Je suis rentrée chez moi depuis la veille. J’ai l’impression d’être passée sous un camion, tellement la douleur est encore présente dans tout mon corps. Deux côtes cassées, une énorme ecchymose à l’endroit de l’impact et une cheville en vrac, m’obligeant à porter une attelle et à me déplacer à l’aide de béquilles. Sauf que je suis obligée de me soulever à la force des bras, devant ainsi contracter le haut de mon corps qui est endolorie au plus haut point. Bref, je suis clairement bonne à rien, je dépends de Knox qui est à mes petits soins depuis l’accident… Un accident dont des bribes de souvenirs me reviennent progressivement, notamment en dormant. Je suffoque d’ailleurs durant mon sommeil, ne parvenant pas à ressortir la tête de l’eau, respiration coupée par la planche reçue en plein thorax. J’ai l’impression de vivre un véritable cauchemar, le moral est au plus bas. Je me sens stupide d’avoir eu un accident de la sorte alors que le surf est une passion depuis toujours, un sport que je maitrise à la perfection… L’erreur est humaine, même les meilleurs échouent. Mais là, je me blâme aussi car j’ai été encore une fois trop vulnérable. Vulnérable suite au retour de mon père, la veille de mon accident. Si cette rencontre n’avait pas eu lieu, sûrement que tout ça ne serait pas arrivé. Je le blâmais aussi finalement… Mais je m’en voulais d’être aussi sensible après tant d’années du fait de ces retrouvailles. De ne pas être suffisamment forte pour ne plus rien ressentir à son égard.
Je suis allongée dans mon canapé… Mon nouveau passe-temps depuis que je suis rentrée à l’appartement. Knox m’interdit de fournir le moindre effort, il m’a même commandé via Uber Eat le repas de ce soir. Je sais qu’il s’en veut aussi, de m’avoir incité à retourner dans l’eau avec Wim. Je lui ai dit à maintes reprises qu’il n’avait pas à s’en vouloir, que ce n’était aucunement sa faute. Pourtant, il s’en veut, ce qui me déchire le cœur. Il me laisse alors, devant travailler, je vois dans ses yeux qu’il n’est pas au meilleur de sa forme. Je lui caresse la joue doucement, le rassurant « Ca va aller t’en fais pas ». Je lui dépose un bisou sur la joue avant de le regarder partir. J’éteins la télé que je regarde depuis plusieurs heures et décide de me plonger dans un bouquin… Puis j’entends toquer. Ça ne peut pas être Knox… Difficilement, j’attrape mes béquilles et me hissent sur celle-ci « F**k ». J’ai mal mais j’avance doucement vers la porte d’entrée. En ouvrant, j’ai l’impression de rêver « Tu t’es prise pour une sirène c’est ça ? Tu t’es dit, ça va le faire si je bois la tasse j’sais respirer sous l’eau ». Je lève les yeux au ciel. Peter. L’indétrônable, l’unique Peter Mulligan qui me sert d’amis depuis la plus tendre enfance. Je me demande encore aujourd’hui comment notre amitié a pu restée intacte. Enfin, si je le sais, mais clairement, je ne l’expliquerais pas à voix haute « Et toi tu te prends pour Casper ? A disparaitre du jour au lendemain et de réapparaitre sans crier gare ? ». Oui, parce qu’il s’est barré en août et le revoilà comme une fleur devant ma porte. Enfin, à l’intérieur de mon appart maintenant, parce qu’il n’a pas attendu que je l’invite à entrer. Son subtil baiser sur ma joue me fait vaciller et grimacer « Tu pourrais être plus délicat pour une fois ». Ouais parce que mine de rien j’ai eu mal ! Mais la délicatesse et Peter, ça fait deux. « J’croyais que ta période H2O était terminée Mia quand même ». Il m’agace, je ne relève pas la remarque qu’il vient de me lancer. Il me fait face et je vois très bien qu’il m’examine, je préfère alors tourner le dos et avance péniblement avec mes béquilles en direction du canapé, tout en lui disant « T’a pas eu les couilles de venir avant ? Je sais que tu as appelé Knox le jour de l’accident, que tu étais au courant ». Encore une douleur, je marmonne encore un gros mot tout en continuant d’avancer.
Oui j’avais remarqué son absence, même quand il partait sans me le dire. Parce que, lorsque vous avez un Peter dans votre vie, que dis-je, le Peter Mulligan dans votre vie, vous remarquez rapidement son absence. Tout devient plus calme autour de vous. Enfin, en omettant bien sûr toutes les merdes qui me sont tombés dessus pendant son absence. S’il savait d’ailleurs. « Voyons Mia j’suis bien trop sexy pour être un fantôme, une beauté comme ça tu peux pas la faire disparaitre ». Je feins de me mettre les doigts dans la bouche pour vomir, mais finalement c’était une mauvaise idée, je manque de perdre l’équilibre et je me fais mal. Je lui jette un coup d’œil, il semble ne pas l’avoir vu. De toute façon, il est déjà entré sans ma permission et me dépose un baiser rapide sur la joue, l’air de rien. C’est tout ? J’ai failli crever et en fait, pas plus ?
Je me dirige alors vers le canapé et ne manque pas de lui balancer qu’il aurait pu venir me voir plus tôt, parce qu’il savait que j’étais à l’hôpital, que j’avais eu mon accident. Le jour même. Evidemment, il ne répond pas mais je sais que par mes paroles, je peux l’avoir touché. Je dis bien peux car il ne laisse rien transparaitre. J’avance, doucement donc avec mes béquilles, en galère totale. Et lui avance assez rapidement, en fait à allure normale pour aller prendre place sur le canapé. « Bah dis donc c’est que Mamie avance à deux à l’heure ». Je me fige, regard méprisant, ton sec « Tu as de la chance que j’ai besoin de ce truc » je soulève alors une des béquilles « sinon elle aurait fini dans ta tronche de con Mulligan ». Il est là, inerte, à rien faire « Evidemment ça te trouerai le cul de m’aider » je ronchonne alors. Mais depuis quand Peter était une âme charitable ? Je continue à avancer jusqu’à arriver à hauteur du canapé. « D’ailleurs en parlant de Knox, il est pas là ? ». Là je suis partagée. Entre jalousie parce qu’il réclame après Knox et que je pensais qu’il était venu pour moi. Et entre envie de meurtre car il parle de lui, comme si c’était un morceau de viande et que les deux se tournent autour depuis je ne sais combien de temps. Et que ça m’agace. Je vois rouge, je le deviens peut-être même, car la colère monte « Non et si t’es venu pour lui tu sais où se trouve la porte. Et reste loin de lui de toute façon ! ». Je prends alors place sur le canapé, grimaçant, et évidemment, Peter ne m’aide pas. Non à la place il me fixe du regard et finit par répondre à ma question précédente. Comme si ça avait pris du temps à arriver jusqu’à sa petite cervelle « J’étais occupé ». Tellement pas crédible, je roule des yeux et comme il a pris toute la place sur le canapé, je n’ai d’autre choix que de mettre ma jambe gauche sur ses genoux, sans lui demander son avis. « Occupé à quoi ? Faire le trottoir ? ». Je suis enfin installé, cet effort m’a coûté en énergie. Mais avec Peter, il allait m’en falloir davantage « Du coup c’est quoi ton programme, tu te morfonds sur ton sort devant la télé ? Il y a des gâteaux qui vont avec ? ou de la téquila ? L’un ou l’autre ça me va ». Il se lève d’un coup, je n’ai même pas le temps de lui répondre, je râle car il n’y a pas été mollo avec ma jambe. Mais il a touché aussi un point sensible en me demandant si je morfondais sur mon sort. Cette relation vache entre nous était particulière car on se connaissait par cœur, peut-être trop, au point de toujours viser juste et ne pas réfléchir aux phrases blessantes qu’on pouvait avoir l’un envers l’autre. Prendre des pincettes ? On ne connait pas. Il fouille dans la cuisine, semble trouver son bonheur et revient s’assoir à mes côtés. J’ai changé de technique, ma jambe est sur la table basse, beaucoup plus sûr. « Putain il y a des gens qui te supportent assez pour te faire une tuerie pareille ? ». Je regarde ce qu’il a ramené et mon regard se ferme « Tu peux le prendre je comptais pas le manger de toute manière. Etouffe toi-même avec tiens ». Knox avait trouvé les gâteaux ce matin devant la porte. Un interrogatoire s’était ensuivi pour savoir de qui il provenait. Je niais, disant que je n’en avais aucune idée. Mensonge car je savais que ces gâteaux venaient d’Alec. Comment ? Parce qu’il m’en avait déjà cuisiné, plusieurs fois même, sachant que j’en raffolais. Repenser à lui et à ces souvenirs me plonge quelques instants dans mes pensées mais entendre Peter manger comme un dégoutant à côté me fait sortir de ma rêverie « Et oui le programme est clairement de me morfondre sur ma pathétique vie, surtout quand je pense que je fréquente des gens pathétiques comme toi ». Je suis mauvaise avec lui, parce que c’est toujours comme ça entre nous. Pourtant, je suis contente qu’il soit enfin venu me voir. Même s’il ne l’avait pas fait immédiatement, je savais que je verrai sa tête de têtard à un moment donné. « Tu vas me laisser crever la dalle longtemps ? Passe-moi ma boite de sushis là-bas » je fais en lui montrant celle-ci au bout de la table basse « Et va récupérer une bouteille de vodka dans le meuble derrière nous ». En vrai, je louche sur les gâteaux au chocolat. Mais non, je ne veux pas craquer. Par principe. Stupide principe.
« Je suis un produit de luxe ça ne s’amuse pas à faire le trottoir ». Je roule des yeux, déjà fatiguée de l’entendre parler. Surtout pour sortir des conneries pareilles. Je ne cherche pas à comprendre davantage où il était passé. Je sais que, s’il est parti comme ça, du jour au lendemain, c’est certainement pour son boulot. Je ne pouvais pas le blâmer, après tout. Si j’avais cette même possibilité de pouvoir autant voyager grâce à mon travail, j’en ferai de même. Capable de partir sur un coup de tête dès que l’occasion se présenterai. Peut-être dis-je ça parce que j’ai envie de mettre un grand coup de pied dans ma vie, me consacrer pleinement à ma carrière qui est une des seules choses qui me réussit jusqu’à maintenant ? Ou une preuve de lâcheté aussi, à vouloir fuir face aux problèmes qui s’accumulaient petit à petit dans ma vie ? D’ailleurs, Peter, volontairement ou non, m’en rappelle un en pleine face. Il part chercher un truc à se mettre sous la dent et trouve les gâteaux que j’ai reçu le matin même… de la part d’Alec. Je n’y ai pas touché, non pas qu’ils ne me donnent pas envie mais plutôt parce qu’ils me rappellent bien trop de souvenirs. Des souvenirs que je préfèrent oublier, tout comme lui… « Quoi c’est ton ex qui les a fait ? Ils sont empoissonnés ? ». Mon regard se tourne lentement sur lui, je suis sûre qu’il peut voir les éclairs qui en jaillissent tellement la colère me monte à cet instant même. Je m’en prends injustement à lui, c’est sûr, et pourtant je ne trouve que ça pour me défendre « Visiblement non puisque tu es toujours là en train de parler ». Je soupire. Non pas parce que Pete’ est toujours en vie. Mais parce qu’il a touché un point sensible et que c’est plus fort que moi. Je suis incapable de le cacher pourtant je ne me vois pas me confier sur ma piètre histoire à Mulligan. Il se ficherait sûrement de moi, me disant que j’ai été bien trop naïve et stupide. Mais finalement, il aurait raison de le faire et peut-être que cela ne me ferait pas de mal après tout. Je murmure alors, en baissant le regard, jouant avec un fil qui sort du pull que je porte « Mais ouais c’est mon ex ouais… ». J’ai honte, je suis embarrassée même et je m’attends à une déferlante de questions et de remarques piquantes de la part de Mulligan dans 3, 2,1….
J’ai besoin de me changer les idées après tout ça et j’ordonne à Peter de me donner ma boite à sushi et d’aller chercher une bouteille de vodka dans le meuble derrière « Ca y est je suis là deux minutes et ça me prend pour son esclave ». Je l’observe se lever, et en profite pour le jauger de la tête au pied « Ca te fera pas mal de bouger un peu, tu sembles t’être bien goinfré pendant ton absence. T’étais en dépression ou quoi ? ». Il est occupé à prendre ce que je lui ai demandé, je sais qu’il ne me verra pas. Les gâteaux sont encore posés sur la table, ils me font de l’œil. J’ai faim… Je regarde autour de moi, non il ne s’en rendra pas compte. Je pique un petit bout, un seul, minuscule petit bout de gâteau au chocolat. Et comme je le redoutais, ils sont succulents. Je me déteste, mais je ne peux pas résister longtemps à la bouffe, je suis toujours en train de picorer dans l’assiette des autres. J’avale vite cependant alors que Pete revient vers moi. Il me tend la bouteille « T’as l’air d’en avoir plus besoin que moi ». Et comment ! Je m’en saisis alors, l’ouvre et en descend une gorgée. Une bonne gorgée. Je m’apprête à lui donner mais, quelque chose me retient « Uhm, fais voir ta gueule ». Je lui attrape le visage fermement d’une main en pinçant les deux joues pour pouvoir l’examiner de près « T’a pris quoi avant de venir toi ? ». Ses yeux ne semblent pas dans leur état normal « Ca te coûtait tant que ça de venir me voir que tu pouvais pas venir clean ? ». Ça m’offusque presque mais finalement, je le relâche et me repositionne au fond du canapé, non sans grimacer des efforts que je viens de fournir. J’attrape un coussin que je serre contre moi, doucement, mais même ça c’est douloureux. Ce sont les paroles de Pete qui le seront tout autant « Parait que ton père est revenu ? ». Il ne me regarde pas en disant ça, il semble indifférent. Je trifouille le coussin, ne le regarde pas non plus. Il s’appuie à son tour, sentant son épaule contre la mienne « Ouais… ». Là aussi, c’est un sujet houleux, je n’ai pas envie de m’étaler. Pourtant, Pete connait bien mon père puisque nos parents étaient amis et que nous avons passé beaucoup de temps tous ensemble « Comme ça, du jour au lendemain… Il s’est pointé, mine de rien, se disant que je le pardonnerai en un claquement de doigt ». J’attrape de nouveau la bouteille de vodka, boit une gorgée, je n’ai même pas touché à mes sushis finalement et ajoute, avec un sourire forcé « Ah oui et tu sais quoi ? J’ai un frère ! ». Le pompon !
Je vois Peter se goinfrer avec les gâteaux reçus le matin même de la part d’Alec. Comme d’habitude, il a vite compris qu’une histoire un peu plus profonde se cachait là-dessous pour refuser de vouloir en manger « C’est qui ? Tu ne me l’as même pas présenté, comment j’vais pouvoir lui casser la gueule maintenant ? ». Un air étonné apparait sur mon visage. Je suis partagé entre l’étonnement du fait qu’il veuille casser la gueule à ce fameux ex et l’envie de rire. Car en pensant à la carrure d’Alec à côté de la sienne…. Comment dire. Pete’ n’a aucune chance. Je ris alors, levant les yeux au ciel « Tu risques de ne pas en sortir vivant le gringalet, bien que ça me réjouirait peut-être… ». Je plaisante pour en vrai cacher la vérité et éviter de répondre à ses interrogations. Rire m’arrache finalement une grimace, mes côtes me lançant à nouveau. Je soupire avant d’ajouter « Ca me touche que tu veuille prendre ma défense l’abruti mais franchement, ça en vaut pas la peine ». Je viens ébouriffer ses cheveux déjà bien en bataille accompagné d’un mince sourire.
Je demande ou plutôt ordonne à Mulligan de récupérer les sushis mais surtout une bouteille dans le meuble derrière nous. Il râle, étonnant me direz-vous venant de lui, et je me permets une remarque sur son poids « Tu peux parler madame je me morfonds sur mon canapé ». Je fronce les sourcils, attrape un coussin et… le lance pitoyablement, il n’atteint même pas la cible voulue. Pathétique. « J’ai le droit j’ai une bonne excuse, j’ai failli crever ». Mon excuse me semble tout à fait valable. Pete’ revient alors pour me donner la bouteille de vodka. Il siffle, sûrement impressionné par ma descente. Mais j’attrape vite sa tronche pour l’examiner. Ses yeux sont vaseux, je me demande bien ce qu’il a pu prendre avant de venir « Je me shoote pas à dernière nouvelle. C’est pas un verre d’alcool qui a tué quelqu’un. Demande aux français, ils prennent tout le temps l’apéro ». Je suis dubitative, arquant un sourcil, m’interrogeant sur la véracité de ses propos. Et puis je l’observe boire à son tour « Ca s’appelle profiter de la vie ». Je n’y crois pas vraiment et me risque alors à une remarque « Ca s’appelle aussi avoir quelque chose à cacher et noyer son chagrin dans l’alcool ». Je lui prends à nouveau la bouteille d’alcool en guise de démonstration « Regarde, c’est ce que je fais ». Je lève la bouteille à son honneur. Je sais que Pete est fort pour cacher ce qu’il ressent vraiment et si je voulais vraiment lui tirer les vers du nez, j’allais devoir batailler. Mais, il m’en savait capable et de toute manière, il y avait cette particularité entre nous qui faisait qu’on arrivait très bien à cerner l’autre. Au point qu’on savait comment piquer au bon endroit. « T’a eu une peine de cœur ? Ou tu te rends compte que ta vie est pathétique ? ». Je me rends compte alors que les deux critères s’appliquent pour moi aussi. Je m’en cache moins mais sans pour autant vouloir m’étendre sur le sujet.
Enfin, jusqu’à que Pete parle du retour de mon père. Je parle d’un ton laconique quand je résume les retrouvailles à Mulligan. « Papa McKullan a oublié la tête de mule que t’es j’crois bien ». Sa main vient me tapoter la cuisse, une manière de me dire qu’il est là pour moi. Je ne prends pas mal sa remarque car il n’a pas tort « J’pense que je lui ai bien fait comprendre. Il attend que je revienne vers lui… ». Je finis la phrase sur un ton un peu triste, contrastant avec le début où celui-ci est impassible « mais il peut attendre longtemps » ça c’est pour le genre, car au fond, je ne fais que réfléchir. Réfléchir à si je dois retourner vers lui, surtout quand je me rends compte qu’il me manque, que j’ai toujours attendu son retour au fond de moi sans en parler à personne. Et surtout quand à longueur de journée, je me sens au plus bas et que j’aimerai juste qu’il soit là pour me rassurer.
J’avoue à Pete que j’ai appris aussi l’existence de mon frère. Enfin, plutôt la confirmation. Ces derniers mois j’avais eu pas mal de doute quant à cette ressemblance déconcertante avec Jax, ce mec que j’ai rencontré par hasard au détour d’une interview. « Quoi ? ». Pete’ a ses yeux écarquillés, qui lui donne encore plus un air de débile profond que j’adore et qui me fait sourire. « T’as un frère ? ». J’acquiesce « Mais attend, genre un demi-frère ? Papa McKullan est allé fricoter ailleurs après s’être cassé ? ». Là, je tique. Ca j’en sais rien en fait « Il a du sûrement le faire, va savoir combien j’ai d’autres frères et sœurs qui vont sortir de son chapeau un jour ou l’autre ». Là je suis clairement mauvaise, dénigrant l’image de mon père. Mais après tout, les mensonges n’ont fait que s’accumuler au fil des années alors, plus rien ne m’étonnerait. « Ou genre avant toi ? » Et là j’acquiesce, en baissant le regard. Et je sais que ce sujet ne va pas laisser Pete’ de marbre « Un dont ils se sont débarrassés ? ». Je relève mon regard vers lui, triste, et instinctivement, je pose à mon tour ma main sur sa cuisse. Parce que je connais son histoire et je sais qu’il va pouvoir s’identifier à celle-ci « Tu sais qui c’est ? Tu l’as rencontré ? ». Une gorgée de plus avant de me lancer « Par hasard en juillet dernier. Je l’ai interviewé et on m’a fait remarquer notre ressemblance. A plusieurs reprises. Et même moi, je trouvais ça frappant et puis, je sais pas, cette sensation bizarre quand j’étais avec lui. J’ai appris qu’il avait été en orphelinat et mes soupçons ont fini par se confirmer de plus en plus. Et mon père n’a fait que valider ce que je pensais… Ca reste à confirmer mais je pense que oui Jax Collins est mon frère… ». Je devais avoir une conversation avec ma mère et mon père accessoirement pour connaitre le fin mot de l’histoire. Comprendre pourquoi ils avaient abandonné celui que je soupçonnais être mon frère. « Il a trente-cinq ans, ça voudrait dire que mes parents en avaient seize, et ils étaient déjà ensemble à cette époque-là.… Tout est possible ». Beaucoup de zones d’ombre subsistait mais je restais persuadé que mon père ignorait son identité « Et c’est ce qui explique pourquoi mon père est parti… Parce qu’il voulait le retrouver… ».
« Attention ou je change d’avis et j’essaye de le choper, quitte à pas m’en sortir vivant autant finir en beauté ». Ma main vient rencontrer fortement son épaule, produisant un claquement assez audible. Je le fusille du regard alors avant d’ajouter « Non, j’ai besoin de toi dans ma vie l’abruti, ça me ferait chier de ne plus avoir quelqu’un sur qui me défouler quand je rencontre des mecs comme A…lui ». Je me retiens de lui donner son identité car je craignais qu’il soit capable d’aller le trouver. Je sais qu’il est capable de surenchérir alors j’attrape, non sans galérer, un muffin au chocolat et lui fourre dans la bouche pour l’empêcher de parler plus ce qui me fait rire.
« Roh tout de suite les grands mots. Une petite vaguelette. C’est surtout tes talents de surf qui laissent à désirer ». Mon regard s’assombrit, mes sourcils se froncent et il semble craindre que je lui rebalance un coussin dans la tronche puisqu’il se saisit de celui qui se trouve à côté de moi. Il m’envoie un baiser et je grimace, comme écœuré « Je t’emmerde Mulligan ! ». Je bois, à défaut de pouvoir faire autre chose et remarque que Pete’ a une sale tête. Bon ça ne change pas de d’habitude mais c’est plutôt ses yeux vitreux qui m’interpellent. Je le suspecte d’avoir déjà bu sans moi avant de venir. Il nie, évidemment, c’est plus simple de fuir que d’avouer. Alors j’essaye de l’inciter en lui montrant l’exemple, comme quoi je noie moi-même mon chagrin dans l’alcool « Eh doucement avec la descente ! J’ai pas envie que tu me vomisses dessus ! ». Je ris alors qu’il me rejoint sur le canapé et me prends la bouteille « Tu ramasseras c’est pas grave, c’est à ça que tu es censé servir aussi non ? ». Je tapote doucement son épaule, un sourire narquois sur mes lèvres. « J’ai rien à cacher, contrairement à toi je sais profiter de la vie et pas me prendre la tête pour des conneries ! ». Ma main qui était posé sur son épaule part instinctivement derrière sa tête pour lui en coller une en guise de réponses.
Mais je sais qu’il me cache des choses, parce que pour être dans cet état, c’est qu’il y a forcément quelque chose qui cloche. Je sais de quoi je parle et il a raison lorsqu’il me dit « Tu projettes un peu non ? ». J’hausse alors les épaules et laisse échapper un « Peut-être » mais je sais que j’ai raison. Je le regarde boire plus que de raison et je viens même attraper la bouteille pour le stopper « Ouais t’es pas la seule à t’être fait plaquer ». je vois son regard qui se ferme, même si c’est une fraction de secondes et je sais bien que ça ne lui fait pas rien, contrairement à ce qu’il veut laisser prétendre en retrouvant son sourire et en m’attaquant encore « Mais moi je ne suis pas estropié donc allez tu gagnes à la vie pathétique ». Je ne relève pas et mon regard sur lui est compréhensif, sourcils froncés car cela me fait de la peine de le voir comme ça « Molly ? ». Sa relation avec la jeune femme était plus que complexe. Disons que c’est lui qui rendait les choses compliquées alors qu’il avait la chance d’avoir une nana qui acceptait tout et le reprenait à chaque fois. D’ailleurs, je ne m’empêchais pas de lui faire remarquer à chaque fois, et je compte bien en rajouter une couche ce soir « T’es un con aussi Mulligan sérieux ! Tu peux t’en prendre qu’à toi-même, tu fais de la merde à chaque fois avec elle, normal qu’au bout d’un moment elle te vire ! Je l’aurai fait depuis longtemps à sa place ». J’enfonce le clou, je ne l’aide pas, je le sais, mais c’est comme ça entre nous, prendre des pincettes n’existait pas. Et il avait besoin aussi de se prendre ça dans la tronche parce que tout simplement il a merdé.
Je parle du retour de mon père mais pas que. La découverte d’un frère plus âgé, que mes parents ont abandonné à sa naissance. Je raconte tout ça à Peter et finit par donner le nom de ce possible frère « Jax Collins ? ». Mon regard se pose alors sur Pete, ne comprenant pas pourquoi il répète son nom « Jax Collins, tête de surfeur, beau gosse, cascadeur, un vrai nounours qui mériterait d’être dévergondé ? Ce Jax Collins ? ». Mon regard change, surpris qu’il me décrive à la perfection Jax à ce point. « Euh ouais… ». « Jax Collins qui a été dans l’orphelinat de Brisbane pendant des années avant d’être adopté ? C’est lui ton frère ? ». Je ne comprends pas où il veut en venir, il semble le connaitre en tout cas. Et puis « Attends, ne me dis pas que… ». Je fais la connexion et pivote un peu pour vraiment faire face à Jax, même si cela m’arrache une grimace « Tu étais avec lui à l’orphelinat ? Tu le connais ? ». Incroyable « Mais, … tu trouves qu’on se ressemble toi ? Je n’ai pas de vraies preuves qu’il soit mon frère mais… je le sens et au fond, je sais que lui aussi… ». Finalement, le pauvre Mulligan, je l’assène de questions « Tu es resté en contact avec lui durant toutes ces années, une fois que vous avez été adopté tous les deux ? ». Parce qu’il ne manquerait plus que ce soit le cas et que je me dise que Jax et moi aurions pu nous croiser durant notre enfance, sans savoir qui nous étions l’un pour l’autre.
Il a l’air d’un con avec son muffin dans la bouche. Mais c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour le faire taire. Parce que je sais qu’il risque de m’interroger longtemps sur l’identité d’Alec, et je ne tiens pas en lui en faire part. Il me rappelle ces nombreuses fois où il a voulu jouer le grand frère protecteur avec moi et où je n’ai fait que l’envoyer balader, lui demandant de se mêler de ses affaires. C’est un peu ce que je lui demande de faire indirectement à ce moment même « Non vraiment dégueulasse ce muffin. Nul comme cuisinier, 0 sur 10 sur trip advisor ». Des miettes sortent de sa bouche, finissent sur le canapé et sur le tapis. Et même si j’ai juste envie de lui crier dessus pour ce qu’il est en train de faire, je ris de plus belle. Une chose qui ne m’était pas arrivé depuis de nombreux jours. Et à ce moment-là, je suis reconnaissante d’avoir Mulligan dans ma vie pour me redonner le sourire.
Mais aussi pour me mettre devant le fait accompli, pour que je me rende compte que toute cette négativité qui m’entoure ces derniers temps est aussi de mon propre fait. Après tout, pourquoi continuer à me soucier du retour de mon père ? Pourquoi ne pas l’ignorer comme je l’ai fait pendant toutes ces années ? Pourquoi je reste attachée d’un mec qui ne peut visiblement pas m’inclure dans sa vie ? Pourquoi avoir arrêté un début de relation avec Adam alors que je passais du bon temps avec lui, sans prise de tête ? sa franchise déconcertante me fait me poser toutes ces questions alors même que ma main est partie taper l’arrière de son crâne. « CA Y EST JE SUIS MARTYRISE, comment Knox fait pour vivre avec toi je me le demande ! ». Je roule des yeux et lâche sans réfléchir « Il m’aime voilà tout. Et je sais que c’est ton cas aussi Mulligan ! Mais hors de question que tu vives ici par contre ! ». Je préfère avertir avant qu’il ne prenne trop ses aises, car il en serait capable, surtout après son retour impromptu. Ça fuse, ça valse dans tous les sens, les vérités, les non-dits, les choses que beaucoup pensent tout bas mais n’osent pas dire. Parce que je comprends qu’il s’est fait plaquer par Molly « Ouais » il lâche alors qu’il vient de prendre une nouvelle gorgée d’alcool. Il sourit pourtant, comme si tout cela ne l’affectait pas. Et parce que la langue de bois n’a jamais existé entre nous, je lui balance qu’il l’a juste bien mérité. Son comportement avec Molly a été abjecte et il sait très bien ce que j’en pense. Mes paroles font disparaitre ce sourire qu’il tente pourtant de garder. Et puis il finit par rire même « Il aura fallu 12 ans pour qu’elle arrête de me pardonner. C’est un beau record non ? » « T’es une pauvre merde Pete ». Ça sort spontanément, mais qu’il continue de plaisanter là-dessus, qu’il joue le petit con même devant moi m’agace. Parce que je sais qu’il ne fait que prétendre. Prétendre que ça ne l’affecte pas alors que c’est tout le contraire. Le sourire de façade, les vannes déplacées ne marchent pas avec moi « Arrête de faire semblant un peu et avoue que tu es mal et que tu as envie de te taper la tête contre le mur, tu seras plus crédible ». Mon regard se pose sur lui, un peu inquiet, parce que je sais qu’il camoufle énormément et que cela ne lui apporte rien de bon. L’alcool fait partie de ces choses qui ne l’aident pas justement…
Puis, en discutant, on se rend compte que Peter connait Jax… Celui que je pense être le frère que mes parents ont abandonné cinq ans avant ma venue au monde. Je fais le rapprochement et ça me glace le sang. Je pose toutes les questions qui me passent par la tête à Pete’, l’obligeant à replonger dans des souvenirs que je sais, il préférerait oublier « Au début oui, ma mère a tout fait pour que je garde contact avec lui, pour pas qu’on coupe le lien ». Les parents de Pete étaient des amis de mes parents avant même qu’il arrive dans leur vie. Alors quand ce fut le cas, je l’ai rapidement rencontré. Le cheminement se fait encore plus dans ma tête… « On s’est perdu de vu après ça… je l’ai recroisé une ou deux fois sur des tournages, mais…c’est tout ». J’arque un sourcil parce que je sens qu’il ne veut pas tout me dire « Et ? Comment se sont passées vos retrouvailles ? ». J’ai besoin de savoir si Pete partage l’opinion de nombreuses personnes qui trouvent un air de ressemblance entre Jax et moi, lui qui le connait bien finalement « Je sais pas si vous vous ressemblez… C’est vrai que maintenant que tu le dis. En fait c’est surtout qu’il ressemble à ton père maintenant que j’y pense ». Mes yeux s’écarquillent alors, surprise qu’il ai remarqué cette ressemblance entre mon père et Jax « Putain tu te rends compte que tes parents auraient pu le croiser ? T’aurais pu le croiser ? ». Je lui fais signe de me passer la bouteille qui est posée sur la table parce que j’ai vraiment besoin de boire un coup. Je la saisis et en boit une longue gorgée et la rend aussitôt à Pete, sans même le regarder, perdue dans mes pensées « Imagine. Les Mulligan auraient pu adopter Jax à ta place ! ». Pas sûr que Pete apprécie la remarque mais je ne faisais même plus attention à ce que je disais tellement mes pensées étaient confuses. Je poursuis dans mon idée « Ouais, et … je n’aurai même pas su qui il était vraiment. Je l’aurai considéré comme un frère, comme toi… ».
« Je sais que tu dois être un peu en manque Mia, et que bon je suis irrésistible on le sait tout les deux mais quand même ça ne pourra jamais marché entre nous ». Mon regard se tourne immédiatement vers lui, un air de dégoût s’affichant sur mon visage. Je lève les yeux au ciel face à sa connerie « Clairement », approuvant alors ses dires. Non, jamais ça ne pourrait marcher entre nous c’est certain. Je ne préfère même pas imaginer une relation avec lui tellement ça me parait impossible, inenvisageable, insensé. On se connait depuis gosse et rien que de m’imaginer aussi proche de lui me dégoute. Comme quand nous étions gosses et que certains mômes au parc s’amusaient à nous « ils sont amoureux ». En général, Pete finissait par leur courir derrière ou leur balancer une obscénité, étant donné qu’il était un peu plus âgé.
Nous en venons au sujet que je sais douloureux et pourtant qu’il sait camoufler. Molly. Elle et lui, c’est tout une histoire, une histoire qui a duré, duré… Peut être trop longtemps. Car Pete a clairement merdé avec elle, il n’a pas été sérieux, il ne l’a pas respecté alors qu’elle a su lui pardonner les trop nombreuses erreurs qu’il a pu commettre. Il sait ce que j’en pense et je n’hésite pas à en rajouter une couche pour le faire flancher. Mais rien n’y fait « Et toi peut-être que tu devrais arrêter de te morfondre sur ton canapé ça a jamais réussi à personne ». Ma réaction est simple : un doigt d’honneur alors que je pique un morceau de muffin au chocolat qui traînait encore sur la table. Nous pourrions passer des heures à nous envoyer pique sur pique pour faire craquer l’autre. Sauf qu’autant lui que moi sommes tenaces et je ne comptais pas me livrer à cette bataille maintenant. On y passerait sûrement le reste de la nuit.
Jax vient sur le tapis. J’explique le peu d’informations que je sais à propos du fait qu’il soit mon frère, abandonné par mes parents trente cinq ans plus tôt. Peter le connait car ils étaient tout deux à l’orphelinat en même temps. Etonnée, je questionne mon ami alors qu’il me dit l’avoir recroisé il y a peu sur des tournages « Rien de spécial, on a plus grand-chose en commun, c’était il y a longtemps ». Cela ne m’étonnait pas quant on voyait les deux personnalités diamétralement opposées de Peter et Jax. Un était complètement timbré, l’autre posé et peut-être un peu trop propre sur lui. La remarque que je fais sur le fait que les Mulligan auraient pu adopter Jax à la place de Pete est maladroite et je m’en rends compte lorsqu’il fronce les sourcils. Je pose alors ma main sur son épaule, en murmurant un « désolé » grimaçant. « Il le sait Jax ? Il a rencontré tes parents ? Il en a envie ? ». La curiosité était clairement une chose que nous avions en commun Pete et moi. « Il sait oui. Je ne l’ai pas revu depuis et il n’a pas très envie de me voir je pense… Alors j’imagine qu’avec mes parents, il en sera de même. Mais je le comprends. Et je ne lui imposerai jamais de le faire. Je garderai ça pour moi et s’il veut leur dire, ce sera sa décision. Pas la mienne ». Parce que je respectais Jax et même si je ne pouvais pas comprendre complètement ce qu’il avait vécu, je me doutais que cela devait être douloureux et qu’il ne ressentait que de la colère envers ses parents biologiques.
La soirée se termina plus légèrement, Pete et moi finissions la bouteille de vodka ce qui nous mis dans un état un peu euphorique, rigolant pour un rien. Nous finissions la soirée par regarder un film avant que je ne m’endorme sur son épaule.