D’aucuns auraient pu penser qu’une fois la proposition de mariage acceptée par le Beauregard alors leur couple aurait enfin pu se parer, justement, de l’étiquette de couple. Au contraire pourtant, si cet événement a aidé à mettre au clair leurs sentiments, cela n’a en rien amélioré la condition d’aucun des deux hommes. Au delà de ça, leur situation personnelle n’a fait que se dégrader depuis lors. Ils ne savent plus tomber que de Charybde en Scylla, incapables de mettre leur ego de côté, tout autant incapable que de désormais pleinement vivre sans l’autre. Après tout, il ne reste plus que l’un dans la vie que l’autre, ils doivent donc apprendre à se supporter autant qu’à s’aimer.

Pour aujourd’hui encore ils décident de reporter la résolution de leurs problèmes à un moment ultérieur, préférant faire une sortie en ville pour ignorer le tout. Ils sont encore capable d’agir comme des adultes responsables lorsqu’ils ne le font pas exprès - et seulement lors de ces moments -, raison pour laquelle l’idée d’aller à Dreamworld n’est en rien apparue comme bonne. Auden a râlé, Ezra sans doute tout autant et pour contrarier le premier autant que le second, ils ont décidé de s’y rendre d’un commun désaccord. “Je continue de penser que ma famille me tuerait avant la tienne.” S’ils savaient. Auden continue de jouer avec le jeu quand bien même il sait le sujet ô combien difficile à arborer - raison donc pour laquelle ils n’en parlent absolument jamais. Quand bien même il n’a jamais été adepte des marques d’affection en public avec ses êtres chers (c’est à dire, peu de personnes), cette fois-ci il déteste simplement se retrouver face au mur, obligé d’aller dans un sens. L’Italien qui n’a jamais suivi les règles de qui que ce soit se retrouve aujourd’hui pieds et poings liés ; et au lieu de fuir il ne sait qu’écouter, parce qu’il n’a pas envie de retourner au point de départ et encore moins avec Ezra. Ils reviennent de bien trop loin pour faire le moindre pas en arrière et oui, contre toutes attentes, Auden est prêt à faire des efforts supposés impossibles. Peu peuvent se vanter de l’avoir forcé à faire de telles choses, pour ne pas dire qu’il a déjà adopté ce genre de comportement avec qui que ce soit. “Ma coloc n’est pas là ce soir.” Chose qui n’arrive jamais puisqu’en effet, Elizabeth ne cesse de traîner sa vieille carcasse dans la maison de Bayside. Chose qui arrive si peu souvent qu’il éprouve le besoin de le spécifier à Ezra, sous entendant sans aucune finesse qu’il pourrait venir y dormir avec lui, si tel est son désir.

@ezra beauregard
@jessalyn oxton

Il y avait tellement d’éléments présents désormais dans la vie d’Ezra qui ne semblaient pas forcément faire sens tout le temps. Il les voyait, là, se présentant devant lui et comprenait qu’il allait devoir désormais composer avec eux pour une bonne partie de sa vie - si ce n’était pas tout le restant de sa vie. Il allait devoir s’adapter, devoir faire des changements et des concessions, jouer avec les règles et discuter avec l’arbitre par moment. Mais il allait devoir accepter tous ces nouveaux éléments qui dérangeaient son petit quotidien bien rangé des dernières semaines. Un de ces éléments - même celui qu’il n’aurait jamais imaginé pouvoir voir venir perturber son quotidien -, c’était Auden. Si depuis qu’ils en étaient arrivés à se côtoyer plus que de raison, la force des choses et le contexte tout nouveau autour d’eux étant les premiers responsables de se rapprochement, Ezra avait parfaitement compris que tout son univers était en train de changer, il n’avait su comprendre à quel point. Et pourtant, aujourd’hui, alors qu’il était persuadé d’avoir encore entendu le Williams marmonner dans sa barbe inexistante sur le chemin qui les menait à Dreamworld, cela commençait à s’imposer à lui. Parce-qu’aujourd’hui, il allait au parc d’attraction avec Auden - et pas parce-qu’on lui avait imposé sa présence, mais bien parce-qu’il l’avait décidé, qu’il avait consenti, qu'il avait dit oui.

« Je continue de penser que ma famille me tuerait avant la tienne. » Il fallait, bien sur, que Auden se mette à parler de ce sujet là alors qu’ils venaient de s’installer dans la grande roue. Rien ne pourrait aider Ezra à détourner la conversation vers un autre sujet, étant donné qu’il était bloqué aux côtés du jeune homme pour les prochaines minutes sans manège à sensations ou quoi que ce soit d’autre - les seules sensations ressenties étant celles que son coeur lui procurait lorsqu’il posait ses yeux sur le brun. « Et je continue de dire que tu as tord, et que tu connais pas mon père. » Le sujet était sensible, il était même délicat, et pourtant il ne cessait d’être remis sur le tapis par Auden. Ca l’énervait, Ezra, mais pas car il ne désirait pas discuter de ce genre de problématique avec son cher et tendre, mais parce-que la situation le mettait dans un inconfort qu’il ne saurait supporter. Il savait que cette discussion arriverait un jour avec leurs familles, et il savait aussi parfaitement les tenants et aboutissants de cette dernière. « Et il te tuera probablement aussi au passage. » Parce-que si David pouvait voir ce qu’il se tramait entre Auden et lui, il ferait forcément en sorte de réduire la situation au néant. Il le connaissait par coeur et pouvait anticiper d’avance la réaction de son paternel - et autant dire qu’il n’avait pas grande hâte d’arriver à ce moment là de sa vie future.

La grande roue vint s’arrêter un instant, alors qu’ils se trouvaient à son sommet, afin de laisser les passagers de la première vague s’installer. Ezra soupira légèrement - il n’avait jamais été des plus à l’aise lorsqu’il se trouvait à une telle hauteur. « Ma coloc n’est pas là ce soir. » Soudain détourné par les paroles d’Auden de sa peur du vide, Ezra vint tourner son regard vers le jeune homme à ses côtés, haussant légèrement un sourcil. « Pas là ce soir, pas là du tout tu veux dire ? » Il la connaissait sa colocataire, et il savait aussi à quel point elle pouvait leur faire des fausses joies pour revenir en plein milieu de la soirée alors qu’ils avaient enfin la possibilité d’être tranquilles. Parce-que oui, Ezra n’avait pas qu’un soucis avec l’idée que sa famille puisse apprendre à qui il avait donné son coeur, mais plutôt que d’autres personnes qu’eux deux l’apprennent. L’éducation et les préjugés ont la vie dure.

Spoiler:

« Et je continue de dire que tu as tord, et que tu connais pas mon père. » Ce que je continue de dire, moi, c’est que le con qui a eu l’idée de monter dans la grande roue est un sacré con. Ce que je dis, aussi, c’est que c’est sacrément con de monter aussi haut sans jamais penser à faire redescendre la stupide nacelle.  « Et il te tuera probablement aussi au passage. » “Qu’il essaye.” Ses sourcils se froncent et ça m’amuse bien plus que de raison ; assez pour que je trouve le moyen de remettre le même sujet sur le tapis, encore et encore, sans bien grande considération pour ses propres sentiments. Les seuls que je ne piétine pas sont ceux qui ont rapport à moi, raison pour laquelle mes lèvres se posent dans sa nuque et mes paupières se closent. Son père ne nous verra pas ici et le mien moins encore. De plus, si cela me permet d’avoir une raison suffisante pour fermer les yeux un instant et penser à autre chose, je ne suis pas fermé aux idées nouvelles. Et lui, il est une très bonne et belle idée nouvelle.

Je grommelle lorsque l’engin s’arrête et revient prendre ma place comme une personne normale, mes yeux pourtant toujours posés sur lui plutôt que sur le vide défilant sous nos pieds. Stupide idée, vraiment stupide idée. Le sourire de merde existe par sa faute seulement, et s’il n’était pas là j’aurais sans doute déjà cedé à la panique sans ne laisser personne poser de mot sur un tel état. Je fais donc ce que je sais de mieux : parler d’autre chose et chercher la petite bête. « Pas là ce soir, pas là du tout tu veux dire ? » J’hausse les épaules comme si on ne parlait là que d’une histoire insignifiante. Lui comme moi savons que ça n’a rien d’un sujet insignifiant, encore moins anodin. “Pas là du tout et surtout très loin d’ici.” Autant dire que je n’ai pas le moins du monde écouté les explications qui s’en sont suivies mais je sais au moins qu’Elizabeth ne sera même plus en Australie. Cela nous offre une nuit toute entière et une journée qui s’ensuit, où j’userai de tous les râles possibles s’il ose me dire qu’il doit aller travailler ou faire quoi que ce soit en dehors du périmètre de ma maison de Bayside. “Tu vas pouvoir me faire la cuisine deux jours de suite, t’imagines la chance que t’as de me servir.” Ça va, ça va. Il sait autant que moi pourquoi j’ai envie qu’il vienne mais reste pourtant incapable de le lui dire de but en blanc. “Et après ça, t’écris un bouquin où tu parles de moi et tu deviens riche. Retraite paisible assurée.” Parce que tout ce qui parle des grands de ce monde entretient l’intérêt du public. De nous deux, bien sûr, je ne parle là que de moi. Il sera l’écrivain tapis dans le noir mais aussi et surtout ce qui récoltera l’argent. Vous voyez, donc, il n’a que de raisons pour venir ce soir. “Je te cache pas sous le lit cette fois. Promis. Et j’ai passé la poussière.” J’avais oublié depuis un an ou deux, la dernière fois qu’il s’y est réfugié. J’imagine qu’il a dû passer l’éponge depuis.

« Qu’il essaye. » Et il essayerait, David, c’était bien là où résidait le problème dans toute cette conversation. Auden n’avait pas l’impression de mesurer l’ampleur de ce qu’il pourrait lui arriver si jamais le père d’Ezra en venait à avoir vent de ce qui se tramait entre les deux jeunes hommes. Même le Beauregard lui-même, pourtant bien au courant de ce qui se passerait, ne voulait pas établir une image du carnage dans son esprit.

Il n’eut cependant pas bien le temps de s’y attarder car déjà, ses pensées et son attention étaient redirigées vers les paroles qu’Auden venait de prononcer. Même la hauteur de la grande roue venait se faire happer par ce qu’il venait de lui dire. « Pas là du tout et surtout très loin d’ici. » Ezra ne sut venir retenir un haussement de sourcil, plus qu’intéressé par l’idée de pouvoir profiter d’Auden rien que pour lui au moins le temps d’une soirée. Ce n’était pas toujours chose aisée, et il chérissait en secret le moindre moment de tranquillité leur étant offert. « Tu vas pouvoir me faire la cuisine deux jours de suite, t’imagines la chance que t’as de me servir. » Déjà, Ezra venait lever les yeux au ciel. Il fallait que le William vienne ajouter une touche d’humour grotesque là où il n’y en avait pas forcément besoin - bien que les lèvres d’Ezra peinèrent à ne pas se soulever en coin, tout de même amusé par la blague, tel l’idiot parfait qu’il était. « Quelle chance, vraiment. Tu dois pas beaucoup tenir à la vie pour dire que c’est une chance pour toi. » Ezra savait cuisiner, mais il n'avait jamais été des meilleurs dans ce domaine. Auden exagérait, comme à ses habitudes - cela venait cependant combler d’une chaleur particulière le coeur du Beauregard que le brun puisse être heureux à l’idée qu’il s’occupe de lui avec attention.

« Et après ça, t’écris un bouquin où tu parles de moi et tu deviens riche. Retraite paisible assurée. » « Il va me falloir plus de deux jours pour écrire quelque-chose d’intéressant sur toi, désolé de te l’apprendre. » L’égo d’Auden était tout aussi grand que l’envie plutôt régulière d’Ezra de venir le taquiner sur ce point là. Ce fut donc avec un petit sourire amusé qu’il vint tourner son visage vers Auden, alors que la grande roue se remettant lentement en fonctionnement et qu’il devait de nouveau se concentrer pour ne céder à la panique. Les yeux d’Auden étaient une bonne distraction. « Je te cache pas sous le lit cette fois. Promis. Et j’ai passé la poussière. » Là, il vint lever les yeux au ciel. « C’est pas trop tôt. » Même si, selon les dires du jeune homme, il n’aurait pas besoin de venir se réfugier sous son lit pendant les deux prochains jours, la dernière expérience n’avait pas été des plus satisfaisantes pour le Beauregard. La poussière s’y était tellement accumulée qu’il en était ressorti avec une perruque aux cheveux blancs. « De toutes façons je comptais me cacher dans ton lit, cette fois-ci. Si ta coloc est pas là. » Et à ses mots, il vint glisser sa main dans celle d’Auden, parce-que là à plusieurs mètres de hauteur, aucun regard de travers ne pourrait venir les déranger. « Si t’es d’accord pour m’y faire une petite place. »

Spoiler:

Le sourire sur les lèvres d’Ezra devient la seule chose à laquelle je me raccroche pendant un temps. Pendant un court instant, tout devient simple et plus personne n’a à se cacher de rien. Aussi loin du sol, j’imagine pourtant que peu sont les personnes qui penseraient à vérifier ce que font les gens dans leur nacelle. « Quelle chance, vraiment. Tu dois pas beaucoup tenir à la vie pour dire que c’est une chance pour toi. » Il râle tout le temps pour rien et aujourd’hui j’ai appris à aimer la moindre de ses habitudes, quelles qu’elles soient. “J’ai toujours aimé vivre dans le danger.” Pour tout un tas de raisons qui dépassent de bien loin le simple domaine de la cuisine. Je n’ai pas besoin de le préciser, pourtant.

On est sûrement tous les deux d’accord sur le fait que de monter dans la nacelle était une horrible idée. Si on souhaite avoir un instant seuls, à l’avenir, on prendra le temps de réfléchir pour ne pas finir avec les pieds dans le vide et aussi rassurante la présence du Beauregard puisse-t-elle être, force est de constater qu’il n’a pas le pouvoir  de me faire tout oublier. « Il va me falloir plus de deux jours pour écrire quelque-chose d’intéressant sur toi, désolé de te l’apprendre. » Mes yeux roulent et je me repose au fond de ma nacelle, avant que celle-ci ne tremble et que mes yeux s’exorbitent, trahissant momentanément mon manque d’assurance - il n’aura pas à parler de ça dans son livre. « De toutes façons je comptais me cacher dans ton lit, cette fois-ci. Si ta coloc est pas là. » Désormais j’esquisse un sourire bien plus mâture, certain que cette soirée ne connaîtra aucune ombre au tableau. Mes doigts se laissent se mêler aux siens et je ne m’attarde pas sur ce geste, mes yeux plutôt ancrés dans les siens, immobiles. « Si t’es d’accord pour m’y faire une petite place. » “Nan, t’as raison, tout compte fait ça ressemble à une très mauvaise idée. Je devrais rappeler mon ex, ça serait mieux.” Ezra n’a pas besoin d’un nouvel accord de ma part tout comme je ne formulerai pas de but en blanc vouloir qu’il vienne chez moi ce soir. “Ceci dit en attendant qu’elle arrive, on pourrait toujours rentrer chez moi dès qu’on sera descendus de ce putain de manège.” Est ce que je lui avais déjà fait comprendre que je déteste cette nacelle ? Sûrement un bon millier de fois, en effet. "Et je te donnerai plein de conseils pour ton futur livre." Mes doigts jouent désormais avec les siens de manière désordonnée alors que je garde un sourire en coin, absolument pas subtil.

« J’ai toujours aimé vivre dans le danger. » Pourquoi n’y avait-il aucun étonnement dans la réaction d’Ezra aux mots que venait de prononcer Auden ? Dans sa tête, le jeune homme n’avait peur de rien et vivait sa vie comme bon lui semblait. Jamais il ne sait imaginé le brun à ses côtés retirer cette partie là de n’importe quelle situation pour la vivre autrement. « J’aurais pas deviné. » Et pourtant, ce fut avec amusement qu’Ezra vint le taquiner une fois de plus en guise de réaction.

Son attention cependant fut rapidement happée par ce qu’Auden avançait par la suite, et surtout par ce qu’il insinuait. Il ne mettait pas des mots précis sur la situation mais Ezra n’avait pas besoin de ça pour lire entre les lignes. « Nan, t’as raison, tout compte fait ça ressemble à une très mauvaise idée. Je devrais rappeler mon ex, ça serait mieux. » Un sourcil haussé et une mâchoire presque décrochée plus tard, Ezra vint avoir un petit rire désabusé. « Je suis sur que ce serait mieux ouais. » Pas qu’il était jaloux, le Beauregard, mais disons que l’idée de venir trouver l’adresse de l’ex en question pour venir lui mettre du poil à gratter dans les draps de son lit ne sonnait pas mauvaise. « Ceci dit en attendant qu’elle arrive, on pourrait toujours rentrer chez moi dès qu’on sera descendus de ce putain de manège. » Oh, l’inconfort d’Auden réussit finalement à lui arracher un petit sourire. C’était vilain de se réjouir du malheur des autres - surtout qu’Ezra n’en menait pas bien plus large -, mais le Williams le méritait, après avoir osé penser à retourner auprès d’une autre personne qui n’état pas Ezra.

« Et je te donnerai plein de conseils pour ton futur livre. » S’il n’avait pas senti les doigts du brun venir jouer avec les siens, peut-être qu’il aurait su répondre plus vite et plus fort. S’il n’avait pas été distrait par le contact de leurs deux peaux, peut-être qu'il aurait eu la répartie parfaite. « J’ai quand même hâte de les entendre. » Rien du tout, mais ses pensées étaient projetées trop en avant dans le temps pour venir penser que ses paroles ne faisait aucun sens tant il en avait rien à faire du livre imaginaire qu’il pourrait écrire sur Auden.

Finalement, la grande roue vint terminer son tour et les deux tourtereaux purent en descendre. Le soulagement se fit autant entendre dans le soupire d’Ezra que dans ses pas qui se préservèrent de rejoindre la foule. Le soupire qu’il vint relâcher fut cependant autant pour couvrir son soulagement d’être descendu de l’engin maudit que pour illustrer sa déception quand à devoir lâcher la main de celui qui faisait battre son coeur étrangement depuis des semaines. « Tu veux manger un truc où j’aurais pas mis de poison dedans avant de rentrer chez toi ? » Car c’était acté qu’Ezra y établirait résistance à partir de ce soir sans possibilité d’annuler de la part d’Auden.

Spoiler:

Il est prévisible, Ezra, si prévisible. La simple mention d’une ex petite-amie par ci par là et le voilà qui s’apprête à faire décoller ses sourcils vers de nouveaux horizons. Il est outré et moi, je n’ai qu’un sourire qui s’agrandit encore et toujours un peu plus. « Je suis sûr que ce serait mieux ouais. » Il dit une chose et il en pense une autre, je peux lire en lui comme dans un livre ouvert. C’est le niveau débutant, ça, tellement débutant que je n’ai rien à répondre et que le sourire commence à brûler mes joues. Fort heureusement, je m’occupe en jouant avec ses doigts, le temps pour nous de terminer ce manège qui ne semble plus si horrible que ça en sa compagnie. Tout aurait été bien mieux avec Ezra seulement, sans le facteur “manège”. On prévoit donc de rectifier le tir d’ici quelques minutes ou quelques heures.

Ma main lâche la sienne aussitôt le sol foulé. Elle retrouve sa place dans ma poche, agissant comme si de rien n’était et qu’il n’y avait rien de plus logique et normal. J’ai un long soupire fatigué, déjà. Tout semble bien moins amusant désormais. « Tu veux manger un truc où j’aurais pas mis de poison dedans avant de rentrer chez toi ? » A “poison” je préfère comprendre qu’il a dit “poisson” puisque cela sous-entend moins d’années de prison si jamais cela venait à se faire savoir - qui plus est, le orange me va bien mieux au teint qu’à lui, je serais bien trop jaloux. “Tu veux vraiment savoir ce que j’ai envie de manger, Ezra ?” La délicatesse n’est pas mon fort mais cela n’a jamais été un secret pour personne, en réalité. Mon sourire en coin est véritable et il remplace aisément la réponse que je ne lui donnerai pas en utilisant de véritables mots. C’est lui que j’ai envie de dévorer, bien sûr. Il sonne comme le plus doux des poisons à mes yeux. “Si on rentre directement et que toi t’as vraiment faim, je pourrais te faire à manger.” Mes compétences derrière les fourneaux sont bien plus actées que les siennes, cela ne fait aucun doute - et quand bien même lui cuisiner quoi que ce soit ne fait pas franchement partie de mes attentes premières pour la soirée à venir. “Mais ouais, non, t’as raison, passer au marché ça sonne carrément plus cool.” Je me moque une ultime fois alors que mes pas ont déjà pris la direction de mon appartement.

Il vint oser lui proposer de manger un petit quelque-chose avant de rentrer, de faire un espèce de détour, de surtout perde du temps à autre chose qu’à rejoindre son appartement. Quel effronté. « Tu veux vraiment savoir ce que j’ai envie de manger, Ezra ? » Les yeux d’Ezra vinrent s’écarquiller un brin, alors qu’il regardait si personne n’avait entendu les mots d’Auden autour d’eux. En réalité, la population de la fête foraine n’en avait que peu de choses à faire des deux jeunes hommes arpentant les allées. Ce n’était pas pour autant que cela rendait le Beauregard tout à fait à l’aise, malgré les efforts qu’il mettait pour atteindre cet objectif. Pendant ce temps là, Auden lui laissait un sourire plus que satisfait venir orner ses lèvres. « Si on rentre directement et que toi t’as vraiment faim, je pourrais te faire à manger. » L’idée était on ne peut plus alléchante dans n’importe quelle circonstance. Le brun était bon cuisinier et c’était toujours un plaisir de venir gouter les plats qu’il pouvait venir préparer. Cependant, ce n’était pas réellement ce qui intéressait présentement Ezra, qui était toujours bloqué sur la première réponse d’Auden, qui ne laissait pas de marbre. Il faisait chaud d’ailleurs, pour un début de printemps, non ?

« Mais ouais, non, t’as raison, passer au marché ça sonne carrément plus cool. » Il en vint à s’éloigner quelque peu sans attendre après lui qu’Ezra daigne bouger de nouveau, alors que ce dernier laissa échapper un petit grognement, faussement en colère. « Auden… » Il n’avait aucune foutue envie de passer au marcher, alors que le quatre-heures dont il avait envie de trouver à dandiner du postérieur devant lui. Ezra vint cependant soupirer une dernière fois avant de doubler la longueur de ses enjambées, afin de revenir à la hauteur du Williams. « Promis tu vas pas me cacher sous le lit cette fois ? » Sa question était sérieuse, et avec une réflexion bien plus poussée qu’elle ne laissait paraitre. Car si Ezra savait qu’il ne pouvait être totalement transparent sur sa relation avec Auden aux yeux des certaines personnes, il pourrait peut-être le devenir davantage aux yeux du monde de façon générale. Il en avait marre de se cacher alors qu’il n’avait présentement qu’une envie, c’était de venir lui couper la chique en prenant d’assaut ses lèvres et son sourire de parfait idiot - parce-que de premier de la classe ne lui allait pas du tout.

« Auden… » Soupirant une fois supplémentaire, Ezra vint attraper la main du brun pour l’arrêter dans sa course, agrippant ses doigts bien plus que de raison. « Pour de vrai, de vrai ? » Et sentir la chaleur de sa peau contre celle de la pulpe de ses doigts venait légèrement faire augmenter son rythme cardiaque, au Beauregard - assez pour que son coeur loupe sciemment un battement, à plonger son regard dans les prunelles d’Auden. Avaient-elles toujours été autant craquantes comme la couleur chocolat qu’elles portaient, ou était-ce simplement  parce-que pour une fois, il osait parler franchement et en public du sérieux qu’il voulait porter à leur relation ? « Parce-que je veux pas juste être au dessus du lit certains jours et en dessous le reste du temps… » Qu’il devenait exigeant, maintenant, alors que le rose lui montait aux joues et le feu de paire avec.

Spoiler:

Nos familles nous tueraient, nos amis nous tueraient. Le reste du monde, pourtant, je n’en ai rien à foutre. Encore moins que les amis et la famille, je veux dire, puisqu’ils ne comptent déjà pas beaucoup à mes yeux. Bien moins qu’Ezra, en tout cas. « Auden… » Ezra qui appelle mon nom sans que je me retourne, Ezra dont je m’amuse, Ezra qui gomme déjà la distance entre nous deux parce que je ne mets aucun effort à la tâche. Mais je souris comme un imbécile, j’imagine donc que c’est déjà un bon début et qu’il me donnera une infinité de raisons de continuer ensuite. « Promis tu vas pas me cacher sous le lit cette fois ? » Le sourire connait quelques turbulences alors que, même moi, je n’arrive pas à faire éternellement semblant que tout se passe bien dans le meilleur des mondes. Il sait autant que moi quels genres de problèmes nous avons à vivre au quotidien et je ne suis pas stupide au point de pouvoir les nier simplement parce que j’en crève d’envie. “Promis.” Mon pas ralentit sans que je ne l’arrête pour autant, c’est simplement le temps pour moi de croiser son regard quelques secondes pour appuyer et assurer mes paroles. Promis, cette fois-ci on fera les choses bien ou, en tout cas, on les fera moins pires. On terminera ce qu’on a commencé.

Il en demande toujours plus, pourtant, et au lieu de m’agacer cela me fait l’aimer un peu plus, toujours silencieusement. « Auden… » Mes doigts s’accrochent aux siens par simple réflexe et au diable la foule qui nous entoure, on aura qu’à dire qu’on est de la mafia et qu’on se passe des billets en douce. Ils seraient bien plus soulagés d’apprendre ça plutôt que la vérité et la seule et unique raison pour laquelle mes pas se stoppent enfin, mes pupilles refusant désormais de quitter les siennes. « Pour de vrai, de vrai ? » - “Ezra…” Je l’ai déjà assuré de la chose une première fois, pourquoi est-ce qu’il ressent tellement le besoin de reposer la même question ? Il ne veut pas que ma réponse change, il ne devrait donc pas en prendre le risque. Déjà, je m’agace et mon ton avec. « Parce-que je veux pas juste être au dessus du lit certains jours et en dessous le reste du temps… » Stupide Ezra. Je n’ai jamais promis une histoire digne des contes de fées, il aurait dû le savoir, il aurait dû s’y préparer.

J’aurais dû, moi aussi, puisque je n’ai apparemment pas reçu le mémo à ce sujet, surtout pas alors que ma seule réponse devient finalement mes lèvres contre les siennes et ma main contre son cou. Cette fois-ci, il sera bien difficile de faire croire à qui que ce soit que l’un de nous deux a glissé ou que tout ceci n’est que la conséquence d’une mauvaise maladresse. “Pour de vrai.” Et c’est pour de vrai que je devrais arrêter de l’embrasser, arrêter de garder mon souffle mêlé au sien, arrêter de l’aimer et de nous arrêter d’infinis ennuis.