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 just killed a man - Olivia

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Message(#)just killed a man - Olivia EmptyMar 13 Oct 2020, 21:01




just killed a man

Ana arrive devant le commissariat avec des cernes énormes sous les yeux et des douleurs dans tout le corps. On l’avait convoqué en début d’après-midi, elle avait plus de deux heures de retard et ça n’est pas une bonne façon de commencer cela. Elle a appelé pour prévenir qu’elle ne pourrait venir que plus tard, elle a prétexté qu’elle ne se sentait pas assez bien pour conduire dans l’immédiat. La vraie raison de son retard était tout autre, bien plus incroyable. Elle avait déjà passé une nuit infernale après avoir tué l’homme qui les avait prises en stop, elle et Birdie, car il braquait une arme sur elle. Tirer dans le bras de Birdie par erreur, tuer un homme et se retrouver couverte de son sang, découvrir un homme agonisant dans le coffre, réaliser que la voiture ne démarre pas et qu’il n’y a toujours aucun réseau pour appeler les secours… Puis finalement, se faire embarquer à l’hôpital par un couple qui passait par là, craindre que Birdie lui claque entre les doigts pendant tout le trajet, puis se faire questionner par la police et prélever toutes sortes d’échantillons : sang, cheveu, salive… Sans compter les prélèvements sous ses chaussures, ses ongles et sur sa peau encore couverte des sangs du tueur, de Birdie et du mystérieux homme du coffre. Ils avaient pris ses vêtements aussi. Depuis, Ana n’a pu trouver le sommeil, elle n’a pas dormi depuis 45 heures maintenant, elle ne fait que revivre ces instants qui viennent de faire d’elle une meurtrière et elle sait que la police va savoir qu’elle était complètement défoncée quand c’est arrivé, elle sortait d’une teuf illégale où drogues et alcool coulaient à flot comme toujours. Ana a peur de finir en prison, elle a peur de ce que ses frères et sœurs vont dire, elle a beau les détester, elle les aime en égale proportion et ils risquent de définitivement la rayer de leur vie si ce n’est pas la légitime défense qui est reconnue. L’esprit d’Ana n’arrête pas de se torturer, elle s’imagine que les flics trouveront un moyen de tout lui foutre sur le dos, elle s’imagine que le conducteur était peut-être quelqu’un d’important ? Qu’en fait le criminel était dans le coffre et que lui c’était un policier… Elle n’arrive plus à avoir un raisonnement correct de toutes façons, elle n’a pas dormi, elle est terrorisée à l’idée de finir en prison et elle n’a aucune confiance ni aucune estime pour la police. En plus, son après-midi a commencé avec un rebondissement digne d’un film, alors qu’elle partait pour son rendez-vous au commissariat, elle s’est retrouvée mêlée à une histoire de drogue, ça n’était vraiment pas le jour et ça ne fait que la rendre plus nerveuse. Elle a l’impression que les policiers vont savoir qu’elle se trouvait dans une voiture contenant des kilos de cocaïnes seulement quelques minutes plus tôt, que ça va se lire sur son visage. Et peut-être qu’elle n’a pas tord, quand elle entre dans le commissariat, elle a le teint cireux, elle est en sueur et elle essaye en vain de cacher son stress en agissant « normalement ».

Elle se signale à l’accueil et on lui demande d’attendre. Elle s’assied sur une chaise et son pied tressaute sous l’action du stress. Elle s’est retrouvée tellement de fois dans un commissariat. En Italie surtout, dans le petit commissariat de la commune. Puis à Brisbane aussi, ils commencent déjà à la connaître : ivresse sur la voix publique, possession, vol à la tire et à l’étalage, destruction de biens publics et privés... Elle a passé quelques nuits en cellule de dégrisement, Saül a payé les amendes, ainsi que les dégâts et les articles volés pour la sortir d’affaire… Jusqu’ici, elle se montrait provocatrice et peu impressionnée par les renforts d’intimidation que déployaient les officiers pour lui ôter son sourire insolent. Parce qu’elle savait qu’elle ne risquait rien, ou rien de bien grave, elle avait l’habitude que ses parents, puis Saül, viennent la sortir des emmerdes. Mais là, personne ne pourrait la sortir de là, elle a tué quelqu’un et pour une fois, elle n’y est pour rien, elle n’a fait que se défendre mais est-ce qu’on la croira ? Rien n’est moins sûr, certains policiers n’attendaient probablement que ça : une occasion de la voir tomber de son piédestal et ils allaient en profiter pour l’enfoncer, c’est sûr.

« Anastasia Williams, c’est à vous. », c’est celui de l’accueil lui fait signe de suivre une policière qui vient d’apparaître et qui l’observe depuis le coin de la pièce. Ana grimace en entendant son prénom complet, il ne manquerait plus qu’on y ajoute son deuxième prénom de l’enfer : Rosabella, le secret le mieux gardé de tout Brisbane. C’est le moment, donc. Elle se lève et suit la policière qui la guide jusqu’à son bureau. Elles prennent place chacune d’un côté du bureau, Ana s’assoit sur la chaise et croise les bras dans une attitude involontairement défensive. Elle commence en essayant de cacher le stress dans sa voix : « J’ai déjà tout raconté à vos collègues hier, alors pourquoi j'suis là ? » Elle ne leur a pas raconté ce qu’elle faisait avec autant de substances illicites dans le sang ceci dit.

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Message(#)just killed a man - Olivia EmptyDim 18 Oct 2020, 20:08


Olivia Marshall & @Anastasia Williams ✻✻✻ Le pot de départ de Kiefel à l’étage battait son plein depuis une heure déjà. Les mœurs avaient fait les choses en grand et l’étage ne désemplissait pas, quiconque osant s’y aventurer s’y retrouvant entraîné pour offrir à leur lieutenant un dernier tour d’honneur. J’avais traversé la salle pour parvenir jusqu’aux ascenseurs, plongeant dans la cohue agitée et ignorant les sourires insouciants des uns autant que les bourrades amicales des autres censées rassurer les plus réservés d’entre eux. Aucune n’avait atteint mes épaules pour autant, personne ne s’y étant risqué alors que je m’étais contenté d’ignorer la masse en continuant mon chemin, ne daignant pas me retourner aux « Bah alors Marshall ! » et autres « Un trait de whisky dans le café te fera bien rester, Marshall ? », cette dernière à laquelle seul mon majeur avait pris la peine de répondre, l’œil sombre mais le sourire vague aux lèvres alors que les portes de l’ascenseur se refermaient sur la scène éparpillée du troisième étage. Elle dénotait la suivante, celle du hall d’accueil traversé de parts et d’autres par des agents en uniforme et des civils égarés et laissés à leur sort tant que celui de l'accueil n’aura pas daigné leur accorder un regard. Je balayais du mien les visages habillant le coin de la pièce leur étant réservé. J’en cherchais un en particulier, un que je m’étais donnée la peine de me remémorer en jetant un dernier coup d’œil au dossier parvenu sur mon bureau la veille avant de descendre le chercher. Un aux traits encore délicats, presque juvéniles mais aux ornements affirmés, distinctifs. Les mèches colorées, les yeux assombris par un maquillage appuyé, le regard éteint, fixant le mur crépi qui lui faisait face et les jambes agitées, son pied marquant un rythme inaudible mais frénétique sur le linoleum du rez-de-chaussée. L’anxiété qui semblait l’assaillir, elle pouvait se rassurer, ne faisait pas d’elle sa seule victime, bien au contraire. Il lui aurait suffi de lever les yeux pour s’apercevoir que les individus l’accompagnant dans l’attente souffraient des mêmes maux. Je ne leur accordais que peu d’attention désormais, aux manifestations physiques desquelles étaient supposées découler, avant même que l’entretien ne débute, les premiers indices. L’expérience, très vite, se chargeait de nous inculquer que nul ne parvenait à pénétrer au sein d’un commissariat sous convocation sans que les mêmes choses ne se lisent dans le regard de chacun : l’agacement, l’inquiétude et parfois même, la peur, réelle. Les coupables comme les innocents se revêtaient des mêmes traits, tous semblant se reclure, sitôt les portes passées, dans l’appréhension poignante d’avoir commis quelques actions illégales et donc condamnables pour lesquelles aucun n’était disposé à témoigner si nous leur en demandions compte.

L’inverse, paradoxalement, attirait déjà plus mon attention. Le calme assuré, le visage placide et la posture immobile plus apte à mettre en alerte ce qui me servait d’antennes que l’agitation modérée dont souffrait sur l’instant Anastasia Williams, donc, puisqu’elle s’appelait ainsi et que ce fut son nom que je dédiais à l’agent d’accueil pour qu’il le hèle à son tour de l’autre bout de la pièce. Je lui accordais un simple hochement de tête, la saluant de la sorte lorsque la jeune femme se leva pour avancer jusqu’à nous avant de l’enjoindre à me suivre dans les couloirs que je venais de quitter. La porte refermée derrière nous, je tirai silencieusement la chaise me permettant de m’asseoir face à la porte et marquai à peine mon attente à l’en voir faire de même, mon attention portée sur le dossier posé à plat sur la table et dont je soulevais la première page cartonnée pour le parcourir à nouveau. Comme si je le découvrais. Comme si je ne le connaissais pas déjà sur le bout des doigts, sa découverte ne datant que de quelques heures pourtant, quelques heures suffisantes pour être capable d’en énoncer chaque détail, chaque nuance, chaque incohérence. Je la faisais patienter, en réalité, tournant de nouveau une page sans la regarder, l’imaginant chercher sa place et l’y trouver, inconfortable, sur le dossier raide de la chaise en inox. Elle ne le saurait sans doute jamais mais je lui accordais du temps, lui offrais celui nécessaire pour que sa respiration se stabilise, que son pied cesse de tressauter, que son regard s’ancre. Je lui offrais la possibilité de s’emparer de la parole la première également. La tactique différait d’objectif en fonction de l’interrogé. Je m’y employais avec certains dans l’optique de les confondre, dès la première réplique, leur laissant l’illusion du contrôle dont ils pensaient se saisir, du ton qu’ils s’imaginaient pouvoir donner à l’échange. Le silence gênait lorsqu’il pesait ainsi et que je le laissais faire, se mouvant comme la force lente qu’il était, constante telle une masse ardente qu’ils désiraient rejeter, ignorant qu’ils ne faisaient ainsi que s’incriminer dès le début. Mais il pouvait être plus léger également, plus accessible, comme celui que j’instaurais ici et aujourd’hui, en l’occurrence. Je la laissais faire, Anastasia, prête à patienter quelques secondes afin qu’elle puisse se détendre, penser qu’elle gardait un contrôle, même minime, sur une situation qui, l’imaginais-je, devait lui échapper depuis cette fameuse nuit. Je les laissais débuter la conversation comme ils le désiraient, oui, leur offrant l’illusion de la mener ensuite même si cela se révélait rarement vrai. Cela ne suffisait pas mais participait néanmoins à les mettre plus à l’aise, me permettant ensuite de tirer d’eux autre chose qu’une nervosité parasite.

« J’ai déjà tout raconté à vos collègues hier, alors pourquoi j'suis là ? » Il ne lui aura fallu que quelques instants, à peine quelques secondes, à elle. Cela ne m’étonnait pas étrangement, ne doutant pas du caractère dont elle semblait disposer à la lecture de son dossier. « Parce qu’hier, je n’étais pas là. » répondis-je sobrement en tournant une nouvelle page avant de m’arrêter ainsi, posant le plat de ma main sur le feuillet et relevant finalement mon regard pour accrocher le sien à l’autre bout de la table. Je secouai brièvement la tête, comme si je me montrais prête à lui accorder ce qui allait suivre : « Je sais, vous n’êtes pas la première à vous plaindre du nombre d’interlocuteurs dans ce genre d’affaires. Le système a ses failles mais je ne vous apprends rien. » Je ne le pensais pas néanmoins, il ne s’agissait vraisemblablement pas de sa première expérience avec ce dernier compte tenu de son dossier. La phrase sonna légèrement pourtant, détachée de toute contextualisation pouvant être prise personnellement ; tout le monde critiquait le système, que l’on ait eu affaire à lui ou non. « Quoiqu’il en soit, votre dossier est désormais aux homicides et n’ira pas plus loin. Je suis l’inspectrice en charge. » me présentais-je simplement en refermant le dossier sur lequel je venais de me pencher, trouvant place au fond de ma chaise avant de poursuivre : « Votre déposition est là mais j’aimerais qu’on fasse comme si je ne l’avais pas lue. » Je voulais l’entendre après l’avoir lue, la voir prendre vie plutôt qu’avoir à l’imaginer, m’assurer qu’elle ait tout dit et de la manière dont elle le désirait afin de pouvoir ensuite lui fournir ce qu’elle méritait à mon sens : des réponses, des explications. La porte s’ouvrit de nouveau, laissant place à un agent venu déposer sur la table un nouveau dossier et deux bouteilles d’eau, l’une d’elles que je fis glisser sur la table jusqu’à elle. « Un verre d’eau, un café avant de commencer ? » Je l’enjoignais ainsi à accepter, l’un ou l’autre. L’expérience avait depuis longtemps prouvé que l’opportunité de marquer une pause pour une gorgée méritée, ou le simple fait de tenir quelque chose entre ses mains pouvait aider à se recentrer, à faire face aux scènes désolantes auxquelles nous leur imposions de faire face de nouveau.




solosands
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Message(#)just killed a man - Olivia EmptyMar 20 Oct 2020, 21:35




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Ana s’est assise dans le bureau de l’inspectrice sans attendre à ce qu’on l’y invite, elle a croisé les bras pour se donner une contenance et le soubresaut de ses jambes a repris de plus belle sans même qu’elle s’en rende compte. La femme face à elle se met à feuilleter le dossier posé devant elle et Ana ne peut s’empêcher de tendre discrètement le cou comme si elle pouvait apercevoir quoique ce soit. Mais non, la pochette cartonnée fait barrage. Ana pense aux résultats toxicologiques qui doivent être dans ce dossier. Peut-être qu’ils ont mélangé les fioles de sang après tout, peut-être qu’il y aura eu un miracle au laboratoire d’analyses et que le dossier indique qu’elle était totalement sobre au moment des faits. L’italienne déglutit difficilement, elle aimerait croire à ce mensonge de confort que son cerveau est en train de lui concocter, mais ça ne fonctionne pas, elle est cuite et elle le sait. Le silence est pesant même s’il ne dure que quelques secondes, alors Ana prend la parole, elle n’a jamais été du genre à apprécier le calme et la méditation. Ana, elle aime le bruit assourdissant de la musique, les cris et les rires des teufeurs, le son incessant d’une conversation animée et houleuse, il faut que ça vive autour d'elle. Elle camoufle comme elle peut les trémolos de sa voix dus au stress et demande pourquoi elle est là tout en fixant la jeune femme qui lit son dossier. « Parce qu’hier, je n’étais pas là. » répond-t-elle les yeux toujours rivés sur son dossier. Ana ne peut retenir un soufflement de nez agacé, ses collègues l’ont faite patienter couverte de sang pour l’interroger alors qu’elle était sous le choc et n’attendait qu’une chose : fuir sous la douche et laisser le jet d’eau chaude faire disparaître ce liquide poisseux par le drain. Qu’elle n’ait pas été là, elle, qu’est-ce que ça y change ? Son interrogatoire n’en est pas moins valable, non ? « Je sais, vous n’êtes pas la première à vous plaindre du nombre d’interlocuteurs dans ce genre d’affaires. Le système a ses failles mais je ne vous apprends rien. » Ana est surprise par cette remarque de la part de l’inspectrice, elle ne s’attendait pas à ce qu’elle lui donne raison. Elle se voit dans l’obligation d’acquiescer, bien que sa réflexion sur la police n’aille pas aussi loin, elle n’en est pas à réfléchir au système entier, elle se base uniquement sur ses expériences plus ou moins houleuses avec les forces de l’ordre et ressent envers chaque flic un mélange de mépris et de défiance. « Vous appelez ça comme ça vous, noté. » raille-t-elle sans savoir quel mot elle mettrait à la place, mais « failles » ça lui paraît bien trop léger comme terme. Ana a toujours adoré provoquer les policiers tout en s'assurant de ne jamais aller trop loin pour éviter d'en subir les conséquences. Mais aujourd’hui, les choses sont différentes… Elle ressent un nouveau sentiment vis à vis des flics, un sentiment que nombre d’entre eux ont essayé de lui inspirer sans succès au fil des années et de ses visites au poste : la peur. Elle a peur car elle sait qu’elle s’est fourrée dans un sacré merdier et que cette fois c’est du sérieux. Elle qui se plait à incarner ce personnage sans peur et invincible, elle n'est pas habituée à la ressentir si profondément, cette terreur, cette perte de contrôle. Mais comme à chaque fois qu'elle s'y trouve confrontée, elle fait tout pour la camoufler, cette faiblesse doit rester secrète.

« Quoiqu’il en soit, votre dossier est désormais aux homicides et n’ira pas plus loin. Je suis l’inspectrice en charge. » Le mot « homicides » la crispe, jamais elle n’aurait cru finir dans ce service. L’inspectrice face à elle n’a pas l’air plus conne qu’un autre alors c’est peut-être pas plus mal que ce soit elle en charge, de toutes façons Ana n’a pas le choix, elle va avoir affaire à elle dans cette histoire c’est maintenant établi. « Ok, mais s’pas un homicide ! J’me suis défendue moi s’tout ! » Elle est sur la défensive et elle ne sait pas vraiment ce quelle est la définition du terme « homicide » mais pour elle c’est comme si on venait de l’accuser d’avoir prémédité un meurtre. L’inspectrice referme le classeur et se recule contre le dossier de sa chaise. « Votre déposition est là mais j’aimerais qu’on fasse comme si je ne l’avais pas lue. » On fait comme si vous n’aviez pas lu les résultats de l’analyse toxicologique aussi ? De toutes façons, elle ne va pas y échapper, elle va devoir tout raconter. Ses mains sont moites soudainement, elle les place à plat sur ses cuisses et les frotte machinalement d’avant en arrière pour les sécher. Puis elle répond, lasse, en se massant les tempes, elle est fatiguée et a mal au crâne : « Si ça vous amuse… J’commence par le début j’suppose ? » C’est une question plus ou moins rhétorique, elle l’a posée juste pour se lancer, pour mettre le pied à l’étriller. Elle inspire et expire pour se donner du courage et ouvre la bouche juste au moment où la porte du bureau s’ouvre sur un autre policier. Ana referme la bouche et croise les bras, il apporte une pochette cartonnée, une autre. Est-ce que c’est là dedans que sont les résultats indiquant qu’elle était totalement défoncée au moment des faits ? Elle fixe le dossier comme si à force d'insister, elle aller pouvoir voir à travers la couverture. « Un verre d’eau, un café avant de commencer ? » Ana relève la tête et sait que son regard insistant sur le dossier n’a pas dû passer inaperçu. Elle remarque les bouteilles d’eau mais ce dont elle a besoin, c’est d'un café, pour tenir le coup et s’activer un peu les neurones. « Il est bon vot’ café ?... » demande-t-elle sans pouvoir s’empêcher de faire la difficile et l'emmerdeuse alors même qu’on la traite plutôt bien depuis son arrivée. Elle se reprend aussitôt : « Bah j’men fous t’façons, j’ai pas vraiment dormi cette nuit, me faut d’la caféine. » Elle accepte donc la proposition sans un "s'il vous plait", ni un "merci", c’est une gymnastique dans laquelle elle excelle et qu’elle a mis en place dès l’adolescence afin d’être toujours la plus désagréable possible. Aujourd’hui elle le fait inconsciemment, naturellement. L’autre policier s’en va et Ana se retrouve en tête à tête avec l’inspectrice, le silence s’installe et elles se regardent. Ana sait que c’est à elle de parler, elle jette un nouveau regard au dossier qui vient d’atterrir sur le bureau de l’inspectrice et qu’elle n’a pas encore regardé : « C’est quoi ? » ne peut-elle s’empêcher de demander en désignant la pochette cartonnée du menton, les bras toujours croisés sur sa poitrine. Elle ne va probablement pas lui répondre, dans les séries télé ils laissent les suspects dans l’inconnu et le flou exprès. L'italienne elle-même a déjà subi ce genre de techniques d'interrogatoire, les policiers ne lui disaient pas pourquoi elle était là dans l’espoir qu’elle s’incrimine toute seule en parlant d’autres conneries qu’elle avait fait. Mais là, il n’y a aucun doute sur la raison de sa présence ici, alors elle finit par commencer son récit : « Donc cette nuit, vers 4h du mat, j’faisais du stop sur la State Route 22. C’est une longue histoire mais ma bagnole en chie sur les trajets d’plus de 30 minutes, donc j’étais venu là avec un gars et bref, le con s’est barré sans moi. Bon voilà, j’faisais du stop quoi... » Elle marque une pause dans son récit, elle sait qu’on risque de lui demander ce qu’elle foutait sur cette route paumée au milieu de nul part. Aux policiers hier soir, elle a dit qu’elle était à une soirée sans donner plus de détail, mais bien sûr, ce n'était pas n'importe quelle soirée. Il s’agissait d’une teuf illégale planquée dans les bois avec du gros son et toutes sortes de drogues qui circulent. Elle continue : « Et là, putain d’coïncidence, une pote à moi débarque sur la route déserte avec son van jaune pisse ! Birdie, j’connais pas son nom mais vous avez sûr'ment ça dans vot’ dossier. S’une pote mais j’connais pas son pedigree, juste elle m’fait marrer quand on s'croise... » Leur rencontre a été plutôt musclée puisqu’Ana essayait d’entrer par effraction dans le fameux van pour y passer la nuit, Birdie n’avait pas trop apprécié et l'avait plaquée au sol. Allez savoir comment, ces deux ont fini par se lier d’une amitié étrange mais divertissante. Il faut dire qu’elles ont toutes deux un grain. Là, elle va à nouveau arriver en terrain glissant car elle doit mentionner le flic qui les a arrêtées sur le bas-côté. Comme il a clairement vu que Birdie conduisait bourrée, Ana les a fait passer pour des prostituées et lui a promis une séance gratuite s’il appelait le numéro de son « proxénète » aka Saül, son frère, qui pétera un câble s’il reçoit vraiment un appel lui commandant un moment privilégié avec sa petite-sœur. Ça l’avait fait beaucoup rire sur le moment, surtout que ça avait fonctionné, il les avait laissées partir. Mais maintenant, ça rendait tout ce récit incohérent et ça ne donnait probablement pas la meilleure image d’elle-même. Finalement, elles s’en seraient bien mieux sorties s’il les avait embarquées au poste pour conduite en état d’ivresse. Ana n’aurait tué personne, Birdie ne serait pas à l’hôpital. Elle finit par répéter ce qu’elle a dit la veille à l’hôpital aux officiers : « Bref, j’suis montée dans sa caisse et pas longtemps après on s’est fait arrêter par un d’vos collègues. Il a été un peu relou, mais il a fini par nous lâcher parc’que j’lui ai donné un faux numéro... » Ça laisse entendre qu’il a été lourd sur la drague et qu’elle s’est débarrassé de lui en lui filant un numéro random, c’est presque la vérité. Après tout, l’officier en question ne va probablement pas se vanter d’avoir laissé partir une nana bourrée au volant parce qu’il croyait avoir gagné gratuitement les faveurs d’une prostituée, il dira qu’elle n’avait pas l’air saoule, il niera peut-être la drague mais rien de louche là-dedans, il aura juste l'air d'un con qui n'assume pas. Ana sue un peu car elle se concentre pour ne pas dire de conneries, ne pas incriminer Birdie ou elle-même, lui revient cet espoir que les prises de sang soient non concluantes et qu’elles apparaissent sobres sur le bilan. L’italienne déglutit en fixant l’inspectrice du regard, est-ce qu’elle la croit ? Est-elle assez convaincante ?

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Message(#)just killed a man - Olivia EmptyVen 30 Oct 2020, 19:53


Olivia Marshall & @Anastasia Williams ✻✻✻ Les quatre murs du bureau semblaient tout à coup devenir étau pour la jeune femme et je notais les tics nerveux s’emparant d’elle, le bout de ses semelles venant gratter le sol sous le joug d’un automatisme sur lequel elle ne paraissait pas avoir le moindre contrôle. L’étroitesse de ces pièces réservées aux interrogatoires jouait certainement dans la sensation qui s’emparait d’elle, celle de se sentir piégée avant même d’être reconnue coupable. Sans doute pensaient-ils qu’elles étaient conçues pour cela, par ailleurs, lorsque je ne voyais en elles qu’un autre outil à notre disposition pour appréhender l’individu face à nous de la plus pertinente des manières, à défaut de la plus exhaustive. Je parcourais les dépositions écrites de la première à la dernière ligne, écoutais les enregistrements à ma disposition du premier grésillement au dernier, rouvrais une page vierge lorsqu’enfin, m’était donnée l’occasion de prendre place, ainsi, face à la personne derrière ces témoignages. Assises de la sorte, aussi proches l’une de l’autre s’il n’y avait pas eu la table comme délimitation de nos espaces personnels, je percevais la voix nue et le visage ouvert. Délivrés des messages parasites, des redondances d’élocutions, mon regard s’attardait sur les contradictions du visage et des gestes, sur les aveux de la voix également, celle disant l’inquiétude que l’on ne laissait pas s’exprimer, la fatigue, l’impatience, la fabulation ou la veulerie. « Vous appelez ça comme ça vous, noté. » L’impudence également et l’audace qui n’était jamais bien loin. Il n’apparut pas sur son visage mais sur le mien, ce sourire venant étirer lentement le coin de mes lèvres pour aller dans son sens. Je pouvais encore le faire, à ce stade-là de l’entrevue, et ne comptais pas m’en priver si cela participait à ce qu’elle se sente un peu moins en terrain ennemi, jamais tout à fait en celui acquis à sa cause néanmoins. Pas encore. « Oui, mais seulement parce qu’on est filmées. » ironisais-je à mon tour, mon regard ne s’égarant pas pour autant dans les angles de murs où siégeaient les deux caméras qui demeureraient invisibles à ses yeux si elle venait à les chercher. « Ok, mais s’pas un homicide ! J’me suis défendue moi s’tout ! » Cela ne me surprenait pas qu’elle s’invective, dès le début. Son dossier était fourni, pourtant, loin d’être celui d’une jeune première. Mais le mot l’inquiétait et la poussait dans des retranchements qu’elle n’aurait jamais pensé atteindre un jour, j’en étais consciente à l’étincelle au fond de son regard. « Et un homme est mort, c’est tout ce que ça veut dire en l’état actuel des choses. » Je reprenais avec sobriété, mon immobilité tranchant avec l’agitation qui était la sienne. « Pour ce qui est des circonstances, c’est pour ça que je vous ai demandé de revenir aujourd’hui mais j’entends ce que vous me dites. » Plus qu’elle ne le pensait et que je ne lui laisserais percevoir avant d’être certaine de le pouvoir.

« Si ça vous amuse… J’commence par le début j’suppose ? » Je haussais les épaules en me saisissant du stylo sur la table, le clic reconnaissable de la mine sortante lui signifiant que j’étais prête à l’écouter, son début, son milieu ou sa fin, dans l’ordre qu’elle le désirait. Je finirais vraisemblablement par jongler entre le premier et la dernière sans respecter une chronologie aucune puisque cela demeurait, envers et contre tout, l’une des plus efficientes des techniques pour obtenir la vérité. Nous l’interrompions déjà, à vrai dire, mon regard arrêtant l’officier venant de nous rejoindre pour attendre la réponse de la jeune femme. « Il est bon vot’ café ?... » J’arquai un sourcil, amusée qu’elle puisse l’espérer. « Horrible. » Il l’était, je lui disais la vérité. J’attendais d’elle qu’elle en fasse de même pour les minutes à venir. J’espérais sincèrement qu’elle me la livre sans fard ni accroche, qu’elle me confirme tout ce que je pensais déjà savoir et comprendre de cette affaire. Qu’elle ne sorte rien de sa besace susceptible de me faire requalifier l’affaire lorsqu’au fond de moi, je pensais déjà qu’elle n’avait eu que ce qu’elle méritait, la victime puisque c’était ainsi que j’étais supposée la définir alors qu’Anastasia l’ignorait encore mais que je le savais déjà, de mon côté, qu’il ne s’agissait que d’une ordure. Une de moins dans les rues, grâce à elle. Qu’elle n’en soit pas une elle aussi était tout ce que je souhaitais. « Bah j’men fous t’façons, j’ai pas vraiment dormi cette nuit, me faut d’la caféine. » « J’imagine après ce que vous venez de traverser. Vous étiez seule ? » Je m’emparais, reprenais, rebondissais sur le ton de la conversation, l’intérêt réel car il l’était après tout, sur tous les détails qu’elle voudrait bien me communiquer. Ses yeux, quant à eux, ricochaient aux quatre coins de la pièce, suivant le départ de l’agent et la porte se refermant, se demandant certainement si elle verrait la couleur du café qu’elle avait accepté, avant de les repositionner sur moi, ruminant dans sa tête toutes les paroles électriques qu’elle tentait de retenir pour ne pas aggraver son cas qu’elle imaginait déjà grave. « C’est quoi ? » Le deuxième dossier en question demeurerait clos pour l’instant et je l’éloignais de la paume de ma main sans le regarder. « C’est pour dans un instant. » Moins encore si elle parvenait à revenir sur les faits de manière cohérente et rapide et le silence que je laissais de nouveau s’instaurer lui signifiait que la parole était à elle, désormais, si elle désirait avoir la mienne à la suite.

« Donc cette nuit, vers 4h du mat, j’faisais du stop sur la State Route 22. C’est une longue histoire mais ma bagnole en chie sur les trajets d’plus de 30 minutes, donc j’étais venu là avec un gars et bref, le con s’est barré sans moi. Bon voilà, j’faisais du stop quoi... » Sa pause n’entama pas mon écoute que je lui dédiais toujours, l’enjoignant à poursuivre sans que mon regard ne cille une seule fois. « Et là, putain d’coïncidence, une pote à moi débarque sur la route déserte avec son van jaune pisse ! Birdie, j’connais pas son nom mais vous avez sûr'ment ça dans vot’ dossier. S’une pote mais j’connais pas son pedigree, juste elle m’fait marrer quand on s'croise... » Je décroisai les bras en m’avançant lentement du fond de mon siège, mes coudes retrouvant le support de la table. « Cadburry. Birdie Cadburry. » Et je connaissais la jeune femme pour son appétence aux excentricités, son goût des frasques mais je devais admettre ne pas réussir à croire qu’elle soit parvenue à se retrouver mêlée à ce genre d’affaires. « Bref, j’suis montée dans sa caisse et pas longtemps après on s’est fait arrêter par un d’vos collègues. Il a été un peu relou, mais il a fini par nous lâcher parc’que j’lui ai donné un faux numéro... » Là aussi, je m’empêchais de froncer les sourcils, de désavouer, d’exprimer le fond de ma pensée lorsqu’elle ne semblait effleurer que la surface de la sienne également. « Oui, j’ai son témoignage juste là. Sa version est la même, à peu de choses près. Mais on rembobine un moment, d’accord ? » Tout en parlant, je glissai une feuille du dehors de son dossier que je retournais sur sa face vierge, la pliant en sa moitié pour y apposer mon stylo. « Vous avez dit revenir d’une soirée. Sans plus de détails alors j’ai vu large. Les établissements, les bars, les lieux d’habitation les plus proches de l’endroit où vous avez croisé Birdie Cadburry se situent dans cette zone. » L’endroit se dessina sous la mine noircie, une sphère approximative bientôt accompagnées par deux autres que j’énonçais de la même manière, avec calme : « State Route 22 est là. Et l’endroit où mon collègue dit vous avoir contrôlé est ici. » Les trois points cités figuraient désormais sur la feuille, l’échelle inexistante mais la forme évidente du triangle se dessinant sous la pointe de mon stylo lorsque je les reliais entre eux. « Maintenant, la plus courte distance entre deux points s’effectue en ligne droite. Vous étiez à pieds, c’est sûrement ce que vous avez recherché. Cette ligne n’est pas droite, n’est-ce pas ? » Je relevais mon regard de la feuille pour trouver le sien, laissant passer une seconde avant de reposer le stylo, glissant la feuille dans sa direction et reprenant place au fond de mon siège. « Vous veniez d’où exactement avant de monter dans ce van ? Parce que ce n’était pas d’ici et je ne crois pas que la zone d’ombre que vous laissez planer à ce sujet vous aide nécessairement. Ce serait même l’inverse, pour être honnête. » Je l’étais, mon visage impassible n’en laissant transparaître aucun indice, la forçant à se fier à mes mots, consciemment. « Or, si ça n’a aucun rapport avec la victime, ce n’est pas mon affaire alors … » Je haussais les épaules, laissant ma phrase s’évanouir entre mes lèvres. Alors, ne lui restait plus qu’admettre ce qui paraissait déjà évident, au moins aurait-elle la transparence de son côté également.




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Message(#)just killed a man - Olivia EmptyMer 04 Nov 2020, 15:26




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L’inspectrice essaye d’installer une connivence entre elles, mais Ana se méfie bien entendu, il s’agit d’une représentante des forces de l’ordre, qu’elle soit sympa ou non, elle n’est pas du côté d’Ana. La police a toujours été un ennemi, au mieux un adversaire, pour l’italienne. Alors bien sûr, là, elle n’est pas vraiment d’humeur à se mesurer à l’inspectrice avec toute son insolence et sa provocation habituelle, elle a bien trop peur des conséquences de ses actes. Cependant, elle n’en devient pas pour autant une autre personne, l’impertinence pointe le bout de son nez doucement mais sûrement. La policière lui sourit : « Oui, mais seulement parce qu’on est filmées. » Ana ne peut s’empêcher de scruter les murs de la pièce à la recherche de caméras, mais rien, elle ne repère pas même une aspérité suspecte dans le mur. Elle n’aime pas qu’on la filme, encore moins en ne sachant pas de quel angle. Elle s’agite un peu plus sur sa chaise et bondit sur le mot homicide se sentant attaquée. « Et un homme est mort, c’est tout ce que ça veut dire en l’état actuel des choses. » Un homme est mort parce que tu l’as tué et ils vont te faire payer cher pour ça... Ana se crispe, elle aimerait faire confiance au système judiciaire mais elle n’y arrive pas. Elle sait bien qu’elle est loin d’être un ange et elle sent que tout cela va jouer en sa défaveur, que la police va en profiter pour empiler les charges sur son dossier. « Pour ce qui est des circonstances, c’est pour ça que je vous ai demandé de revenir aujourd’hui mais j’entends ce que vous me dites. » « Entendez-le, mais croyez-le aussi. Sinon, vous allez faire une putain d’erreur judiciaire ! » ne peut-elle s’empêcher d’ajouter, elle veut que ce soit très clair, les victimes dans cette histoire ce sont elle, Birdie et le gars dans le coffre.

Puis l’interview s’apprête à commencer, interrompue par celui qui vient délivrer un dossier de très mauvais augure selon l'interprétation d'Ana. L’italienne accepte le café qu’on lui offre, même s’il est horrible comme l’avoue l’inspectrice, il aura le mérite de la tenir éveillée. « J’imagine après ce que vous venez de traverser. Vous étiez seule ? » Ana se remémore son arrivée chez elle, le sang qu’elle avait mal nettoyé dans son cou, la nausée qui l’a poussée à courir à la salle de bain, renversant une chaise au passage, puis sa coloc qui se réveille. « J’étais avec ma coloc... », celle-ci était restée à ses côtés jusqu’à ce qu’Ana quitte l’appartement pour venir au commissariat. Louisa et Ana avaient pourtant une relation plus que chaotique mais la brune avait été un soutien important pour elle cette nuit. L’inspectrice esquive la question sur le nouveau dossier qui vient de faire son apparition dans la salle d’interrogation. Alors Ana se lance dans son récit, plus vite elle en aura fini, plus vite elle pourra rentrer chez elle. La policière lui apprend le nom de Birdie et elle acquiesce se souvenant soudain que le nom avait été prononcé par la police cette nuit pendant sa déposition, mais elle était sous le choc à ce moment-là, elle ne l’avait pas retenu. Le discours d’Ana semble passer, elle ne voit aucun rictus sur le visage de l’inspectrice quand elle évoque la rencontre avec le policier : « Oui, j’ai son témoignage juste là. Sa version est la même, à peu de choses près. Mais on rembobine un moment, d’accord ? » Ana se détend un peu intérieurement, la version du policier est sensiblement la même, voilà un problème évacué en espérant que la policière n’insiste pas. « Ouais, quoi ? » demande-t-elle tout de même sur la défensive, bien sûr qu’elle va vouloir revenir sur la fameuse soirée. Ana la regarde retourner une feuille du dossier et y apposer des cercles en les décrivant. « Maintenant, la plus courte distance entre deux points s’effectue en ligne droite. Vous étiez à pieds, c’est sûrement ce que vous avez recherché. Cette ligne n’est pas droite, n’est-ce pas ? » Bien sûr que ce n’est pas droit, sans même parler des distances, elle avait été prise en stop à plus de deux kilomètres de la moindre structure. Ana réfléchit un instant, elle aurait très bien pu marcher le long de la route pendant deux kilomètres sans croiser une seule voiture qui accepte de la prendre en stop mais ça lui aurait fait faire un détour étrange. « J’me suis paumée... » tente-t-elle d’une voix peu convaincante. La femme face à elle n’est pas dupe : « Vous veniez d’où exactement avant de monter dans ce van ? Parce que ce n’était pas d’ici et je ne crois pas que la zone d’ombre que vous laissez planer à ce sujet vous aide nécessairement. Ce serait même l’inverse, pour être honnête. » Ana croise les bras sur son torse et son regard navigue entre le faciès de l’interrogatrice et la feuille de papier. Elle n’a pas confiance, on essaye de la manipuler en lui faisant miroiter que la vérité l’aidera mieux qu’un mensonge mais c’est dans l’unique but de la faire parler, Ana n’est pas dupe non plus. Cependant, l’italienne sait aussi que les résultats des prises de sang parleront pour elle et qu’elle n’a rien fait de plus illégal à cette soirée que consommer des drogues. Ce n’est pas elle l’organisatrice et même si des personnes présentes à la teuf sont retrouvées et interrogées, elles n’auront rien de bien incriminant à dire sur elle. « Or, si ça n’a aucun rapport avec la victime, ce n’est pas mon affaire alors … » Ana pousse un soupir un peu agacé devant cette énième tentative de faire ami-ami, de la mettre en confiance pour la faire parler. « Oui c’est bon, j’ai compris. J’étais là. » Elle pose son doigt sur un espace blanc dans la marge, plus ou moins aligné avec les deux autres points. « Dans la forêt d’eucalyptus, par là, y avait une teuf… Ou une « rave » comme on disait de votre temps... » précise-t-elle comme si la policière était beaucoup plus vieille qu’elle. « C’est juste des caissons de basse, d’la musique électro à fond et des gens qui dansent... » ...et qui sont high as fuck. Ana se sent obligé de préciser pourquoi elle a caché cette information : « Mais bon, voilà c’est illégal à c’qu’il paraît d’écouter de la musique à donf dans la forêt sans prévenir le monde entier. On f'sait de mal à personne... » à part à nous-même. Et ok, parfois il y a des accidents, mais c’est la vie ça, les accidents... Ça arrive partout et tout le temps, non ?

Ana a lâché le premier morceau qui ne fera que renforcer l’image de personne irresponsable et junkie que la policière devait déjà s’être fait sur elle. Il ne fallait pas s’en étonner, Ana a été bien souvent ramassée par la police pour divers délits, son dossier doit être épais bien qu’elle n’ait jamais été condamnée à autre chose que des amendes pour l’instant, toujours payées par Saül. Elle enchaîne : « Mais bon, rien à voir avec le taré qui nous a pris en stop. C’est lui le malade, hein. Quand il a vu que j’avais entendu le bruit dans son coffre, il a sorti un flingue de je sais pas où pour nous braquer!... » Elle voulait recentrer le débat sur la vérité qui était importante ici, un gars les avait menacées et elles s’étaient défendues, point barre. En fait, Ana devrait même être considérée comme une héroïne, elle a sauvé le gars dans le coffre et Birdie (en la blessant, mais passons, même les héros font des erreurs). « D’ailleurs, à l’hosto ils ont rien voulu m’dire, il va bien le type du coffre ? Il est pas mort, hein ? » s’inquiète-t-elle, perdant un instant son air de défiance envers la policière. Elles espère sincèrement que le gars va s’en sortir, de un parce que s’il avait pas gémi assez fort pour qu’elle l’entende, qui sait ce qui serait advenu des deux amies ? Et puis aussi, car s’il survit, il pourra sûrement témoigner en sa faveur, expliquer ce qu’il foutait dans ce coffre, incriminer le taré qui ne pourrait jamais être condamné dans une autre forme de procès que la balle qu'il a reçue en pleine tête.

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Message(#)just killed a man - Olivia EmptyMer 11 Nov 2020, 19:04


Olivia Marshall & @Anastasia Williams ✻✻✻ Elle s’offusquait déjà, s’ébranlant face au terme homicides comme si l’utilisation de ce dernier concrétisait un peu plus l’objet de sa convocation. Sans doute avait-elle eu à y faire face des dizaines de fois dans la presse, quelques autres supplémentaires sur les écrans. Mais ce qui n’était qu’une histoire parmi les autres, une arrivant des milliers de fois dans une journée aux quatre coins du monde devenait soudainement la sienne et elle ne se résignerait pas au récit qu’elle nous imaginait sans doute vouloir lui mettre sur le dos. Ça n’était pas le cas et le souci de transparence et de lui accorder l’information qu’elle était en droit de connaître, et que nous avions le devoir de lui communiquer, avait été le seul facteur me motivant à lui rappeler le service auquel elle était désormais forcée de faire face. « Entendez-le, mais croyez-le aussi. Sinon, vous allez faire une putain d’erreur judiciaire ! » Ses pieds trépignants et sa chaise s’agitant comme si elle s’apprêtait à en bondir vinrent accompagner son exclamation à laquelle je décidais de ne pas réagir. Je lui offris un café pour la détourner d’une émulation prématurée, une qui ne lui permettrait pas de rassembler ses esprits et de réitérer le discours de ses mésaventures de la plus sobre et factuelle des manières. C’était tout ce qu’il lui fallait, à mon sens, un récit raisonné et des faits. Les faits. Ceux-ci suffiraient pour jouer en sa faveur, pour éclaircir les zones d’ombres résiduelles et l’extirper de ce qu’elle imaginait sans doute être le point culminant et définitif de son casier judiciaire déjà bien fourni. Il n’avait pas à l’être et ne le serait pas mais la jeune femme ne paraissait pas disposée à s’en rendre compte, victime de l’anxiété justifiée qui ne l’avait vraisemblablement pas quittée depuis la veille. Avait-elle eu l’occasion d’en parler, à une oreille n’étant pas celle d’un agent des forces de l’ordre ou du personnel médical ? Je l’espérais pour elle dans le fond, et cela sonnerait sans doute hypocrite de ma part tant exprimer ce qui pouvait me troubler n’était pas dans mes coutumes, mais parler soulageait dans ces circonstances. Rares étaient ceux capables d’ôter la vie d’un homme un soir, et rentrer chez eux par la suite, leur conscience comme seul interlocuteur, le silence ne faisant qu’accentuer l’impression de devoir s’y confronter, chaque seconde, chaque minute, chaque heure. Ceux qui y parvenaient, ceux qui n’en souffraient pas existaient et j’avais suffisamment eu l’occasion de leur faire face pour comprendre, dès à présent, qu’Anastasia Williams ne faisait pas partie de cette catégorie-là. « J’étais avec ma coloc... » Le nom de cette dernière me revint en tête alors qu’elle l’évoqua, le souvenir frais d’en avoir pris connaissance dans son dossier juste à côté de son adresse de résidence. « C’est une bonne chose. » Ça l’était, pour elle hier, pour elle aujourd’hui, pour sa faculté à se concentrer sur ce qui lui était demandé sur l’instant, point après point, même les plus insignifiants comme celui-ci, sans laisser l’émoi parasiter son histoire. Cela lui permit peut-être de débuter, la narration décousue mais consistante, en accord avec la déposition qu’il m’avait été donné de parcourir.

Son regard s’assombrit quelque peu néanmoins lorsque le schéma à main levée fait par mes soins vint noircir le feuillet que je glissais ensuite dans sa direction. Sa méfiance affleurant de nouveau quant à ce qu’elle semblait percevoir comme une nouvelle tentative de la piéger, de l’inquiéter. L’inverse était de mise, pourtant. Je ne connaissais que trop bien cette propension des interrogés à se perdre dans leurs propres déclarations, conscients des incohérences de leur discours mais incapables de s’en extirper par eux-mêmes lorsque, une fois la parole déclamée, ils s’imaginaient qu’il était désormais trop tard pour se rétracter ou nuancer, craignant sans doute que leur parole ne soit plus entièrement crue, plus totalement entendue. La schématisation d’un illogisme aussi simple à démontrer qu’un trajet mal calculé ou qu’une position inexacte suffisait généralement à leur faire prendre conscience qu’il n’y avait guère d’autres choix et je m’y employais ici, comme de nombreuses autres fois. « J’me suis paumée... » commença-t-elle prudemment avant de s’autoriser à soupirer sans chercher à dissimuler sa contrariété de ne pas pouvoir se tenir à cette version. « Oui c’est bon, j’ai compris. J’étais là. » « Entre Samford Road et Camp Mountain ? » Ce qui ressemblait à une interrogation n’en était pas réellement une, m’y obligeant tout de même pour que l’enregistrement de notre entretien prenne note de l’endroit que la jeune femme me désignait sur la feuille et que je comparais d’un coup d’œil avisé à la carte de l’endroit juxtaposée à côté à présent. « Dans la forêt d’eucalyptus, par là, y avait une teuf… Ou une « rave » comme on disait de votre temps... » Je me reculai de nouveau dans ma chaise, mon regard ne dérivant pas, sans sourciller malgré l’amusement contenu que sa remarque provoqua de nouveau. « C’est juste des caissons de basse, d’la musique électro à fond et des gens qui dansent... Mais bon, voilà c’est illégal à c’qu’il paraît d’écouter de la musique à donf dans la forêt sans prévenir le monde entier. On f'sait de mal à personne... » Cela n’avait jamais fait de mal à personne que de se perdre dans l’une de ces soirées dont on n’osait pas reconnaître l’existence au lendemain, c’était bien connu. Cela l’était un peu moins des forces de l’ordre lorsque nous était donnée l’occasion de prendre compte du nombre de plaintes pouvant découler de l’un de ces évènements mais là n’était pas le sujet. « À personne, non. » me contentais-je de confirmer d’une voix mesurée, plissant les yeux une seconde avant d’approfondir sur ce qu’elle n’avait pas eu l’occasion d’évoquer la veille, son omission à protéger. « Vous y étiez accompagnée ? Y-a-t-il des noms que vous puissiez nous communiquer ? De personnes prêtes à corroborer votre présence sur les lieux, votre départ seule et à pied. Tout ce qui pourrait étayer votre récit. » De nouveau, je fis glisser de la pulpe de mon index un stylo jusqu’à elle, le lâchant lorsque ce dernier vint se positionner parallèlement à la feuille qu’elle possédait déjà.

« Mais bon, rien à voir avec le taré qui nous a pris en stop. C’est lui le malade, hein. Quand il a vu que j’avais entendu le bruit dans son coffre, il a sorti un flingue de je sais pas où pour nous braquer!... » « C’est lui qui a sorti l’arme ? Tout en continuant de rouler ? » Cette zone-ci restait encore à éclaircir et je profitais de son évocation pour la clarifier. Les conclusions de la balistique manquaient encore à l’appel à l’heure actuelle, l’arme n’étant pas enregistrée et le propriétaire de cette dernière encore indéfinissable. Il n’y avait guère de doute, à mon sens, mais l’existence même infime d’un de ces derniers ne seraient pas recevables, pas plus que ma seule conviction. « D’ailleurs, à l’hosto ils ont rien voulu m’dire, il va bien le type du coffre ? Il est pas mort, hein ? » À la crispation et l’indignation s’ajoutait désormais l’expression de ce qui paraissait être une réelle inquiétude et je marquais une pause pour sonder dans son regard la sincérité de cette dernière, prégnante, indéniable. « Son état est stable, il s’en sortira. » répondis-je aussi calmement, les traits de mon visage empruntant à ma voix sa patience plus clémente, plus assumée. « Grâce à vous, en effet. » Quelques secondes passèrent de nouveau au terme desquelles je décidais de me mouvoir à nouveau, décroisant mes bras pour venir retrouver la table sous mes mains croisées, marquant ainsi ce qui ressemblait à une relâche nécessaire, un entracte n’ayant plus de raisons de tarder. « Vous avez sûrement sauvé la vie de cet homme, au même titre que la vôtre et celle de votre amie, Anastasia. » Birdie. Birdie Cadburry. Le nom ne cessait de me revenir en tête, piqûre de rappel qu’il ne s’agissait pas d’une inconnue, non. Tout comme la jeune femme devant moi ne l’était pas totalement non plus, bien qu’elle l’ignorât certainement. « Voilà ce que je crois actuellement, ce que je veux être certaine de pouvoir prouver à la fin de cet entretien pour que cette histoire à laquelle vous avez été mêlée puisse prendre fin. » Pour elle et d’un point de vue juridique, tout du moins, lorsque le reste plus intime persisterait à l’accompagner encore - combien de temps et de quelle façon, elle serait malheureusement la seule à devoir l’assimiler. « Comment en êtes-vous arrivée à tirer ? » repris-je finalement, sans quitter ma position, les inflexions de ma voix se chargeant seules de lui indiquer le glissement vers le cœur de l’affaire, de nouveau.




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Message(#)just killed a man - Olivia EmptyJeu 12 Nov 2020, 02:04




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Les préliminaires sont finis entre elles, les choses sérieuses ont commencées. Ana a débuté le récit de sa version quelque peu arrangée des faits et l’inspectrice, quant à elle, a rapidement posé ses ovaires sur la table en pointant une première incohérence : son itinéraire. L’italienne ne maintient pas sa version bien longtemps devant les arguments de la policière, elle voit bien que ça ne vaut pas le coup. Alors, elle pointe l’emplacement approximatif de la teuf sur le papier. « Entre Samford Road et Camp Mountain ? » « Ouais. » confirme-t-elle simplement en se raclant la gorge. Puis elle explicite un peu plus, parle de la teuf dans la forêt, de ce qu’il s’y passe, omettant toujours la consommation de drogues comme si ses résultats d’analyse et son dossier n’étaient pas déjà assez parlants. Comme si les forces de l’ordre ne connaissaient pas déjà ce genre de soirée. « Vous y étiez accompagnée ? Y-a-t-il des noms que vous puissiez nous communiquer ? De personnes prêtes à corroborer votre présence sur les lieux, votre départ seule et à pied. Tout ce qui pourrait étayer votre récit. » Ah, le voilà le piège, on va lui demander de balancer les noms de tout le monde. Ses potes de teuf ne sont pas des enfants de chœur, ils ne sont pas vraiment ses amis non plus, juste d’autres âmes corrompues croisées au fil de nuits de débauche. Ils échangent des moments intenses qu’ils oublient parfois dès le lendemain et surtout, ils se connaissent surtout via des surnoms. Elle a bien le numéro de téléphone de certains mais elle serait bien incapable de fournir leurs noms de famille ou leur adresse. « J’y suis allée avec Dog, mais il a pécho une cassos et il s’est barré sans moi l’connard. J’crois que son prénom c’est Douglas, même pas sûre. J’les connais pas vraiment les autres teufeurs, j’vous écris quoi ? Les surnoms ? » Elle prend le stylo et commence à y apposer les sobriquets tous plus étranges les uns que les autres, Ana n’hésite pas à balancer qui que ce soit, c’est elle qui risque de faire de la taule dans cette histoire et elle ne va pas protéger une bande de décérébrés avec qui elle ne fait que se défoncer. D’autant que les infos qu’elle fournit sont bien maigres, alors elle ne culpabilise pas une seconde. Elle trace les lettres irrégulières sur le papier : Barbie, Baldy, Crazy Eyes, Fat Fred, Ultra… Parfois, elle met un prénom en face avec un point d’interrogation car elle n’est jamais sûre. « La plupart me connaissent sous le pseudo Skelt... » Pour skeleton c’est à dire squelette, car elle est maigrichonne et qu’elle a sur le ventre un tatouage d’une main squelettique présentant un magnifique doigt d’honneur. Personne n'a dit que les surnoms étaient très recherchés.

Sauf que tout ce blabla sur la teuf, l’itinéraire, qui l’a vue ou pas, ça n’est qu’une distraction du sujet principal. Un sujet sur lequel Ana veut recentrer le débat et pourtant également le moment de l’histoire qu’elle n’a pas envie de raconter. La vraie raison pour laquelle elle est là et pour laquelle elle n’a pas dormi ni descendu en pression depuis de nombreuses heures. Le meurtre, le sang, les images qui la hantent. Elle ne sait pas si elle est prête à raconter toute cette partie sans craquer, mais elle s’empresse tout de même de rappeler que le conducteur qui les a prises en stop les a menacées d’une arme à feu. « C’est lui qui a sorti l’arme ? Tout en continuant de rouler ? » Ana s’indigne : « Mais oui, putain ! C’est c'que j'vous dis ! S'pas moi qui l’ait sortie, hein ! J’touche pas à ces trucs normalement ! » Normalement, oui. Parce que là pour le coup, elle l’a bien touchée l’arme et a pressé par deux fois la détente, ses empreintes doivent être partout sur le pistolet et à tous les coups, elle a effacé celles du conducteur avec ses doigts moites de stress. « J’ai pas vu d’où il l’a sortie, j’regardais derrière parce qu’y a eu un gémissement dans l’coffre et des coups… Mais ouais, il a gardé une main sur l’volant... » Le moment fatidique approche, le moment de raconter l’instant où elle s’est transformée en tueuse et Ana n’a pas hâte. Alors elle s’accroche à cette information : un homme blessé se trouvait dans le coffre. Elle lâche son récit pour demander de ses nouvelles, espérant sincèrement qu’il va s’en sortir parce que peut-être qu’il pourra éclaircir la situation, lui, et qu’il donnera l’identité du cadavre. « Son état est stable, il s’en sortira. » Ana lâche un soupir de soulagement, elle ne veut pas non plus la responsabilité d’un autre cadavre sur sa conscience, il avait l’air si mal en point quand ils l’ont transporté dans le coffre du gars qui les a menés à l’hôpital. « Grâce à vous, en effet. » Ana relève les yeux vers la policière, elle est en train de faire tourner nerveusement le stylo entre ses doigts sans même y prêter attention, elle jongle habituellement avec ses baguettes de batterie alors là c’est un jeu d’enfant. Cette phrase de la policière signifie quelque chose pour Ana mais elle tente de sonder son âme en plongeant dans son regard, est-ce une nouvelle manipulation pour lui faire baisser sa garde ? « Vous avez sûrement sauvé la vie de cet homme, au même titre que la vôtre et celle de votre amie, Anastasia. » Elle déglutit, se détendant un tout petit peu, de manière quasi imperceptible. La policière la croit alors ? Vraiment ? Elle ne trouve rien à dire alors elle se tait, elle ne pense même pas à reprendre la flic qui l’a appelée Anastasia, elle sent juste un poids quitter sa cage thoracique, doucement, elle respire légèrement mieux. « Voilà ce que je crois actuellement, ce que je veux être certaine de pouvoir prouver à la fin de cet entretien pour que cette histoire à laquelle vous avez été mêlée puisse prendre fin. » « Vous me croyez alors ? Que c'était lui qui était armé, sa voiture avec un blessé derrière, qu'on n’a fait que faire du stop, nous ? » Ana n’a aucune idée de qui était ce type mais il était dangereux et peut-être que la policière en sait plus que ce qu’elle ne le laisse entendre sur son identité. L’italienne s’apprête d'ailleurs à lui poser la question, la question qui la hante depuis qu’elle lui a ôté la vie. Qui était-il ? A-t-elle mal compris la situation ? Y a-t-il une explication à tout ceci qui serait en sa faveur à lui et donc en sa défaveur à elle ? Était-il un papa aimant ou une pourriture de psychopathe qui égorge des chatons dans sa baignoire ? Mais elle n’a pas l’occasion de poser sa question, car elle est replongée brusquement dans le récit qu’elle n’a pas envie de terminer. « Comment en êtes-vous arrivée à tirer ? »

Ana devient blême, c’est le moment, il est arrivé. Elle serre si fort le stylo dans sa main qu’elle se fait mal mais elle est incapable de relâcher la tension. Garde le contrôle. Concentre-toi. Juste les faits. Elle prend une profonde inspiration en fermant les yeux et se lance : « Birdie pionçait déjà sur la banquette arrière, j’sais pas ce qui l’a réveillée, peut-être le bruit dans le coffre ou moi qui essayait de calmer l’conducteur, j’sais pas. Mais elle a paniqué, le conducteur l’a braquée aussi. Il conduisait toujours mais il avait fait demi-tour, on n’allait plus du tout vers Brisbane... » Elle déglutit difficilement, la gorge sèche et serrée et maudit le policier qui lui a promis un café dégueulasse et n’est jamais venu lui rapporter. Elle aurait bien besoin de boire quelque chose. Alors, elle attrape la bouteille d’eau restée intacte jusqu’à présent sur la table. Elle l’ouvre et boit une gorgée pour se donner du courage, elle aurait préféré de l’alcool fort, mais on fait avec ce qu’on a. Elle a lâché le stylo dont les reliefs sont restés gravés dans sa paume et regarde les marques dans sa chair comme pour se raccrocher à un détail du présent. Puis, elle reprend : « Il a tiré un coup en l’air, par la fenêtre. Pour qu’on sache que c’était une vraie, j'suppose, pour pas qu’on bouge... » Ses mains tremblent, comme ses mains avaient tremblé dans la voiture quand elle avait vu le canon fumant de l’arme se pointer à nouveau sur elle. Elle s’était vue mourir. Elle reprend une gorgée d’eau  et l’avale, mâchoires serrées. « Birdie a détourné son attention vers la route et elle l’a immobilisé par derrière, avec ses bras, comme ça... » Les bras d’Ana forment un ovale devant elle, essayant de mimer l’action de son amie. « Elle m’a hurlé de prendre le flingue. Je l’ai pris... » Après, les détails deviennent un peu flous dans l’esprit d’Ana mais les sensations sont toujours bien présentes. Alors qu’elle est face à la policière au présent, en pensée, elle est encore prisonnière de la voiture de leur auto-stoppeur, elle sent l’odeur de tabac froid et le cuir du fauteuil contre sa peau, le métal froid du pistolet dans ses mains, sa tête qui se cogne au montant de la voiture alors que le véhicule quitte la route et tressaute sur le bas côté maintenant que plus aucune main ne tient le volant. Puis, la détonation assourdissante et le hurlement de douleur de Birdie saturent dans son esprit. Ana ferme les yeux comme si cela pouvait faire fuir ces images et sensations de son esprit, sa voix sort tremblante, presque croassante : « J’ai tiré… Je vou… j’voulais p...pas, la v… la voiture partait en cou… couilles… Ça a touché Birdie... » Les cris de Birdie résonnent dans son esprit comme un cauchemar persistant et son sang gicle de manière impressionnante devant ses yeux. Puis le corps du conducteur, libéré, qui fond sur elle. Ana enfouit son visage dans ses mains, elle essaye de retrouver ses moyens mais son corps entier tremble et les larmes qu’elle voulait éviter à tout prix se mettent à couler abondamment de ses yeux sans qu’elle ne puisse les retenir. Il faut qu’elle en finisse qu’elle dise tout et après, elle pourra tenter de reprendre le contrôle. Sa voix est étranglée, méconnaissable : « Elle l’a lâché et… et il s’est je… jeté sur m...moi… sur le pistolet… Je l’ai serré fort pour pas que… qu’il… j’ai cru crever putain... » Le reste n’est pas sorcier à deviner, elle s’est crispée sur l’arme, un autre coup est parti, il s’est logé directement dans la tête de l'homme sans même qu’elle ait visé ni anticipé le tir. Puis le sang, des flots de sang sur son visage, ses cheveux, dans ses yeux et sa bouche, le cadavre s’effondrant sur elle, inerte. Instinctivement, Ana se met à se frotter le visage, se frictionner les bras comme pour retirer le sang poisseux qu’elle ressent encore sur sa peau alors qu’il a disparu dans le drain de douche depuis de nombreuses heures. Elle se sent mal, elle a la nausée et le souffle court, mais elle se permet enfin de se tourner vers le regard de la policière, de ses yeux rougis et emplis de larmes, elle la supplie. « J’ai pas eu le choix. J’veux juste oublier... » Comment on fait pour oublier ? Comment on efface ces horreurs de sa mémoire ? Comment on empêche les images de s’imprimer dans notre esprit, les sons, les odeurs, les sensations, la peur… ? Est-ce qu’on peut jamais s’en débarrasser ?

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Message(#)just killed a man - Olivia EmptyVen 20 Nov 2020, 20:26


Olivia Marshall & @Anastasia Williams ✻✻✻ Les omissions discréditaient autant que les mensonges et tous se devaient d’être éclaircis afin que l’histoire prenne sens, que la sienne soit crue. Les détails sur lesquels nous nous attardions à présent lui paraissaient sans doute inconsistants, bien négligeables dans la balance des évènements qui leur avaient succédé mais demeuraient essentiels, quoiqu’elle en pense. Il n’y avait qu’en les recensant, tous, que son récit prendrait forme, étayé et crédible. Qu’ainsi que nous pourrions poursuivre le cours de nos journées, les miennes parsemées d’autres histoires de ce genre, les siennes bouleversées à jamais par ce qui lui était arrivé sans qu’elle n’en évalue encore toutes les retombées - ils ne le faisaient jamais. « J’y suis allée avec Dog, mais il a pécho une cassos et il s’est barré sans moi l’connard. J’crois que son prénom c’est Douglas, même pas sûre. J’les connais pas vraiment les autres teufeurs, j’vous écris quoi ? Les surnoms ? » Je l’observais exposer les informations qu’elle possédait. Ses regards se dispersaient toujours, ses mains demeuraient fébriles, mais elle, pour la première fois depuis le début de l’entretien, possédait enfin un ancrage, quelque chose sur lequel se concentrer, déterminée. « Et les numéros qui vont avec, pour ceux que vous possédez. » Elle pouvait donner les noms, s’entourer de témoins qui n’avaient pas demandé à l’être mais qui, listés ainsi, paraissaient former un entourage sur lequel s’appuyer dans ce qui devait certainement lui paraître comme la plus imposante des solitudes jamais ressenties. « La plupart me connaissent sous le pseudo Skelt... » Je hochai la tête lentement, les bras toujours croisés au fond de ma chaise et prenant note silencieusement, davantage concentrée sur ses lèvres légèrement retroussées alors que son stylo continuait de s’agiter sur la feuille qu’elle noircissait de pseudonymes dont la moitié demeurerait inconnue à notre base de données, l’autre quart incapable de se souvenir de la présence d’une dénommée Skelt à cette fameuse soirée, l’espoir résidant dans les quelques rares qui oseraient se compromettre en admettant leur présence sur les lieux ; cela suffirait.

Cela suffisait déjà, à vrai dire, pour remettre en confiance la jeune femme, lui fournir l’élan dont elle avait besoin pour retourner sur ses pas et revivre cette soirée qu’elle était en charge désormais de m’exposer. Le récit était décousu sans que cela ne m’étonne et je l’interrompais, insistant sur ce qu’elle devait davantage mettre en lumière, mettre en mots afin qu’aucun autre ne puisse lui être soupçonnés, voire attribués. « Mais oui, putain ! C’est c'que j'vous dis ! S'pas moi qui l’ait sortie, hein ! J’touche pas à ces trucs normalement ! » Voilà ce qu’elle se devait de réaffirmer, sans l’ombre d’un tremblement dans sa voix. Je hochai la tête peut-être imperceptiblement alors qu’elle s’y employa avec une véhémence ne pouvant être feinte. « L’arme n’est pas enregistrée. Les équipes essaient encore de remonter sa trace à l’heure actuelle, d’identifier son propriétaire. » Je me contentais de ces quelques mots pour lui faire comprendre que cette précision lui était nécessaire lorsque ses empreintes avaient été les seules relevées, pour l’instant, sur l’arme en question. « J’ai pas vu d’où il l’a sortie, j’regardais derrière parce qu’y a eu un gémissement dans l’coffre et des coups… Mais ouais, il a gardé une main sur l’volant… » « Très bien. » Cela ne l’était pas pour elle, de toute évidence, mais elle se débrouillait bien, parvenait à se faire comprendre, à faire sens dans la chronologie des évènements. Ne méritait-elle pas une respiration lorsque la sienne se faisait de plus en plus irrégulière malgré tout ? Les minutes s’écoulaient et les raisons m’enjoignant à la précaution se dissipaient également alors que je me permettais de me pencher finalement, m’appuyant sur la table pour ouvrir l’espace dans lequel tout lui paraissait encore flou et obscur. « Vous me croyez alors ? Que c'était lui qui était armé, sa voiture avec un blessé derrière, qu'on n’a fait que faire du stop, nous ? » Elle n’était pas la première à avoir vécu ce qu’elle décrivait mais elle l’ignorait ; la première à pouvoir en témoigner néanmoins et cela non plus, je ne me laisserais pas aller à lui révéler dès à présent lorsque nous n’avions pas encore évoqué le cœur de l’affaire, le dénouement l’ayant amenée jusqu’à cette salle d’interrogatoire. C’était vers celui-ci que je la dirigeais de nouveau, l’enjoignant à répondre à mes interrogations avant que les siennes ne trouvent enfin leurs réponses.

« Birdie pionçait déjà sur la banquette arrière, j’sais pas ce qui l’a réveillée, peut-être le bruit dans le coffre ou moi qui essayait de calmer l’conducteur, j’sais pas. Mais elle a paniqué, le conducteur l’a braquée aussi. Il conduisait toujours mais il avait fait demi-tour, on n’allait plus du tout vers Brisbane... » Elle l’ignora certainement, absorbée à son récit et incapable de toute manière de faire attention à ces détails-ci, mais je les entendis, moi, les frottements à peine perceptibles du plancher derrière la porte. Je les accueillis d’un cillement de ma part ne durant pas plus qu’une fraction de seconde en direction de la caméra ; le café devrait attendre, l’interruption inenvisageable sur l’instant. « Birdie a détourné son attention vers la route et elle l’a immobilisé par derrière, avec ses bras, comme ça... Elle m’a hurlé de prendre le flingue. Je l’ai pris... » Elle se penchait désormais, semblant prise au centre d’un remous inquiétant qu’elle peinait à revivre, encore plus à décrire. Je restais en arrière, quant à moi, mon regard fixe et sourcillant à peine, ne la rejoignant pas dans l’émotion qui l’assaillait désormais, concentrée à discerner le réel de la phobie, à ne pas m’immerger dans les souvenirs la faisant chanceler en avant, puis en arrière au-dessus du vide. Elle ne s’interrompait pas néanmoins et j’y prêtais attention, à son courage comme à la partition qu’elle déployait enfin à mes oreilles, la scène cohérente et compréhensible. « J’ai tiré… Je vou… j’voulais p...pas, la v… la voiture partait en cou… couilles… Ça a touché Birdie... Elle l’a lâché et… et il s’est je… jeté sur m...moi… sur le pistolet… Je l’ai serré fort pour pas que… qu’il… j’ai cru crever putain... » « Je vous crois. » Ma voix, stable, vint couvrir les soubresauts de la sienne, son regard échappant au mien alors qu’elle dissimulait son visage dans le désordre de ses doigts comme si elle espérait ainsi effacer ce qu’ils conserveraient pourtant longtemps encore, dans leur profondeur, le pâle reflet de l’effroi ressenti et l’abomination qui en avait découlé.

« J’ai pas eu le choix. J’veux juste oublier... » Elle me les accorda finalement, remplis de larmes, et je les soutins, un instant noyés avant que les larmes n’en débordent sans qu’elle ne cherche à les retenir plus longtemps. « Je vous crois. Vous avez fait ce qu’il fallait. » Souviens-toi de l’instant où tu n’étais qu’un animal. La raison humaine est éphémère et bientôt, l’instinct premier s’emparera de toi de nouveau. La citation allait et venait dans mon esprit depuis des années déjà, se déployant sous toutes ses formes et couleurs au gré des affaires récoltées, des cas élucidés, trouvant encore sa résonnance, ici. « Vous pouvez oublier. Ou vous pouvez l’entendre, l’accepter et respirer : vous avez fait ce qu’il fallait. » répétai-je d’une voix oscillant entre la fermeté et le calme, ne désirant pas trancher puisque les deux étaient nécessaires. Oublier, cela ne marchait jamais. « La culpabilité que vous ressentez est normale, c’est la différence entre vous … » Je dénouai mes mains jointes jusqu’à présent sur la table nous séparant, apposant l’une d’elle sur le dossier ayant retenu son attention lorsqu’il m’avait été apporté. Plus tard, avais-je dit. « Et Samuel Necker, recherché dans deux États. » précisais-je finalement en l’ouvrant pour en extirper la première feuille, le visage de l’homme parfaitement discernable sur la photographie d’identité judiciaire que je fis glisser jusqu’à elle. « Lui n’en a ressenti aucune, ni pour la femme de l’homme qui se trouvait dans le coffre, ni pour les autres victimes à son actif, toutes abordées de la même façon que vous et votre amie ce soir-là. » Les auto-stoppeuses n’ayant pas réchappé à son amabilité feinte se comptaient au pluriel, un nombre que je lui épargnais car les faits n’étaient pas avérés, que je ne lui aurais de toute façon pas communiqué non plus le cas échéant, pour ne pas rajouter à son traumatisme. « Ce ne sont pas des détails auxquels vous devriez faire face mais ils sont essentiels et si vous, vous désirez oublier … Moi, je préfère saluer l’issue que vous êtes parvenue à vous offrir à celle qu’il avait en tête. » Cela, elle devait l’entendre néanmoins, malgré la dureté de ce que cela signifiait. Malgré mon opinion s’entendant peut-être trop aux oreilles de certains collègues conventionnels n’ayant pas leur place face à la jeune femme qu’elle était aujourd’hui, celle ayant eu l’audace de retourner contre l’autre le canon rouillé qui lui était destiné. Je ne me défis pas de son regard en prononçant ces mots, pas plus que lorsque le cliquetis de la porte se fit entendre et que l’agent ne s’éclipse à nouveau, non sans avoir embaumé la pièce d’effluves de café douteuses au préalable. « J’ai dit horrible, pas imbuvable. » laissai-je finalement échapper en désignant le gobelet fumant, trêve opportune.




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Message(#)just killed a man - Olivia EmptyMer 25 Nov 2020, 19:47




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Ana n’a pas de remord, elle pose les infos dont elle dispose sur le papier, surnoms, prénoms, numéros de téléphone qu’elle va récupérer sur son smartphone. Elle espère qu’ils seront en capacité de témoigner, elle ne sait ce qu’ils ont pris eux, ce soir-là. Mais sur le lot, il y en a bien quelques uns qui se rappelleront d’elle, ne serait-ce que ce gros con de Dog qui l’a laissée en plan. Il lui doit bien ça, c’est de sa faute, après tout, si elle a du faire du stop. Après avoir fait glisser le papier sur la table vers la policière, Ana retourne dans son récit. Dans le cœur du récit, la partie intense et traumatisante, l’instant où c’est son instinct de survie qui a pris le dessus et qui s’est soldé par la mort du conducteur et la blessure de Birdie. L’inspectrice insiste sur le sujet de l’arme et d’où elle venait, Ana se défend avec véhémence, cette arme n’était pas la sienne. « L’arme n’est pas enregistrée. Les équipes essaient encore de remonter sa trace à l’heure actuelle, d’identifier son propriétaire. » L’italienne déglutit difficilement, s’imaginant que ce détail pouvait se retourner contre elle si les policiers avaient dans l’idée de l’impliquer davantage dans cette affaire. Il est certain que si l’arme avait été à elle, cela aurait changé tout le narratif de l’histoire et Ana ne peut s’empêcher de s’inquiéter du fait qu’on veuille lui faire porter le chapeau. « Qu’ils remontent vite alors… » Y a qu’un criminel pour se trimballer comme ça avec une arme non enregistrée, ça doit être un membre de gang et il réglait son compte à un membre du camps adverse… Ça paraît logique, non ? Mais dans ce cas-là, pourquoi s’arrêter pour les prendre en stop ? Qu’est-ce qu’il comptait faire d’elles alors qu’il avait un gars à moitié mort dans le coffre ?

Ana laisse ces considérations de côté pour se replonger difficilement dans le récit de ce qu’il s’est passé la veille. Les souvenirs sont frais et paraissent pourtant si lointains, comme s’il s’agissait d’un cauchemar, les détails sont flous mais la terreur persiste. Peut-être que le manque de sommeil n’aide pas, cela rend le tout totalement irréel. Submergée par les souvenirs traumatisants, Ana continue son récit difficilement, le regard fuyant, le corps et la voix tremblants, les larmes qui coulent finalement.  Elle revit ces instants, la peur de mourir, le sang, la mort, la panique mais aussi la nécessité de continuer de fonctionner, d’éviter le court-circuit, pour sauver les deux blessés dont elle se retrouve responsable. « Je vous crois. » La voix est calme, posée, apaisante et sincère. Le visage d’Ana enfouit dans ses mains refait surface et elle la supplie du regard, elle la supplie silencieusement de ne pas douter d’elle. « Je vous crois. Vous avez fait ce qu’il fallait. » Ana est à bout de souffle, comme si elle venait de courir un marathon, elle essuie ses larmes avec empressement, réflexe pour sauver les apparences bien que dans cet instant, elle se foute totalement de cacher ses prétendues faiblesses. Elle essaye simplement de se tranquilliser et s’entendre dire qu’elle a bien agi est une première étape dans le processus, en plus d’être un fait rare, Ana fait tout le contraire de ce qu’il faut en règle général. L’inspectrice de police est d’un douceur extrême alors qu’elle se répète pour insister et calmer l’italienne traumatisée face à elle. « Vous pouvez oublier. Ou vous pouvez l’entendre, l’accepter et respirer : vous avez fait ce qu’il fallait. » Ana respire profondément, essuyant les nouvelles larmes qui ne cessent de couler depuis qu’elle les a laissées se frayer un chemin sur ses joues. Son cœur bat la chamade, elle se sent pourtant groggy comme au sortir d’un cauchemar particulièrement intense. Elle finit par reprendre la parole d’une voix éraillée et repète les mots de la policière, essayant de comprendre ce que cela implique : « J’ai fait ce qu’il fallait ? » Est-ce que ça veut dire qu’elle est libre et disculpée ? Ça lui paraît trop facile, l’enquête ne fait que débuter, elle n’a pas fini d’en entendre parler de cette nuit infernale alors c’est une mince consolation de savoir qu’elle a fait ce qu’il fallait.

Puis Ana sent la posture de la policière changer. « La culpabilité que vous ressentez est normale, c’est la différence entre vous … » Elle voit sa main se poser sur le dossier ramené par un de ses collègues au début de l’entretien. Elle ne comprend pas le rapport, elle est tellement sûre qu’il s’agit de ses résultats toxicologiques, qu’elle jette un regard d’incompréhension à la policière. La différence entre elle et quoi ? « Et Samuel Necker, recherché dans deux États. » Le dossier s’ouvre, une photo glisse jusqu’à elle. C’est lui. Son visage sans sourire sur la photographie. Le conducteur, le taré qui les a pris en stop, le gars au flingue et avec un mourant dans son coffre. Elle détourne le regard assez rapidement, dès qu’elle le reconnaît, elle n’a pas envie de le voir alors que chacun de ses traits est déjà beaucoup trop présent dans son esprit. A l’exception que son cerveau s’est contenté de figer son visage cadavérique, avec un trou dans le front, le sang partout… Elle se contente de demander : « Il fait partie d’un gang ? ». C’est sa seule hypothèse pour l’heure. Mais l’inspectrice ne laisse pas durer le suspense plus longtemps et fourni le palmarès du mort. Ana reste bouche bée, se répétant les mots intérieurement pour être sûre de les avoir compris. « Lui n’en a ressenti aucune, ni pour la femme de l’homme qui se trouvait dans le coffre, ni pour les autres victimes à son actif, toutes abordées de la même façon que vous et votre amie ce soir-là. » La femme de l’homme du coffre. Les autres victimes. Abordées de la même façon que vous et votre amie. Attends… Quoi ? « Qu’est-ce que vous dîtes là ? » Elle a du mal à interpréter tout ça, ou plutôt elle ne veut pas croire ce qu’elle est en train de comprendre. Elle plante son regard dans celui de son interlocutrice, espérant y lire un indice, y trouver la résolution de son doute, mais ce sont ses mots qui enfoncent le clou. « Ce ne sont pas des détails auxquels vous devriez faire face mais ils sont essentiels et si vous, vous désirez oublier … Moi, je préfère saluer l’issue que vous êtes parvenue à vous offrir à celle qu’il avait en tête. » L’issue qu’il avait en tête. Faire d’elle et Birdie ses nouvelles victimes. Tout se déroule à nouveau dans sa tête, lorsqu’il arrête sa voiture, les allusions qu’il a faites, le regard étrange qu’il avait et ses tentatives de négociations à elle, lui proposant des faveurs sexuelles pour qu’il se calme. Ce gars était… « … Un tueur ? » Elle se masse les tempes, yeux fermés, comme si ça pouvait l’aider à mieux assimiler la nouvelle et reprend aussitôt. « Ce Necker que j’ai tué, c’est un putain tueur de femmes… Mais genre un putain de tueur en série ? » Elle a beau avoir eu peur sur le coup car il était armé, elle a beau avoir craint pour sa vie quand il s’était jeté sur elle, cette information vient noircir un peu plus encore le tableau de cette nuit cauchemardesque. Le fait de savoir que cet homme dont elles ont été à la merci était recherché pour le meurtre de plusieurs auto-stoppeuses lui faisait froid dans le dos.

Finalement, le café arrive et Ana remarque à peine l’entrée ou la sortie du policier qui est venu le déposer. Elle est sous le choc de la nouvelle qu’elle vient d’apprendre. « J’ai dit horrible, pas imbuvable. » Son fil de pensées bordélique s’interrompt et elle revient dans l’instant présent, son regard dans le vague se reconnectant à celui de l’inspectrice. Elle sent l’odeur de café et baisse les yeux sur le gobelet qu’elle ne se fait pas prier de saisir. La chaleur est agréable entre ses doigts qu’elle se rend compte soudain qu’elle a gelés. La fatigue, et le traumatisme probablement aussi, l’ont transie de froid. Elle avale tout de suite une gorgée qui lui fait du bien, le goût est en effet infect si elle le compare au café dont elle se gavait chez Saül ou dans la maison familiale dans le Sud de l’Italie, mais elle a aussi bu pire. Le café la réchauffe un peu, la tranquillise également, et elle commence à essayer de réfléchir plus calmement à la situation. Elle finit par dire à la policière : « Donc, en fait c’était un fils de pute, ce gars… J’ai fait c’qu’il fallait... j’vais pas aller en taule… ? » Elle a tué quelqu’un et on va peut-être bientôt lui décerner une médaille pour ça. Pas qu’Ana en ait envie ou soit fière, elle est bien trop sous le choc encore pour en arriver là, mais elle commence à comprendre qu’elle va peut-être se sortir de ce guêpier sans une égratignure. Mais, il y a bien une chose qui n’a été pas une seule fois évoquée pendant cet entretien : la drogue. La policière n’a pas parlé de ses résultats toxicologiques et Ana a bien évité le sujet également. Cependant, maintenant qu’elle sait qu’elle a tué une pourriture et qu’elle ne risque pas grand-chose de ce côté-là, elle veut savoir ce que sa consommation de drogues peut lui apporter comme emmerdes. « Vos collègues ont fait des prises de sang hier… Vous avez les résultats ? » Il n’est plus question d’éviter le sujet, elle veut savoir ce qui va lui arriver, elle doute que ce soit de la prison pour simple consommation mais on ne va probablement pas se contenter d’une tape sur les doigts. S’ils savaient, les policiers, qu’il suffirait de prévenir Auden pour que la répression vienne directement du cadre familial, probablement bien plus dissuasive que ce qu’un juge décidera. N’oubliant pas qu’elle est filmée et se rappelant grâce aux séries policières qu’il ne faut jamais s’incriminer, elle demande : « Il va m’arriver quoi à ce niveau-là ? » Elle commence à retrouver une contenance, Ana. Elle est loin d’être au maximum de son potentiel bien sûr, elle est crevée, a les yeux rouges même si les larmes ont enfin fini de couler et elle est encore choquée par toute l’affaire, mais elle est assez lucide pour poser les questions qui concernent son avenir proche ou moins proche.

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Message(#)just killed a man - Olivia EmptyJeu 03 Déc 2020, 23:04


Olivia Marshall & @Anastasia Williams ✻✻✻ « J’ai fait ce qu’il fallait ? » Et plutôt deux fois qu’une, si elle désirait vraiment mon avis. Mais elle avait visé juste, en pleine tête, et une fois avait suffi. Les mots ne sortaient pas ainsi d’entre mes lèvres, l’opinion aussi franche et dénuée de filtres impossible à partager dans ces conditions sans que cela ne m’empêche néanmoins de confirmer à nouveau d’un regard ce qu’elle avait du mal à assimiler, ce qui ne soulagera peut-être pas totalement sa conscience, ce qui n’atténuera pas la virulence de certains de ses cauchemars non plus. Il s’agissait d’un début, simplement, et je le lui assurais sans ciller, n’attendant pas la fin de notre entrevue pour rendre celle-ci plus symétrique, plus équilibrée. À ses informations se succédaient désormais les miennes, les photographies venant agrémenter mes propos. « Il fait partie d’un gang ? » Ses interrogations tout aussi légitimes que le froncement de ses sourcils devant l’affaire se complexifiant davantage me parurent censées de nouveau, comme chacune des réactions ayant animé la jeune femme depuis son arrivée au commissariat. J’ignorais si elle s’en rendait compte mais j’avais guetté chacune d’entre elles, les décomposant pour les analyser aussitôt. Toutes m’avaient ainsi guidé, en parallèle de sa déposition, à la conviction qui était la mienne à présent, celle qui me poussait à la rassurer comme je le pouvais, à la considérer bien plus comme la véritable victime de cette nuit-là que l’homme dont le corps patientait à présent dans un tiroir de la morgue. « … Un tueur ? Ce Necker que j’ai tué, c’est un putain tueur de femmes… Mais genre un putain de tueur en série ? » L’appellation heurtait, exacerbait son saisissement, donnait encore une autre dimension à l’incident, j’en étais consciente. Elle avait raison néanmoins, là où de nombreux civils se méprenaient sur ce terme, l’attribuant à torts et à travers dès que plusieurs victimes étaient à mettre sur le compte d’un seul individu. Celles de Necker étaient nombreuses et sans lien aucun entre chacune d’entre elles. La lecture détaillée de son dossier m’avait présenté un profil psychologique complexe et inquiétant ; un tueur en série, oui, mais ces mots-ci ne trouveraient d’autre confirmation de ma part que le regard entendu que je lui dédiais. Il me paraissait inutile d’en rajouter lorsque l’univers de la jeune femme avait déjà l’étoffe d’un cauchemar et le parfum d’un charnier. « Il est possible que vous soyez amenée à répondre de nouveau à quelques-uns de mes collègues justement, le dossier Necker n’était pas entre mes mains. » Je la prévenais à la place, que l’épreuve ne s’arrêterait pas à cet entretien pour elle. Elle serait tout autre néanmoins, lui ayant déjà fait comprendre que son statut évoluerait de mise en cause à partie prenante décisive.

Elle semblait l’entendre peu à peu, les tremblements prenant jusqu’alors d’assaut les extrémités de ses membres commençant à battre en retrait lorsque cela s’avéra nécessaire pour maintenir le gobelet de café fumant entre ses mains. Je fronçais les sourcils en observant les traits de son visage se détendre difficilement, son âge me revenant en tête alors que la jeunesse de ces derniers ne me parut jamais plus flagrante depuis le début de l’interrogatoire qu’à présent. Les nerfs à vif, elle n’avait jamais tenté de les apaiser, se laissant aller à la véhémence dans sa défense dès les premiers instants. C’était dans le calme retrouvé, pourtant, que je discernais les tourments de sa vingtaine, ses désordres et ses élans, la violence de ses questionnements à peine contenue qu’une seule phrase avait pourtant commencé à apprivoiser. Elle avait fait ce qu’il fallait. Sans l’ombre d’un doute. « Donc, en fait c’était un fils de pute, ce gars… J’ai fait c’qu’il fallait... j’vais pas aller en taule… ? » Je dénouai mes mains, ramenant les documents vers moi tandis que, dans le même élan, mon index vint interrompre l’enregistrement. « Aucun juge ne vous condamnera à une sanction de ce genre pour ce qui s’est passé dans la voiture, non. » Aucun individu sain d’esprit, tout simplement. Cela ne lui faciliterait pas les choses pour autant lorsqu’elle se sentirait obligée de parler de cette expérience à autrui. Rares étaient ceux ayant ressenti ce que je ne comprenais que trop bien, ce frisson qui l’avait parcourue, cet instinct lui ayant permis de prendre cette décision automatique au pire des moments, impulsion au sein de laquelle le courage n’entrait pas, non, mais serait pourtant vanté par des ignorants croyant bien faire. « Vos collègues ont fait des prises de sang hier… Vous avez les résultats ? » J’acquiesçai simplement, réouvrant la pochette en question alors que mon regard parcourut de nouveau ses analyses en diagonale. « Impossibles à ignorer. » Elle savait qu’elle ne pouvait pas mentir sur cela, que je savais déjà. Il s’agissait pourtant du premier moment jusqu’à présent où je ressentis son envie de le faire ; mentir, nier, trouver une porte de sortie. Elle n’existait pas malheureusement et j’arquai un sourcil, le regard toujours concentré sur les rapports d’analyse : fournis de toute évidence, éclectiques sans ironie aucune - à quoi n’avait-elle pas touché exactement ? -, incriminants. « Il va m’arriver quoi à ce niveau-là ? » Rien d’alarmant, selon moi. Rien qu’elle ne méritait pas non plus, au premier sens du terme : une aide ne pouvant être que la bienvenue, consciente pourtant qu’elle ne le prendrait certainement pas ainsi. « Vous serez appelée à comparaître, très prochainement compte tenu de nos conclusions. Celles qui retiendront la légitime défense. » Je reprenais, lui indiquant le contexte dans lequel ces faits seront évoqués et jugés, avant de hausser les épaules imperceptiblement en refermant son dossier. « Pour le reste, je ne suis pas juge, Anastasia. » Cela se serait arrêté là, d’ordinaire. Je ne l’étais pas et jouer au jeu des devinettes et des prémonitions pouvant s’avérer fausses et ayant laissé s’installer au préalable des espoirs erronés ne m’intéressait guère. À ce moment de l’entrevue, tous les interrogés avaient cette tendance à m’interroger, le regard chargé d’appréhension, la tentative manifeste de sonder ce que je ne me laisserais pas aller à leur dire ; la jeune femme ne dérogeait pas à la règle.

Tous les suspects ne se ressemblaient pas néanmoins, tous les prévenus non plus et, elle l’ignorait, mais tous ne portaient pas non plus ce nom de famille me faisant à peine hésiter lorsque je finis par accepter de souffler en reculant ma chaise. « Mais si je l’étais, je ne me contenterais pas d’une tape sur les doigts, en vue de vos antécédents. » Ce serait plus derrière la tête, à vrai dire. Je me redressais, me mettant debout sans me hâter, mon regard s’attardant sur sa silhouette, la fébrilité de cette dernière comme un aura étrange, sauvage et volatile, transperçant l’air sans qu’elle n’arrive à l’en empêcher. Était-ce cela qui m’arrêta de nouveau ? Sans doute, lorsque les paumes de mes mains retrouvèrent le plat de la table pour me pencher dans sa direction, faisant presque front avec elle face à l’inquiétude qui la rongeait, l’appréhension qui l’étreignait. « Soyez honnête sur ce qui s’est passé ce soir-là. » Mon regard s’attarda dans le sien, soulignant l’évidence de cette recommandation. « Mais lorsqu’on vous demandera si vous avez retenu la leçon et si vous ne toucherez plus jamais à l’une de ces substances, … » J’arquai un sourcil en humectant mes lèvres. « … n’hésitez pas à mentir s’il le faut, en affirmant que oui. » Peu importe qu’il s’agisse de la vérité ou non ; ce n’était pas mon affaire, je le répétais. Je me redressais de nouveau, rassemblant les dossiers tout en poursuivant. « D’autres que vous s’en sont sortis avec un stage de sensibilisation, un suivi judiciaire, des contrôles aléatoires sûrement ... » énumérais-je, sobrement. Voilà ce qui l’attendait également, selon moi, si elle parvenait à convaincre le juge de son statut de repentie en voie de guérison plutôt que celui de fêtarde téméraire. J’ignorais vers lequel de ces deux rôles penchait-elle réellement désormais et ne le lui demanderais pas, lui faisant simplement comprendre ce qui serait facilement accordable au premier, un peu moins au second.




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Message(#)just killed a man - Olivia EmptySam 05 Déc 2020, 00:31




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En vingt-quatre heures, Ana sera passée par tous les sentiments possibles et imaginables. Actuellement, c’était un mélange de peur, de sidération et de soulagement. Un tueur en série. Un assassin d’auto-stoppeuses. Voilà à qui elle et Birdie ont échappé. Voilà qui elle a tué. La légitime défense en devient indéniable mais elle ne fait cette conclusion tout de suite. Samuel Necker. Le conducteur. Le cadavre. C’était un dangereux tueur et elles s’étaient trouvées dans sa voiture. « Il est possible que vous soyez amenée à répondre de nouveau à quelques-uns de mes collègues justement, le dossier Necker n’était pas entre mes mains. » Ana fit une grimace à l’idée de devoir tout raconter encore et encore. « Vous m’avez dit que vous étiez en charge du dossier... » lâche-t-elle sur un ton de reproche. Elle est fatiguée, à bout, elle a envie de dormir mais a l’impression qu’elle n’arrivera plus jamais à fermer l’œil. Alors, elle a tout sauf envie qu’on lui demande de rester encore deux heures pour tout répéter à quelqu’un d’autre. Pourtant, elle comprend bien qu’il y a plusieurs dossiers dans cet affaire. La mort de Necker en est une, et les assassinats commis par Necker en sont probablement une ou plusieurs autres. De toutes façons, à la façon dont l’a présenté l’inspectrice ces entretiens n’ont pas l’air prévus pour aujourd’hui, ils ne sont que potentiels et dans un futur vague et imprécis. Ça lui convient à Ana, ça signifie qu’elle va pouvoir aller s’enfermer chez elle et ne plus parler de ça à personne.

Mais avant cela, elle réalise surtout qu’elle est hors d’affaire. « Aucun juge ne vous condamnera à une sanction de ce genre pour ce qui s’est passé dans la voiture, non. » Même si elle se l’imaginait, Ana soupire de soulagement à cette confirmation. Sa terreur de se retrouver enfermée dans une cellule s’éloigne peu à peu. Pourtant, il reste une chose qui la tracasse : la drogue qu’elle avait dans le sang bien entendu. Alors, elle saute le pas et évoque ces analyses toxicologiques. Elle regarde la policière rouvrir le dossier et placer une feuille sur le dessus pour la parcourir du regard. « Impossibles à ignorer. » Le mince et vain espoir qu’elle puisse se sortir de ce versant du problème s’évanouit aussitôt. Elle ne peut pas lire le document d’ici mais elle sait très bien ce qu’elle a consommé ce soir, son cocktail habituel de teuf en soit… Et alors, quelles seront les conséquences de tout cela ? « Vous serez appelée à comparaître, très prochainement compte tenu de nos conclusions. Celles qui retiendront la légitime défense. » Ana déglutit, la légitime défense ne fonctionnera évidemment pas pour justifier sa consommation de drogues. Elle va devoir faire face à la réalité et accepter la sanction qui lui sera donnée. Mais, elle ne peut imaginer quelle sera la sentence, elle ne peut croire qu’elle aurait évité la case prison pour y retomber le tour suivant, tout ça pour consommation de drogues. Mais elle n’en est pas à son coup d’essai, il pourrait faire un exemple. « Pour le reste, je ne suis pas juge, Anastasia. » « Mais allez, vous devez bien avoir une idée. J’faisais rien de grave, merde... » insiste Ana partagée entre supplication et agacement, d’autant que son prénom complet lui fait à nouveau serrer les dents.

Elle hésite pendant une seconde puis elle finit par lui annoncer : « Mais si je l’étais, je ne me contenterais pas d’une tape sur les doigts, en vue de vos antécédents. » Ça n’a rien de rassurant et l’appréhension se lit à nouveau sur les traits de l’italienne. Elle entend déjà Auden lui dire à travers le téléphone du parloir de la prison : « Tu l’as cherché. Assume tes conneries maintenant et pourris derrière les barreaux. » Sans même réaliser qu’elle le dit à voix haute, elle souffle : « Mes frères vont me tuer s’ils l’apprennent... » Surtout Auden mais Saül ne sera probablement pas en reste. L’inspectrice est debout à présent, elle s’attarde alors qu’Ana sent bien que l’entretien est terminé. Peut-être même qu’ils ont déjà coupé les caméras. Soudain, elle vit le regard de la policière changer, elle se pencha sur elle, la surplombant de sa position supérieure et plongeant son regard sérieux dans le sien. « Soyez honnête sur ce qui s’est passé ce soir-là. » Ana ne répondit rien, prise de cours par l’intensité de cet échange. « Mais lorsqu’on vous demandera si vous avez retenu la leçon et si vous ne toucherez plus jamais à l’une de ces substances, n’hésitez pas à mentir s’il le faut, en affirmant que oui. » Décidément, l’inspectrice Olivia Marshall aura surpris Ana plus d’une fois lors de cet interrogatoire. Mais cette phrase la scotche littéralement à sa chaise. Jamais elle ne se serait attendue à un tel conseil de la part d’une policière. Ana est bouche bée, sans voix, ce qui est assez rare pour le noter. Elle observe la policière se redresser et regarde autour d’elle comme si elle allait repérer les caméras cette fois-ci. Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous. C’est ce qu’ils disent dans les films quand ils arrêtent quelqu’un et Ana a beau ne pas être en état d’arrestation, elle ne va pas s’incriminer inutilement. « Moi ? Mentir ? Jamais, c’est fini ces conneries, la dope, tout ça, j’arrête... » Mouais, ça c’est un mensonge éhonté, la policière face à elle n’en sera probablement pas dupe mais cela suffira pour les caméras, si elles fonctionnent toujours. « D’autres que vous s’en sont sortis avec un stage de sensibilisation, un suivi judiciaire, des contrôles aléatoires sûrement ... » Finalement, ce serait les contrôles aléatoires qui seraient les plus pénibles à contourner mais elle trouvera bien un moyen Ana. Même s’il faut qu’elle aille voler la pisse d’une sainte-nitouche pour frauder. La policière a récupéré ses dossiers sur la table et leur long entretien touche enfin à sa fin. « Ok, donc ça va aller… Pas de taule... » conclut-elle en un soupir de soulagement. Elle sait bien que tout cela dépendra de sa prestation devant le juge, elle devra mentir avec conviction, montrer qu’elle se repent et qu’elle va retourner dans le droit chemin. Ce qu’elle ne compte bien entendu pas faire, ce qu’elle se sentirait de toutes façons incapable de faire. Elle n’en a ni l’envie, ni la motivation, ni la force. Elle a toujours été faible face à ses addictions, Ana, et personne n’a su l’aider à s’en défaire alors les choses ne changeraient pas maintenant. « C’est fini ? Je peux rentrer chez moi ? » Elle aurait bien remercié l’inspectrice mais ça n’est pas dans sa nature et elle ne voudrait pas forcer les choses, elle reste une sale flic après tout. Pourtant, elle est reconnaissante envers la sale flic, reconnaissante d’avoir été correcte avec elle, de l’avoir crue, de l’avoir poussée à coopérer pour son propre bien. Alors elle lui adresse un vague sourire de remerciement avant de partir. Puis elle lui glissa : « Dîtes, ça va passer dans la presse tout ça… Vous pouvez cacher mon identité, non ? Ma famille doit pas savoir… Si vous voulez pas ma mort sur votre conscience… » Que son nom n’aparaisse nul part, ça ne doit pas être infaisable, non ? Puisque c’est une victime après tout. Finalement, elels se dirigent vers la porte et c’est le moment de se dire au revoir. « A jamais j’espère... » Si elle pouvait éviter d’avoir affaire au service des homicides à l’avenir, ce serait pas plus mal.

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