À première vue, Helena ne semblait pas prendre la nouvelle comme un coup de massue, il y avait peut-être un peu d’espoir à l’horizon. Caelan ne tenta même pas de détourner le regard lorsqu’elle plongea ses yeux azurs dans les siens. Son regard et ses gestes semblaient remplis de tendresse, plutôt que de colère, et le jeune homme n’allait pas essayer de se dérober. « Ne dis pas ça ! Attends-moi. » Caelan la regarda se lever et quitter la chambre sans broncher, profitant de son absence pour s’essuyer le visage avec le coin d’une des couvertures étendue sur son lit. Une fois de retour, elle lui tendit la bouteille de vodka et il ne se fit pas prier pour la prendre. De son côté, il cala facilement deux ou trois gorgées, ou peut-être même qu’il en avait pris quatre, il n’avait pas compté. À ce rythme-là, il n’y en aurait pas assez pour passer à travers la soirée et il ne serait clairement pas en état de travailler demain. Si ce n’était que de lui, il calerait probablement la bouteille à lui tout seul et se ramasserait aux portes du coma éthylique. Il tendit plutôt la bouteille à sa colocataire pour rester raisonnable. « Merci … de m’avoir expliqué. Ca ne doit pas être facile de revivre ça, et de le dire, à haute voix. Je peux comprendre que tu t’en veuilles, parce que c’est une affreuse erreur, que tu as commise. Mais c’est juste ça, une erreur. Ce n’était pas volontaire ! C’était … une inattention. Tu n’as pas assez prêté attention à elle, opérant comme d’habitude. Les erreurs, tout le monde en fait. » Caelan remua légèrement les doigts pour caresser la main de sa colocataire à son tour. « C’est la première fois que j’en parle. Je dois le dire à Norah quand elle sortira de l’hôpital. » Il le lui avait promis après tout, il ne pourrait pas faire comme si rien ne s’était produit. Norah se ferait un plaisir de lui rappeler, depuis le temps qu’elle voulait connaître les raisons de son départ soudain. « Je ne pense pas que mon ex serait d’accord avec ce que tu viens de dire. À ses yeux je suis rendu le pire trou de cul, probablement la personne qu’elle déteste le plus au monde. » Il reprit la bouteille des mains d’Helena, sans même lui donner le temps de reprendre une gorgée. Au diable d’être raisonnable, il cala une gorgée pour deux en grimaçant, le regard vitreux. « Ce que j’ai fait c’est grave, ce n’est pas qu’une petite erreur, on ne peut pas minimiser le mal que je lui ai fait. Comment j’ai pu ne pas voir que, pendant des mois, ses oui étaient en fait des non? » On dit que le non verbale d’une personne parle pourtant bien plus que les mots, mais il n’avait rien vu, il n’avait même pas regardé. Cette question était évidemment rhétorique, Helena ne pouvait pas savoir ce qui s’était passé entre eux.

« Tu dois te pardonner, et tourner la page. C’était il y a longtemps, et c’était une erreur, quelque chose de non intentionnel … Je ne veux pas que tu partes. Et je ne partirai pas. Tu veux bien … qu’on essaie … ensemble ? » Sa colocataire avait bien raison, son geste n’avait pas été intentionnel bien que très grave. Méritait-il toutefois de tourner la page et d’être heureux? Il se posait régulièrement cette question, comme s’il culpabilisait d’aller de l’avant sans savoir si Jessica y arrivait de son côté. Caelan releva les yeux vers sa colocataire, un petit sourire à peine visible aux coins de ses lèvres. Il caressait le goulot de la bouteille de vodka du bout de son index pendant que les doigts de son autre main étaient toujours entrelacés avec les siens. « Oui, même si je ne comprends pas pourquoi tu me fais confiance aveuglément alors qu’on ne se connait presque pas. Comment ça se fait que tu sois célibataire? T’es une perle. » Caelan pencha la tête vers l’arrière alors qu’il prit une autre gorgée de vodka sans quitter sa colocataire des yeux pendant tout le processus. Son regard s’attarda ensuite sur la bouteille, analysant la quantité de liquide qui y restait. Il tendit alors la bouteille à Helena, avant de passer au travers tout seul. Il commençait déjà à ressentir l’effet de l’alcool dans son corps, probablement parce qu’il n’avait rien avalé depuis qu’il était rentré du travail. « Tu m’as demandé de te laisser une chance, il y a quelques heures. Je te la laisse. Laisse m’en une également. Je veux que ça fonctionne. Tu veux bien essayer ? » La persévérance et la compassion d’Helena attendrissaient particulièrement le jeune homme qui ne demandait qu’à être aimé. Il se pencha doucement – peut-être pas si doucement que ça à cause de l’alcool – vers elle et accota son front contre le siens, caressant son visage à deux mains. « Je serais fou de dire non. » En guise de réponse, Caelan l’embrassa tendrement un instant. Il recula ensuite légèrement la tête, juste assez pour pouvoir la regarder, et lui sourit timidement. « Je ne peux par contre pas te faire de promesse, je ne sais pas quand mes performances ne laisseront plus à désirer. » dit-il en riant nerveusement, mal à l’aise de mettre en avant-plan sa piètre performance. Il préférait toutefois qu’elle sache à quoi s’attendre.

@Helena Horowitz

Alors qu’Helena s’était rhabillée et rapportait dans la chambre de Caelan la bouteille de vodka, celui-ci en descendait une bonne partie. He bien, il ne mentait pas quand il disait qu’il en avait besoin. La jeune femme se garda bien de faire une remarque. Après tout, révéler ainsi un si lourd secret, et pour la première fois, devait être une sacrée épreuve. Elle se contenta de l’observer, pensant à la gueule de bois qui allait le cueillir au matin.

« Je ne pense pas que mon ex serait d’accord avec ce que tu viens de dire. A ses yeux je suis rendu le pire trou de cul, probablement la personne qu’elle déteste le plus au monde. »

Helena grimaça. Que répondre à cela ? Elle opta pour l’honnêteté.

« Et c’est normal qu’elle te déteste. Je n’ose pas imaginer ce qu’elle a dû ressentir et ce qu’elle ressent peut-être encore aujourd’hui. Pour autant, est-ce une raison pour continuer à te détester toi aussi, après tout ce temps, et alors que tu sembles disposé à te racheter ? On voit bien que tu es rongé par les remords, n’est-ce pas suffisant ? »

Mais Caelan ne semblait pas convaincu, et continuait à vider la bouteille très rapidement, trop rapidement.

« Ce que j’ai fait c’est grave, ce n’est pas qu’une petite erreur, on ne peut pas minimiser le mal que je lui ai fait. Comment j’ai pu ne pas voir que, pendant des mois, ses oui étaient en fait des non ? »

La jeune femme fronça les sourcils, agacée. Elle était choquée par les révélations de Caelan, ce qu’il avait fait été horrible. Mais elle croyait fondamentalement aux secondes chances, et pensait qu’on pouvait se racheter, si on en avait la volonté. Et à observer le comportement de son coloc, Helena était persuadée qu’il avait tout pour s’améliorer et se pardonner. Peu importe le temps que ça prendrait.

« Je ne minimise pas ! Ce que tu as fait est en effet très grave. Et une partie de toi s’en voudra certainement toute ta vie. Mais c’est aussi ce qui fait de toi quelqu’un qui n’est pas mauvais ou méchant. Si tu étais un salaud, un criminel, tu ne culpabiliserais pas ainsi ! »

Quant à la question qu’il avait posée, sur le couple qu’il avait formé avec Jessica, Helena était incapable d’y répondre. Elle espérait simplement ne jamais vivre cela un jour. Ne plus avoir envie de son mari, se forcer pour … quoi ? Lui faire plaisir ? Ne pas le perdre ? La relation n’était-elle pas déjà vouée à l’échec quand on en arrivait là ?
La brunette proposa ensuite à Caelan qu’ils poursuivent leur colocation, en faisant des efforts mutuels. Elle était prête à lui laisser sa chance. Le jeune homme accepta en lui caressant la main. Helena savourait ce contact, soulagée qu’il ne la repousse pas maintenant qu’il lui avait tout avoué. Peut-être avait-il peur qu’elle change d’opinion sur lui, et qu’il préfèrerait recommencer ailleurs. Peut-être au contraire qu’il voulait construire quelque chose sur des bases honnêtes. Helena aurait sans doute un jour la réponse à cette question.

« Oui, même si je ne comprends pas pourquoi tu me fais confiance aveuglément alors qu’on ne se connaît presque pas. Comment ça se fait que tu sois célibataire ? T’es une perle. »

Helena rit tout en récupérant la bouteille presque vide que Caelan lui rendait, la terminant en quelques gorgées. Il avait probablement assez bu, et elle, sans doute pas assez.

« C’est juste l’alcool qui parle ! »

Elle redevint un instant sérieuse.

« Je ne te fais pas une confiance aveugle. Je décide de t’accorder une chance, parce que je pense que tu mérites. Si tu étais un dangereux criminel, déjà, tu ne m’aurais pas avoué tout ça, et ensuite, tu ne serais pas envahi ainsi par les remords. »

Helena lui caressa doucement le visage avant que Caelan ne vienne l’embrasser tendrement. Elle lui rendit doucement son baiser avant que le jeune homme reprenne la parole.

« Je ne peux par contre pas te faire de promesse, je ne sais pas quand mes performances ne laisseront plus à désirer. »

La brunette rit.

« En attendant, on s’amusera autrement », déclama-t-elle en lui faisant un clin d’œil et en lui adressant un regard coquin.

« On devrait ptet dormir, il est tard et je suis crevée. Au moins se coucher. Attends-moi là. »

Elle alla déposer la bouteille de vodka vide dans la cuisine et revint avec deux grandes bouteilles d’eau.

« Bois ça, ça t’évitera une trop grosse gueule de bois demain au réveil. »

La jeune femme s’allongea dans le lit de Caelan, tirant la couverture sur eux, se lovant dans les bras de son colocataire. Elle dormira peu, trop peu, tout de même secouée par les révélations de son colocataire. Elle appréciera cependant ces moments de tendresse et sentir la chaleur de la peau de Caelan contre la sienne.