Essayant de décharger ma nervosité, j'ai passé la matinée dans les combles à avancer ces fichus travaux qui traînent depuis quasiment un an. Il ne reste pourtant plus grand-chose à faire. L'électricité est installée, ainsi que l'isolation et les fenêtres. Je dois simplement passer une seconde couche de peinture sur les murs, poser la moquette, les plinthes, faire deux ou trois finitions, et ce troisième étage parfaitement inutile sera terminé. Je ne sais même plus pourquoi je me suis lancé là-dedans. L'année dernière, je me souviens avoir eu une excellente raison. Et maintenant, plus rien. Bricoler ne sert plus qu'à me distraire lorsque je n'ai pas l'inspiration pour m'enfermer dans l'atelier. Je trouverai bien un usage à tout cet espace, un jour. Peut-être transférer l'atelier ici, et transformer l'autre en seconde salle de bains. C'est une idée. En une matinée, j'ai terminé d'étaler la couche de peinture, blanche, sur les murs. Faute de savoir quelle utilité aura cette trentaine de mètres carrés supplémentaires, j'ai fait au plus simple. Mourant de chaud, cela fait déjà deux heures que j'ai laissé tomber le haut. Le stress me rend diablement efficace. La première de l'émission a lieu demain, lundi. Et depuis mon réveil, je ne suis qu'une boule de nerfs. Joanne et moi avions donc convenu que je m’attellerai aux travaux la matinée, histoire de me défouler, puis que nous irions passer l'après-midi dehors, avec Ben, dans un parc se trouvant à l'autre bout de l'esplanade, avec une belle vue sur l'océan. J'avais proposé d'aller pique-niquer, et l'idée avait plu. La jeune femme s'occupe donc de préparer le déjeuner à emporter, dans la cuisine. Elle est de retour à la maison depuis une petite semaine, et c'est un peu comme si elle n'était pas vraiment partie. Les habitudes se recouvrent, doucement. Elle a repris possession de son espace dans le dressing -et dans le lit. Elle a aussi pu constater que mes journées sont un peu plus longues, même si je ne travaille plus du tout de nuit depuis quelques semaines. Mais je ne suis pas vraiment fatigué. Trop nerveux pour être fatigué. Je suis en train de mesurer chaque recoin de la pièce lorsque j'entends mon portable sonner et vibrer hystériquement. Je sursaute comme un idiot et manque de cogner mon crâne contre le mur mansardé. Rapidement, j'éteins l'alarme que j'avais planifié afin de ne pas me laisser bouffer par le temps passant trop vite ; il est bientôt midi. J'ai assez travaillé pour aujourd'hui. Je quitte l'étage et descends les escaliers jusqu'au rez-de-chaussée pour retrouver Joanne. En fait, je ne tarde pas à l'arracher de la cuisine pour la kidnapper dans le canapé. Lorsqu'on frappe à la porte, nous sommes allongés, nous embrassant langoureusement, avec envie. Je soupire, grommelle, frustré, et suis bien obligé d'aller ouvrir torse nu puisque j'ai oublié mon t-shirt sur un pot de peinture dans les combles. Glorieux. Heureusement, c'est Lehyan que je découvre sur le pas de ma porte. Et il est plutôt pâle. « Jay, désolé de te déranger… oh, salut Joanne. » Je ne lui avait pas encore dit que la jeune femme était revenue vivre ici. Cela ne semble pas l'importer à cet instant, ce qui est d'autant plus louche. Je le scrute, l'interrogeant ; « Un problème ? » Visiblement, oui. Je connais Lee par coeur. Il tient sa plus jeune fille dans ses bras. L'autre est dans sa voiture, garée en face de la maison. « Je dois emmener Anna à l'hôpital, Cameron est introuvable et je n'ai pas de baby-sitter sous la main. Tu me garderais Olivia quelques heures ? » J'avoue que je ne réfléchis pas une seule seconde lorsque j'accepte de le dépanner ; « Bien sûr, quel genre de tonton je ferais sinon, hein ? » Je souris à la fillette de cinq ans alors que son père la dépose dans mes bras. Légère comme une plume. Elle aussi semble toute retournée et inquiète, fourrant ses bonnes joues dans mon cou. « Anna n'a rien de grave ? » je demande à Lehyan, déjà sur le départ. Mais il ne m'en dit pas plus. « Je n'en sais rien, je te tiens au courant. » « Pas de problème. File. » Il retourne derrière le volant en quelques secondes et se met à rouler vers le le centre. Je ferme la porte et dépose un léger baiser sur la tête de la petite brune, une main sur ses cheveux. « Je crois que nous avons une invitée surprise à notre pique-nique. » dis-je à Joanne avec un sourire. Ne voyant pas de mal à maintenir notre programme, au contraire ; je me dis qu'une balade pourrait également faire du bien à Olivia. Je cherche tout de même l'approbation de la jeune femme dans son regard.
then I look at you and the world's alright with me
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
La vie avait repris son cours, presque là où elle s'était arrêtée. Joanne avait vite repris ses marques, mais il y avait des choses qu'elle ne s'était permettait pas déjà avant qu'elle refusait toujours de faire. Comme aller dans certaines pièces, faire sa curieuse. Elle l'était. Beaucoup. Mais elle n'osait pas, tout simplement. Comme l'atelier où il peignait, elle n'y avait jamais mis les pieds. La jeune femme s'était mise en tête que c'était un endroit que Jamie voulait garder pour lui, son sanctuaire, où il faisait ce qui lui plaisait. Jamais elle ne viendrait l'interrompre alors qu'il était en train de peindre. Tout comme ce troisième étage. Il lui avait dit que c'était en travaux, qu'il restait des choses à faire, de la peinture notamment. Mais elle n'y avait jamais encore mis les pieds, ne sachant pas si elle en avait le droit. La belle blonde le voyait bien lui dire qu'elle ne disait que des bêtises, que bien évidemment, elle avait le droit d'aller où elle voulait, de faire ce qu'elle voulait. Mais pour le moment, elle ne pensait pas encore être en mesure de se permettre de laisser sa marque dans cette maison qui s'agrandissait de jour en jour. Une touche de féminité. Celle-ci, on la voyait surtout dans la salle de bains, avec les produits quotidiens de Joanne qui avaient refait leur apparition. Sophia était ravie d'apprendre la nouvelle, bien qu'attristée de devoir céder sa colocataire à l'homme qui la rendait heureuse. Elle avait passé du bon temps chez elle. La voir quotidiennement a été des plus bénéfiques pour la petite blonde. Joanne repensait beaucoup à ces moments. Ce jour-là, il était convenu qu'ils fassent une sortie ensemble, dans le parc. Le temps était radieux, tout était mis en place afin qu'ils se permettent de se promener avec le chien, de profiter au maximum de leur temps libre ensemble. Pendant qu'il faisait ces fameux traveux au troisième étage, sa compagne préparait tranquillement leur pique-nique, préparant précautionneusement des sandwichs complets -végétariens pour Monsieur, des petits légumes à croquer, des chips, diverses boissons, des biscuits sucrés et quelques fruits, ne sachant pas trop ce qu'il préférerait prendre. Ben semblait sentir que quelque chose se préparait, et qu'il en faisait partie. Depuis le petit matin, il était intenable, excitée comme une puce, laissant de rares moments de dépit à la belle de son maître. Elle n'avait même pas fini de tout faire que Jamie finit par descendre, torse nu, et non sans sueurs. Il la prit par la main sans se poser de questions et sans prêter attention à ce qu'elle était en train de faire afin de l'emmener avec lui sur le canapé. Surprise, Joanne restait perplexe tout en se laissant guider. A peine installés, il attrapa ses lèvres pour l'embrasser plus que langoureusement, la faisant même basculer en arrière. Ils se retrouvaient tous les deux allongés. Elle répondait bien évidemment à son baiser, l'ayant entouré de ses deux bras, à effleurer délicatement la peau de son dos. Le bruit de la sonnette la fit sursauter. Jamie semblait quelque peu horripilé d'être ainsi interrompu, mais il s'efforça de se lever afin d'ouvrir la porte d'entrée. Pendant ce temps, Joanne se redressa, se remettant de ses émotions en passant une main dans ses cheveux pour les remettre correctement en place. Elle se leva à son tour, gardant tout de même une certaine distance entre elle et la porte. C'était un homme qui était là. Lehyan. Elle ne le connaissait que vaguement, mais savait que c'était le meilleur ami de Jamie. Il la salua, elle lui répondit d'un signe de tête, avec un sourire amical. Le pauvre semblait alarmé, perturbé, avec une fillette dans ses bras. Elle comprenait vite que quelque chose n'allait, et se trouvait rapidement inquiétée par la situation. Lehyan venait demande de garder la petite qu'il tenait dans les bras, avant de la passer à Jamie. Une image du moins surprenante pour elle. Son amant portant un enfant dans ses bras, lui qui disait en avoir une certaine aversion. Voilà qu'il acceptait de la garder pour le reste de la journée. Une belle image en soi. La porte à peine fermée, Jamie dit qu'il y avait une personne supplémentaire à ajouter au programme de leur journée. "Il n'y a aucun soucis." dit-elle de sa voix douce, un sourire tendre dessiné sur ses lèvres. La jeune femme s'approcha d'eux, inquiète du comportement de la petite, vraisemblablement perturbée par tout ce qu'il se passait. Elle échangea un regard un petit peu inquiet à Jamie avant de se focaliser sur la petite -que Jamie tenait bien contre lui. "Bonjour, toi. Je m'appelle Joanne." lui dit-elle à voix basse. Il était toujours impressionnant pour une gamine de cinq ans d'être confrontée à un nouveau visage. Sa voix restait douce et paisible, naturellement bienveillance. "Et toi ?" lui demanda-t-elle en caressant délicatement sa joue avec le dos de son index. "Olivia." dit la petite, timidement. Joanne esquissa un plus large sourire, contente d'avoir passé l'étape des présentations. Soudain, le visage de la fillette s'illumina. "C'est toi l'amoureuse de tonton Jay ?" dit-elle, presque excitée. Joanne laissa échapper un rire, et acquiesça d'un signe de tête. La prénommée Olivia enlaça ensuite Jamie, elle semblait déjà plus apaisée et ravie qu'il y a quelques minutes. La belle blonde posa tendrement sa main sur l'épaule de son compagnon, lui disant à voix basse qu'elle devait de terminer ce dont ils avait besoin, et de rajouter une demi-portion supplémentaire. En quelques minutes, elle avait fini de tout emballer et de tout mettre afin que ce soit facilement transportable. Il y avait un sac à dos et un panier. Elle mit le premier sur son dos, prête à porter le panier. Jamie avait apparemment les bras déjà bien pris. Ce ne fut qu'à ce moment là qu'elle vit que son compagnon était dans une tenue peu décente pour sortir se promener. D'un air malicieux, elle haussa un sourcil dit. "Tu devrais aller t'habiller. Je vais la prendre dans mes bras, si elle veut bien." Et elle le voulait bien, sans la moindre hésitation, ce qui surpris un moment la jeune femme. Olivia était prise d'une soudaine affection, qui enlaça fort la personne qui la portait. Joanne se contentait de se balancer de gauche à droite et de lui caresser tendrement les cheveux, alors que la petite avait posé sa tête sur son épaule.
Je ne me suis jamais considéré comme proche des enfants. Encore moins doué avec eux. Ces petits humains miniatures sont un immense mystère pour moi. Néanmoins, j'ai toujours été à l'aise avec les fillettes de Lehyan, sans vraiment me l'expliquer. Peut-être parce que j'ai immédiatement eu le contact très facile avec lui, et qu'aujourd'hui, je peux quasiment le considérer comme un frère pour moi. Répondant toujours présent quand j'en avais besoin. Prêt à m'accueillir chez lui qu'importe l'heure du jour ou de la nuit. Passant des heures à essayer de me remonter le moral. Nous avons été si proches si vite que je me souviens avoir entendu que le voisinage pensait que nous étions un couple -et cela nous faisait bien rire, nous en avons beaucoup joué. Après m'avoir accepté deux jours entiers telle une larve dans son canapé après mon détour par l'hôpital, je me vois mal refuser de jouer les baby-sitter quelques heures. Mais même sans cela, je n'aurais pas hésité. Il a été mon premier ersatz de famille à Brisbane, dès mon arrivée. Et s'il est quelque chose que je mets sur la première marche du podium de mes priorités, c'est ma famille. La petite Olivia en fait donc partie. « Et dire qu'au début de l'année, elle osait à peine me dire bonjour. » dis-je à Joanne avec un rire. Elle continuait à se cacher derrière les genoux de son père en permanence, refusant de me regarder ou de me parler. Maintenant, je suis « tonton Jay ». La jeune femme s'approche pour faire connaissance avec la petite chose craintive logée dans mes bras. Je la regarde faire, attendri. Puis la fillette se redresse soudainement pour demander si Joanne est mon « amoureuse ». Je me pince les lèvres pour éviter d'éclater de rire. Puis la belle retourne en cuisine, finir de préparer le pique-nique. « T'as vu ça ? Elle file sans me faire un bisou. » je glisse à Olivia, assez fort pour que Joanne l'entende et lui adressant un regard joueur. Au bout de quelques minutes, le panier et le sac à dos sont parés. Tout est prêt pour sortir. Sauf moi. « Oh. Oui, en effet. » dis-je en constatant que je n'ai rien sur le dos. Dans mes plans de base, j'avais le temps de prendre une douche pour ôter un peu des quelques gouttes de peinture qui ont pu tomber dans mes cheveux. Mais sur le moment, je n'y pense plus. Je me contente de déposer Olivia dans les bras de Joanne. Elle s'agrippe immédiatement. « Je crois que tu as été adoptée par un petit koala. » je fais remarquer avec un sourire amusé. Je vole rapidement un baiser aux lèvres de la jeune femme et file monter les escaliers deux à deux. Dans le dressing, j'attrape un jean gris et un polo crème, et me change assez vite pour ne pas trop faire attendre ces dames. Je passe par la salle de bains pour me passer un peu d'eau sur le visage, et, remarquant quelques éclaboussures blanches sur ma joue, en profite pour les essuyer rapidement. Quelques minutes plus tard, je suis de retour au rez-de-chaussée. « C'est mieux comme ça ? » je demande à Joanne. Pour sortir, forcément, oui. Puisque cette fois tout est prêt, j'appelle Ben qui rentre dans la maison dans la seconde. Je ferme la porte-fenêtre de véranda, attrape sa laisse et vient l'attacher à son collier -sachant pertinemment qu'il en a horreur, mais je ne tiens pas à ce qu'il fasse des siennes et effraye la petite. Quoi qu'elle l'aime bien, je le sais déjà. Je récupère ensuite le panier aux pieds de la jeune femme, laissant Olivia dans ses bras puisqu'elle semble s'y plaire. Tout le monde hors de la maison, je jongle avec mes doigts pour réussir à activer l'alarme et fermer la porte. Tout est bon. Le chemin à pied jusqu'au parc prend à peine dix minutes. Comme je le pensais, arrivés au bout de la rue, où nous tournons normalement à gauche pour promener Ben, celui-ci tire de toutes ses forces sur sa laisse en direction de la plage, ne comprenant pas qu'il ne s'agit pas de ce type de balade. Je tire un peu plus fort que lui pour l'inciter à aller à droite. L'air perdu, il n'oppose pas plus de résistance que ça. Sur place, nous ne sommes pas les seuls à avoir eu l'idée du pique-nique. Néanmoins, contrairement aux personnes présentes, je préfère que nous nous trouvions un coin dans l'herbe plutôt qu'une table. Nous étalons la nappe à l'ombre d'un arbre. Le soleil, à son zénith, frappe avec zèle. Alors que je m'occupe avec Joanne de disposer le déjeuner sur notre espace en tissus, Ben s'est allongés près de nous et Olivia glisse des doigts potelés, craintifs, entre ses poils blonds. « Elle a quoi, Anna ? » demande-t-elle. Bien sûr, nous aurons du mal à lui sortir sa sœur de la tête. J'hausse les épaules, terminant de sortir les préparations de Joanne. « Aucune idée, ton papa ne m'a rien dit. Mais je suis sûr qu'elle va bien, ne t'en fais pas. » A vrai dire, je n'en sais pas plus qu'elle et je ne peux pas affirmer ce que j'avance. Mais il me semble que c'est ce qu'il faut faire, avec des enfants. Les rassurer, et dire que tout va bien. Olivia se prend de passion pour les carottes, et les engloutit avec plaisir en s'amusant à les faire craquer sous ses dents en faisant autant de bruit que possible. Je me tourne vers ma compagne, trouvant enfin le temps pour articuler ce que je souhaite lui dire ; « Je… » « Et qui s'occupe de Pascal ? » Le chaton de la famille. Lehyan l'a sûrement complètement oublié. J'abandonne l'idée de parler à Joanne pour tenter je ne sais quelle réponse passe-partout et fort maladroite. « Hm… Il est sûrement en train de jouer dans toute la maison. Il ne remarquera même pas que tu es partie. » Elle acquiesce d'un signe de tête, l'air sérieuse et convaincue, jouant avec ses mains dans sa serviette. « Et pourquoi on va pas chercher Pascal pour jouer avec Ben ? » J'hausse un sourcil et pince mes lèvres, sentant déjà la fillette rencontrer les limites de ma patience en matière d'interrogatoires. Je passe une mains sur mon visage, ne trouvant cette fois rien à répondre. Je cache ma bouche de la vue de la petite pour m'adresser à Joanne, un sourire quelque part entre l'amusement et l'exaspération sur les lèvres ; « Comment on les arrête, ces petites choses ? Tu as un mode d'emploi ? »
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I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Cette gamine était adorable. Dire que Jamie disait ne jamais se sentir à l'aise avec les enfants. Il pensait certainement que ce n'était que des petits êtres bruyants, bons qu'à pleurer. Ce doit être encore une autre raison qui l'inciterait à ne pas en vouloir, de descendance. Il semblait pourtant relativement à l'aise avec la petite Olivia, qu'il câlinait tendrement. Il reconnaissait même que les débuts n'étaient pas très rose avec les filles de Lehyan, mais le courant semblait être bien passé, vu l'affection que la gamine portait à son égard. Jamie fit mine de dire à Olivia que Joanne était une amoureuse indigne, ne l'ayant même pas embrassé avant qu'elle finisse ce qu'elle devait faire. La belle blonde le regardait d'un air accusateur mais en tout amusement à cette remarque, sachant qu'il ne faisait que la taquiner. La jeune femme récupéra ensuite la fillette dans ses bras, le temps que son compagnon monte rapidement afin de se changer. "Un petit koala adorable." ajouta Joanne en regardant tendrement Olivia. Il l'embrassa avant de monter, et de se remettre à propre en deux temps trois mouvements. Bien sûr qu'il était mieux comme ça, pour sortir. En d'autres circonstances, et sans un petit lardon, elle aurait certainement répondu autrement. "Tu es beau, même recouvert de peinture." lui dit-elle à voix basse, les yeux pétillants, avant qu'ils ne finissent pas quitter la maison. Olivia restait dans les bras de la belle blonde, qui elle se surprenait à parvenir à la garder aussi longtemps -elle faisait quand même un peu son poids, la petite. Arrivés près du parc, elle remit la gamine debout sur ses jambes, mais cette dernière préférait tout de même tenir la main à celle qui l'avait porté. Qu'est-ce qu'elle s'attachait vite. Ils trouvèrent un endroit sur l'herbe pour y déposer la nappe, à l'ombre d'un arbre. Joanne aida à sortir tout ce qu'elle avait préparé, persuadée d'avoir oublié quelque chose. Pendant que Joanne ouvrait les contenants, la petite posait une question sensible à celle qu'elle considérait comme de la famille. Il faisait de son mieux pour jongler entre l'honnêteté et la douceur pour apaiser la petite. Celle-ci se servit ensuite en légume frais. Joanne lui montra qu'elle avait aussi préparé une petite sauce, à base de crème épaisse, de persil, noix de muscade, poivre et sel qu'elle avait préparé, afin de tremper les légumes frais dedans. Carottes, concombres, petits morceaux de chou fleur, tomates cerise, radis. Il y avait du choix. Elle montrait aussi à Jamie les sandwichs végétariens à Jamie, qu'il sache lesquels étaient spécifiquement pour lui. Olivia continuait à jongler avec les questions, et Joanne voyait bien qu'il commençait à perdre patience, ne trouvant de plus quoi répondre. Elle le regardait tendrement, voyant qu'il était assez vite dépassé par une petite fille de cinq ans. Le pauvre ne devait pas être habitué à s'occuper de gamins en bas âge. Joanne non plus, à vrai dire, mais elle avait toujours aimé accompagner les guides lors des sorties scolaires au musée. Il demanda à sa belle si elle pouvait prendre le relais. Joanne tendit la main à Olivia afin qu'elle s'approche d'elle. "Viens par là, ma belle." La petite s'approcha d'elle, timidement, en jouant avec ses cheveux. "Tu sais ce que tu pourrais faire ? C'est faire un bouquet de fleurs pour ton papa, même pour Anna. Je suis sûre que ça leur ferait plaisir." "C'est vrai ?" dit la gamine, tout en surprise, trouvant certainement l'idée merveilleuse. Joanne lui sourit et acquiesça d'un signe de tête. "Bien sûr." "Je peux te demander quelque chose dans l'oreille ?" dit-elle, toute gênée. Evidemment, Joanne accepta, et la gamine mit ses deux mains des deux côtés de son oreille pour lui parler. "Tu crois que ça ferait aussi plaisir à tonton Jay, que je lui donne des fleurs ?" La belle blonde ne put s'empêcher de rire, avant de lui répondre de la même manière qu'elle venait de le faire, en chuchotant. "Il adorerait ça." La gamine s'en réjouit, sauta de joie, et s’attela immédiatement à la chasse aux fleurs. Spontanément, le chien se décida à la rejoindre, comme s'il se chargeait lui-même de sa surveillance. Bien évidemment, la jeune femme gardait un oeil attentif sur Olivia, qui cueillait ici et là. Elle passa ensuite l'une de ses mains dans les cheveux de Jamie, tendrement, avant de poser sa main sur sa cuisse, et d'utiliser l'autre pour se servir d'une tomate cerise afin de la manger. "Qu'est-ce que tu voulais me dire ?" demanda-t-elle de sa voix très douce, maintenant qu'il avait toute son attention, et tout le loisir de partager le fond de ses pensées.
« Tu es parfaite, merci. » je souffle à Joanne avant de déposer un léger baiser sur sa joue. La jeune femme s'est donné du mal pour tout ceci. C'est souvent si compliqué de faire simple. La petite Olivia semble se régaler. Cette sauce m'intrigue, alors je lui pique une carotte avant qu'elle ne finisse d'en dévaster tout le stock, histoire de goûter ceci. J'approuve d'un hochement de tête ; c'est fort bon, rien à redire. Je picore de ci de là, appréciant la simplicité du moment pour m'aider à me détendre. Même si mon esprit est en constante activité en ce moment. Je me mets en tête de prendre une bouchée d'un des sandwichs qu'elle m'a réparé, mais je n'y parviendrais jamais, constamment interrompu par les questionnements d'Olivia qui me laissent de plus en plus muet. Heureusement pour moi, Joanne accepte de prendre la relève avec la fillette. C'est peut-être en me voyant complètement perdu et manquant cruellement de patience que l'idée d'avoir des enfants avec moi lui passera. Ce qui serait dommage, maintenant qu'elle commence à s'installer, se faire une place dans ma tête. Pour l'occuper, Joanne lui propose d'aller cueillir quelques fleurs. Je souris, amusé. Je ne sais pas si je trouve cela complètement niais, ou plutôt mignon. Mais Olivia adore l'idée. Forcément. Oh, je suis sûr que Lehyan adorera aussi. Après quelques messes basses, la petite s'éloigne de quelques mètres, suivie de près par Ben. Je suis assez inquiet à l'idée que le chien ne sache pas se tenir et puisse la blesser, même sans en avoir l'intention. Il est assez grand par rapport à elle, et si souvent surexcité. Lee ne me pardonnerait jamais d'envoyer sa seconde puce à l'hôpital. Je plisse les yeux, les observant, assez anxieux. « Je suis tellement mauvais avec les enfants. » je murmure, me trouvant franchement ridicule de ne même pas savoir quoi répondre à une gosse de cinq ans, alors que je suis capable de tenir tête à un ministre en interview pendant des dizaines de minutes. Je soupire. La question de Joanne me sort de mes pensées. C'est vrai, nous sommes plus tranquilles maintenant. J'ai énormément de mal à détourner mon regard d'Olivia. « Eh bien, je suis en pleine bataille avec Edward pour, comment dire… Que son titre ne me revienne pas. » Tout ceci a commencé il y a déjà quelques semaines, mais je ne voyais pas l'intérêt d'en parler jusqu'à présent. Après tout, ça ne regarde que moi -et mon héritage réduit de moitié. Je passe une main sur ma nuque, essayant de détendre un peu mes cervicales. « C'est d'un compliqué comme démarche… » Des documents, des montagnes de documents, à lire, à signer, à jeter, à recommencer. Quelle idée j'ai eu. « Ca m'a pris, un jour, d'aller à l'ambassade, et envoyer cette lettre. Et finalement, c'est tellement long et fastidieux que je me retrouve avec tout le temps de réfléchir à ce que je fais. » Et Joanne le comprend sûrement ; réfléchir après une impulsion remet forcément tout en question, soulève une montagne de doutes. Plus les choses sont rapides, spontanées et instantanées, mieux c'est. Cela évite bien des tortures de l'esprit. « Ca reste un honneur, comme titre. D'avoir un siège dans la Chambre, une voix pour voter… » Je me sens terriblement ingrat de cracher sur tout ce qui peut m'être donné, comme ça, par défaut. « Ca voudrait dire retourner à Londres. » En soi, c'est une raison qui eut sembler suffisante pour justifier ma démarche. Et puis, de minutes de réflexion en heures à ne penser qu'à ça, c'est un facteur qui devient dérisoire. « Je pourrais très bien juste garder le titre, et refuser le siège, comme un voleur. C'est mon droit, mais… Je préfère simplement renoncer à tout ça. » j'ajoute, haussant les épaules, essayant de me résigner. Je n'ai même pas la moindre attirance pour la politique. La question ne devrait même pas se poser. « Sauf que parfois je me demande si c'est la bonne chose à faire. Mais je n'ai pas vraiment le choix. Je n'en sais rien. » Olivia ne s'éloigne pas trop finalement. Elle s'est trouvé un coin rempli de fleurs à cueillir. Et Ben s'est de nouveau allongé, l'observant. Alors, enfin, je pose mon regard sur Joanne. Je remarque sa main sur ma cuisse, et pose la mienne par dessus. « Tu me verrais Lord ? Quelle horreur. »
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I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
"Tu n'es pas mauvais avec les enfants." lui rétorqua-t-elle tout en douceur. Joanne lui sourit tendrement. "La situation est délicate. Elle ne sait pas ce que sa soeur a, elle ne sait pas où son père l'a emmené. Et puis, c'est un âge où on pose énormément de questions. Il faut juste la rassurer et lui occuper l'esprit autrement. Les réponses viendront plus tard. Tu as dit ce qu'il fallait être dit." Son père lui dira ce qu'il se passe en temps voulu. Pour le moment, la petite profitait du beau temps, en cueillant des fleurs, et en grignotant de temps en temps. Largement suffisant pour lui faire oublier ses tracas. Après quoi, Jamie finit par partager les siens. Elle s'attendait à ce qu'il parle de l'émission de radio, elle avait bien remarqué qu'il n'était pas dans son état habituel. Etre à nouveau face à un microphone ne devait pas être évident pour lui. Il n'en parlait pas beaucoup. Mais il aborda un tout autre sujet, auquel la jeune femme ne s'attendait certainement pas. Son héritage, le titre qu'il devrait porter le jour où son fou de père serait mené à mourir. A vrai dire, il n'en voulait pas, songeant déjà à s'en débarrasser. Ce que sa compagne pouvait comprendre. Il disait que c'était compliqué de s'en défaire, qu'il y avait toute une loterie de paperasse à remplir, à signer, à contre-signer. Et tout autant de temps de songer à son choix, de semer le doute en se posant une multitude de questions. Il semblait confus. Il précisa que s'il acceptait le titre, il devrait retourner sur Londres. Même si elle adorait la ville, la jeune femme ne s'y voyait absolument pas, ayant toujours cette idée en tête de la présence de la famille Keynes, et de l'impact de sa célébrité qui régnait autour de lui. Joanne n'était pas enthousiaste à l'idée de revoir son pervers de père. Jamie avait également la possibilité de garder le titre, et non le devoir politique qui s'y cachait derrière. Joanne était un peu perdue lorsqu'il en avait fini avec ses explications, elle ne savait pas quoi dire. Quelques instants de silence s'imposèrent, alors qu'ils regardaient la gamine, qui restait concentrée sur son activité. "J'aimerais beaucoup t'aider, mais je ne pense pas avoir suffisamment de connaissance pour te donner une réponse claire." dit-elle, véritablement embarrassée. Elle lui caressa tendrement la cuisse, le regardant amoureusement. "La seule chose que je puisse te dire, c'est de choisir ce qui te corresponde le plus. Si ce titre te semble plus être un fardeau, un ajout d'obligations, et si ça te rappelle trop ton père, alors renonces-y. Si tu pense que c'est la meilleure chose à faire que d'accepter cet héritage, qu'il y a plus de bénéfices à le garder plutôt qu'à y renoncer, alors garde-le." Joanne savait qu'elle n'était pas d'une grande aide, loin de là, mais elle ne se voyait pas en faire plus. Son ton devenait très honnêtre à cet instant là. "Quoi que tu fasses, je te soutiendrai, je te suivrai." lui dit-elle en le regardant droit dans les yeux. "Même s'il s'agit de partir à Londres avec toi." Bien que l'idée même de quitter l'Australie n'avait pas l'air d'enchanter Jamie. Mais elle était sûre de ce qu'elle disait, elle savait ce qu'elle voulait. Et c'était être avec lui, rien de plus. "Si tu venais à tout de même accepter le titre... cela changerait-il beaucoup de choses pour nous ?... Entre nous ?" demanda-t-elle tout de même, craignant que l'impact ne soit trop important. Juste après que Jamie ait répondu, Olivia vint avec un premier petit bouquet en main -principalement des pâquerettes. Elle demanda à Joanne si elle pouvait les garder le temps qu'elle constitue le deuxième. La jeune femme les prit, enroula les tiges dans un papier essuie-tout humide, puis de l'aluminium, afin que cela ne fâne pas trop vite. Puis la fillette retourna dans le coin où elle était avant, démarrant son deuxième petit bouquet. Quand ils étaient à nouveau seul, ils reprirent la conversation. "Je dois avouer que j'ai quand même un peu peur pour toi." dit-elle. "Tu as tellement cherché à reconstruire ta vie, en dehors de tout ça, à vouloir te faire un nom pour tes efforts, et non pour un héritage. Vivre ta vie comme tu l'entendais. Je ne sais pas mais... si tu reprenais le titre, il y aurait quand même le risque que tout te retombe dessus, au moins où tu t'y attendras le moins." Elle craignait, plus que tout, que ça finisse comme son frère, qu'il ne pourra pas le supporter. "Mon avis ne compte pas énormément, mais, je ne pense pas que reprendre le titre soit bénéfique pour toi. Si ce n'est en terme d'argent, je suppose..." Joanne baissa les yeux, songeuse. Elle finit par murmurer "Je ne veux que ton bonheur..."
En réalité, je sais que j'ai uniquement besoin d'extérioriser. Parler à voix haute, à quelqu'un, et arrêter d'être seul à réfléchir. Sait-on jamais si un second cerveau pour retourner la question puisse être utile, éclairer certains points qui ne m’apparaissent même plus à force de me focaliser dessus. Joanne peut être de bons conseils. Elle sait me rassurer, me redonner confiance, et ce dont deux choses dont j'ai bien besoin. Ou elle peut simplement dire tout haut toutes les pensées qui m'assaillent ; de sa bouche, avec sa voix, ils trouveront sûrement un nouvel écho. La jeune femme, dans ses paroles, effectue un savant mélange de ces deux possibilités. Bien sur qu'elle ne peut pas décider à ma place, pas même m'éclairer précisément sur ce que je devrais faire. Ce n'est pas son monde, pas ses règles, tout ça lui est étranger. Mais au-delà de tout le côté technique de la chose, elle est sensible à l'humain, et c'est un facteur que j'ai peu à peu mis de côté. Ce titre ne sera qu'un fardeau. Un héritage qui collera à jamais mon père à ma peau. Il n'y a pas de vrai bénéfice à le prendre. Uniquement du prestige. Ca brille, c'est charmant, le prestige. C'est ce qui a détourné ma réflexion de sa piste initiale. Je n'y peux rien si j'ai été endoctriné afin que ce genre de grandeur m'attire. Mais ce n'est pas moi. C'est lui. Joanne tient quand même à me faire comprendre qu'elle soutiendra n'importe quelle décision. Qu'elle viendrait à Londres s'il le fallait. Je lui souris, attendri et plein de gratitude. « Tu sais bien que je ne pourrais pas t'arracher à Brisbane. » dis-je avant de déposer un léger baiser sur ses lèvres, la remerciant tout de même pour son dévouement. « Je n'ai pas envie de m'en arracher non plus. » Ma vie est ici maintenant. Ma maison. Mon travail. La femme que j'aime. Tout me retient ici, et rien ne peut me pousser en direction de l'aéroport pour cette ridicule petite île grise. La jeune femme me demande si être Lord changerait quelque chose pour nous, notre couple. Je réfléchis un instant -en profitant pour gober une tomate-cerise et boire un peu d'eau- faisant le tour de tout ce que je sais à ce sujet. « Non, je ne pense pas que ça changerait quoi que ce soit entre nous. » Je reste libre d'aimer qui je veux, et cela n'aurait pas d'impact sur Joanne. Sauf sur un détail ; « Mais tu deviendrais une Lady, un jour. » je fais remarquer avec un sourire complice. Il me semble que la plupart des petites filles veulent devenir des princesses. C'est un titre moins prestigieux, mais qui a le don de faire rêver. « Tentant, non ? » Non, je ne pense pas. Pas pour Joanne. Qu'est-ce qu'elle ferait de quatre lettres avant son prénom ? Ce n'est pas la vie à laquelle elle aspire. Ce n'est pas le monde dont elle veut faire partie à tout prix Elle fait un métier qu'elle aime dans une ville qu'elle adore. Un titre n'a pas vraiment sa place dans ce tableau. Olivia revient, son premier bouquet à la main. Son air fier me fait sourire alors qu'elle les confie comme une poignée des diamants à l'amoureuse de son tonton. Et Joanne ne manque pas de leur donner toute leur importance, veillant à tout mettre en œuvre pour que les pétales blanches ne se fanent pas trop vite. Je l'observe non sans une pointe d'admiration ; je n'aurais jamais mis autant de soin dans la conservation de quelques fleurs cueillies par la fillette. Je n'en aurais pas eu l'idée. Elle oui. Quand Olivia repart, Joanne reprends la parole. Elle a peur pour moi. Je fronce les sourcils, demandant qu'elle s'explique. Elle a raison. Dans mes propres plans de vie, que je me suis battu à tracer seul, un titre n'a pas sa place. « Bien sûr que ton avis compte. » dis-je en posant une main sur sa joue, trouvant son regard. Finalement, je m'allonge dans l'herbe, la tête sur les genoux de Joanne. J'attends qu'elle passe ses doigts dans mes cheveux, sachant que cela me tranquillisera instantanément. « Je sais que tu as raison. C'est exactement ce à quoi je pensais en faisant cette demande. Je ne veux pas partir, je ne veux sûrement pas être impliqué dans quoi que ce soit de politique, et encore moins être comparé à mon père. » Parce que reprendre le flambeau revient à me condamner à traîner son fantôme à côté de moi pendant des années. Et j'ai eu ma dose. Tout le monde me trouvera des points communs avec ce type, chercheront à utiliser sa mémoire pour me faire aller dans leur direction. Dans son domaine, dans son environnement, je sais que tous les attributs que je lui dois finiront par ressortir. « Je ne veux pas avoir quoi que ce soit en rapport avec lui. » Je dois déjà avoir son nom et son sang. Je me passe bien du reste. « Il sait que, d'où je suis, le dernier moyen qu'il a de m'atteindre, c'est d'attendre. Attendre de passe l'arme à gauche, et que je me retrouve avec un titre et des obligations. Il n'a rien besoin de faire, juste attendre, pour avoir ce qu'il a toujours voulu. » Ce qu'il voulait pour Oliver, à vrai dire, qui aurait certainement été brillant en politique. Il aurait eu le temps de former, le modeler, comme il faut, pour en faire son soldat, son parfait héritier. « J'ai trop donné pour que ça arrive. » J'ai tout quitté, recommencé à zéro, j'ai imposé moi-même mon patronyme, j'ai tout construit. Sûrement comme mon père, et le sien, et les précédents. En quoi j'suis différent, voire meilleur qu'eux ? Qu'est-ce qui m'autorise à cracher sur ce qu'ils se sot donné du mal à gagner pour leur famille, leurs descendants ? Qui suis-je pour tout gâcher ? « C'est une énorme responsabilité d'être celui qui fera retomber ma famille dans l'anonymat. » Je soupire. Je sais ce que Oliver aurait fait ; il aurait tout porté sur ses frêles épaules, autant que possible, détournant l'attention des parents loin de leur mauvais fils, et me permettant d'avoir la vie que je veux. Mais il n'est pas là pour porter cette charge. Il n'y a que moi et mon arbre généalogique tout entier pour me juger à travers les siècles. « Mes enfants n'auront pas accès à ce titre non plus et… » Olivia revient à ce moment, son second bouquet terminé. Je me redresse pour me rasseoir à côté de Joanne et ne pas la déranger dans ses mouvements alors qu'elle s'occupe de ces nouvelles fleurs. « Je suis désolé, je ne fais que réfléchir à voix haute. Je tourne en rond. Il y a tellement de bouleversements ce moment. » Ca, la radio, l'accident des cousins… Comme toujours, tous les événements font la queue pour mieux tomber en même temps.
then I look at you and the world's alright with me
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Il ne voulait pas l'emmener loin d'ici, ce n'était pas ce qu'il recherchait du moins. Il disait oui à leurs nombreux voyages en prévision, mais pas à un emménagement dans le pays dans lequel il avait grandi. Il avait fait poussé ses racines en Australie, et semblait bien s'y plaire. Jamie avait enfin pu construire sa propre vie dans cette ville, à son image, comme il l'entendait. Elle le regarda avec surprise lorsqu'il précisa qu'elle pouvait devenir Lady, tout en lui garantissant qu'en soi, ça ne changerait rien entre eux. Le Lord pouvait très bien marier une petite roturière australienne, pas de panique, pensa Joanne en toute ironie. "Lady, quelle étrange idée." dit-elle, pensive. Elle ne s'y voyait absolument pas. Même si ce n'était pas le cas, si Jamie venait à choisir de garder son titre, elle n'aurait rien dit, aurait accepté le sien juste pour lui, sans broncher. Si c'était une condition supplémentaire, elle était tout à fait enclin à signer. Il finit par s'allonger sur ses genoux, la main de Joanne venant se loger machinalement dans sa chevelure, à effectuer de légères caresses, l'écoutant avec attention. "Tu n'as pas à être comparé avec ton père." commença-t-elle tendrement, en lui caressant tendrement le front avec son pouce. "Tu n'es en rien comme lui." lui chuchota-t-elle. "Toi, tu sais aimer." Elle ne l'avait vu que quelques minutes, mais cela lui avait largement suffi à établir le tableau du père Keynes. Une homme méprisable, elle ne l'aimait pas beaucoup, et ne se sentait pas d'attaque pour le rencontrer une nouvelle fois. Jamie dit ensuite que même après sa mort, Edward continuerait à semer ses misères, en lui léguant ce titre. "Raison de plus de ne pas lui donner satisfaction, alors." C'était tout bénéfique pour lui, finalement. Les médias le laisseraient un peu plus tranquilles, Edward finira ses jours frustrés, ils pourraient vivre la vie dont ils souhaitaient. Encore fallait-il se mettre d'accord sur leur avenir, et c'était loin d'être gagné. Joanne se souvenait très bien de leur dernière conversation à ce sujet, et ça n'avait qu'empirer leur situation, déjà bacuale à l'époque. "Ce n'est pas si mal que ça, l'anonymat." dit-elle en souriant. "Tu y as déjà goûté en arrivant ici, ça a l'air de tout à fait te convenir." Là, ses doigts glissaient le long de sa joue, remontant de temps en temps. Joanne avait du mal à donner entièrement son point de vue, elle ne connaissait qu'une infime partie du monde dans lequel il avait grandi. Mais elle avait remarqué que ça ne lui avait jamais correspondu. "Tu sais, quand nous, petits citoyens, entendont parler des la haute société, c'est rarement en bien. On ne nous divulge que la taille de leur porte-monnaie, leurs belles intentions pour cacher parfois leur perversité. Mais sinon, ce ne sont que des potins, des drames, au grand plaisir des magazines people, qui font sacrément couler de l'ancre à ce sujet. Ce n'est pas si mal que ça, de passer incognito." dit Joanne, perdue dans ses pensées. Un seul mot stoppa son coeur pendant un instant. Jamie venait toujours de parler d'enfants. De ses enfants. Sa respiration se coupa, mais dut reprendre son cours quand la petite revint vers elle pour lui confier son deuxième bouquet, fièrement. Joanne dévisagea très brièvement son compagnon avant de sourire à Olivia, répétant les mêmes gestes qu'elle avait fait avec le bouquet précédent. "Tiens ! Ca, c'est pour toi. Comme ça tu peux la mettre dans tes jolis cheveux." s'enthousiasma la gamine en lui tendant une fleur violette. Joanne la remercia chaleureusement, Olivia sourit, ravie, avant de repartir dans sa petite aventure. La jeune femme mit la fleur par dessus son oreille. "Ne jamais refuser un cadeau venant d'un enfant, même si c'est un caillou. Ce sont les seules choses qu'ils peuvent donner, parce qu'ils n'ont rien d'autre. C'est une preuve d'amour de leur part." dit-elle. Ce mot régnait toujours dans son esprit. Enfants. Ses enfants. Elle avait baissé ses yeux, songeuse, ayant un soudain coup de stress. Elle était dans un état d'esprit où elle se demandait même s'il voulait fonder une famille avec elle et pas une autre. Il n'y avait déjà pas beaucoup de probabilité qu'elle puisse avoir un foetus viable, mais là, il parlait bien de plusieurs. Fallait-il revenir sur le sujet, ou non ? Allait-il y avoir de nouvelles tensions ? "Tu... Tu parlais d'enfants..." commença-t-elle, d'une voix fragile, toute bégayante. "De tes enfants..." Joanne ne savait pas comment réaborder le sujet, elle se faisait déjà beaucoup trop d'espoir à ce sujet. Même s'ils étaient encore en plein renouveau dans leur couple. "Je... Je croyais que tu n'en voulais pas." dit-elle tristement, presque résignée, s'attendant à ce qu'il rattrape ce qu'il venait de dire. Elle en avait déjà presque les larmes aux yeux. Pourquoi fallait-il qu'elle pense déjà à ce genre de choses ?
J'ai vraiment envie de croire que je n'ai rien à voir avec mon père. Je ne suis pas aussi terrible que lui, aussi intimident ; je n'ai pas ce magnétisme malsain qui met n'importe qui à sa merci au premier regard et fait de son entourage un grand spectacle de marionnettes. Je ne suis pas aussi manipulateur, je ne cherche pas à plaire au monde entier afin de deviner autant d'adoration que de crainte dans les yeux des autres.Je n'ai pas son hypocrisie, cette centaine de visages différents qu'il est capable d'arborer et de changer d'une seconde à l'autre, s'adaptant à chaque situation comme un parfait caméléon. En revanche, à son contact, j'ai appris à parfaitement jouer la comédie pour ma propre survie. Je crois que tout ceci traduit un esprit vif et terriblement intelligent, de grandes capacités utilisées pour des objectifs égocentriques. S'il ne cherchait pas son propre profit dans tous les situations, il aurait pu être un homme bien. Il aurait pu. Je suppose que lui aussi, sait aimer. J'ai toujours pensé qu'il aimait ma mère, à sa manière. En tout cas, elle, elle l'aime, à n'en pas douter. J'aurais préféré mettre tout en œuvre pour les rendre fier. Mais ils semblent impossibles à contenter. Que ce soit Oliver ou moi, je crois que qu'importe le mal que nous aurions pu nous donner, cela n'aurait jamais été assez. Je n'ai pas envie que renoncer au titre familial ne soit d'une bravade parmi d'autres. Cela me donnerait bien trop honte de moi-même. L'idée n'est pas tellement de lui donner satisfaction ou non, en réalité. Mais d'être libre. Qu'Edward ne puisse jamais avoir la main mise sur ma vie, même une fois mort. Que je puisse mener l’existence que j'aurais choisi, et non imposée par quatre lettres devant mon nom. Qui ne voudrait pas de ça vous ses propres enfants ? Lui, je suppose. Lui et ses principes d'un autre siècle. La question continue de m'angoisser, mais j'y vois peu à peu plus clair. Joanne tente de me rassurer en soulignant le fait que l'anonymat me convient plutôt bien depuis que je suis à Brisbane. « Tu crois ? » je demande tout bas. Depuis quelques semaines, je n'en suis vraiment pas sûr. A vrai dire, je ne sais plus vraiment quoi penser à ce sujet. Je sais quels échos ont les gens de cette petite sphère à laquelle j'appartiens, et je crois que je n'ai rien pour les contredire. Mais avoir connu la lumière pendant si longtemps m'a habitué à cette sensation. « Alors pourquoi j'aurais accepté d'avoir mon visage placardé dans la ville ? » Joanne n'aura sûrement pas la réponse. Je veux juste qu'elle se pose la question. « J'ai tout fait pour être anonyme à Brisbane, jusqu'ici. Et je gâche tout moi-même. » Je soupire. Cette émission me retourne la tête. Je veux de la simplicité, et le train de vie que j'ai toujours connu. Je veux un tas de choses parfaitement incompatibles, parce que je ne veux pas faire de choix entre le confort de ce que je connais et la vie à laquelle je peux aspirer qui reste parfaitement inconnue. « Je suppose que ça me plaît, au fond. » J'ai ai pris goût, voilà tout. Je dois m'interrompre lorsque Olivia revient. Joanne s'occupe de nouveau du petit bouquet, et reçois une fleur en cadeau. Elle glisse la tige derrière son oreille. Je lui souris, me disant qu'elle est belle. Pas à cause de la fleur. Juste ici, à cet instant. Elle est un peu plus belle. La jeune femme m'explique qu'il ne faut jamais refuser le cadeau d'un enfant. Je ris doucement. « Je prends en note. » Ne jamais vraiment avoir été un enfant, en avoir aussi peu de souvenir, et souvent rarement des bons, n'aide pas vraiment à savoir comment se comporter avec eux. Je ne me rappelle pas d'avoir fait des cadeaux à ma mère, et qu'elle les ai traité avec autant de soin. Le peu de choses que je garde de cette période, que sont les punitions pour mes très nombreuses bêtises, et le visage d'Oliver. Joanne revient sur ma phrase concernant les enfants. Mes hypothétiques enfants. Je passe mes dents sur mes lèvres, baissant quelques secondes les yeux. Je n'avais pas vraiment fait attention en évoquant ce sujet. Et c'est vrai que, pour nous, il est encore délicat. Ma main se pose sur ma nuque alors que je cherche comment m'expliquer. J'essaye de rester silencieux le moins longtemps possible. « Ce n'est pas que je n'en veux pas... Je ne me l'autorisais pas. Je ne me laissais pas le choix, et je m'imposais un « non » catégorique. » Je ne remettais jamais en question ce refus. Je ne le voulais pas. Il était plus simple de ne pas m'interroger à ce sujet, me contenter de dire non et d'avoir peur de me laisser le bénéfice du doute. La révélation de Joanne sur la plage a complètement brisé mes convictions, les faisant voler en éclats. « Mais depuis… » Non, je me retiens de l'évoquer. La jeune femme voit déjà de quoi je veux parler, je ne veux pas employer de mots douloureux pour elle. Evoquer trop textuellement cet événement, le rendre un peu plus réel. Quoi qu'il en soit, à mes yeux, nous aurions pu être parents. Et cela a tout remis en perspective. « Disons que j'ai eu le temps d'y réfléchir. » Des semaines. Parfois, cela me venait en tête sans aucune raison, et je me mettais à y réfléchir pendant des heures. Mais penser à tout ceci me rend toujours très triste. Je ressens la perte de ce qui n'a jamais vraiment existé, aussi étrange cela soit-il. « Et maintenant, j'ai décidé de laisser l'idée faire son chemin. De m'autoriser à y penser. » Ce qui est déjà un grand un pas en avant pour moi. Mais plus encore ; « J'avoue que, parfois, l'idée me plaît. Beaucoup. » Je regarde Joanne. Elle doit me trouver bizarre et versatile. Elle doit m'en vouloir de glisser cet espoir.
then I look at you and the world's alright with me
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Jamie retournait sa veste sans arrêt. Une fois, il voulait continuer sa vie à l'abri des caméras, l'autre fois, il admettait avoir envie d'être dans la lumière. Renoncer à un titre de Lord pour faire de lui-même une célébrité dans le monde de la radio. Certainement son caractère parfois égoïste qui prenait le dessus. Il y avait une part de lui-même qui rêverait peut-être d'une vie plus sereine alors que l'autre souhaitait être envié de tous, sous les projecteurs. Joanne ne savait plus où se placer dans son projet de vie, ni sur quel pied danser, ou ce qu'elle fallait répondre. Elle se demandait si lui-même savait ce qu'il voulait, parfois. "Parce que tu as avant-tout pensé à ce que tu aimais faire, c'est-à-dire, être dans les studios, sans peut-être penser aux conséquences. Mais ça n'a pas l'air de trop te déplaire, de te savoir affiché de partout." dit-elle peut-être un peu trop sèchement, sans le vouloir. Elle ne voyait pas comment réagir face à une telle ambiguïté, elle en perdait le Nord. Il se montrait égoïste pour me se rabaisser ensuite, elle ne comprenait pas son petit jeu, à toujours vouloir chercher la petite bête. Comme s'il voulait que leur discussion dégénère. Serait-il impossible pour lui qu'ils aient une conversation normale ? La belle blonde jouait avec des brins d'herbe agrippés au sol, songeuse. Après quelques instants de silence, et bien après qu'il ait dit que cette volonté d'attirer l'attention lui plaisait, elle finit par dire. "C'est peut-être plus un besoin, pour toi. Tu as grandi là-dedans, dans... dans tout ça. Tu n'arrives peut-être tout simplement pas à t'en passer." Elle haussa les épaules, ne trouvant pas d'autres raisons à être aussi ambivalent. Et les deux options là étaient parfaitement incompatibles. Joanne se demandait intérieurement laquelle des deux il privilégierait. Ca non plus, elle n'en savait rien. Olivia venait tout juste de s'éloigner un peu à nouveau, à la quête de nouvelles fleurs. Quand Joanne était petite, elle offrait surtout des coquillages, qu'elle ramassait lorsqu'elle passait ses vacances chez ses grand-parents. Sa grand-mère avait d'ailleurs acheté une petite boîte dans laquelle elle gardait tous les cadeaux de sa plus jeune petite-fille. Elle les chérissait comme s'il s'agit de cadeaux d'une valeur inestimable, ce qui était certainement le cas, pour cette vieille femme adorable. Vint un sujet de conversation un peu plus épineux. Jamie se sentait vite gêné, réalisant certainement l'importance des mots qu'il avait utilisé aux yeux de sa compagne. Il tenta de répondre assez rapidement à ses questions. Joanne l'écoutait silencieusement, les yeux baissés, s'attendant à entendre sensiblement le même discours que la fois précédente. Mais, dans ses dires, il y avait un mais. A ce moment là, elle le fixa, les yeux un peu ronds. Depuis quoi ? Elle le devina assez vite. Cet avortement. Il n'employait pas le mot, pour une raison qu'elle ignorait, qu'elle ne parvenait pas à deviner. Il aurait très bien pu le mentionner, mais il en décida autrement. Il disait avoir eu le temps d'y réfléchir, d'y penser. Qu'avait-il donc à penser ? Il semblait tellement déterminé à ne pas changer d'avis sur la question. A ce moment là, dans le parc, il disait s'autoriser à y songer. Même que l'idée lui plaisait, parfois. Jamie la regardait, elle était à demi-perdue, hébétée par un tel changement. Elle devrait s'en réjouir, mais au fond, elle peinait à réaliser ce qu'il venait de dire. La jeune femme était tout de même profondément touchée, mais se trouvait en incapacité d'extérioriser quoi que ce soit à ce moment là. "Je..." Elle voulait dire quelque chose, histoire de ne pas faire régner un trop long moment de silence. Joanne hoqueta, puis dit tout bas. "Avec... Avec moi ?" La question était idiote en soi, mais elle se sentait obligée de la poser en pensant forcément à ses soucis de santé. "Enfin, tu sais très bien que je..." Oui, bien sûr qu'il le savait. Peut-être n'avait-il pas encore songé à cet aspect plus sombre du tableau, peut-être que si. Le risque était là, et il était énorme. Cette contrainte l'avait toujours forcé qu'elle n'était peut-être finalement pas digne, pas née pour donner la vie. Si c'était le cas, l'univers serait d'une cruelle injustice. "Pardon, je... je suis désolée. Je suis bête. Je ne devrais pas penser à tout cela." Pas encore. Ou pas du tout. Joanne avait tellement peur. Savoir être enceinte était une chose, savoir si l'enfant pouvait vivre de beaux jours en était une autre. Après une fausse-couche et un avortement, elle commençait sérieusement à douter d'elle-même, et de remettre en question un rêve qui serait peut-être irréalisable. Juste une utopie, juste un rêve, rien de plus. Même espérer devenait chimérique, en fin de compte. Joanne ne savait plus vraiment où elle en était. Le Dr. Winters maintenait que c'était possible. Mais plus elle y pensait, plus elle appréhendait, et parfois, il lui arrivait de se détester pour ce qu'elle était et pour son incapacité. Il y avait une toute une série de renouveau depuis quelques semaines, peut-être qu'il était temps que ce soit aussi le cas à ce sujet là. Joanne ne savait plus.
La surprise laisse Joanne muette quelques secondes. Assez de temps pour que mon coeur et mon estomac se tordent, pincés par la crainte de la réaction qui pourrait suivre. Elle ne semble pas énervée contre moi, mais j'ai toujours peur qu'elle puisse garder ses émotions pour elle, dont une éventuellement rancoeur à mon encontre à cause de cet énième retournement de veste de ma part. J'ose espérer qu'elle ne m'en veut pas pour mon esprit versatile, tous ces changements, en permanence. Elle sait que je suis ainsi, les idées en désordre, essayant de déterminer ce que je veux, ce dont je rêve, ce dont j'ai besoin ; ce que je suis et la vie que je souhaite pour nous deux. Je suis plus difficile à suivre que jamais, et je me perds parfois moi-même. Je prends des décisions que je ne comprends pas, parviens toujours à faire des bourdes monumentales. Je devrais, un jour, enfin réussir à me stabiliser. Mais je ne sais pas quand cela aura lieu. Pendu à ses lèvres, je déglutis, nerveux. Joanne demande finalement si je parle bien d'avoir des enfants avec elle. Je fronce les sourcils, ne voyant vraiment pas avec qui d'autre je pourrais avoir de tels plans un jour. A demi-mot, elle souligne sa maladie. Ce fichu gène qui complique les choses. Alors qu'elle se perd dans ses paroles, je viens l'embrasser tendrement. Doucement, je la bascule en arrière afin qu'elle s'allonge. « Bien sûr, avec toi. » dis-je avec un sourire. Je glisse mes doigts dans ses cheveux, entremêlés aux brins d'herbe. « C'est nous, ou rien du tout, tu te souviens ? » Elle bredouille qu'elle ne devrait pas penser à tout ceci. Les enfants. La maladie. Je plisse les yeux. « Pourquoi pas ? Rien ne nous empêche d'y songer un peu. » Le dos de ma main caresse régulièrement sa joue. Je garde un léger sourire rassurant sur mes lèvres, l'observant amoureusement. « Je ne dis pas qu'il faut planifier quoi que ce soit, c'est sûrement beaucoup trop tôt. » Je dis sûrement, mais je n'en sais rien, je m'en fiche. J'en ai soupé du timing conventionnel. Les choses arrivent lorsque nous sommes prêts. Trop tôt, trop tard. En réalité, nous ne décidons pas tant que ça. « Mais je ne veux pas te voir renoncer à l'idée. » C'est une chose à laquelle j'ai toujours tenu. Qu'elle s'y tienne. Même si j'espérais qu'elle l'oublie peu à peu, qu'elle se fasse une raison, notamment grâce à son état de santé, aujourd'hui, c'est la dernière chose que je veux. J'ajoute ; « S'il existe le moindre moyen pour toi d'avoir ce que tu veux, je retournerais toute la planète pour te l'obtenir. Sois-en certaine. » Je ne sais pas s'il est possible de faire quoi que ce soit. Mais je sais que pour son bonheur, je ferais tout. Je dépose un baiser sur son front. « Notre cher Winters m'a semblé optimiste à ce sujet et puis… C'est ton rêve. » dis-je en gardant mon regard planté dans le sien. Quelque chose me dit qu'elle ne sera jamais pleinement heureuse sans ça. Elle qui me suit dans tous mes projets, dans tout ce que j'entreprends, qui me soutient sans faillir, je me rends compte désormais que je ne peux pas être l'égoïste réclamant d'elle de tirer un trait là-dessus. Non, au contraire. « Qu'est-ce que vous faîtes ? » demande une petite voix derrière moi. Nous nous redressons assez rapidement, gêné pour ma part. « On discute, ma belle. » Son regard va de Joanne à moi deux ou trois fois, un petit sourire mutin venant doucement étirer ses lèvres. Elle se tourne finalement vers moi, et me tends une poignée de fleurs. « Tiens, c'est pour toi. » J'ouvre de grands yeux surpris. J'attrape les petites tiges, sans trop savoir quoi en faire -d'ailleurs, je ne sais pas comment réagir. « Je…. » Je n'ai pas refusé le cadeau, et après ? Mes pommettes s'empourprent tant je me sens idiot. « Merci, Oli. C'est très mignon. » dis-je finalement avec un sourire. Ce qui ne me semble pas trop mal. « Je ne vais pas devoir en mettre une dans mes cheveux aussi, hein ? » La fillette, amusée, se dandine sur place en jouant avec ses mains, secouant négativement la tête -même si elle a compris la plaisanterie. Je tends les fleurs à Joanne afin qu'elle en prenne soin. « On les mettra dans de l'eau, à la maison. » dis-je à la petite, songeant que cela pourrait lui faire plaisir. Elle acquiesce. Un bon point. Olivia se rassied sur la nappe, et attrape les fruits qui ont étés prévus pour le dessert. Je ne suis pas surpris de la voir se jeter sur les fraises.
then I look at you and the world's alright with me
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Une certaine nervosité était palpable entre eux, mais rien n'indiquait le début d'un désaccord, d'une dispute, rien de tel. Délicatement, Jamie bascula sa belle en arrière dans le but de l'allonger sur l'herbe après l'avoir embrassé amoureusement. Cela lui semblait évident qu'il n'aurait des enfants qu'avec elle, personne d'autre. Il était rare qu'il soit d'un tel optimisme, qu'il soit celui qui dise qu'ils pouvaient se permettre d'y penser, sans nécessairement encore le concrétiser. C'était encore beaucoup trop tôt, cela dit. Ils étaient repartis sur des bases bien plus saines, ce n'était pas le moment de tout ruiner en précipitant les choses. Ils avaient encore le temps, après tout. Jamie multipliait les actes de tendresse, en lui caressant régulièrement la joue, cherchant à la rassurer, à retrouver une Joanne qu'il connaissait bien mieux. Celle qui espérait, qui rêvait, qui se plaisait à être optimiste avec sa pointe de naïveté. Pas celle qui baissait les bras et qui ne voulait plus se battre contre sa fatalité. Il le disait : il ne voulait pas la voir renoncer. Joanne gardait son regard quelque peu attristé plongé dans les yeux verts de l'homme qu'elle aimait. Elle déglutit difficilement. Ce n'était pas facile à entendre, ni à accepter. "C'est dur..." souffla-t-elle. "Quand on sait ce qu'il s'est déjà passé, qu'on sait que ça peut très bien recommencer, c'est dur." Dur de continuer à rêver à ce sujet-là. Le genre de choses que l'on voit, mais que l'on n'arrive même pas à toucher du bout des doigts. La phrase qu"il dit ensuite la toucha beaucoup. Il pesait toujours très bien ses mots, et lorsqu'il disait qu'il était prêt à remuer ciel et terre pour lui offrir ce dont elle rêvait, il le ferait sans hésiter. Il n'y avait pas de doutes là-dessus. Reever lui avait déjà dit qu'il y avait d'autres alternatives à une grossesse classique, allant de la fécondation in-vitro jusqu'à un autre extrême, l'adoption. Même si Joanne ne manquerait jamais d'amour pour ses enfants, d'où qu'ils viennent, de n'importe quelle manière ils auront été conçu, elle restait très traditionnaliste sur certains points. Elle était peut-être un peu trop obstinée à ce sujet, mais elle voulait vivre une grossesse normale, avoir un accouchement classique. Ne pas avoir recours à des machines et de la tuyauterie pour que le bébé puisse vivre en bonne santé. C'était très puriste, certes, mais c'était son idéal. Elle en voyait, tous les jours, des femmes enceinte chez qui tout allait bien, tout était normal. A chaque fois, elle se demandait : pourquoi pas elle aussi, alors ? Il était vrai que son médecin avait dit que c'était tout à fait possible, à partir du moment qu'elle avait un suivi adéquat. Son avortement lui avait quand même jeté un sacré coup de blues, mais le docteur persévérait dans son optimisme, et Jamie l'y avait rejoint. "Mon rêve..." répéta-t-elle en chuchotant, songeuse. Il semblait attacher énormément d'importance au souhait de sa compagne, même s'il était particulièrement réticent au début. Son regard était rassurant, serein, cela apaisait les maux de Joanne, même si elle gardait encore beaucoup de choses pour elle. Elle n'aimait pas revenir sur les épisodes difficiles de sa vie. Encore moins lorsqu'ils s'agissait de grossesse. La jeune femme restait longuement songeuse, souhaitant dire quelque chose, mais elle ne savait pas quoi. Le couple fut interrompi par le retour de la gamine. Chacun d'entre eux se redressa, Jamie semblait quelque peu gêné, ce qui n'était pas le cas de sa compagne. Olivia offrit les fleurs à Jamie, sous les yeux attendris de la belle blonde. Qu'est-ce qu'elle était adorable, cette petite, Lehyan était un père très chanceux, pensa-t-elle. Il lui confia rapidement les fleurs de sorte à ce qu'elle les emballe comme les bouquets précédents. La gamine s'installa sur la nappe, se jetant sur les fraises. Joanne se rendit compte, en regardant manger la petite, qu'elle n'avait pas trop touché à ce dont elle avait préparé. Au début, elle s'intéressait à ce que disait Jamie, à sa décision prise, puis le sujet dériva, et lui fit certainement perdre un peu l'appétit. Elle n'avait plus vraiment faim. Cela fera quelques restes à manger le soir-même, ou le lendemain. Olivia demanda si elle pouvait jouer un petit peu avec Ben, Joanne accepta dans la mesure où elle restait suffisamment près pour intervenir si besoin. Même si l'animal était assez brut dans ses gestes sans le vouloir, il savait relativement bien se comporter lorsqu'il s'agissait de gamins. Pendant ce temps, Joanne posa sa tête contre l'épaule du bel homme, quelque peu abattue, ayant certainement besoin d'affection. "Je t'aime." lui dit-elle, à voix basse. Elle faisait de son mieux pour retrouver un état d'esprit, mais c'était encore loin d'être évident pour elle. Il lui fallait du temps.
Le regard de Joanne est triste, je le vois bien. Je pensais qu'elle pourrait se réjouir à l'idée de me voir remettre en question cette conviction pourtant si profondément ancrée concernant le fait de fonder une famille un jour. Mais je sais aussi que le sujet est sensible. Que, pour le moment, il n'a apporté que de la peine à la jeune femme. Alors bien sûr, la perspective d'un nouvel échec la déprime. Tout ce que j'espère, c'est qu'elle ne baisse pas les bras. J'essaye de la rassurer, l'apaiser autant que je peux. Je n'aime pas la voir ainsi, sans plus une once de sourire sur son visage, alors qu'elle évoque son rêve qui, jusqu'à présent, ne lui a pas laissé la moindre chance de se concrétiser. Mais cela a l'avantage de confirmer ma volonté de tout faire pour que cette peine la quitte. Je la scrute tendrement, ne me lassant pas de caresser la peau de sa joue, glisser sur la racine de ses cheveux. Je ne sais pas vraiment quoi faire d'autre pour lui faire garder son optimisme que lui rappeler que tout est encore possible, et je suis là pour elle. Je suis bien obligé de tourner mon attention vers Olivia lorsqu'elle nous rejoins avec son petit bouquet pour moi. Joanne l'emballe, comme les deux autres. Pendant que la fillette déguste son dessert à base de fruits, je termine le sandwich que j'avais entamé. Je jette de temps en temps un coup d'oeil à la jeune femme qui, finalement, n'a pas mangé grand-chose. Elle semble encore ailleurs, songeuse. Et je préfère la laisser dans ses pensées quelques minutes, observant Olivia et sa bouche devenue toute rouge à cause des fraises. Avant qu'elle ne file jouer avec Ben, je passe une serviette sur ses lèvres. Elle dépose un bisou collant sur ma joue, puis file. Joanne ne tarde pas à s'approche de moi pour poser sa tête sur mon épaule. « Moi aussi, mon ange. » je réponds en l'embrassant sur le front. Je bouge de manière à disposer mes jambes de part et l'autre de son corps, pouvant ainsi plus facilement la prendre complètement dans mes bras et la serrer contre moi. Je laisse sa tête contre le haut de mon torse, et passe une main sur ses cheveux, respirant son parfum, yeux fermés. Je reste ainsi de longues minutes, espérant que cette étreinte pourrait la réconforter un peu. « Je ne voulais pas te mettre un coup au moral, je suis désolé. » je lui murmure. A quelques mètres de là, la fillette, infatigable, a trouvé un petit bâton à jeter au chien afin qu'il le rapporte. Mon regard reste rivé sur eux. Ainsi passent deux bonnes heures, dehors, à jouer, Olivia venant parfois vers nous pour que nous lancions nous-même le bâton, papoter des grands enjeux de sa vie de petite fille -parce qu'elle ne sait pas si elle veut que Alex ou Ethan soit son amoureux, que son papa ne veut jamais qu'elle donne le bain à Pascal, et qu'il n'y a jamais de crayon jaune à l'école pour faire ses dessins alors elle doit faire des soleils oranges, ce qui semble la frustrer au plus haut point. Mon attention quitte cette passionnante conversation lorsque mon téléphone vibre. « C'est Lehyan. » dis-je en décrochant. L'appel est de courte durée, mais à mon sourire, on devine que tout va pour le mieux. Je ris doucement en remettant l'appareil dans ma poche. « Je rêve. Anna avait juste une indigestion. Elle a avoué s'être englouti un paquet de bonbons pendant la nuit. » Je ne sais pas s'il y a un mot plus fort que gloutonnerie pour décrire cette petite capable de finir à l'hôpital à cause de ses penchants pour le sucre. Pauvre Lehyan qui se faisait un sang d'encre. Olivia aussi. Pour une poignée de sucreries. « Ils ne vont pas tarder à rentrer. » Je sens une goutte d'eau tomber sur ma joue. Mon regard se lèvre vers un ciel devenu légèrement laiteux. Je n'avais même pas remarqué que les nuages s'étaient installés. « Et je pense que nous aussi. » La pluie ne devrait pas tarder. La gamine fait remarquer qu'elle a reçu une goutte aussi. Alors, rapidement, nous remballons ce qu'il reste du pique-nique dans le panier et le sac à dos. Je rattache la laisse au cou de Ben. Cette fois, c'est à mon tour de porter la petite d'un bras, gardant l'autre pour prendre le panier. Joanne garde le sac ainsi que le chien. C'est à quelques pas de la maison qu'un flash illumine le ciel, laissant place à un fracas quelques secondes plus tard. La pluie se déverse, le second éclair suit un peu après. Nous courrons quelques foulées pour atteindre le perron de la maison, et, une fois la porte ouverte, nous engouffrer dans le salon, déjà mouillés. Je souris ; nous avons eu de la chance de profiter de l'après-midi avant l'orage. Olivia, elle, rit beaucoup moins et s'accroche désespérément à mon cou. C'est avec un koala solidement attaché que je vais à la cuisine déposer nos affaires. Quand mon regard se pose sur Joanne, elle ne semble pas rassurée non plus. J'hausse les sourcils, surpris, et m'approche d'elle. « Tout va bien ? » Olivia se jette littéralement sur elle, passant de mes bras aux siens sans laisser le choix à qui que ce soit. Profitant d'une présence maternelle qu'elle n'a pas chez elle.
then I look at you and the world's alright with me
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Jamie faisait de son mieux pour consoler la belle blonde, quelque peu démoralisée par leur discussion. Normalement, elle aurait être euphorique de savoir qu'il changeait d'avis sur la question, qu'il voyait les choses autrement depuis son avortement. Mais l'appréhension dominait largement, sans qu'elle puisse y faire quelque chose. Mon ange. Il l'appelait toujours ainsi, ne lui donnant jamais un autre surnom que celui-là, pas dans ses souvenirs en tout cas. Il se mit derrière elle, passant ses jambes de chaque côté du corps de la belle, afin que cette dernière puisse s'adosser contre lui. Il reprit ses gestes de tendresse, et elle prit ses bras afin qu'ils entourent sa taille, pour profiter de son étreinte. Joanne aurait pu très bien s'endormir ainsi, mais se contenta de fermer les yeux et de somnoler. Il s'excusa de lui avoir donné un petit coup de blues. "Ce n'est pas grave." commença-t-elle, avec un sourire qu'il ne voyait pas. "Tu n'y es pour rien. C'est juste qu'il y a quelques erreurs génétiques." Un problème de modelage, de conception. Tout en regardant Olivia jouer avec le chien, elle continuait de dire. "Je... Je n'aurai jamais pensé que tu pouvais un jour changer d'avis sur tout ceci. Je me disais qu'en t'annonçant mon avortement, tu ne tournerais ça que pour une preuve de plus qui montrerait que nous ne sommes pas faits pour avoir des enfants." Joanne se redressa, et se retourna légèrement pour pouvoir le regarder., les yeux avec un peu plus d'espoir, un sourire tendre aux lèvres. "Et là, je t'entends me demander de ne pas arrêter d'espérer, que l'idée te plairait, que je dois réaliser mon rêve." Elle lui caressa tendrement la joue avant de l'embrasser. "C'est à peine croyable pour moi, je crois que j'ai encore du mal à réaliser." C'était un sacré changement dans leur vie, dans leur couple, ce que ça laissait dire. " Ca me rend vraiment heureuse." dit-elle à voix basse. Bien sûr que ça lui faisait plaisir. Leur avenir commençait à s'aligner peu à peu, à y avoir un semblant de ressemblance. L'après-midi continuait de couler, jusqu'à que Lehyan n'appelle pour enfin donner des nouvelles. Joanne espérait que sa deuxième fille n'avait rien de grave. Et il s'avérait que non. Juste gourmandise qui lui avait joué un mauvais tour. Elle rit bouche fermée, amusée. Elle ne se moquait pas, loin de là. Si elle avait un jour un bambin, elle serait exactement dans le même état que le père d'Olivia, sans aucun doute. Ils allaient bien rentrer à la maison. Le ciel blanchissait, et quelques gouttes commençaient à tomber sur eux, annonçant un déluge certain. Ils se hâtèrent à ranger toutes leurs affaires, et étaient prêts à partir en deux temps trois mouvements. Joanne tenait la laisse de Ben, et mis le sac à dos sur ses épaules. Heureusement qu'ils n'habitaient pas trop loin. Les premiers éclairs jaillissaient dans le ciel. Elle n'aimait pas trop les orages, surtout leur intonation. Elle ne se sentait pas vraiment en confiance. Tout ce qu'elle aimait avec les orages était la fraîcheur qu'il apportait avec lui. A peine eut-elle le temps le temps d'enlever le sac du dos et de libérer le chien qu'Olivia se jeta des bras de Jamie pour être dans ceux de sa compagne, qui se cramponna contre elle comme une sangsue -la comparaison était faible. Il lui avait demandé si tout allait bien. Joanne lui sourit et acquiesça d'un signe de tête. Sa main caressait les cheveux de la gamine et elle commençait à la bercer un peu afin de la rassurer. Elle fit quelque pas dans la salle de séjour, en lui chantonnant une chanson de Christina Perri qu'elle aimait beaucoup, I believe. Elle rangerait tout le reste plus tard, ils avaient tout le temps devant eux. Sa priorité était de rassurer la petite, le reste pouvait attendre. Il y avait une pluie battante dehors, le ciel était foncé, mais les éclairs s'amoindrissaient. Olivia avait posé la tête sur son épaule et ne bougeait plus d'un pouce. Elles s'étaient éloignées de Jamie, se trouvant près des baies vitrées, alors que le temps se calmait peu à peu. "Dis, est-ce que tu seras maman un jour, toi ?" finit par demander la gamine en regardant la jeune femme. Celle-ci lui sourit, bien qu'elle se demandait pourquoi elle se posait cette question. "Oh ! Je ne sais pas." dit-elle, les yeux pétillants. Ceux-ci se dirigèrent vers cette pair d'yeux verts qui se trouvait un peu plus, d'un air complice. "Certainement, oui." Olivia s'enthousiasma, et l'on vint soudainement à la porte.
Ma détermination au sujet des enfants date de mon premier mariage. Mais l'équation avait été bien plus simple à résoudre ; ni Enora ni moi ne voulions que un et un fasse trois un jour. Avant de lui passer la bague au doigt, nous en parlions déjà, sachant qu'il s'agissait là de la suite logique des choses une fois la cérémonie passée. Qu'à eux quatre, nos parents n'allaient pas hésiter à augmenter la pression sur nos épaules pour avoir un, deux, trois petits-enfants à dorloter, modeler, laver le cerveau. Nous devions bien accorder nos violons à ce sujet ; je refusais de laisser la moindre chance aux Keynes de perdurer après moi, et elle préférait se concentrer sur sa carrière, ne pas laisser un bébé engloutir de l'argent durement gagné qu'elle préférerait investir dans toujours plus de chaussures, et encore moins faire endurer une grossesse à sa taille de guêpe. Et puis, aucun de nous deux n'avions la moindre fibre parentale à cette époque. Je suis bien le dernier à penser que j'aurais pu un jour changer d'avis à ce propos. Joanne avait bien vu mon déterminisme nourrit par la crainte d'avoir un enfant aussi malade que chaque membre de ma famille ou encore d'être aussi mauvais père que le mien. Sans oublier la maladie de la jeune femme et tous les risques que la maternité pourrait lui faire encourir. J'ai toujours ces craintes, ces appréhensions, surtout pour la santé de ma compagne. Mais je n'ai rien pu faire contre cette idée, d'avoir des enfants, après que cette possibilité nous ait frôlé. A vrai dire, elle a raison ; j'aurais pu faire de cet avortement la preuve que nous ne sommes pas faits pour avoir une famille, utiliser cet événement pour endoctriner Joanne et la forcer à aller dans mon sens. Sauf que cela n'a ps été possible, j'étais moi-même bien trop triste pour agir ainsi, préférant me rendre à l'évidence ; avoir une petite tête blonde, un jour, avec elle, c'est aussi un peu mon rêve. La jeune femme m'embrasse, disant finalement que m'entendre changer d'avis la rend heureuse. Je lui rends son baiser, soulagé de l'entendre dire ces mots. Elle semble un peu moins triste qu'il y a quelques minutes. Nous rentrons chez nous sous un début de déluge ; c'est une fois la porte refermée que la pluie se déverse réellement à torrents dans la rue. Olivia, apeurée par le fracas de l'orage, s'est pendue au cou de Joanne. Je suis sûr que cette vision rendrait Lehyan morose. Sa femme lui manque toujours, et il sait qu'il ne la remplacera jamais aux yeux de ses fillettes, à qui leur mère manque aussi énormément. Personne n'en parle vraiment là-bas, le sujet est encore trop sensible pour être concrètement abordé. Mais ce vide se fait souvent ressentir, malgré eux, dans ce genre de gestes qui trahissent leur perte. Néanmoins, ensemble, à eux trois, ils restent forts. Pendant que Joanne rassure la petite, la berçant tendrement, je retourne en cuisine vider le panier et le sac à dos dans le frigo afin de conserver les restes du pique-nique pour plus tard. Le bruit de la pluie frappant les fenêtres d la véranda est parfois impressionnant, mais cette cage transparente permet d'admirer cette force de la nature dans un écrin protecteur, avec ce côté immersif parfois troublant nous permettant d'être à la fois dehors, admirer à pluie, et dedans, bien au sec. A voir la taille de la véranda, ou encore l'ancien penthouse à Londres, on devine que c'est une sensation que j'aime beaucoup. Quand j'entends la question d'Olivia, je ne peux pas m'empêcher de me tourner vers Joanne, attendant moi aussi sa réponse. Elle sera certainement maman un jour. Captant son regard bleu, je lui souris. On frappe à la porte. Vu l'intensité de la pluie, je me rends aussi vite que possible pour ouvrir et laisser entrer un Lehyan trempé. « Papaaaa ! » s'exclame Olivia qui gigote dans tous les sens dans les bras de la jeune femme. La fillette ne tarde pas à se jeter sur son père, mouillant sa robe à son contact. « T'as été sage avec tonton Jay et Joanne ? » Elle secoue vivement la tête. J'acquiesce silencieusement moi aussi, lui souriant en le voyant avoir meilleure mine que tout à l'heure. « Tu restes boire quelque chose ? » je demande à mon ami qui a certainement besoin de se poser une heure ou deux avant de rentrer chez lui et redevenir un papa à plein temps. Mais il refuse, se justifiant par un ; « Non merci, je vous ai assez dérangés pour aujourd'hui. Une prochaine fois ! » Je n'insiste pas, me contentant de déposer un léger baiser sur les cheveux de la gamine avant qu'elle ne s'en aille. Une fois la porte refermée et la maison vidée de cette agitation momentanée, j'approche de Joanne. J'entoure sa taille avec mes bras et l'embrasse tendrement.