Nothing will ever be the same again. This night has changed everything.
La nuit a été courte, du moins courte en sommeil parce qu'elle m'a semblé bien longue sinon. Longue et agitée. Elles le sont toutes depuis quelques jours, et mon ventre devient de plus en plus difficile à gérer. Debout, assisse, allongée, il n'y a aucune position qui semble vraiment me soulager, mais le plus dérangeant c'est vraiment pour dormir. Même si allongée c'est censé être le moment ou je n'ai plus tout le poids de ce ventre qui m’alourdis et me fatigue, mais depuis quelques jours, dormir plus de deux heures semble presque impossible. Le ventre, le dos, les seins, les reins, les jambes, les ligaments, il y a toujours une douleur qui se fait sentir et qui m'empêche de dormir ou pire qui me réveille quand j'ai enfin pu trouver le sommeil. Et quand ce n'est pas ça, c'est ma vessie qui semble prête à exploser à tout heure du jour ou de la nuit. Et c'est long, très long et vraiment la nuit, c'est de plus en plus dur et la fatigue s'accumule un peu et même les siestes quotidiennes ne me permettent plus de récupérer totalement. Je suis fatiguée et ça se voit sur mon visage. Et désormais, je n'ai qu'une hâte pouvoir dormir comme je le souhaite sans contraintes, ni gênes, sans ce ventre qui me bloque dans mes mouvements. J'ai encore quelques semaines à attendre, enfin quelques jours si on en croit ma gynécologue qui suit ma grossesse. Quelques jours encore. Une dizaine, une vingtaine ? Ou moins, mais le poids de deux bébés commencent à peser lourd et la place commence à devenir rare pour elles qui se partagent un espace réduit depuis plusieurs mois maintenant. Quelques temps encore, avant de les voir arriver dans notre vie, mais je me demande comment je vais pouvoir tenir alors que je ne me suis jamais sentie aussi lourde, aussi fatiguée aussi. A côté de ça, je tente de garder le moral, elles vont bien, elles sont au chaud et continuent à grandir et j'ai Caleb à mes côtés qui cherche constamment à me faciliter la vie, à me rendre le quotidien le plus agréable possible au vue de ma condition. Il est parfait avec moi, parfait dans son rôle de futur papa et c'est aussi parce qu'il est très présent la journée, au petit soin avec moi, que je le laisse dormir la nuit, essayant de ne pas trop perturber son sommeil alors qu'il en a besoin lui aussi. Je me plains beaucoup, je ronchonne de plus en plus, mais il reste toujours là pour avoir le mot gentil, la parole réconfortante, ou juste pour me serrer contre lui quand tout me semble devenir insurmontable.
Mais aujourd'hui, bien plus que les jours précédents, la nuit a été compliquée, puisqu'à tout les désagréments habituels, je peux désormais ajouter les premières contractions de faux travail, ou de pré-travail je ne sais pas trop encore. Appelez ça comme vous voulez. Mais je sais ce qu'elles ne sont pas. Ce ne sont pas celles que j'ai déjà pu avoir durant la grossesse. Pas les petites contractions qui sont communes, qui annoncent que le corps change, celles désagréables mais pas douloureuses. Mais plutôt celles qui te font serrer les dents quelques secondes et grimacer un peu. Celles qui pourraient me faire paniquer. Celles qui pour Nathan avait annoncé le début des douleurs, le début, tout début du travail et les longues heures d'attentes avant de découvrir les vraies contractions. Les vrais douleurs. Et je pense à Nathan, je pense à mon premier accouchement en me levant, et j'accepte mes souvenirs sans les rejeter, parce que cette expérience aussi douloureuse soit-elle, aussi traumatisante soit-elle, me permet de comprendre un peu mieux ce qui se passe en moi à ce moment précis. Et c'est bien parce que je me souviens de ces douleurs là, celles de l'accouchement sans péridurale, que je ne m'inquiète pas, pas encore du moins alors que mon ventre se durcit de manière encore très irrégulière ce qui finit par me rassurer. Faux travail, ou début du travail, j'en sais trop rien encore je sais juste que je suis encore fatiguée ce matin, une constante depuis quelques jours. Je m'installe au côté de Caleb pour manger un peu et je ne lui cache pas la nuit compliquée que j'ai passé. Je lui parle de mes douleurs ressenties, dans les jambes, le dos, les hanches, enfin partout mais je ne lui parle pas des contractions ne voulant pas l'inquiéter pour rien. Et après un petit déjeuner partagé avec Caleb, un petit déjeuner sans douleurs, je m'allonge sur le canapé et je m'endors assez rapidement, profitant d'un petit moment d'accalmie qui me laisse penser que les premières contractions n'étaient finalement que du faux travail et que j'ai bien fais de ne pas m'alerter et c'est peut-être pour ça que je m'endors assez vite. Rassurée de réaliser que ce n'était qu'une fausse alerte. Une fausse alerte mais qui me rappelle quand même que le jour J approche et que je ne suis pas sûre d'être prête à gérer tout ça.
Je ne sais pas combien de temps j'ai dormi, mais je suis réveillée par une nouvelle contraction, par ce ventre qui se durcit, par cette douleur qui me fait grimacer et gesticuler un peu. Ça passe vite, et je me concentre sur l'absence de Caleb et je réalise à ce moment que je lui avais dis que j'irais avec lui chercher la poussette qui est arrivée aujourd'hui au magasin, surtout que c'est moi qui ait insisté pour qu'on aille la chercher aujourd'hui. Sauf qu'il a du vouloir me laisser dormir et y aller sans moi. Je passe une main sur mon ventre et je sens les filles bouger un peu, chose habituelle quand je suis allongée, mais ce qui est plus inhabituelle c'est la pression et la gêne que je ressens sur le bas ventre alors qu'elles s'agitent. Je reste quelques minutes ainsi, quelques minutes une main sur mon ventre à les sentir sans réellement comprendre comment elles peuvent encore bouger dans un espace si restreint. Mon ventre se durcit à nouveau, encore une contraction, ça recommence comme cette nuit. Je la sens qui me serre le ventre et qui vient me tirailler jusque dans le bas du dos, je grimace un peu, et je respire quelques secondes, au moment ou j'entends la porte d'entrée s'ouvrir et Dobby apparaître dans le salon suivit de Caleb. Je le regarde, et je soupire, soulagée de sentir que la contraction semble se calmer, et pendant un instant je me demande si je dois lui dire ce qu'il se passe ? Lui dire ce que je ressens ? Lui dire que j'ai cru que le travail avait commencé cette nuit, que j'ai quelques contractions, différente de celles que j'ai pu avoir durant les mois précédents. Et je fais le choix d'attendre encore un peu, pour en savoir plus sur ce qu'il se passe vraiment pour ne pas l'inquiéter pour rien, pour ne pas l'affoler non plus. Parce que pour le moment, ce n'est rien, juste quelques contractions ici et là. Au rythme irrégulier, à l'intensité irrégulière. Et surtout encore largement supportables, rien d’inquiétant donc. C’est du moins ce que j’essaye de me dire, j’essaye de m’en convaincre. Parce que c'est pas encore le moment, encore quelques jours, quelques semaines on a dit, alors ce n'est rien. Rien qui ne vaille la peine que je m'en inquiète en tout cas. Je me redresse un peu, essayant de m'asseoir alors que j'attends de découvrir ce que Caleb a bien pu ramener de sa séance d'achat.
Caleb est là, dans notre salon, portant le carton de la poussette toute neuve. Enfin ! Nous avons cette poussette spéciale jumeaux sur laquelle on a mit tant de temps à se décider, tant de temps à se mettre d'accord alors qu'il a accumulé les recherches pour trouver la meilleure poussette possible. « J'espère qu'elle est aussi parfaite que les avis le suggéraient ! » Je le regarde déballer la poussette. Enfin elle est là et je suis assez impatiente de la voir finalement. Ce n'est qu'une poussette mais c'est un élément important et surtout le dernier qu'il nous manquait pour être vraiment prêts à les accueillir. Tout le reste est prêt, tout, sauf peut-être nous ? Caleb semble assez enthousiaste alors qu'il déballe la poussette sous mes yeux. Il me parle de cette poussette, il me montre comment elle se plie et se déplie et ça m'amuse vraiment de le voir aussi investi à chaque fois. Que ce soit pour ça ou quand il a fallu installer pour la première fois les sièges bébés dans nos voitures, c'est lui le pro entre nous deux. Mais je dois quand même apprendre moi aussi à me servir de tout ça, et à le faire sans lui, parce que je vais devoir réussir à gérer nos filles sans lui et ça, ça me fait un peu peur. Faisant abstraction des dernières minutes, de ma fatigue aussi, je finis par me décider de me lever, de quitter le canapé pour aller voir la poussette de plus près. Je me lève et à ce moment, je souffle doucement alors que mon ventre tout entier se durcit encore et se contracte soudainement. Une main sur mon ventre, l'autre qui prends appuie sur le dossier du canapé, je laisse passer quelques secondes, quelques secondes qui finalement semblent assez longues mais qui ne m'inquiète pas plus que ça alors que je laisse passer ce moment peu agréable et légèrement douloureux quand même. Je me relève, l'air de rien, avant de m'avancer vers la poussette bien décidée à tester par moi même cette fameuse poussette qui nous a coûté assez chère finalement. Un peu trop mais pour nos filles rien n’est trop cher. Je me concentre sur la poussette pour oublier cette nouvelle contraction que je viens d'avoir, et je me persuade que ce n'est pas encore le début, que mon corps souffre un peu de tout ce poids, mais que ce n'est pas le moment de s’alarmer. J'oublie même que je viens d'avoir des contractions finalement assez rapprochées. « Par contre, jamais elle rentrera dans le coffre de ma voiture. » Et je plaisante sur la poussette, sans regarder Caleb, les yeux rivés sur notre dernier achat, je ne veux pas encore penser à l'accouchement, pas maintenant alors que les contractions sont pourtant de retour et plus douloureuses que celles de cette nuit. Je ne pense qu'à cette poussette sans penser qu'elle pourrait très prochainement accueillir nos filles. Je lâche la poussette et je me rapproche de Caleb, je dépose un léger baiser sur ses lèvres avant de me blottir contre lui. « Merci d'avoir été la chercher, je crois qu'on a tout désormais. » Je le regarde et je lui souris. Jusqu'à ce que ce sourire se transforme en nouvelle grimace alors que de nouveau et pour la quatrième fois en peu de temps, je ressens mon ventre se contracter et la douleur qui se propage lentement au reste du corps. Ça ne dure que quelques dizaines de secondes, mais je ne peux pas le cacher à Caleb et pourtant au lieu de lui parler, je ne dis rien et je regarde la poussette vide, tentant toujours de me rassurer en me disant que ce n'est pas le début, pas encore parce qu'il est trop tôt et que ça ne fait pas si mal finalement. Me rassurant en me disant que ça va s'arrêter comme ça s'est arrêté cette nuit.
Nothing will ever be the same again. This night changed everything.
Les mots du médecin il y a quelques semaines n’ont pas vraiment été rassurants. Il n’est pas rare que les femmes enceinte de jumeaux accouchent à partir de la trente-cinquième semaine, alors à partir d’aujourd’hui, préparez-vous, parce que vous pourriez accoucher à tout moment. Oui, il me tarde de voir mes filles mais je ne m’étais pas préparé à l’éventualité qu’elle puisse accoucher à tout moment maintenant. Alors c’est en panique qu’en rentrant j’ai fait une liste de tout ce qu’on doit mettre dans son sac pour la maternité. Toutes les affaires d’Alex mais sans oublier celles des filles. Maintenant les deux sacs sont prêts, dans un coin de notre chambre et nous n’avons pas encore dû les utiliser. Il a fallu également que l’on trouve une poussette et si nos recherches avaient déjà commencé bien avant, il était grand temps qu’on se mette enfin d’accord. Parce qu’entre Alex et moi c’est toujours le même problème. On est tous les deux incapables de se mettre d’accord sur quoique ce soit. Parce qu’on a des goûts différents, des idées différentes, des perceptions différentes, enfin bref. On a toujours beaucoup de mal à se mettre d’accord mais enfin, on a réussi. La poussette a été commandée et j’ai reçu un message ce matin pour m’informer que je pouvais aller la chercher en magasin à partir d’aujourd’hui. Alors je profite de mon jour de repos pour y aller, laissant Alex dormir sur le canapé. Elle voulait y aller avec moi, mais je sais qu’elle a très mal dormi cette nuit alors si elle dort c’est qu’elle a effectivement beaucoup de sommeil à rattraper. Avant de partir je la borde avec un petit plaid et je l’embrasse sur le front. Le deux sièges auto à l’arrière de ma voiture ne font que me confirmer une chose : la naissance est imminente et très, très, très attendue. Bien que savoir qu’elle peut accoucher aujourd’hui, demain ou dans deux semaines me panique un peu. Parce qu’il faut rester vigilant, tout le temps. Parce que mes peurs et mes doutes sont encore plus présents maintenant. Peur de ne pas être à la hauteur avec elles, avec Alex, peur de ne pas être assez présents pour elles, peur de ne pas savoir gérer. Enfin bref. Rien n’a changé et le temps n’aide malheureusement pas.
Je rentre un peu plus d’une heure après, j’ai profité d’être dehors pour faire quelques courses pour pouvoir cuisiner ce soir et quand je rejoins Alex dans le salon elle ne dort plus mais ne semble pas beaucoup plus reposée pour autant. Avant de déballer la poussette de son carton je range dans un premier temps les courses, ré-organisant donc un peu le frigo après avoir rangé ces quelques achats et je finis par la rejoindre dans le salon. « J'espère qu'elle est aussi parfaite que les avis le suggéraient ! » Oui, moi aussi. Du moins elle l’a vraiment l’air et je déballe alors la poussette devant elle. Elle est grande, elle prend de la place oui mais en même temps c’est assez logique sachant que c’est une poussette spécialement pensée pour des jumeaux. Et alors que je suis concentré sur la poussette pour m’entrainer à la plier et à la déplier, Alex se lève pour s’approcher et la voir d’un peu plus près. « Par contre, jamais elle rentrera dans le coffre de ma voiture. » Cette réflexion me fait rire, parce qu’elle a tout à fait raison. Les deux sièges autos passent déjà difficilement dans sa voiture alors je n’ose même pas imaginer si elle veut faire rentrer la poussette, même pliée, ça ne fonctionnera pas. « Je te l’avais dit que ta voiture était trop petite ! » Je la taquine mais en aucun cas il ne s’agit d’un reproche, au contraire. « Quand tu devras te déplacer seule avec les filles tu prendras la mienne. » Je lui fais assez confiance pour ça, et puis on sait tous les deux qu’elle conduit bien mieux que moi. « Merci d'avoir été la chercher, je crois qu'on a tout désormais. » Elle m’embrasse, elle se blottit contre moi et j’en profite pour la serrer dans mes bras un instant sans rien dire. Déposant à mon tour un léger baiser sur le haut de son crâne je la serre contre moi, du moins autant que son ventre me le permet. « Ça va ? T’as pas l’air bien, va t’allonger dans la chambre je vais te faire un thé. » C’est presque plus un ordre qu’une suggestion ou qu’un conseil. Il faut qu’elle dorme encore un peu et qu’elle se repose. « Vas-y, je t’apporte tout au lit. Allez ! » Je la pousse presque jusqu’à la chambre pour m’assurer qu’elle aille vraiment se reposer et qu’elle ne parte pas faire je ne sais quoi. Je mets de l’eau à bouillir et en même temps je joue un peu avec Dobby, il a l’air assez tendu et part même vite rejoindre Alex dans la chambre. Je le laisse faire et de toute façon je le suis peu de temps après pour apporter à Alex son the que je lui ai promis. « Tiens. » Je lui pose la tasse sur la table de chevet. « Fais attention, c’est chaud. Je passe rapidement sous la douche, tu me dis si tu as besoin de quelque chose, d’accord ? » Je me penche vers elle pour lui voler un baiser et je quitte la chambre pour aller dans la salle de bain. Je laisse couler l’eau et je profite de l’eau fraiche, la température commence déjà à se réchauffer un peu à Brisbane et même si j’ai toujours vécu ici, je pense que je ne me ferai jamais à la chaleur. Le côté pratique d’avoir une suite parentale avec la salle de bain attitrée à la chambre, c’est que si elle me parle je peux plus ou moins l’entendre même quand je suis sous la douche. Et elle n’avait pas l’air très bien, du moins très fatiguée alors ce petit point qui peut sembler insignifiant me rassure au final.
Nothing will ever be the same again. This night has changed everything.
Il est de retour à la maison et rien que le savoir ici, l'entendre ranger dans la cuisine suffit à me rassurer un peu même si je ne lui parle pas de ce que je ressens, il est là et c'est tout ce qui compte finalement. Je prends le temps de me réveiller pleinement, même si j'ai finalement pas si bien dormi que ça, d'étirer un peu mon corps qui est de plus en plus douloureux et lourd, mais c'est surtout les contractions qui sont dérangeantes aujourd'hui. Dérangeantes et un peu plus douloureuses qu'à l'accoutumée. Je réussis tout de même à me mettre debout et à marcher jusqu'à la poussette et jusqu'à Caleb et avec le ventre que j'ai désormais, ça relève presque du miracle de pouvoir encore tenir debout sans basculer vers l'avant. Je regarde la poussette et je réalise qu'il n'y a aucune chance qu'elle ne rentre dans ma voiture. Elle n'est déjà pas pratique pour un enfant mais pour deux bébés, ma voiture est clairement plus à la hauteur et pourtant je n'ai pas l'intention de changer et Caleb le sait. « Je te l’avais dit que ta voiture était trop petite ! Quand tu devras te déplacer seule avec les filles tu prendras la mienne. » Il me taquine et je lui souris même si franchement je ne suis pas bien à l'aise avec l'idée de devoir me déplacer seule avec les filles. Rester seule avec elles me fait déjà peur en soit, mais l'idée de devoir affronter le monde extérieur avec deux nourrissons, c'est un peu trop effrayant. Mais j'ai pas envie de m'inquiéter sur ça aujourd'hui, et je préfère faire une petite blague à mon tour. « Je prendrais la tienne mais comptes pas sur moi pour te laisser toucher à ma voiture. » Je dépose un baiser sur sa joue pour accompagner cette remarque comme pour adoucir la taquinerie et juste après je me blottis contre lui enfin j'essaye mais le ventre maintien une certaine distance entre nous et ça commence à devenir plus que frustrant pour moi et peut-être aussi pour lui. Il dépose un baiser sur mon front au moment ou je sens mon ventre se serrer, il me serre contre lui et j'accompagne la contraction en essayant de rester calme et détendue et je pense réussir plutôt bien. « Ça va ? T’as pas l’air bien, va t’allonger dans la chambre je vais te faire un thé. » Du moins je pensais avoir réussi à le gérer mais la remarque de Caleb me montre que peut-être je suis pas si douée que ça. Il me demande comment je vais, il me dit que je n'ai pas l'air bien et j'hésite quelques secondes à tout lui dire, à lui parler des contractions, mais je ne le fais pas. Je continue à croire que ce n'est que des fausses alertes et que ça va passer. « Je suis fatiguée et j'ai mal partout, mais ça va. » C'est presque anodin finalement la fatigue et les douleurs, ça fait déjà quelques semaines que c'est mon quotidien, je me sens un peu coupable de ne pas lui dire toute la vérité mais je ne sais même pas vraiment ce que je devrais lui dire ou non, si ça vaut le coup ou non. « Vas-y, je t’apporte tout au lit. Allez ! » Je lui souris et je ne lutte pas quand il me dit d'aller m'allonger dans notre chambre, je pense sincèrement que j'ai besoin de dormir et il essaye de prendre soin de moi alors je le laisse faire, je ne vais pas me plaindre d'avoir un homme qui s'occupe de moi. Si vous saviez comme c'est devenu une galère pour moi de monter les escaliers pour rejoindre notre chambre, mais malgré tout j'y arrive et je suis presque heureuse de pouvoir m'installer dans mon lit alors qu'être debout me semble de plus en plus compliquée et mon corps semble avoir de plus en plus de mal à supporter le poids des deux filles. Je grimace encore alors que j'ai l'impression que la pression sur mon entre-jambe devient de plus en plus forte par moment, du sans doute à la position des filles. Je m'allonge et à peine allongée, je sens une nouvelle contraction et la douleur qui l'accompagne semble se propager un peu plus que les précédentes et je ferme les yeux quelques secondes. Au moment ou je les ouvre je vois Dobby débarquer dans la chambre, et si habituellement il ne monte jamais dans notre lit, aujourd'hui je le vois sauter et venir s'allonger contre moi. Je le caresse un peu sans chercher à le faire descendre, je le caresse d'une main alors que l'autre se pose sur mon ventre en espérant pouvoir calmer les filles, calmer les contractions, enfin calmer tout ça. Caleb arrive quelques minutes plus tard avec mon thé et je le regarde quelques secondes. J'ouvre la bouche avant de la refermer sans rien dire. « Fais attention, c’est chaud. Je passe rapidement sous la douche, tu me dis si tu as besoin de quelque chose, d’accord ? » Je me redresse un peu pour prendre le thé qu'il m'a préparé. « Merci chou. Mais, j'ai tout ce qu'il me faut, je bois ça et je vais dormir un peu alors prends ton temps. » C'est du moins le plan que j'ai au moment ou il se penche vers moi pour m'embrasser furtivement et me laisser seule dans le lit, enfin seule avec Dobby. Je veux me reposer un peu, je veux qu'il prenne son temps sous la douche, qu'il profite de cette douche, parce que j'ai la désagréable impression que le calme ne va pas durer. Je le préserve encore un peu avant d'être sûre, avant de lui dire ce qu'il se passe avec certitude. C'est de plus en plus évident, enfin je crois, mais je ne sais pas si j'ai envie d'y croire ou si au contraire je fais tout pour repousser l'inévitable. Je souffle sur le thé, je prends mon temps pour le boire, tout en réfléchissant à ce qu'il se passe en moi. Cette nuit les premières alertes, les contractions mais qui n'étaient pas vraiment douloureuses les contractions qui se sont arrêtées après un peu plus d'une heure. Sauf que là, elles ne semblent pas s'arrêter, et pire elles semblent revenir à un rythme régulier, encore et encore même si je refuse de l'admettre. Je pose le thé sans l'avoir fini, alors qu'à nouveau mon corps m'alerte, mon corps me fait passer un message que je ne suis pas sûre d'avoir envie de saisir. Je grimace à nouveau, je me cambre un peu alors que la pression dans le dos me fait soupirer. Dobby aboie légèrement et malgré la douleur, je le caresse alors qu'il semble inquiet de me voir gesticuler dans le lit à la recherche d'une position plus confortable. J'entends l'eau qui coule dans la douche, et j'essaye une nouvelle fois de me concentrer sur autre chose et une fois le calme revenu je m'adresse à Caleb. « Tu as prévu quoi de bon pour ce soir ? » Je lui parle pour occuper mon esprit, parce que peu à peu je réalise et je prends conscience que je suis sûrement en train de subir les premières contractions du début de travail et alors que je lui demande ce qu'il a prévu pour le repas de ce soir, une part de moi a conscience qu'il y a un grand risque que ce soir, il soit occupé à autre chose qu'à cuisiner. Je ne sais pas si je dois lui dire, maintenant ou dans une heure ou deux. Si je dois attendre ou non, pour Nathan ça avait été long, très, très long et si c'est une fausse alerte finalement ? Et si c'est vraiment ça ? Je peux accoucher à n'importe quel moment, c'est ce qu'il a dit à la dernière visite de contrôle, mais c'est encore trop tôt là non ? Je regarde mon ventre et au fond de moi, je commence à ressentir une peur, je commence à être terrifiée à l'idée que ce soit vraiment le début du travail parce que si c'est le cas, c'est notre vie entière qui s'apprête à changer. Mais avant ça, il y a toute la période de l'accouchement qui nous attends. Et j'ai peur même si je sais ce qui m'attends, je sais que ça va être long, et douloureux, mais j'ai pas peur pour ça. J'ai peur pour elles, parce que si c'est vraiment le début du travail, il est encore un peu tôt pour qu'elles arrivent. Elles vont bien je le sais, l'échographie était très bonne. Alors j'essaye de penser à ça, de me dire que si elles veulent sortir, elles iront bien mais elles sont encore petites finalement et je ne peux m'empêcher de m'inquiéter pour elles parce que j'ai cette peur en moi depuis quelques temps déjà. La peur de les perdre, qu'il leur arrive quelque chose, ou qu'on me les enlève. Et tant qu'elles sont dans mon ventre, je les sens, je les ais avec moi, et si elles s'apprêtent à sortir, c'est une autre histoire. Je réalise à ce moment que je ne peux pas les garder en moi pour toujours et la seule chose à faire pour elles, pour m'assurer qu'elles aillent bien, c'est d'aller à l’hôpital, c'est d'arrêter de lutter ou de douter et se rendre à l'évidence. Mieux vaut y aller pour rien, que l'inverse et je souffle un coup. Je souffle non pas pour contrôler la douleur d'une contraction, mais pour trouver le courage de ne pas paniquer. Je dois rester sereine, aussi sereine que possible et si c'est aujourd'hui qu'elles doivent naître alors je dois être forte et être à la hauteur. Je souffle et c'est au moment ou j'entends l'eau de la douche s'arrêter que je m'assois sur le lit et que j'appelle Caleb, mi excitée, mi terrifiée par l'information que je m'apprête à lui donner. « Chéri ? » Je l'appelle, et j'attends qu'il arrive face à moi, c'est pas le genre d'information que je peux lui crier alors qu'il est dans une autre pièce. Je me lève quand je le vois arriver face à moi en serviette. Je le regarde dans les yeux. « Je crois que c'est le moment. » Ma voix est hésitante et je ne sais toujours pas si je dois sourire à l'idée de voir nos filles bientôt ou si je dois pleurer parce que justement elles seront là bientôt. Mais j’enchaîne pour lui donner toutes les informations possibles pour qu'il comprenne vraiment l'ampleur de l'information que je suis en train de lui délivrer. « J'ai des contractions régulières, je ne sais pas si c'est pour tout de suite, mais c'est plus prudent qu'on aille à l’hôpital pour vérifier. » Je guette sa réaction, je le surveille et à nouveau une contraction, à nouveau je souffle. D'une main je prends appui sur lui et de l'autre je me masse les lombaires pour alléger la pression que je ressens. « Oui je pense qu'il va falloir qu'on y aille. » Je lui confirme l'évidence, et si pour le moment je peux toujours lui parler alors que la contraction reste assez courte et finalement pas encore trop intense, je crains la suite mais je ne lui dis pas ça. Je le laisse réaliser, je le laisse prendre conscience de ce que je viens de lui dire, je le laisse comprendre de lui même que je viens de lui dire que le travail avait sûrement commencé et qu'il va rencontrer ses filles dans quelques heures. Plus tôt que prévu, il va devenir papa et je lui laisse le temps nécessaire pour gérer ça à sa manière.
Nothing will ever be the same again. This night changed everything.
Ma façon de conduire a toujours été une blague entre nous et au vu de notre rencontre ça me semble plutôt normal et d’autant plus amusant. On s’est rencontrés parce que je lui ai rentré dedans en faisant une marche arrière dans un parking et je n’ai jamais été aussi heureux d’être aussi peu doué au volant. Parce que c’est grâce à ça que j’ai rencontré la femme de ma vie, celle avec qui je m’endors tous les soirs depuis un peu moins d’un an, celle avec qui je me suis reconstruit, celle avec qui j’ai envie de vieillir et surtout, la future mère de mes enfants. Commençant par deux filles, des jumelles, Lucy et Lena. Et pour le reste ? On verra plus tard. Parce que même si j’ai bien compris qu’elle refusait catégoriquement une nouvelle grossesse j’essaie de me rassurer en me disant qu’en Janvier alors qu’elle pensait être tombée enceinte elle était complètement paniquée. Et encore le mot est faible, elle n’était pas juste paniquée mais complètement tétanisée, en pleine crise de nerfs. Et pourtant quelques mois plus tard quand elle est cette fois vraiment tombée enceinte elle l’a accepté assez facilement, à ma plus grande surprise. Alors j’essaie de me dire que peut-être, elle finira par changer d’avis – même si j‘en doute vraiment beaucoup. – « Je prendrais la tienne mais comptes pas sur moi pour te laisser toucher à ma voiture. » Alors qu’elle embrasse doucement ma joue, moi je lâche un petit rire amusé en réaction à sa réflexion. De toute façon je ne comptais pas lui emprunter sa voiture. Elle est petite et fait très féminin de toute façon alors comme ça, la question est réglée. Elle est maintenant contre moi, enfin du moins je la prends contre moi autant que je ne le peux. Parce que son ventre nous impose une certaine distance physique qui commence presque à être frustrante. Elle me confirme ne pas se sentir très bien, fatigue et douleurs diffuses et ce sont malheureusement des sensations qui sont presque devenues son quotidien. J’aimerais pouvoir l’aider mais je ne peux pas faire grand-chose, alors je lui propose – je l’oblige – d’aller s’allonger dans notre lit pour se reposer. Je sais qu’elle doit certainement en avoir marre de cette grossesse qui ne semble clairement pas facile pour elle, et je ne peux pas dire que je la comprends, ce serait mentir. Moi je suis simplement spectateur et j’ai l’impression d’être complètement inutile alors qu’elle ne se sent constamment pas bien. Entre ses douleurs, la fatigue et les hormones qui lui jouent toujours des tours, je ne peux rien faire pour l’aider ou la soulager. Même le thé chaud que je lui apporte au lit semble complètement ridicule. « Merci chou. Mais, j'ai tout ce qu'il me faut, je bois ça et je vais dormir un peu alors prends ton temps. » Je l’embrasse rapidement et caresse un peu Dobby et j’accepte de la laisser seule, me sentant toujours inutile et impuissant face à son mal-être. Comme je lui ai promis je passe rapidement sous la douche et même si elle m’a dit que je pouvais prendre mon temps je ne compte pas le faire. Je veux qu’elle se sente bien, je ne veux pas qu’elle puisse par la suite me reprocher de ne pas prendre assez soin d’elle. Et alors que j’arrête l’eau pour me savonner un peu je l’entends me questionner sur le repas que j’ai prévu de cuisiner pour ce soir. « Du poulet au citron avec quelques légumes. Ça te va ? » Je pense déjà connaître la réponse, je sais qu’elle aime presque tout ce que je lui fais à chaque fois. Pour être plus précis j’ai prévu de faire cuire des carottes dans un bouillon de poulet et les assaisonner avec un peu de thym citronné. Je fais de nouveau couler l’eau et j’avoue être un peu préoccupé. J’ai l’impression qu’Alex me cache quelque chose et qu’elle se sent moins bien qu’elle ne le prétend. Depuis qu’elle est enceinte je n’aime encore moins quand elle me cache des informations sur son état de santé.
L’eau de la douche à peine arrêtée que je l’entends m’appeler. J’enroule une serviette autour de ma taille et je la rejoins tout de suite dans la chambre tout en passant une main dans mes cheveux encore trempés. Je la regarde, elle est assise sur le lit et j’attends qu’elle prenne la parole, ce qu’elle ne tarde pas à faire. « Je crois que c'est le moment. » Mon cœur loupe un battement. Littéralement. Je le sens. Je la regarde, je comprends bien ce qu’elle me dit mais pourtant j’ai du mal à réagir. Je reste planté là, entre la salle de bain et la chambre et je finis enfin par réussir à ouvrir la bouche pour parler. « Quoi ? Enfin…t’es…t’es sûre ? » Mon timbre de voix est hésitant mais en peut tout de suite déceler la panique et les compléments d’informations qu’elle me donne ne m’aident pas au contraire. Je panique encore plus. « J'ai des contractions régulières, je ne sais pas si c'est pour tout de suite, mais c'est plus prudent qu'on aille à l’hôpital pour vérifier. » C’est le moment. C’est le moment. C’est le moment ? Vraiment ? Et maintenant je me sens doublement paniqué. Des contractions régulières, et le médecin nous avait dit qu’elle pouvait maintenant accoucher à tout moment et que pour une grossesse gémellaire ne pas arriver au terme était tout à fait normal et absolument pas inquiétant et pourtant. Je panique. « Ok…d’accord…euh…» Toutes mes pensées se bousculent dans ma tête et moi qui pensais être bien préparé à ce moment j’ai l’impression d’être incapable de réfléchir. J’essaie de penser à tout mais je n’y arrive pas. « …assieds-toi. Ne bouge pas. Repose-toi. Je-je m’occupe de tout. » Le travail a commencé, c’est presque sûr et pourtant je n’arrive pas à me mettre cette idée dans la tête tant je suis paniqué. Je l’aide à s’asseoir sur le lit et au même moment je la sens qui se tend, elle souffle, elle grimace. Ça doit être une nouvelle contraction ? Enfin je suppose. « Oui je pense qu'il va falloir qu'on y aille. » D’accord… Cette fois mon cœur ne loupe pas un battement, non, mais il s’accélère de nouveau. Comme il n’avait jamais battu aussi vite depuis que je prends un traitement pour ma tachycardie. « Je me dépêche. Désolé. » Je ne sais même pas pourquoi je m’excuse. Parce que je ne suis pas prêt ? Non, parce que à cet instant j’ai complètement oublié que je ressors de la douche et que j’ai simplement une serviette autour de la taille. Je bouge partout, je m’agite. Je pars chercher les sacs que j’avais déjà préparé en priant ne rien avoir oublié. Je passe une main dans mes bouclettes comme si ce simple geste allait m’aider à remettre mes idées en place. Mais ça ne fonctionne bien évidemment pas du tout. Je soupire et pars chercher mes clés de voiture ainsi que mes papiers. « Ok, je crois que c’est bon. On peut y aller. » Je la regarde, elle n’a pas de chaussures et elle semble avoir de nouveau une contraction. Je panique, je regarde partout autour de et je prends ses premières chaussures qui sont dans mon champ de vision et je l’aide à les mettre. « Comment tu te sens ? Tu devrais boire un peu d’eau avant de partir. T’aurais pas dû monter si tu te sentais pas bien. Ça va aller pour redescendre ? » Je parle beaucoup, je lui pose des questions ce qui trahit un peu mon stress actuel. « On a rien oublié ? On y va. » Je lui prends la main et l’aide à se lever, je prends les sacs et je vous assure que dans ma tête, moi aussi je suis prêt à partir pour la maternité. Mais je suis tellement stressé et dépassé que j’ai réellement oublié que je ressors de la douche et que je suis toujours en serviette.
Nothing will ever be the same again. This night has changed everything.
Allongée dans notre lit, Dobby contre moi, j'essaye de ne pas penser à tout ce qui se passe dans mon corps. Je ne suis pas prête, même si mon corps semble l'être. Je ne sais pas si elles sont prêtes à naître, enfin si je sais qu'à ce terme pour des jumeaux c'est loin d'être inhabituel et surtout les risques pour elles sont assez faibles, elles seront sans doute petites mais tout est fonctionnel, je l'ai encore lu hier. Mais je ne sais pas si je suis prête à les laisser sortir. J'ai beau essayé de détourner mes pensées, de parler avec Caleb du repas de ce soir, ça ne fonctionne pas tellement. « C'est parfait comme toujours, mais sans oignons bien sur. » Je n'ai même pas faim finalement, j'essaye de penser à autre chose, mais j'en reviens toujours au même. J'ai des contractions. Qui durent. Qui sont régulières. Et qui s'intensifient. Et pour elles comme pour moi, je dois arrêter de faire semblant de ne pas comprendre et être raisonnable. Et je dois arrêter de tenir Caleb à l'écart, il a le droit de savoir ce qu'il se passe, et puis je n'ai plus le choix. C'est de ses filles dont on parle là, la santé de Lucy et Lena et je sais que j'ai assez attendu. Que je dois lui dire même si je crains un peu de le dire à haute voix et de rendre les choses réelles et concrètes. L'eau s'éteint, le silence se fait, un silence qui ne dure pas puisque je l'appelle, décidée à lui parler de tout ça. A lui dire que la rencontre avec ses filles risquent d'avoir lieu plutôt que prévu. Il arrive devant moi et je me lance. Il sort de la douche, les cheveux encore un peu dégoulinant et je viens de lui annoncer que c'est le moment. Je vois à la façon dont il me regarde qu'il a comprit mais il met pourtant quelques secondes à réagir à cette information tout sauf anodine. C'est le moment, et le moment c'est la naissance de ses filles, de nos deux filles. « Quoi ? Enfin…t’es…t’es sûre ? » Il parle, il hésite, il panique même je l'entends dans sa voix et je le comprends, c'était pas prévu, pas aujourd'hui, pas maintenant. Je lève les épaules, dire que je suis sûre serait faux mais ce que je sais c'est que ce que je suis en train de vivre n'est pas anodin à ce moment de la grossesse. Je lui explique pour les contractions, je ne veux pas lui assurer que je vais accoucher si je n'en suis pas totalement persuadée, même si j'ai quand même peu de doute la dessus. Je ne veux pas lui faire de fausses joies, ou de fausses frayeurs au choix. Même si pour la seconde option ça semble ratée. « Ok…d’accord…euh… assieds-toi. Ne bouge pas. Repose-toi. Je-je m’occupe de tout. » Il panique c'est désormais clair et assez visible et je le laisse faire. Je le laisse m’asseoir, je le laisse réaliser l'ampleur de cette information que je viens de lui annoncer avant de tenter de lui parler même si je doute que ça fonctionne. « Caleb, calme toi. Je vais pas accoucher tout de suite. » Et c'est au moment ou je lui dis ça que de mon côté, une nouvelle contraction vient mettre en évidence tout ce que je suis en train de lui dire. Les contractions régulières, la douleur qui ne ressemble en rien à ce que j'ai pu ressentir jusqu'à présent et entre deux soufflements, je lui confirme ce que je viens de lui dire. Il faut qu'on y aille, pas dans l'immédiat mais cette soirée on ne la passera pas chez nous en tout cas. « Je me dépêche. Désolé. » Il s'agite, il se précipite et moi j'aurais juste besoin qu'il soit calme finalement. Déjà parce que s'il panique je vais paniquer et aussi parce que je sais que ça risque d'être encore long avant qu'elles n'arrivent et il ne tiendra pas à ce rythme. Pour lui et son cœur, il doit absolument se calmer. Je le suis du regard enfin j'essaye alors qu'il bouge trop vite et s'agite encore, il fait des allers-retours entre la chambre et les autres pièces de la maison, regroupant les affaires que l'on avait préparé pour le jour J. Pour aujourd'hui donc. « Ok, je crois que c’est bon. On peut y aller. » Il revient dans la chambre et je lève les yeux vers lui, légèrement amusée par la vision que j'ai. Caleb en serviette, ses clés en mains, prêt à partir à la maternité. « T'es sur que tu oublies rien ? » Je le regarde quelques secondes un sourire aux lèvres, qui ne reste pas longtemps alors qu'une nouvelle contraction arrive. Je soupire et pendant que je gère la douleur comme je le peux, il me ramène mes chaussures. Donc il pense vraiment que c'est ça qu'il oublie ? Mes chaussures ? Il a remarqué que j'étais pieds nus mais pas que lui était nu et je dois bien avouer que cette situation a le mérite de m'amuser et m'aide à me concentrer sur autre chose que sur les contractions et tout le reste. « Comment tu te sens ? Tu devrais boire un peu d’eau avant de partir. T’aurais pas dû monter si tu te sentais pas bien. Ça va aller pour redescendre ? » Il parle beaucoup et c'est une chose rare chez Caleb. Parler autant, s'agiter autant, je sais qu'il stress, mais je ne sais pas s'il est stressé parce qu'il a peur ou parce qu'il est excité. Je pense qu'il a peur et j'aimerais pouvoir le rassurer, pouvoir l'aider à se calmer mais il parle trop, il s'agite trop et j'essaye vraiment de ne pas me laisser envahir par mes émotions, j'essaye de rester calme mais son agitation commence à déteindre sur moi. « Caleb ralentit un peu. » J'essaye de parler doucement pour l'obliger à se concentrer sur moi et sur rien d'autre. J'essaye de rester zen pour nous deux, pour une fois. « Je me sens bien mais j'ai besoin que tu te calmes un peu. » Et que tu ailles t'habiller aussi. Mais je n'ai guère le temps de lui dire, il n'a toujours pas remarqué qu'il était nu sous sa serviette et au moment ou il me prends la main pour m'aider à me lever, je me dis qu'il est totalement à l'ouest le pauvre, chamboulé par l'arrivée de ses filles. « T'es sur que tu oublies rien ? » Je lui repose cette question une nouvelle fois mes yeux fixant son torse nu, mes mains se posent dessus, et je sens son cœur battre vraiment vite et fort dans sa poitrine. Ça, ça m'amuse bien moins d'un coup, je fronce les sourcils, il faut que je fasse quelque chose pour le calmer puisque visiblement il n'y arrive pas tout seul. Debout devant lui, sans rien dire de plus, je pose mes mains sur son visage et je l'embrasse. Il s'agite trop alors je cherche un moyen pour canaliser ses pensées. Mes lèvres sur les siennes, je tente de le calmer un peu. Avec ce geste, j'essaye de le ramener avec moi ici et maintenant parce qu'il n'y a que ça qui compte pour le moment. Je décolle mes lèvres des siennes, et je pose ses deux mains sur mon ventre pour qu'il sente les filles qui bougent. Pour qu'il comprenne que je vais bien et qu'elles vont bien et que c'est ça le plus important pour le moment. Je le regarde plongeant mes yeux dans les siens pour garder son attention. « Tout va bien se passer, tout est prêt, tu as tout revérifié plusieurs fois, alors calme toi. Souffle un peu et arrête de courir partout, on a le temps.» Moi aussi j'ai peur, moi aussi j'angoisse pour l'accouchement et l'après, pour nos filles, pour tout ce qui nous attends mais tout ça je ne le montre pas à Caleb, je ne lui dis rien, parce qu'il semble bien plus paniqué que moi pour une fois. Parce que moi je sais ce qu'il se passe, du moins presque. Je sais tout ça pour l'avoir vécu une fois. Je sens les choses, je les vis et je connais tout ça, pas lui. Et je sais qu'il aime pouvoir contrôler les choses et là pour le coup, tout échappe à son contrôle et il panique et son cœur s’emballe. Pour le moment je peux gérer alors j'essaye de le faire, de gérer pour nous deux, et je sais que ça ne sera pas forcément le cas plus tard, alors j'ai besoin qu'il soit à mes côtés et qu'il soit prêt à me soutenir sans paniquer et pour ça il doit se calmer et je prends le temps pour essayer de le calmer justement. Je lui parle pendant que je le peux encore. « Je t'aime, on va faire ça ensemble. Tu vas voir tes filles dans quelques heures, mais on ne panique pas, tout va bien se passer d'accord ? » Je lui souris, essayant de le rassurer tout en me rassurant aussi finalement, et mon sourire disparait au profil d'une nouvelle grimace. Je porte à mon tour ma main sur mon ventre qui s'est durci brusquement. « Ça va ne t'inquiète pas ... je peux même encore te parler. » Je le rassure alors que je ressens la douleur mais je ne veux pas qu’il s’inquiète trop. Je respire un peu, et je commence à réaliser que je vais vraiment accoucher aujourd'hui, que ce n'est définitivement pas que des fausses alertes. Je peux gérer pour le moment, je peux lui parler, je peux supporter tout ça, mais je sais que dans quelques heures je ne pourrais sans doute plus gérer cette douleur aussi calmement mais pour le moment je vais relativement bien, aussi bien qu'une femme qui s'apprête à mettre au monde deux filles. J'ai peur, vraiment peur pour elles, mais pour le moment je me concentre sur tout ce qui peut me faire penser à autre chose et la vision de Caleb en serviette qui se balade dans les couloirs de la maternité est une pensée sur laquelle je m'accroche pour éviter de me laisser envahir d'émotions « Chou, je sais que tout l’hôpital va me voir nue, et j'apprécie que tu veuilles être solidaire avec moi, mais je préfère que tu sois habillé c'est mieux pour accueillir nos filles. » Je tire sur sa serviette, le laissant nu dans notre chambre et je lâche un petit rire, qui se transforme en vrai éclat de rire. Un fou rire en le regardant nu devant moi, je gère mes émotions comme je le peux et je crois que la rire me permet de ne pas paniquer. « Allez va t’habiller chéri, je te promet de ne pas accoucher dans notre lit alors ne panique pas c’est pas bon pour ton cœur, ménage le un peu parce que cette nuit risque d'être longue et il va être mit à rude épreuve. Et n'oublie pas de mettre ta montre.» Sa fameuse montre qu'il déteste, qu'il ne met que pour me faire plaisir, enfin pour me rassurer. Je veux qu'il la mette, je veux être sûr qu'il ira bien ce soir parce que j'ai besoin de lui, en forme et en vie surtout.
Nothing will ever be the same again. This night changed everything.
C’est le moment. Ces mots résonnent en boucle dans ma tête alors que je commence à m’agiter. Je cours partout de peur d’oublier quelque chose. Malgré les dires du médecin je ne m’y étais pas préparé. Pas encore. Je ne pensais pas qu’Alex accoucherait maintenant, je pensais vraiment avoir encore quelques jours, voire même quelques semaines pour me préparer à ce moment où elle viendrait me voir m’annonçant que le travail avait commencé. C’est de ma faute, j’aurais dû mieux m’y préparer et encore une fois je traîne, je ne suis pas assez réactif alors que je devrais être en capacité de l’emmener à la maternité au plus vite. Encore une chose qui me montre que je ne suis donc pas vraiment à la hauteur. Ça commence mal. Je commence mal. Il faut que j’arrête de paniquer et Alex me le confirme. « Caleb, calme toi. Je vais pas accoucher tout de suite. » À force de m’agiter dans tous les sens je vais finir par la faire stresser elle aussi. Je me sens nul de réagir comme ça, parce que je suis heureux. L’idée de me dire que dans quelques heures Lucy et Lena seront avec nous me rend fou de joie. Mais ça n’enlève en rien la pression et le stress que je ressens en ce moment. Et puis, elle me dit qu’elle ne va pas accoucher tout de suite mais on en sait pas. J’ai lu à plusieurs reprises que quelque fois le travail avance très vite et que la femme accouche rapidement. Peut-être que ça sera comme ça pour elle, on n’en sait rien alors sa tentative de réassurance ne fonctionne pas vraiment. Je rassemble toutes les affaires, je vérifie une nouvelle fois les sacs et alors que je lui annonce que tout est prêt et que nous pouvons partir elle me met le doute en me demandant si je n’ai rien oublié. Je fronce les sourcils, un peu perturbé par sa question et en relevant les yeux vers elle je me rends compte qu’elle est pieds nus. J’y remédie de suite en lui apportant ses chaussures et maintenant je suis sûr qu’on peut s’en aller. Il faut faire vite, parce qu’il y aura peut-être du monde sur la route ? Et s’il y a un accident et donc des bouchons ? Pour toutes ces raisons on ne peut pas se permettre de prendre notre temps mais elle ne semble absolument pas du même avis que moi. Elle semble beaucoup trop calme et sereine, ça me stresse presque encore plus. « Caleb ralentit un peu. Je me sens bien mais j'ai besoin que tu te calmes un peu. T'es sur que tu oublies rien ? » Elle se sent bien mais si je ne me calme pas, ça ne sera sûrement plus le cas. Je dois arrêter de courir partout, je suis en train de la stresser et de l’angoisser alors que jusque-là elle parvenait plutôt bien à gérer ses émotions. Bien mieux que moi du moins. Je me sens nul mais en même temps je n’aime pas l’idée de me dire que nous pouvons prendre notre temps, parce que j’ai peur qu’il se passe quelque chose sur la route et que ça puisse entraîner des problèmes pour l’accouchement. Surtout si on arrive trop tard. Je sais que normalement on a plusieurs heures avant que ça ne devienne urgent, mais je ne peux pas m’empêcher de paniquer. Vraiment pas. Et elle continue à me demander encore et encore si je n’oublie rien, mais je n’arrive pas à voir ce que j’aurais pu oublier. Bref, elle ne m’aide pas à me calmer. Pas du tout. Même quand elle m’embrasse, ça me détend seulement quelques secondes mais dès qu’elle s’éloigne de moi je me remets à chercher ce que j’ai pu oublier, mais je ne trouve pas. « J’en sais rien, je sais pas. J’ai oublié quelque chose ? Dis-moi quoi s’il te plaît, je pensais avoir pensé à tout. Désolé. » Elle me répète après qu’on a le temps mais non, je ne suis toujours pas d’accord avec elle. Enfin oui. Mais non. Je n’oublie pas ce que j’ai pu lire ou voir concernant ces exceptions disant que quelque fois, le travail était très rapide. Et si elle faisait partie des exceptions ? C’est pour ça que je préfère ne pas prendre mon temps, mais elle ne semble pas d’accord avec moi. « Je t'aime, on va faire ça ensemble. Tu vas voir tes filles dans quelques heures, mais on ne panique pas, tout va bien se passer d'accord ? » Je vais voir mes filles dans quelques heures. Et en l’espace de quelques secondes, j’oublie mes peurs, j’oublie mon stress et je souris à cette pensée, passant une main dans mes bouclettes. Dans quelques heures je vais les voir, elles seront avec moi. Et je souris. Jusqu’à ce que je ne la vois grimacer, comprenant alors qu’elle est en train d’avoir une nouvelle contraction. « Tes contractions sont tous les combien de temps ? » Elles me semblent être assez rapprochées ce qui me fait encore plus paniquer, parce qu’on est toujours là dans cette chambre alors que nous devrions déjà être en route dans la voiture. « Chou, je sais que tout l’hôpital va me voir nue, et j'apprécie que tu veuilles être solidaire avec moi, mais je préfère que tu sois habillé c'est mieux pour accueillir nos filles. » Je fronce à nouveau les sourcils au début de sa phrase ne comprenant pas où elle voulait en venir, jusqu’à ce qu’elle ne tire sur ma serviette, et je me retrouve nu. Je comprends tout de suite ce qu’elle voulait me dire depuis tout à l’heure. Mais elle aurait dû me le dire au lieu de tourner autour du pot. Ça semble l’amuser si j’en crois le fou rire qu’elle est en train d’avoir et j’avoue que ce petit incident réussi à me détendre un peu au final. Je souris, légèrement amusé par la situation et je m’éloigne enfin. Je m’habille rapidement et cette fois, je sais que nous sommes prêts à prendre la route.
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C’est officiel, le travail a commencé. Voilà maintenant environ une heure que nous sommes arrivés et Alex a très vite été prise en charge. Reliée à un monitoring afin de permettre aux sages-femmes et infirmières de suivre le rythme cardiaque des filles. Si j’étais complètement paniqué tout à l’heure quand elle m’a annoncé qu’elle pensait que je devrais l’emmener ici, depuis que nous sommes arrivés je le suis beaucoup moins. Je reste un peu stressé, ou anxieux parce que j’ai toujours un peu peur que l’accouchement ne se passe pas bien, mais je sais qu’elles sont entre de bonnes mains, je leur fais confiance. Les yeux rivés sur l’écran du monitoring, je me ronge les ongles d’une main et ma deuxième est partie chercher celle d’Alex. Je fais légèrement trembler ma jambe dans un geste assez nerveux, un peu perdu dans mes pensées je pense que je suis seulement en train de réaliser ce qui est en train de se passer. Alex va vraiment accoucher. La naissance de Lucy et Lena est imminente et alors que cette pensée me traverse l’esprit, je souris. Je me mets à sourire parce que je réalise que dans quelques heures je vais être papa et que ma vie va à tout jamais changer. « Tu te rends compte qu’elles vont bientôt être là, avec nous ? » Je lui demande, brisant un peu le silence qui s’est installé entre nous depuis quelques minutes. « Qu’on va pouvoir les prendre dans nos bras ? » Mon sourire n’a pas quitté mon visage, comme à chaque fois qu’on mentionne nos filles mais encore plus aujourd’hui. Parce qu’elles sont bientôt là. Vraiment bientôt. Et que cette simple pensée suffit à me combler de joie et de bonheur.
Nothing will ever be the same again. This night has changed everything.
« J’en sais rien, je sais pas. J’ai oublié quelque chose ? Dis-moi quoi s’il te plaît, je pensais avoir pensé à tout. Désolé. » A cet instant, j'aimerais pouvoir garder cette image en tête, parce que même si le voir paniquer ne m'aide pas à garder mon sang-froid, le voir en serviette m'annoncer qu'il est prêt à partir, c'est quelque chose d'assez marrant. Même si je sais que je devrais le rassurer, l'aider pour ne pas qu'il panique, j'ai aussi besoin de cette légèreté qu'il apporte malgré lui à la situation. Mais j'essaye tout de même de le rassurer, j'essaye comme je peux. Je l'embrasse, je pose ses mains sur mon ventre, je lui dis que tout va bien, je lui dis que je l'aime aussi, mais même s'il semble se détendre, ça ne dure jamais plus de quelques secondes. « Tes contractions sont tous les combien de temps ? » Je vois qu'il s'inquiète, qu'il s'interroge mais je n'ai pas de réponses précises à lui donner, rien qui puisse le rassurer vraiment finalement, parce que je n'ai pas calculé et aussi parce que je sais que la réponse risquerait de l'inquiéter encore plus. « Je sais pas trop, mais pour le moment niveau douleur c'est gérable donc y'a encore le temps. » Je ne réponds pas réellement à sa question et je répète que l'on a le temps, même si au fond j'en sais rien, un deuxième accouchement ça peut aller vite, ou être lent aussi. La seule chose que je sais, ou presque, c'est que le travail a commencé et que vu le rythme avec lequel reviennent les contractions, il n'est pas prêt de s'arrêter. Mais pour le moment la douleur n'est pas si intense, ce qui me laisse sincèrement penser que le temps n'est pas un problème, pas encore en tout cas et je m'amuse de sa panique un peu. Je m'amuse de le voir prêt à partir à la maternité en serviette, parce que c'est quand même assez comique comme détail, un détail qui prouve à quel point il peut être paniqué par cette nouvelle inattendue. Mais moi ça me détends un peu, ça me permet de ne pas paniquer, ça me permet de rire un peu alors que je devrais sans doute paniquer aussi alors que nous nous apprêtons à partir à la maternité pour accueillir nos deux filles avec un peu d'avance. Il me laisse seule quelques minutes le temps de s'habiller et j'en profite pour caresser un peu Dobby. Il était auprès de Caleb quand il allait mal, il est venu prêt de moi quand j'ai commencé à ressentir les premières contractions douloureuses, et là il me permet de me concentrer sur quelque chose de concret, il me permet d'éviter de me perdre dans mes pensées, je me concentre sur lui le temps que Caleb arrive pour nous conduire à la maternité et une fois habillé, cette fois je le suis jusqu'à sa voiture, jetant sur mon passage un dernier regard vers la chambre de nos filles. Elles seront bientôt là, en tout cas tout est prêt pour leurs arrivées.
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Depuis que nous sommes arrivés ça a été un peu agité, entre les premiers examens dans une salle pour confirmer le début du travail, le déplacement dans une autre après qu'ils aient confirmé que l'accouchement aurait bien lieu dans les heures à venir, encore d'autres examens, la mise en place du monitoring, j'ai l'impression d'avoir répondu à une cinquantaine de questions, toutes plus ou moins identiques, et d'avoir déjà eu trop de personnes qui ont touché cette zone de mon corps. Et le pire dans tout ça, c'est que je sais que ce n'est que le début, mais j'ai besoin d'être un peu seule avec Caleb maintenant. J'ai besoin de pouvoir souffler et respirer alors que je prends peu à peu conscience de ce qu'il se passe réellement. Enfin, j'en avais conscience, je le savais mais être dans ce lit rends les choses tellement plus concrètes. Plus concrètes mais aussi tellement plus flippantes. On y est, dans quelques heures elles seront là et je réalise que je vais devenir mère. Pour la seconde fois je m’apprête à accoucher mais je vais devenir mère pour la première fois finalement et j’ai peur de ce que je vais ressentir. J’ai peur parce que mon passé rends tout ça très étrange, et déstabilisant. Je me revois dans ce lit d’hôpital, toute seule avec des douleurs atroces attendant que l’on vienne me prendre ce bébé dont je ne voulais pas. C’était ça la réalité de mon premier accouchement. Des douleurs, des pleurs, la solitude et puis plus rien. Le vide en moi. Et malgré moi j'y repense, les yeux dans le vide je me souviens de ce premier accouchement. Je sais que ce jour là j’ai commis une erreur, sans doute la pire, la seule que je ne peux pas me faire pardonner. Et aujourd’hui, tout ce que je vis me rappelle ce moment. Ce silence dans cette chambre alors que ni Caleb, ni moi ne parlons, ce calme me rappel beaucoup trop de choses et je n’aime pas ça. Heureusement sa main est dans la mienne, je peux le sentir, je peux le voir aussi et ça me rassure immédiatement. Ce n’est pas pareil. Je ne dois pas penser à cet accouchement même si la douleur commence à me rappeler des souvenirs pas très joyeux. Je regarde Caleb et je le vois sourire. Je le regarde légèrement surprise de le voir sourire ainsi, il semble plus posé, et si avant c'était tout son corps qui s'agitait, cette fois il n'y a que sa jambe qui tape le sol. Je le regarde et avant même que je n'ai pu lui demander pourquoi il sourit ainsi, il brise le silence. « Tu te rends compte qu’elles vont bientôt être là, avec nous ? Qu’on va pouvoir les prendre dans nos bras ? » C'est donc ça qui le fait sourire, l'arrivée à venir de nos filles, le fait qu'il semble réaliser ce qui se passe sans paniquer cette fois. Je me rends compte qu'elles seront bientôt là mais même si l'idée de les tenir, de les voir enfin, me comble de joie, j'ai réellement peur pour elles et pour la suite. Peur de ne pas y arriver. A accoucher, à les protéger, peur d'échouer en tant que mère et leur arrivée imminente ne fait que raviver mes doutes à ce sujet. J'ai peur de ne pas être à la hauteur pour elles tout simplement, et je m'en veux de ne pas avoir réussi à les garder encore un peu plus longtemps. « Oui, oui je commence à bien réaliser là, notre vie va changer chéri. » Et j'ai peur, tellement peur ! Je garde mes peurs et mes doutes pour moi, je lui souris. Un sourire tendre parce que je veux vraiment pouvoir les voir, je veux vraiment les avoir avec nous, pouvoir les regarder, les toucher, les entendre respirer. Je veux tout ça, même si je ne sais pas si je suis prête, cette fois il n'y a plus de retour en arrière possible et je veux que tout se passe bien, et vite pour m'assurer qu'elles aillent bien. Mais j'ai quand même très peur. Et mal aussi, alors qu'une contraction plus intense et plus longue me fait bouger un peu dans mon lit à la recherche d'une position plus confortable pour gérer cette douleur. « Ça fait un mal de chien putain. » Je soupire. La douleur est de plus en plus intense, et je serre la main de Caleb un peu plus fort à chaque contractions, et si cette douleur pour Nathan j'ai pu la gérer, cette fois je sens que ça ne sera pas forcément le cas alors que je me sens déjà fatiguée et que la douleur me fait me tortiller en grimaçant. Je laisse la contraction passer, avant de me concentrer à nouveau sur Caleb, sur sa présence qui m'est indispensable aujourd'hui plus que jamais. Il était pas là la première fois et tant qu'il reste avec moi, je peux éviter de me replonger dans mes souvenirs. Je dois éviter à tout prix pour lui et pour nos filles. Je me redresse dans le lit, je m'assoies un peu, les pieds hors du lit, me remettant de cette contraction plus intense que les autres, je me penche vers lui pour l'embrasser et je pose ma tête sur son épaule, me reposant sur lui quelques secondes. J'ai tellement besoin de sa force, de sa présence. Les filles bougent beaucoup et je regarde un peu leur rythme cardiaque, j'ai tellement peur qu'il leur arrive quelque chose. Je regarde à nouveau Caleb, je pense à lui, à nous et je me concentre sur ça, sur ce que l'on est en train de vivre, sur l'amour que je ressens pour lui à ce moment précis. « Tu réalises que l'on vit nos derniers moments à deux là ? Ça va aller, tu tiens le coup ? » Nos derniers moments sans enfants, nos derniers moments de couple avant de voir notre famille se construire avec l'arrivée de nos deux filles. Nous allons devenir des parents, et c'est une pensée assez folle finalement. Du moins pour moi. « Tu vas bientôt être papa et je sais que tu en seras un formidable. Merci d'être là à mes côtés. Je t'aime tellement, je n'aurais pas envisagé pouvoir faire ça avec un autre que toi. » Je lui souris sincèrement en lui disant ces quelques mots, une pointe de nostalgie dans la voix. Je sais à quel point il a attendu ça, à quel point c'est important pour lui d'avoir des enfants et c'est pour bientôt. Pour très bientôt alors que les contractions se rapprochent encore, ma tête sur son épaule, ma main qui serre la sienne, l'autre qui serre sa cuisse, j'ai extrêmement mal, peut-être que lui aussi à cause de moi, et je lutte pour ne pas crier et lâcher d'autres insultes, je respire comme je le peux alors que l'intensité de la douleur semble avoir encore augmenter d'un cran depuis quelques minutes. « Tu peux les appeler, je veux la péri, j'y arriverai pas sinon et je crois que je viens de perdre les eaux. » Je suis trempée, et j'ai décidé d'arrêter de lutter et de demander la péridurale, de toute façon pour un accouchement gémellaire on me l'a clairement et très fortement conseillé et j'en ai besoin parce que j'ai vraiment mal et j'ai peur que cette douleur m'empêche de maîtriser toutes mes émotions, j'ai peur de craquer, peur tout simplement d'être incapable de répondre présente au moment important et de mettre en danger mes filles. Alors j'ai besoin de la péridurale pour pouvoir être plus calme, plus sereine et pouvoir gérer les minutes et les heures à venir sans paniquer.
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Plusieurs longues, très longues minutes après ma demande, je vais avoir le droit à ma péridurale et vu la douleur que me procure chacune des contractions, ce n'est clairement pas du luxe parce que je ne gère plus grand chose à ce moment précis, me reposant sur Caleb à chaque contraction. Et s'il y a une chose de l'accouchement que je ne connais pas c'est bien la péridurale. Je réalise à cet instant que Caleb va devoir sortir, au moment ou justement on lui demande de quitter la pièce. Et d'un coup je me sens mal. Très mal, envahi par l'émotion et la douleur. Me retrouver seule avec les contractions, je ne peux pas. Me retrouver seule tout court je ne peux pas. Parce que j'ai besoin de lui que parce qu'être seule me renvois à des souvenirs auxquels je ne peux pas penser, pas maintenant. « J'ai peur. » Cette fois je le dis, je ne le cache plus et pour la première fois depuis qu'on est là, je lui dis que j'ai peur. Je prends la main de Caleb que je serre déjà depuis un moment maintenant, mais si j'ai réussi à rester plus ou moins calme depuis le départ de chez nous, si j'ai réussi à canaliser mes pensées et mes doutes, cette fois je me sens sur le point de craquer, de paniquer et je ne peux pas. Pas maintenant, pas alors que nos filles ont besoin de moi. Alors que le travail est déjà bien avancé, alors que j'ai supporté la douleur des contractions jusqu'à maintenant. « J'ai peur, me laisse pas. Reste ici, je ne veux pas de la péri sans toi. » Je craque légèrement, enfin je panique enfaîte, je m'agite mais même si la douleur est devenue très très compliquée à gérer, je préfère ça à l'idée de le voir sortir, à l'idée d'être toute seule. C'est totalement bête mais tout mes doutes semblent surgir au moment ou on lui a demandé de sortir de la pièce. Parce que je tenais le coup devant lui, je tenais pour ne pas l'inquiéter et parce qu'il était là pour me rassurer, et que l'on vivait ça ensemble, sauf que s'il part, je vais m'effondrer. « Je suis pas prête, et elles n'ont plus, c'est trop tôt. » Et toutes les peurs que j'ai pu avoir durant la grossesse ou depuis le début du travail arrivent à ce moment, je ne gère plus rien. Je suis fatiguée, j'ai mal, j'ai peur et je crains de ne pas y arriver. De ne pas réussir à les mettre au monde toutes les deux, de ne pas réussir à être une mère pour elles. Et je suis terrifiée à l'idée qu'elles n'aillent pas bien, terrifiée à l'idée qu'on me les arrache, à l'idée de les entendre sans pouvoir les voir, à l'idée de ne jamais voir leurs visages à elles aussi. J'ai peur, je suis même affolée par l'intensité des choses que je ressens. Mes peurs se mélangent à la douleur et à la fatigue et je craque devant Caleb, devant la sage-femme. Je craque, et je parle encore et encore pour évacuer ce que je ressens, le trop pleins d'émotions que j'ai gardé depuis quelques heures. Je n'entends plus ce que l'on me dit, je ne ressens que le stress qui me gagne peu à peu. « Je vais pas y arriver sans toi, j'ai besoin de toi. » Une contraction arrive, je la sens mais je ne l'accompagne pas, je la subis totalement, je serre la main de Caleb, je serre le draps. J'ai mal vraiment mal, et je sais qu'elles vont naître, pas dans l'immédiat, ou du moins je ne pense pas, mais bientôt elles seront là et je crois que je réalise seulement maintenant tout ce que ça implique. Je vais devenir maman de deux petites filles, la vie de deux tout petits bébés va dépendre de moi, et c'est beaucoup de responsabilité d'un coup. La responsabilité de les mettre au monde d'abord, puis ensuite de les protéger, de les aimer, de les accompagner dans la suite de leur développement. C'est beaucoup de responsabilité. Et ça commence aujourd'hui, avec cette naissance prématurée. J'ai déjà échoué dans mon rôle de les protéger, et je me sens coupable de ne pas avoir pu les garder encore au chaud plus longtemps. Je me sens coupable d'être incapable d'être forte pour elles. Je me sens coupable aussi d'avoir abandonné mon premier enfant alors que je m'apprête à donner naissance à Lucy et Lena. Je me sens coupable de craquer à ce moment précis. On me parle, une voix féminine me parle mais je cherche Caleb, j'ai besoin de lui, besoin qu'il me rassure et qu'il me dise qu'il sera là, qu'il ne me laisse pas, que je ne serais pas seule, que tout va bien se passer. Que l'on va faire ça ensemble. Je le sais déjà tout ça mais j'ai besoin de l'entendre à ce moment précis. D'entendre sa voix, de sentir sa présence. Je veux être forte pour nos filles et j'ai essayé de l'être, de toutes mes forces j'ai essayé de ne pas paniquer depuis le moment ou j'ai réalisé que c'était le début du travail jusqu'à maintenant, j'ai tenu. Malgré mes doutes et mes peurs, mais là c'est peut-être trop d'émotions, trop de douleurs, trop de fatigues, trop de souvenirs aussi. Je serre une main, la sienne que je refuse de lâcher, j'ai déjà vécu un accouchement sans lui, je n'en vivrais pas deux. J'ai juste besoin qu'il me le dise, que tout ira bien et je sais que je pourrais le croire, parce qu'il est le seul qui puisse me rassurer quand je craque et là, je craque et je m'en veux de craquer.
Nothing will ever be the same again. This night changed everything.
Depuis que nous sommes à la maternité je me sens un peu plus serein, bien que toujours un peu stressé mais dans un moment pareil je pense que c’est tout à fait normal. Ce sont des drôles de sensation que je ressens. Partagé entre la joie le bonheur et le stress ou la peur. Mais je pense que maintenant je suis surtout heureux. Heureux de réaliser que nous vivons nos derniers moments à deux, que dans quelques heures Lucy et Lena seront parmi nous. Dans peu de temps je serai officiellement papa de deux petites filles. Ces enfants dont je rêve depuis si longtemps et que je n’attendais plus. Je suis heureux de me dire qu’elles sont sur le point de pointer le petit bout de leur nez. Mais en attendant il faut patienter encore un peu. J’ai attendu un peu plus de sept mois alors je pense pouvoir attendre encore quelques heures, je ne suis plus à ça près. « Oui, oui je commence à bien réaliser là, notre vie va changer chéri. » Notre vie va changer mais ça ne me fait pas peur, et je souris encore. Du moins ce n’est pas ça qui me fait peur. Pas du tout. C’est simplement l’accouchement. J’ai le sentiment que ça ne va pas se passer comme prévu et si vous saviez à quel point j’espère me tromper mais je ne pense malheureusement pas. Sûrement parce que j’ai l’impression de porter la poisse et qu’avec moi rien ne se passe jamais comme prévu. Alex commence à gigoter, elle bouge dans son lit, ça veut en général dire qu’une contraction arrive. Et sa main qui se resserre – beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup – autour de la mienne me le confirme. « Ça fait un mal de chien putain. » On ne pourrait pas croire mais je vous assure qu’elle a une force complètement démesurée. Je grimace et alors que son étreinte sur ma main ne se desserre pas, je ne peux empêcher une remarque. « Aïe ! Tu me fais mal. » Et ça vient du cœur parce que je vous assure que j’ai l’impression qu’elle vient de me broyer la main. Mais sur le coup je ne réalise pas tout de suite que je viens de me plaindre d’une douleur trop forte à une femme qui est en plein travail et qui va bientôt accoucher. Je relève les yeux vers elle et c’est seulement quand je vois le regard qu’elle me lance que je me rends compte que ma plainte n’est pas du tout justifiée – et à juste titre. – « Désolé.» Je me fais presque tout petit maintenant, je ne parle plus mais maintenant que la contraction est terminée je libère ma main de la sienne pour la bouger un peu tout en grimaçant – parce que je vous assure qu’elle m’a vraiment fait mal. – Heureusement elle ne semble pas m’en vouloir, du moins pas très longtemps parce qu’elle est maintenant assise au bord du lit et elle m’embrasse avant de poser sa tête sur mon épaule. « Tu réalises que l'on vit nos derniers moments à deux là ? Ça va aller, tu tiens le coup ? » Mes sourcils se froncent légèrement ne comprennent pas réellement pourquoi elle me demande si je tiens le coup. Moi ça va, même ma main se porte plutôt bien – du moins jusqu’à la prochaine contraction. – « C’est plutôt moi qui devrais te poser cette question. Comment tu te sens ? Ça va ? Tu as besoin de quelque chose ? Un café ? Un thé ? Du chocolat ? De l’eau ? Tu veux manger quelque chose ? Dis-moi si je peux faire quelque chose pour t’aider. » Je me sens impuissant et je déteste ça. Je dois la regarder souffrir, je suis complètement inutile et c’est aussi ce qu’elle doit se dire. « Tu vas bientôt être papa et je sais que tu en seras un formidable. Merci d'être là à mes côtés. Je t'aime tellement, je n'aurais pas envisagé pouvoir faire ça avec un autre que toi. » Tu vas bientôt être papa. Bien sûr que je souris en entendant ça. Comment ne pas sourire ? Cette phrase me comble et me rend fou de joie parce que c’est vrai, je vais bientôt être papa et si elle m’affirme que je serai bon dans ce nouveau rôle j’ai forcément toujours un peu de mal à la croire, parce que je me pose encore beaucoup de questions, mais je ne lui dis rien de tout ça. Je souris. Simplement. Et je l’embrasse aussi, remontant ma main sur sa joue. « Je t’aime tellement mon amour. Tu vas être une maman incroyable. Tu es forte, tu peux être fière de toi. Moi je le suis. » J’essaie de lui donner de la force par les mots, je ne suis pas sûr que ça va réellement marcher mais j’essaie du moins. Je fais tout ce que je peux pour l’aider à passer cette épreuve peu appréciable et très douloureuse pour elle. Je sais qu’elle a une autre contraction puisque je sens sa main serrer la mienne – et ça fait toujours aussi mal, mais je ne dis rien – l’autre serre ma cuisse. « Tu peux les appeler, je veux la péri, j'y arriverai pas sinon et je crois que je viens de perdre les eaux. » Elle me dit ça d’un air si calme que ça me perturbe complètement. Je me lève, je recommence à paniquer et je constate qu’elle a effectivement perdu les eaux. Je passe mes mains dans mes cheveux et pendant un quart de secondes j’oublie tout et je ne suis plus capable de faire quoique ce soit. Je reprends très vite mes esprits, et heureusement. « Ok…Euh…tu-tu devrais pas rester au bord du l-lit comme ça. Allonge-toi, je vais les chercher. » Quand je recommence à bégayer comme ça, c’est bien le signe qui trahit mon état de panique. À chaque fois que je bute sur un mot je ferme les yeux, je finis par parler doucement ce qui m’aider bien à l’élocution. Une fois le calme – plus ou moins – repris je quitte la chambre pour prévenir les sages-femmes.
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Il y a du monde dans la chambre, les soignants s’agitent et préparent tout le matériel dont ils vont avoir besoin pour la péridurale. Les contractions sont de plus en plus rapprochées et semblent de plus en plus fortes si j’en crois les mains d’Alex qui serrent les miennes. « Respire mon amour, tu t’en sors très bien. » Je murmure ces quelques mots avant de déposer un léger baiser sur son front, comme pour lui donner du courage. Et du courage, elle va en avoir besoin puisqu’on me demande de quitter la chambre pendant le soin. Elle a peur, je le sais, je la connais et surtout, elle le dit très clairement. « J'ai peur, me laisse pas. Reste ici, je ne veux pas de la péri sans toi. » Je regarde les sages-femmes qui me font comprendre du regard que je vais vraiment devoir sortir. Ça m’embête, parce que je ne veux pas la laisser seule alors qu’elle vient très clairement de me dire qu’elle a peur et qu’elle pourrait refuser la péridurale en mon absence. « Bébé, ça va bien se passer, d’accord ? C’est juste pendant quelques minutes et après je ne te quitte plus. Je te le promets. » J’ai même l’impression qu’elle lutte pour ne pas pleurer et la voir dans cet état me brise le cœur. Je ne veux pas partir mais je n’ai malheureusement pas le choix. Moi aussi, je veux rester. « Je suis pas prête, et elles n'ont plus, c'est trop tôt. » Et si elle avait raison ? Si c’était trop tôt ? Elle commence presque à me faire peur aussi mais je ne lui montre pas, je ne peux pas me permettre de lui montrer que moi aussi j’ai peur. « Si tu es prête, je t’assure que tu l’es. Crois en toi un peu, d’accord ? Moi je crois en toi. » J’essaie de me montrer rassurant même si je vois très bien que j’en suis apparemment incapable. Elle panique toujours autant et je ne sais plus quoi faire et quoi lui dire pour la calmer un peu. Pourtant j’y arrive en général mais pas aujourd’hui. « Je vais pas y arriver sans toi, j'ai besoin de toi. » J’attends que sa contraction passe et dorénavant les sages-femmes sont vraiment prêtes et n’attendant plus que ma sortie. Je pose mes deux mains sur son visage la forçant ainsi à me regarder. Je plonge mes yeux dans les siens et je reprends la parole. « Ça va aller ma chérie, je te promets que tout va bien se passer, d’accord ? Respire. Tu vas y arriver parce que tu es forte, Alexandra Clarke et crois-moi quand je te dis ça. Moi je crois en toi, je sais que tu vas tout gérer comme une cheffe. Et c’est juste l’histoire de quelques minutes, après je reviens avec toi pour ne plus te lâcher d’une semelle. Je t’aime. Tu vas y arriver et tout va bien se passer, d’accord ? » J’ai l’impression de toujours dire la même chose et de ne pas être très convaincant, mais je l’embrasse pour lui donner un peu de force, puis mes lèvres remontent sur son front et je lui murmure une dernière fois que je l’aime avant de quitter enfin la chambre. Je sais que ça ne devrait pas être très long mais pourtant les minutes que j’ai passées m’ont semblées comme étant une éternité. Je profite de ce temps pour descendre fumer une cigarette assez rapidement pour être sûr d’être là quand le personnel ressortir de sa chambre. Je ne profite même pas de la cigarette tant je la fume rapidement mais j’ai bien fait, parce que en remontant je les vois ressortir de la chambre du bout du couloir. J’avance rapidement vers la chambre d’Alex et je toque une fois avant d’entrer. « Comment tu te sens ? T’as besoin de quelque chose ? » Je lui demande en avançant vers elle. Je l’embrasse une nouvelle fois et m’assois sur le petit fauteuil. « Ça a été ? Tu te sens mieux ? T’as plus mal ? » Je lui pose tout un tas de questions, je ne la laisse même pas répondre et j’en pose des nouvelles mais j’ai besoin qu’elle me dise qu’elle se sent plus apaisée, parce que sinon mon stress ne va jamais redescendre.
Nothing will ever be the same again. This night has changed everything.
J'ai mal, de plus en plus et ça revient toujours un peu plus vite. Je sais ce que ça signifie et si clairement ce n'est pas quelque chose d'agréable, loin de là, je sais que c'est inévitable pour faire avancer le travail. C'est normal, je le sais mais franchement ça n'aide pas vraiment à supporter la douleur. Pourtant je suis préparée à ce genre de douleur, enfin je les connais, je l'ai déjà vécu une fois et si je suis souvent incertaine sur pleins de choses, je pensais pouvoir gérer cette douleur. J'essaye vraiment, je me concentre sur ma respiration, je bouge un peu pour trouver la position la plus acceptable, et je serre la main de Caleb. Je lui broie la main serait même un terme plus juste, mais même si je n'ai aucune intention de lui faire mal, visiblement il a quand même mal et il s'en plaint. « Aïe ! Tu me fais mal. » Je lève les yeux vers lui, tout en serrant les dents et je pense que le regard que je lui présente est assez éloquent pour que je n'ai pas à ajouter quelque chose. De toute façon, clairement je ne peux pas lui parler, pas tout de suite alors que je n'ai qu'une envie, lâcher tout les jurons que je connaisse alors que les douleurs dans le dos sont d'une intensité nouvelle. Je respire doucement, mes doigts desserrent peu à peu leurs étreintes sur la main de Caleb alors que la douleur diminue. Je regarde Caleb, toujours le même regard, un regard noir alors qu'il se plaint d'avoir mal et je mets un peu plus de temps à récupérer. « Désolée que tu ais mal, vraiment désolée, c'est vrai que pour moi c'est le pied en ce moment. » Je m'en veux presque automatiquement de ma réponse sarcastique et un peu froide. Je me laisse avoir par l'émotion du moment et surtout par la douleur. Il s'excuse et je vois qu'il se rends compte qu'il n'aurait sans doute pas du dire ça, et comme pour passer à autre chose, oublier sa remarque et la mienne, je me redresse vers lui. Je profite de ce petit répit entre deux contractions pour me rapprocher de lui, l'embrasser et le sentir contre moi. Et puis assisse, je crois que je suis mieux finalement, ma tête contre lui, le dos penché, je suis définitivement mieux et si moi je sais ce qui m'attends, je sais que lui non. Et je me demande ce qu'il ressent vraiment à ce moment, autre que la douleur dans sa main. Le rythme cardiaque des filles est bon, je m'en assure régulièrement, les yeux rivés dessus entre les contractions, le mien est sans doute un peu élevé mais avec l'intensité des contractions rien d'anormal, mais je ne sais pas comment est le sien. Je ne sais pas comment il vit ce moment si spécial pour nous et je ne sais pas s'il tient le coup. Si l'attente n'est pas trop longue, si son stress n'est pas trop grand, s'il va pouvoir tenir à mes côtés jusqu'au bout sans craquer, parce que j'ai réellement besoin de lui. Mais je ne lui dis pas encore, parce que je ne veux pas lui mettre de pression supplémentaire. Il est là et c'est tout ce qui compte. « C’est plutôt moi qui devrais te poser cette question. Comment tu te sens ? Ça va ? Tu as besoin de quelque chose ? Un café ? Un thé ? Du chocolat ? De l’eau ? Tu veux manger quelque chose ? Dis-moi si je peux faire quelque chose pour t’aider. » Il ne réponds pas du tout à ma question, par contre il m'en pose beaucoup trop, des questions auxquelles je n'ai même pas le temps de lui donner une réponse tant il parle et je finis par déposer mon doigt sur ses lèvres pour qu'il ne pose pas d'autres questions. « Tu es là et c'est tout ce dont j'ai besoin. Toi et un peu d'eau. J'ai juste mal et chaud. » Je n'ai absolument pas faim, et je pourrais lui dire comment je me sens, mais je crois que ça ne l'aiderait pas et moi non plus. Lui dire que j'ai mal, tellement mal, que je ne me souviens pas d'avoir eu mal à ce point dans les reins pour Nathan ce n'est clairement pas une information que j'ai envie de lui partager. Et puis il le voit de toute façon que j'ai mal, alors je préfère ne rien ajouter qui pourrait l'inquiéter ou le perturber. J'ai besoin de lui serein et fort à mes côtés. Je le remercie d'être là, parce qu'au fond pour le moment c'est vraiment tout ce dont j'ai besoin, lui et qu'on m'aide avec cette douleur mais ça je suis la seule à pouvoir en faire la demande. Je le regarde quelques secondes, alors que je lui annonce qu'il va bientôt être papa, qu'il va être le père de mes enfants. Nos enfants, nos filles pour être plus précises. Il m'embrasse alors que le sourire qu'il affiche réussit à me faire sourire aussi. Sa main sur ma joue, je ferme les yeux quelques secondes pour apprécier ce contact, la douceur de ses gestes. « Je t’aime tellement mon amour. Tu vas être une maman incroyable. Tu es forte, tu peux être fière de toi. Moi je le suis. » J'ouvre les yeux, sincèrement touchée par ses mots. Il le sait que je doute, beaucoup, que je ne suis jamais fière de moi, et l'entendre me dire qu'il pense que je vais être une maman incroyable ne me laisse pas indifférente, surtout maintenant qu'elles s'apprêtent à entrer dans nos vies. Il est fier de moi, et ça aussi c'est important. Son avis a toujours compté plus que celui de n'importe qui, alors qu'il soit fier, après tout ce que je lui ai fais vivre, c'est plus qu'important à mes yeux. « Je ne sais pas ce que j'ai fais pour mériter de t'avoir pour moi toute seule, mais tu es tellement parfait, tu es sur que tu es humain ? » Je tente une petite blague alors qu'il a fait monter l'émotion en moi et que je ne veux pas craquer, pas maintenant alors qu'une nouvelle contraction arrive et avec elle la douleur. Ma tête sur son épaule, mes mains qui agrippent certaines parties de son corps, je sens que je n'y arrive plus. Je ne gère plus ma respiration, je ne trouve plus de position qui puisse m'aider à soulager un peu la douleur, et au moment ou je sens la tension et la douleur atteindre encore un autre seuil, je sens la poche des eaux se rompre au même moment. Je reprends mes esprits, et au même moment je demande à Caleb de les appeler, enfin décidée à accepter qu'on m'aide à gérer la douleur avec la péridurale, avant qu'il ne soit trop tard et que je craque sous la douleur. Encore un peu remuée par la douleur, je lui annonce simplement que je viens de perdre les eaux et c'est en le voyant s'agiter et en l'entendant bégayer que je me rends compte que c'est pas anodin ce que je viens de lui annoncer. « Ok…Euh…tu-tu devrais pas rester au bord du l-lit comme ça. Allonge-toi, je vais les chercher. » Je fais ce qu'il me dit, je me rallonge tout en réalisant peu à peu que l'on vient de passer une nouvelle étape avec la rupture de la poche des eaux, et je ne pense plus qu'à une chose à ce moment, la péridurale. Que l'on me soulage de ces douleurs. Caleb quitte la chambre pour prévenir les sages-femmes, une chose que j'aurais pu faire en appuyant sur un bouton, mais c'est encore une preuve que je ne suis plus totalement lucide à ce moment précis. Les contractions sont de plus en plus longues, et désormais je les crains, je les redoutes et je me sens de moins en moins en capacité de gérer, et je me demande comment j'ai fais pour Nathan. Comment j'ai tenu jusqu'au bout, comment j'ai géré cette douleur, et je repense à Nathan, à ce premier accouchement, et je ne veux pas, vraiment pas. Caleb revient en compagnie d'une sage-femme et après un nouvel examen, elle m'annonce qu'elle va pouvoir accéder à ma demande et que bientôt la douleur sera bien plus gérable et c'est tout ce que je demande à ce moment précis.
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Le personnel médical a fait irruption dans la chambre mais je ne fais pas attention à tout ça, alors que la douleur n'a pas diminué et continue à accompagner chacune des contractions. Vraiment je crois que j'ai atteins le seuil de douleur que je peux supporter et j'ai l'impression que mon corps va lâcher à chacune des contractions désormais. Le seul point positif la dedans, c'est que les jumelles semblent elles bien supporter les contractions, ce qui n'est plus vraiment mon cas. Caleb le ressent, puisqu'il reste tout proche de moi, il me laisse sa main à broyer, et il me parle doucement à chaque contraction restant à mes côtés, me donnant une force pour ne pas que je lâche l'affaire. Je suis à deux doigts vraiment, et au moment ou on lui demande de sortir, je craque. C'est trop. Trop de douleurs, trop de peurs, trop de fatigues. C'est trop et j'ai besoin de lui, sauf qu'on lui demande de me laisser et c'est hors de question pour moi. « Bébé, ça va bien se passer, d’accord ? C’est juste pendant quelques minutes et après je ne te quitte plus. Je te le promets. » J'entends ses mots, enfin je l'entends qu'il me parle, mais la panique m'envahis et je perds toute logique. « Je veux partir avec toi, ramènes moi à la maison de toute façon j'y arriverai pas. » S'il ne peut pas rester ici avec moi, alors je veux qu'on me laisse sortir avec lui, je veux que la douleur s'arrête, je veux que tout s'arrête enfaîte, parce que je me sens envahie par les doutes. Je ne suis pas prête et comme je lui ai dis, je n'y arriverais pas. Je n'ai jamais réussi quoique ce soit de bien, alors pourquoi ça changerait aujourd'hui ? Et moi je ne suis pas prête, et je me mets à penser qu'elles n'ont plus. Parce qu'il est encore trop tôt, parce qu'elles sont trop petites, parce que c'était pas prévu tout de suite. « Si tu es prête, je t’assure que tu l’es. Crois en toi un peu, d’accord ? Moi je crois en toi. » Non je suis pas prête. Je le sais, je le sens, et si j'étais prête je ne paniquerai pas, j'arriverai à gérer la douleur, parce que je l'ai déjà fais et pourtant aujourd'hui je n'y arrive pas, alors j'en déduis que je ne suis pas prête. Je bouge ma tête de gauche à droite, autant pour montrer que je ne suis pas d'accord avec lui, que pour refuser la nouvelle contraction qui me cisaille le dos, qui me fait tellement mal. Il essaye de me calmer mais je n'arrive pas à me concentrer sur lui, je n'arrive pas à entendre ses paroles au milieu des doutes que je ressens, que j'exprime. Mon regard qui se perds dans le vide, je continue de dire que je ne vais pas y arriver, en tout cas pas sans lui. Ses deux mains se posent sur mon visage, contenant sans force ma tête face à lui, me forçant à me concentrer sur une seule chose, sur lui et ses yeux qui me fixent. Et c'est ce que je fais. Je me concentre sur sa présence, puisqu'il est encore là, et je l'écoute, cette fois vraiment. Je n'entends plus que lui, oubliant le personnel soignant autour de nous. « Ça va aller ma chérie, je te promets que tout va bien se passer, d’accord ? Respire. » Je ferme les yeux quelques secondes, et je respire comme il me le demande. Je respire. J'inspire, j'expire dans un rythme régulier pour gérer la panique que je ressens et je me concentre sur ses mots. « Tu vas y arriver parce que tu es forte, Alexandra Clarke et crois-moi quand je te dis ça. Moi je crois en toi, je sais que tu vas tout gérer comme une cheffe. Et c’est juste l’histoire de quelques minutes, après je reviens avec toi pour ne plus te lâcher d’une semelle. Je t’aime. Tu vas y arriver et tout va bien se passer, d’accord ? » Je le crois, je le crois toujours, alors cette fois encore je veux le croire, quand il me dit que je suis forte, j'ai vraiment aussi envie de le croire, j'ai besoin d'y croire. Mon front contre le sien, les yeux fermés, je me répète en boucle ses mots, tout va bien se passer. Il sait que je vais gérer. Il va revenir avec moi. Je vais y arriver, et je ne veux pas le décevoir, je ne veux pas lui montrer qu'il a tord de croire en moi. « D'accord, tout va bien se passer. » Je répète ses mots comme pour les intégrer vraiment et me rattacher à ça pour les minutes à venir. Ma main lâche doucement la sienne, alors que ses lèvres se posent sur les miennes et pendant quelques secondes je me détends. Il m'embrasse le front et je lui murmure quelques mots. « Merci de croire en moi tout le temps. Je t'aime. » Il se détache de moi, il se lève et après une énième demande de la part de l'équipe médicale il s'apprête à sortir. « Tu peux sortir, ça va aller chéri, je peux faire ça mais c'est tout ce que je ferais sans toi. » Et je suis déterminée en faisant cette remarque, déterminée à faire comprendre aux gens présents dans cette pièce, qu'ils devront faire en sorte d'entendre mes mots parce que j'ai réellement besoin de Caleb et si les choses venaient à ne pas bien se passer, il est hors de question que je le vive sans Caleb. La péridurale ça devrait aller, mais pour le reste il devra être avec moi quand les filles arriveront, il me l'a promit de toute façon. La porte se referme derrière lui, je suis seule, enfin pas seule puisqu'il y a du monde dans la salle mais il n'est plus là et je dois gérer toute seule. Je ne dois pas me laisser envahir par les émotions à nouveau, et je me concentre sur les cours de préparation que j'ai fais. Sur ma respiration, sur le rythme cardiaque des filles qui restent réguliers et bons. Dans quelques minutes tout sera fini et Caleb sera avec moi. Assisse en position, je serre les poings, je gère cette nouvelle contraction, je gère mes émotions et j'entends la voix de Caleb qui me répète que je suis forte et que je vais gérer. La contraction s'arrête et c'est à ce moment que le médecin en profite pour me poser cette fameuse péridurale. Et je pense au moment ou la douleur va se calmer, je ne pense qu'à ça et au bout de quelques minutes, le médecin m'annonce que tout est fini et je sens la pression qui redescends, un peu trop. Je vacille un peu mais une fois allongée je me sens mieux, j'ai toujours mal mais savoir que les choses vont s'apaiser dans les minutes à venir m'aide un peu. On me fait un nouvel examen encore, me confirmant que les choses avancent bien et vite, mais je ne pense pas à ça, moi je me détends, je me relaxe attendant vraiment les effets de la péridurale. Je m'allonge, une main sur le ventre, je respire et je me calme. Je repense aux dernières minutes, je me perds dans mes pensées, et c'est la voix de Caleb qui me ramène sur l'instant. « Comment tu te sens ? T’as besoin de quelque chose ? » Je le vois et je lui souris, réellement soulagée de le voir. Il m'embrasse et je lui rends ce baiser, accentuant un peu cet échange. Je sens l'odeur de la cigarette mais je ne lui fais aucune remarque, me contentant de m'excuser. « Ca va, je suis désolée pour tout à l'heure. Je suis désolée. Je n'aurais pas du craquer, elles ont besoin de moi, je suis vraiment désolée. » Je me sens mal d'avoir paniquée, je me sens coupable aussi de ne pas avoir réussi à gérer mes émotions. Je ferme les yeux quelques secondes, je suis tellement fatiguée d'un coup. « Ça a été ? Tu te sens mieux ? T’as plus mal ? » J'entends l'inquiétude au travers de ses questions, et j'ouvre les yeux pour tenter de le rassurer un peu. Je l'ai inquiété, je lui ai sans doute fais peur avec ma panique et je m'en veux vraiment, ce n'est pas comme ça que ça devrait se passer. « Je suis un peu fatiguée mais ça va aller, la panique est finie. Le médecin a dit que ça devrait faire effet totalement dans dix à quinze minutes, mais ça va déjà un peu mieux depuis que tu es là. » Je lui souris pour lui prouver que je suis sincère, que je vais mieux et que je ne risque pas de m'effondrer à nouveau. Les filles bougent encore et je sais que dans très peu de temps je ne sentirais plus ce genre de sensations si particulières. Je ne les sentirais plus en moi puisqu'elles seront avec nous. Et je regarde mon ventre qui se déforme à chaque mouvement des filles laissant parfois apparaître une main ou un pied. Je le regarde et mes doigts glissent au fil des mouvements. C’est nos derniers moments d’échanges, nos derniers moments à nous, juste elles et moi. Les derniers instants où je peux les sentir aussi proches de moi, et je commence presque à me dire que je vais regretter ce lien si particulier que l’on avait toutes les trois. Je laisse ma main sur mon ventre, mon ventre énorme et je regarde Caleb un léger sourire sur le visage. « Tu devrais profiter de mon ventre encore un peu parce que plus jamais tu le verras aussi gros, je veux plus jamais de jumeaux je te préviens ! » Cette grossesse a été relativement dure, imprévue déjà, et entre la perte d'un bébé en début de grossesse, les nausées et la fatigue en grand nombre au premier trimestre, puis ensuite le ventre énorme, les douleurs un peu partout et le manque de sommeil, ça n'a pas été de tout repos mais on arrive au bout là. Vraiment et j'espère désormais que l'accouchement ne sera pas aussi complexe, pas aussi riche en rebondissement. Je commence à ressentir les effets de la péridurale et je me sens définitivement plus calme, plus détendue et ça doit se voir sur mon visage, moins tendue, moins crispée. « Tu sais à partir de maintenant ça peut aller vite, Lucy descends bien c'est ce qu'on m'a dit tout à l'heure. Elles vont être petites. » Je ne sais même pas pourquoi je précise qu'elles seront petites, je le sais, et il le sait sans doute déjà. Elles seront petites, mais elles iront bien, c'est en tout cas ce que j'essaye de me dire parce que de toute façon désormais c'est définitif, elles vont nous rejoindre cette nuit et je n'ai plus qu'à espérer qu'elles aillent bien, et garder mes forces physiques et émotionnelles pour le moment ou elles seront vraiment là et au moment ou je devrais les aider à sortir pour qu'elles ne souffrent pas trop. C'est à ça que je dois penser, et uniquement ça. Et pas à mes questionnements concernant les risques liés à une naissance prématurée. « Tu as pris ton traitement ? Ton cœur ça va là ? Tu me fais pas te frayeur au moment venu. » Je ne sais pas du tout comment de temps il nous reste avant le moment fatidique, mais j'ai vu comment il avait réagi quand je lui ai annoncé avoir perdu les eaux, j'espère qu'il tiendra le coup et que je tiendrais le coup aussi parce que nos filles ont besoin de nous.
Nothing will ever be the same again. This night changed everything.
Ce matin en commençant ma journée je ne pensais pas qu’on la terminerait à la maternité. Ça fait maintenant plusieurs heures qu’on est arrivé et j’ai l’impression que le temps passe à une vitesse folle. Que ce soit aujourd’hui ou même tout simplement ces derniers mois. Je me souviens de cette soirée pendant laquelle elle m’a annoncé être enceinte. Toute une mise en scène avait été pensée et quand elle a prononcé ces mots : « je suis enceinte », j’ai eu beaucoup de mal à y croire, il m’a fallu un long moment pour réaliser ce qu’elle venait de me dire. Enfin en disant long moment je pense surtout à de longues secondes qui ont dû lui sembler comme étant une éternité. J’ai même pensé qu’elle se trompait. Parce qu’elle semblait trop heureuse. Et puis, Alex et heureuse étaient deux mots qui ne collaient pas ensemble quand on évoque une possible grossesse. Encore moins une grossesse avérée. Je me souviens aussi de la première échographie, un peu prématurée puisqu’elle a eu lieu le jour de la fausse couche. Je me souviens de ce bonheur et ce soulagement inexplicable quand j’ai entendu le premier cœur battre. Et comment oublier ce moment de panique en comprenant que nous allions avoir non pas un enfant mais deux ? Et que nous étions censés en avoir trois ? Quand son ventre a commencé à grossir, ou alors quand on nous a annoncé que nous allions avoir deux filles. Je me souviens de la journée où j’ai enfin senti les jumelles bouger. Cette grossesse n’a pas été facile tous les jours surtout pour Alex. Mais ce soir, c’est le grand jour. Dans maintenant seulement quelques petites heures tout ça sera derrière nous et c’est une nouvelle aventure qui nous attend. Mais avant tout ça, il faut qu’Alex accepte la péridurale sans que je sois présent dans la pièce et ça semble assez compromis pour le moment. « Je veux partir avec toi, ramènes moi à la maison de toute façon j'y arriverai pas. » Est-ce qu’elle vient vraiment de me demander à rentrer chez nous ? Je fronce les sourcils ne comprenant pas vraiment pourquoi elle voudrait une chose pareille. Est-ce qu’elle veut vraiment accoucher à la maison ? Sans péridurale ? Sans personnel médical ? Ça serait risqué et même si je comprends bien qu’elle me dit ça parce qu’elle panique, ça ne me rassure pas pour autant. J’essaie de la rassurer et de la calmer mais j’ai malheureusement l’impression que ça ne sert à rien. Elle panique toujours autant, elle ne semble absolument pas rassurée. Je l’embrasse, je la regarde dans les yeux, je la conseille, je lui rappelle de bien respirer comme on lui a appris pendant tous les cours de préparation à l’accouchement où nous avons participé. Et au final je pense que mes efforts finissent par payer. « D'accord, tout va bien se passer. » Mes mains sont toujours sur ses joues l’obligeant d’une certaine manière à me regarder. Mes yeux perdus dans les siens j’hoche doucement la tête comme pour appuyer et confirmer sa réponse. « Tout va bien se passer. » Je répète une deuxième fois, comme pour essayer de lui donner encore plus de confiance. Ou du moins j’essaie. Et j’espère y arriver. « Merci de croire en moi tout le temps. Je t'aime. Tu peux sortir, ça va aller chéri, je peux faire ça mais c'est tout ce que je ferais sans toi. » J’ai l’impression que le personnel autour de nous commence à s’impatienter un peu alors avant de sortir enfin, je m’excuse auprès d’eux et j’embrasse de nouveau Alex rapidement. « Je t’aime. » Je lui vole un nouveau baiser. « Je t’aime tellement. » Et je quitte enfin la chambre laissant Alex seule avec les sages-femmes et infirmières. Je la laisse entre de bonnes mains, c’est du moins ce que j’essaie de me dire pour me rassurer. Et au lieu de profiter de ce moment de calme pour appeler mes parents et leur annoncer que dans très peu de temps ils vont être grands-parents, je préfère fumer une cigarette dont j’ai envie et besoin depuis que nous sommes arrivés ici. Mais je ne voulais pas laisser Alex seule cinq minutes alors je suis resté avec elle. Sauf que je ne profite pas vraiment de cette cigarette que je fume rapidement pour très vite remonter et retrouver Alex. J’arrive même pile au bon moment et j’entre dans sa chambre presque au même moment où le personnel en ressort. « Ca va, je suis désolée pour tout à l'heure. Je suis désolée. Je n'aurais pas du craquer, elles ont besoin de moi, je suis vraiment désolée. » Elle s’excuse et je ne comprends même pas pourquoi elle le fait. Je secoue la tête de droite à gauche et lui réponds rapidement. « Arrête, ne t’excuse pas. Je ne t’en veux pas du tout. » Très vite, je reprends ma place à ses côtés, ma main dans la sienne et je lui pose tout un tas de questions à savoir comment elle se sent, si elle a encore des douleurs, si elle a besoin de quelque chose. « Je suis un peu fatiguée mais ça va aller, la panique est finie. Le médecin a dit que ça devrait faire effet totalement dans dix à quinze minutes, mais ça va déjà un peu mieux depuis que tu es là. » J’hoche doucement la tête, rassuré en l’entendant me dire que la panique est derrière elle. « Tu devrais profiter de mon ventre encore un peu parce que plus jamais tu le verras aussi gros, je veux plus jamais de jumeaux je te préviens ! » Ma main quitte la sienne pour se balader sur son ventre ? J’embrasse celui-ci gardant mon visage à quelques centimètres de son ventre pour glisser quelques mots. « J’ai hâte de vous voir les filles. » Ma voix est calme et douce, et je continue. « Et s’il vous plaît, ne faites pas trop mal à votre mère tout à l’heure, faites les choses bien. » Est-ce que je viens de leur demander de tout faire pour que l’accouchement se passe bien ? Oui. Alors que je suis très bien conscient qu’elles ne contrôlent pas vraiment ce genre de chose. Mais je suis bien trop heureux et excité à l’idée de les voir. « Tu sais à partir de maintenant ça peut aller vite, Lucy descends bien c'est ce qu'on m'a dit tout à l'heure. Elles vont être petites. » Le sourire présent sur mon visage est énorme, jusqu’à sa dernière phrase. Je ne comprends pas pourquoi elle se sent obligée de souligner qu’elles seront plus petites que je ne peux l’imaginer. « C’est vrai ? Tu crois qu’elles vont être trop petites ? Que c’est trop tôt ? Qu’elles risquent d’avoir des problèmes ? Tu me fais peur. » Je lui avoue, à la fin. Parce que je n’arrive vraiment pas à comprendre pourquoi elle me dit que nos filles seront petites. Je le sais. Alors si elle se sent obligée de me le dire, c’est peut-être pour essayer de me faire comprendre quelque chose. Elle veut peut-être me faire passer un message et ça ne me plaît pas du tout. « Tu as pris ton traitement ? Ton cœur ça va là ? Tu me fais pas te frayeur au moment venu. » Je recommence à ronger mes ongles et à faire trembler nerveusement ma jambe. Elles vont être petites. Et ce n’est que quand elle me parle à nouveau que je ressors de mes pensées sans pour autant stopper tous les signes montrant ma nervosité et j’hoche positivement la tête. « Non, non, ça va t’en fais pas. » Prendre mon traitement est maintenant devenu une habitude et je ne l’oublie jamais. Au début j’étais obligé de me mettre un rappel tous les jours aux bonnes heures pour être sûr de ne pas l’oublier. Mais tout ça n’est pas important. Pas aujourd’hui. « Mais on s’en fout de moi. Le plus important c’est toi aujourd’hui. Tu vas comment ? Tu te sens mieux ? C’est bon, tu n’as plus mal ? Dis-moi ce que je peux faire pour t’aider ? Les médecins t’ont dit à combien ton col est dilaté ? » La harceler de questions est devenu ma spécialité et elle doit commencer à avoir l’habitude, puisque c’est ce que je fais depuis que nous sommes arrivés ici.
Nothing will ever be the same again. This night has changed everything.
Caleb a toujours eu un effet apaisant sur moi. Sa présence me donne une force que je n'ai pas quand il n'est pas là. Peut-être parce qu'il est le seul qui arrive à me faire croire que je suis forte, alors que je ne le suis pas. Mais avec lui à mes côtés, je sais que je peux l'être ou du moins je veux l'être parce qu'il compte sur moi, parce qu'il croit en moi et je ne veux pas le décevoir. Alors quand il est là avec moi, je peux gérer, ou du moins essayer mais quand on m'annonce qu'il doit partir. Que je dois affronter seule, la seule étape de l'accouchement que je ne connais pas, c'est la panique totale qui m'envahit. Trop de stress, trop de fatigue, trop d'inquiétude alors que je vais devoir le faire seule. Je craque, devant lui, devant le personnel soignant, je craque parce qu'à ce moment je crois vraiment avoir été au bout de ce que je pouvais faire et de ce que je pouvais endurer. Mais il parvient à me calmer, avant de sortir de la salle, il prends le temps nécessaire pour calmer la panique qui m'envahit. Il me calme, il me rassure et il me redonne confiance aussi. Je l'écoute, je le crois, et au moment ou on lui demande à nouveau de sortir, je me sens prête à assurer ou au moins à tenir le coup malgré son absence. Ses mots m'accompagnent durant toute la pose de la péridurale, je me répète que tout va bien se passer, qu'il m'aime, qu'il va revenir et c'est ce qu'il fait. Quelques minutes après, il est de retour avec moi dans cette chambre. Je suis un peu plus calme, un peu moins stressée, et je lui prouve en m'excusant. C'est la première chose que je fais parce qu'il a sans doute eu peur de ma réaction, moi je me suis faite peur en tout cas. Quand je lui ai dis que je voulais rentrer, je le pensais vraiment. J'ai eu peur à ce moment, de l'accouchement mais aussi de la suite, peur d'être confrontée à la réalité, à mes limites, à tout un tas de choses. Mais les effets de la péridurale commencent à faire un peu effet, légèrement pas encore totalement mais la douleur n'est plus aussi seyante, plus aussi insoutenable et je peux me concentrer sur la gestion de mes émotions. Alors même si lui ne m'en veux pas d'avoir réagi de la sorte, moi je me sens mal vis à vis de ce moment durant lequel j'ai totalement perdu le contrôle et je tiens à le rassurer même s'il ne semble pas s'en inquiéter autant que moi. « Je veux pas que tu penses que si j'ai paniqué c'est parce que je ne veux plus de nos filles, j'aime notre famille. » Je caresse sa main doucement avec mon pouce, j'ai fini de lui broyer la main. Certaines contractions sont encore douloureuses mais rien d'insurmontables désormais et le plus dur reste la fatigue désormais. Après plusieurs mois de grossesse, et déjà plusieurs nuits bien agitées, je ne suis pas au top de ma forme, mais elles ne devraient pas mettre très longtemps à arriver et au lieu de me reposer je profite de ces derniers moments, de ces derniers échanges que l'on a elles et moi avant de se rencontrer. Je propose même à Caleb d'en profiter aussi encore un peu. Lui qui a passé la grossesse à caresser mon ventre, à s'extasier aux moindres mouvements des filles, je veux qu'il en profite parce qu'à ce moment précis, je sais que c'est bien la dernière fois qu'il voit mon ventre aussi imposant. Je le regarde en souriant lorsqu'il embrasse mon ventre, sa tête proche de mon ventre, il parle aux filles et moi j'en profite pour passer une main dans ses cheveux. « J’ai hâte de vous voir les filles. Et s’il vous plaît, ne faites pas trop mal à votre mère tout à l’heure, faites les choses bien. » Je souris en l'entendant parler avec elles, en l'entendant demander à nos filles de ne pas me faire mal. « On va faire les choses bien tout les quatre. » Je ne sais pas si je vais avoir mal, je n'ai jamais fais d'accouchement avec péridurale. Je verrais ça, pour le moment je le laisse caresser mon ventre. Les yeux fermés, je sens ses doigts qui bougent sur ma peau et les filles qui bougent de l'autre côté, et je pourrais rester ainsi pendant longtemps. Sauf que je me souviens des mots de la sage-femme après la péridurale, les contractions sont fortes, le col est favorable et la poche des eaux est rompue, jumeau 1 – Lucy – se présente bien, alors ça peut aller vite. Je lui fais part de cette information, puisqu'il n'était pas là pour l'entendre et alors que j'évoque leurs arrivées, je pense à ce terme fixé au début de grossesse. Ce terme que l'on a pas atteint, et l'arrivée prématurée de nos jumelles. J'y pense et alors que je refuse de lui montrer mes craintes liées à la prématurité, légère et loin d'être inhabituelle pour des jumeaux certes, mais prématurité quand même, je lâche malgré moi ces mots, cette information comme quoi elles seront petites. Et je comprends bien vite mon erreur. « C’est vrai ? Tu crois qu’elles vont être trop petites ? Que c’est trop tôt ? Qu’elles risquent d’avoir des problèmes ? Tu me fais peur. » Caleb s'inquiète, son large sourire a disparu, et de nouveau il me pose pleins de questions, jusqu'à avouer que je lui fais peur. Et pour que Caleb avoue qu'il a peur, c'est loin d'être anodin. Je comprends que je n'aurais pas du lâcher cette information ainsi, ses filles c'est déjà toute sa vie. J'ai pu voir comme il a prit soin de moi, soin d'elles aussi par extension, comme il s'est investi dans cette grossesse, comme il a mit toute son énergie et son amour et je sais aussi qu'il s'inquiète. Beaucoup. Pour moi, pour elles, et je viens de lui faire peur sans raison et je me sens conne. Ma main sur son menton, je caresse sa barbe, je le regarde essayant de ne pas lui montrer que la santé des filles me préoccupe vraiment. « Je voulais pas te faire peur. Et puis on a lu pleins de trucs tu te souviens, à ce stade la plupart des bébés qui naissent vont très bien. » Je repense à toutes ces heures à lire des livres sur la grossesse, je repense à tout ça parce que j'essaye de le rassurer et que je n'ai que ça à quoi me raccrocher. Je sais que je suis pas convaincante parce que je n'arrive même pas à me convaincre moi même. « Regarde les cœurs, ils battent bien et la gynécologue avait dit lors de la dernière écho qu'elles étaient en pleine forme. » Encore une tentative ratée, enfin pour moi parce que de toute façon on est proche de l'accouchement et je pense qu'au fond quelque soit le terme de la grossesse je serais inquiète pour elles et pour ce qu'il va se passer. J'espère juste qu'elles vont pleurer, toutes les deux et que je pourrais les voir. « Je sais pas pourquoi j'ai dis ça, tout va bien se passer, pour elles et pour nous. » Je soulève un peu ma tête pour lui voler un baiser, je l'ai angoissé et je ne suis vraiment pas fière de moi. Je le sens ailleurs, et je m'inquiète pour lui, pour son cœur à lui parce que la frayeur qu'il nous a fait reste finalement encore récente et j'ai besoin de savoir qu'il va bien et que toutes ces émotions ne sont pas trop dures à gérer. Ma main sur sa jambe j'essaye de faire en sorte qu'il s'agite moins, qu'il se calme un peu, de mon côté la péridurale semble faire son effet et je me sens un peu mieux, du moins physiquement. Je sens toujours les contractions mais la douleur semble avoir réellement diminuée et j'ai un peu de répit appréciable après cette dernière heure. Il me dit qu'il va bien lui aussi, et pourtant il recommence à me poser pleins de questions auxquelles je n'ai même pas le temps de répondre et que je n'arrive pas à toutes mémoriser. Je reprends sa main dans la mienne, laissant quelques secondes entre ses questions et mes réponses. J'essaye vraiment de rester calme à partir de maintenant. « Le plus important c'est nous. J'aurais jamais réussi à faire tout ça sans toi et ton boulot n'est pas fini, ça ne fait que commencer alors non on s'en fout pas de toi chéri, j'ai encore besoin de toi en bonne santé. » Techniquement c'est sur, sans lui je ne serais pas tombée enceinte, mais ce que je signifie là, c'est bien que grâce à lui, j'ai pu tenir ces derniers mois. Que j'ai pu supporter la grossesse, que j'ai pu tenir sans boire, que j'ai pu gérer mes doutes. Que j'ai accepté aussi de m'engager envers lui, envers nos filles aussi. C'est grâce à lui si j'en suis là aujourd'hui, prête à accueillir notre première fille. « Pour mon col, 7 je crois, je sais plus exactement ce qu'elle a dit, juste après la péri j'étais un peu dans le gaz. Mais je sais qu'elle a clairement dit que Lucy se présentait bien. » Je sais que pour une seconde naissance les choses peuvent aller vite, et j'avais une crainte, celle de devoir accoucher par césarienne. Le risque n'est pas encore écarté loin de là, mais déjà Lucy est bien positionnée et c'est une nouvelle positive, au moins une. « J'aurais envie d'être dans tes bras là et d'avoir nos filles avec nous. » J'aimerais que tout soit fini. Qu'elles soient là avec nous, en bonne santé et que tout le stress de l'accouchement soit loin mais ce n'est pas finit encore. Je lui souris doucement, j'attrape mon téléphone pour mettre un peu de musique, et je prends son bras que je caresse doucement tout en fermant les yeux. Je fredonne quelques paroles des musiques qui passent. Je ne sais pas combien de temps je reste ainsi, à caresser son bras, une main sur mon ventre à sentir mon ventre qui se durcit sans ressentir intensément les douleurs, je les ressens mais de manière bien plus supportables. Ce calme me fait du bien, après la crise durant la pose de la péridurale, je souffle un peu, j'essaye de me reposer pour être prête, pour assurer pour ce qui va arriver et quand ça arrivera, parce qu'à ce moment je devrais assurer, je devrais être prête pour elles. D'un coup, je serre la main de Caleb et j'ouvre les yeux, je respire un coup retenant la panique que je ressens sur le moment. La panique ou l'excitation je sais pas encore mais j'ai un regain d'énergie fou d'un coup. « Chéri ! Je crois qu'elle est là, je suis pas sûre, je sens pas tout, mais j'ai l'impression qu'elle est là vraiment. » Je sers sa main à nouveau, regardant les écrans, regardant le rythme cardiaque et les contractions qui s'affichent sur l'écran, je crois que c'est le moment et cette fois j'ai la lucidité d'appuyer sur la sonnette pour prévenir la sage-femme qui arrive assez vite dans la chambre et après un examen rapide, elle me confirme que la sensation que je ressens est véridique et que cette fois, la naissance est imminente. « T'es prêt à rencontrer tes filles ? » Je tremble un peu. De peur, d'excitation, tout un tas d'émotions que je ressens à ce moment précis. Encore quelques minutes le temps que l'équipe s'installe, encore quelques minutes et je vais devoir pousser. Pour faire naître notre fille, pour pouvoir la tenir contre moi, pour pouvoir la rencontrer et m'assurer qu'elle aille bien. Quelques minutes à attendre durant lesquelles je sers la main de Caleb à nouveau très fort. Je ne dois penser à rien d'autres qu'à ce moment, qu'à Lucy. Une fille après l'autre, une naissance après l'autre, sans penser à Nathan, juste à ce moment si spécial pour Caleb et moi. « Je t'aime. » J'entends l'agitation autour de moi, le personnel qui entre et qui installe tout pour l'arrivée des jumelles, j'entends tout ça mais je me perds dans ses yeux, pendant quelques secondes, il n'y a que nous. Nous deux en tant que couple, avant de devenir nous quatre.
Nothing will ever be the same again. This night changed everything.
Une fois la péridurale passée, Alex semble bien plus à l’aise et moins stressée. Ce qui est aussi mon cas – pour l’instant. – Je suis heureux, tellement heureux, bien que tout de même un peu stressé parce qu’à partir de maintenant je sais que dans très peu de temps le moment sera arrivé. Je sais que dans quelques petites heures on sera tous les quatre dans cette chambre, nos filles dans les bras les yeux pétillants et le regard plein d’amour. Mes yeux pétillent déjà à chaque fois qu’ils se posent sur Alex, parce que je l’aime et que maintenant j’ai l’impression que mon amour pour elle vient de tripler. Je ne sais pas si c’est l’endroit dans lequel nous nous trouvons ou bien l’idée de me dire quand notre famille est réellement en train de se construire, mais j’ai l’impression de l’aimer encore plus que je ne l’aimais il y a vingt-quatre heures. « Je veux pas que tu penses que si j'ai paniqué c'est parce que je ne veux plus de nos filles, j'aime notre famille. » Automatiquement je secoue la tête de droite à gauche comme pour lui signifier que ce n’est en aucun cas ce que je pense. Elle a paniqué, c’est normal et je ne vois même pas pourquoi je lui en voudrais pour ça. « Je sais mon amour, t’en fais pas. » Je lui dis, d’une voix douce et rassurante alors que je viens déposer un léger baiser sur le dos de sa main. Et même si on vient de poser la péridurale à Alex, même si on est tous les deux – tous les quatre – à la maternité depuis de longues heures, je crois que j’ai toujours plus ou moins du mal à réaliser ce qui est en train de se passer. Pourtant je le sais, je sais bien que les filles sont sur le point de pointer le bout de leur nez, je sais que dans très peu de temps on formera enfin, officiellement une famille. Je le sais tout ça. Mais je pense que je ne le réaliserais vraiment seulement au moment où j’entendrai les premiers pleurs des filles. C’est même Alex qui me suggère de profiter une dernière fois de son ventre et de ce contact avec nos filles parce que bientôt, tout va changer. Je suis sur mon petit nuage, bien loin du monde réel. J’en oublie presque qu’Alex n’est pas arrivée jusqu’au terme puisque je me souviens de ce que les médecins nous disaient ; une très grande majorité des grossesses multiples ne vont pas jusqu’au neuvième mois. Je ne pense pas aux conséquences possibles à une naissances un peu plus tôt que prévue, mais Alex me ramène bien vite à la réalité avec une simple phrase ; elles vont être petites. Oui, elles vont être petites, et alors ? C’est grave ? Est-ce qu’elle sent que quelque chose ne va pas ? Est-ce qu’elle sait une chose que moi j’ignore ? C’est sûrement très bête de ma part, mais je commence à paniquer très vite et j’imagine les pires scénarios possibles. « Je voulais pas te faire peur. Et puis on a lu pleins de trucs tu te souviens, à ce stade la plupart des bébés qui naissent vont très bien. Regarde les cœurs, ils battent bien et la gynécologue avait dit lors de la dernière écho qu'elles étaient en pleine forme. » Sa main sur mon menton je la regarde dans les yeux mais mon regard dévie sur l’écran pour vérifier les rythmes cardiaques affichés. Normaux pour des bébés sur le point de naître mais bien trop élevés pour un adulte. Mais j’hoche doucement la tête et mon pied recommence à taper contre le sol. Je suis nerveux mais je pense que dans ce genre de moment c’est normal, non ? « Je sais pas pourquoi j'ai dis ça, tout va bien se passer, pour elles et pour nous. » J’hoche de nouveau la tête, je déglutis et je me frotte les yeux avant de venir lui voler un baiser à mon tour. « Non c’est toi qui a raison, désolé. Je suis vraiment nerveux, je sais pais, j’ai peur qu’il y ait un problème pendant l’accouchement, tout ça semble beaucoup trop beau pour être vrai. » Je me pince les yeux un instant et une main vient se nicher dans mes boucles avant de retrouver celle d’Alex pour entremêler nos doigts. « Mais ça va, t’en fais pas. T’as raison. Ça va aller. » Il faut que je me calme alors j’essaie vraiment de le faire. Peut-être que la vie va enfin se mettre de mon côté et tout va bien se passer. C’est ce que je me répète en boucle à partir de maintenant, même quand Alex me demande si j’ai bien pris mon traitement aujourd’hui, je lui réponds, mais ce sont toujours ces mots qui tournent dans ma tête, sûrement la raison pour laquelle je lui pose de nouveau des millions des questions les unes après les autres. « Le plus important c'est nous. J'aurais jamais réussi à faire tout ça sans toi et ton boulot n'est pas fini, ça ne fait que commencer alors non on s'en fout pas de toi chéri, j'ai encore besoin de toi en bonne santé. » Et je suis en bonne santé. C’est ce que j’aurais peut-être dû lui répondre mais au lieu de ça je choisi un tout autre genre de réponse. « Déjà sans moi tu ne serais jamais tombée enceinte. » Je lui rappelle tout en riant un peu. J’essaie de me détendre et ses paroles me rassurent, Lucy se présente bien. Tout semble être sur le bon chemin et je pense que ça suffit à me rassurer un peu. Pour l’instant.
Je ne sais pas combien de temps s’est écoulé depuis la pose de la péridurale mais nous n’avons pas encore bougé. Alex est toujours allongée dans le lit, moi assis à côté d’elle, ma main dans la sienne et le regard un peu perdu dans le vide. Je suis fatigué et quand je regarde l’heure je comprends pourquoi ; il est trois heures du matin et je ne sais même pas à quelle heure on a été installés ici mais en tout cas, les choses s’accélèrent d’un coup, Alex recommence à serrer ma main et c’est toujours avec la même grimace que j’accueille ce geste. Mais cette fois je m’abstiens de lui dire à quel point elle me fait mal. « Chéri ! Je crois qu'elle est là, je suis pas sûre, je sens pas tout, mais j'ai l'impression qu'elle est là vraiment. » Je relève rapidement la tête vers elle, elle sert encore ma main – ouch – et j’ai l’impression qu’en quelques secondes la pièce se remplie de plus en plus. Je me lève, je m’éloigne un peu pour laisser les médecins l’examiner et nous affirmer que Lucy était sur le point d’arriver. C’est seulement maintenant que je commence – enfin – à réaliser ce qui est en train de se passer. Tout le monde bouge, tout le monde s’agite et d’autres membres du personnel soignant entrent dans la chambre. « T'es prêt à rencontrer tes filles ? » Cette fois, même si j’ai toujours peur, je suis surtout vraiment excité par le moment présent. Je suis heureux et est-ce que je suis prêt à rencontrer mes filles ? Oui. Oui je le suis ! Complètement ! Je n’attends que ça. Un grand sourire se dessine sur mes lèvres et je m’avance de nouveau vers elle pour lui prendre la main. « J’arrive pas à y croire… » Je lui réponds sans que mon sourire ne disparaisse. Il y a du monde autour de nous. Beaucoup de monde mais je n’y prête pas attention. Je pense simplement à nous, à Alex, à Lucy et à Lena. Je pense simplement à notre famille qui sera réellement officielle dans très peu de temps. Jusqu’ici tout a été si rapide mais bizarrement maintenant j’ai l’impression que le temps s’est arrêté. Mes yeux sont perdus dans ceux d’Alex et un petit sourire est collé à mes lèvres. « Je t’aime tellement. » J’oublie que nous ne sommes pas seuls dans la pièce et je l’embrasse doucement et avec une grande tendresse lui montrant tout mon amour et tout le bonheur que je ressens à présent. Les médecins l’installent et s’installent eux aussi et c’est seulement à ce moment-là que je réalise tout le monde présent autour de nous. Des médecins, des sages-femmes des auxiliaires de puériculture, des infirmières…et même si on nous avait prévenu qu’il y aurait du monde, je reste un peu impressionné par le nombre de personnes autour de nous. « Tu vas assurer mon amour. » Je lui murmure ces quelques mots simplement pour lui donner mon soutien et le courage nécessaire pour les minutes qu’elle s’apprête à vivre. Parce que ça ne va pas être facile, ça va être fatiguant et je ne peux malheureusement pas faire grand-chose pour l’aider. J’avais raison parce qu’elle gère comme une cheffe, elle se débrouille plutôt bien, elle suit toutes les instructions du médecin, mon pouce caresse le dos de sa main, je sens mon cœur s’accélérer parce que je suis en train de mourir d’impatience, parce que dans à peine quelques minutes, Lucy poussera ses premiers cris.
Nothing will ever be the same again. This night has changed everything.
La péridurale fait vraiment effet maintenant, et je me sens plus calme, la douleur étant moins intense je peux souffler un peu et profiter des derniers instants à nous. Juste Caleb et moi, dans cette salle d'accouchement et je ne pensais jamais vivre ça, pas avec lui à mes côtés. Enfaîte je ne pensais jamais accoucher à nouveau et pourtant c'est bien ce que je m'apprête à faire. Je profite des mouvements de mes filles une dernière fois, de cette sensation si particulière, de cette connexion que j'ai avec elles, sans être certaine de pouvoir avoir une connexion aussi forte une fois qu'elles seront dehors. Je ne sais pas quel genre de mère je vais être, je n'avais jamais vraiment songé à être mère un jour vraiment alors c'est l'inconnu et c'est totalement intimidant et stressant, mais je tente de ne pas y penser pour le moment. Il y a tellement de choses auxquelles je refuse de penser, soit pour ne pas m'inquiéter, soit pour ne pas inquiéter Caleb, soit pour ne pas avoir à me replonger dans des souvenirs qui pourrait me faire perdre pied et je ne veux pas. Pas aujourd'hui alors que la vie de nos filles reposent sur moi et sur ma capacité à gérer mes émotions et ma force au moment venu. Il y a une inquiétude que je n'arrive pas à taire, et que je partage à Caleb sauf que je me rends compte que lui faire part de mes inquiétudes, l'inquiète lui aussi finalement et ce n'est clairement pas le bon plan. On a encore quelques temps à attendre avant de les rencontrer et même si nos inquiétudes sont légitimes, je ne veux pas qu'elles gâchent nos derniers moments. Je tente de le rassurer, sans grande conviction, mais je dois y croire et lui aussi. Croire que tout va bien se passer pour elles et pour nous. « Non c’est toi qui a raison, désolé. Je suis vraiment nerveux, je sais pais, j’ai peur qu’il y ait un problème pendant l’accouchement, tout ça semble beaucoup trop beau pour être vrai. » Je le regarde et en effet il est nerveux, ça se voit dans son attitude et c'est en partie ma faute, c'est moi qui ait eu la bonne idée de parler de la taille des filles. Ma main se lie à la sienne et je resserre un peu mon étreinte sur sa main. « C'est pourtant vrai, tu vas être papa cette nuit et rien ne va gâcher notre bonheur. » Je sais que je ne maîtrise pas ce qu'il va arriver ensuite, mais il a besoin de croire que tout va bien se passer et moi aussi finalement. J'ai besoin de me dire que ce bonheur ne sera pas perturbé par quoique ce soit, que c'est notre moment, il a mérité que je lui offre un moment parfait, une rencontre sans problème avec ses filles. Il le mérite. « Mais ça va, t’en fais pas. T’as raison. Ça va aller. » Il se raccroche à mes mots et moi je me raccroche aux siens, on s'auto-persuade que tout va bien se passer parce qu'il a besoin d'y croire et moi aussi. Que tout va bien se passer, pour les filles, pour moi et pour lui aussi. Il y a quand même beaucoup trop d'incertitude à ce moment précis, de sujets qui prêtent à stresser, mais il arrive à me faire sourire quand il finit par me rappeler que sans lui je ne serais jamais tombée enceinte, et c'est vrai. Il rit légèrement, je souris aussi, et après l'avoir informé des dernières infos sur l'état de Lucy et l'avancée de l'accouchement, je finis par me détendre un peu. La musique de mon portable qui sert de fond sonore me permet de ne pas me perdre dans mes pensées et je me repose un peu, sans dormir, enfin je crois que je ne dors pas, je reste juste allongée dans ce lit, calme, silencieuse, ma main qui reste malgré tout dans celle de Caleb comme pour m'assurer qu'il est toujours là et qu'il le restera. Je suis incapable de dire si le temps passe vite ou très lentement, j'ai plus trop de notion de quoique ce soit, je profite de ce moment d'apaisement que je ressens depuis la pose de la péridurale. Enfin ça c'est jusqu'au moment ou je ressens quelque chose de différent, une sensation différente, un moment d'agitation qui semble me réveiller totalement et je réalise à ce moment que Lucy est là. Que j'ai besoin de pousser, que j'ai besoin aussi de la présence des médecins. Je serre sa main très fort, je suis à la fois si inquiète et si impatience, si stressée et si excitée, c'est très étrange et ce regain d'énergie que j'ai à ce moment me confirme que c'est le bon moment, que mon corps est prêt. Moi je ne sais pas si je le suis, mais mon corps, Lucy et maintenant l'équipe médicale, tout le monde est prêt, sauf peut-être moi. Et Caleb qui s'est écarté quand tout le monde est entré. Je le regarde, je ne cherche que ses yeux alors qu'on nous confirme que Lucy est bien là, que c'est le moment. Il revient vers moi et me prends la main. « J’arrive pas à y croire… » Au delà de ses mots, c'est son sourire que je retiens, ce sourire si fort, si intense. Un sourire que j'aime tellement. Je ne regarde que lui, ne me laissant pas perturber par la dizaine de gens présents dans la pièce. « Je t’aime tellement. » Il m'embrasse et je prolonge ce moment, ma main derrière sa nuque je le maintiens contre moi juste pour ressentir sa force et son amour, parce que j'en ai besoin à ce moment précis. J'ai besoin de lui, toujours mais aujourd'hui encore un peu plus. « Je t'aime tellement, n'en doute jamais. » Je sens que l'on m'installe, et à ce moment précis je les laisse faire totalement, je me concentre juste sur Caleb. Mes yeux dans les siens, je le regarde avec émotions, je ne regarde que lui parce qu'il m'aide à garder mon esprit calme ou au moins à ne pas me laisser envahir par tout un tas de pensées parasites. Je n'ai rien à dire, rien à ajouter, je reste là à le fixer, l'émotion est assez forte pour que je n'ai rien à ajouter. Tout est en place et je suis obligée de quitter cette bulle dans laquelle j'étais si bien avec Caleb, parce que c'est à moi que l'on s'adresse désormais et je vais être obligée d'écouter et de participer de façon plutôt bien active et j'ai un moment de stress. Est-ce que je vais réussir ? Est-ce que je vais assurer ? Est-ce que je ne vais pas mettre en danger nos filles en poussant mal ? En faisant les choses de travers ? Je doute de moi parce que je suis incapable de faire les choses biens. Je m'agite un peu, cherchant le soutien de Caleb, ma main se resserre sur la sienne avec force. « Tu vas assurer mon amour. » J'entends ses mots qui me sont exclusivement destinés, il croit en moi et je veux lui prouver qu'il a raison, je veux qu'il soit fier de moi, qu'il soit heureux de voir que je peux réussir des choses pour nous. Je me concentre sur les mots du médecin, de la sage-femme. Ils me guident, m'encouragent, et à chaque poussée je broie un peu plus la main de Caleb donnant toute mon énergie et ma force pour éviter à Lucy de souffrir trop longtemps. Je ne pense qu'à ça, à ma fille, à ce moment ou je vais la voir, à ce moment ou elle sera avec nous. Entre deux poussées, je cherche le regard de Caleb, je cherche sa force, je cherche aussi à m'assurer qu'il est là lui aussi avec nous. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis en train de pousser, je ne sais pas si je peux faire plus ou mieux, je donne tout ce que j'ai et d'après la sage-femme ça semble être parfait mais Lucy n'est pas encore là. « Arrêtez de pousser, soufflez, elle est juste là. » Elle est là. Elle est là. Je ne sais pas ce que je ressens à ce moment précis, mais ma main serre à nouveau celle de Caleb et je le regarde, quelques secondes juste pour voir s'il est aussi ému que moi. Je tente de rester concentrée sur la voix de la sage-femme, du médecin et malgré la péridurale je ressens un peu les choses et je les vis avec intensité. « Venez la chercher. » Quelques secondes après cette phrase, Lucy se retrouve sur moi, sur mon ventre, il y a une nouvelle agitation autour de moi, ils l'essuient, ils l'enroulent dans un draps, ils la touchent, mais je n'ai d'yeux que pour elle et quand elle pleure pendant quelques secondes, j’ai l’impression que le temps s’arrête. Que tout s’arrête autour de moi, il n’y a que les premiers pleurs de ma fille qui comptent. Ma fille. J'entends à peine les paroles autour de moi, lointaines, je crois qu'on demande à Caleb s'il veut couper le cordon, mais je n'arrive pas à détourner le regard, mes yeux sont obnubilés par ma fille. Elle est là contre moi, je le regarde, je la touche, comme pour m’assurer qu’elle est vraiment là et qu’on ne va pas me l’enlever. Elle respire toute seule et c'est un premier vrai soulagement, elle respire, elle pleure, elle est là contre moi. Je peux la voir, je peux la sentir, je peux faire connaissance avec ma fille et ce que je ressens à ce moment est juste incroyable. Mes mains semblent si grandes à côté d’elle, mais je caresse son petit nez, je touche ses petites mains, elle est là. Lucy est vraiment là et elle pleure et c’est un moment magique. « Bienvenue Lucy, tu es si parfaite. » J'aimerais lui parler beaucoup plus, lui dire tout ce que je ressens mais j'en suis incapable, parce que j'ai peur de m’effondrer, de pleurer devant tant d'émotions alors que ma voix se casse déjà et que les larmes coulent sur mon visage. Mes yeux quittent enfin Lucy pour se poser sur Caleb. Sur l’homme qui vient de me donner la chance de vivre ça. Cette rencontre si forte, si riche en émotion. Je le regarde et je crois que je l’aime encore plus d’un coup. Sans savoir si c’est réellement possible, je l’aime tellement. Je lui murmure un je t'aime à peine audible, du bout des lèvres. Il y a tellement d’amour en moi à ce moment, moi qui ait longtemps repoussé l’idée que je pouvais être heureuse, que je pouvais avoir le droit au bonheur, à ce moment précis je crois découvrir ce qu’est le vrai bonheur. « Elle est là, elle est vraiment là, merci chéri. » Les petits yeux de ma fille qui s’ouvrent et se ferment, semblent avoir un effet magique sur moi et je la regarde comme je n'ai jamais regardé personne. Cette toute petite fille, c'est la notre. L'une de mes mains se pose sur la joue de Caleb que je caresse avec douceur, il est là, Lucy est là, et je crois n'avoir jamais été aussi silencieuse qu'à ce moment précis, je suis presque incapable de parler, alors que j'en aurais des choses à leur dire à tout les deux, mais je profite juste de ce moment, de cette rencontre, de Caleb, de ma fille, une crevette mais qui semble s'adapter très vite à notre monde.
Nothing will ever be the same again. This night changed everything.
Je vais être papa cette nuit et rien ne peut gâcher notre bonheur, elle a raison. J’ai l’impression qu’on est tous les deux dans notre bulle à l’écart de tout le monde, je ne pense même pas à prévenir qui que ce soit que nous sommes à la maternité et que nos filles sont sur le point de naître. Pourtant je sais que mes parents auraient sûrement aimé le savoir pour venir et rencontrer leurs petites filles avant tout le monde, mais moi je veux que ce soit notre moment. Simplement notre moment à nous deux et je ne veux de personne avec nous. Je pense que mes parents pourront le comprendre et demain matin à la première heure ils seront les premiers au courant et je sais qu’ils vont sauter dans leur voiture, rouler jusqu’ici et demander à voir les filles immédiatement. Mais maintenant, aujourd’hui, cette nuit, c’est juste Alex et moi. Alex, Lucy, Lena et moi. Et tous les médecins, sages-femmes, infirmiers qui nous entourent. Tout le monde est d’une gentillesse et d’une bienveillance indéniable. Ils essaient de se montrer rassurants et moi, il n’y a qu’Alex sa présence et ses mots qui parviennent à m’apaiser un peu. Et lorsqu’elle me dit qu’elle sent que Lucy arrive, même si je panique un peu je ne laisse pas mes émotions m’envahir, je réalise pourtant peu à peu ce qui est en train de se passer. Dans quelques minutes notre première fille sera née et Lena devrait la suivre assez rapidement. Il y a de l’agitation, beaucoup d’agitation mais je ne me laisse pas déstabilisé et je reste concentré sur Alex et sur l’instant présent. Mon regard est complètement perdu dans le sien et malgré le fait que tout le monde s’agite autour de nous, bizarrement moi j’ai tout de même l’impression que le monde vient de se mettre en pause. Je ne les entends pas se parler entre eux, je ne les vois même pas quand ils passent à côté de moi. Je regarde juste Alex et je suis complètement déconnecté de la réalité. Sauf quand ils commencent à installer Alex. Je me réveille un peu et je m’écarte légèrement pour leur laisser la place dont ils vont avoir besoin. Je passe mes mains dans mes cheveux tout en les regardant l’installer et dès qu’elle semble prête, je reprends ma place à ses côtés tout en prenant sa main dans la mienne je lui donne quelques mots d’encouragement et peu de temps après, tout commence réellement. On lui demande de pousser, elle le fait, ils parlent entre eux et ce même schéma se répète un certain nombre de fois. Plus ça va, plus Alex serre ma main et je vous assure que jamais je n’aurais pensé qu’elle avait autant de force en elle. Mais pourtant. Cette fois la douleur de sa main serrant – broyant – la mienne ne me semble pas aussi importante et je ne m’attarde même pas dessus. Je lui murmure de temps en temps quelques mots lui disant qu’elle se débrouille très bien, je lui dis qu’elle est forte – parce que c’est vrai. – Je ne sais absolument pas pendant combien de temps elle pousse mais au bout d’un moment la sage-femme nous annonce quelque chose. « Arrêtez de pousser, soufflez, elle est juste là. » Quoi ? Elle est là ? J’ai envie d’aller voir, j’hésite même vraiment à le faire mais je préfère rester avec Alex. Je reste avec elle mais c’est la sage-femme et le médecin que je fixe. « Venez la chercher. » Elle pleure, elle est là, elle respire, elle est dans les bras d’Alex et moi j’ai presque l’impression d’en avoir le souffle coupé. Lucy est là. Maintenant je ne prête plus aucune attention aux médecins ni à personne dans cette pièce, mes yeux sont incapables de détourner du regard. Je regarde Lucy. Ma fille. Elle est là. Elle est vraiment là. Une main vient se placer sur ma bouche et sans même que je ne m’en rende compte des larmes coulent déjà le long de mes joues. Parce que Lucy est là. Elle va bien. Ma fille est née et je suis complètement obnubilé par elle. J’entends des voix au loin, j’ai l’impression qu’on me parle mais je n’en suis même pas sûr. Pourtant je ne fais rien pour savoir, je ne me retourne pas pour voir si c’est bel et bien à moi que l'on s'adresse, je reste simplement debout, à regarder ma fille. C’est seulement quand je sens une main se poser sur mon épaule que je daigne me retourner et heureusement que je le fais puisqu’on me demande si je voudrais couper le cordon ombilical et la réponse est logique ; bien sûr que je veux le faire. J’hoche simplement la tête, j’écoute attentivement leurs instructions et je le coupe à l’endroit exact qu’ils m’ont montré et je retourne très vite à leurs côtés. « Bienvenue Lucy, tu es si parfaite. » D’un geste rapide de la main j’essuie une larme qui était en train de couler le long de ma joue, et doucement, j’approche ma main vers Lucy. Caressant doucement sa main, je souris parce que c’est de plus en plus réel. Maintenant je peux la voir, je peux la toucher, on peut l’entendre pleurer, on l’entend respirer toute seule et je suis tellement ému que j’ai du mal à retrouver mes esprits pour formuler une simple phrase. Je suis sur un petit nuage dont il m’est impossible d’en redescendre. « Elle est tellement belle… » Alex avait raison, elle est petite. Elle est vraiment petite mais au final ça ne m’inquiète pas plus que ça. C’est normal, non ? Elle vient de naître avec un peu d’avance et les jumeaux sont souvent plus petits qu’une grossesse normale. Ce n’est seulement lorsque je sens le regard d’Alex sur moi que je parviens à moi aussi relever les yeux vers elle. Je souris, même si je pleure sûrement encore un peu en même temps. C’est de la joie, c’est de l’émotion et j’ai l’impression que mon amour pour elle est encore plus fort qu’il ne l’était tout à l’heure. Moi aussi je lui murmure un je t’aime et je viens embrasser doucement son front. « Je vais me permettre de prendre Lucy avec moi pour ses premiers soins, d’accord ? Elle sera de nouveau avec vous dès qu’on aura tout terminé ne vous en faites pas. Elle revient très vite. » L’infirmière parle d’une voix douce et rassurante, elle nous sourit aussi, mais je sais que laisser partir Lucy n’est pas facile pour Alex. Je l’embrasse de nouveau sur le front tout en reprenant sa main et je suis du regard l’infirmière qui quitte la pièce avec notre fille dans les bras. Je lui fais confiance, mais c’est rapide, j’aurais préféré profiter encore un peu d’elle sauf que c’est au tour de Lena maintenant. Le même schéma que tout à l’heure, Alex pousse, je l’encourage, je lui monte qu’elle se débrouille parfaitement bien et cette fois je n’hésite pas et je bouge un peu pour regarder un peu, comme on m’y invite. Mais honnêtement je m’en serais bien passé. Je grimace légèrement tout en fronçant les sourcils, ce n’est clairement pas beau à voir et il me faut simplement quelques courtes secondes pour que je reprenne mes esprits et je reprends ma place auprès d’Alex. « Elle est presque là, poussez une dernière fois. » Et dans à peine quelques secondes, ça sera au tour de Lena d’être enfin parmi nous.
Nothing will ever be the same again. This night has changed everything.
Je vis ce moment magique pour la première fois. Cette rencontre si forte avec mon bébé. Je la regarde avec insistance, émue par tant de magie, par tant d'amour. C'est dingue d'aimer si fort ce petit être que je vois pour la première fois, que je ne connais finalement pas encore à part aux travers des coups qu'elle me donnait il y a encore quelques heures. Et pourtant je l'aime déjà tellement. Je trouve malgré tout la force de détourner mon regard pour observer Caleb pour la première fois depuis la naissance de Lucy et je vois ses larmes qui se mélangent à son sourire. Caleb pleure et forcément, je pleure avec lui. L'émotion est forte, elle est belle et je me sens tellement aimée et bien au moment ou Caleb pose ses lèvres contre mon front pour y déposer un baiser. J'aimerai que le temps s'arrête à ce moment précis, juste pour capter cette émotion, ce sentiment si fort que je ressens, ce bien-être si incroyable dans lequel je me sens plongée. Je me sens si bien, heureuse, émue et forte alors que j'ai le fruit de notre amour posée sur moi. Notre fille, et notre famille qui prends forme en attendant Lena. « Je vais me permettre de prendre Lucy avec moi pour ses premiers soins, d’accord ? Elle sera de nouveau avec vous dès qu’on aura tout terminé ne vous en faites pas. Elle revient très vite. » La bienveillance et la douceur qui se dégage de la voix de l'infirmière semble en total décalage avec ce que je ressens quand je l'entends prononcer ces quelques mots. Elle veut prendre Lucy, mais elle m'explique, elle me demande, elle me rassure et après quelques secondes, je secoue la tête pour signifier que je comprends. Et pourtant, quand je la sens prendre ma fille, je ne me sens pas bien et quand elle se retourne avec Lucy et qu'elle passe la porte, c'est un sentiment étrange, très étrange que je ressens. Caleb dépose un baiser sur mon front et je sers sa main alors que mes yeux ont du mal à ne pas rester fixés sur cette porte. Et c'est finalement les gestes du médecin qui me font revenir à la réalité du moment. Tout n'est pas fini, loin de là. Je sens le médecin qui bouge Lena, la sensation n’est pas vraiment douloureuse grâce à la péridurale mais elle reste fortement désagréable et je grimace. « Elle a profité de toute l’espace libre pour bouger et elle s’est pas bien positionnée. Je sais que c’est pas agréable mais tout va bien se passer. Vous ferez pareil que pour la première et elle sera là très vite. » Et après l’amour intense que j’ai ressenti en voyant Lucy. C’est une vague d’inquiétude qui m’envahit pour Lena. Mais je pense à Lena désormais et c’est assez étrange de ressentir autant d’émotions si contradictoires et si fortes. J’étais si apaisée avec ma fille sur moi et on me demande de pousser à nouveau ou du moins de me préparer à revivre un accouchement alors que je me sens vide d’énergie. L'équipe est de nouveau en place, sauf que je suis fatiguée, je suis vraiment fatiguée et après l'émotion que je viens de vivre lors de la rencontre avec Lucy, j'ai l'impression d'être épuisée. « J'suis fatiguée. » Je veux voir Lena, je veux qu'on me ramène Lucy, je veux que l'on arrête de m'observer comme ça, de me toucher, de me parler aussi. Qu'on arrête de m'en demander autant alors que j'ai l'impression d'avoir donné tout ce que j'avais déjà. Mais les mots de la sage-femme, et les encouragements de Caleb me donne la force de pousser à nouveau et la perceptive de voir Lena m'aide à puiser au fond de moi les dernières forces nécessaires. Je suis concentrée sur ma respiration, sur ce que l'on me dit de faire, je ne remarque même pas les quelques secondes durant lesquelles Caleb bouge pour observer les choses d'un autre point de vue. Et finalement tout va très vite puisque quelques petites minutes de poussées semblent suffire. « Elle est presque là, poussez une dernière fois. » Je prends de l'air et je donne véritablement tout ce qu'il me reste et au moment ou l'on me dit à nouveau de ne plus pousser, je laisse tomber ma tête sur l'oreiller, véritablement épuisée par cette journée, par cette grossesse et par cet accouchement. J'attends ma fille désormais, j'attends ce moment si spécial qui m'a permit de trouver des forces en moi, j'attends de l'entendre, de l'avoir contre moi, pour pouvoir souffler et profiter. La tête sur l'oreiller, je ne l'entends pas pleurer, Lucy a pleuré directement et là pas un pleur, rien. Elle n'est pas contre moi, elle ne pleure pas. Je relève la tête, tremblante, ces secondes me paraissent interminables, ces secondes me semblent insoutenables. Je serre la main de Caleb à nouveau, ma main tremble dans la sienne. Je les regarde frotter son ventre, son dos, et je crois qu'à ce moment je suis moi aussi incapable de respirer. Quelques secondes d'apnées alors qu'elle tarde à pousser son premier cri et quand enfin elle pleure, j'ai l'impression que mon cœur saute un battement, que mes poumons se remplissent en même temps que les siens me faisant légèrement tousser alors que les larmes coulent en nombres le long de mes joues. Je la regarde alors que je n'ai toujours pas pu la toucher, ou l'avoir contre moi. Je ne sais réellement pas combien de temps elle a mit avant de pleurer, mais à mes yeux ça a semblé être une éternité et malgré ses pleurs je ne me sens toujours inquiète pour elle. « Elle est un peu secouée par la vitesse de l'accouchement, c'est assez fréquent pour le second bébé, il faut lui laisser un peu de temps pour réaliser ce qu'il vient de se passer mais elle respire toute seule. » On nous explique ce qui se passe, on me la présente quelques secondes, et j'ai à peine le temps de l'embrasser, de la regarder, de voir ses petits yeux, qu'on m'annonce qu'elle va aller en soin et c'est un véritable déchirement. Il y a quelques minutes, elle était encore en moi et je la vois partir, toute seule sans avoir pu la prendre contre moi une première fois, sans avoir pu m'assurer qu'elle allait bien et forcément j'ai peur pour elle. « Vas avec elle, ne la laisse pas toute seule, et dis lui que je l'aime. » C'est à Caleb que je m'adresse, lui ordonnant presque de suivre Lena, de ne pas laisser seule parce qu'elle n'a pas eu ce moment d'échange avec nous et je ne veux pas qu'elle se sente abandonnée. Je ne peux pas la suivre moi, je suis bloquée dans ce lit et je veux qu'il soit avec elle, avec Lena, qu'elle ait quelqu'un qui soit à ses côtés pour la rassurer et lui apporter la force nécessaire. J'ai besoin de Caleb à mes côtés, mais à ce moment précis, je sais qu'elle en a besoin plus que moi et je ne peux pas la savoir seule. Et finalement après de très très longues minutes d'agitation dans cette pièce, tout semble si calme d'un coup alors que la salle s'est vidée assez vide, ne restant plus que les derniers membres obligatoires pour la dernière étape. Il n'y a plus Caleb, il n'y a plus les pleurs, il n'y a plus rien, et je suis seule. Seule comme il y a quelques années finalement, je chasse cette pensée de mon esprit, je me concentre sur mes filles et je me sens vide. Elles ne sont plus là dans mon ventre, elles ne sont pas là non plus avec moi et je n’ai plus d’énergie. Lena vient de partir en soin suivis de Caleb et je ne sais pas comment elle va. Je ne sais pas comment va ma fille, si elle pleure encore, si elle respire bien et assez, si elle va bien, ou si elle va pas bien du tout après cet accouchement express pour elle. Je n’en sais rien et je n’arrive pas à gérer mes émotions. Il y en a trop d’un coup. Trop d’amour mais aussi beaucoup trop d’inquiétude pour ma fille. « Comment va Lena ? » Je répète cette question en essayant d’obtenir une réponse que l’on essaye de me donner mais je ne peux pas entendre. Je ne peux pas les croire non plus quand elles me redisent que c’est courant dans les grossesses gémellaires pour le deuxième, qu’elle est entre de bonnes mains. Je le sais mais j’ai besoin de la voir par moi même, de l’entendre respirer, pleurer, de sentir son cœur battre contre moi. Elle n'est pas là et c'est son absence qui m'inquiète vraiment. « Regardez qui voilà. Lucy est prête elle n’attends que vous. Vous voulez la prendre ? » On m’amène ma fille, enfin l’une de mes filles et je ne sais pas si c’est volontaire de leur part ou non, mais voir Lucy me ramène au moment présent. Je regarde ma fille, et toutes mes pensées se concentrent sur elle. Sur ce tout petit bébé, mon bébé. « Vous êtes sure qu’elle va bien ? Qu’il ne va rien lui arriver ? Que je vais pas lui faire mal ? » Elle me semble si petite. Si fragile. Mais elle est là devant moi, je la vois. Elle est là et c’est tout ce sur quoi je dois me concentrer. « Elle s’en sort comme une cheffe votre petite, vous entendez comme elle pleure bien. On est là, on surveille ses constantes ou vous laisse pas toute seule, vous avez juste à profiter d’elle et puis le meilleur endroit pour elle pour le moment c’est contre vous. Et je crois que vous avez besoin de ce moment vous aussi. » Je la regarde alors qu’on l’approche de moi pour la deuxième fois finalement. Je la regarde, ses petits yeux sont ouverts et je me sens bouleversée par tout ce que je ressens et par l'émotion qu'elle me fait ressentir juste avec ses tout petits yeux. C’est ma fille, elle est là et c’est fou comme je l’aime. Pendant une seconde je ferme les yeux juste pour ressentir pleinement cette émotion, pour être sure que je ne suis pas en train de rêver aussi. On la dépose sur moi, elle pleure encore, fort et j’ai jamais été aussi heureuse d’entendre les pleurs d’un bébé. Ceux de Nathan m’ont hanté longtemps et je me surprends à aimer ceux de Lucy. A les aimer tellement parce que ça signifie qu’elle va bien. Elle est désormais en peau à peau contre moi et je ne peux la quitter des yeux, ma main sur son dos que je caresse du bout des doigts avec une douceur qui me surprends moi même. « Regardez elle ne pleure plus. Vous vous sentez un peu mieux ? » Effectivement Lucy ne pleure plus et durant une seconde j'ai presque peur qu'elle n'aille pas bien, qu'elle ait un soucis mais je sens son cœur battre rapidement, je sens son petit corps se soulever à chaque respiration de sa part et je m'apaise grâce à elle ou pour elle. Je ne m’agite plus, j’ose à peine parler pour ne pas perturber le calme de Lucy. Je tiens sa petite main et j’essaye de rester la plus calme possible. J’essaye mais j’ai une boule qui me serre l’estomac en pensant que Lena devrait être là avec sa sœur et au lieu de ça elle est là bas et je ne sais toujours pas comment elle va. « Oui oui mais vous pourriez me donner des nouvelles de Lena ? » Elle me rassure à nouveau, me redisant encore que c'est une situation courante mais je veux savoir comment va ma fille, pas comment ça se passe habituellement, ça je m'en moque, la seule chose qui compte c'est l'état actuel de ma fille. Et elle m'annonce qu'elle va se renseigner et je la remercie d'un signe de la tête. Je ne sais pas ce qu'il se passe pour elle, je ne sais pas non plus comment Caleb gère cette situation. Ils devraient être là lui aussi. Avec moi, avec nos filles et pour le moment on a toujours pas eu notre famille réunie, et j'attends avec une appréhension énorme d'avoir des nouvelles de Lena, j'attends de pouvoir la prendre dans mes bras et lui dire à quel point je l'aime déjà. Et à défaut de pouvoir le dire à Lena, je parle avec Lucy. Tout doucement, je lui murmure quelques mots, je lui dis à quel point je l'aime, à quel point je suis heureuse qu'elle soit là contre moi, je me concentre sur elle en attendant d'avoir des nouvelles de sa sœur. Je regarde Lucy, je lui fredonne des chansons que j'écoutais pendant ma grossesse, je n'ai même pas réalisé que le médecin avait terminé son travail et qu'il avait quitté la pièce. Mes yeux qui fixent Lucy, ma concentration sur elle et sur sa respiration, je relève la tête quand j'entends la porte s'ouvrir.