Saül aura passé la nuit en pleurer en silence, dans le noir le plus complet. Petit Abel l'a rejoint à un moment dans la nuit, mais lui n'a pas versé une larme. Il s'est simplement endormi contre son père, l'aidant ainsi à trouver le sommeil. Le lendemain, Saül, Ginny et Auden partent pour un magasin appelé "La Pyramide". C'est un minuscule magasin obscur, qui ne vend que des antiquités - et des monceaux de poussière. « Nous y sommes. » Sur eux s'abat un orage de grêle, qui a rendu difficile le trajet jusqu'à la boutique. Les vitres en sont couvertes de papiers journaux - et on se croirait dans un roman de Chattam, pas encore écrit mais cela viendra bientôt, d'ici quelques décennies. La boutique semble vide, mais la poignée est abîmée. Il faut croire que Saül, que la chagrin tenaille, n'a pourtant rien perdu de ses talents de crocheteur de serrure.

La porte cède et grince, alors qu'ils s'y enfoncent doucement. Tout sent la poussière. « Ne touchez à rien. » qui sait quel maléfice pourrait se trouver ici, jeté sur les objets de la boutique ? Doucement, Saül referme la porte. Elle est étrange, l'ambiance du magasin. Rien n'a de sens, tout semble en désordre. Saül déteste les magasins de vieillerie. « On cherche une tablette. Elle ne sera pas ici, c'est sûr. » A moins que tout l'endroit soit ensorcelé. Il n'a pas l'air d'avoir de propriétaire, après tout. Lentement Saül détaille les bibelots qui s'y trouvent. Certains ont l'air de valoir cher. D'autres ont une fonction parfaitement inconnue de l'italien. Ce dernier fronce d'ailleurs les sourcils. « Y'a pas quelque chose qui brûle ? » Ou peut-être est-ce seulement son imagination qui lui joue des tours. Elle a beau être morte, l'ombre, rien ne garantit que ses hallucinations le sont aussi.

La lecture se fait rapidement, la traduction également. Je n'aurais pas besoin d'y retourner à deux fois tant les lettres font sens, mais je le fais tout de même incapable de laisser place à la moindre mauvaise interprétation. De ce que j'ai compris, la situation urge et presse, de ce qu'ils laissent présager c'est une question de vie ou de mort. Incapable de rester là à attendre sans m'autoriser l'impolitesse de leur poser la moindre question, incapable de ne pas donner toutes les forces que j'ai en dépit de ceux qui n'en ont plus et même au-delà. Je pourrais y passer la nuit s'il le fallait dans le simple but d'arriver à trouver la réponse dont il a besoin pour la suite. Je le lui dois, comme j'aurais voulu qu'il agisse ainsi si Auden s'était lui-même retrouvé dans telle situation.

La lecture est rapide pour certains, lente pour d'autres. L'issue toutefois est la même et surtout elle est la bonne : je sais où on doit aller, et c'est là où, en trombe, nous filons dans la nuit.

***

« Ne touchez à rien. » sont les pires mots à dire quand Auden est dans les parages. Un coup d'oeil un seul partagé avec lui et le voilà déjà qui évolue dans la boutique à tout tâter et à tout tester, s'assurant ainsi d'être le potentiel comic relief d'une scène qui n'a rien de drôle.

Saül est démuni, Saül est distrait, je ne l'ai jamais vu ainsi. « On cherche une tablette. Elle ne sera pas ici, c'est sûr. » « Si ce n'est pas ici ce sera ailleurs. T'en fais pas, je ferai tout pour que tu la trouves. » ils ne servent à rien, mes mots. Mais je les affirme quand même, y croyant plus que bien des choses auxquelles j'ai pu croire dans ma vie. « Y'a pas quelque chose qui brûle ? »

Mon attention elle, dérive par-delà les étagères et les flacons. Mes doigts ne touchent à rien, docile et polie, n'en reste que mes iris font tout le boulot en analysant chaque item et chaque relique. Il y a des années, jamais je n'aurais été en mesure de prendre au sérieux l'entièreté de ce que contient ce magasin obscur. Aujourd'hui, après avoir presque tout vu et tout entendu, après avoir pris ma retraite des aventures archéologiques pour cause d'y croire un peu trop, je suis persuadée qu'il y a des choses qui ne s'expliquent pas, et qu'il y a des éléments qui s'expliquent d'eux-mêmes.

Puis, mes yeux sont attirés immanquablement juste là, rien qu'ici.

WIN : « Tu as vu ça? » et elle pointe un livre à la reliure dorée et aux mêmes écritures que celles se retrouvant sur la tablette.
SO CLOSE : « Tu as vu ça? » et elle pointe une amulette à la pierre de jais mystérieusement scintillante
FAIL : « Tu as vu ça? » et elle pointe Auden qui vient d'enfiler un chapeau de pharaon trois fois trop petit pour sa tête

Décrivez une nature morte. Oh que c'est glauque, ça.

Mais c'est pourtant le cas. Son corps est allongé, évidemment immobile. Sa peau est froide, glaciale, elle l'est tellement que lorsqu'on la touche on s'en brûle les doigts tant le frisson est viscéral. Il y a des ecchymoses qui parcourent ses bras, ses jambes, sa taille. Certaines naissent à l'aube de sa nuque, là où les doigts de son mari se sont attaqués d'abord, lui qui tentait de dégager l'autre, l'ombre, la maudite enfouie au creux de la silhouette possédée d'Ariane. Il a tout donné du temps où il le pouvait, mais c'est elle qui a assené le dernier coup en se tranchant volontairement la gorge. L'incision a fait autant de mal qu'elle a été libératrice. Pour elle l'hôte, pas pour l'autre la parasite.

La jumelle maléfique s'en est allée.
Et Ariane aussi.

Ses vêtements sont collés sur sa peau. Ils sont une agglomération de boue, de sang, de sueur, de pluie. Là où Saül l'a posée, elle semble presque en paix, elle qui ne l'a jamais vraiment été de toute sa vie. Non, faux, archi-faux : la dernière poignée de secondes avant qu'elle ne cède à la noirceur et qu'elle en rende sa lumière, elle était calme Ariane, elle était en confiance. Son fils serait en sécurité. Saül et lui se serreraient les coudes, ils s'en sortiraient comme les battants qu'ils ont toujours été. Comme les têtes de mule bien butées et aussi chiantes que possible dès que c'est à leur avantage, qu'elle aurait dit. Si vous le lui aviez demandé.

Dans la nuit, elle est intacte, dramatiquement immobile.

Mais lorsqu'à l'autre bout de la ville les prunelles de Ginny passent devant un des artefacts de la boutique sans véritablement le remarquer pour le moment, certains diront qu'ils ont vu un des orteils de la rousse bouger. Dans ce cas-là, qui hallucine et qui dit la vérité?

« Tu as vu ça? »
« Quoi ? Bon sang. »

C'est qu'il a l'air franchement ridicule, Auden. Saül en rirait presque, si la tablette n'était pas en jeu. Il l'a touché, l'objet maudit. Et maintenant tour à tour, les objets grandissent. Ce ne doit être qu'une hallucination, pourtant Saül a la douloureuse impression que ce n'est pas le cas. Le feu en était bien une, désolante. Mais pas les objets grandissants. Alors que le truc que porte Auden prend lentement des proportions absolument immenses, Saül tombe en arrière dans une baignoire qui fera bientôt la taille de la pièce. Coincé au fond, il ne parvient pas à en sortir. « NE TOUCHEZ PLUS A RIEN ! » L'italien se débat, parvient à agripper ses doigts bandés de tissu sur la surface de la baignoire.

Lorsqu'il parvient à sauter de la faïence, il pose un regard inquiet sur Ginny et Auden. « Cet endroit est maudit. Il n'existe probablement que pour garder la tablette. » C'est mieux, ou pire que les marécages ? Saül ne saurait dire. En tout cas, au moins, ici personne ne hurle. Ses pensées ne font qu'aller vers Abel, son totem, la protection qui l'empêche de trop penser à Ariane. Abel qui est en sécurité, qui doit être bien occupé à recouvrir des feuilles de peinture ou à jouer avec Britton, qui a exceptionnellement rejoint la maison de Auden afin de garder l'enfant. Une figure connue, cela lui fera certainement du bien.

Et puis soudain, les yeux de Saül se posent sur le haut d'un monticule d'objets, le genre qui semble très, très dangereux à gravir. On peut y voir s'entasser des chaises et des objets improbables. « Je crois l'avoir vue briller là-haut. Allons-y. N'oubliez pas de redescendre aussi vite que vous le pouvez. »

Auden fait sa vie et fait ses propres lois, il touche à tout et évidemment que rien ni personne ne sera là pour lui retirer l'option de calmer un peu le jeu, de détendre un peu l'atmosphère. À mes yeux, c'est la meilleure des options d'ainsi le garder à l'oeil, mais ce serait mentir de dire que le voile que je vois passer dans le regard de Saül ne m'effraie pas. Il augure quelque chose que je n'aime pas du tout. Saül me fait peur, ainsi. Abel en sécurité à la maison aux côtés de Britton, j'ai l'impression que l'aîné Williams risque de commettre l'irréparable à tous moments - et jamais je ne me pardonnerais de le laisser faire une telle chose.

Celui qui commet le premier affront par contre, c'est Auden. « Cet endroit est maudit. Il n'existe probablement que pour garder la tablette. » puis, tout ne fait plus aucun sens. Les objets augmentent en taille, changent en couleurs. Les murs deviennent paillettes et les plafonds prennent en échos. Tout est exagéré et rien n'est vrai, et quand l'une de mes mains attrape celle d'Auden et que l'autre prend celle de Saül pour l'extirper de sa baignoire maléfique, c'est d'un pas décidé vers l'arrière que je les amène en zone encore intouchée par le quelconque maléfice qu'une coiffe exubérante de roi égyptien peut bien avoir potentiellement causé.

Et elle est là la montagne. Et tout en haut se trouve l'artefact que j'avais repéré un peu plus tôt, le collier noir de jais qui à mes yeux serait probablement la chose la plus scintillante de l'endroit et donc potentiellement celle qui tente de nous passer un message. « Je crois l'avoir vue briller là-haut. Allons-y. N'oubliez pas de redescendre aussi vite que vous le pouvez. » d'un geste de la tête j'accepte le défi, mes yeux ayant visiblement quitté le pendentif trop vite tout à l'heure, et mes tentatives d'escalade qui sont autant douteuses que déterminées. Si j'arrive en haut, si j'arrive à l'atteindre, qui sait si tout ceci ne finira pas enfin par bien se terminer.

dans la boutique, se met à jouer (ok l'anachronisme, salut)

WIN : stronger - et le pendentif réveille ariane
SO CLOSE : you drive me crazy - et le pendentif révèle l'endroit où se trouve la tablette pour réveiller ariane
FAIL : baby one more time - et le pendentif envoie des bisous soufflés à Saül pour ses bons et loyaux services

C'est vraiment n'importe quoi, cette boutique. Les musique qui y jouent s'emballent et bientôt, le fraquas ne permet plus à nos protagonistes de communiquer efficacement. Lorsque Ginny se dévoue pour grimper le monticule d'objets, tous se mettent à grandir en même temps. Le tintamarre vrille les oreilles de Saül. Elle grimpe, Ginny. Elle grimpe sans se préoccuper de la tasse géante qu'elle fait tomber derrière elle, qui manque d'assommer Auden et Saül d'un même coup - pas une grande perte, dirait Ariane. Entre les mains de Saül, une peluche prend des proportions ridicules.

Et puis soudain, Ginny touche le pendentif. Un éclat lumineux traverse la pièce alors que Saül est en train de se battre avec une chaise géante à l'assise de paille vorace. L'éclat file à travers la pièce, s'écrase contre une boîte dorée. « Là ! » Il se bat, l'italien, pour enfin se départir de sa chaise géante. L'instant d'après, il a bondit sur la tablette. Elle lui échappe, alors qu'il tente de l'envoyer à travers la pièce. Elle glisse, glisse jusqu'aux pieds de Ginny, descendue de sa montagne d'objets.

Malheureusement, la boîte est ensevelie sous un amas de torchons géants. Dans les yeux de Saül, ils sont des serpents mangeurs d'hommes. La malédiction tend à le rendre fou, maintenant que ses dernières barrières mentales sont soufflées comme un tas de cartes. Il suffirait d'un rien, d'un tout petit peu de chance, d'une intervention divine - oui oui - pour que la boîte refasse surface au milieu des draps qui grandissent. Et alors qu'ils pensaient avoir vu le pire, la porte du magasin s'ouvre en grand sur un amas de grêlons gros comme des poings. « On ne va jamais en finir ! » Les serpents/draps - hallucinations - se rapprochent dangereusement de Ginny.

J'ai perdu Auden des yeux, j'ai perdu Saül de vue. J'ai perdu contact avec tout ce qui est en bas, tout en bas de moi. La musique est projetée avec intensité de parts et d'autres de la boutique - toujours vide d'ailleurs, dénuée de qui que ce soit d'autre que nous et les infinités de meubles qui prennent en ampleur au fur et à mesure que les minutes passent. À un moment, je regarde en bas de l'immense pile de laquelle je me suis improvisée alpiniste, pour finir par avoir l'impression qu'en effet, j'en suis à franchir l'Everest.

Tout est pêle-mêle, ici. Il y a des bocaux de poissons rouges qui côtoient des peluches aux couleurs de l'arc-en-ciel, de la poudre à gratter qui flirte avec des grimoires que je n'aurais jamais même rêvé pouvoir voir de mes yeux quand au cursus de la faculté on ne faisait que nous en parler comme étant des légendes d'une religion désormais défunte. Entre des réglisses et une multitude de tapis persans se trouve finalement une selle de cheval sur laquelle je peux poser mon pied, elle qui me permet d'atteindre le médaillon dans l'élan.

Tout va bien, tout y est, on l'a et puis -
- et puis on n'a plus rien.

Le faisceau de lumière part d'un sens et mes pas titubent de l'autre. Ma silhouette glisse tout en bas du monticule d'éléments aussi éparses que variés et aux formes grossières. À partir de ce moment, la chute se précipite jusqu'à atterrir à travers une pile de draps et d'autres coussins qui n'en finissent plus de jouer différentes musiques selon ceux sur lesquels je me retiens entre mains et pieds pour me relever. Saül l'a vue la boîte, et moi aussi.

« Là ! »
« Bouge pas je l'ai! »

Gommant la distance entre nous, je l'aide à se sortir de son immense fauteuil après avoir attrapé la fameuse boîte désignée par l'amulette. À l'intérieur se trouve bel et bien la fameuse tablette protégée par la boutique et son contenu en entier. Le verrous est mis mais les inscriptions anciennes et tatouées de tous les côtés du coffre ne mentent pas ; on a bel et bien fini par finir par trouver ce qu'on cherchait. Saül panique, Saül évite des molletons de poussière, Saül ne voit pas non plus, la serrure trônant sur la reliure incrustée de la boîte.

« On dirait qu'elle ne semble pas pouvoir être ouverte par autre chose que par ...»


WIN : l'alliance d'Ariane - et les voilà qui se précipitent à elle pour utiliser la fameuse bague-caïman & la ramener à la vie
SO CLOSE : l'amulette - tant mieux, elle est maintenant dix fois sa grosseur et pendante au cou d'Auden
FAIL : les larmes de Saül - c'est le moment de te rappeler ma fin de RP #4 dramatik, mon gars (ou de compter le nombre de fail que j'ai eu aujourd'hui ahahah seigneur)

Un orteil, juste un.
Puis un second.
Les doigts aussi, les uns après les autres.

Chaque geste est indicible mais chacun d'entre eux est répété, et c'est exactement l'effet auquel personne ne s'attendait, sauf eux. Elle était immobile il y a cinq minutes encore, et si sa silhouette est toujours allongée et si sa gorge est toujours marquée des restes de son attaque contre elle-même, c'est sa cage thoracique qui la trahit.

Elle est réveillée.

***

Ma bague. Il manque ma bague. Quand mon pouce la cherche, quand elle n'est pas glacée sur ma peau qui ne l'est jamais autant. C'est chiant et je rage et j'ai envie de tuer qui que ce soit l'a déplacée de là où elle n'a pas bougé depuis dix ans au moins. Qui que ce soit a osé mériterait juste de se retrouver avec les yeux crevés et les dents arrachées et je jure que ce sera d'un geste d'un seul et je buterai l'imbécile qui a pris ses aises à ce point et -

- oh.

Et même si ce ne sont que des chandelles bien glauques qui éclairent la pièce, n'en reste que lorsque mes paupières s'ouvrent l'une après l'autre, j'ai l'impression que la lumière du monde entier a décidé de me brûler la rétine. Chaque muscle de mon corps me fait plus mal que la seconde d'avant, c'est un véritable calvaire simplement d'inspirer tant ma respiration bloque à mille milliers de niveaux.

Apparemment ma bague est ancrée à une boîte qui brille d'ici. Apparemment, la tablette que Ginny tient dans ses mains a dû faire un truc improbable pour qu'elle tire cette tête. Pour que Saül ait absolument aucun commentaire piquant, aucune remarque aussi moqueuse que cinglante à ajouter à la scène alors que je me redresse le plus lentement - douloureusement - du monde. Il a l'air d'un gars qui a vu un fantôme.

« Si t'as pleuré je m'en moquerai toute ma vie. » elle est réveillée.