≈ ≈ ≈ {I'm in denial, deep in denial} crédit/ (rostovarps/tumblr) ✰ w/ @Olivia Marshall
Si on t’avait demandé ton avis, tu serais très certainement resté le plus loin possible de Brisbane. Oui, tu aurais passé six mois, loin de tous et de tous, à Bali, avec pour seule compagnie, Yasmine, tes lunettes de soleil, et une quantité illimitée de cocktails sans alcool, tous avec une ombrelle dedans, bien entendu. Sauf que la vie ne marche pas de cette manière-là et qu’il faut parfois redescendre sur terre, et là, ça été plus littéral que métaphorique et dès que tu as aperçu l’aéroport et le terrain familier, tu as fini par pousser un soupir. Le problème, c’est que tu n’as pas de raison de rester à Brisbane.... en dehors de Yasmine ceci étant dit. Certes, ta famille tout entière réside sur Brisbane, mais tous les Price savent que tu as la bougeotte, aussi personne ne serait vraiment surpris si tu venais à faire tes cartons du jour au lendemain et que tu décidais d’aller t’établir ailleurs. Personne. Sauf que cela ne serait pas raisonnable, Yasmine est à Brisbane, alors tu as une seule et unique bonne raison de rester. Bien entendu, tu ne fais pas part de ce doute-là à ta petite-amie, aucune raison de l’inquiéter, pas vrai ? Et il n’y aucune raison de le faire vraiment, tu dois tout simplement occuper ton temps. Le déménagement de Paul était une bonne distraction, aider ton cousin à trouver son propre nid douillet et à batailler avec son propre avocat et celui de sa femme pour obtenir la garde totale de ses enfants aussi… sauf que Paul va bien, qu’il a fini par déménager et que refaire à neuf la chambre qu’il a occupée ne t’a pas pris autant de temps que cela. Encore une fois, ne pas avoir de boulot te permet de remettre beaucoup de choses en perspective, et non, tu ne t’es pas encore lancé dans la recherche de ta prochaine occupation. C’est une grosse responsabilité et pour le moment, tu préfères éviter les problèmes de ce genre et continuer… de ne rien faire, justement. Et c'est en ne faisant rien, en attendant que quelqu’un réponde à ton annonce et décide de bien vouloir vivre avec toi, non, tu ne peux vraiment pas vivre tout seul, tu en es plus que convaincu désormais, que ton chemin se perd de nouveau vers les groupes de paroles et de soutien. Car tu as beau avoir tes propres problèmes, tu es toujours toi et que donner un peu de ton temps et de tes ressources ne t’a jamais vraiment dérangé. Et puis tu te retrouves sur cette chaise en plastique, à écouter les récits des autres, des anciens policiers pour la plupart, quelques têtes de l’armée et d’autres tout aussi bien placés, des gens qui ont vu des choses à remuer l’estomac et qui tout comme toi, ne devrait pas pouvoir trouver le sommeil, mais qui le trouve justement. Tes propres expériences paraissent bien lisses à côté de certains, tu étais un observateur silencieux, payé par la police de locale, juste là pour prendre quelques photos, juste là pour être le témoin muet de bien des choses. Des choses qui ne s’effacent pas, qui ne sont jamais parties et ce malgré les mensonges récités devant les collègues, devant la psychologue du département, juste de quoi retourner faire ton boulot. Mais cela fait du bien d’alléger sa conscience, de comprendre que tu n’es pas complètement cassé et que tu es autre chose que cela. "Allez vous avez bien mérité quelques minutes, et puis je sais que certains d’entres vous ne sont là que pour les pâtisseries alors…" Annonce le bénévole et sa remarque est ponctué de rires, de raclement de chaises et tu es sur le point de faire remarque que si tu dois rester sobre, tu peux au moins te rabattre sur le sucre, quelque chose de parfaitement légale, quand ton téléphone sonne dans ta poche. En temps normal, tu ne répondrais pas, mais quand le prénom de Paul s’affiche sur ton écran, tu décroches automatiquement, portant déjà le téléphone à ton oreille, marchant à grandes foulées vers la sortie la plus proche, prêt à partir s’il le faut. "Hey, tout va bien ?" Tu poses la question et Paul te rassure, il n’a pas besoin d’aide sur le moment mais demain, pour garder ses enfants, un énième rendez-vous non annoncé chez son avocat et cela va sûrement lui prendre tout l’après-midi. Tu essayes d’en placer une, mais Paul s’excuse déjà et tu le laisses parler, s’excuser et tu arrives enfin dehors au moment où il reprend son souffle. "Okay, alors déjà respire, ensuite, ce n’est pas grave tu le sais, je peux m’occuper d’eux, je n’ai rien de prévu et puis j’aime bien te dépanner. C’est pour une bonne cause donc…" Donc aucune raison de s’inquiéter, du tout d’ailleurs, le timbre de ta voix est suffisant pour rassurer ton cousin et il te promet qu’il te revaudra ça à l’occasion. "Tss tu n’es pas obligé de compter les scores, je te l’ai déjà, ça me fait plaisir, vraiment." Que tu dis dans un haussement d’épaules, tu prends ensuite appui sur le dos de l’immeuble, remarquant enfin que tu n’es pas le seul à avoir profité de cette pause pour t’éclipser. Ton regard croise celui d’Olivia la seconde suivante et tu lui adresses un léger hochement de tête et reportes ton attention sur ton téléphone l’instant suivant. "Okay, quinze heures, j’irais les chercher à l’école, okay, jte laisse… oui, à demain. A plus". Tu raccroches la seconde d’après, prenant une profonde inspiration, envoyant un message à Yasmine la seconde suivante, tes plans pour le lendemain ayant changé. Une fois tout ceci fait, tu te tournes de nouveau vers Olivia. "Hey." Ne pas lui parler serait plus bizarre qu’autre chose, non, vous n’êtes pas amis, vous n’êtes même pas des collègues, vous ne l’êtes plus, juste deux personnes qui évoluez dans les mêmes espaces, et si au sein du commissariat tu as toujours eu des intonations polies, ici, c’est plus personnel… Tu ne sais pas vraiment ce que tu peux te permettre ou pas, et quand on sait que tu ne réfléchis jamais vraiment avant de parler ou d’aborder qui que ce soit, c’est une grande première. Tu te détaches du mur, poussant légèrement la porte pour savoir si la pause est finie ou pas. "Ils sont sur le point de reprendre… tu comptes y retourner ou pas ?"
Olivia Marshall & @Edge Price ✻✻✻ « Allez vous avez bien mérité quelques minutes, et p … » Les remous bruissaient dans les rangs, les chaises raclant le plancher et les conversations assourdies s’élevant sans grande emphase dans la salle alors que je laissais déjà la porte se refermer lourdement derrière moi. Je n’avais pas attendu l’autorisation du meneur de la session du jour pour m’octroyer la pause qui m’était nécessaire - peut-être même avais-je été celle l’ayant incité à l’annoncer lorsqu’il m’avait vue me lever au milieu de son témoignage, remontant silencieusement les allées de chaises pour rejoindre l’extérieur. À l’intérieur, ils échangeraient quelques anecdotes qu’ils espèreraient assez légères pour détendre l’atmosphère, s’allègeraient de quelques sourires qui n’en seraient pas vraiment car être ici, c’était y être pour une raison. Y étais-je pour la bonne ? Je l’ignorais, me le demandais à chaque fois que je rejoignais de nouveau les rangs de ce groupe, continuais de perdurer dans cette routine particulière néanmoins pour la seule et unique raison me paraissant suffisante pour que je n’y renonce pas : je ne me sentais pas moins bien en en sortant. À l’intérieur, les regards savaient, les silences disaient. La porte se refermait et ne gardait de l’autre côté que des personnes capables de s’entendre et, plus important encore, de s’écouter puisque l’on ne comprenait certains mots qu’en les ayant vécus. À l’intérieur, peu importait ce que disaient ceux de l’extérieur, nous savions tous qu’il n’y avait qu’ainsi qu’ils nous appartenaient, réellement. L’ambiance était particulière mais authentique, pesante mais partagée, rassurante peut-être le temps de quelques minutes jusqu’à ce qu’elle ne finisse, invariablement, par devenir parfaitement irrespirable. J’ignorais s’il s’agissait des histoires toutes plus désolantes les unes que les autres ou du simple manque d’aération dans la pièce à l’architecture ancienne mais rares étaient les fois où je restais suffisamment longtemps dans les parages pour les salutations de fin de séance. Ici, même le café proposé sur les tables collées au mur n’avait pas la bonne odeur. Son fumet rasait les murs menant au pupitre comme un traitre dans l’ombre, s’insinuait dans les tissus ornant les fenêtres, les narines, étrange, infidèle et factice. Même dans sa tasse, il avouait sa faiblesse, d’un noir délayé, réchauffé, décevant. On en oubliait presque l’extérieur, oui, le temps d’un instant et je respirais de nouveau à retrouver le ciel clair et lumineux accueillant ma silhouette.
Sur la place, le soleil battait encore la feuille des arbres et allongeait sur le bitume des ocelles de lumière timides en ce début de printemps. Plongeant les mains dans les poches de ma veste et retrouvant le mur de l’immeuble derrière mon dos, le plat de mon pied chaussé vint également trouver appui sur son revêtement crépi alors que je soupirais silencieusement. À cette heure encore éclairée, l’air portait toujours les odeurs des acacias alentours, celles auxquelles il serait facile de s’habituer trop vite, celles auxquelles je mis donc un terme en me penchant un instant pour couvrir la flamme d’une allumette dans laquelle je plongeais l’extrémité de ma cigarette. Je secouais la main d’un geste vif et le bois calciné rencontra le bitume à mes pieds alors que je plissai les yeux, échappant ainsi au jeu de lumière provoquée par la silhouette imposante venant m’éclipser des rayons du soleil. « … j’irais les chercher à l’école, okay, jte laisse… oui, à demain. A plus. » Ces derniers mots qui me parvinrent uniquement parce que son regard avait croisé le mien, que son hochement de tête se chargea de me saluer et que mon attention lui fut dédiée l’espace de quelques secondes avant de la reprendre de nouveau, la lui ôter en fermant les yeux, appuyant l’arrière de mon crâne sur le mur et coinçant entre mes lèvres la tige embrasée. Ce n’était pas la première fois que nous nous croisions lui et moi, Price me souvenais-je sans trop de difficultés malgré que le silence entre nous et convenu implicitement n’eut jamais été rompu. Celui-ci s’était installé naturellement et il aurait été hypocrite que de ne pas avouer en être la principale instigatrice. Les visages connus de la brigade me tenaient à distance, devenant presque d’usage que de les ignorer sous prétexte de respecter l’intimité de l’autre. D’usage de ne pas questionner le mal ayant pu nous amener jusqu’ici, de ne pas les comparer entre nous, pour ne pas être indiscrets ou pour maintenir sous silence, simplement, le fait qu’il n’y avait rien de plus désolant. D’usage, oui, de ne pas se lier en réalité, afin de pouvoir en ressortir tout aussi facilement, comme s’il ne s’était rien passé. « Hey. » De ma main libre, je vins cueillir ma cigarette et soufflai la fumée, répondant à son salut par un signe de tête auquel il devait déjà être habitué pour l’avoir reçu de nombreuses fois auparavant, ici ou ailleurs - ailleurs où je ne le croisais plus néanmoins maintenant que cela me revenait à l’esprit.
Hey, pensai-je dans ma tête sans que les mots ne suivent aussitôt. Je n’allais pas me montrer aussi familière dès le début, songeai-je en laissant les cendres s’éteindre au sol, le regard déjà ailleurs, sceptique. Oh non, pas sceptique. Pas encore, puisque le scepticisme vint la seconde suivante lorsqu’il se redressa pour pousser la porte de laquelle nous parvenaient déjà les bruits des chaises se regroupant de nouveau. « Ils sont sur le point de reprendre… tu comptes y retourner ou pas ? » L’idée seule de retourner m’asseoir à leurs côtés me lassa immédiatement et je restai immobile, seulement animée par les mèches autour de mon visage que la brise du jour venait emmêler capricieusement, inconsciente de ce qu’elle venait briser. « Ça va être au tour de Casey de parler. » finis-je par souffler après une énième exhalaison de nicotine. Et cela devrait suffire, n’est-ce pas, comme excuse légitime, comme explication à ce qui me retenait à l’extérieur. Casey qui circulait entre les rangées de chaises avec une vélocité presque gracieuse, déposant par-ci quelques bouteilles d’eau soigneusement précomptées, rajustant l’alignement d’une pile de prospectus par-là et émettant des sourires compatissants et à peine perceptibles comme des messages inaudibles mais si sincères, si profonds que nous ne pouvions faire autrement que les percevoir comme des ondes, peu importe que nous désirions les recevoir ou non. Elle était appréciable, Casey, comment pouvait-il en être autrement tant nous la sentions avenante ? Mais Casey prenait la parole ensuite et pleurait sur son amour de jeunesse qu’elle n’avait jamais osé aborder, son histoire avortée et sur laquelle ne cessait-elle de s’éplorer depuis que le militaire qu’elle avait aimé de loin n’était pas revenu de sa mission en vie, des décennies plus tôt. Casey qui pensait, depuis, que la guerre détruisait tous les hommes, mêmes les plus vaillants. Casey qui continuait de venir ici, chaque semaine, pour contester les choix et les libertés des hommes continuant de s’engager devant une assemblée de personne composée, ironiquement, d’anciens militaires et autres policiers en service. « On sera tous trop occupés à compter le nombre de mouchoirs qu’elle utilise plutôt que de l’écouter vraiment … » Les autres pouvaient mentir s’ils le désiraient, continuer de compatir à ses lamentations, ces dernières m’avaient lassée depuis un certain temps. « Je peux rester ici pour ça. J’ai une bonne vue. » continuais-je ainsi, le sarcasme asservissant toujours mon ton et mon expression sans que je ne cherche à l’éradiquer, joignant le geste à la parole tandis que je désignais d’un signe de tête la salle demeurant visible à nos regards par l’interstice de la porte entrebâillée. « Parie sur un nombre. » De mouchoirs, de minutes monopolisées au pupitre, de soupirs dans la salle - au choix.
≈ ≈ ≈ {I'm in denial, deep in denial} crédit/ (rostovarps/tumblr) ✰ w/ @Olivia Marshall
Parler pour ne rien dire est une chose facile. Un acte plus que facile à réaliser et avec une bonne dose de charme, le bon sujet, n’importe qui peut manier des tonnes de conversation et faire semblant d’avoir une dizaine, voire même une vingtaine d’amis. Comment est-ce que tu le sais ? Parce qu’il s’agit d’un art que tu maitrises mieux que personne, celui d’en révéler le moins possible et d’orienter la conversation vers des sujets qui sont complètement neutres et qui sont là uniquement pour détourner l’attention. De qui? De toi bien entendu. Car si parler pour faire du bruit, pour brasser de l’air est une chose très facile, trop facile pour toi, se confier ? Annoncer les vérités et éclaircir les zones d’ombres ? Cela ne te vient pas naturellement du tout et c’est quelque chose que tu as dû apprendre et que tu apprends toujours, d’ailleurs. Tu n’es pas le pire des élèves, mais tu le sais, tu as beaucoup de progrés à faire dans la matière. Cela a commencé avec Yasmine, et sa requête complètement inattendue, de vouloir en apprendre plus sur toi, de comprendre qui tu es, d'où tu viens, ce que tu as vécu, la brune persuadée de trouver un semblant de réponses de la sorte et de pouvoir se rapprocher de toi. Dans un sens, tu peux saluer les efforts et la persévérance de l’ancienne infirmière, car sans cela, vous n’en seriez pas là où vous en êtes présentement, sans cela, vous n’auriez pas fini par vous rapprocher justement. Toi qui étais persuadé que tu étais en train de lui donner d’excellentes raisons de fuir à chaque confession, l’inverse s’est produit. Et tu ne l’expliques pas. Cependant, cela a été le début de tout, et c’est presque tout aussi facilement, presque tout aussi naturellement que tu as fini par trouver le chemin sur le canapé d’une professionnelle, et c’est là-bas que tu fais des aveux que personne d’autre n’entendra. Et cela ne t’a pas foncièrement changé de parler de tes problèmes, tu es toujours Edge, c’est toujours le même coeur qui bat chaque matin à ton réveil, mais au moins... cela te permet de prendre de la hauteur sur certaines choses. Sur certains aspects de ta vie. Sur certains moments un peu trop sombres, sur ... tout au final. Donc tu ne l’expliques pas vraiment, pour toi, tout ça, cela marche dans une certaine mesure, c’est pour cela que tu es là ce soir, bien pour cela que tu demandes à Olivia si elle compte vous rejoindre pour la deuxième partie de la réunion. Tu l’observes tirer sur sa cigarette, n’ayant pas d’autres arguments à ajouter et quand elle parle de Casey, un léger rire t’échappe. Certains font plus d’impressions que les autres et tu soupçonnes Casey de répéter tout son petit numéro devant son miroir, chaque matin et de venir ici parce qu’elle a un public. De gens plus que compréhensifs et ayant besoin d’entendre la même histoire parfois. "Hmm... tu marques quelques points." Que tu admets dans un soupir, retrouvant ta place contre le mur, prenant appui contre ce dernier, croisant les bras sur ta poitrine, pensif. Mais est-ce que Casey est vraiment ridicule quand on connait son parcours au final ? Venir ici, c’est tout de même pour aider, pour prévenir et pour écouter... c’est ça le plus important. Pourquoi est-ce qu’Olivia est là, elle au juste ? Juste pour brouiller du noir et ne rien révéler sur sa personne ? Elle pourrait faire ça depuis chez elle, pas besoin de se déplacer jusqu’ici pour cela. Tu le sais, elle le sait également, aussi, tu reprends la parole, distraitement, tes yeux marrons retombant sur la jeune femme. "Mais quelqu’un de plus sage et de plus avisé que moi, pourrait te faire remarquer que ce n’est pas très sympathique de se moquer. Du tout." Tu ponctues ta phrase par un léger haussement d’épaules, le timbre de ta voix est neutre au possible, tu n’offres pas vraiment de jugement, juste une simple observation, ni plus, ni moins. "Ou alors que tu préfères te réfugier derrière une bonne dose de sarcasme pour ne pas qu’on remarque que ce sont souvent les autres qui parlent et ... jamais toi." Du moins, tu as remarqué qu’Olivia était toujours avare en mots, gardant ses propres secrets et une certaine part de mystère avec elle. C’est assez facile de s’en rendre compte maintenant que tu y penses, et puis tu n’es pas là pour lui faire les éloges de la thérapie ou quelque chose comme ça. Grand dieu non, tu n’es même pas certain de fonctionner correctement toi-même donc vraiment, tu n’es pas en position d’offrir des conseils à qui que ce soit. "Mais vu que je ne suis pas sage ni même avisé, je n’ai rien à dire." Rien du tout, que tu penses la seconde suivante. "Et je préfère ne pas parier, je n’ai pas envie de perdre mon argent, et puis on devrait même pas compter en mouchoir, juste en boite de mouchoirs, là, ça serait plus intéressant." Tu as un léger sourire à la fin de ta phrase, preuve que toi aussi, tu manies aussi bien le sarcasme qu’elle et tu n’es pas pas particulièrement fan du comportement de Casey non plus. Oui, tu comprends mais cela ne veut pas dire que tu approuves pour le coup. Tu finis par pousser un soupir et jettes un autre regard à l’intérieur. "On a encore une ou deux minutes avant de prendre une décision de toute façon..." Que tu annonces finalement, te tournant de nouveau vers elle.
Olivia Marshall & @Edge Price ✻✻✻ « Hmm... tu marques quelques points. » J’inclinai la tête légèrement pour échapper aux rayons faibles mais sournois du soleil printanier. Ils m’empêchaient de le voir, glissaient sur son visage et n’en faisaient plus qu’une ombre. Je ne le connaissais pas assez bien, par ailleurs, pour parvenir à m’en accommoder, à recréer dans mon esprit son visage tel qu’il était, dans ses détails et ses nuances. Ça faisait combien de temps déjà, qu’il n’était pas venu à l’une de ces réunions ? La question me revenait comme si elle était la raison de mon flou à son sujet. Ça, non pas le fait qu’ils le demeuraient tous, flous, en ce lieu, puisque je m’employais à ce qu’ils le restent. « Mais quelqu’un de plus sage et de plus avisé que moi, pourrait te faire remarquer que ce n’est pas très sympathique de se moquer. Du tout. » Sa voix resta sobre, avisée presque tant le conseil semblait partir d’un bon sentiment tandis que la mienne se parait déjà de sa plus indéfectible des ironies pour renchérir sans attendre : « Heureusement qu’il n’y a personne du genre dans le coin. On serait obligé de le qualifier de barbant, et uniquement parce qu’on est polis. » Ma voix ne sonnait pas âprement pour une fois, éraillait à peine lorsqu’elle ne tentait même pas de le piquer, l’amuser encore moins, rétorquant par habitude simplement, la répartie jamais bien loin alors que mon regard, lui, s’échappait déjà de nouveau vers d’autres angles de la place. Cela ne m’empêchait pas de le penser, ce que je ne me privais pas de lui répondre. Tout comme lui tenait à ce qu’il invoquait l’air de rien, l'air surtout de ne pas y toucher. Il avait raison, après tout, n’était-ce pas ce que l’on attendait de chacun en prenant part à l’un de ces groupes ? Que la parole puisse être libérée était une chose, qu’elle soit entendue et respectée en était une autre qui constituait certainement la pierre angulaire du système mis en place. Les peines s’accordaient entre elles, par ici, et leurs propriétaires se devaient de les recevoir avec la plus grande justesse, n’éprouvant à leur égard qu’indulgence et soutien. Contrairement à ce que l’on aurait pu croire, je m’y efforçais également, y parvenais dans la majorité des cas. Mais Casey, Edge. Casey pouvait bien être l’exception servant de soupape, n’est-ce pas ?
« Ou alors que tu préfères te réfugier derrière une bonne dose de sarcasme pour ne pas qu’on remarque que ce sont souvent les autres qui parlent et ... jamais toi. » Cinq minutes, tout au plus, et le voilà déjà rendant l’affaire personnelle, fondant sur ce qu’il pensait sûrement être pertinent. Cela l’aurait été s’il s’agissait d’un secret, d’un détail sur lequel il parvenait à mettre le doigt, me forçant à y faire face. Mais la porte avait claqué, par mon fait, avant même que la pause ne fut déclarée. Mes épaules se soulevaient lorsque la parole m’était accordée. Et le traditionnel "la prochaine fois ?" que l’on m’accordait lorsque je refusais le pupitre ne recevait en retour qu’un sourire de ma part, aimable certainement pour les plus ignorants lorsqu’il n’était qu’amusé, dans le fond, qu’ils puissent penser qu’il s’agissait là en effet d’un cadeau de leur part, d’un sursis accordé. La prochaine fois, je serais la seule à décider lorsqu’elle adviendrait, si elle advenait. Si cela dérangeait, ils pouvaient m’exclure mais cela ne se faisait pas, n’est-ce pas ? « T'es le seul à l'avoir remarqué - un point pour toi aussi. J’essaie à peine de le cacher pourtant. Heureusement qu’on ne compte pas sur eux pour résoudre des enquêtes, hein … » Une expression affectée aurait pu parfaire le tout, venant orner mon visage à la pensée que, justement, voilà là ce que l’on attendait d’une bonne partie d’entre eux, mais c’eut été exagéré et je me contentais de laisser les mots s’éteindre entre mes lèvres n’ayant plus le droit à leur fidèle compagne, la cigarette au bout de mon bras relâché. « Mais vu que je ne suis pas sage ni même avisé, je n’ai rien à dire. » C’était sans doute le signal que j’attendais pour la ramener à mon visage, tirant sur la tige en hochant imperceptiblement la tête, un sourire venant accompagner le tout lorsque j’en relâchai finalement une fumée vaporeuse. S’il abandonnait aussi vite, c’est qu’il le pensait réellement, ne pas avoir son mot à dire, de jugement à porter, de leçons à enseigner. Il ne me paraissait pas du genre, le cas contraire, à rendre les armes aussi vite et je notais la nuance à sa juste valeur, sa rareté également. Peut-être n’étais-je pas la seule à déplorer que l’inverse prenne le pas, trop souvent. Pas la seule à déprécier le fait que tout le monde semblait bien trop faire attention, sans arrêt, sans raison et sans légitimité. Tout le monde s’observait, à la recherche d’une faille, attendant une chute pour pouvoir dire qu’il l’avait vue venir et qu’elle aurait pu être évitée si les conseils avaient été écoutés. Il n’y avait plus que ça, des gens faisant attention aux autres, plutôt qu’à eux-mêmes. J’avais marqué quelques points en ce début d’échange, il venait d’en remporter un non négligeable en statuant ainsi.
« Et je préfère ne pas parier, je n’ai pas envie de perdre mon argent, et puis on devrait même pas compter en mouchoir, juste en boite de mouchoirs, là, ça serait plus intéressant. » « Je mise sur deux, trois si elle est en forme. » Ma voix demeura calme, presque trop sérieuse pour la conversation qui reprenait, pour le sarcasme s’installant dans l’échange. Edge pourrait de nouveau dire qu’il ne s’agissait là ni de respect ni de sagesse mais son coup d’œil vers l’intérieur fut le seul à amorcer un mouvement dans cette direction et je le laissais faire, silencieuse. « On a encore une ou deux minutes avant de prendre une décision de toute façon... » L’impression en effet qu’il s’accordait encore, le temps de quelques secondes, un instant de repos non illusoire avant des heures incertaines de récits décousus et d’histoires malmenées me traversa l’esprit. Il restait. Il pouvait partir, s’engouffrer de nouveau à l’intérieur, mais il restait, sous-entendant que cela ne durerait pas, qu’il ne faisait qu’y réfléchir, la déclaration contradictoire comme une flamme courant sur une main gelée. « Tu peux me le dire, à moi. » repris-je au bout de quelques secondes, mes doigts glissant jusqu’à ma poche pour en extirper de nouveau mon paquet de cigarettes, la mienne toujours embrasée coincée entre deux d’entre eux. À moi, comme si cela signifiait quelque chose lorsque tout l’intérêt résidait que cela n’impliquait rien, justement. « Que tu l’as déjà prise, ta décision. » Mon regard vint s’échouer de nouveau contre les angles de son visage ombrageux, un sourire fin esquissé sur les lèvres tant l’image que nous devions renvoyer me paraissait ironiquement absurde : celle de deux égarés au bord d’une route, deux rescapés hésitant à aller demander de l’aide, dans le bâtiment juste en face. Mais il y avait Casey, dans ce bâtiment ... et la plaisanterie ne cesserait jamais. « Je peux t’en proposer une, comme bonne excuse. » Je désignai le paquet d’un signe de tête bref, me demandant à peine si je ne faisais pas là retomber un ancien fumeur dans des travers abandonnés. À quoi bon ? Le tabac était cette chose formidable nous permettant de tenir à l’écart des choses que l’on ne désirait pas voir envahir notre espace. Des choses comme des souvenirs, des rêves, des regrets, ou d’autres personnes, parfois.
≈ ≈ ≈ {I'm in denial, deep in denial} crédit/ (rostovarps/tumblr) ✰ w/ @Olivia Marshall
Tu as un léger sourire sur le visage quand Olivia te dit que tu es le seul à avoir remarqué son silence. Tu en doutes, ou alors tu connais les signes et tu sais exactement où regarder et quel type de réactions anticiper. Il faut dire que tu ne t’attendais pas vraiment à croiser quelqu’un d’autre du service de police de la ville ici, quand tu y as mis les pieds pour la première fois, il y a des mois de cela. Et en reconnaissant la brune, tu t’es demandé s’il ne valait pas mieux faire demi-tour, trouver un autre endroit où confier certains de tes secrets et apporter un peu de ton aide, mais Olivia n’a rien fait pour te mettre mal à l’aise, c’est tout l’inverse qui s’est passé même et il y a beaucoup de distance entre vous deux, et tu réalises que c’est voulu de la part de la jeune femme, mais également de la tienne. Tu en as parfaitement conscience, c’est un peu un accord tacite que vous avez passé dès la première fois que vous vous êtes reconnus et vous échangez maintenant plus de mots qu’au cours des derniers mois, là encore, tu le réalises parfaitement. "Non, je ne pense pas être le seul à avoir remarqué, mais bon... c’est censé être un endroit où tout le monde se sent en sécurité, même les plus ... timides on va dire." Que tu offres comme simple explication, quoi que, dans le cas d’Olivia, tu ne dirais pas que c’est de la timidité, mais juste qu'elle ne dit rien pour ne pas sortir de sa zone de confort. Être là doit être suffisant pour elle, en révéler un peu plus et parler, ça implique une sorte de vulnérabilité et tu comprends qu’elle ne veuille pas se prêter à cet exercice-là devant de parfaits inconnus. Mais... là encore, tu pourrais lui faire remarquer qu’elle pourrait tout simplement arrêter de venir, arrêter de faire des apparitions et cesser d’écouter les histoires des autres. Elle doit très probablement y avoir déjà pensé alors tu ne lui apprendras rien, tu le sais déjà. Tout comment tu le sais que ce pari stupide ne prendra pas vraiment et que dans le fond, Casey a beaucoup plus de classe et de stature que vous deux. Vous qui êtes en train de vous moquer, tout simplement. Et tu fronces les sourcils quand Olivia te fixe, se servant de mot que tu as déjà entendus. "Hmm ?" Tu es perdu pendant quelques secondes, avant de réaliser qu’Olivia te prête des intentions que tu n’as pas, tu ne cherches pas à fuir et tu n’as pas vraiment besoin d’une excuse toute trouvée pour te tirer de ce faux pas. Contrairement à elle, il est impossible de te forcer à faire quelque chose que tu ne souhaitais pas réaliser initialement, non, si tu es là, ce n’est pas tout simplement par habitude ou même pour alléger ta conscience, c’est bien par choix et uniquement par choix. Aussi, tu reprends la parole, ayant besoin de clarifier les choses à voix haute. "Oh non, je vais y retourner, je suis content d’être ici, de parler, ça permet de faire le point sur beaucoup de choses et ... de me dire qu’il y a un après pour moi, comme pour les autres." Parce que c’est le but pas vrai ? Venir ici ? Pour ne pas broyer du noir ? Pour ne pas rester seul et réaliser que certains s’en sortent, vraiment, et que ce n’est pas juste des inepties que l’on met sur un flyer pour attirer certaines personnes et les forcer à ne pas repartir. Du moins, c’est de cette façon que tu vois les choses et de cette manière-là que tu as fait la paix avec toi-même concernant tes visites régulières dans ce genre de centre, non vraiment, tu ne te prends plus la tête à propos de tout ça... ça, c’était avant tout simplement et ta vie a tellement changé depuis quelques mois, que tu n’as pas vraiment de retourner en arrière, tu n’as de regrets non plus. "T’as sûrement dû remarquer que je ne suis plus à la station de police, j’ai raccroché ça aussi, mais ça ne veut pas dire que je suis prêt à fonctionner comme une personne saine et équilibrée." C’est loin d’être le cas, du tout même et pourtant il y a bien un sourire sur ton visage, pourquoi ? Parce que tu essayes tout simplement, de te frayer un autre type de chemin, de construire quelque chose et de ne pas te laisser ronger par toutes les confessions que tu viens faire ici, ou sur le canapé de ta psychothérapeute. C’est juste une question d’équilibre en fait. "Et toi ? Toujours à chasser des criminels dans tout Brisbane ? Tu as toujours la parfaite excuse si tu veux vraiment partir en plus, je suis certain que personne ne t’en voudra." Tu ajoutes cela avec un autre haussement d’épaules, signe que tu comprendrais totalement, ce que tu ne comprends pas en revanche, c’est qu’on puisse venir ici et ne pas faire un minimum d’effort, pour toi, elle perd son temps, car il n’y a pas vraiment de solution miracle. Oui, c’est cliché à souhait et pourtant cela reste la vérité.
Olivia Marshall & @Edge Price ✻✻✻ Il m’avait été commode d’affirmer, durant un temps, que ma présence au sein de ces murs n’était qu’une embardée. Que cet exil en dehors de mes sentiers battus n’était qu’une parenthèse. Que cet arrêt de toute activité le temps d’une heure - parfois deux – toutes les trois semaines, le dos droit au fond d’une chaise qui n’en avait de confort que le nom, à écouter les ressentis plus tragiques les uns que les autres de tous et toutes, n’était qu’un impératif que l’on m’avait assigné, une condition à la reprise de mon activité professionnelle, une modalité qu’il me fallait honorer pour prouver à la direction que j’allais mieux sinon bien ; que je m’employais à me diriger vers cet état-là, celui qui rassurerait tout le monde à l’idée de me savoir dans les rues, l’arme au ceinturon. Mais les mois s’étaient écoulés, les années aussi désormais, et cette clause au maintien de mon insigne était aujourd’hui obsolète, révolue. J’y étais parvenue, supportant l’année de présence requise au groupe de soutien recommandé par le psychologue en charge de s’assurer de ma stabilité. Stable, pas bien. Qui pouvait se targuer de l’être, après tout ? Pas grand monde en ce lieu, et c’était en ce constat que semblait résider tout l’intérêt de ces réunions mensuelles - soupçonnais-je quotidiennes pour certains membres chez qui je peinais pourtant à discerner la moindre amélioration. Bien sûr. Bien sûr que nous n’étions jamais seuls à vivre une perte et à souffrir d’une absence. Bien sûr qu’il y en aurait toujours d’autres, traversant ces mêmes moments de peine, de vide et de silence, de colère et de sentiment d’injustice, incapables de vraiment saisir leur origine car il n’y en avait pas vraiment, les antécédents inexistants jusqu’à ce que la tragédie s’abatte. Bien sûr que sur dix personnes, huit interrogés baisseraient leur menton, gênés que quelqu’un d’extérieur puisse décrire avec tant de précision cette sensation qu’ils avaient l’impression de vivre, isolés, chaque jour, mais soulagés, soulagés finalement de se rendre compte qu’ils n’étaient pas seuls.
Et bien sûr que j'étais comme tous les autres sur ce sujet-ci. Je me rattrapais autrement, comme Edge le soulignait, tenant à me distinguer ailleurs, quitte à devenir la seule alors à ne pas l’admettre, à ne pas me confier, à refuser aux émotions de s’exprimer autrement que sobrement. À quoi bon lorsque ma seule présence suffisait amplement, à mes yeux, à confier sans mon accord que non, je n’en avais pas fini avec la peine, le vide, le silence ou la colère. Stable, pas bien. « Non, je ne pense pas être le seul à avoir remarqué, mais bon... c’est censé être un endroit où tout le monde se sent en sécurité, même les plus ... timides on va dire. » Je laissai un sourire vague s’échapper en l’entendant me reprendre, arquant un sourcil en attrapant son regard sans doute pour la première fois, le premier degré ayant cette vertu, au moins, de m’amuser. « Définitivement pas un fan du sarcasme, je prends note. » J'oubliais déjà, pour être honnête. Qu’il ne soit pas le seul à l’avoir remarqué paraissait être une évidence niée pour le seul principe de mon côté, principe auquel Price n’adhérait pas apparemment, s’empressant de réaffirmer à haute voix les maximes supposées régir l’espace de parole à quelques mètres de nous. « Hmm ? Oh non, je vais y retourner, je suis content d’être ici, de parler, ça permet de faire le point sur beaucoup de choses et ... de me dire qu’il y a un après pour moi, comme pour les autres. » Mon paquet retrouvant le chemin de ma poche avant qu’il n’ait fini sa phrase suffirait à lui signifier que je le croyais, sans doute aucun. Quelques minutes d’échanges auraient au moins suffi à prouver qu’il ne paraissait pas du genre à ironiser sur ce sujet-là et, quand bien même celui-ci précisément ne semblait demander de moi qu’une distance de parade, qu’une ironie grinçante, je pouvais bien entendre qu’il n’en était pas de même pour Price. Heureusement pour lui, dans ce cas. Faire le point et prendre conscience d’un après. C’est ce qu’il y avait sur la brochure, promesses chimériques que je n’avais fait qu’entendre de loin, pas assez arrogante pour autant pour penser à me moquer du fait qu’elles aient eu l’occasion de se réaliser chez d’autres, les rares chanceux. « T’as sûrement dû remarquer que je ne suis plus à la station de police, j’ai raccroché ça aussi, mais ça ne veut pas dire que je suis prêt à fonctionner comme une personne saine et équilibrée. » « Les personnes saines et équilibrées ne se vantent pas de l’être. T’es sur la bonne voie. » Mon sourire imperceptible vint se perdre dans de nouvelles exhalaisons, les cendres de ma cigarette sous la semelle de ma chaussure venant en faire de même.
« Et toi ? Toujours à chasser des criminels dans tout Brisbane ? Tu as toujours la parfaite excuse si tu veux vraiment partir en plus, je suis certain que personne ne t’en voudra. » Son haussement d’épaules aurait pu se joindre au mien si je lui en avais laissé l’occasion, ses doutes quant à la pertinence de ma présence par ici ayant du mal à ne pas transparaître malgré les précautions étant les siennes. « Tant mieux, ça risquerait de m’arrêter. » Absolument pas, s’il fallait de nouveau être honnête. Mais je levais pourtant vaguement les mains à hauteur de mon visage, simulacre d’excuses silencieuses. J’oubliais, définitivement pas un fan du sarcasme. J’étais supposée avoir pris note. Je plissais les yeux une seconde, soupirant presque de ne plus pouvoir m’en contenter, pour la forme uniquement lorsque j’assumais pourtant ce qui suivit : « Je ne cherche pas d’excuses, Price. » Je ne pensais pas en avoir besoin, allant et venant à ma guise dans les allées improvisées des chaises en plastiques soigneusement alignées à chaque début de séance, me présentant ici et me désistant à la prochaine car il s’agissait là de la seule et unique règle exigible par ici, selon moi : aucune obligation, d’être là, de parler, de pleurer, de sourire, d'aller mal ou d'aller mieux. L’erreur fondamentale se présentant uniquement lorsque les uns commençaient à penser devoir respecter un contrat permanent établi avec les autres ; l’union faite par le seul sentiment que, réunies, les peines libérées temporairement soulageraient l’infinité, rendant tolérable la vie qui poursuivait son cours, plus loin. « J’y retournerais quand j’aurais l’impression d’avoir plus besoin de ce qui se passe à l’intérieur que de ça. » Je ponctuais le mot en portant de nouveau la cigarette à mes lèvres. Cela prenait souvent un moment, mais ce dernier finissait toujours par arriver. Et il le savait, lui et tous les autres puisque je continuais de revenir. Pas à chaque fois, mais assez souvent pour que cela se voit. « C’était un choix alors, ton départ de nos services. » J’avais remarqué, oui. Et je ne me rendais compte que maintenant n'avoir pas pensé un instant que son absence ait pu être à sa convenance.
≈ ≈ ≈ {I'm in denial, deep in denial} crédit/ (rostovarps/tumblr) ✰ w/ @Olivia Marshall
Elle te dit que tu es sur la bonne voie et tu as presque envie de rire, ton sourire s’agrandit néanmoins à ces mots-là, c’est tout ce que tu te permets pour le moment. Car, et Olivia n’est pas vraiment censée le savoir, tu as entendu ces mots-là à plusieurs reprises depuis que tu as arrêté de boire, depuis que tu as décidé d’abandonner ton métier de photographe judiciaire... et depuis que tu as décidé de t’accorder une pause tout simplement. De la part de tes proches, de Yasmine, mais pas que... Tu ne vois vraiment pas les choses de cette manière-là; non, tu n’as jamais été quelqu’un de particulièrement optimiste, tu es une personne pragmatique à souhait, tu vois ce que tu as devant tes deux yeux, uniquement cela, le reste ? Ce n’est que du vent, c’est bien pour cela que tu n’es pas quelqu’un de particulièrement religieux, que tu ne te méfies pas de certaines superstitions et que beaucoup trop de fois dans ta vie, tu t’es contenté de foncer sans vraiment réfléchir. Trop de fois, et c’est seulement maintenant que tu réalises que la pédale de frein est là, qu’elle a toujours été là et que tu as toujours été capable d’appuyer dessus et prendre un peu de recul sur toute la situation. Tu le fais enfin maintenant, par nécessité, pour pouvoir survivre et te rapprochant dangereusement du mur que tu vois arriver depuis longtemps. "Hmm ? Sur la bonne voie ? J’en prends note, j’en parlerais avec ma thérapeute alors..." Que tu marmonnes donc, en guise de réponse, et Olivia t’en donne une de réponse. Elle préfère se contenter de sa cigarette, elle préfère laisser la nicotine lui noircir les poumons que d’imaginer une autre alternative. Et étrangement, tu comprends, probablement mieux que quiconque dans la petite salle, mieux que Casey, mieux que les autres volontaires. Car pourquoi parler quand la fumée est absolument parfaite pour étouffer toutes émotions, faire disparaître les doutes et ne laisser absolument rien d’autre qu’un sourire sur le visage. Pourquoi donc ? Oui, tu comprends, car c’était exactement ce que tu faisais avec chaque verre de whisky, avec chaque bière ouverte et chaque verre proposé, lentement et sûrement, sans vraiment y prêter attention, sans te dire qu’il y avait un problème. Du tout d’ailleurs. Sans voir les côtés négatifs et sans même considérer que tu avais un problème du tout, c’est seulement en arrêtant que tu as pu réaliser, par toi-même en plus, à quel point l’alcool jouait une part importante dans ta vie, et combien de poison tu mettais dans ton système et quotidiennement. "Je vois... mais je vais juste remarquer que parler de ce qui te tracasse à l’intérieur est un moyen un peu plus sain de gérer tout ça... Beaucoup plus sain." Tu fais l’observation le plus simplement du monde, encore une fois sans émettre de jugement car tu ne sais pas grand chose de la brune, si ça se trouve, elle se contente uniquement d’une cigarette de temps en temps et rien de plus, pas de quoi s’inquiéter... mais depuis quand est-ce que les gens font les excès dans la demi-mesure, personne de ton entourage ne se contente de peu, c’est pour cette raison que tu as coupé les ponts avec Ariel et ce même si c’est ta plus vieille amie. C’est triste à dire mais tu ne pouvais pas être entouré de ce genre d’énergie après avoir décidé de dire non à tes propres vices... mais bon, tu ne sais pas pourquoi tu songes à elle maintenant, cela n’était pas arrivé depuis des semaines, voire même des mois. Fort heureusement, Olivia te tire de tes pensées, te demandant si tu as quitté ton poste de photographe judiciaire de plein gré.“Yep, un départ totalement volontaire et ce peu importe ce que tu as pu entendre autour de la machine à café ou ailleurs.” Que tu ajoutes dans un léger rire, car tu n’as aucun moyen de savoir ce qui se dit maintenant dans les couloirs de la station de police, et cela ne te manque pas vraiment, l’avis des autres n’a jamais vraiment compté à tes yeux et tu as toujours fait ce que tu voulais, quand tu le voulais. “Après huit ans de bons et loyaux services quand même, il était temps de tourner la page...” Tu es dramatique à souhait avec cette phrase, tu le sais, c’est sûrement ta façon de détendre l’atmosphère et de confirmer à Olivia ce qu’elle pensait déjà. Quoi que, tu réalises que ce n’est pas trop commun dans cette ligne de métier, c’est souvent des démissions forcées ou alors pires qui poussent à tout raccrocher. Pas pour toi, pour une fois, ton histoire est ennuyeuse à souhait et tu en es même plutôt fier. “Pourquoi ? Tu croyais qu’on m’avait foutu à la porte, c’est ça?” Tu cherches à la faire rire en ajoutant cela et probablement culpabiliser un peu, légèrement, histoire de lui montrer que rien de ce qu’elle ne pourra dire sera pris sérieusement ou pourra même te vexer, ce n’est pas du tout le cas. “On a pas tous ta réputation irréprochable Olivia...” Que tu conclues, décidant d’employer son prénom et d’arrêter d’être aussi formel, ce n’est pas vraiment nécessaire vu la situation.
Olivia Marshall & @Edge Price ✻✻✻ Les quelques rares silhouettes vaquant encore à l’extérieur s’excusaient à présent en passant devant nous pour rejoindre l’intérieur. J’y jetais à peine un coup d’œil, la porte de nouveau grande ouverte l’espace de quelques instants, discernant pourtant sans le vouloir les scènes devenues habituelles en ce lieu. Casey prodiguait accolades et mots chaleureux à ceux dont les yeux demeuraient embués malgré la césure ; d’autres s’attelaient à réapprovisionner le modeste buffet supposé adoucir les maux à la fin de la séance ; le reste du groupe désormais familier scellait par touches de rires quelques encouragements dûment cautionnés pour ce qui restait à venir. Je m’extirpais du schéma par habitude et l’œil non averti pourrait sans peine, me semblait-il, imaginer ma bifurcation comme tentative de ne déranger ni la douleur, ni les efforts, ni la complicité. Mais c’était la mienne que je ne désirais pas jeter en pâture, les miens que je n’étais pas certaine de vouloir éparpiller et la dernière que je ne parvenais pas à partager aussi facilement. Rien ne l’était par ici, facile. Et si certains paraissaient s’en accommoder plus aisément, se réconfortant de la chaleur humaine et autres regards compréhensifs, cela se compliquait lorsque le mantra que je me souvenais m’être récité depuis mes plus jeunes années ; ce dont on ne parle pas finit par ne plus exister ; n’apparaissait jamais autant erroné qu’en ce lieu. Le paralogisme était grotesque ailleurs, accepté du plus grand nombre néanmoins. Ici, il s’exposait en négatif, s’affichait en lettres capitales sur les fronts de chacun. Tout était là, tout l’avait toujours été et tous le savaient. L’oubli véritable n’existant pas, il s’agissait de se confier sur ce qui ne serait pas allégé par ce dernier. Edge n’avait pas besoin d’être prêché, il semblait déjà en être convaincu, s’attaquant désormais à un esprit beaucoup moins ouvert à la conciliation : le mien. « Hmm ? Sur la bonne voie ? J’en prends note, j’en parlerais avec ma thérapeute alors... » Ses mots plus circonspects que son sourire venant s’agrandir n’éveillèrent chez moi aucune manifestation d’aucune sorte. Les deux pouvaient s’accorder, il le prouvait et je retrouvais finalement là l’ambivalence à laquelle je croyais davantage que toute autre bien-pensance. Je notais la confession nullement voilée néanmoins, celle qui ne semblait pas franchir la barrière de ses lèvres pour la première fois, celle qu’il assumait pleinement sans que je ne trouve aucune raison nécessitant qu’il ne le fasse pas : son recours à la thérapie.
« Je vois... mais je vais juste remarquer que parler de ce qui te tracasse à l’intérieur est un moyen un peu plus sain de gérer tout ça... Beaucoup plus sain. » Je laissais échapper un soupir cette fois-ci, plus à la pensée du café amer et des beignets trop gras supposés représenter l’option saine en question qu’à sa énième tentative de me rallier à une cause que je ne reniais de toute façon pas, ou pas totalement. Il ne le devinerait peut-être pas néanmoins, lorsque je ne pus m’empêcher d’arquer un sourcil en sa direction, secouant légèrement la tête avant d’expirer en même temps que ma fumée : « Continue la promotion et je vais finir par douter que tu sois ici bénévolement. » L’idée d’une commission perçue à chaque membre récalcitrant ramené dans le droit chemin du deuil lui seyait bien en effet. Et ce malgré les précautions qu’il employait pour ne laisser paraître aucun jugement à chacun de ses essais. Le fait que ces derniers se comptent d’ores et déjà, et en l’espace de quelques minutes, au pluriel suffisait à suggérer l’inverse mais l’étincelle amusée au fond de mes prunelles se chargerait seule de lui faire comprendre que la peine était perdue avec moi. Et puisque mon sort était scellé et qu’il n’y changerait rien, je me penchais sur le sien.
« Yep, un départ totalement volontaire et ce peu importe ce que tu as pu entendre autour de la machine à café ou ailleurs. » Son rire ponctua ce qui ressemblait à un tâtonnement de sa part, de ce qui se disait, de ce que l’on pensait savoir, de ce qui resterait dans son sillage. « J’écoute pas vraiment ce qui peut se dire à la machine à café, toi oui ? » Je répondais simplement, comme un écho. Il plaisantait peut-être mais je n’en faisais rien : les rumeurs effleuraient ma carapace comme un vent lointain ne parvenant pas à éveiller le moindre frisson de curiosité chez moi. « Après huit ans de bons et loyaux services quand même, il était temps de tourner la page... Pourquoi ? Tu croyais qu’on m’avait foutu à la porte, c’est ça? » Cette fois-ci, un sourire amusé s’esquissa sur mes lèvres que je délestais de leur cigarette et je haussais les épaules. « Les erreurs sont vite arrivées, c’est tout. » Ça ne l’était pas, non, tout. Rien n’était aussi simple lorsque les erreurs à ce niveau impliquaient une série d’évènements pouvant s’avérer décisive dans des affaires qui ne sauraient souffrir du moindre écart mais c’était cela, le métier. Et ce dernier englobait l’ensemble de nos professions, la sienne comme la mienne, m’indiquant qu’il en mesurait la portée autant que moi, oui, et qu’il avait ainsi décidé de s’en délester. « On a pas tous ta réputation irréprochable Olivia... » railla-t-il sans culpabilité aucune et j’arquai un sourcil, sans pouvoir empêcher mes lèvres de s’étirer en un sourire de nouveau imperceptible. « Je prends ça pour un oui, alors. » La machine à café, il semblait s’y être attardé, suffisamment pour s’aventurer sur ce chemin. Je l’y suivrais sans sourciller, qu’il ne s’y méprenne pas. « Mais arrête, tu vas me gêner. » Je feignais la fausse humilité pourtant, la sarcastique, la légère. Ma réputation n’était plus à faire et les élucidations à mon actif parlaient à ma place. Pour ce qui était du reste, cela ne resterait que bruits de couloirs et il était devenu presque trop aisé de dévaloriser toute opinion se construisant sur ces derniers pour que cela ne provoque chez moi le moindre tressautement. « C’est une bonne chose, de pouvoir raccrocher selon ses termes. » repris-je finalement en écrasant ma cigarette arrivant à son terme. Un luxe même. Les forces de l’ordre étaient cette vaste et écrasante entité au sein de laquelle les chemins semblaient légion. Les questionnements à notre portée semblaient rapidement se limiter à un seul : lequel choisir pour perdurer ? Les jeunes recrues, épuisées et désillusionnées, raccrochant au terme de quelques mois n’avaient plus rien de rares. Les plus expérimentés qui en faisaient de même en revanche, ceux dont la carrière demeurait encore en essor, ceux comme Edge, interpellaient, oui. « Mais tu n’imagines pas le nombre de prises de vue ratées depuis ton départ qui ne tiendront jamais face à la défense. T’aurais pu y penser avant de tout lâcher quand même. » Je souris à peine, le laissant déceler la plaisanterie de la franchise lorsque je choisissais la première pour lui faire savoir que son absence était remarquée. Que sa réputation l’avait été, aussi irréprochable que possible. « J’imagine que tes nouvelles occupations en valent le coup. » Que cela finissait de rendre le tout inconcevable à mes yeux quoique je n’y porte aucun jugement et que l’intérêt pour sa reconversion ne fût pas forcé.
≈ ≈ ≈ {I'm in denial, deep in denial} crédit/ (rostovarps/tumblr) ✰ w/ @Olivia Marshall
Tu esquisses un sourire aux premiers mots d'Olivia, comme si une promotion ou une quelconque rémunération aurait pu t'attirer dans un endroit comme celui-ci. Pas du tout, tu n'as jamais été de ceux qui sont motivés par la perspective de gagner plus ou de faire grossir leur compte en banque, pas du tout. Certes, ta propre mère bosse dans le domaine de la finance et ce d'aussi loin que tu t'en souviennes, mais du moment que tu as un toit au-dessus de ta tête et de quoi remplir le frigo et éventuellement te payer de vraies vacances une fois tous les ans ou même tous les deux ans... le reste ne t'a jamais véritablement intéressé, du tout d'ailleurs. Non, si tu es là d'abord, c'est en tant que bénévole, pour donner un peu de temps et de ta personne, et pour améliorer un peu la journée de quelqu'un ou le quotidien d'un parfait inconnu. Cette idée, qui remonte à bien loin maintenant que tu y songes, t'a toujours plus, peut-être que cela est en raccord avec l'éducation que tu as reçue. Tu as été élevé par une mère célibataire après tout et Tamara a toujours été la première à te dire de ne pas se fier aux apparences, de ne pas te contenter d'un simple regard pour juger les gens et de toujours tendre la main, car on ne sait jamais de quoi est faite la vie des autres. Pas de tendre la main de façon complètement naïve et innocente, non, du tout d'ailleurs, juste pour aider et apporter un peu de réconfort ou juste un sourire. Donc oui, cela te vient presque naturellement maintenant que tu y penses et est sûrement visible dans tous les aspects de ta vie... sauf que maintenant tu n'as plus juste la casquette de bénévole, tu fais partie de ceux qui se confient et espèrent que les autres seront là pour panser les blessures et pour aider. Et oui, se retrouver de ce côté-là de la balance est beaucoup plus effrayant, beaucoup plus. Tu n'étais certainement pas habitué ou préparé à autant de vulnérabilité, c'est un fait établi. "Est-ce le moment où je t'avoue que j'ai passé un deal avec Casey en fait ? Que je lui fournis ses mouchoirs et qu'elle me paye en muffins ?" Que tu marmonnes, le sourire facile, sachant que ce genre de troc te conviendrait parfaitement, maintenant que tu y songes bien. Mais non, ce n'est pas ce qui se trame ou pourquoi tu fais toutes ces remarques avisés à Olivia, loin de là, tu es juste curieux et tu sais qu'il est parfois, souvent, beaucoup plus facile de se pencher sur les problèmes des autres, plutôt que d'imaginer les siens, c'est aussi simple que cela. Vous avez un point commun cependant, votre boulot, du moins, c'était le cas jusqu'à il y a peu et quand tu lui adresses un compliment, enfin, cela en est un à tes yeux, la brune fait mine de ne pas t'avoir entendu, préférant être un brin sarcastique. Plutôt que d'accepter le fait qu'elle fait bien son boulot, là encore, tu te retrouves facilement dans le discours d'Olivia et sa manière de changer de sujet et de détourner l'attention, visiblement, vous maitrisez tous les deux très bien cette discipline. "Hmm vraiment ? Permets-moi d'en douter. Genre vraiment..." Que tu réponds donc à sa remarque, haussant les épaules l'instant suivant, pour enfin finir par éclater de rire, véritablement lorsqu'elle te flatte à son tour. Tu préfères le prendre comme une plaisanterie, car à tes yeux il ne peut s'agir que de cela et pas d'autre chose, véritablement. "Je sais, j'étais le seul photographe compétent du département, ils vont devoir virer toute l'équipe s'ils ne veulent pas que toutes les affaires finissent non-résolues..." Tu décides d'en rajouter, juste parce que tu peux le faire et cela est bien ton style dans le fond, et parce qu'encore une fois, tu serais le premier surpris si Olivia t'adressait un véritablement compliment, vraiment. Vous avez été des collègues, vous vous êtes déjà croisés sur telle ou telle affaire, mais cela n'est jamais allé plus loin que cela, et elle n'a pas eu à subir tes remarques et ton roulement d'yeux plus que légendaire face à des officiers et détectives parfois un peu trop zélés. "Fais attention hein, la flatterie marche super bien avec moi, genre, vraiment bien." Tu fais mine de lui donner un avertissement, au moins, elle ne pourra pas prétendre le contraire et tu hausses les épaules la seconde suivante. Olivia a surestimé beaucoup ce que tu fais ces derniers jours, tes activités principales sont de principalement lire, faire au moins trois sieste par jour, courir quelques kilomètres et passer le reste de ton temps libre avec Yasmine. Ni plus, ni moins. "Pas spécialement, j'avais juste besoin de faire une pause, après huit ans, juste de raccrocher et en d'autres termes que ceux de la justice." Et avec quelqu'un d'autre, tu auras très certainement besoin d'expliciter ce que tu veux dire par là, mais pas avec Olivia, ce qui est assez réconfortant dans un sens. Car certaines choses sont un peu trop compliquées pour être prononcées à voix hautes. "Ce genre de métier devient vraiment éreintant à force... et puis c'est super bien de vouloir jouer les justiciers, mais il y a un coup émotionnel dont personne ne parle." Ton sourire faiblit légèrement et ton regard foncé trouve celui de ton interlocutrice. "Ou alors c'est juste moi ?"
Olivia Marshall & @Edge Price ✻✻✻ « Est-ce le moment où je t'avoue que j'ai passé un deal avec Casey en fait ? Que je lui fournis ses mouchoirs et qu'elle me paye en muffins ? » L’idée d’un arrangement sur fond de pots-de-vin trop sucrés et de renvois d’ascenseurs tout aussi inoffensifs soient-ils m’arracha le même sourire que le sien, l’évidence notée que je préfèrerais cela aux leçons de morale distribuées gratuitement. « Tout le monde a un prix, elle a trouvé le tien. C’est qu’elle monterait presque dans mon estime. » Et l’ironie n’était jamais bien loin mais ne m’empêchait pas de le penser, au fond. Nul n’était aussi dénués de vices et de travers que semblait l’être Casey, je me méfiais de ceux se vantant sans cesse du contraire plus que du reste. Il y avait le deal de muffins et les dessous-de-table en kleenex à présent et je doutais bien trop pouvoir trouver quelque chose de plus croustillant que ça un jour pour me permettre de laisser passer l’information sans en jouer dès notre prochain échange. C’était celui-ci en attendant qui se poursuivait plus qu’il ne l’avait jamais fait au cours des dernières années à se croiser aux détours d’une affaire ou des couloirs du commissariat. Celui-ci qui me fit arquer un sourcil lorsque Edge se laissa aller à s’aventurer sur le terrain de nos réputations respectives. Je n’avais jamais pris la peine de prêter garde à ses fréquentations, d’analyser ses positions. Le flou demeurait entier quant à ses opinions sur les dizaines d’enquêteurs qu’il lui avait été donné de côtoyer au cours de sa carrière, interrompue en plein vol. « Hmm vraiment ? Permets-moi d'en douter. Genre vraiment... » Je lui permettais plus que de raison, s’il voulait tout savoir, et le sourire aux lèvres en plus de cela. Le doute me seyait bien, les interrogations laissées sans réponses également. Je recevais les compliments comme les soupçons de la même façon, observant ensuite mes interlocuteurs s’interroger sur ceux qu’il était perspicace de m’adresser. Mais Edge était parti désormais, son statut de collègue disparu et les langues se déliaient finalement lorsque tout n’avait eu intérêt qu’à rester professionnel jusque-là. « Je sais, j'étais le seul photographe compétent du département, ils vont devoir virer toute l'équipe s'ils ne veulent pas que toutes les affaires finissent non-résolues... » Il le prenait ainsi alors, calquant ses réflexes sur les miens et usant de l’ironie pour désamorcer ce qui n’avait pourtant pas besoin de l’être. « Ma dernière affaire classée restera celle des Rigby, je vais me faire une raison. » Je le suivais sur cette voie sans forcer, haussant même mes épaules pour forcer le trait que mon sourire amusé se chargeait déjà d’atténuer en contrepartie. Le dossier Rigby était le dernier me revenant en tête avec son nom figurant sur la liste des pièces à convictions. Bouclé depuis sans que cela n’ait rien d’exceptionnel tant la banalité de l’affaire fut flagrante dès les premiers instants, je n’arrivais plus à le dater avec précision, m’interrogeant ainsi sur le nombre de semaines s’étant écoulées depuis le départ d’Edge. « Fais attention hein, la flatterie marche super bien avec moi, genre, vraiment bien. » « T’es plus corruptible que t’en as l’air, décidément. C’est dommage, j’ai pas de faveurs à te demander. » Ni à lui ni à personne, l’habitude bien ancrée au fond de mes certitudes que j’explicitais, une lueur amusée dans le regard : « C’est le pire ensuite, quand on doit quelque chose à quelqu’un. »
Comment les avait-il occupées ces semaines ? Je n'essayais même pas d’imaginer les miennes si l’on venait à m’imposer des vacances que je m’acharnais à ne plus poser depuis plus de deux ans - ou plus, pour être honnête. « Pas spécialement, j'avais juste besoin de faire une pause, après huit ans, juste de raccrocher et en d'autres termes que ceux de la justice. » Ça n’était pas son cas, de toute évidence, lui qui venait de s’en offrir des prolongées sans regret aucun dans les inflexions de sa voix. Mon regard remonta dans le sien quelques secondes avant d’acquiescer silencieusement à ce qu’il ne prenait pas la peine de formuler autrement qu’à demi-mots. Il n’était pas le premier à les sous-entendre et j’y retrouvais ce qu’il n’essayait pas de dissimuler cette fois-ci, la fatigue inhérente au métier venant peser de son poids sur ses épaules pourtant larges. Je ne la jugeais pas, cette impression qu’il laissait en soulevant ces dernières qu’il ne regrettait pas de s’en être délivré. « Ce genre de métier devient vraiment éreintant à force... et puis c'est super bien de vouloir jouer les justiciers, mais il y a un coup émotionnel dont personne ne parle. » Je comprenais cela en l’écoutant livrer ce qui l’avait mené à terme, l’ambition unique de ne pas s’user davantage, de refuser le risque de se réveiller, à des années de cela, l’esprit fourbu de tout ce qu’il avait dû encaisser sans jamais s’ébranler. « C’est quand on n’arrive plus à prendre du recul qu’il est temps de se l’imposer. » C’était là sinon, que les erreurs, les fameuses, survenaient. Et lorsque l’erreur venait de notre camp, c’était celui adverse qui en bénéficiait, qui gagnait du terrain, qui prenait l’avantage. Il avait bien fait, je pouvais le reconnaître ainsi et sur ce point uniquement. Le reste, très personnel, ne me regardait pas et ne nécessitait de ma part aucun jugement.
« Ou alors c'est juste moi ? » Un sourire à peine visible vint s’esquisser sur mes lèvres face à l’assentiment qu’il semblait rechercher en trouvant mon regard. Étais-je capable de le lui donner ? Moi qui ne trouvais le repos qu’en ressentant cette sensation au fond du ventre d’avoir fait ce qu’il y avait à faire, et ce quitte à y laisser des plumes ? « Je suis sûre que deux ou trois personnes seraient capables de te rejoindre là-dessus. » consentis-je simplement, le sourire un peu moins imperceptible pour assouplir le sous-entendu ; ça n’était pas mon cas. Cela ne nécessitait pas pour autant, et de sa part, la moindre remise en question lorsqu’il était évident que deux ou trois autres, et bien plus en réalité, étaient prêts à tenir le même discours, à opter pour la même décision que la sienne. « Mais les limites de certains sont un moteur pour d’autres. Je sais exactement pourquoi je me lève le matin, c’est un luxe que je n’ai pas prévu d’abandonner. » C’était le seul qui me restait, à vrai dire, mais la confession n’irait pas jusque-là, d’ores et déjà bien plus poussée que tout ce que je m’étais laissée aller à révéler par ici. Je retrouvais mon paquet de cigarettes, la seconde ne tardant pas à rejoindre mes lèvres et la flamme à l’embraser. « Quand on a vécu le pire, même le plus difficile paraît clément. » repris-je sans emphase, n’essayant d’en projeter aucune sur le pire que j’effleurais ici, la mort de ma fille, celles des autres reléguées au rang du difficile uniquement lorsque je comprenais que les degrés différaient en fonction de chacun et n’avaient pas valeur de vérités. « Ou quelque chose comme ça. » Je laissais finalement échapper en exhalant la fumée, les sourcils froncés en une moue supposée détendre le tout, la citation surtout dont je doutais de l’exactitude sans que cela n’en change pourtant le sens.
≈ ≈ ≈ {I'm in denial, deep in denial} crédit/ (rostovarps/tumblr) ✰ w/ @Olivia Marshall
Quand elle te parle de sa dernière affaire, tu ne peux t’empêcher d’esquisser un sourire puis de hocher la tête. Tu as également ta dernière affaire en tête, rien de mémorable, la routine quand on considère les huits années que tu as passées au sein de la police de Brisbane, ni plus ni moins. Et oui, malheureusement, la routine existe dans tous les métiers et encore plus dans ce type de boulot, et encore plus avec un appareil photo entre les mains. Tu n’as pas que des mauvais souvenirs, heureusement pas, sinon tu ne pourrais même pas considérer une journée normale ou tu aurais fini par raccrocher il y a des années en arrière, pour te trouver une position beaucoup plus ennuyeuse et un peu plus stable. Sauf que tu ne fais pas l’ennui, cela se voit sûrement à ta carrure, à l’air que tu as souvent sur le visage ou le fait que tu sois une personne constamment active, tu as besoin de mouvement, tu as besoin d’action, de quelque chose qui te donne envie d’avancer, envie de te de lever le matin, comme vient de le dire Olivia. Tu te tournes vers elle, fronçant les sourcils, te demandant l’espace de quelques secondes si elle lit vraiment dans tes pensées ou pas. Aucun moyen de le savoir, ou alors la vie de tous les officiers est la même et personne ne te l'a dit, tu aurais aimé le savoir avant maintenant, c'est certain. "Hmm ouais je suppose, mais il y a plus sain comme motivation que son boulot, non ?" Que tu lances, tout simplement, dans l'espace entre vous, pas certains d'y croire toi-même en réalité. Parce que cela a été ton excuse préférée pendant des années, pour justifier la peine, pour justifier la connerie, pour te dire qu' au moins, tu as ton boulot, un but, un objectif, de quoi payer les factures et assurer un toit de ta tête. Tu n'as pas besoin de grand chose en dehors de cela, pas vrai ? Maintenant que tu es retourné à la case de départ, maintenant que tu es officiellement sans emploi, tu n'en es plus aussi certain. Tout est beaucoup plus flou de ce côté-là du miroir, c'est certain, tu ne regrettes pas ta décision, loin de là, mais tu as l'impression de faire face aux conséquences de cette dernière tous les jours, sans vraiment y échapper. Ce n'est pas un poids plaisant sur ta poitrine, certes, on s'y fait, on s'y facilement, mais ce n'est pas quelque chose que tu recommanderais à qui que ce soit. Tu es ramené à la réalité par la voix d'Olivia et si tu fronçais les sourcils la seconde précédente, tu lui lances un regard légèrement inquiet, là, juste pendant l'espace de quelques secondes. Le regard disparaît aussi vite qu'il est venu, peut-être qu'il est mal placé parce que vous ne vous connaissez pas si bien que cela et tu ne voudras vraiment pas qu'elle interprète cela pour de la pitié pas du tout, c'est tout le contraire d'ailleurs maintenant que tu y songes. "Est-ce que tu es en train de me dire que tu as vu le pire ?" C'est plus fort que toi, tu poses tout de même la question à voix haute, car, chose que tu es en train d'apprendre petit à petit, certaines questions ont besoin d'être posées à voix haute. Elles ne méritent pas forcément d'avoir des réponses, mais au moins, Olivia peut la considérer à loisir et décider maintenant ou par la suite ce qu'elle va en faire, ni plus, ni moins. "Tu n’es pas obligée de répondre hein, tu n’as pas à répondre d’ailleurs mais je crois que tu en as plus sur le cœur que ce que tu ne laisses sous-entendre donc..." Ou alors elle ne le fait vraiment pas exprès, ou alors il est plus facile de te parler à toi, ici, dehors, sans conséquence, et pas dans les locaux de la petite association, assis en cercles, avec des gens qui attendent le bon moment pour offrir des conseils et des mots de réconforts. "Peut être que tu as plus besoin de venir ici que moi." Que tu concèdes enfin et cette fois-ci quand tu t'écartes du mur, c'est pour de bon, tu observes Olivia et sa cigarette pendant quelques secondes, avant de finir par te décider et d'ouvrir la porte de l'immeuble, clairement pour t'y engouffrer, il n'y a pas de doute là dessus. "Allez j’y retourne, sinon ils vont vraiment se poser des questions alors..." Alors autant jouer le jeu, parce que toi tu as déjà pris ta décision et que les choses que tu as encore à cacher tu n'as pas besoin de les montrer ici, tu peux tout simplement les enfouir dans le sable et décider d'y revenir plus tard. Beaucoup plus tard. "Essaye quand même de passer une bonne soirée..."
Spoiler:
sorry pour le délais, on approche de la conclusion, non ?