Je n’ai que de vagues souvenirs… Ma mémoire, ma tête, tout est embrumé. Je ne comprends pas ce que je fais là. Quatre murs blancs qui m’entourent, je suis reliée à des fils, j’entends le bruit de la machine qui bipe toutes les secondes au rythme des battements de mon cœur. Je suis en vie. Et pourtant, j’aurai pu y passer encore une fois. J’entendais encore crier mon nom au loin, de l’agitation autour de moi… Je ne comprenais plus rien. Les visites s’étaient enchaînées après mon réveil : Knox et Wim les premiers, présent lors de l’accident, leur mine déconfite. Knox ne m’avait pas quitté de la journée, laissant très peu de place aux autres : Adam, Dylane, qui visiblement avait été l’ambulancière qui était intervenue sur l’accident, des collègues de boulot… Je me souvenais là aussi que vaguement des personnes qui étaient venus me voir. Mais je me souvenais très bien de l’expression sur leur visage, triste, fermée. Pourtant, je n’avais pas prévu de finir ma journée comme ça... Non, je suis simplement allée surfer ce matin avec mon meilleur ami, parce que j’avais besoin de prendre l’air. C’est une routine pour nous deux, je surfe depuis que je suis toute petite. Knox m’a raconté l’accident. C’était confus, même pour lui. Le vent était violent ce matin, l’océan était donc déchainé… Pourtant, ce n’est pas le genre de chose qui me surprend d’habitude. On se défiait, les garçons ne me pensant pas capable de faire mieux qu’eux. Je voulais leur prouver le contraire. Je surfais sur la vague quand soudainement je disparu. Ma planche m’a frappé en plein thorax, me coupant net la respiration. Je n’étais donc pas remonté à la surface. J’ai perdu connaissance jusqu’à mon arrivée à l’hôpital. Mon pouls était faible, tout le monde avait vraiment eu peur pour ma vie. Dans ma chute, ma cheville avait aussi pris un sacré coup, ce qui m’obligeait à porter une attelle pendant quelques temps et à marcher en béquille. J’avais quelques côtes de cassées, et une énorme ecchymose à l’endroit du choc.
Les personnes défilaient donc, jusqu’au moment où ce fut mon père qui arriva dans ma chambre. Je ne voulais pas le voir, je lui demandais de partir. Il n’avait pas le droit d’être là, mon avis n’avait pas changé. Je me souvenais alors que mes dernières pensées avant l’accident avaient été pour lui, marquées par ses retrouvailles impromptues de la veille. Geo était arrivé au même moment, mort d’inquiétudes, me disant qu’il avait fait le plus vite qu’il avait pu. Il avait essayé de tempérer les choses mais je lui avais dit que s’il était venu pour faire l’entremetteur ça ne servait à rien. La discussion était floue, ils avaient dû partir car les visites étaient terminées. Je n’avais rien avalé pour le repas. Je n’avais plus de force, je peinais encore à respirer par moment. J’avais un mal de chien, surtout au niveau de mes côtés, ce qui m’empêchait de bouger. Rapidement, pourtant, épuisée, je m’endormis.
Il est tard. Je dors mais j’entends la porte qui s’ouvre, surement une infirmière qui vient voir si tout va bien. Je n’ouvre pas les yeux, je suis trop fatiguée pour le faire. Pourtant, je sens comme une présence, quelqu’un s’installe à côté et une main attrape la mienne. J’ouvre les yeux, péniblement. L’obscurité de la chambre ne me permet pas de reconnaitre la personne qui se trouve sur la chaise à côté de mon lit. Pas tout de suite. Et puis, je croise son regard, le mien plongeant également dans le sien. Mon cœur ne fait qu’un bond, encore plus quand j’entends sa voix « Comment tu te sens ? ». Je rêve, ça ne peut pas être lui. Pas après notre dernière conversation. Pas après ce qu’il m’a dit. Il m’a demandé de partir, que c’était mieux pour tout le monde. D’une indifférence totale. Et le voilà, là, à mon chevet. Je retire aussitôt ma main de la sienne, un simple geste qui me vaut beaucoup. J’essaye péniblement de me redresser sans réel succès « Qu’est-ce que ça peut te faire ? ». Ma virulence ne m’a pas quitté pour autant, je le regarde avec mépris. Il m’a fait du mal et je ne comprends pas les raisons de sa présence « Pourquoi tu es venu ? » Je marque une pause me demandant comment il a pu être au courant « Comment tu as su ? » Oui, car aux dernières nouvelles, nous n’avons pas d’amis en commun. Je tente une deuxième fois de me redresser, je grimace « Merde ». Je peste, je n’y arrive pas. Je suis lamentable à voir, mes cheveux sont tout ébouriffés, je ne peux pas bouger entre mes côtes qui me font mal et mon pied en attèle. Je n’ose même pas le regarder « Va-t’en, je n’ai plus besoin de toi ». Prononcer ces mots me fait du mal, je tiens encore à lui malgré tout, mais il m’a blessé. Il me manque, nos soirées me manquent, notre intimité me manque… Mais il en a décidé autrement. C’est terminé entre nous.
Cela faisait presque un mois qu’Alec et moi avions eu cette conversation. Même si je l’ai camouflé devant lui, me montrant forte jusqu’au bout, même au moment où il m’a demandé de partir d’une manière que je n’étais pas prête d’oublier, cette rupture, si on peut l’appeler ainsi, m’a énormément blessé. Une autre plaie béante qu’il fallait que je réapprenne à fermer. Elle n’était pas la seule, j’en avais beaucoup des comme ça… Et il le sait, parce que, contrairement à lui, je me suis ouverte, je lui ai parlé de mon passé. Je lui ai fait confiance. Bêtement. Naïvement. Oui parce que je peux le blâmer mais j’ai aussi ma part de responsabilité. Je le reconnais. Je me suis attachée à lui alors que je savais au fond de moi que cette relation ne mènerait à rien… Le voir là assis à mes côtés, me tenant la main m’est insupportable. Je retire celle-ci rapidement, je ne veux plus la moindre proximité avec lui. C’était déjà bien difficile de tourner la page… « J’ai jamais dit que je tenais pas à toi Mia ». Ses mots me transpercent le cœur. Pourquoi me dit-il ça maintenant ? « Pas suffisamment pour me faire confiance ». Car au final, il tenait peut-être à moi mais il n’était pas capable de s’ouvrir plus. Je ne suis peut-être pas assez bien pour lui, que sais-je ? Je regrette cependant mes paroles, car c’était lui montrer que j’étais blessée par tout ça, et je ne le voulais pas « Et ça n’a plus d’importance ». Autant faire dans le mensonge comme lui… « Je voulais m’assurer que tu allais bien ». Un mois auparavant, cela m’aurait fait sourire, je lui aurais sûrement attrapé la main tendrement et essayait de le rassurer. Mais là, tout est différent « Je vais bien, tu peux dormir tranquille ». Je suis sèche, mes paroles sont brèves. Il voulait être rassurer, c’est chose faite. Pourtant, je me demande comment il a été mis au courant. Je ne connais personne de son entourage, lui non plus. Je lui pose spontanément la question, sans réellement réfléchir « Ça n’a pas d’importance ». Je soupire, je ne suis pas étonnée par sa réponse. Il me cache sûrement quelque chose mais ça ne servirait à rien d’essayer de creuser un peu plus, je n’obtiendrai rien. Et puis, même s’il venait à me donner une réponse, qu’est-ce qui me dit qu’il est honnête. Je n’arrive même plus à le regarder, je me sens vulnérable en plus dans ce lit duquel je suis prisonnière et sûrement pour quelques jours. J’essaye de bouger, en vain. J’ai mal, chaque centimètre de mon corps est douloureux et je peste « Arrête de bouger comme ça tu vas te blesser encore plus ». J’ai envie de lui déverser à ce moment là toute ma haine mais mon corps en est incapable « Je me passerai de tes ordres Alec… ». Ca me faisait mal de lui parler comme ça, je détestais ce fossé qui s’était creusé entre nous. Pourtant, il fallait que je continue à le repousser… pour me protéger. Je ne l’écoute pas, évidemment et fini par réussir par redresser comme je le veux, non sans grimacer. « Je sais ». Oui il sait que je n’ai plus besoin de lui. Peut être même qu’il est étonné que j’utilise plus au lieu de pas. Comme si je sous entendais qu’à un moment de ma vie j’ai eu besoin de lui. Peut-être qu’involontairement, c’est que je lui montrais par mes mots. J’aurai aimé qu’il soit là… J’aurai aimé pouvoir aller me réfugier auprès de lui hier soir après avoir rencontré mon père que je n’avais plus revu depuis quinze ans… Me réfugier dans ses bras, qu’il me réconforte. Peut-être que les choses auraient été différentes…
« Qu’est-ce qui s’est passé Mia ? ». Je sens la douleur revenir dans mes côtes mais aussi au fond de moi quand il prononce mon nom… d’une façon si particulière, tendre et triste à la fois. Je tourne le regard quelques secondes vers la porte, je ne veux pas le regarder. Je ne veux pas lui montrer les larmes qui commencent à monter, ma gorge qui se serre alors que je repense à ce qui s’est passé, à mon accident… A la panique dans les yeux de mes proches, au fait que j’ai failli y passer… Et à nous qui ne sommes plus. Je prends pourtant une longue respiration et retourne mon regard vers lui. Je m’apaise malgré tout car je n’ai plus la force physique pour être en colère… « J’ai eu un accident ce matin en surfant… De ce que m’a raconté Knox, la vague était beaucoup trop forte. J’ai perdu l’équilibre et j’ai reçu ma planche dans mon thorax » Je lui montre en même temps l’endroit de l’impact « J’ai eu le souffle coupé et je n’ai pas réussi à sortir de l’eau… Heureusement mes amis sont venus m’aider et l’ambulance est vite arrivée. J’ai repris connaissance à mon arrivée ici… » Je m’arrête dans mon récit, ma gorge se serrant davantage « Mais je vais bien c’est le principal ». Je dis ça comme pour le rassurer mais finalement, j’essaye de me rassurer aussi. Je détourne mon regard à nouveau de lui, même si je le vois à peine dans la pénombre de la chambre. Des larmes s’échappent, que j’essuie d’un revers de main. Je ressens encore la douleur dans mes côtés en faisant ça « Tu peux partir Alec, je vais bien. Tu n’as pas à être là ». Je prononce cela en fixant la porte. Je n’ai plus la force de dire cela sur un ton ferme, il est plutôt las et triste de cette situation entre nous…
« C’est ça t’en a l’air, vraiment on dirait que tu sors d’un mois de vacances aux Bahamas ». Son sarcasme ne me plait pas. Je préfère ne pas répondre car mon corps ne suit plus et parce que je sens que, quoi que je dise, il ne s’en contentera pas. Il me demande de lui dire ce qui s’est passé et c’est ce que je fais. Je n’ai aucun souvenir de l’accident mais mon meilleur ami étant sur place avec Wim m’a tout raconté. La voix de Knox résonne encore dans ma tête et je me souviens surtout de l’expression sur son visage : décomposée, épuisée, assaillie par la tristesse, inquiète… Il ne m’a pas quitté de la journée jusqu’à que je lui ordonne de le faire pour son bien. De ce fait, il n’a rencontré ni mon père… Ni encore moins Alec, de qui il m’a demandé de rester éloigné. Malgré la douleur physique et morale, je ne veux rien laissé transparaitre devant lui. Je n’ai pas envie qu’il me voie au bord du gouffre, apeurée, effrayée par cet accident et brisée par le retour de mon père et notre rupture « T’as pas l’air bien ». Je sens bien qu’il ne me juge pas et il n’a pas tort. Je ne vais pas bien. Mais je ne peux pas me confier à lui, lui dire qu’il a une part de responsabilité dans ce mal être. Mon corps me trahit, mes expressions et ses putains de larmes qui ne cessent de se déverser également. Je ne peux plus supporter de l’avoir à mes côtés, je n’ai pas envie de souffrir davantage que je ne souffre déjà. Je lui demande de partir, qu’il n’a pas à être là… « Je sais que j’ai pas à être là. Mais je… j’ai envie d’être là. J’ai besoin d’être là ». Je fixe la porte quand il prononce ses mots. Je sens qu’il saisit ma main à nouveau. Mon regard se tourne vers lui. Ses mots me font du bien, j’ai l’impression que malgré tout, il tient à moi, bien que j’aie eu l’impression d’être utilisée. Une impression partagée par tous ceux à qui j’ai pu en discuter, dont mes deux meilleurs amis. Pour eux, Alec s’est joué de moi, point final. Pourtant, il est là, à mon chevet, et je sens ses doigts se resserrer autour de ma main. Je ne lutte pas, je ne cherche pas à lui échapper cette fois. Je sais que je ne le devrais pas « Alec… » « J’ai eu peur ». Je n’ai pas eu le temps de lui répondre, son regard si particulier se plonge dans le mien. Je frissonne à nouveau, comme beaucoup trop de fois auparavant. Cette proximité avec lui me manque… terriblement. Et l’entendre dire qu’il a eu peur pour moi me touche. « J’ai eu peur pour toi. Et toi tu as le droit de pas aller bien Mia, tu as le droit d’avoir eu peur aussi ». S’il savait… Je ne retiens plus mes larmes, j’en ai assez de faire semblant. Je garde ma main dans la sienne et ne le quitte pas du regard « Oui j’ai eu peur… J’aurai pu y passer… Et tout ce que je retiens c’est que ma vie est un désastre, mon père est revenu et les dernières paroles que je lui ai dites sont « je te déteste » … ». Je ne me suis pas montrée plus ouverte pour autant tout à l’heure lors de sa visite. Mais c’est un regret que j’avais tout de même au fond de moi… « Je suis incapable de lui pardonner, il m’a abandonnée et depuis, j’en souffre… Surtout quand le schéma se répète sans cesse… ». Finalement, ce n’était pas tant la peur d’avoir frôler la mort qui me mettait dans cet état, mais ma vie en elle-même… « Je suis épuisée Alec de vivre toujours les mêmes déceptions. Et ta présence n’arrange rien à cela car tu me rappelle que toi aussi, tu as décidé de baisser les bras et d’abandonner… » de m’abandonner… Mes paroles pouvaient sembler démesurées par rapport à la relation que nous avons eu. Courte certes, mais intense. Il a compté pour moi et il compte toujours. Je n’ai pas la force de retirer ma main de la sienne, comme si je profitais encore quelques instants de cette proximité entre nous même si je lui en veux énormément. Je baisse le regard cependant, mais il est trop tard, je ne peux être plus vulnérable qu’à cet instant même, dans ce lit d’hôpital, les yeux humides et en ayant parlé à cœur ouvert… « Je n’ai pas envie que ma vie se résume à ça uniquement… ». Déception sur déception. Voilà le résumé que m’a offert cet accident sur ma vie.
Je sens sa main qui se serre davantage dans la mienne lorsque mes larmes coulent. Je m’ouvre une nouvelle fois, lui expliquant ce que je tire comme conclusion sur ma vie après cet accident. Un bilan peu glorieux où je me montre vulnérable et surtout où je lui montre qu’il y a sa place. Une place importante malgré tout, lui disant que cette rupture m’a blessé et me blesse toujours. Je lui montre qu’il compte pour moi, peut être plus que ce que je ne le pensais moi-même. Pourtant, lui, ne le fera pas, et je le sais, mais je ne m’arrête pas pour autant. Il a cette force sur moi qui fait que je ne peux pas l’ignorer et juste lui demander de foutre le camp et de ne jamais revenir vers moi…
« Je comprends…Je suis désolé… ». Il me dépose un baiser sur la main et mon cœur s’accélère. Le fait qu’il s’excuse ni changera rien, le fait qu’il soit compréhensif non plus. Le mal est fait, le retour en arrière est impossible je le sais. Pourtant, je le fixe, ayant envie de me retrouver dans ses bras pour qu’il me dise que tout ira bien. Il me manque terriblement mais je ne peux pas lui dire, je ne peux pas accepter de vivre une relation qui me fait souffrir « Je n’ai pas baissé les bras, je ne t’ai pas abandonnée ». Le souffle coupé, j’ai l’impression de suffoquer à nouveau. Je pose ma main sur mes côtes, tentant de retrouver un peu de calme. Ses mots ne sont pas anodins. Pourtant, pour moi c’est uniquement et simplement ce qu’il a fait. Comment pouvait-il dire qu’il n’a pas baissé les bras ? « Tu es peut-être là aujourd’hui, parce que tu as peur pour moi, mais après ? ». Qu’en serait-il ? Cette peur qu’il a ressenti avait-elle ravivé l’envie d’être avec moi ? D’essayer ? Je ne le pensais pas. « Ce n’est pas toi ». Le fameux, ce n’est pas toi c’est moi, la phrase que tout le monde dit à défaut de pouvoir dire la vérité. La phrase bidon que mon ex a utilisée pour lui aussi expliquer la fin de notre relation. « Je… ça n’aurait pas marché entre nous. Et pas à cause de toi, à cause de moi ». Il s’embourbe encore plus dans son explication, qui reste floue. Il n’arrive clairement pas à s’exprimer et ça me fait encore plus de mal que de bien « Crois moi je suis pas… Je t’aurais déçu. Je t’aurais déçu encore plus que je t’ai déçu là ». Était-ce possible ? Comment ? Je ne l’ai pas quitté du regard, l’écoutant mais ayant plus d’une fois rouler des yeux, tellement je suis épuisée d’entendre ces explications perpétuelles, apprises par cœur, pour justifier quelque chose, au lieu d’être franc « Pourquoi ? Pourquoi m’aurais-tu déçu Alec ? Pourquoi ne veux-tu pas me l’expliquer tout simplement ? ». Je me souviens alors de la phrase glaçante qu’il a prononcé ce soir-là « Tu devrais partir. Ca sera mieux pour tout le monde ». Elle raisonne dans ma tête, je ne peux pas l’oublier « Tu m’as demandé de partir que ce serait mieux pour tout le monde. D’une façon si indifférente, Alec… Tu n’as jamais été comme ça… C’est donc ça le vrai Alec ? Tu m’as dupé tout le long ? ». Je ressens les douleurs revenir mais je ne montre rien, je suis épuisée je le cache également. J’ai besoin d’avoir cette conversation avec lui, j’ai besoin d’avoir les explications que j’attends depuis plusieurs semaines. Des explications qu’il ne me donnera sans doute pas, je m’y attends…
« Ton père est revenu il y a longtemps ? ». Il m’interroge, cela semble l’avoir marqué. Il sait, il sait que la relation avec mon père est quasi inexistante depuis quinze ans. Je lui ai tout raconté, sans exception, à ce sujet… « Hier… Je ne sais pas s’il est là pour longtemps, s’il est là depuis plusieurs jours déjà… ». La rencontre n’était pas prévue, brève et il n’y a pas eu d’échanges autres qu’à propos de sa lamentable lâcheté « Mon père ne m’a abandonné Mia donc je suis pas en mesure de comprendre complètement mais c’était tout sauf un bon père et crois-moi, t’a pas à t’en vouloir de pas arriver à lui pardonner. Le pardon ça se mérite ». Il s’était ouvert, un peu, me confiant une part de son histoire, chose qu’il n’a pas fait jusque-là. Pourquoi maintenant ? Là encore, j’ai envie de lui poser pleins de questions, d’apprendre à le connaitre… Mais je suis sûre que cette partie là de sa vie est aussi mystérieuse et doit sûrement restée secrète « Je sais… Il dit être revenu pour moi, qu’il veut que je le pardonne et retrouver sa … » princesse mais le mot ne sort pas. Ma gorge se serre, je marque un temps d’arrêt avant de reprendre le dessus « Il s’est justifié quant à son départ mais je ne peux tout simplement pas… Je ne pense pas le pouvoir un jour… ». Je m’arrête, je me rends compte que je continue de répondre à ses questions contrairement à lui… Je ne comprends pas moi-même pourquoi alors qu’il m’a montré qu’il ne me voulait plus dans sa vie « Je ne devrais même pas te dire tout ça… ». Je retire à nouveau ma main de la sienne, me sentant encore vulnérable, ayant l’impression qu’il a tout le pouvoir sur moi. L’impression aussi qu’en faisant ça, c’était en partie lui pardonner alors qu’il m’a déçu, alors que je ne parle pas autant avec mon propre père…
Un silence encore comme simple réponse. Dois-je être étonnée ? Est-ce que je m’attends réellement à une réponse franche de sa part alors qu’il n’a pas été capable d’être honnête une seule fois avec moi depuis tout ce temps ? Ma naïveté me fait penser que peut-être mon accident et la peur qu’il a eu le ferait changer. Mais non, rien ne change, rien ne changera. Il restera à jamais le même et à cet instant, je me dis que lui et moi ne parviendront jamais à être sur la même longueur d’onde… Même si au fond de moi je le voudrais… Une deuxième question qui reste sans réponse, où il se contente de planter son regard dans le mien. Sauf que je n’arrive pas à lire en lui aussi facilement car il n’est toujours que façade. Un mur impénétrable qu’il m’est impossible de déchiffrer… Je finis par lui demander s’il s’est joué de moi, lui rappelant la manière dont il m’a demandé de partir… Il reprend son air froid que je déteste tant « Je ne t’ai pas dupé Mia. J’ai toujours été clair sur ce que je voulais. Je n’ai pas envie d’une relation sérieuse, je ne pouvais pas te donner plus que ça et j’ai été clair dès le départ. Rester… ça n’aurait fait que retarder le moment… ». Il en rajoute une couche en me disant ça, me blessant davantage, me faisant passer pour la fautive dans l’histoire. Fautive de m’être attachée à lui alors qu’il avait été soi-disant clair avec moi. Il semble oublié nos nombreux moments passés ensemble le mois dernier, des gestes, des attitudes qui avaient laissé planer le doute sur ses intentions. Il arrivait à me faire douter, à me faire dire que j’avais tout mal interpréter. Que j’avais été aveuglée par mon attirance pour lui et l’attachement qui s’était peu à peu créé. Mon regard est fermé, je n’ai pas envie de lui montrer à quel point il me blesse à nouveau par ses mots « Oui j’ai été stupide, tu n’es aucunement fautif. Tu as été clair tellement de fois avec moi Alec… » Il pouvait entendre non sans mal l’ironie dans mes paroles pour lui souligner à quel point il ne l’avait clairement pas été. J’étais lassé de me battre de toute façon, d’avoir cette discussion avec lui qui ne mènerait à rien…
Malgré l’amertume et ma colère envers lui, je réponds à ses questions au sujet de mon père. Je m’ouvre à nouveau, lui racontant ma rencontre avec ce dernier la veille… Oui, le retour de mon père m’avait chamboulée et était certainement une raison de mon accident. Peut être un tout finalement… Je me rends compte que j’en dis trop encore, que je ne devrais pas autant me confier à lui. Je retire ma main de la sienne… « Pourquoi ? Pourquoi tu ne devrais pas me dire tout ça ? ». Mes yeux s’écarquillent, j’ai l’impression qu’il se fiche littéralement de moi à ce moment-là. Je suis prête à lui dire de dégager, que je n’ai plus envie de le voir… Mais il est plus rapide « Je suis désolé, je sais pourquoi tu ne devrais pas me dire tout ça mais… ». Mon regard est toujours porté sur lui, je vois qu’il ne me regarde plus à ce moment « Tu me manques ». Mon souffle est coupé, je ne m’attendais pas à entendre ça de sa part, surtout après ce qu’il m’avait dit quelques minutes plus tôt. Il me prend de court, je ne sais plus comment réagir à ce moment même. Il me manque, je lui manque et pourtant, il nous est impossible d’être ensemble. Je murmure alors, sans le quitter du regard « Pourquoi tu rends les choses si compliquées… » Compliquées car j’ai envie de lui dire qu’il me manque aussi et en même temps j’ai envie de lui dire d’aller se faire voir. Que c’est trop tard, que le mal est fait et qu’il ne peut s’en prendre qu’à lui si la situation est celle qu’elle est désormais entre nous. Que tout est de sa faute… « Tu me manques aussi… » finis-je par dire. Cette fois, je suis celle qui glisse sa main dans la sienne. Je l’oblige à me regarder à nouveau, même si cela me coûte en douleurs « Mais je ne veux plus souffrir par ta faute Alec… » Une larme se met alors à couler le long de ma joue, jusqu’à cet instant, je ne me suis pas rendue compte à quel point cette relation avait compté pour moi… Plus que je ne voulais l’admettre « Va-t’en… ». Mon ton était calme alors que dire ces mots me déchiraient encore plus le cœur. Je n’avais pas envie de le voir partir, j’avais envie qu’il reste près de moi… Mais cette relation était toxique … Une larme roule encore sur mes joues, et même si ma main est toujours dans la sienne je le supplie une nouvelle fois « Pars s’il te plait ».