serveur durant quelques heures dans cette soirée guindée, après c’est carte blanche. À nous les femmes de riches frustrées de leurs vies merdiques et qui veulent bien passer un peu de temps avec un plus jeune en lâchant quelques billets et un peu de poudre au passage. Le miroir devant me renvoie un reflet que je méprise. Tiré à quatre épingles, dans un pantalon au pli parfait et ce gilet cintré qui me donne un air con de premier de la classe. L’ordre d’attacher mes cheveux mi-long est la cerise sur le gâteau. J’ai l’air d’un clown, mais tant pis, les pauvres gens comme nous doivent se fondre dans le décor.
Plateau de champagne à la main, j’attends aligner avec les autres dans cette salle immense aux moulures dorées du sol au plafond. Il va falloir se faufiler entre les silhouettes, éviter de trop observer ses dames, caresses la gente masculine dans le sens du poil. Tout me hérisse dans leurs faux sourire à trois mille dollars. C’est un milieu que je ne comprendrais jamais réellement, mais qui dans le fond me fascine. Un mélange de faux semblants jouant à celui qui aura la plus grosse queue et la femme la plus docile. Elles jouent à un jeu puéril de celle qui présentera la plus belle toilette et réussira sans se faire pincer à envoyer des sourires langoureux à son amant du jour. Des gens qui pensent avoir les meilleures vies quand en réalité, ils sont tous tristes à en mourir.
Et au milieu de tout cela, se distingue une silhouette familière. Petite brune, à la robe parfaite, mais qui cache tant bien que mal une paire de Converse usée par le temps et les tâches de peinture. En une seconde, la soirée vient de prendre une toute autre tournure. « Laisse, je m’en occupe. » Ce groupe, il est pour moi. Plateau empli de flûte d’un champagne hors de prix, mais au goût dégueulasse, je me dirige vers Ginny et celui qui semble être son époux. « Champagne ? » Il est subtil le sursaut de son corps, mais il est là et je me mords la lèvre pour retenir un sourire amusé. |
| | | | (#)Sam 26 Sep 2020 - 0:52 | |
| Bailey est parfait, parfaitement calculé, parfaitement posé. Sa main est un centimètre trop proche de la zone à éviter, il l'a lovée contre mon bassin juste là où la Terre en entier croira qu'elle caresse tendrement la silhouette de sa femme, là où lui et moi savons très bien qu'il n'a ancré ses doigts qu'à la couture de ma robe. Ma robe d'ailleurs, qui jure avec tous les vêtements que j'ai toujours portés dans ma vie, une robe et un masque qui va avec. Celui-là, il vogue entre mon regard illuminé d'une étincelle presqu'aussi fausse que celle qui colore mes lèvres, le rouge carmin pour seule parure.
Ils parlent de musique et ils parlent du label, la femme de l'un me parle maintenant d'art en pensant ainsi m'inclure à la conversation ce qu'elle réussit, du moins en parure. Qu'elle ait passé un après-midi complet à la Tate's Gallery suffit à m'emballer assez pour que je lui parle de mes portraits préférés, de ces artistes que j'ai étudiés à l'école et qui aujourd'hui passent plusieurs fois par mois l'après-midi en tête à tête avec mes cahiers et moi. Oui j'avoue, pendant un moment, pendant une miette de fraction d'instant, j'ai cru que j'étais à ma place. Que le rire que j'ai ajouté suite à une blague qu'a pu énoncer Bailey et que le baiser pudique qu'il a posé sur ma joue étaient peut-être ce à quoi j'étais vouée, pour le reste de ma vie. Et en soit, ce n'est vraiment pas si pire que ça peut bien en avoir l'air, quand l'angoisse et le stress et la panique prennent le relais. En soit, mon quotidien n'est pas si douloureux et n'est pas si malsain et n'est pas si faux et et et et et -
« Champagne ? »
- et tout fait mal, et tout est horrible, et tout n'est que mensonges. J'aurais dû savoir que c'était lui, j'aurais dû repérer Wyatt bien avant maintenant. Si je n'avais pas été occupée à chercher des points communs et autres atomes crochus avec les collègues de Bailey et leurs femmes pour la soirée, j'aurais sûrement été en mesure de le faire. Son parfum est bariolé de tabac froid et de cuir, il sent la pluie aussi, il détesterait que je le lui dise sûrement. Ses cheveux sont remontés sur sa tête et ça aussi, il doit haïr, quand ce que je hais moi en l'instant, c'est le « Oui, merci. » net, froid, simple et bien trop poli qui quitte mes lèvres lorsque ma main, évidemment celle à l'alliance, s'investit de prendre une flûte alors que jusqu'à maintenant je n'en avais aucune entre les doigts. « Ils laissent vraiment n'importe qui servir à ces soirées. » oh, Abigaïl. Elle pince sa voix, presque autant que claque sa langue sur son palais, dès lors que rien n'est subtil dans son intervention lorsqu'elle chuchote à mon oreille en croyant être inaudible. Elle ne parle que pour blesser, que pour faire état de son statut à elle quand justement, personne ne le lui envie. La femme d'un producteur de cinéma au centre d'une multitude de rumeurs de tromperie et d'adultère, autant de son côté à lui que de son côté à elle.
Pour l'heure, elle peut bien critiquer et être amère, vindicative et injuste, je ne la vois pas. Mes prunelles se sont vissées à celles de Wyatt en espérant qu'il ne se laissera pas atteindre par son commentaire de pacotille. Ou qu'il ne fera pas tout de suite un meurtre, c'est selon. |
| | | | (#)Jeu 1 Oct 2020 - 23:35 | |
| Elle était là. Perdue, comme minuscule, dans l’Océan d’ego surdimensionner qui surplombe la pièce. Presque cacher par la carrure de celui qui en apparence ne relâche jamais son étreinte quand dans son dos, sa main la frôle à peine. Ils sont parfaits dans le tableau des mondanités. Elle est magnifique dans sa robe, il porte le costume comme aucun autre. L’arrangement parfait, le couple qui fait tourner les regards tant on les sait puissants. Lui, surtout, dégage quelque chose de différent, il est clairement important tant, les gens ne cessent de lui tourner autour. Tout ce que je méprise, encore plus lorsqu’elle ressemble à une poupée de chiffon que l’on aurait placé là, un trophée qu’on exhibe, celle que l’on oublie trop souvent, mais a qui on finit par sourire poliment. Le spectacle est affligeant tant, il est douloureux. Le pire reste les pimbêches qui l’entourent, faites de plastiques et de scandales rocambolesques. J’aurai pu rester en retrait, j’aurais probablement dû le faire, c’est bien mal me connaître.
L’approche se fait en douceur tant elle ne sait rien de ma présence ici. Elle me pense à des milliers de kilomètres, down under. Plateau de champagne, sourire de circonstances. Le serveur parfait en toute apparence, celui qui s’intéresse à un petit groupe un peu oublier des autres. Aucun ne m’accorde un regard, pas même elle. « Oui, merci. » Jamais elle ne m’avait ignoré de la sorte et sa camarade semble le notifier. « Ils laissent vraiment n'importe qui servir à ces soirées. » Dans son monde à elle, je ne suis qu’une vermine. Loin des ruelles abandonnées, des cannes de peintures et son intérêt pour mes écrits, je ne suis personne. Dans sa tour, elle semble intouchable. Tu joues le rôle à la perfection Ginny. Elle me dévisage la bourgeoise, attendant que je m’éloigne de son cercle. Mes pas en décident tout le contraire alors que le regard de Ginny me supplie de ne pas faire d’esclandre. Trop tard. « Si vous saviez. » que je viens murmurer en me penchant légèrement entre les femmes. « J’ai fait de la prison seulement parce que j’ai tenté de tuer quelqu’un. » Personne n’a besoin de savoir que je m’étais dénoncé pour ma sœur, pas même elle quand déjà elles s'offusquent toutes de ma révélation, cherchant l sécurité du regard. « Mais lui… » Et je pointe un collègue du doigt. « Parais qu’il a égorgé son ex-femme. » Déjà, mon doigt poursuit un autre de mes collègues. « Paraît que celui-là dépouille les petites bourgeoises, faites attention mesdames. » Sourire de vainqueur au coin des lèvres, je me redresse, tire sur mon veston et récupère mon plateau. « Bonne soirée, Virginia. » Qu’elle ne m’approche pas, tant qu’elle joue à ce rôle-là. |
| | | | (#)Dim 11 Oct 2020 - 3:57 | |
| Je déteste cette soirée comme je déteste l'air qu'il a lorsque mes prunelles s'accrochent aux siennes. C'est l'Australie et la vie d'avant qui clash avec le présent. Et c'est aussi et surtout la main de Bailey que je sens se resserrer contre ma colonne vertébrale contractée tant il reconnaît l'accent, tant il sait ce que ça signifie pour moi. Mes racines ont du mal à reprendre ici quand elles ont été arrachées ailleurs.
« Si vous saviez. » il joue Wyatt, il n'en a rien à faire des diktats et des règles et de tout ce que cette mascarade signifie et c'est probablement autant ce qui m'effraie que ce qui me fascine chez lui. « J’ai fait de la prison seulement parce que j’ai tenté de tuer quelqu’un. » et jamais, jamais il ne parle de ses mois en prison de la sorte. Il n'en parle pas, tout court, d'habitude. Un des nombreux sujets proscrits au tableau de nos règles, un des blocages qu'il entretient et envers lequel jamais je ne serai assez ingrate pour le forcer à s'en libérer. Elles nous allaient bien, nos vies en parallèle. Nos vies qui agissaient comme des lignes voisines sans jamais se croiser. Ces mondes-là ne se mélangeaient jamais avant aujourd'hui. « Mais lui… parais qu’il a égorgé son ex-femme. » et il poursuit, bien sûr qu'il continue. Son doigt désigne à droite et à gauche, attire l'attention avec. Il se fait porteur de ragots quand ma main se referme avec vigueur sur ma flûte pour éviter les tremblements. « Paraît que celui-là dépouille les petites bourgeoises, faites attention mesdames. » Bailey voudrait sûrement le dégager, mais il n'en fera rien. Les apparences. « Bonne soirée, Virginia. » à peine je ne sais pas si je veux qu'il parte ou qu'il reste, le voilà déjà envolé, dissipé et disparu dans la foule.
« Quelle horreur. » « J'aurais dû le savoir, Alistair engage au rabais. » « Je pense qu'il a volé mon bracelet! » « Il connaît votre prénom? »
Elles parlent et parlent, son effet a bel et bien marché. Quand Bailey fait signe qu'il sort à la terrasse avec les autres fumer le cigare, je sais que c'est sa manière à lui de me laisser un peu d'air. Oh l'ironie. Wyatt est surement parti. Il a fort probablement frappé deux ou trois types sur son chemin, rendu sa cravate et son plateau, piqué quelques bouteilles et décidé de mettre les voiles à l'autre bout du globe comme il le fait toujours. Il part sans que je ne sache jamais s'il va revenir, même si au final il n'a jamais failli. Les raisons sont variées et les durées changent, mais il est toujours là, assurément.
Toujours là, donc. « Elle a remarqué. » au détour d'un groupe de bourgeois et d'un autre, c'est à mon tour de passer dans son dos, de murmurer à son oreille. Anticipant qu'il ne se retourne pas, j'allonge une seconde une seule mon bras de manière à ce qu'il fasse le lien, qu'il voit mon poignet et capte que l'une d'entre elles - l'une d'entre nous? - a attrapé ses aptitudes de pickpocket. Les ennuis doivent être sur le point de venir pour lui.
Mais ce n'est pas pour ça que mes prunelles le cherchaient désespérément dans la foule. « Je veux partir d'ici. » je ne pourrai jamais fatalement partir de Londres. De cette soirée par contre, j'en ai encore potentiellement le droit. |
| | | | (#)Dim 1 Nov 2020 - 17:11 | |
| S’enfuir. Imposer le plus de distance possible entre cette version de Ginny et ma personne. Elle n’est pas celle que j’ai pour habitude de fréquenter, elle ne m’intéresse en rien lorsqu’elle rentre dans leur faux-semblant. L’image même d’un caractère que je méprise de tout mon être. Virevolter entre les groupes, entendre la rumeur qui me poursuit, sourire aux lèvres. Semer la zizanie, c’est la signature même de la famille Parker. Du coin de l’œil, j’aperçois son mari qui se mêle aux pontes de ce monde dans une simplicité qui me donne la gerbe. Il est né là-dedans et il a réussi à entrer Ginny dans ce monde pourri jusqu’à la moelle. Ils se sont bien trouvés tous les deux, dans le mensonge et le qu’en-dira-t ’on. Quelle idée d’avoir vu l’approcher quand jamais elle n’admettra pouvoir connaître quelqu’un de la basse société, un de ses manants qui servent le champagne pour tenter de gratter quelques deniers, pour manger à sa faim demain encore. C’est bien la seule chose qui me retient dans cette salle qui pue l’hypocrisie.
Les minutes défilent, les bourgeoises se retournent sur mon passage désormais que j’ai relevé mes manches pour laisser apparaître un peu d’encre noire et que mes cheveux détachés me barrent la moitié du visage. La vermine se faufile parmi elles et ça les excite ses femmes bien trop ignorer par leur mari. Il ne restera plus qu’à choisir la grande gagnante, celle qui aura le droit a un peu plus ce soir.
« Elle a remarqué. » Je déteste le frisson qui parcours mon échine à l’entente de se murmurer si proche. Elle se pense grande sauveuse, probablement pour se redonner une contenance, pour donner un but à toute cette mascarade quand en réalité, je n’ai jamais eu besoin d’elle. « Il est dans la poche de ton précieux mari. » Jamais je n’aurais gardé le butin sur moi. J’aime le danger, mais je ne suis pas fou. Revoir l’intérieur d’une cellule ne m’enchante guère. Semer la zizanie parmi la bourgeoisie, c’est un autre jeu, bien plus intéressant. On lui prêtera une cleptomanie cachée ou une affaire avec cette Abigaïl. Qu’importe, ce ne sont pas mes affaires. « Je veux partir d'ici. » Un rire m’échappe. « Voyons Virginia, tu ne voudrais pas être associé à la vermine. » mon ton qui se rapproche tant de celui des autres femmes de son groupe. Mon regard qui lui lance des éclairs avant de partir vers les cuisines. Ce serait trop simple de tout lui accorder.
Nouveau plateau en main, quelques petits toasts enfournés en bouche et me revoilà à virevolter entre les groupes. Sourire de circonstances, regard poli et la sécurité qui ne cesse de dessiner des ronds de plus en plus circoncis autour de moi. Le jeu en devient presque excitant, jusqu’à ce que mon regard aperçoive à nouveau sa silhouette, seule au milieu de la foule. Ce n’est pas elle tout ça, d’être éteinte dans un coin, une coupe à la main pour faire semblant. Un soupire et déjà, je me faufile vers elle. « Les cuisines. 5 minutes. » Et la seconde d’après, j’ai disparu.
Tablier rendu sur la table, je l’attends, viendra-t-elle seulement ? |
| | | | (#)Mer 9 Déc 2020 - 21:05 | |
| Elles ne le lâchent plus des yeux alors que je l’ignore, au mieux de mes compétences. C’est facile de jouer des masques lorsque personne dans la salle ne me connaît vraiment. Même Bailey ne pourrait pas se vanter de pouvoir lire facilement tant je lui glisse entre les doigts ces derniers temps. On se croise à peine, au loft. Lorsque j’arrive, il part, l’inverse étant toute aussi vraie. Ce soir je lui dois d’être toute là, d’être présente et entière. Pourtant, mes iris fuient et cherchent une seconde, pour se dérober la suivante.
« Il est dans la poche de ton précieux mari. » « T’étais pas censé le rencontrer comme ça. » t’étais pas censé le rencontrer tout court. Wyatt n’en a rien à faire. De la soirée comme des coups d’œil qu’il occasionne. Des murmures et des jugements. Il ne savait pas dans quel monde piégé je pouvais bien évoluer, ou alors il n’en avait jamais eu avant ce soir une véritable et complète démo. Quand mes paroles l’implorent de me pointer une possibilité de sortie, lui, il tergiverse ailleurs l’air hagard. « Voyons Virginia, tu ne voudrais pas être associé à la vermine. » s’il savait. S’il savait à quel point ce monde-là n’est pas le mien. À quel point j’y suffoque et à quel point j’y survis à peine. Ce n’est pas le genre de conversation que je veux avoir et ce ne sera certainement pas ici que je lui confierai tout ce qui y est relié tant au final moins j’en dis mieux je me porte. Se mentir à soi-même est la meilleure des malédictions. Je l’ai appris à la dure. « Wyatt - » mais déjà il est parti. Et mon précieux mari, lui, reprend sa place à mes côtés comme si de rien n’était.
On sert les vins desserts, le brandy. On parle d’aller fumer des cigares sur la terrasse, alors que je rêve de m’égarer dans les dédales des couloirs pour trouver la bibliothèque, la pièce en entier qui est dédiée à la collection littéraire des propriétaires censée être remplie de premières éditions sur lesquelles jamais on ne voudrait que mes doigts éternellement collés de caramel s’égarent. « Les cuisines. 5 minutes. » et lui, c’est autre part qu’il me donne rendez-vous. C’est aux cuisines qu’il vise notre exil, c’est un regard noir à l’autre bout de la pièce que je partage avec Bailey, pour la simple et unique raison qu’il sait déjà que je partirai. Qu’il se doute déjà de devoir inventer une autre excuse pour les invités, pour les oreilles curieuses et les mauvaises langues. Justifier aux yeux de tous la petite et fragile femme qu’il doit défendre lui qui est si heureux de l’avoir mariée rien que pouvoir bien s’en occuper. La mascarade a assez duré.
« Je ne veux pas en parler. » que ma voix souffle, quand mon retard d’une poignée de minutes à peine ne devrait pas être un argument pour qu’il reçoive la moindre explication. Il ne veut pas savoir de toute façon. Autant que je ne veux pas me l’entendre dire. « Je ne veux pas parler tout court. » ça a le mérite d’être clair, lorsque de mes mains tremblantes j’attrape sans choisir quelques victuailles pour les glisser dans des sacs de transport et offrir à la fuite un goût de pique-nique en plein milieu de la nuit. peut-être que ça soulagera l’immense pression qui me contracte la cage thoracique. Peut-être pas. |
| | | | (#)Mar 15 Déc 2020 - 22:11 | |
| Le spectacle en devient douloureux tant, son inertie au sein de ce monde semble flagrante à mes yeux. À mes yeux seulement. Elle semble hurler à plein poumons dans cette pièce emplie de monde, mais personne ne se soucie d’elle et de son mal-être. Son mari agit comme un tuteur aussi fragile qu’instable tant il est occupé à sauvegarder la réputation de leur image. Alors Ginny s’efface, disparaît derrière toute l’agitation, deviens aussi insignifiante que la tapisserie contre laquelle elle vacille. Et s’en est trop.
Les cuisines seront notre échappatoire. Personne ne pourra la voir, la porte extérieure donne sur une ruelle qu’aucuns bourges du coin ne voudrait fréquenter. Personne ne saura rien. Elle aura juste disparu, en un claquement de doigt. Je souffle dès l’instant où sa silhouette se dessine derrière les fourneaux. « Je ne veux pas en parler. » Je lève les mains en l’air, prêt à tout lui accorder, lui offrir tout se dont elle aura besoin. Lorsqu’elle s’affaire à voler quelques sucreries, j’ai déjà glissé une bouteille de champagne dans mon sac à dos. « Je ne veux pas parler tout court. » Alors je ne prononcerai pas un mot. Dans un sourire en coin, ma main s’étend vers elle. Les secondes semblent s’étirer durant mille éternités avant que ses doigts ne viennent se glisser dans ma paume. Mon bras tire lentement sur le sien direction la liberté. Si je lui impose une halte le temps de troquer mes vêtements de pingouin, contre un jean noir troué et mon éternelle veste en cuir, elle ne m’en tient pas rigueur. La seconde d’après, ma main retrouve la sienne, le temps d’appeler un taxi et de filer loin d’ici. Pour la sauver.
Dans un silence presque rassurant, mes doigts retrouvent à nouveau les siens pour l’entraîner dans la cage d’escalier de mon immeuble. On dépasse mon étage sans aucune halte, grimpant les marches les unes après les autres, direction le toit. D’un geste agile, je retire le papier qui retiens la serrure de se verrouiller et lui laisse l’accès à l’extérieur. Derrière l’extincteur, je récupère le plaid qui traîne toujours là et viens l’enrouler autour de ses épaules. L’endroit est faiblement éclairé par quelques guirlandes installé par une voisine qui aime venir jardiner ici. Une table bancale retient un cendrier plein. Deux chaises longues d’un autre temps aux couleurs délavées nous tendent les bras. Sans un mot, j’étale sur la table la bouteille de champagne, un carnet à moitié remplie et quelques stylos qui traîne toujours dans mon sac. Et finalement, mon regard croise le sien. Tout est pour elle. Boire à s’en soûler l’esprit, dessiner si c’est ce dont elle a besoin ou hurler à la ville entière tous ses maux. « Rien ne sortira d’ici. » Ultime promesse qu’elle peut laisser tomber le masque en toute sécurité. Assis sur une chaise, cigarette aux lèvres, j’attends la chute. Déjà prêt à tout réceptionner s’il le faut. |
| | | | (#)Sam 26 Déc 2020 - 20:47 | |
| C’est la course contre la montre. C’est Bailey que je laisse derrière, c’est le monde en entier que j’abandonne quand mes pieds s’emportent et s’emmêlent vers lui. Il n’est pas mon sauveur, il n’a rien d’un chevalier servant à la défense de la veuve et de l’orphelin. Il n’est pas la cavalerie et il n’a rien du héros de l’histoire. Pourtant pour l’heure, c’est à Wyatt que j’incombe la mission de m’aider à sortir d’ici. Il n’y est pas plus à sa place que moi, finalement.
Je ne veux pas en parler. Je ne veux pas parler tout court.
Le voilà qui comprend, mains en l’air, mains qui volent de quoi boire aussi. Pour lui. Un taxi apparaît, j’ignore à quel moment j’y entre et à quel moment je ne vois plus le bâtiment qui nous abritait tous il y a une poignée de minutes de ça encore. Sa main est bouillante contre la mienne, glacée. Mon silence s’étend jusqu’à son immeuble, passe droit de la porte de son appartement. Mon silence résonne presqu’autant que nos pas dans la cage d’escaliers, l’immense porte de métal se refermant lourdement derrière nous lorsque la brise me glace les joues. « Rien ne sortira d’ici. » il évolue Wyatt, comme si l’endroit était le sien, comme si la ville à ses pieds lui appartenait. Il a tantôt l’accent français tantôt l’accent australien qui le vendent, le trahissent bien mieux que lui-même. Ce qui me trahit moi, c’est le carnet aux feuilles vierges qui sied sur la table, épée de Damoclès de plus au-dessus de ma tête. Quand je souffle, lui inspire. Sa clope me brûle les sens.
« Qu’est-ce que tu as écrit sur elle, ces derniers temps? » alors je brûle tout le reste. Je parle d’elle, je parle de la version de moi qui n’est pas la véritable, celle qu’il invente et celle qui l’inspire. Celle que je ne serai jamais mais qui me fait office de libération, de bonheur par procuration. « Raconte-moi sa vie. » la vie que je ne vivrai jamais, la vie que j’ai lâchement abandonnée à des dizaines de centaines de milliers de kilomètres de Londres. « Dis-moi ce qu’elle a fait aujourd’hui. Où elle est ce soir. » comment elle s’occupe, à qui elle parle. De quoi elle rêve, de quoi elle a besoin, de quoi est fait son quotidien, ses joies avec. L’alcool m’effraie et la cigarette encore plus. D’un geste instinctif, je passe la couverture autour de mes épaules alors que mes jambes sont autant épuisées qu’elles refusent pour l’instant de se poser. |
| | | | (#)Lun 28 Déc 2020 - 23:38 | |
| Du bout des doigts, je la retiens au-dessus du gouffre. Elle s’essouffle sans avoir couru, oppresser par la cage dorée qu’elle vient de quitter par une porte dérobée. Si la délicatesse n’a jamais été de mise avec elle, si la vérité avait toujours primé, ce soir, c’est la carte du silence qui s’impose. Elle dicte les pas, je mènerai la danse pour deux. Je passerai des heures à lui offrir la ligne de survie qu’importe si elle parle ou non. Tout s’étale sous ses yeux, un nombre indéfinissable de porte de sortie, d’excuse en tout genre, de minute grappillé loin de l’enfer. Sur ce toit, rien ne pourra l’atteindre. À chaque instant, je lui offre le droit de s’effondrer sans jamais commenter, laissant le sarcasme et les répliques cinglantes au placard. Je m’accorde à elle qui tremble sans jamais vouloir s’asseoir, elle qui hurle dans son silence. Les émotions se lisent sur son visage, chacune à porté de main, toute plus tranchante que la précédente.
« Qu’est-ce que tu as écrit sur elle, ces derniers temps? » Elle. Son alter ego. Celle qui a pris vie un soir dans une ruelle pour chasser l’ennui, pour accéder aux rêves. Celle que je n’ai jamais réellement oubliée et qui noircit parfois – souvent – les pages de mon carnet. « Jules. » Celle qui a fini par être baptisé après un brainstorming intense entre ma personne et les quelques personnalités qui se cachent dans un recoin de mon imagination. Jules. Prononcer à la Française, mais avec tout le caractère d’un prénom qui en jette. « Raconte-moi sa vie. » Laquelle ? Elle en possède tout un tas, l’héroïne sans visage. Celle que pourrait présenter à ses parents, celle qu’elle narre à ses amis et puis celle qu’elle est en train de vivre, pour elle, uniquement. « Dis-moi ce qu’elle a fait aujourd’hui. Où elle est ce soir. »
La demande est simple. La cigarette s’écrase dans le cendrier. Il est temps de tout libérer, de laisser la magie de l’imagination opérer.
Je souffle et m’empare du carnet. Il faudra noter, les moindres détails, ses réactions à elle et mes adaptations à moi. Elle est où Jules. « Elle est à Cuba. » Sur un coup de tête, sans explication, on se fiche bien des satellites et des raisons. « A Trinidad, la ville-musée, le joyau perdu d’un temps suspendu, cours de récréation des photographes du monde. » Elle se dessine sous mes yeux la belle Jules qui danse avec les Cubains au soleil couchant. « Pour s’amuser, elle a rasé un côté de son crâne, elle vit cela comme une expérience. » Les mèches corail restent sa signature, son look parfait. « Il y a quelques jours, elle a fait la connaissance d’une bande d’amis qui parcourent le monde. C’était sympa de découvrir avec eux, mais ce soir, elle a besoin d’être seule. » Comme toi Ginny. Elle qui ne s’assoit pas, qui me fixe, le souffle encore court. « Ferme les yeux. » que je lui murmure sans jamais relever le regard. Qu’elle se plonge dans le récit, dans les eaux claires de la Boca. « Elle a troqué ses doc’s contre des sandales et une robe légère. Appareil photo autour du cou, elle joue à la meilleure partie de chasse au trésor. » Elle découvre, elle s’autorise à être elle-même, sans les autres. « Le cliché parfait elle ne le trouvera peut-être jamais, alors elle savoure, elle ose, elle tente des techniques, s’allonge sur la route parce qu’elle jure que la prise de vue sera bien meilleure. » Seul le bruit de mon stylo qui gratte les pages nous rappelle que nous sommes bien loin du soleil brûlant des caraïbes.
« Elle s’autorise à faire une pause. » Et il est temps que tu fasses de même. |
| | | | (#)Lun 11 Jan 2021 - 2:03 | |
| Tout ce que je veux, c’est qu’il me parle d’elle. De celle que je suis pour lui, de celle que je ne serai jamais pour moi. À la bouffée blanchâtre qui se noie de ses lèvres jusqu’à la pénombre se vrillent mes prunelles qui y remontent comme si la fumée détenait toutes les réponses, comme si c’était aussi simple que ça. Le carnet tourne entre ses doigts, les pages trouvent leur centre, le quittent l’instant d’après. Jules.
« Elle est à Cuba. » son teint est doré, elle a retrouvé le hâle que j’ai perdu en fuyant ici. Elle a la peau collante du sel de la mer, du sable sous les ongles et à travers ses mèches emmêlées de soleil et non d'inquiétudes comme les miennes. « A Trinidad, la ville-musée, le joyau perdu d’un temps suspendu, cours de récréation des photographes du monde. » mes paupières se ferment, non pas parce que son histoire me perd mais bien parce qu’elle me guide. J’ignore à quel moment ma main a trouvé la sienne mais elle y est, et elle y reste. « Pour s’amuser, elle a rasé un côté de son crâne, elle vit cela comme une expérience. Il y a quelques jours, elle a fait la connaissance d’une bande d’amis qui parcourent le monde. C’était sympa de découvrir avec eux, mais ce soir, elle a besoin d’être seule. » elle fuie. Elle dresse ses propres règles, trace son propre chemin.
Mes jambes sont engourdies, j'ai envie de me lever, de marcher, creuser des tranchées et pléthores de sillons. Pourtant, bien évidemment que ma silhouette reste ancrée - lassée. « Ferme les yeux. » mes paupières s’étaient ouvertes, simplement pour le voir lui quitte à ne jamais arriver à bien la cerner, elle. Pourtant docile, j’obéis, un hochement de tête de la positive plus tard. « Elle a troqué ses doc’s contre des sandales et une robe légère. Appareil photo autour du cou, elle joue à la meilleure partie de chasse au trésor. Le cliché parfait elle ne le trouvera peut-être jamais, alors elle savoure, elle ose, elle tente des techniques, s’allonge sur la route parce qu’elle jure que la prise de vue sera bien meilleure. » et il écrit. Il écrit et il ne sait faire que ça Wyatt, le fait si bien. Raconter, créer à travers. Il écrit et il a rattrapé son rêve, il le retouche de la pulpe des doigts. Le mien s'est envolé, oublié. Le sien me sert de douce - quoi qu'amère - procuration.
« Elle s’autorise à faire une pause. » « Je serai jamais elle. » que je m’entends chuchoter, voix enrouée et yeux toujours fermés. « Mais si j’avais pu, je sais que j’aurais été heureuse. » et parfois, le simple fait de connaître un des scénarios assosiés à un et si suffit. |
| | | | (#)Lun 11 Jan 2021 - 19:20 | |
| Un souffle et on s’évade.
La terrasse de toit n’est plus qu’un plateau, le froid qui en deviendrait mordant s’oublie dans les sentiments. Mes doigts semblent trembler un instant avant que la bille du stylo ne glisse avec aisance sur la page blanche. Il ne faudra que quelques mots, une virgule tout au plus, pour que Jules reprenne vie entre les lignes, pour qu’elle danse à nouveau dans la marge et sur l’ombre si fragile de la femme qui se tient face à moi. Elle explose par mille couleurs la demoiselle qui ose, celle qui jamais ne flanche. Elle a voyagé depuis la dernière fois, sautant d’un continent à l’autre sans se soucier du quand dira-t-on. J’impose le soleil, piètre excuse pour réchauffer son teint de cire. On pourra presque s’y croire, dans les rues cubaines, musique de jazz en fond sonore, l’odeur des cigares et les voitures colorés d’un temps passé. Tout le jargon imaginatif s’impose à la vitesse où les mots s’alignent sur le quadrillage du carnet. Elle dansera pour deux ou même pour trois, Jules. À insuffler un espoir nouveau, une escapade singulière, mais si nécessaire. J’essaye si fort que j’ai peur de me perdre. J’essaye encore un peu plus quand elle semble s’enraciner dans le béton, quand sa pâleur me permet de distinguer les mille nuances bleutées sous ses paupières savamment maquillées. « Je serai jamais elle. » Pas encore. Pas maintenant, mais un jour, je l’espère. Je veux y croire pour deux, juste encore un peu. « Mais si j’avais pu, je sais que j’aurais été heureuse. » L’aveu est douloureux tant il tranche dans le silence qui s’était installer.
Qu’est-ce qui s’est passer, entre cette fois et l’autre ?
Il est bien vite abandonné son voyage à elle, lorsqu’il ne reste plus que des bribes de celle que j’ai connue en face de moi. Elle vacille et je me lève pour la rattraper. Glisser une main contre son bras, lui donner tout le loisir de s’y raccrocher. On avait arrêté, de s’autoriser une telle proximité. « Je vais te prendre contre moi. » que j’annonce sans jamais imposer, que j'annonce pour ne pas la brusquer. C'était écris en petit dans les règles tacite, dans ce que l'on avait tisser sans jamais l'évoquer. Une seconde, puis deux et mes bras qui viennent s’enrouler contre sa silhouette frêle. Une étreinte qui semble durer une éternité dans ce lieu sans témoin et sans filet. Mes lèvres se frayent un chemin sur sa tempe, une minute de plus. J’ai juré de ne pas parler. Alors j’offre les possibilités. « Tu peux rester ici autant de temps que tu veux. » Même quand je ne serais pas là, même que quelques heures dissimulés ci et là. |
| | | | (#)Jeu 14 Jan 2021 - 3:07 | |
| « Je vais te prendre contre moi. » j’ignore d’où il arrive, j’ignore même pendant une fraction de seconde où on pouvait bien être. Tout est embrouillé dans ma tête, alors qu’il y a peu encore Wyatt dressait le portrait de celle par qui je vis mes journées par procuration. J’ai hâte de la lire, j’ai hâte de la voir vivre. J’ai hâte que ses mots aillent plus vite que ses paroles sur les pages par dizaine de centaines qu’il promet d’écrire sur elle.
Puis, ses bras se resserrent autour de moi, ses lèvres trouvent ma tempe de la plus douce des façons. Tout contraste et tout suggère qu'il n'est pas comme ça, alors qu'à mes yeux il l'a toujours été. Sa carapace ne m'a jamais effrayée. À son contact, mes nerfs lâchent d’un coup, d'un soupir un seul. La ville n’existe plus et la lumière avec, tout est confondu et tout se mélange, et tout sent le papier, l’encre, le tabac froid, le cuir. « Tu peux rester ici autant de temps que tu veux. » il ne devrait pas dire ça. Il ne devrait pas me proposer une porte de sortie aussi facilement, un alibi sur un plateau d’argent. Il ne devrait pas s'en donner le rôle ni la mission non plus. S'il le fait encore, s'il le fait trop fort, je finirai par le supplier de m’emmener loin. Je me mettrai à insister à chaque miettes au compteur qui passe pour que son chronomètre infini se module sur celui à conclusion perpétuelle de mes parents. Je le supplierai de toutes les manières possible pour que ce soir ne soit que le début alors qu’au fil de ses paroles et de ses histoires qui résonnent la scène me donne l’impression de n’être que des adieux.
Y’a une larme qui coule sur ma joue. Elle arrive toute seule sans que j’ai fait quoi que ce soit, sans que je n’ai rien demandé pour ou contre non plus. La brise la sèche, il ne la verra sûrement pas et c’est tant mieux. « Wyatt? » mes doigts eux, composent des mélodies inventées contre le revers de ses paumes qui sont toujours calées sur mes bras. « Quand est-ce que tu a été heureux pour la dernière fois? » certains diraient que s’il me renvoie la question, je serai ingrate au point de ne pas en connaître la réponse. Certains auraient raison. |
| | | | (#)Mar 2 Mar 2021 - 2:16 | |
| C’est un autre espace-temps qui se crée sur ce toit. Une bulle qui nous enveloppe, qui annihile le bruit extérieur, les événements antérieurs. Il n’existe plus que la plume qui court sur le papier à la vitesse où Jules vient englober Ginny dans une autre dimension. Tout se déroule sur un autre plan. Le masque que je m’efforce à porter sans pause ou effort, se retrouve jeter dans un coin, complètement incompatible avec le soutient nécessiter dans l’idée même de la faire tenir debout. Sans un bruit, dans une lenteur qui se veut la plus douce, possible, mes bras viennent s’enrouler autour de sa frêle silhouette. Dernier rempart d’une volonté de l’aider à s’échapper. Un souffle et elle semble abandonner tout ce qui pesait sur ses épaules, tout ce qui faisait d’elle une marionnette parmi les requins. Cachée dans les replis de ma veste, elle se donne le droit d’être elle-même, fragile et instable. Mon pouce s’active en douceur à caresser un bout de peau qui s’échappe d’entre les morceaux de tissus jurant de la protéger contre vents et marées. Je lui offre la sécurité de pouvoir se réfugier dans l’appartement sous nos pieds autant de temps qu’elle le voudra, par court séjour ou bref instant. Tout ce qui pourrait l’aider, tout ce qui pourrait m’assurer que dans une semaine, je la trouverais encore.
« Wyatt? » Elle craque sa voix, elle ose à peine. « Hmmm ? » Tout peut être abordé, qu’importe le sujet, qu’importe si elle décide de parler de ce qui semble secouer son monde ou si elle évoque la météo peu clémente. Tout sera valide, tout pourra prendre la dimension nécessaire pour créer un cocon rassurant. « Quand est-ce que tu as été heureux pour la dernière fois? » Ma respiration se bloque dans ma gorge, juste un instant. En rien, je ne m’attendais pas à une telle question, de celle dont on n’a jamais réellement la réponse. Il est impossible que je tourne la situation sans lui amener un élément de réponse, qu’importe sa forme. Je me racle la gorge, resserre mon emprise autour de ses épaules, que son regard ne croise pas le mien en cet instant. Certains s’attarderaient à souligner que le véritable bonheur ne peut être furtif, qu’il se doit d’avoir une stabilité et une constante dans le temps. C’est une définition si restrictive qu’elle donnerait lieu à une réponse si loin dans le passé que mon cœur s’en serre un peu de trop. C’est un temps révolu, quand je m’autorisais encore à tirer des plans d’avenir avec elle. « Je ne sais pas. » que j’avoue à demi-mot refusant de lui offrir une réponse alambiquée qui ne trancherait en rien dans le vif de sa question. « Je me contente de tout ce qui pourra être un bonheur furtif. » Des instants de vie piocher ci et là. « Écrire quelques lignes, une cigarette au bon endroit et au bon moment, un moment en bonne compagnie, un verre de vin associé à la bonne chanson. » Je hausse les épaules reculant de quelques pas pour croiser son regard. Mes doigts viennent batailler avec ses mèches volantes. Est-ce que ce sera suffisant ? |
| | | | (#)Mer 17 Mar 2021 - 23:29 | |
| Je tremble. C’est stupide et c’est cliché et c’est exagéré et il fait froid, à Londres. On dira que c’est la brise tout en haut des toits, on dira que c’est le vent et lui seul qui provoque des frissons le long de ma nuque. On dira que tout ceci n’est que causé que par la météo. On le dira encore en silence, demain matin, quand je partirai sur la pointe des pieds et qu’il ronflera encore, en ayant au moins lancé la machine à café dans mon sillage.
« Hmmm ? » t’as très bien entendu Wyatt. Quand est-ce que tu as été heureux pour la dernière fois? Son corps se tend, sa mâchoire se serre. Je sens l'air être coupé au couteau, l’ironie du canif qu’il a toujours au creux des poches de son jeans presque autant déchiré que le mien. Ce soir, tu portes une jolie robe Ginny. Mes escarpins sont tombés en bas du toit depuis longtemps. « Je ne sais pas. » au moins, il a le mérite d’être honnête. Il ne me ment pas, ne m’a jamais menti, ne me mentira jamais. Il me cache peut-être la grande totalité de sa vie, mais c’est l’entente, c’est le plan, c’est le deal. On ne pose pas les questions auxquelles on ne veut pas connaître les réponses. L’interrogation reste, il y pense, mon nez trouve un point de contact, un point de chaleur. Depuis combien de temps est-ce que j’ai arrêté de respirer? Respires-tu, seulement, depuis que tu habites ici? « Je me contente de tout ce qui pourra être un bonheur furtif. » sa voix plane, comme un souvenir vague, comme une fin de rêve, comme du coton. À mes doigts qui se resserrent un peu plus contre les tissus de son t-shirt s’ajoute un froncement de sourcil bref, éphémère. « Écrire quelques lignes, une cigarette au bon endroit et au bon moment, un moment en bonne compagnie, un verre de vin associé à la bonne chanson. »
Il énumère au même titre que ses phalanges se perdent dans mes mèches envolées, emmêlées. « C’est juste à ça qu’on a droit, alors? » ce n’est pas dit avec de la déception dans la voix, à peine de la résignation. C’est un fait, un état des choses. C’est un constat, c'est un hochement de tête aussi, et une inspiration nouvelle. La pression sur mes épaules s’envole, un temps du moins : c’est concret, enfin quelque chose l’est. « Des miettes. » dis-le plus fort Ginny, comprends-le aussi à travers. « C’est mieux que rien. » ça suffit. Ça suffit? |
| | | | | | | | busboys and poets (winny #4) |
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