C'était pas censé se passer comme ça. C'était pas censé être le monde entier contre nous, pas cette fois-là encore. On a donné quand il a dû partir à la Guerre, quand tout allait, quand on y croyait - puis que finalement la planète en entier a décidé que non, on ne pouvait plus. Son retour était censé être gage de meilleur, de mieux. La bague qu'il a promis d'enfiler à mon doigt ne pourrait même pas y glisser aujourd'hui tellement mes mains sont boursouflées. C'est l'univers qui dit stop quand on ne fait que précipiter l'inévitable, quand les taons sont partis maintenant qu'ils ont amené avec eux un autre morceau d'un fatal destin.

Je ne le reconnais plus. Ses joues sont gonflées, son regard panique. Ses lèvres sont rouge vin et ses mains tremblantes. Quand j'appose le cachet sur sa langue, il refuse et insiste au point que je le force à mon tour. Lui, il saura quoi faire en temps d'Apocalypse. Lui, il saura se défendre, il saura résoudre les énigmes, il saura garder son sang froid sans jamais douter des prophéties et de leur ampleur. Lui, en situation de crise, en chaos extrême, il est ce dont la planète aura besoin pour survivre. Je ne suis qu'une scientifique de plus, je ne suis qu'une gamine qui sait lire plus vite que lui les écritures anciennes, et c'est tout. Il détesterait m'entendre parler ainsi autant qu'il saurait que j'ai raison. Si c'est moi qui succombe aux plaies, ils ont encore une chance de survie. Si c'est lui, je pars avec.

“Tu vas bien ?” c'est sa voix qui perce le silence après la panique de l'autre côté de la porte. Son poing aussi, trahit sa rage, quand je déglutis un peu plus difficilement que la seconde d'après. « Je - oui, ça va un peu mieux. » un peu, pas beaucoup, mais ma cage thoracique se presse bien moins, ma poitrine arrête d'être contractée à chaque expiration. Quand je fais mine de vouloir lui renvoyer la question, il tente de se lever et titube. Tout en moi panique, tout mon corps est noyé d'adrénaline, et mon bras tuméfié passe autour de ses hanches sans la moindre hésitation. « Laisse cinq minutes encore. » que je chuchote à son oreille. Cinq petites minutes, un minuscule décompte, rien de plus simple et tout de plus sur lequel je base l'entièreté de mes espoirs.

WIN - « Le marécage, ils disent qu'on l'a vue en bordure du marais! » sérieux guys, you had one job. En attendant, Auden va un peu mieux.
SO CLOSE - « Le marécage, ils disent qu'on l'a vue en bordure du marais! » mais Auden n’en a rien à faire et colle son poing dans le visage du scientifique. (j'aimais trop la partie badauden pardon je suis faible)
FAIL - cinq minutes deviennent dix mais après une dernière et intense quinte de toux où il crache du sang TOUT va mieux #yolo

Son état de santé m’importe bien plus que le mien encore et c’est à sa réponse que je me raccroche bien plus qu’à mon corps qui titube comme un enfant qui apprend encore à marcher. Je rage, j’enrage, je serre les dents bien plus de hargne que de douleur. « Je - oui, ça va un peu mieux. » Pourtant elle va mieu et c’est tout ce qui compte. Elle va mieux et je laisse errer en sa direction un sourire qui se veut plus rassurant. Elle va un peu mieux, elle peut parler, elle est moins écarlate et elle a l’air de moins vouloir se gratter aussi. C’est tout ce qui compte, bien avant moi, bien avant cette foutue tablette dont je n’ai même plus envie d’entendre parler. Que le monde meurt, il y est voué de toute manière.

« Laisse cinq minutes encore. » “Je vais bien.”

La dureté de mes mots tranchent avec la délicatesse des siens, quand j’affirme une vérité qui n’a rien d’une vérité, justement. Je suis plus lent à guérir ou alors le médicament plus lent à agir mais la vérité c’est que dans une hypothèse comme dans l’autre, je vais tout sauf bien. Les symptomes sont tous là et même s’ils se font un peu moins ressentir, mon corps n’est toujours pas prêt à repartir. « Le marécage, ils disent qu'on l'a vue en bordure du marais! » Je râle. Une fois de plus ou de moins, de toute façon tout le monde a perdu le décompte, non ? Je n’ai pas la moindr envie de me lancer dans une énième course poursuite mais c’est bien ce à quoi nous sommes voués aujourd’hui. Courir pour vivre, vivre pour courir. Il n’y a plus de place pour autre chose, surtout pas l'apitoiement ou de quelconques sentiments qui, je le sais, n’auraient jamais dû être. “Je m’appuie sur toi et on y va.” C’est un aide moi formulé comme un ordre, bien sûr. Je ne sais faire que ça.

WIN - Papi et Ginny sont en route vers le marais.
SO CLOSE - Papi a vraiment besoin de cinq minutes, finalement.
FAIL - Papi crache du sang, c’est romantique. Il râle un peu plus mais au moins il n’a presque pas besoin de s’appuyer sur elle pour aller au marais.

Doux, tout doux. Pas besoin de cogner quel que mur que ce soit, pas besoin de maudire la planète en entier - de toute façon, elle l'est déjà.

Les effets du médicament vont bien trop vite à mes yeux, et beaucoup trop lentement aux siens. L'esprit logique derrière la réflexion veut que finalement, ce soit simplement parce que j'ai été piquée la première que je me retrouve à être soulagée plus vite. Les calculs ne font aucun sens mais c'est ce à quoi je me raccroche quand je ne crois en rien, en rien du tout, sauf en lui. Je crois en sa résilience et je crois en sa force, j'ai passé ma vie à lui faire confiance pour que tout aille mieux du moment où il était dans les parages et aujourd'hui ne fera pas exception à la règle.

« Le marécage, ils disent qu'on l'a vue en bordure du marais! »
“Je m’appuie sur toi et on y va.”

Il s'appuie, il retombe, je resserre mon bras autour de sa taille et embrasse sa nuque bouillante au passage. « Cinq minutes ça te donne le temps de dresser la liste de tous les os que tu pourrais lui casser, penses-y un peu. » que je chuchote avec espièglerie à son oreille, ma respiration beaucoup plus fluide déjà. Sur ma peau, les marques rougeoyantes sont désormais un peu plus pâles, les boursouflures me donnent l'impression de se résorber ou alors d'au moins perdre en chaleur. Rien n'est dit et rien n'est guéri entièrement, mais si mon corps réagit ainsi il n'y a absolument aucune raison pour que celui d'Auden ne réaigsse pas de la même manière. « Par chance c'étaient pas des cachets de mon sac. On aurait pas fait grand chose avec des bonbons. » je reprends du nerf, je reprends un souffle normal, et occuper le temps qu'il faut de tas de mots qui ne servent à rien mais qui me permettent de garder le contact avec lui est la seule option vitale, nécessaire, c à quoi je me raccroche en plus de me raccrocher autant à lui que l'inverse est toute aussi vraie.

« Garmin l'a récupérée! » au moins, on en sait un peu plus sur ce qui se passe derrière la porte, à défaut d'être de leur équipe quand on tente de retrouver les forces de la nôtre.

« Cinq minutes ça te donne le temps de dresser la liste de tous les os que tu pourrais lui casser, penses-y un peu. » Toute la douceur dont elle fait éternellement preuve n'est pas suffisante pour contre balancer mon infinie rage contre le monde entier. Aujourd'hui je rage contre moi même aussi et contre mon corps incapable de faire quoi que ce soit si ce n'est échouer. Il a eu toute une vie pour ressentir des coups de mou mais il faut croire qu'il a décidé qu'aujourd'hui serait le pire d'entre tous. Ce qui est pire aussi, c'est le timing. Ce qui est pire, c'est que même les baisers de la brune que j'aimerais lui rendre par centaine ne sont plus suffisants pour quoi que ce soit. Je voudrais qu'on puisse se les échanger à d'autres moments et pas seulement lorsque la situation est dramatique. J'aspire à être quelqu'un de normal pour une fois, une simple fois. Pour elle.


« Par chance c'étaient pas des cachets de mon sac. On aurait pas fait grand chose avec des bonbons. » Je ne sais pas si je respire un peu mieux ou si c'est ce que je désire voir arriver mais son intervention m'arrache au moins un bref sourire. Ma gorge est toujours aussi brûlante et chaque passage d'air m'arrache un rictus de douleur mais au moins cela n'empire pas. Au moins il n'y a pas de nouvelle rivière de sang ou de grenouilles géantes ou d'insectes de merde. Au moins il n'y a rien de tout ça et elle, sa peau à elle, elle se porte mieux de jour en jour, de secondes en secondes. « Garmin l'a récupérée! » Si même Garmin l'a récupérée alors elle n'avait pas dû aller bien loin. Si même cet incapable d'adolescent boutonneux a été capable de faire quelque chose de ces dix doigts alors les miens trouvent la force de se poser contre sa joue pour la caresser un instant, doucement, amoureusement. T'es belle.

WIN - Oups il tombe dans les pommes. Loser.
SO CLOSE - L'équipe ouvre la porte parce que vraiment, là, ils prennent trop de temps.
FAIL - Le bourdonnement d'un nouveau taon se fait entendre dans la pièce. Oups.

Je l'aime et je n'aurais pas dû avoir besoin d'une fin du monde pour avoir à le lui dire. C'est injuste et ce n'est pas comme ça que ça devait se passer, ce n'est pas de cette façon-là qu'on aurait dû se l'avouer. Ce n'est pas entourés des plaies d'Égypte abolissant le monde que je rêvais de lui dire oui et ce n'est pas alors qu'il sent son corps être secoué de soubresauts et d'allergies que je devais avoir envie de multiplier des baisers sur ses lèvres jusqu'à ce que mon air devienne le sien. Tout est trop maudit, tout est trop difficile, et s'il me proposait de partir à l'autre bout de la planète sans ne plus jamais prendre le poids des autres sur mes épaules, quand bien même j'ai fait cela durant toute ma vie, j'accepterais. Je n'en peux plus des autres, et certainement pas lorsqu'ils le mettent même involontairement dans un tel état.

C'est ma faute et plus précisément, ça ne sera jamais la sienne.

T'es belle.
Et toi tu as eu de meilleurs moments.

Jamais, au grand jamais. Il est toujours beau, il l'est aujourd'hui comme il l'était hier et comme il le sera demain. Il sourit, il revient, il est lent à la détente, mais il est là, bel et bien là. C'est tout ce qui compte. Fais moins le malin avec tes dix jours d'avance Auden. C'est pas joli la vieillesse. mes doigts tracent des lignes et des mélodies inventées contre sa colonne vertébrale. Ceux-là même qui se sont faufilés sous les tissus jusqu'à entrer en contact avec sa peau. Mes lèvres elles, s'assurent d'un nouveau baiser sur son front que sa fièvre baisse, au détour de ses doigts bien moins tremblants qu'il pose délicatement sur ma joue.

On a de nouvelles écritures! On a de nouveaux détails sur la prophétie! et ils viennent nous chercher. Et ils ouvrent la porte à la volée, et ils se croient tout permis, nous pressant à les suivre dans les couloirs du musée vers l'immense salle de réunions d'urgence.

Elles le sont toutes, urgentes.

Et toi tu as eu de meilleurs moments. Et encore, je t'ai pas raconté toutes les fois où j'ai sauvé le monde en Europe.

Ma voix est aussi pathétique que l'est mon attitude, il n'y a que mes paroles pour tenter de faire croire au reste du monde que tout ne va pas si mal et que, je le jure, c'est pas un stupide taon de merde qui va avoir ma peau. Je n'ai pas survécu à toutes ces choses pour que ce soit une bestiole aussi ridicule qui ait le droit de m'infliger le coup de grâce : il faut faire la queue, sérieux, y'a du monde qui attend pour ça. Fais moins le malin avec tes dix jours d'avance Auden. C'est pas joli la vieillesse. Cette fois ci je lui souris avec bien plus d'assurance et de force que jamais au cours de ces dernières minutes, déjà prêt à faire un discours larmoyant dès que j'aurai la moindre blessure sur mon corps, simplement pour lui rappeler que dans un futur plus ou moins proche elle est celle qui devra vivre sans moi et pas l'inverse. Et ça, égoïstement, c'est presque aussi rassurant que ses doigts parcourant les courbes de mon dos et ses lèvres celles de mon front.

Les secondes s'ajoutent au minute et j'ai l'impression qu'on prend enfin un peu de temps pour un nous qui n'existe finalement même pas. On a de nouvelles écritures! On a de nouveaux détails sur la prophétie! On prenait, en tout cas. Dans mes yeux autant que dans les siens se lit l'envie et le besoin d'en savoir plus. Ils sont tous des incapables qui ont besoin de nous, raison pour laquelle je ne veux pas de suite tuer l'imbécile qui a ouvert la porte.

WIN - Il se relève enfin et rejoignent la salle d'urgence.
SO CLOSE - Idem mais au passage y'a son poing qui vole sur le visage de celui qui leur a parlé.
FAIL - Ils rejoignent la salle d'urgence et au passage il TitUbE et embrasse Ginny.

Il reprend du mieux. Il sourit, il est à même de dire la première bêtise qui lui vient à l'esprit, il ne panique même plus et je l'aime, je l'aime tellement que j'ignore ce qui aurait bien pu arriver si le cachet qu'il a pris n'avait pas fonctionné. Il ne peut pas revenir dans ma vie un matin pour en partir le second, il ne peut pas me permettre d'égoïstement vivre tout ça quand au final ce n'est que pour mieux me l'enlever. Si j'ai à tout sacrifier, à tout donner et à tout mettre sur pause rien que pour m'assurer qu'il aille bien, qu'il soit bien, et qu'il survive, alors soit. Les autres attendront. Leurs trouvailles aussi. Seul Auden compte, comme ça a toujours été le cas. Je n'avais pas besoin d'un reminder de plus pour le savoir avec une assurance aussi désarmante.

Quand Auden laisse aller un soupir un peu plus assuré contre mes lèvres, quand je sens sa silhouette être un peu moins dépendante de la mienne, je sais que tout rentrera vite dans l'ordre. Je sais que ce n'est qu'une question de temps avant que le médicament ait fait son oeuvre, et que je retrouve son sens de l'humour auquel je suis définitivement allergique. À rien d'autre.

Les foules se pressent, les informations arrivent à la trombe et de voir le coup d'oeil qu'il me renvoit me confirme qu'on est de nouveau au centre de plus grand que nous. On l'a échappé belle et personne, absolument personne ne doit le savoir Sinon, les troupes paniqueront et ce sera une autre version d'Apocalypse qu'il faudra gérer, qu'il faudra mener de front envers et contre tout. Une fin du monde par jour, s'il-vous-plaît.

Une fin du monde qui prend un visage connu, un visage maudit, comme ils le sont tous dans cette pièce à commencer par moi aussi.

C'est Seth, qui est arrivé avec de nouvelles informations.
C'est Seth qui se tient bien droit, bien fier, tous les regards braqués sur lui, et la nouvelle tablette à déchiffrer entre ses mains.

Seth.
Seth, que j’ai envie de tuer, de faire rôtir, de dépecer, de tirer dessus, de pendre, de brûler vif. Seth, que j’ai envie de noyer. Seth, qui a été la cause de bien plus de maux pour elle et pour moi que toutes les plaies réunies jusqu’alors. Seth qui, justement, est une plaie à lui seul - et je ne vous raconte même pas l’intensité de cette merde. Merde étant un de ses surnoms parmi beaucoup, un qu’il a sacrément mérité, même, si vous voulez mon avis. Il n’est qu’une sous merde et même si je ne devrais certainement pas aller à autant d’agacement dans mon esprit cela n’empêche en rien mes mains de trembler, cette fois ci pour des raisons bien différentes d’il y a quelques minutes encore.

Seth.
S’il ne meurt pas avec la fin du monde alors je m’occuperai de son cas moi même, je le jure. S’il ne meurt pas par voie naturelle alors je lui montrerai un raccourci qui lui fera sans aucun doute plaisir. Seth, je jure que je vais lui faire la peau et je jure que lorsque je le prendrai par la main ce ne sera certainement pas pour aller danser. Son corps prendra la couleur du ciel, le bleuté d’hier ou le rougeatre d’aujourd’hui, peu importe. Je ne ferai pas la fine bouche lorsque mes poings s’abattront sur sa chair, peu importe l’endroit exacte, peu importe la raison exacte aussi. Il y en a justement bien trop, des raisons pour lesquelles je le préfère largement mort plutôt que vivant.

Seth.
Je jure que je vais le tuer et la seule variante qui peut encore exister, cela reste le nombre de bouffées d’air qu’il peut avaler avant que cela n’arrive. Une, deux, trois ? Quelques centaines ? Personne ne le sait encore, c’est ça qui est amusant, au milieu de l’Apocalypse.

WIN - La réponse c’est zéro. Auden le rue de coups.
SO CLOSE - La réponse c’était dix. Dès qu’il parle, Auden n’arrive plus à se contrôler.
FAIL - La réponse c’était “beaucoup trop”. Auden attend qu’il partage ce qu’il sait à propos de la tablette pour peaufiner son plan de mise à mort.