Olivia Marshall & @Chloe Cohen ✻✻✻ Le vent du nord enveloppa la place de sa tiédeur, s’infiltrant au travers de mes cheveux emmêlés et me donnant l’impression un instant d’être détachée de tout ce qui se trouvait autour de moi : le murmure des conversations des quelques membres du deuxième bataillon regroupés derrière moi, les klaxons lointains des bicyclettes pétaradantes, les percussions assourdies de la musique s’échappant du bar à la porte mal refermée, les rires des soldats éparpillés de part et d’autres des chaussées parfaitement entretenues de la place centrale, accueillant la toute réserve l’avant-veille d’un déploiement massif. La bière coulerait toute la nuit certainement car demain, nombre d’entre nous n’en auraient plus le goût. Les ordres de mission étaient tombés. Les avions décolleraient dans vingt-huit heures précisément et, en Afghanistan, il n’y aurait pas de cessez-le-feu. Là-bas, les bombardements résonneraient toute la nuit à des kilomètres alentours. Je plissais les yeux en contemplant pensivement le seul repère visuel qui resterait le même sans aucun doute, le drapeau étoilé australien, ici s’élevant fièrement aux frontons des bâtiments tout au long des rues adjacentes, là-bas se débattant contre le vent avant de se consumer dans le reste du décor. Je ressentais la frénésie générale, les rires pour cacher l’appréhension de certains de quitter leur famille, leurs proches, leur conjoint. Je percevais l’impatience des plus patriotes comme l’angoisse des jeunes recrues n’ayant jamais eu encore l’opportunité de servir outre-mer. J’avais appris de mon côté à arborer le visage de l’indolence, enfant, en voyant mon père partir. À présent qu’il s’agissait de mon tour, l’adrénaline restait la seule à animer mes traits en songeant au départ prochain. Demain, je prendrais place dans l’avion affrété, aux côtés de tous ceux célébrant leurs dernières heures au pays, entassés sur l’instant dans le bar derrière moi. Et rien d’autre ne semblait parcourir mes veines que mes convictions et une quiétude presque déroutante. Des femmes, des maris, des enfants, nombreux étaient ceux s’en séparant pour les semaines ou mois à venir. Et moi, qui laissais-je dans mon sillage ? Des amis certainement et un père n’ayant jamais été aussi fier. Et lui, peut-être. Jacob n’avait pas répondu à mon message, pas encore, et je me surprenais à craindre qu’il ne le fasse pas avant que l’avion ne s’envole car j'ignorais ce que cela signifierait, pour nous.
À cette pensée, je démêlai d’une main désinvolte mes cheveux soulevés par la brise en soupirant avant de la plonger dans ma poche pour trouver mon tabac. Mes doigts habitués ne tardèrent pas à rouler une fine cigarette mais je n’eus pas le temps de l’embraser, tournant la tête pour apercevoir Andy pousser la porte du bar. Il descendit les marches d’un pas nonchalant pour me rejoindre, se raclant la gorge avant d’inspirer et de basculer son crâne en arrière en fermant les yeux. Je ne retins pas un sourire lorsqu’il s’approcha de moi, passant son bras derrière mes épaules sur lesquelles il se laissa choir de tout son poids. « Heureusement qu’on décolle pas demain. » Je le détaillai d’un regard amusé tandis que le sien, trouble et étrangement heureux m’arracha un haussement de yeux au ciel. Son haleine chaude relâchait dans l’air des parfums évidents de bière et de tequila et je soulevai mon épaule gauche d’un mouvement relâché, lui faisant perdre l’équilibre recherché et manquant de le faire trébucher en avant. Je l’observais d’un air railleur chercher une prise dans l’air avant se redresser et de s’emparer sans me demander mon avis de ma cigarette encore éteinte. « Je dois m’allonger un moment. » Je hochai la tête lentement tandis qu’il s’éloignait déjà sans hâte, parvenant ainsi par un tour de force remarquable à ne pas tituber. « T’oublies personne ? » me contentai-je de le héler alors qu’il continuait sans se retourner, longeant le trottoir comme seul guide pour marcher droit à travers les ombres enveloppant les rues de la base en cette nuit estivale. « Une demi-heure à tout casser. » Il écarta les bras en un mouvement irrégulier, ceux-ci ne tardant pas à retomber platement le long de son corps. Une demi-heure et je reviens, continua-t-il de marmonner avant de retrouver un sursaut de lucidité. « Surveille Floyd pour moi ! Je lui ai dit de pas l’approcher. » S’il lui avait dit alors …
Andy disparut à l’angle et je ne tardais pas à me retourner également, grimpant les marches me menant à l’intérieur, l’envie de fumer m’étant finalement passée. Chloe n’avait pas besoin de moi pour tenir à distance qui bon lui semblait. Quand bien même en aurait-elle eu besoin que je n’étais pas le garde-fou supposée protéger les conquêtes des uns du charme des autres. Si Andy s’inquiétait de la laisser seule, s’il s’en faisait réellement, il ne serait pas parti. Mais il l’avait fait car Chloe était là, attablée au centre de la pièce comme si celle-ci lui appartenait autant qu’aux autres et peut-être était-ce bien le cas après tout. Elle n’était venue que quelques fois mais ces dernières avaient suffi pour que sa présence ne nous surprenne plus. Que cela me plaise bien même, de voir Andy accompagné d’autre chose que l’une de ces filles aux rires béats, l’une de celles attirées par l’uniforme et qui ne reviendraient sans doute jamais sitôt l’attrait de la nouveauté passé, du danger écarté. Chloe sortait du lot et, comme pour le prouver, était venue ce soir aussi, lever son verre au départ approchant qui la séparerait pourtant de son compagnon de plusieurs semaines. « Il ne supporte pas les mélanges, on lui rappelle constamment. » lui glissais-je dans un sourire avant de passer une jambe au-dessus du banc de l’autre côté de la table à laquelle elle se trouvait. Mes doigts s’enroulèrent autour d’une bouteille encore fraîche et non entamée et je poursuivis : « Si t’acceptes de le veiller, il faudra me suivre. Autrement, ils ne te laisseront pas rentrer. » Si Andy ne revenait pas, quand il ne reviendrait pas et qu’il s’agirait de le rejoindre de l’autre côté de la base, à l’entrée réservée strictement aux militaires.
solosands
Dernière édition par Olivia Marshall le Dim 1 Nov 2020 - 15:50, édité 1 fois
La pinte de bière claque sur le comptoir de bois, bien moins vernis qu'il ne devait l'être il y a des années de ça. Le bar est bondé, n'en dénotent les oreilles de Chloe qui bourdonnent tantôt des rires de l'un, tantôt des hurlements des autres. Ils sont beaux à voir tous, à oublier volontairement au mieux de leurs capacités que dans une poignée d'heures à peine ils n'auront plus droit à rien de tout cela. Probablement que ceci justifie cela, que les verres qui se cumulent à leurs lèvres et que les sourires qu'ils y additionnent ont tout à voir avec le voyage qu'ils s'affairent à assimiler devoir faire sous peu. Elle, en attendant, a été promue au rôle de témoin de la fête, d'annexe de jeu. Elle titube rien que parce qu'on la pousse, éclate de rire parce qu'on s'excuse au même titre qu'on lui sert un nouveau cocktail en guise de pardon. Son menton est reluisant d'une tequila qu'Andy vient de partager avec elle, ses doigts sont infusés de la bière qu'il a ensuite commandée sans juger le potentiel de sa silhouette à rester droite devant l'adversité. Il est complètement bourré, elle est assurément hilare.
« C'est pas des cernes, juré. » elle égare son index contre la joue du garçon de deux têtes plus grand qu'elle, ses doigts à elle faisant désormais la course sur son visage à lui. « Me souris pas comme ça. » ses fossettes ne se creusent que bien plus sur ses joues, elle qui se hisse sur la pointe des pieds la seconde d'après. Qu'il croit qu'elle s'aligne pour l'embrasser lui plaît au plus haut point, surtout parce qu'elle finit par dériver la fourbe, à son oreille, pour y murmurer un secret de polichinelle comme tous les autres. « T'empestes. » il rage, il souffle, elle éclate de rire. « Je reviens. » lorsqu'Andy lâche sa veste sur les épaules de Chloe, c'est au tour de la brune de répondre avec un sérieux qu'il ne prendra jamais comme tel. « Je bouge pas. » elle a de drôles de consonances, cette conversation-là. Surtout ce qui l'attend lui, après-demain mais surtout les jours d'après.
Olivia met une durée raisonnable avant d'apparaître aux côtés de Chloe, suggérant qu'Andy n'a probablement pas demandé à l'une de deux brunettes de surveiller la seconde. Si seulement. « Il ne supporte pas les mélanges, on lui rappelle constamment. » les dits mélanges et leurs vestiges qui trônent sur le comptoir collant devant elles. Chloe dégage les corps morts pour faire de la place, presque persuadée que ses joues rosies par l'alcool et ses lèvres qui y font écho n'en ont pas fini avec l'enthousiasme des clients de ce soir. C'est qu'ils ont rempli le bar en entier les membres du bataillon, et que le peu de gens hors de leur coalition auront tôt fait de quitter l'établissement avec l'intention de les laisser tous en famille. « J'aurais pourtant cru qu'avec l'habitude il finirait par développer une quelconque résistance. » qu'elle pouffe de plus belle, Cohen. En soit, Andy ne l'inquiète pas ni même sa consommation parfois excessive. Elle sait qu'il est un grand garçon et qu'il peut parfaitement se gérer ; elle n'est pas ici pour jouer au flic avec lui. Que jeunesse se fasse, et la sienne à elle, elle est au goût du houblon qui vient de nouveau refroidir ses lèvres.
« Si t’acceptes de le veiller, il faudra me suivre. Autrement, ils ne te laisseront pas rentrer. » Liv s'installe et Chloe se décale à peine. Elles sont peu, les filles aux alentours. C'est qu'elles ont dû apprendre à se serrer les coudes envers et contre tout, quand au final les visages familiers qui les entourent ne seront peut-être plus aussi à proximité vu l'agenda que la majorité a à couvrir. « Ça me mettrait pas dans la merde avec le pays si j'entre illégalement, même accompagnée et avec les meilleures intentions? » qu'elle demande, l'air faussement inquiétée, avant de troquer sa mine bien trop grave pour l'être vraiment d'un énième sourire d'ingénue. Le nombre de fois qu'elle a bien pu se faufiler sur la base pour aider à ranger les corps embués d'alcool ne se comptent même plus sur les doigts tant il y en a sans que ça lui déplaise. Elle pouvait bien se mettre un peu dans la merde avec le pays Cohen, si c'était pour aider son prochain au final. Ses intentions sont louables. « Il peut bien dormir autant qu'il veut. Faut qu'il partage sa popularité un peu. » la voilà qui se penche à l'intention d'Olivia, pointant du menton ce qu'elle aura sûrement facilement remarqué elle aussi. Floyd dans toute sa splendeur à prendre le rôle de meneur, qui grimpe sur une table chambranlante sous son poids, qui hausse les mains et les verres. Il crie et il s'éclate, manque près de se casser la nuque deux fois puis trois autres, avant d'atterrir devant les filles avec un plateau de shooters servis - douteusement - par ses soins. « T'as des yeux incroyables, je te l'ai déjà dit? » qu'il crache, le gars, enjôleur au point où Chloe lui éclate de rire au nez. « Y'a cinq minutes, oui. Attends dix au moins, la prochaine fois. » il n'est pas méchant, il a seulement la drague bien lourde. Elle porte déjà son attention ailleurs dès lors qu'il fait pareil, se trouvant une jolie blondinette non loin à séduire comme un autre défi de plus à son tableau de chasse.
Même si l'accalmie est de courte durée, Chloe ne serait pas calmée si elle n'osait pas poser la prochaine question. Elle la sait horrible, elle la sait gage d'ouvrir une boîte de Pandore. Mais quand elle tourne son visage de porcelaine vers celui pratiquement presque toujours immuable d'Olivia, c'est avec tout l'intérêt et toute l'attention du monde qu'elle demande, à demie-voix. « Comment tu te sens? » bien sûr qu'elle n'a pas besoin de préciser face à quoi.
Olivia Marshall & @Chloe Cohen ✻✻✻ Dans quelques heures, la photographie dénoterait comparée à celle-ci, fascinerait de par la perfection froide que nous avions tous ici présent appris à insuffler, à convoquer en alignant nos silhouettes en uniformes. Demain, les ombres de ces derniers et des coiffes venant les parfaire se confondraient en ces lignes verticales et horizontales, soigneusement étudiées, le millimétrisme respecté pour que le militarisme puisse exprimer son ordre et sa mesure, l’efficacité de ces derniers prouvée avant même que le terrain l’exigeant ne foule encore nos pieds. Au crépuscule du jour suivant, Andy se relèverait sans que personne ici n’en doute un instant, le rire tonitruant de Floyd s’apaiserait pour se faire respect, et je me tiendrais à leurs côtés, prête à défendre leurs vies et à leur confier la mienne comme si nous ne nous étions pas menacés de l’inverse la veille, l’espièglerie au bout de nos lèvres enivrées. Le chaos festif de ce soir ne permettait plus à quiconque de discerner nos éclats de voix, de distinguer les silhouettes attablées ici, accoudées au loin, toutes s’enchevêtrant dans un dédale de bourrades affectueuses et de coups en traitre. Il fallait bien cela pour que la symétrie ait sa part belle, sur le tarmac goudronneux. Demain, tout serait étudié et réfléchi, glacé pour que l’erreur ne puisse rien embraser. Et il fallait bien cette nuit, oui, à chanceler à la lumière de spots n’éclairant pas suffisamment dans cette pièce trop étriquée pour contenir nos âmes, pour que la guerre en chacun de nous puisse s’exprimer avant de partir la mener. « J'aurais pourtant cru qu'avec l'habitude il finirait par développer une quelconque résistance. » Elle ne s’en rendait sans doute pas compte mais qu’elle soit là participait à rendre le tout plus estimable plus encore. Sa présence suffirait à ancrer le souvenir dans le temps lorsque la notion de celui-ci viendrait à nous manquer, sous peu. Lorsque nous ne serions plus sûrs de l’avoir réellement vécue, cette nuit-là, tant celles de là-bas diffèreraient. Chloe resterait celle qui rendrait le tout réel parce qu’elle était là, elle, et qu’elle y serait encore, à en vivre d’autres certainement et à sourire comme elle le faisait sur l’instant, provoquant forcément le mien en retour accompagné d’une main presque attendrie venant se poser sur mon cœur alors que je forçais le trait : « C’est cette façon de penser qui vous rend compatibles. » Ça et sans doute le fait que sous ses dehors raisonnables et raisonnés, elle s’opposait aux autres tout de même, et à la société. Elle persistait à refuser crucifier les âmes nomades l’entourant, celles qui étaient prêtes à s’enfuir vers le danger plutôt que de se risquer à l’oublier, par ici. « Et qui le met au carreau à chaque fois aussi, mais il y a un revers à tout. »
La place qu’elle fit sur la table usée et tâchée en plus d’endroits qu’il nous aurait été possible de les compter me permit de la faire mienne, mes doigts habitués se saisissant d’une bière abandonnée par un propriétaire anonyme qui ne la retrouverait plus, c’était acté. L’un de mes pieds s’ancrant au sol et mon autre jambe se pliant sans y penser, permettant au plat du second de venir rencontrer le bois du banc sur lequel je pris place. « Ça me mettrait pas dans la merde avec le pays si j'entre illégalement, même accompagnée et avec les meilleures intentions? » Son sourire candide ne fit que provoquer le mien, aux antipodes. Elle connaissait déjà la réponse à sa question, choisissait de ne pas s’en formaliser et j’aimais cette manière incertaine qu’elle avait de se tenir au bord de la vie, en équilibre précaire et sur la pointe des pieds, comme au bord d’un précipice sans fond dans lequel jamais elle ne se résoudrait à plonger. « Un témoin de moralité pourrait jouer en ta faveur mais encore faut-il que tu en trouves un dans le coin. » ironisai-je doucement, arquant un sourcil en la regardant au-dessus du goulot que je vins à mon tour porter à mes lèvres. À l’autre bout du pub, un fracas suivi d’éclats de rire nous indiqua qu’il ne s’agirait plus du privilège de l’un de nous, le bruit distinctif du verre brisé comme indice que la bière du concerné s’étalait désormais au sol. « Il peut bien dormir autant qu'il veut. Faut qu'il partage sa popularité un peu. » Bien entendu qu’elle parlait de Floyd, comme Andy l’avait fait avant elle, dans l’appréhension soudaine de l’ivresse que Chloe le remarque à son tour. Était-il possible qu’il en soit autrement lorsque Floyd, justement, semblait tout mettre en œuvre pour que personne ne puisse ignorer sa présence, sa prestance, sa finesse. J’étouffais un rire au fond de ma bouteille à cette pensée, mon regard suivant celui de Chloe lorsque la silhouette massive de l’intéressé surplomba les nôtres, sans prévenir. « T'as des yeux incroyables, je te l'ai déjà dit? » Que les miens ne se lèvent pas au ciel fut une victoire que je refusais de mésestimer, la jugeant à sa juste valeur alors que Chloe ne put en dire autant. « Y'a cinq minutes, oui. Attends dix au moins, la prochaine fois. » Il ne lui en tiendrait pas rigueur ceci dit, je pouvais le deviner. Et personne en ces lieux ne pouvaient prétendre la connaître aussi bien que moi mais je pourrais le rassurer, plus tard. Lui confier qu’il s’agissait du cas de grand nombre de ses semblables masculins, Chloe s’arrangeant, sans même le savoir, à ce qu’ils ne lui en veuillent jamais réellement, jamais totalement. Son rire pétillait autant que la lueur au fond de ses yeux lorsque les miens se plissèrent en voyant Floyd se retourner dans ma direction, jaugeant certainement mon degré d’ivresse et ses chances de m’amadouer. « Pitié. » glissai-je uniquement en le gratifiant d’un regard bien moins patient que celui qu’il venait de recevoir. Toutes mais pas moi. Ce ne serait jamais une bonne idée que de séduire celles qui assureraient ses arrières lorsqu’il en aurait le plus besoin ; je ne cessais de lui dire, il s’empressait de l’oublier.
« Comment tu te sens ? » Ce fut sa voix plus que ses mots qui m’attrapa de nouveau alors que je n’avais fait que suivre la silhouette de Floyd s’éloigner à nouveau, se fondre avec une autre, féminine bien entendu. Ses mots et leur sens me parvinrent ensuite, en même temps que l’accalmie qu’elle s’employa à faire revenir, ses attentions égales à elle-même et son regard enveloppant, précautionneux. « À deux ou trois verres de rejoindre Andy. En tout bien tout honneur, bien sûr. » commençai-je par répliquer, l’œil malicieux et mes épaules venant se hausser. Comment je me sens, Chloe ? Ce n’était pas une question qui se posait souvent, par ici, comme s’il était évident de supposer que nous nous sentions tous pareil, qu’il le fallait. « Impatiente. » Quoiqu’il en soit, ce n’était pas un effort de devoir y répondre, pas un non plus de ne pas chercher à lui mentir ou à la rassurer lorsqu’il s’agissait simplement de lui souffler la vérité. Incompréhensible certainement. « Et sereine. » Je l’avais été à huit ans lorsque j’avais réalisé ce que cela signifiait, réellement, que de partir à l’image de mon père ; avais continué de l’être lorsque cela avait été mon tour pour la première fois, trois ans plus tôt ; continuais de l’être ce soir. Demain aussi, je ne doutais pas retrouver mes repères avec cette facilité déroutante, prête à ce que ceux-ci ne puissent être les mêmes pourtant en ces zones où rien n’était jamais prévisible, me préparant au pire et sachant que je saurais le contrôler s’il venait à survenir. « Un peu moins à l’idée de me les coltiner pour les semaines à venir mais je crois que les désistements ne sont pas acceptés dans le coin. » riais-je finalement avec légèreté, consciente que Chloe, d’entre nous tous, comprendrait que les mots parfois ne suffisaient à dire ni la nécessité ni l’entièreté de ce qu'ils exprimaient. Mon regard ne quittant pas le sien, je fis tourner une seconde la bouteille entre mes doigts avant de lui rendre : « Toi ? » Elle trouverait les siens pour répondre à cette question, elle qui s’apprêtait à voir partir celui qui partageait ses jours et ses nuits depuis quelques temps.
Elle s'était imposée dans leur petit groupe de la plus improvisée des façons, Chloe l'inconnue et la civile qui se confondait désormais à travers leurs blagues comme si elles étaient les siennes. Sans le bras d'Andy autour de ses épaules, elle se retrouvait à constater que sa réputation le précédait autant que ses frasques imbibées de tequila, de bière et d'autres mélanges d'alcool variés justifiant la sieste qu'il venait de lancer sans le moindre potentiel de se réveiller avant que le soleil ne se lève. « C’est cette façon de penser qui vous rend compatibles. » Olivia statut l'évidence à ses yeux quand Cohen éclate de rire à sa suite. Il est sympa Andy, pas compliqué du tout. Il la fait rire, il est simple, bon vivant. Elle a depuis longtemps perdu la naïveté de croire qu'elle a rencontré l'homme de sa vie, le voyant bien plus comme un allié le temps qu'il faudra avant que l'un et l'autre décident d'aller faire leur vie ailleurs sans jamais s'en tenir rigueur. Ils sont bien ensemble, mais ils le sont aussi aux deux extrémités du bar - du monde aussi, bientôt. « Et qui le met au carreau à chaque fois aussi, mais il y a un revers à tout. » « J'ai accepté avec le temps d'être autant une bénédiction qu'une malédiction, que veux-tu. » qu'elle ajoute, la blonde, feignant une touche de drame qui est bien plus ridicule que convaincante.
Les manigances sont lancées et Cohen reste attentive lorsque Liv prend la parole. « Un témoin de moralité pourrait jouer en ta faveur mais encore faut-il que tu en trouves un dans le coin. » oh, alors on joue de nouveau? La pinte sous ses yeux devient un nouvel élément clé, ses paumes se lovent contre le verre de bière glacé qu'elle porte à ses lèvres pour cacher son sourire complice. « Mes derniers billets ont financé la sieste d'Andy ; me force pas à négocier Liv, tu sais que c'est pas ma force. » la voilà qui supplie, Chloe, son portefeuille à sec et son petit ami hydraté, avant de se fendre dans un autre de ses rires typiques qui attendrirait une foule. Elle ne le réalise pas, que les étincelles dans ses yeux comme ses fossettes au creux de ses joues de porcelaine sont des atouts de charme bien trop puissants pour son âge de jeune adulte à peine. Floyd, lui, ne manque pas l'occasion de le lui souligner en apparaissant de nulle part devant elles deux. « Pitié. » elle le refuse, il fait volteface vers Olivia qui le jette du revers sans même un pli. « Y'a une rouquine là-bas qui n'attend que de parler de prunelles et d'iris avec toi ; tu sais quoi faire buddy. » de l'index, elle pointe la candidate, aussi connue officieusement comme le meilleur alibi pour le dégager une bonne fois pour toutes de leur table le temps qu'elles puissent souffler sans heurter (à nouveau) son égo. And off he goes.
La question frôle ses lèvres, elle ramène ses jambes en tailleur sur la banquette pour faire mine de s'occuper, détestant les secondes qui passent avant que Liv ne précise sa réponse. « À deux ou trois verres de rejoindre Andy. En tout bien tout honneur, bien sûr. » un rire passe, un autre ensuite. Sa cousine sait très bien qu'elle ne s'en sortira pas aussi facilement, Chloe lui laisse tout le temps qu'il faut avant de ravaler sa salive sèche, d'inspirer au passage. « Impatiente. » courageuse. « Et sereine. » très. Rien n'est facile dans cette scène, rien n'a l'impression de passer pour une bonne nouvelle. Pourtant, le fait qu'elles arrivent à se dire les vraies affaires et qu'elles soient suffisamment honnêtes l'une avec l'autre a pour effet de calmer un peu plus Chloe. Elle lui fait confiance, à la brune posée à ses côtés, elle sait parfaitement que si quelque chose clochait elle n'aurait pas mis la moindre seconde de doute dans la balance et se serait confiée de suite. « Un peu moins à l’idée de me les coltiner pour les semaines à venir mais je crois que les désistements ne sont pas acceptés dans le coin. » sans évidemment ajouter une blague de plus au compteur. En un claquement de doigts, l'ambiance redevient légère pour un moment encore. « Dis-toi que tu le fais pour ton karma. »
À vouloir se la jouer interrogations et réponses, ce n'était qu'une question de temps avant qu'on lui renvoie la balle. « Toi ? » au taquet, Chloe redresse le menton, braque ses pupilles dans celles d'Olivia sans penser une seule fois à détourner la tête. Elle n'est pas lâche Chloe, effrayée, mais stoïque. « Ça change rien moi, comment je me sens. » ça ne change rien, mais elle ne lui fera pas l'affront de garder sa réponse que pour elle et elle seule. « Fière. » d'eux, d'Olivia, des valeurs qu'ils défendent et de la force commune qu'ils représenteront tous, là-bas. « Sans le moindre contrôle. » qu'elle ajoute, Chloe qui a appris à la dure que de limiter l'inconnu était la meilleure façon de se préparer au pire. Le pire qui, dans cette situation précise est complètement à l'opposé de ce à quoi elle veut penser. « Et soulagée qu'il se tire avant de réaliser que c'est moi qui ai volé son t-shirt de Nirvana. » à blague l'une vient l'autre, son vol de bac à sable qui ajoute un nouveau sourire solaire sur ses lèvres. On fait ce qu'on peut, avec ce qui nous reste.
Olivia Marshall & @Chloe Cohen ✻✻✻ Immanquablement, l’un d’entre nous trébuchait pour qu’un autre le rattrape, un verre se renversait pour qu’un autre le remplace, un rire retentissait pour que des dizaines d’autres renchérissent. Les échos étaient multiples et tous ricochaient de la plus évidente des manières, résonnant légèrement dans le pub qui semblait nous être réservé, le temps d’une nuit, d’une célébration avant le lendemain. Il fallait bien cela, non pas pour oublier mais pour rassembler les forces qu’il nous faudrait nombreuses pour les jours à venir. « J'ai accepté avec le temps d'être autant une bénédiction qu'une malédiction, que veux-tu. » Le sourire amusé venant animer mes traits trouva son reflet aux lèvres de Chloe et je me contentai de lui adresser l’inclinaison légère de ma bouteille comme un toast solennel à la sentence qu’elle venait de faire sienne. Elle était faussée, et légèrement dramatique, le tout finissant d’être tourné en dérision grâce à son regard espiègle par habitude et ses joues enflammées ; celles-là même que je continuais de trouver légèrement arrondies par un reste d’enfance ayant pourtant disparu depuis bien longtemps aux yeux des autres, continuant pourtant de demeurer dans un coin de ma mémoire, comme un souvenir ancré que je ne voulais pas tout à fait abandonner. « Mes derniers billets ont financé la sieste d'Andy ; me force pas à négocier Liv, tu sais que c'est pas ma force. » Je fronçais les sourcils à la place, feignant l’atteinte à mon éthique sans même avoir à me forcer. « Une chance pour toi que je ne sois pas corruptible, pour qui tu me prends ? » Ce n’était pas les dernières pièces au fond de son porte-monnaie assoiffé qui me convaincrait ou me ferait plaisir, quelques supplications et autres mots destinés à flatter mon ego inexistant suffiraient à me faire ployer. Le sous-entendu plana une seconde à peine avant que nos rires ne se rejoignent finalement et que le niveau de ma bouteille n’égalise celui de sa pinte, simultanément. Il n’en fallut pas moins pour que ne se rappelle à notre mémoire la raison pour laquelle nous ne sortirions pas indemnes de cette soirée. Celle pour laquelle Chloe se retrouvait sans son Andy et qui nous forcerait à rentrer à pieds jusqu’au quartier résidentiel lorsque je me résignerais à admettre que le volant n’était pas une option envisageable de mon côté : Floyd et son plateau de shots vacillant atterrissant sur la table, éclaboussant à peine les alentours que je me reculais déjà, connaissant trop bien les dégâts qu’il était capable de provoquer. « Y'a une rouquine là-bas qui n'attend que de parler de prunelles et d'iris avec toi ; tu sais quoi faire buddy. » J’aurais pu parier qu’il regarda à peine la chevelure de la concernée lorsque son bras s’enroula autour du cou de la première venue, le regard de celle-ci aussi pétillant que le sien, les similarités dans la gaieté presqu’ivre suffisantes pour que ce ne soit plus que Chloe et moi, de nouveau.
Et il ne s’agissait que d’une question de temps avant qu’elle ne fasse ce à quoi j’aurais pu jurer m’attendre de sa part : prêter attention, interroger justement, s’intéresser sans avoir à prétendre. Une question de temps, en effet, que je dus admettre avoir cessé de mesurer lorsque mon regard, surpris, croisa finalement le sien avant d’y rester, sa question au bord des lèvres et l’attente d’une réponse aux miennes. Elle ne fut pas compliquée à formuler, au milieu de ce joyeux chaos, l’inexplicable sentiment étant le mien comme celui de tous les autres, des grandes choses à venir, nécessaires et fondamentales. « Dis-toi que tu le fais pour ton karma. » Mes yeux vinrent se plisser, de nouveau espiègles, tandis que je la remerciai de me suivre sur ce chemin d’un simple et léger : « Tu crois trop à ces choses-là pour ton propre bien, j’arrête pas de te le dire. » Le karma n’était pas la justice, je n’imaginais pas ces deux entités-là complémentaires mais Chloe tenait au premier comme je croyais à la seconde et cela continuait de m’amuser. Je dépliai ma jambe finalement, celle sur laquelle je m’étais assise dans une position approximative en venant la rejoindre, mes pieds retrouvant le sol dans un mouvement presque irréfléchi, simplement nécessaire comme à chaque fois que le départ approchant était évoqué. J’étais impatiente, oui. Je l’étais à chaque fois, dès le retour d’une mission menée à son terme, mes jambes fourmillant déjà des kilomètres non parcourus lorsque la base australienne redevenait notre terrain, mais que tous les autres outre-mer me restaient en tête. Nous l’étions tous, impatients, convaincus que la seule nécessité de notre présence au pays résidait dans le fait de nous préparer au mieux pour repartir, là où cela importerait. Mais je pouvais l’entendre si Chloe ne bouillonnait pas comme nous, s’il y avait autre chose en elle ne demandant qu’à être exprimé et compris. « Ça change rien moi, comment je me sens. » Je cillai à peine, soutenant son regard et laissant un fin sourire accueillir ses paroles que je ne m’empêchai tout de même pas de reprendre, de nuancer plus que de corriger : « À la situation, non. Pour le reste, ça importe. » Beaucoup. Pour moi, bien entendu. Pour Andy aussi.
« Fière. » Le sourire aux commissures de mes lèvres s’estompant à nouveau ne fut en aucun cas le reflet juste de ce que sa confession suscita. La fierté n’était pas cette chose que nous nous laissions facilement exprimer par ici, pas certains de la ressentir réellement, encore moins de pouvoir l’exprimer. Celle de Chloe dénotait de celle de mon père, s’il ne fallait en citer qu’un, chez qui l’annonce de ma réquisition n’avait provoqué ni indices ni preuves de cette dernière. Je me doutais pourtant de ses ressentis, de sa reconnaissance pour les valeurs qu’il avait su m’inculquer mais il ne fallait escompter de lui ni recommandation ni approbation. À quelle fin lorsque le sacrifice en était à peine un, dans notre famille, intrinsèque de par son évidence ? « Sans le moindre contrôle. » J’inclinai légèrement mon visage, mes doigts brûlants venant soutenir ma joue alors que je ne quittais pas son regard. « Et soulagée qu'il se tire avant de réaliser que c'est moi qui ai volé son t-shirt de Nirvana. » Je laissais échapper un rire silencieux, pas moins sincère que son sourire néanmoins, les inflexions facétieuses de sa voix se chargeant d’adoucir le tout. « T’aurais jamais dû me le dire. Ça fait de moi ta complice. » Ça n’était pas la peine pourtant, d’alléger quoique ce soit lorsque rien n’était grave et que rien n’avait à l’être, pas ce soir. « Je ne peux pas te promettre que tout se passera bien. » Comme à chaque fois, cette notion peinerait à perdurer, là-bas, lorsque la poussière se soulèverait et que les balles se mettraient à pleuvoir, étouffées par le sable ou fulgurantes sur le granit. « Mais on part ensemble, on revient ensemble, c’est l’engagement. » Celui qu’on partageait tous, comme une évidence, de préférence silencieusement. Si cela devait être formulé pourtant, je le faisais sans peine à l’attention de Chloe, le regard confiant derrière la légèreté, espérant lui redonner le contrôle sur cela au-moins : l’assurance de notre retour, de cette mission comme des autres auparavant. « Lui, parce qu’il ne te laissera pas t’en tirer comme ça. Ce t-shirt, c’est sa fierté. Moi, parce qu’il est hors de question que tu refiles ma place pour notre concert … quand ça, déjà ? » La date déjà oubliée car il n’y avait plus que celle de demain qui occupait mes pensées. Je la demandais tout de même car elle compterait, à notre retour. Elle compterait, énormément.
« Tu crois trop à ces choses-là pour ton propre bien, j’arrête pas de te le dire. » elle pouffe Chloe, parce qu’elle rigole toujours quand Olivia est dans les parages. Elles n’ont pas eu grand moment dans leur vie en commun où l’une n'apportait pas un minimum de calme, un sourire en prime à l’autre. C’est comme ça que les choses se développent et les caractères avec, quand on grandit l’une aux côtés de l’autre. Aujourd’hui encore et à l’aube de nouveaux au revoir (pas d’adieux, jamais elles ne l’abordent comme tel) les similitudes entre les deux jeunes femmes ne sont que plus communes, et les coups d’œil complices avec. Elles en ont des tas, des histoires, elles en ont des tas, des souvenirs. Chloe se raccroche à la pensée qu’il leur en reste encore des tonnes à composer dans l’avenir. Quand elle reviendra. « Ça me fait penser qu’on a même pas regardé ton horoscope du jour encore. » moqueuse, Cohen fait mine d’allonger la nuque pour chercher un journal à proximité, mais le seul journal qu’elle arrive à voir sert de rideau de nuit posé sur les yeux d’Andy. Elle est prête à parier que ce n’est pas lui qui s’est improvisé son loup nocturne mais bien un des gars du bataillon qui se sentait particulièrement espiègle dans toute son ivresse. L’horoscope attendra, Andy a besoin de son beauty sleep apparemment.
Les sujets qui fâchent arrivent sur la table, quand bien même ni l’une ni l’autre n'est fâchée. C’est une chorégraphie qu’elles connaissent par cœur, qu'elles maîtrisent à la perfection. C’est un échange de bons procédés, de sourires posés et de regards qui le sont tout autant. Chloe met des mots sur tous les sentiments qui la travaillent, ceux qu’elle assume comme ceux qui font mal. Olivia n’est pas là pour juger ni pour apporter quelque solution que ce soit. Les faits sont là. « À la situation, non. Pour le reste, ça importe. » ils partiront peu importe ce qu’elle dira et fera. Ils partiront et jamais Chloe ne les retiedra. Le parallèle est étrange et bien moins tragique, mais c’est ce qu'elle apprécie le plus de qui que ce soit pouvant lui laisser sa seule et unique liberté rien qu’à elle. Elle sera la première à envier qu’ils s’éloignent, elle sera également la première à imaginer le pire une fois qu’elle réalisera où ils en sont allés. « T’aurais jamais dû me le dire. Ça fait de moi ta complice. » « C’est ça la famille Liv. Ensemble dans toutes les galères. » le t-shirt qu’elle porte effrontément sous son pull de laine du jour, qu’elle flash en redressant les tissus comme la pire des bandits. Dans un rire Chloe réalise qu’elle cherche le risque même dans sa manière de s’habiller, ce qui est particulièrement fun maintenant qu’en effet Liv fait office d’alliée forcée.
Sa pinte de bière avance à bon train, mais jamais Cohen ne sera en mesure d’atteindre les limites où sont rendus Andy, Floyd et les autres. C’est qu’ils ont plusieurs années d’expérience au compteur et que Chloe n’est encore qu’une pâle concurente. « Je ne peux pas te promettre que tout se passera bien. » rien qu’à sentir Olivia se redresser à ses côtés aurait dû lui mettre la puce à l’oreille. Rien que de la voir chercher les mots les plus justes, les plus concrets aurait dû être suffisant pour que Chloe acquiesce en s’empêchant le plus volontairement du monde d’écouter. Mais elle n’est pas lâche la blonde, elle n’a pas appris à l’être tout du moins. Pas face à cette situation-là. « Mais on part ensemble, on revient ensemble, c’est l’engagement. » « Promets-moi juste que serez là les uns pour les autres. » elle le sait déjà, n'en douterait jamais. Elle a en chacun d’entre eux une confiance infinie et en Liv encore plus. Ils seront les anges gardiens les uns des autres, ont été formé comme tel. Un tout autre scénario ne serait absolument pas concevable, autant qu’il ne sera jamais mentionné à cette table. Et mine de rien, déjà l’ambiance est un peu plus douce. « Lui, parce qu’il ne te laissera pas t’en tirer comme ça. Ce t-shirt, c’est sa fierté. Moi, parce qu’il est hors de question que tu refiles ma place pour notre concert … quand ça, déjà ? » « Fin avril. » elle fait rexprès de dévier la conversation bien loin d’une potentielle révélation qui rendrait Andy furieux deux secondes et deux seules au compteur. Il finirait très bien par le lui céder son t-shirt, lui assurant tout de même que le vêtement va mieux à son corps de Dieu grec à lui, quand Chloe entre deux rires pouffera un peu plus de sa sottise. Il la rend heureuse, le soldat, il est simple à côtoyer, ne force jamais rien tant elle est dans les parages avec intérêt. Elle l’aime mais ne le lui dira jamais. Elle n’aura tout simplement jamais le temps de le faire.
« J’ai organisé un week-end complet, en vrai. Autour du show. Tu bousilles la surprise là. » elle reproche désormais, Chloe et son absence totale d’autorité, l’index haussé et le roulement d’yeux adressé à sa cousine et sa cousine seule. « Va falloir que tu m’aides à tenir mes sœurs loin d'Andy, elles vont le suffoquer. » les sœurs qui elles aussi se sont réservées des places. Le spectacle sera une façon détournée de tous se retrouver, un ojbectif marqué au calendrier qu’on fait passer comme une date de plus à l’angeda, se confondant entre les autres. Jamais ce ne sera vraiment le cas, et Chloe le sait autant qu’Olivia. « Je garde son t-shirt, et je garde ton billet, en attendant. Ça me semble logique que tu gardes ça, toi, de ton côté de la planète. » gamine de bac à sable, la voilà qui sort du fouillis que comporte son sac un bracelet tissé de cordes et de lanières de cuir, le trucs hyper boho qu’elle a fait entre deux classes avec sa colocataire de campus. « Te moque pas, mon talent en arts plastique est limité. Mais j’ai le même, du coup on partage l’horreur à deux, partenaire. » Chloe n’a aucunes aptitudes manuelles et Liv pourra en rire autant qu’elle le voudra jamais la blonde ne le lui reprochera vraiment. L’instant d’après, elle passe son bracelet à elle autour de son poignet, tendant celui de sa cousine vers elle comme une marque de plus qu’ici, on l’attendra.
Olivia Marshall & @Chloe Cohen ✻✻✻ Depuis notre arrivée, les secondes, les minutes et les heures étaient passées dans le brouhaha chaleureux que je me surprenais, l’espace de quelques instants, à ne jamais vouloir entendre cesser. Il cesserait pourtant, bien assez vite. Il s’éteindrait pour laisser place à un autre, tout aussi désordonné mais bien plus glacé, et cela ne m’effrayait pas, non. Cela aurait peut-être dû aux yeux de certains lorsque cela ne faisait qu’éveiller en moi un feu inextinguible, une pulsion de vie inexplicable. Cette dernière que Chloe me rendait bien par ailleurs, peu importe qu’elle la comprenne ou non, qu’elle la trouve légitime ou non, son sourire lumineux transperçant l’espace comme à chaque fois avant de se réinventer en un rire ne pouvant être que communicatif lorsque l’objet de son délit apparut soudainement devant mes yeux, son pull relevé que je m’empressais de rabattre comme s’il fallait le préserver de regards espions. « C’est ça la famille Liv. Ensemble dans toutes les galères. » Je feignais le froncement de sourcils à la perfection, ne doutant pas qu’elle parviendrait tout de même à en saisir toute l’exagération ; c’était elle, après tout, l’étoile montante qui finirait par nous quitter au profit des studios hollywoodiens. « C’est dans les tous petits caractères en bas du contrat ? » Je n’oubliais pas son talent, non, à donner le change, à jouer la comédie, à cacher ses doutes derrière un haut port de tête et ses failles sous couvert de sourires mutins. C’était ça, la famille ; elle l’avait dit elle-même. Et il fallait bien cela pour parvenir à discerner Chloe, la vraie, derrière la spontanéité à laquelle elle tenait tant, si claire et si éclatante qu’elle donnait l’impression à chacun de pouvoir être lue comme la première page d’un livre. C’était faux évidemment ; Chloe plus complexe que cela, les paragraphes plus étoffés, les chapitres plus nombreux et riches à cerner que ce qu’elle laissait paraître. Ceux de son enfance étaient ceux que je demeurais la seule à posséder en ce lieu, au milieu des festivités et des promesses extasiées. Parce qu’on en avait partagé de multiples lignes, mais que nous n’hésitions pas à en jouer sur l’instant, à nous en servir comme moyen de pression détourné, le rire à portée de gorge que je retenais encore pour l’instant. Juste le temps de parvenir à nous recréer l’un de ces rares recoins de silence au sein duquel nous parviendrons à nous entendre sans aucune peine ; juste ce temps-ci et puis, l’on oublierait de nouveau.
Chloe consentait déjà à l’interlude, se concentrant sur mes mots sans que ceux-ci ne ressemblent aucunement à ceux qu’elle aurait aimé entendre dans un autre monde, j’en étais consciente. Pourquoi ne pas promettre que tout se passerait bien, Liv ? N’était-ce pas là ce que tout le monde désirait entendre par ici ? Même lorsque bien demeurait relatif. Même lorsque bien pour nous ne signifiait pas forcément la même chose pour tout le monde. Bien serait mentir puisque l’on en reviendrait changés comme à chaque fois, fatigués et tourmentés ; et je ne lui mentais pas. « Promets-moi juste que serez là les uns pour les autres. » Un sourire s’esquissa sur mes lèvres, celui qu’elle connaissait déjà car je tâchais souvent de le faire apparaitre, logeant dans ce dernier l’entièreté du calme amassé au cours des années passées. « Promis. » C’était moins compliqué qu’il n’y paraissait d’insuffler dans ce serment la totalité du patrimoine de confiance que je portais à la famille que je m’étais créée comme à celle qui se tenait face à moi sur l’instant, en attente d’une promesse simple à tenir car elle n’en cachait pas d’autres. Et puisqu’en attendant de devoir l’honorer en terrain plus hostile, rien ne nous obligeait à en parler davantage, nous nous laissions déjà portées par la conversation dérivant vers de plus chaleureuses auspices. « Fin avril. » Quelques mois seulement me paraissant figurer à une éternité d’aujourd’hui, pourtant. « J’ai organisé un week-end complet, en vrai. Autour du show. Tu bousilles la surprise là. » J’étouffais un nouveau rire, m’obligeant à rabaisser le goulot de ma bouteille ayant déjà retrouvé mes lèvres. « Quelle surprise ? Ça fait des semaines qu’on prend les paris sur tout ce que tu as bien pu prévoir. Anna est la seule à penser que tu n’auras pas vu les choses en grand. » Chloe et ses talents d’actrice soudainement bien relatifs n’arrachèrent rien d’autre de ma part qu’un regard amusé face à son index prétendument réprobateur. « Va falloir que tu m’aides à tenir mes sœurs loin d'Andy, elles vont le suffoquer. » « Là-dessus, je ne peux rien te promettre. » raillai-je presque doucement avant d’hésiter une seconde, le visage de Jacob s’immisçant sans que je ne puisse rien y faire dans mon esprit plus que lucide malgré les verres additionnés. « Quoique, je pourrais envisager d’emmener un plus un, ça lui ferait un allié. Si vous demandez gentiment. » Cela sonnait comme une faveur que je leur rendrais, à Chloe et Andy. C’était tout ce qu’il me fallait pour admettre finalement l’importance que je lui portais, à lui et lui seul, et l’envie qui était la mienne de l’imaginer toujours présent, oui, à des mois de ce jour.
« Je garde son t-shirt, et je garde ton billet, en attendant. Ça me semble logique que tu gardes ça, toi, de ton côté de la planète. » « C’est un bracelet, c’est ça ? » demandais-je, faussement circonspecte. Je ne retins pas l’étincelle de malice dans mon regard venant se poser sur ce qui ressemblait effectivement, et sans doute aucun, à un bracelet fait de ses propres mains. « Te moque pas, mon talent en arts plastique est limité. Mais j’ai le même, du coup on partage l’horreur à deux, partenaire. » Je la dérangeais sûrement à fermer l’attache du sien sans que cela ne me préoccupe le moins du monde, me saisissant de son poignet pour observer son œuvre de plus près, en attraper quelques fils, en effleurer la matière. « Je pourrais toujours mentir sur ton âge quand je dirais que c’est un cadeau de ma petite cousine. » Il était évident que l’injonction de ne pas me moquer provoquerait l’envie inverse et j’en jouais avant de soupirer, faussement désabusée : « Mets-le moi vite, pendant que je regarde ailleurs. » Je me redressais en effet, tendant à mon tour mon poignet jusqu’à elle, ne la chahutant en rien cette fois-ci tandis qu’elle le liait, concentrée. « Tu vois. » commençais-je simplement une fois nos deux bracelets à la place qui leur revenait. « C’est une fois portés, qu’ils deviennent parfaits. » Et si l’ironie avait disparu des inflexions de ma voix, je n’en mis pas plus dans le remerciement silencieux qui suivit, qui s’exprima comme il put dans le regard que je lui portais, l’évidence inexprimable. « Allez, viens. » J’enjambais le banc, enjoignant Chloe à me suivre autant que Floyd ayant dégainé l’appareil photo avec lequel il ne cessait de flasher tout le monde et personne à la fois depuis plusieurs minutes. « S’il y a des photos, je serais moins tentée de me dédouaner. Surtout si elles sont compromettantes, enlève ton pull. » Andy n’avait laissé échapper qu’un grognement indistinct alors que je m’abaissais à ses côtés, soulevant de mon côté le magazine posé sur ses yeux férocement fermés qu’aucune bombe aux alentours ne paraissaient capables d’entrouvrir. « Souris, c’est pour les preuves. » Le cliché les réunirait toutes, nos bracelets visibles, l’air bien trop fier et souriant sur nos deux visages contrastant avec celui léthargique d’Andy ; l’instant fugace mais capturé que nous pourrions partager, de chaque côté de la planète.
@Olivia Marshall & Chloe Cohen ✻✻✻ « Là-dessus, je ne peux rien te promettre. » et elle souffle la blonde, un peu parce que la mention de promesse est encore un brin amère dans sa gorge, surtout parce que fidèle à elle-même, Olivia se charge de lui rafler parfaitement le dernier mot. Encore heureux que les conversations un peu trop sentimentales pour les deux cousines agissant bien plus comme des soeurs qu’autre chose flirtent désormais vers les présentations officielles, la famille intrusive avec. Chloe prépare le terrain, sent que ses aînées ne seront pas aussi clémentes que Liv pourrait bien l’être elle qui connaît Andy sur le bout de ses doigts. Les quelques miettes de bribes de futur qui les attendent sont tantôt douces, tantôt effrayantes à connaître Anna dans toute sa splendeur. « Quoique, je pourrais envisager d’emmener un plus un, ça lui ferait un allié. Si vous demandez gentiment. » ouh. La blonde s’appuie contre le dossier de son booth, hausse le sourcil sans la moindre subtilité. Aucun angle d’attaque ici, aucune foutue subtilité ; elle n’a pas encore appris Chloe, que plus elle pose des questions plus on les lui renvoie par la bande. Pour l’heure, elle agit à titre de gamine aux yeux brillants et à la bouche en coeur, bombardant sa cousine d’un flot de paroles à peine contrôlées - elle n’a pas envie, de se censurer. « Qui, quoi, comment, pourquoi j’en entends parler que là? »
Bien fait pour elle et sa curiosité maladive de jeune femme apprenant à peine à quoi ressemble l'amour, le poignet de Liv reste vierge et son bracelet trône sous son regard courroucé. « C’est un bracelet, c’est ça ? » non, c’est un gâteau au chocolat tu penses quoi. Elle souffle et roule des yeux, son sentimentalisme est renvoyé directement aux oubliettes pour la peine. « Je pourrais toujours mentir sur ton âge quand je dirais que c’est un cadeau de ma petite cousine. » et là juste là. Olivia lui arrache un rire, elle qui n’a jamais fait dans la dentelle mais qui n’est pas ingrate pour autant. Chloe hausse de l’épaule, roule des yeux, soupire et sourit encore : l’ordre est rétabli, la boucle est bouclée. « Mets-le moi vite, pendant que je regarde ailleurs. » comme l’est le loquet du bracelet une fois que ses doigts agiles ont finit de le serrer d’emblée. « Tu vois. C’est une fois portés, qu’ils deviennent parfaits. » « Râleuse. » qu’elle souffle, la blonde, entre ses lèvres collées de bière, de rhum et d’un sourire de plus qui n’appartient qu’à la brunette et à elle. Tout ira bien.
Floyd est ambiant, Floyd resserre ses positions autour d’elles l’oeil hagard, les gestes flous comme sa vision doit l’être vu le concours de cocktails cul sec qu’il vient de s’envoyer avec la rouquine qu’il s’était désormais mis en tête d’impressionner. « Allez, viens. » Olivia se la joue reine du parcours, enjambe un siège et un autre. Chloe elle, finit sa pinte, attrape sa veste, pose un baiser serti de rouge à lèvres sur la joue d’Andy et vise déjà d’aller s’allumer une clope dehors quand le cliquetis traitre de l’appareil photo retentit fort, trop pour être nié. « S’il y a des photos, je serais moins tentée de me dédouaner. Surtout si elles sont compromettantes, enlève ton pull. » Liv elle aussi a entendu le signal, est prête à se tirer. « Souris, c’est pour les preuves. » et pourtant les voilà toutes les deux prises au piège, devant la tête si fière si accomplie d’un Floyd bourré qui finira sûrement par foutre son pouce directement devant la lentille sans jamais le capter. « Je t’aime. » qu’elle chuchote Chloe, à l’oreille de Liv, pour elle et rien que pour elle. « Si tu le répètes je démentirai tout. » un rire de plus et elle est de retour au programme principal, grimaçant sur pellicule pour faire rager Floyd un peu plus.
Olivia Marshall & @Chloe Cohen ✻✻✻ « Qui, quoi, comment, pourquoi j’en entends parler que là? » Parce que je n’étais pas le genre de fille à s’émouvoir de quelques premiers rendez-vous, se comptant plutôt par dizaine d’ores et déjà sans que ne se manifeste en moi la moindre envie de le signifier à haute voix, de le réaliser en même temps que le sourcil de Chose se haussera un peu plus, l’espièglerie à son comble face aux confessions n’étant définitivement pas mon talent premier. Pour cela, oui, et pas du tout parce que je ne savais pas encore si l’occasion me serait donnée de le lui dire à un autre moment, non ; les dates de départ établies et invariables lorsque celles de retour demeuraient floues et incertaines. Pas du tout parce que je songeais aux probabilités de ne pas revenir tout court non plus, mais simplement parce qu’il ne répondait toujours pas à mon message d’il y a quelques heures à présent et que je me détestais presque d’avoir à me forcer pour ne pas les compter, m’en voulant déjà suffisamment de simplement m’en rendre compte, de simplement devoir parler de lui pour avoir une bonne raison de l’avoir en tête, autre que celle-ci. « Parce que tes yeux brillent trop et qu’il n’y a que l’alcool que j’autorise à avoir cette effet-là sur moi. » Cette raison resterait la seule qui franchirait la barrière de mes lèvres brillant de l’acidité du citron pour masquer les saveurs terreuses du dernier shot de tequila bon marché. Je n’étais pas dupe et si les yeux de ma cousine brillaient effectivement d’une intensité plus accrue que la normale sous les spots tamisés du plafond, il y avait fort à parier que l’alcool allié à la curiosité en étaient également les principaux fautifs. Cela était plus facile pourtant de réfuter toute trace du reste, à commencer par un sentimentalisme qui ne seyait pas au teint que nous avions en commun, en plus d’autres choses.
« Il s’appelle Jacob. » consentis-je finalement, le sourire errant aux lèvres et amusé, consciente qu’il ne s’agissait pas là d’une révélation engageant à quoique ce soit. Le doigt de l’engrenage, il me faudrait le sortir à présent et Chloe était bien l’une des seules en ce lieu, et ailleurs, à qui je permettrais d’en être témoin. S’appelait, d’ailleurs et à vrai dire, s’il ne se donnait pas la peine de me répondre avant que l’avion ne décolle, nous autres en dedans. À la mise en demeure de m’attarder de nouveau sur ce fait, de m’interroger sur ce que cela signifierait pour la suite de l’histoire que je révélais déjà aux oreilles de ma cousine, j’y opposais un refus intégral en dégageant mes cheveux que j’emmêlais au sommet de mon crâne, songeant déjà à ce que je permettrais à la place. « Ton oncle a jugé bon de nous présenter à la première occasion. Tu sais à quel point je déteste lui donner raison, pourtant. » Son oncle comme mon père donc, sachant qu’elle décèlerait dans ces quelques mots tout ce qui se tramait en leur fond. Général de la base, je ne convoquais pas son nom à raison, épargnant aux oreilles indiscrètes une raison de se pencher sur notre conversation. Mais Chloe savait la relation entretenue entre lui et moi et la manière qui avait été la mienne de la gérer tout au long de l’enfance m’ayant menée à cet âge-ci ; beaucoup de désillusion, tout autant d’ambition et une révolte ayant pourtant permis à tout ce qui m’était cher de finalement résister. Que Jacob ait, contre toute attente, su tenir tête à tout ce qui me soufflait de continuer à m’opposer à mon père était suffisamment révélateur de ce sur quoi je ne poserai pas d’autres mots. Aucun autre, non, qui ne soit pas dédié aux moqueries faciles et inoffensives supposées cacher, elles aussi, les remerciements pourtant nombreux traversant mes pensées alors qu’elle nouait à mon poignet son précieux cadeau.
« Râleuse. » Peut-être oui, pour cacher le reste toujours. Il n’y avait pas que cela néanmoins alors que je nous entraînais déjà vers d’autres tactiques, Floyd en complice et Chloe en acolyte d’une vie qui n’était pas prête de finir. Les flashs s’accumulant et les yeux gorgés de lumière n’en finissaient certainement plus de se plisser eux ; les sourires paraitraient vrais, au moins, sur les captures du moment. Celles qui nous permettraient de nous remémorer, demain, qu’il avait bien eu lieu il n’y a pas si longtemps. Celles que l’on pourrait regarder avec confiance et qu’il nous suffirait de croire aptes à réparer les doutes à venir. « Je t’aime. » Sur cela, il y en avait peu et heureusement. Cela n’empêcha pas au sourire d'apparaître de nouveau à mes lèvres pourtant, son souffle contre mon oreille. « Si tu le répètes je démentirai tout. » Je levais les yeux au ciel, consciente du rendu à venir sur le polaroïd ayant pris la place de l’appareil entre les mains joueuses du photographe improvisé. « Personne te croirait, de toute façon. » Ce ne fut que pour cela, bien entendu, que mon bras vint se passer sous le sien alors que je laissais échapper sur le même ton : « Je peux dire que tu vas me manquer, du coup. » Aux photographies par dizaines et au viseur qui semblait s’en offusquer, ce furent les cibles désormais qui s’échappèrent alors que je dérobais au passage les polaroïds des mains de Floyd pour rejoindre la porte. J’agitais le plus récent jusqu’à ce que les formes apparaissent et lâchai comme un sarcasme blasé en parcourant des yeux le résultat : « Qu’est-ce que t’as l’air heureuse. » Elle avait toujours l’air, Chloe, même lorsqu’elle ne l’était pas ; j’osais pourtant penser que l’illusion n’était pas feinte ici. L’extérieur retrouvé et les clichés à l’abri dans la poche arrière de mon jean, j’en gardais un en main toutefois. Sur celui-ci, le bar semblait proche de la saturation tant les ombres s’accumulaient, flouaient nos silhouettes et je le lui présentais comme si l’idée venait à peine de résonner en moi. « Si tout le monde est là, c’est que le reste de la base est vide. » Nous pouvions leur faire faux bond, les photos prouveraient que nous avions d’ores et déjà fait bien plus qu’acte de présence à cette heure-ci. Que nous méritions bien l’un de ces moments à privilégier exclusivement pour l’autre, et n’importe où par ailleurs, peu importe les interdits.