Petite, j'adorais Grease. J'adorais l'ambiance, j'adorais les chansons, j'adorais Rizzo et Kenickie, j'adorais que Sandy et Danny s'aiment malgré leurs différences, j'adorais qu'ils aient une voiture volante, j'adorais tout. Enfin sauf le gars qui descend du ciel pour dire je sais pas quelle niaiserie à la chouette fille aux cheveux roses, lui je l'aimais pas du tout. Et le coup du 'change toute ton apparence pour l’être aimé' aussi, ça m'avait laissé pantoise, comme vaste fumisterie (sauf quand au petit bonheur la chance je défendais que c’était un acte super puissant parce que Sandy se réinventait à sa guise ou encore que c’était une preuve d’amour ultime mais laissons mon ambivalence en dehors de tout ça la question n’est pas là). Quoi qu'on en pense, une chose reste certaine : son dernier look, il déchire !

C’est donc avec un entrain non dissimulé que je me suis glissée dans mon spandex noir, que j’ai remonté mes bouclettes blondes autour de ma tête et que je me trémousse à présent sur la piste de danse en attendant mon Travolta aka King McGrath en personne. Autour, des foulards bleus dans les cheveux, des blousons en cuir, des lèvres vermeilles, des robes à poids de pinups – on s’y croirait et d’ailleurs, je m’y crois totalement !

J’ai pris un petit verre, ou deux ou trois, et quand je le vois de dos, tout de cuir et banane gominée vêtu, je lui sautille aussitôt dessus pour plaquer mes mains sur ses yeux et de ma voix la plus sulfureuse je lui murmure : « How’s it going, stud? » il se retourne au ralenti et là misère ! ce n’est pas du tout McGrath, juste un random Travolta furtif. « Oh pardon ! (mes mains qui se rétractent aussi sec tout contre moi comme un lapin dans les phares d’un camion) Mauvais Travolta ! »  « Je peux être ton Travolta » « T’inquiètes, il va pas tarder (et ma main qui se retend alors vers lui avec un peu trop d’enthousiasme) Robin ! » « Doug » il se présente gentiment et j’hoche la tête « Robin ! » « Euh... Doug » « Oui ça fait deux fois que tu le dis » « Mais tu viens de - » Trop tard mon œil de lynx vient de repérer mon Travolta au loin et mon sang ne fait qu’un tour « HEY MCFLY » McPrettyFly même. Cette fois c’est sûr, c'est le bon ! Je lui gambade joyeusement dessus, le pouce par dessus l'épaule pour désigner rien de précis mais dans ma tête tout est clair : « J’ai fait du rentre-dedans à un de tes usurpateurs ça aurait pu être très gênant. » (on est pas les seuls Danny & Sandy à une soirée rockabilly, qui l’eu cru) Le sourire jusqu’aux oreilles, les yeux un peu flous, je regarde sa mèche rebelle et tire sur son blouson pour le réajuster : « Damn McGrath t'es canon ! Si t’avais eu ce look au lycée t’aurais pu me compter parmi tes groupies ! » Le côté bad boy d’antan à la James Dean ça fait toujours son p’tit effet. « Alors à ton avis combien de Sandy te file leurs numéros ce soir ? » ou plutôt combien de fois nous on va se tromper et traumatiser des pauvres âmes innocentes. Matt, je le connais assez pour savoir qu’il n’irait jamais compter fleurette à une autre que sa belle, mais même quand il envoie aucun signaux il y a toujours des yeux doux qui se perdent dans sa direction. Speaking of which… « J’ai un truc pour toi ! » je saute du coq à la licorne sans passer par l’âne et ma main attrape la sienne alors que je l’emmène déjà vers le vestiaire près de l'entrée. J’ai l’impression que ça fait une éternité qu’on s’est pas vu et c’est peut-être bien le cas. Pendant des mois j’ai peaufiné mon œuvre, cloisonnée que j’étais dans ma solitude lancinante (dramatique dites-vous ?), et parce que je voulais absolument trouver les bonnes teintes pour les yeux iceberg de Lily aussi, c’était d’une importance ca-pi-tale. Alors aussitôt fini, je pouvais plus attendre, tout juste le temps que ça sèche (et encore) je devais lui donner, ici, maintenant, à cette soirée ! (Je l’avais même embarqué sur mon petit vélo avec mes talons rouges, une aventure passablement hasardeuse dont je me suis sortie sans trop d’égratignures merci). Hop, je dégaine le petit papier numéro 208 de ma ceinture, le gentilhomme de la consigne me contre glisse ma toile, les yeux en croissant de lune, je la récupère et, tout fière, je la colle sous le nez de McGrath. Ce qui a envahi alors son champ de vision, c’est une peinture à l'huile et coups de pinceaux bleutés au milieu de laquelle trônent nul autre que Matt lui-même et sa douce Lily, sur leur balancelle sous les étoiles, tête contre tête éclaboussées par le clair de lune, exactement comme la nuit de leur mariage, sauf que Matt est en jock avec ballon de rugby au pied, planche de surf derrière et couronne sur la tête, et Lily en princesse des champs avec grande robe brillante, fleurs dans les cheveux et petits oiseaux bleus sur les épaules. Juste parce que c'est la vibe qu'ils m'avaient inspiré dès le premier coup d'œil : une tendresse et une complicité qui traversent - que dis-je qui transcendent les mondes et les différences (une histoire qui aurait bien plus plue à mini-Hope que celle de Sandy et Danny, en somme). « Tadaaaaa ! Cadeau de mariage (un peu) en retard. T’aimes bien ? » Et mon immense sourire clueless est plus clueless que jamais...

codage par amatis et birdiesnow

« How’s it going, stud? »
« Oh pardon ! Mauvais Travolta ! »  
« Je peux être ton Travolta »
« T’inquiètes, il va pas tarder
« Robin ! »
« Doug »
« Robin ! »
« Euh... Doug »
« Oui ça fait deux fois que tu le dis »
« Mais tu viens de - »

C'est du bonbon d'assister à ça de loin. La pauvre cocotte à l'oeil qui brille et à la bouche en coeur, la pauvre gamine qui bondit d'un sens comme de l'autre sans rien capter, elle qui finit par être draguée à fond par l'autre nul que je vais dégager à la seconde où j'en aurai envie. Il est juste là en attendant, il lui parle juste parce que j'en ai décidé ains. Dès que j'ai fini mon verre aka de prendre des tas de notes mentales pour me moquer d'elle pour des dizaines de décennies à venir, c'est SÛR que je vais jouer le Zuko lourd à mooooorrrrrrt en la collant comme si j'étais une belle grosse moule bien glauque et elle un rocher perdu au beau milieu de l'océan. La base.

« HEY MCFLY »
« TU VEUX MA PHOTO BANANE? »

Et la voilà, Robin qui capte que non c'est pas moi, que moi je suis là. « J’ai fait du rentre-dedans à un de tes usurpateurs ça aurait pu être très gênant. » you don't say. « Ça aurait pu? Ça avait l'air d'ici, en vrai. » McGrath le con en puissance. J'aurais pu aussi juste être un bon pote et aller la sortir de sa merde plutôt, mais que voulez-vous, jouer les témoins me sied mieux au teint. « Damn McGrath t'es canon ! Si t’avais eu ce look au lycée t’aurais pu me compter parmi tes groupies ! » le costume aussi, a l'air de me faire une belle prestance. Et c'est aussi pathétique qu'heureux comme un paon que je tourne sur moi-même, lui montrant l'étendue (des dégâts) du talent qui file de mes espadrilles blanches et immaculées jusqu'à la veste de cuir brodée à la main - Deklan est un roi de la couture, qui l'aurait cru. La pièce de résistance, ce sont mes cheveux dégueulasses de gel capillaire à travers lesquels je colle sa main. Ouais, colle est le bon terme. « Alors à ton avis combien de Sandy te file leurs numéros ce soir ? » un gros, un immense, un méga soupir s'échappe de mes lèvres quand j'exagère le roulement d'yeux aussi. Le moins de Sandy, le mieux. « Si c'est une compétition c'est à chier tu commences avec déjà un Danny d'avance je joue plus c'est injuste RE-COM-PTAGE. »

Elle a peur de perdre contre moi, et je lui céderai jamais la victoire ; c'est la seule et unique raison du pourquoi du comment elle a l'air d'avoir un eurêka l'instant d'après. « J’ai un truc pour toi ! » donnez-lui mon bras, allez-y, faites pas gaffe. Qu'elle fasse mine de l'arracher une infinité de fois avant qu'on arrive aux vestiaires. Je rattrape mon souffle maintenant qu'elle rattrape son ticket de peine et de misère, j'ai pas le temps de lui dire que ça peut attendre, qu'on a un concours de twist à gagner, que je l'ai même pas amenée voir la machine à barbe à papa ni le jukebox d'époque qui joue que du Rihanna comme le plus marrant des anachronisme. « Tadaaaaa ! Cadeau de mariage (un peu) en retard. T’aimes bien ? » « Oh, Robin. » oh fuck, Robin - plutôt.

« Okay on va chercher à boire. » commençons par le début, réalisons aussi qu'on a absolument rien entre les mains et que pour la suite j'aurai besoin de courage liquide. Rien entre les mains est relatif, parce que bien sûr que je la regarde sa toile, que je prends des tas de minutes pour la fixer avec un air de merlan frit dont elle pourrait se moquer à son tour sans que j'en doute. « J'ai vraiment l'air de ça dans ta tête? » les détails sont parfaits, les couleurs avec. Elle a travaillé comme une reine et ça me brise le coeur autant pour l'oeuvre que pour ce qu'elle en a fait. « C'est flatteur. » alors on va y aller avec des compliments pour mon ego d'abord.

Et des milkshakes qu'ils servent avec deux pailles, évidemment. « On est plus ensemble. » je déteste dire ça. Je déteste encore plus l'infirmer la seconde d'après, autant avec l'alliance qui est toujours à mon doigt qu'avec les mots qui montent comme s'ils faisaient leur loi eux-mêmes. « On l'est encore officiellement, mais plus ensemble ensemble, c'est weird mais ta toile est belle et j'suis con j'aurais dû te le dire t'as bossé fort. » quel bordel.

codage par amatis et birdiesnow