Dans un mouvement de panique je me rattrape à l'encadrement de la porte de la pièce alors que mon équilibre est mit à mal à cause de la bâche qui est étendue sur le sol. Accroché au mur, mon regard se pose sur Sybbie qui me fixe avec surprise, pinceau en main avant que nous n'éclations de rire quelques secondes plus tard  « C'est dangereux de faire des travaux !» lançais-je alors que je me redresse, m'avançant vers ma colocataire  « 'mais comment vous vous êtes blessé ?' » imitais-je un médecin quelconque  «'oh, en faisant des travaux' » haussais-je les épaules  « 'Vous êtes tombé de l'échelle ?!'» je pince les lèvres en attrapant un pinceau  « 'Non j'ai glissé sur la bâche que ma colocataire a mal installée'» Et c'est dans un nouveau éclat de rire que je m'éclipse rapidement, évitant une attaqua intempestive de Sybbie.

Secouant la tête, toujours autant amusé, je retire mon t-shirt, que j'envoie en dehors de la cuisine, pour enfiler un autre vieux vêtement sur un jogging déjà délavé et troué.  « Bon, Moana est bien enfermée dans ma chambre entrain de dormir avec Puddsy » je regarde autour de moi puis hoche la tête  « On est parti ?» demandais-je en me tournant vers ma meilleure amie  «On est d'accord que cette pièce sera la pièce réservée aux chiens dorénavant hein ? » j'attrape la peinture verte  « Genre, t'es sûre à 100% que t'en veux plus de ce bureau » je trempe mon pinceau dans le seau  « Non mais parce que si je fais ça...» et j'étale une grosse trace de peinture sur le mur  « Y a plus de retour en arrière possible» dans un haussement d'épaules innocent je me tourne vers Sybbie, guettant sa réaction, large sourire sur les lèvres.

Les quelques pinceaux aux côtés de Sybille, assise en tailleur, attestent déjà de l’organisation bordélique dont vont faire preuve les deux colocataires. Dans sa main droite, elle tient les nouveaux pinceaux. Parce que, oui, elle n’avait pas pu s’empêcher d’aller en chercher de nouveaux. En même temps que des planches et des vis, histoire d’avoir une excuse. De l’autre, elle se gratte la tête, perplexe, comparant les quelques pinceaux qui sont déjà prêts à faire preuve de leur talent. Elle relève la tête après un petit moment dans ses pensées, la tête plus qu’étonnée vers Clément qui visiblement a manqué de glisser sur cette bâche. Elle ne peut s’empêcher de rigoler avec sa plaisanterie, qui est du Clément dans toute sa splendeur, qui en profite pour s’éclipser le plus rapidement possible. C’était sans compter sur Sybille la bavarde qui se dépêche de se relever, la tête dans l’encadré de la porte. « Encore une excuse pour pas bosser, ça ! » lui lance-t-elle avant d’éclater de rire. Rire qui résonne énormément dans la pièce vidée par leur soin la vieille. Elle voit de loin le t-shirt de Clément valser. L’idée qu’Ambroise serait prêt à littéralement vriller en voyant les deux bordéliques lui enlève son sourire. C’était le plus difficile dans la rénovation de l’appart’. Effacer les derniers souvenirs de son père et de son frère. Même si ça venait d’une idée plus que bonne, celle-ci lui serrait l’estomac.

De retour, Clément lui assure que tout est prêt. Elle hoche la tête comme une gamine de huit ans qui écoute son instructeur. Elle reste la bouche grande ouverte quand elle voit sa trace peinture. « Maiiiiis. Tu déconnes ! J’voulais le premier coup de pinceau ! » Sybille fait une moue, boudant, dans une humeur presque grotesque, avant de copier Clément afin de peindre elle aussi à l’arrache le pan de mur en face d’eux. C’était désormais une croix qui se dressait devant eux. Elle déglutit. « Ok, le salon, ce sera moi la première. », terminant en haussant les épaules, adressant un clin d’œil au danseur. « On a plus le choix, maintenant. Alors let’s go ! » Elle tourne les talons, et se prend elle aussi la bâche qui s’amuse autour de ses vieilles Converse jaune canard, mais fait semblant de ne rien remarquer pour que Clément ne se moque pas de son installation à nouveau. « Je sais que tu vas râler. Mais …. Va falloir que tu subisses … » La jeune brunette se baisse, et allume la radio mobile qui se trouve en plein milieu de la pièce, en lien avec son smartphone, et d’une voix des plus étranges continue : « çaaaaaa ... » Se relevant avec dans son dos la musique qui retentit des Deee-Lite qu’elle utilise toujours pour faire le ménage ou la vaisselle le plus bruyamment possible dans l’appartement, mais qui la mettait toujours de bonne humeur, prête à lâcher ses premiers pas de danse de la journée pour exaspérer Clément.

 « Toutes les excuses sont bonnes, tu le sais bien combien je déteste travailler» que je roule des yeux alors que je viens chopper un pinceau puis un seau de peinture.  «Tu vas encore devoir t'occuper de moi et supporter toutes mes jérémiades !  » je laisse échapper un rire, amusé et en même temps absolument pas sérieux alors que je m'avance vers le mur, Sybbie s'insurgeant sur le fait que ce soit moi qui ait mit le premier coup de pinceau, en faisant de même de son côté pour se venger. Je secoue la tête, roulant à nouveau des yeux avant de plonger à nouveau mon pinceau de la peinture.

Alors que la brosses étale la couleur de manière totalement égale sur la surface plane, c'est un sourire empreint d'une douce nostalgie de qui s'affiche mon visage  « Tu sais ce que Bonnie nous dirait s'il nous voyait repeindre cette pièce maintenant ?» demandais-je. Cette question n'attendait pas forcément de réponse, mais j'étais tellement persuadé que Sybbie me répondrait que je me retourne quelques instants plus tard, mon regard cherchant celui de ma meilleure amie, surprit par le fait qu'elle soit restée silencieuse. Et pour cause ! Je la vois penché sur son smartphone avant que de la musique ne retentissent dans l'enceinte portative.  «Putain ... » Le Dee-lite. Qu'est-ce que je peux détester cette musique. Du même niveau que Abba : de la merde.  « Non mais si tu veux qu'on s'entende bien et qu'tu finisse pas avec un pinceau au fond de la gorge, tu vas changer de musique» le regard et le sourire mutin de la jeune femme me font rapidement comprendre qu'elle ne compte pas changer quoique ce soit.

 «Sybbiiiiie …. » reprenais-je sur un ton menaçant avant de reposer mon pinceau dans un soupire. D'un pas décidé de m'approche d'elle et attrape le smartphone que je déverrouille sans problème.  « On va plutôt mettre ça» dis-je en reposant le téléphone tandis que la voix de Bonnie Tyler retentit dans la radio portative  «Voilà qui est mieux. Un jour ton héro viendra  » c'est avec un sourire compatissant que je tapote le dos de ma meilleure amie  «Ou ton héroïne, hein. Je juge pas » j'hausse les épaules  « Sauf si elle est en blanche et en poudre. La je juge, avec force »

Dans son dos Clément lui pose la question de ce que Bonnie aurait dit, elle n’y répond pas mais soupire à la place. Même après tout ce temps, son absence ne s’était jamais comblé. Elle était étonnée d’entendre son surnom alors qu’elle y pensait littéralement quelques secondes auparavant, mais elle était aussi contente de voir que Clément y pensait aussi, encore et toujours. Mais le temps de mettre la musique, Clément lui saute dessus à peine deux notes entendues venant de l’enceinte. A croire qu’il connaissait ce numéro par cœur. Le sourire de Sybille s’étend jusqu’à ses oreilles, trop fière d’elle. Trop fière de l’avoir agacée avec son morceau, qu’elle sait à coup sûr le saoulera plus que tout. Son côté taquin ne faiblit pas non plus au fil des années, bien au contraire. « Mais quel rabat-joie ! » Voyant que celle-ci n’est pas décidé à faiblir devant sa menace, il prend les commandes. Tapotant son code pour déverrouiller le smartphone aussi facilement que si c’était le sien, il change sa musique pour du Bonnie Tyler, qu’elle ne peut refuser. « Héros, héroïne … T’as plus d’espoir que moi, vu comment c’est mal parti ! » Sybille croise les doigts de ses deux mains, grossièrement, devant les yeux de Clément à quelques centimètres seulement. Pour le moment elle ne pouvait qu’espérer un sugar daddy, mais au moins ils auraient encore plus de fonds pour relooker l’appart.

Elle relève juste le regard vers Clément qui se trouve à quelques centimètres d’elle, levant les yeux vers le Neo-Zelandais qui la domine de plusieurs centimètres. Un regard faussement désespéré, elle se recule énergiquement, à deux doigts de trébucher à nouveau sur la bâche. « Elle me stresse cette musique, c’est toujours celle que t’utilises pour notre cardio’. » Sybille s’embarque dans quelques jumping-jacks en plein milieu de la pièce. « Enfin ... essayer de me faire faire du cardio. » Son petit rire mignon parait un peu mesquin. C’était pas peu dire. Ce petit effort la fait déjà souffler à peine quelques secondes plus tard. « Okaaay, jsuis déjà épuisée. Neeext. Quel enfer le sport. » Elle en profite pour augmenter un peu le son, et s’attache les cheveux dans le chignon le plus bordélique au monde possible. « Ok, bon. J’me mets sur ce mur là, on ira bien plus vite. De toute façon on a deux couches à mettre. » Elle se tourne à nouveau vers son ami avant d’éclater de rire d’elle même, devant tant de sérieux. Un éclat de rire à deux doigts de la faire pleurer. « Ridicule. A deux doigts de me croire dans Tiny House Nation ! », l’émission qu’ils avaient binge-watché sur Netflix il y a quelques temps déjà à deux, ou plutôt à trois avec Moana. Elle s’abaisse à nouveau, cette fois-ci essayant de trouver le rouleau parfait pour le nouveau mur vert.

J'hausse les épaules, levant légèrement les mains en pinçant les lèvres en une moue innocente lorsque Sybbie me dit que je suis rabat-joie  « ça, c'est parce que j'ai appris de la meilleure» soufflais-je avec un clin d'oeil en allant la bousculer avec mon épaule. J'éclate ensuite de rire lorsqu'elle reprend qu'elle n'aura sans doute jamais de Héros -ou d'héroïne- vu comment c'est mal parti  «Un jour l'amour te tombera dessus sans que tu saches pourquoi ni comment et ...hoplà. On pourra faire des double date méga cheesy et tout ! » je lui adresse un large sourire puis grimace  « Sauf si tu te met en couple avec une meuf. Dans ce cas c'est mort parce que les gay et les lesbiennes ne se mélangent pas. C'est la règle suprême de l'homosexualité !» que je reprend sur le ton de l'humour. Heureusement que Sybbie elle le connaît, mon humour de merde !

Attrapant ensuite un pinceau, j'allais me mettre à peindre lorsque ma coloc commence à faire des exercices de cardio. Je l'observe, intrigué, arquant un sourcil puis pouffe de rire, me moquant ouvertement de ma meilleure amie et de sa non aptitude à faire du sport correctement.  « T'es pas croyable ...» secouais-je la tête, roulant théâtralement des yeux  « Sérieusement, avec qui je vais pouvoir reprendre la muscu, hein ? » demandais-je, une moue faussement triste sur le visage  «J'ai trop perdu avec le confinement  » dis-je en relevant un peu mon t-shirt, enfonçant mon doigt dans mon ventre  « C'ta faute aussi !» m'exclamais-je subitement  « Toi et tes muffin, tes waffles et tes pancakes. Et tes bières aussi, et ...» je me tais et me redresse  « D'ailleurs ouais, voilà ce qui manque !» reposant mon pinceau dans le seau, je sors de la pièce, vais dans la cuisine et reviens avec deux bières décapsulée. J'en tends une à ma colocataire puis fait tinter ma bouteille contre la sienne.

 «Allez, faut qu'on s'y mette ! » nous motivais-je en déposant ma bière sur le sol  «Mais Tiny house c'est trop bien !  » je récupère mon pinceau et étale la couleur sur le mur  « Va aussi falloir que tu fasse ton beau dessin de dog sur le mur du fond» reprenais-je en me tournant vers Sybbie  «Tu veux pas le faire d'abord ? Ça te prendra plus de temps, comme ça je m'occupe de la peinture des murs »

Clément se plaignant de trop manger était une habitude de toujours, même si elle savait qu’il adorait ça, elle ne pouvait s’empêcher de croire qu’il était (encore une fois) rabat-joie. « Absolument toute l’Australie remercie Clément pour avoir fait le cobaye et m’avoir permis de m’améliorer en pâtisserie. » lui répond-elle, les bras en l’air pour mimer une prière venant de l'au-delà. « Surtout que t’en redemandais. T’en redemande toujours ! » Elle hausse les épaules, ils étaient de toute façon aussi gourmand l’un que l’autre. Quand Clément se plaint d’avoir pris du poids (c’est comme ça qu’elle le comprenait), elle rigolait encore une fois, ne le croyant pas une seule seconde. « Tu parles de quoi ? de ça ? » Faisant mine de palper les abdos de Clément, qui avait toujours été extrêmement musclé, mais en ce moment il avait des abdos en béton. Ce qui n’était pas pour déplaire absolument toutes les amies de Sybille qui ne comprenait pas comment elle ne pouvait pas tomber sous son charme. « Non mais je rêve … » hochant la tête, repartant sur son pan de mur, désespérée.

Après avoir presque terminé de peindre les coins du pan de mur, Clément revenait avec deux bières fraîches décapsulées pour l’occasion, ce qui provoqua chez la jeune australienne un long soupire de bonheur, à presque crier, montrant sa joie ultime. « Ok t’es parfait, j’te garde pour moi. Tant pis pour Loan. »  Elle rigole à nouveau, et trinque sur la bière de Clément. « Tchiiiin. », avant de boire une énorme gorgée. « La descente des habitués. » Posant sa bière sur l’escabeau pour le moment, Clément lui rappelle leur projet de la fresque sur le pan de mur à droite de l’entrée. « T’es sûr ? » Sybille se relève, le regard vers Clément, puis son pinceau. « Tu veux pas que je t’aide pour le reste ? » C’était un travail d’équipe, après tout. « Un-deux-trois vendu ! », le plus rapidement possible pour qu’il ne puisse pas dire que non. La jeune brunette repart en trombe dans le couloir pour y regagner sa chambre. Quelques minutes après elle revient dans l’ancien bureau nouvellement chambre-à-chien (le nom est encore à trouver) avec son carnet à la main. « On est d’accord, on part sur celui-là, hein ? » Ouvrant son immense carnet vers Clément, avec le dessin qui lui avait pris des heures, surtout pour les détails du bandana, et la pose des deux chiens. « On oublie l’autre, vendu ? » Les deux colocataires avaient eu un débat d’une importance capitale sur ce dessin, à deux doigts de faire un tableau “pour” et “contre” répertoriant les arguments de chacun. Dans les deux cas, le dessin de Sybille faisait l'affaire, mais c'était le débat du siècle. « J’vais chercher ce qu’il faut. » Sybille repart à nouveau, allant chercher cette fois-ci les petits pinceaux dans le couloir qui n'attendaient qu’elle. « Te-ma la dégaine. Sybille peintre en bâtiment. », revient-elle fièrement avec la sacoche accrochée au bassin, la plus fière au monde. « Eh, eh ! Look ! », vexée que Clément ne se tourne pas immédiatement vers elle, alors qu’elle prend la pose la plus masculine au monde, faisant le signe du Wakanda avec ses pinceaux. « Non, je déconne. Sybille artiste mondialement reconnue. », avant de pouffer de rire, remettant la sacoche comme une vulgaire banane des années 90/2000, prête à entamer le plus gros morceaux : les contours.

Lorsque Sybbie lève les mains en l'air telle une prière disant que toute l'Australie me remercie d'avoir été cobaye pour tester ses pâtisseries.  «Ouais ouais, c'est ça » que je roule des yeux   «Rappel-toi que je suis égoïste et que je préfère t'avoir pour moi, toi et tes pâtisseries » j'hausse les épaules avec toutes l'innocence du monde avant de me plaindre du fait que j'ai pris du poids -ce qui n'est pas tout à fait faux en vrai. Même si, avouons-le, je n'ai jamais été autant en forme que ces derniers temps, il faut dire que ces dernières semaines je me suis laissé un peu trop aller et tenter par les bonnes choses de Sybille. Celle-ci, d'ailleurs, s'avance vers moi et appuie mes paroles en tâtant mes abdo.

Je roule des yeux et repousse sa main en rigolant doucement, décidant en même temps d'aller chercher deux bières. En revenant et après avoir donné une bouteille à ma meilleure amie, celle-ci me dit qu'elle me garde pour elle et tant pis pour Loan.   «Je ne suis pas un objet et je n'appartiens à personne » que je m'insurge avec ironie avant d'hausser les épaules   « Quoique … » j'écarte les mains imitant une balance qui penche d'un côté et de l'autre   «Pâtisseries délicieuses, sex délicieux... pâtisserie ...Sex ... » j'hausse les épaules   «Sorry ma chérie, mais c'est le sex qui l'emporte quand même un peu  » je lui adresse un clin d’œil et un large sourire.

Je recommence alors ma peinture de mon côté avant de rappeler à Sybbie qu'elle a une fresque a peindre. Sans plus attendre, elle abandonne son pinceau pour aller récupérer son carnet de dessin avec lequel elle revient, me montrant le dessin sur lequel on s'était mit d'accord   «Yep, il est parfait celui-ci » approuvais-je avant de reprendre la mise en peinture du mur, ignorant, dans un premier temps, ma meilleure amie qui dit avoir la parfaite dégaine de la peintre en bâtiment, s'insurgeant lorsque je ne me retourne pas. Soupirant doucement, je fini par jeter un coup d'oeil dessus de mon épaule mon regard se posant avant amusement sur ma colocataire qui a vraiment une drôle de dégaine. Me faisant me signe du wakanda avec ses pinceaux, elle se reprend, disant qu'elle est plutôt une artiste mondialement reconnue.   « Ouais ouais c'est ça» dis-je sur un ton faussement las   « Vas-y, va déjà faire ta fresque et on en reparlera» la pressais-je   «Et que ça se transforme en chien anges qui flottent tout nus sur un nuage hein ! » c'est the référence à Modern Family, la série que nous pouvons regarder encore et encore sans nous en lasser.

Sa remarque la désespère tellement qu’elle lève les yeux au ciel et souffle désespérément, habitude qu’elle s’est très certainement approprié de Clément ou de son frère. Mais finalement, le prenant au mot, c’est une certaine remarque qui la fait sourire. « Délicieuse ! Attends, tu as dis délicieuse ?! Rien que ça ! » Trop fière de l’entendre enfin faire ses aveux sur sa nourriture après des années de critiques, elle ne pouvait qu’en rire. « J’suis trop émue. Choisir ça à la place de la bouffe, by the way, faut être vraiment fou. » Elle n’allait de toute façon pas argumenter, sachant qu’il continuerait très certainement dans sa conversation, lui donnant des arguments qu’elle ne voulait pas entendre dans ses petites oreilles naïves. Après tout, elle n’avait pas de point de comparaison. Les cupcakes gagnaient donc haut la main.

Attaquant enfin la fresque, elle commence par l’ossature (comme elle aimait appeler) de l’immense peinture qui recouvrait tout le mur. C’était très certainement l’idée qui l’avait le plus excité dans cette idée de reconversion du bureau, avec le fait de faire des petits meubles en bois, customisés de leurs propres mains. Lorsque Clément lui parle de la fameuse référence d’une des séries qu’ils adorent, son sourire s'élargit, gardant les yeux tout de même sur sa peinture. D’ailleurs, elle a déjà du noir partout sur ses mains. « Eh oh ! Me donne pas d’ordre, Claire Dunphy ! » Sybille éclate de rire, trop fan des fresques dans la série, qu’elle avait toujours trouvé mignon, mais surtout, inspirant. « Le détail le plus important c’est la truffe en cœur de Pud’ ! » Le dernier arrivé était déjà sur un piédestal, et c’était loin d’être terminé. « Et le bandana trop mignon de Moana, évidemment ! Son bandana préféré. » Les couleurs seraient vives, et la fresque donnerait la joie de vivre à n’importe qui. « Tu crois qu’on pourrait en faire une, pour le refuge ? Olala, si ils voyaient la chambre qu’on va faire ici … » Elle ne termine pas sa phrase, trop concentrée par le tracé dont elle essaye d’être la plus précise possible. « Ils diraient qu’on n’a jamais été aussi … gaga. » Et c’était pas peu dire. Elle se tourne enfin, histoire de voir aussi, par curiosité, où en était Clément dans l’avancée de cette peinture verte.

J'ai toujours eu un bon franc parlé, d'autant plus avec Sybille. On ne se cache rien, elle et moi. Je crois qu'elle est la seule personne sur terre de connaître absolument tous mes secrets et toute ma vie. Des gros secrets allant de la mort de mon frère au Tsunami jusqu'aux plus petits. Je n'hésite pas non plus à lui parler parfois de ma vie sexuelle bien que j'en reste au stade superficiel allant parfois un peu plus loin juste pour embêter ma colocataire car je sais que ça la met mal à l'aise. D'ailleurs, son brusque changement de sujet me le prouve alors qu'elle préfère réagir au fait que j'ai dit que ses pâtisseries étaient délicieuses.  « vas-y, comme si je ne t'avais JAMAIS complimenté de ma vie» que je roule des yeux, sur un ton faussement offusqué  «Et un jour, quand tu seras à ma place, tu comprendras pourquoi je choisirais le lit et les bras de Loan au détriment de la bouffe » je laisse échapper un rire amusé puis reprend la peinture.

En même temps, j'en profite pour dire à ma meilleure amie qu'elle devrait plutôt dessiner la fresque que nous avions prévus. Chose dite, chose faite : Sybbie va dans sa chambre et revient avec son carnet de croquis et le reste de matos. Nous nous mettons une dernière fois d'accord sur le dessin puis je retourne à mon travail en faisant référence à notre série préférée et les fresques qu'on y trouve. Du tac au tac, la jeune australienne me traîte de Claire Dunphy et je me retourne, inclinant légèrement la tête sur le côté. Je plisse des yeux, intensifiant mon regard sur Sybille puis hausse les épaules  «Bien. Tu change enfin de disque » dis-je avec ironie, lui rappelant indirectement qu'elle préfère me comparer à Pepper la drama queen par excellence.

Elle reprend ensuite en disant que le plus important c'est la truffe en cœur de Puddles ainsi que le bandana préféré de Moana et j'hoche la tête  « Oui, et le sourire de ma princess aussi et le mlem le Puddsy !» que je reprends en m'avançant à nouveau vers ma meilleure amie qui me demande si le refuge accepterait qu'elle fasse un dessin géant sur leur mur  «Je suis persuadé que ça leur fera plus plaisir ! » hochais-je la tête  « Et je crois qu'ils savent à quel point on est gaga et que ça ne choquerait personne de savoir qu'on transforme ce cagibi/bureau/pièce fourre tout en chambre pour chien» haussais-je les épaules alors que je viens passer mon doigts plein de peinture sur la joue de Sybbie  «Oh ça va, pas besoin de devenir verte de rage ! » que je m'exclame avant de repartir assez rapidement vers mon coin, dès fois que Sybbie voudrait répliquer.

Les quelques coups de pinceaux qui suivent sont plus secs, venant d’une Sybille qui sûre d’elle, et déjà prête pour s’engager dans cette fresque qui lui tient à cœur. Elle avait déjà eu l’idée de cette fresque il y a quelques années, pour en créer une dans sa chambre, mais finalement le projet avait été avorté bien tôt, par manque de temps principalement. Elle était donc trop heureuse de pouvoir enfin mettre un peu de ce qu’elle aimait faire dans l'appartement. Souvent, dans les colocations, la décoration est un peu mise de coté, histoire de faire un endroit simple et accepté de tous. Cet appartement avait toujours été décalé, coloré comme elle l’aime, parfois bordélique aussi, mais l’idée de renouveau les avait bien botté, à Clément et Sybille. L’idée aussi de repartir sur de bonnes bases était la première qui lui était venue à l’esprit. Même si c’était Clément qui avait récupéré la chambre d’Ambroise, l'appartement restait celui qu’elle avait hérité, et après tout : l’appartement MacLeod. Le positif dans tout ça serait d’aller de l’avant. Et c’était bien plus qu’un besoin, et Clément l’avait bien compris lui aussi. Ils commençait par le relooking de ce cagibi, puis ils termineraient par la déco du salon / salle à manger. Elle avait, elle, l’optique de refaire sa chambre aussi, à cent pourcent.

Clément approuve cette idée à laquelle ils étaient rattachés en tant que “gaga” de chiens, ce qui la faisait bien sourire, alors qu’elle s’attaquait au tracé des pattes de Moana. Ouvrant la bouche pour lui rétorquer ce qu’elle pouvait bien penser, ce dernier en profiter pour lui mettre de la peinture sur la joue, étonnée qu’il ne l’ait pas fait plus tôt. « Nooooon, Clem’, pas ça ! » Se relevant rapidement, laissant son pinceau sur la bâche déjà colorée par leurs peintures. S’essuyant la joue avec son vieux pull qu’elle avait dû voler à son frère il y a des années (celui d’un vieux groupe de rock), elle le tâche d’une peinture bien verte, sachant que sa propre joue en était assortie. « Tu pouvais pas t'en empêcher, hein ? » Essayant de retirer à nouveau cette peinture sur sa joue, elle souffle. « T’as de la chance que j’y tiens, à cette chambre, sinon je t’aurai gâché tout ton boulot. » Elle hausse les épaules, faussement boudeuse, alors que ce dernier se dépêche de retourner dans son coin. Elle voulait gâcher son mur avec de la peinture, pire, lui en mettre dans ses cheveux (ce qui est bien chiant à enlever!), mais elle se ravise. Tournant les talons, elle se remet sur la fresque, reprenant ses pinceaux, bien décidée à la terminer. « Tient, au lieu de faire l’idiot, viens m’aider un peu. ça te changera … », lui montrant l’escabeau dont elle aurait besoin pour peindre le haut de la fresque, bien trop petite, mais ayant trop peur de tomber et du vide en haut de celui-ci. « J'ai clairement pas envie de tomber, tu peux la tenir le temps que je termine les oreilles ? »

C'est un large sourire plein de fausse innocence que j'offre à Sybbie lorsqu'elle s'insurge sur le fait que j'ai essuyé de la peinture verte sur son visage.  «T'aurais du t'en douter » haussais-je les épaules, m'exprimant sur un ton comme si c'était la faute de la jeune femme que je lui offert un maquillage à la hulk  « On ne peut pas me mettre de la peinture dans les mains en espérant que je ne fasse pas de connerie» et je roule des yeux alors que je reprend mon travail, ignorant la fausse menace de ma meilleure amie. Comme elle le dit elle-même, elle aime tellement cette pièce et l'idée qui est derrière tout cela, qu'elle n'oserait jamais faire quoique ce soit qui aille à l'encontre de la mise à bien de cette œuvre.

Elle finit toutefois par solliciter mon aide et je m’exécute promptement.  « ça va ? Tu vas tenir le coup ? T'as pas trop le vertige ?» me moquais-je ouvertement alors qu'elle grimpe sur l'escabeau  « Attention,t'as fait attention au poids maximum que cette petite échelle peut supporter ? Pas qu'elle s'écroule parce que t'as un peu trop forcer sur les snax pour humain» Elle le sait parfaitement que tout cela n'est que blague et ironie  «Allez ça va je rigole, concentre toi. L'oreille de Moana ne ressemble pas à ça ! Et la langue de Puddsy n'est pas aussi longue » que je commente le travail de ma meilleure amie, tenant fermement l'échelle.  «Et n'essaie même pas de me kicker parce que j'ai ta vie entre mes mains, littéralement » répondais-je en désignant l'échelle.  «Allez, t'es la meilleure » l'encourageais-je, histoire de me rattraper un peu de toute cette critique que je lui offre un peu trop facilement.

Le visage de Sybille, encore taché de vert sur sa joue droite essaye de se concentrer sur la peinture en face d’elle, ce qui se traduit par une langue sortie pour pouvoir se concentrer le plus possible (c’est prouvé scientifiquement - selon elle), et les sourcils froncés. Les quelques coups de pinceaux sont immédiatement commentés par son cher colocataire qui tient l'échelle fragile avec un sourire en coin. Elle souffle à nouveau, à croire que c’est à cause d’elle qu’il est devenu aussi bavard. « Non, mais je rêve ? », à deux doigts, presque, d’être vexée devant sa remarque qu’elle voulait insinuer de grossophobe, si elle ne savait pas qu’il déconnait. Elle lui passe une main dans ses cheveux comme vengeance pour le décoiffer le plus possible, avant de rire devant sa touffe de cheveux indomptable. Se tournant à nouveau vers la peinture dont elle essaye de se concentrer le plus possible. « J’sais pas si j’dois - » son coup de pinceau termine la truffe du jeune pud’ « avoir » sa peinture se fait plus rapide, terminant le d’ajouter les couleurs au petit ventre doux de Moana « confiance … » prenant un peu de recul pour voir si la fresque rend bien, tout en faisant attention à ne pas vaciller « en toi ... » se retournant vers lui complètement, essayant de garder la tête haute, ne montrant pas du tout qu’elle avait peur de tomber, même si elle savait qu’il tenait cette échelle d’une certaine force. Lorsqu’il lui demande de ne pas lui faire de kick, elle rigole naturellement, gardant tout de même le regard en face d’elle, se dépêchant de terminer ce qu’elle voulait, tout en donnant tout ce qu’elle pouvait pour s’appliquer. N’arrivant pas à sortir plus de mots pour le moment - beaucoup trop concentrée -, elle arrive à terminer ce qu’elle voulait, du moins pour le haut de la fresque. « Et là, t’en penses quoi ? » Posant sa main sur le côté de de l'échelle, essayant de cacher le fait qu’elle craint toujours que Clément lâche celle-ci, l’autre sur la hanche. Clément avait toujours été son plus grand fan, et c’était aussi grâce à lui qu’elle avait su prendre confiance et apprendre à aimer ce qu’elle faisait. Ou du moins, accepter de montrer ce qu’elle pouvait faire, au lieu de tout garder pour elle. « En vrai, je pense m’arrêter là. Je terminerai les détails avec une deuxième couche pour le blanc, ici, mais quand ce sera sec. » Elle pointe du doigt un coin de la fresque, qui est encore fraiche ; tellement que ça se voit à l’œil. « Eh, franchement, ça claque, non ?! » Un sourire se dessine sur son visage, alors qu’elle remet un dernier coup de pinceau sur l’une des pattes d’un des chiens. « Soit franc, t’en penses quoi ? », les yeux toujours rivés sur la peinture qu’il ne faut surtout pas toucher. « Pourquoi je dis ‘franc’ ? Comme si c’était possible autrement ? » continue-t-elle avant d’exploser de rire. « Vas-y, tiens moi. », sautant littéralement sur Clément, ne le prévenant pas, enroulant ses bras autour de lui, pour descendre du haut de l’escabeau comme un couple de gymnastes rythmiques, mais en plus calme. « Pfiou ! », passant une manche devant son visage pour se débarrasser de quelques taches de peintures qui avaient pu venir lui tacher le visage, et reculant le visage fixé vers les deux chiens heureux sur le pan de mur. « Oh, je sais, attend ! » Sybille reprend son smartphone, navigant sur ses applications, elle relève les bras pour pointer son iPhone vers Clément. « Décale l’escabeau, j’vais envoyer une photo à Bonnie. » Prête à prendre la photo elle ajoute : « Vas y prend la pose fièrement devant. M’en veut pas si tu finis sur instagram. »

Ça me fait vraiment plaisir de transformer ce bureau en chambre pour chien. Et pour rien au monde j'aurais voulut le faire avec quelqu'un d'autre que Sybille. Etant extrêmement douée pour les dessins, nous avons convenu d'un commun accord qu'elle fera une fresque pour illustrer la chambre. C'est donc ce qu'elle est entrain de réaliser sous mon œil aviser et mes bras fort qui doivent sécuriser l'échelle sur laquelle ma colocataire est montée et mes commentaires désobligeant qui n'ont pour seuls but de la déconcentrer, ce qui est, en soit, totalement contre productif tant ce dessin est d'une importance capitale.

Mais finalement, Sybbie se débrouille comme une cheffe et réussie même à mettre un peu de texture dans la fourrure des canidés, parvenant facilement à leur donner leur trait de caractère respectif. Occupé à observer son œuvre, je suis sincèrement surpris lorsque ma colocataire se laisse, littéralement, tomber dans mes bras en sautant de l'escabeau.  « Putain» soufflais-je en la déposant le plus délicatement possible au sol  «t'es complètement conne » je secoue la  « Heureusement que j'ai de bon reflex hein ! Sinon on aurait pu repeindre la pièce avec ton cerveau après que ton crâne se soit éclaté au sol hein» je secoue la tête et observe ma meilleure amie qui admire son œuvre avant qu'elle ne me demande décaler l'escabeau pour pouvoir faire une plus belle photo qu'elle enverra à Ambroise.

S'en suit donc une petite cession photo, où, tantôt, je pose fièrement devant la fresque, puis où je fais le poirier, puis quelques unes où, déposant son portable sur l'escabeau et le calant avec le retardateur, elle décide que nous pourront aussi être tous les deux sur la photo. Donc je la porte, tantôt dans mes bras, puis sur mon dos, puis nous engageons une bataille de peinture, bref nous nous amusons comme des fou et nous rions aux éclats.

Après cette pause emplie d'idioties, nous nous attelons à la peinture du reste  « Faut qu'on monte aussi les meubles encore, puis qu'on décore et qu'on mette les paniers et tout ça.» je souris à Sybbie puis pince les lèvres  «Au fait, Elora t'as dit qu'elle quittait la colocation … ? » demandais-je subitement, reprenant tout à coup mon sérieux.

Évidemment partant lui aussi pour une séance photo improvisée, les deux amis se montraient plus créatifs l’un comme l’autre. Sa petite favorite était tout de même la première où Clément a posé son smartphone sur l’escabeau, prenant une photo à deux, la plus simple, où il la prend d’un bras, de côté et où ils arborent tout les deux un sourire sincère et heureux. Et sa deuxième favorite, où elle est fièrement sur son dos, avec un sourire jusqu'aux oreilles.

Fière de la fresque qui était devant ses yeux, elle ne pouvait s’empêcher de sourire en l’observant, et pour une fois, elle ne trouvait pas à redire sur l’une de ses peintures. Checkant toutes les photos prises dans sa galerie, elle en choisit les plus drôles à envoyer à son frère, avant de se remettre sur la peinture du pan de mur qui accompagne la porte. Pour instagram, elle ferait ça dans son lit, au soir, pour choisir soigneusement le filtre qui la mettrait le plus en valeur, ou du moins, qui retire son teint qu’elle trouve blafard.

Lorsque Clément aborde le sujet d’Elora, elle tourne la tête vers ce dernier, qui est lui aussi occupé à peindre le reste de la pièce. « Si … elle m’a dit. »  Les lèvres pincées de côté, avant de déglutir. « Je voulais t’en parler hier. » Sa main repart de plus belle sur la peinture, mais décidée à continuer sur ce qu’il venait de lui demander, qui lui avait trotté en tête toute la nuit. « … Et j’voulais pas te déranger non plus, mais ... » Elle hausse les épaules, avant de s'asseoir en tailleur. Elle avait voulu aller le déranger dans sa chambre, une de ses habitudes préférées, mais l’occasion ne s’était pas vraiment présentée. « Clément, si tu savais comment je m’en veuuux. » C’était inacceptable pour elle. Toute cette histoire lui trottait dans la tête, surtout depuis qu’ils avaient fait leur dernière “réunion coloc” où cette dernière leur avait dit qu’elle se sentait au plus bas. Et finalement même si les choses s’étaient améliorées entre eux trois, la décision avait été de partir de Brisbane. Et ça tracassait Sybille. « T’as pas l’impression qu’on l’a lâchement laissé tomber ? » C’était bel et bien son opinion, et pour la première fois elle voyait qu’elle ne pouvait pas tout contrôler ni être présente pour tout le monde. Et ça, c’était perturbant. « Parce que moi, oui. » Soufflant, elle baisse son pinceau quelque temps.

Tapotant avec le pinceau contre la paume de sa main, elle tache son vieux tshirt sans s’en rendre compte, à deux doigts également de tacher son meilleur ami à son tour qui la rejoignait sur le pan de mur à peindre. « C’est pas comme ça que j’imaginais son départ. J’vais pas te mentir j’en suis super dégoutée. Non pas dégoutée. Triste. » La jeune brunette essaye tout de même de lui afficher un sourire un peu réconfortant. « A croire que tout le monde nous fuit dans cet appart. » Rigolant de sa propre blague, elle en profite pour enchaîner sur une once de jalousie de sa part. « Et toi maintenant qui passe tout ton temps avec Loan ... » A peine décelable.