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Raelyn Blackwell & @Mitchell Strange - Août 2020

Il aura eu ce qu’il veut Mitchell au bout du compte : Amos et moi ne sommes plus rien, nous nous sommes quittés sur des horreurs criées dans un taxi et sur un bout de trottoir. Au delà de ça, il avait raison Mitchell, bien que ça m’en coûte de l’admettre, concernant mon amant j’ai manqué de clairvoyance quand lui s’en est toujours méfié. Sauf qu’il n’en saura rien. Je ne supporterais pas de voir un sourire suffisant se dessiner sur son visage. Il ne le mérite pas, et il ne mérite rien d’autre que mon mépris.

Alors pourquoi, méthodique, j’ai pris la peine de me préparer à cette entrevue ? Pourquoi ai-je prié pour qu’Alec n’ait rien raconté à son frère de ma visite chez lui dans la nuit, et pourquoi ai-je pris le temps de me redonner un visage humain, débarrassé des larmes, des cernes et de la coke ? Pourquoi ai-je besoin de lui prouver que, malgré sa traîtrise et malgré ses mensonges, ceux qu’il me serre depuis des années, je n’ai pas besoin de lui et il ne m’atteint pas ? Est-ce de la fierté que de vouloir garder la face quand j’ai la sensation que mon monde s’effondre ? Est-ce parce que cette nuit j’ai offert un spectacle pathétique à son frère et mon ancien ami, hystérique et droguée jusqu’à la moelle ? Est-ce pour lui prouver qu’à me perdre, il perd un maillon important de la chaîne et que sans moi tout s’effondrera lentement mais sûrement s’il continue dans la voie dans laquelle il est empêtré jusqu’au cou ? J’en ai eu quelque chose à foutre, avant, de combien son attitude a nuit au Club depuis presque un an, depuis la mort de Mavis et même avant ça, depuis la traîtrise de Lou.  

Je ne suis sûre de rien, ce que je sais c’est que ce matin je suis restée sobre quoi qu’il m’en coute, je me suis glissée sous la douche pour faire disparaître les traces de maquillage coulé sur mon visage et j’ai maquillé mes cernes pour qu’il n’ait pas le loisir de me voir diminuée. Arrivée au niveau de la console d’entrée de mon appartement je n’ai pas hésité et, sans réfléchir, j’ai glissé dans mon sac l’arme de poing qui dort sagement dans le meuble en bois depuis plus de douze ans, un glock appartenant à Aaron. J’ai vérifié qu’il était chargé, que la sécurité de l’arme était enclenchée et je suis sortie, me laissant enveloppée par le vent froid du mois d’août. J’ai marché de mon appartement jusqu’au Club, j’ai marché les trois kilomètres qui séparent Spring Hill de Towoong et j’ai poussé la porte du Club vers quinze heure, l’heure à laquelle je sais que je serais seule. Dans mon bureau, j’ai attrapé les livres de comptes et de stock que je tiens rigoureusement depuis des années sans attendre que l’on m’en remercie et je les aies glissé dans mon sac. J’ai ouvert la salle des stocks pour attraper plusieurs sachets de poudres entre mes doigts, et ils ont rejoint les fruit de mon labeur au fond de mon sac à main. Je ne reviendrai plus ici, autant emporter ce qui, à mes yeux, m’appartient et m’a toujours appartenu. Pas à lui. Pas à ce chien, ce fils de pute pour lequel je me saigne depuis plus d’une décennie alors qu’il m’a planté un couteau dans le dos dès les prémices de notre collaboration et qu’il a gardé le secret pendant tout ce temps.

J’ai rejoint la salle du bar, encore vide, et accompagnée de ma bouteille de scotch je me suis installée sur une chaise pour allumer une cigarette. Il viendra Mitchell. Ces derniers temps il tente de donner l’illusion qu’il gère quelque chose quand il ne gère rien, et se pointe toujours avant l’ouverture et l’arrivée des employés pour s’enfermer dans son bureau et ne faire rien d’autre à mon sens que s’astiquer le manche. J’ai sorti le flingue du sac et j’en ai ôté la sécurité pour le déposer sur la table devant moi et, les pieds posés sur la chaise d’en face, la clope au bec, j’ai attendu. J’ai attendu et j’ai bu, juste assez pour garder les idées claires et la main stable. Je n’ai bu que pour alimenter ma haine, sans dépasser la limite où elle aurait commencé à s’endormir. J’ai bu et fumé jusqu’à ce qu’il daigne enfin se pointer et, en entendant la clé tourner dans la serrure de la porte qui sépare le restaurant du bar, j’ai ôté mes pieds de la chaise et j’ai croisé mes bras sous ma poitrine. Il est entré le traître. Il n’a plus la prestance qu’il avait autrefois et si j’ai tenté de refuser de le voir, j’ai les yeux grands ouverts à présent. Avec lui à sa tête et plus aucun filet de sécurité, le Club court à sa perte et je m’en fous. « J’ai presque cru que t’allais pas te ramener ce soir. » Mon ton est aussi froid que le canon de l’arme posée sur la table. Il manque d’éclat, mais pas d’agressivité ni de mépris. « Ça aurait été dommage, on en a des choses à se dire... » Ou plutôt, lui me doit des explications depuis douze ans déjà.

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Mitchell passe la porte, et je réalise à l’instant où je pose les yeux sur lui combien il me débecte. Combien, en plus de le haïr pour sa traîtrise, je ne lui cherche plus d’excuse pour son comportement, et je ne vois plus qu’un lâche qui s’avance vers moi. Un lâche qui peine à retrouver sa place au Club après ses absence à répétition, un lâche qui tente encore s’asseoir son autorité quand les gens doutent et parlent - il ne peut rien faire contre ça. Il a perdu le contrôle du navire Mitchell, j’ai longtemps pensé qu’il l’avait perdu temporairement et depuis la mort de Mavis, mais il l’a perdu depuis bien plus longtemps que ça, depuis 2015, depuis qu’il s’entête dans une vengeance qu’il n’est pourtant pas capable de mener à son terme - et il est bien trop tard pour qu’il ne puisse redresser la barre et l’empêcher de couler. Mitchell à sa tête le Club coulera, j’en ai la certitude et si j’abhorre Lou autant que lui, si je ne souhaite à aucun des deux de l’emporter sur l’autre, je ne nourris plus qu’un seul espoir : qu’ils s’entretuent comme des chiens enragés jusqu’à disparaître tous les deux de la surface de la terre. Mitchell emportera son frère avec lui, ça aussi j’en suis persuadée, mais ma haine a remplacé l’amitié que j’avais pour lui. Le mensonge a pourri tout ce qui était beau dans notre relation, et j’y suis parfaitement insensible. Qu’il en souffre m’indiffère, il me sait rancunière et cette faute là, je ne pourrai jamais la pardonner.

« Pourquoi ? Je suis là quasiment tous les soirs et je ne pensais pas devoir te rendre des comptes quant à mon heure d'arrivée. » Je laisse échapper un rire bref, un rire sans joie en fixant le goulot de la bouteille que je tourne entre mes doigts. Je ne suis pas ivre, je ne suis pas défoncée, je veux pouvoir le regarder dans les yeux quand il comprendra que je sais, je veux qu’il sache que je pense chaque mot qui sortira de ma bouche et qu’ils ne sont pas le résultat d’une quelconque défonce ou ébriété. « Tous les soirs… C’est nouveau ça. » Se ment-il à ce point ? A-t-il occulté tous ces mois où il n’a pas été là ou uniquement de façon anecdotique ? Je n’en ai plus grand chose à faire, mais je ne peux pas ne pas relever son hypocrisie. « Mais t’as raison, t’as plus aucun comptes à me rendre. » Et bientôt, l’inverse sera vrai également. L’inverse est déjà vrai au fond, j’ai tenu les rênes de l’organisation trop longtemps si bien que, à moins qu’il ne soit prêt à m’abattre d’une balle dans la tête maintenant et tout de suite - il n’en est pas capable, j’ai au moins cette certitude - il ne peut pas grand chose contre moi. Ses secrets et ceux de l’organisation sont les miens, et je me targue de mieux en connaître les rouages que lui. Il est resté éloigné trop longtemps pour cet univers en perpétuelle évolution.

« Tu permets que je me serve un verre ? »
« Tu fais ce que tu veux. Je suis pas ta mère, et j’ai terminé de jouer ce rôle. »

Il ne m’incombe plus sous prétexte que j’ai les intérêt du Club à coeur. Je me libère de lui, je me libère d’eux et de leur duplicité. « Je comptais justement sur ta présence ce soir. » Il ne récolte qu’un rire bref de plus. Ma poitrine se soulève et un rictus mauvais étire mes lèvre. De quel sujet qu’il maîtrise à peine comptait-il parler ? Qu’il se taise, je m’en fous à présent. « Qu'est-ce qui se passe ? » Je relève enfin mes yeux vers lui, je daigne le faire après me l’être évité jusqu’ici. Je n’ai pas besoin de le regarder en face pour savoir que Lou m’a dit la vérité. Il tentera peut-être de mentir mais le fait est que cela ne changera rien : il ne peut de toute façon pas tomber plus bas dans mon estime. « Je savais que tu respectais pas grand chose. Je sais pas pourquoi j’ai été conne au point de penser que tu me respectais moi. » Je lui montre la chaise du bout du menton avant de récupérer mon arme entre mes doigts. « Tu vas t’asseoir. Tu vas t’asseoir et tu vas me parler d’Aaron. Tu vas faire ce que t’aurais dû faire y’a douze ans. » Ou bien es-tu devenu si lâche que tu n’en es même plus capable, Mitchell Strange ?

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« T'as passé une sale journée ou quoi ? » Sa phrase, elle résonne à mes oreilles comme une insulte, une de plus il n’est plus à ça près, et je laisse un rire sarcastique s’échapper de mes lèvres. Si j’ai passé une mauvaise journée ? Est-il si autocentré et amoureux de son propre reflet qu’il n’a même pas remarqué mon absence ces quatre derniers jours ? Est-il si sûr de lui, si sûr qu’il a enterré son secret à jamais qu’il n’a pas compris ce qu’il est en train de se passer. Il manque de clairvoyance Mitchell, il en manque là où je suis persuadée qu’à sa place j’aurais été assez perspicace pour comprendre ce qui se tramait simplement en posant mes yeux sur moi et sur l’arme. Ma loyauté lui a toujours été acquise et je n’ai jamais failli : comment peut-il ne pas comprendre ? Comment peut-il ne pas voir venir ? En plus d’être lâche je le juge idiot et je remercie Lou et Amos de m’avoir ouvert les yeux, de m’avoir éclairé sur l’ombre d’homme qu’il est devenu avec les années ou plutôt, qu’il a toujours été. « Si j’ai passé une sale journée ? » Je répète, avant de poser un regard désabusé sur lui. Le brun, le chef du Club, il ne m’inspire plus que du dégoût, et il était temps.

L’arme posée sur la table, celle que je n’avais jamais tenue en main avant aujourd’hui, je la récupère entre mes doigts pour mettre fin à cette mascarade. Je ne la pointe pas dans sa direction mais je serre la crosse entre mes doigts avant de lui donner un ordre : celui de s’asseoir et de passer à table. Le plat du jour sera certainement amer, mais j’ai besoin de l’entendre de sa bouche. Sauf qu’il semble si lâche que, même devant le fait accompli, il traîne des pieds et ma colère monte d’un cran. Je ne hurle pas. Je n’implore pas non plus il n’en est pas question et la seule manifestation de mon ire c’est ma respiration profonde, ma poitrine qui se soulève et s’abaisse tandis que je le fixe d’un air mauvais. « C'est bon, baisse ton arme. » « Je te pointe pas encore. Mais ça va venir si tu fais pas ce que je te demande. » Je me fous que nous soyions surpris. La vérité c’est que je n’ai pas pensé aux conséquences et que je suis forte de la certitude que dans ce cas, il aurait peu de soutien Mitchell. Comment réagiraient ses rares fidèles en apprenant que sa paranoïa l’a poussé à livrer l’un des siens, son meilleur ami de surcroît ? « Je ne sais pas ce que tu as entendu... » Ma lèvre se retrousse en un rictus mauvais : il tourne autour du pot le pleutre, et il me donne envie de vomir. « Et si tu me disais simplement ce qui te chagrines autant au sujet d'Aaron ? » « C’est pas comme ça que ça fonctionne. » Je n’ai pas l’intention de lui mâcher le travail. « Tu vas prendre le peu de courage qu’il te reste et tu vas le dire toi. » Si je dois sortir d’ici sans qu’il ne se soit confessé je le ferais, je sais qu’Aberline dit vrai et qu’il a fait ce dont elle l’accuse, en refusant de répondre il ne fera qu’entériner sa couardise. « Allez, pour une fois dans ta vie assume tes actes. Je t’écoute. » Il a trahie, il a menti, il ne s’en sortira pas en me faisant parler moi. J’ai l’arme entre les doigts, je décide.

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« Qui te l'a dit ? » Qui me l’a dit ? Est-ce donc ça la seule chose qui importe ? Est-ce tout ce que Mitchell a à répondre, qui te l’a dit ? Je comprends dès lors que je ne suis pas au bout de mes peines et que non seulement il n’assumera rien du tout mais qu’en plus de ça il ne ressens pas le moindre remord ou regret. Pas de ”je suis désolé de t’avoir menti”, pas non plus de je me réveille tous les matins en souhaitant que cela ne soit pas arrivé. Tout ce qu’il a à me servir c’est un ”qui te l’a dit” qui prouve bien que, s’il est désolé, c’est simplement de s’être fait prendre. « Lou. » Je n’ai pas la moindre intention de cacher l’identité de sa taupe. Pas alors que cela ne fait que prouver une fois de plus qu’il avait les cartes en mains pour s’épargner cette désagréable discussion et ses conséquences et qu’il a failli. « Tu vois, si t’avais eu ce qu’il faut dans le pantalon pour la descendre, on en serait pas là. » Et finalement, n’est-ce pas là son karma qui revient le frapper ? Il était temps. Au risque de paraître mesquine, il ne peut s’en prendre qu’à lui même.

Et si je pense être prête à tout entendre venant de sa bouche, je ne suis pas prête au ramassis de conneries et de mauvais foi qu’il entame finalement, comprenant certainement qu’il n’a pas d’autre choix que de passer à table. « Tu me connais, tu sais que j'ai tendance à me monter la tête tout seul. À l'époque Aaron m'a fait douter sur sa loyauté et je ne pouvais pas l'accepter. Nous étions de très bon amis et je ne comprenais pas pourquoi il me la faisait à l'envers. » Mais de quoi parle-t-il ? Comment ose-il justifier ses actes, sa trahison, par des choses qui ne sont ni fondées, qui sortent de son imaginaire d’homme paranoïaque. J’ai tendance à me monter la tête. Pense-t-il que cela excuse quoi que ce soit. J’ai le souffle coupé devant le toupet de cet homme qui n’en a plus rien d’autre que les attributs génitaux. Même le nom, il ne le mérite pas. « L'idée, c'était de lui faire peur, de lui donner un bon coup de flip, mais il a joué au malin et tu connais la suite. Pourquoi il a fallu qu'il fasse son malin putain. Je ne suis pas le coupable de sa mort, tu devrais aller braquer ce flingue vers quelqu'un d'autre. » « Il a joué au malin ? » Les traits déformés par la colère, je l’observe avec tout le mépris et le dégoût que je ressens à présent à son égard. « Pourquoi, tu étais là pour savoir comment les choses se sont déroulées ? » La poitrine soulevée par une respiration agitée, je n’ai qu’une envie : lui cracher au visage. « Moi j’étais là. Alors t’avise pas de sous entendre que c’est lui le coupable. Pas quand il t’aurais jamais trahi. Pas quand tu as douté seul de sa loyauté puisqu’elle t’était acquise. Pas quand c’est ton esprit malade qui lui a prêté l’intention de te la foutre à l’envers. Pas quand y’a moins de courage dans ton corps que dans son petit doigt. » Révolée par les propos de Mitchell, révoltée par sa perfidie autant que sa lâcheté, je resserre un peu plus mes doigts sur la crosse de mon arme. « Mais tu t’entends ? T’es qu’un pauvre type, et tu crèveras seul. » Seul, ou avec Alec. Mais si ce dernier le suivra peut-être dans sa tombe comme le docile chien de garde qu’il est, il n’aura plus personne d’autre à ses côtés puisqu’il ne fait confiance à personne. « Vous étiez de très bon amis. Et toi tu l’as trahi. Echange pas les rôles. Et tu m’as trahie moi. » Ce jour là, est les douze années suivantes.

« Réfléchi bien avant de faire quoi que soi que tu vas regretter, il n'y aura pas de retour en arrière. » Pas de retour en arrière possible ? Pourquoi en aurais-je la volonté ? « Oh mais j’ai pas besoin de réfléchir. Tu détruiras cet endroit à moins qu’on te l’enlève des mains de toute façon. » Je ne suis revenue que pour récupérer ce qui m’appartiens et le confronter, je n’ai pas l’intention de m’attarder bien plus longtemps. « Je t'ai menti et après ? J'ai jamais prétendu être un ange, tu sais que je suis capable de tout pour arriver à mes fins, donc je ne comprends même pas pourquoi on est là ce soir, c'était il y a douze ans et si je n'avais pas été là tu serais sûrement sur le trottoir ou six pieds sous terre ! » Il m’insulte et me tourne le dos et ce faisant, il me prouve au moins qu’il ne mérite pas de mourir de ma main.

Bien sûr, je pourrais appuyer sur la détente et il s’écroulerait au sol. Mais il court à sa perte et je choisis de ne pas me salir les mains pour provoquer l’inévitable. Je lui refuse le droit de m’entraîner dans sa chute à ce pauvre homme dépassé parce qu’il n’a construit qu’uniquement grâce à la chance et des bons alliés. Amos avait raison : Mitchell ne me respecte pas : cela n’a jamais été le cas. « Si lui avait pas été là j’aurais peut-être fait le trottoir ou bien je serais six pied sous terre. T’attribues pas les mérites d’autres Mitchell. » Je me lève à mon tour, la main toujours sur mon arme au cas où il tenterait quelque chose d’idiot. « Et après ? Tu crois une seule seconde que j’ai envie de rester ? Je suis pas ton frère. » Celui là même qu’il n’a jamais respecté non plus et qui pourtant reste là. « Je vais me barrer mais t’en fais pas : on se reverra. Je veux être là le jour où tout s’effondrera, le jour où tu réalisera que c’est toi qui peux pas fonctionner sans moi, et pas l’inverse. » Puisque sans mon soutien, le Club serait devenu peau de chagrin en fin d’année dernière ou en début d’année. Puisque sans moi, il aurait détruit pour une femme ce qu’il n’a pas construit : le Club, il n’a fait que le prendre aux mains d’un autre. « Je veux être là quand tu réaliseras qu’autour de toi y’a plus de personnes prêtes à te planter un couteau dans le dos que réellement loyales. Quand tu te mordras les doigts parce que tu réaliseras que moi, je l’étais. » Mais alors que je l’observe, le dos tourné comme un lâche, je me dit qu’il se tirera une balle dans la tête avant.

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« J'aimerais bien savoir ce qu'elle avait à y gagner en te balançant cette information. » Soit il est complètement idiot, soit il le fait exprès et je me contente de hausser les épaules face à sa bêtise. Si lui se demande ce que Lou a à gagner à le priver d’un atout qu’il aurait dû voir à sa juste valeur, moi je me demande ce que j’ai vu en lui toutes ces années. Lou a compris Mitchell. Elle a compris que sans moi le Club prendrait du plomb dans l’aile, et que si je te tournais les talons, d’autres le feraient aussi. Je fais le triste constat qu’Aberline a plus conscience de ma valeur que le boss lui-même, et ça me tire un rictus mauvais. « J’en sais rien. Pourquoi tu lui demanderais pas lors de ta prochaine visite de courtoisie ? » Puisque s’il me l’a caché, je sais aussi qu’il l’a retrouvée depuis des mois et qu’elle respire encore. Une erreur de plus, une erreur qui aujourd’hui le mènera à sa perte, j’en suis persuadée et je ne pleurerai pas sur son sort.

« Oh, arrête, je n'avais pas besoin d'être là pour m'imaginer la scène. » A nouveau, je ne sais comment réagir face à sa mauvaise foi. Il ignore ce qu’il s’est passé. Il n’a même pas pris le temps de se pencher sur les rappots d’enquête j’en suis persuadée et, si je n’étais pas armée de nerfs d’acier, je l’aurais abattu de dos et sans ciller. Il ne mérite même pas la décence de faire face à sa propre mort, pas plus qu’il ne mérite que je lui ouvre les yeux sur sa propre médiocrité, si bien que je me tais. Je le laisse s’enfoncer dans son insignifiance et son ignorance. « Qu'est-ce qui te fais dire ça ? Je ne suis pas con, un jour il en aura eu marre de tout ça, vous auriez eu des désirs d'autres choses, de peut-être partir à l'autre bout du monde vivre votre vie, fonder une famille, vous aurez tourné le dos à la seule famille que vous n'aviez jamais eu. » « Pauvre petit Mitchell, il se serait retrouvé tout seul. » Ma mâchoire se contracte de colère. Comment rester calme quand, en plus de remettre la faute sur Aaron, il se présente comme la victime dans tout ça. « T’es pas ma famille. Et t’étais pas la sienne non plus. Pas alors que t’as fait ça. » Je me redresse et, à mon tour, je fais quelques pas dans sa direction en maintenant mes distances. « Je vais te dire la vraie raison pour laquelle t’as monté ce plan. Tu l’as fait parce que tu voulais le Club, parce que tu voulais le diriger et que t’étais conscient qu’il avait plus de charisme et de grandeur dans son petit doigt que t’en as dans ton corps entier. Tu l’as fait parce que tu savais qu’il te passerait forcément devant un jour ou l’autre. » Il n’a jamais exprimé la volonté de le faire mon compagnon de l’époque, pourtant, je nourris la certitude qu’elle était là, la peur du brun. Être doublé. Être supplanté et que tout le monde ne réalise à quel point il était et est toujours médiocre à en vomir.

« Non, tu crois ? J'ai toujours été un sale type, tout comme mon père l'était, ça doit être de famille. »
« Garde ce genre d’histoires pathétiques pour les putes que tu sautes. Qu’il t’ai battu, tripoté dans ton lit ou qu’il ait tué ta mère, j’en ai rien à foutre. »

Pense-t-il qu’il arrive à se faire plaindre ? Pense-t-il qu’il reste seulement la moindre part de moi qui se préoccupe de lui ou de son sort ? Qu’ils pourrissent en enfer lui et son frère. « Quand je t'entends, j'ai l'impression que tu penses que j'ai voulu tout ça, la mort d'Aaron. C'était comme un frère, j'ai sa mort sur la conscience depuis douze ans et je l'aurai toujours.  » A nouveau, je laisse échapper un rire froid avant de déglutir et de secouer la tête. Le fait est que je tombe des nues. Je m’en veux plus à moi de m’être voilée la face sur ce qu’il était pendant tout ce temps. Cruel et sans pitié, je l’aurais respecté. Il aurait assumé son erreur et tapé du poing sur la table qu’il m’aurait perdu et aurait perdu ma loyauté, mais au moins il ne se serait pas tourné en ridicule. « J’ai pas fait exprès c’est valable quand on a cinq ans Mitchell, pas quand on est supposé être un homme. Tu me dégoûtes. »

A partir de là, j’écoute à peine ses mises en garde. Lorsqu’il se targue d’être capable de rebondir, je l’imagine déjà supplier Lou, Amos ou les forces de l’ordre de l’épargner. Je l’imagine chier dans son froc quand, enfin, quelqu’un collera le canon d’un flingue sur son front pour lui donner ce qu’il mérite : une mort à genoux et sans la moindre dignité. « Si tu changes d'avis, tu sais ou me trouver et le cas échéant, j'espère ne pas avoir à te courir après. » « Je changerai pas d’avis. » Pour qui me prend-t-il ? De nous deux, je ne suis pas celle qui n’a plus la moindre fierté. S’il avait eu l’étoffe d’un leader de gang, un vrai, un que j’aurais respecté, il m’aurait abattue manu militari pour montrer ce qui arrive à ceux qui le défie. Il n’aurait pas tenté de se justifier en s’appitoyant sur son sort. Qu’ils s’entretuent, Aberline et lui, ils se méritent l’un l’autre. « Je pars. Tu ne me suis pas. Tu n’envoies personne sur mes traces. Je veux voir aucun chien de garde du Club en bas de mon appartement non plus, c’est clair ? Sinon je deviendrais particulièrement bavarde... » Et je me doute qu’il y aurait du monde prêt à m’écouter et que lui n’a pas ce qu’il faut pour m’en empêcher.

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Raelyn Blackwell & @Mitchell Strange - Août 2020

« Je n'y manquerai pas. » Qu’il le fasse ou qu’il ne le fasse pas, ce n’est plus mon problème à présent. Je n’ai pas besoin de savoir lire l’avenir dans une boule de cristal pour savoir de quoi celui de Mitch est fait - et par extension du Club si personne ne vient le lui prendre des mains comme on retire un objet précieux des mains d’un enfant de peur qu’il ne le casse. Il s’entretueront lui et son ancienne protégée. Ils s'entretueront et ils ne méritent de toute façon que ça. Je ne nourris que de la haine pour l’ancienne prostituée mais je dois admettre une chose : ils se méritent tous les deux.

Là où il pique ma colère, là où il réveille mes plus mauvais instincts, c’est lorsqu’au pied du mur il ment encore. Sa mauvaise foi me scandalise, et je ne suis pas au bout de mes peines puisqu’il continue, plutôt que de rendre les armes et admettre qu’il a eu tort, il se justifie et va jusqu’à mentir quand il ne sait rien des circonstances de la mort de mon ancien compagnon. « Aaron n'aurait jamais pu y prétendre, il n'aurait pas pris ce risque alors que la femme de sa vie dormait à poing fermés à ses côtés. Tu as tort. » Mon visage est déformé par un rictus mauvais. « T’as raison Mitch. Tu le connaissais mieux que moi. Et tu sais mieux que moi ce qu’il s’est passé. » Mieux que moi qui étais dans l’appartement. Mieux que moi qui, si je ferme les yeux, est encore capable de décrire la scène dans ses moindres détails. Mieux que moi qui en ai fait des cauchemars pendant des années. « D'ailleurs ! Pourquoi tout ce cinéma ? Je pensais que tu avais trouvé chaussure à ton pied avec ce mec. À quoi bon ressasser le passé. » Et il continue. Il s’enfonce et ressemble à un enfant pris en faute, un enfant incapable de réfléchir à un bon argument, un vrai. « Ce cinéma. » Je l’observe, hébétée alors que je ne devrais plus. Plus rien ne devrait me surprendre de sa part, plus aucune bassesse. Mais je quitterai la pièce avec une certitude : j’ai gardé ma fierté, j’ai gardé la tête haute quand lui s’est conduit comme l’homme médiocre qu’il est depuis des années. Moi, j’ai fait preuve d’éloquence quand il s’est entêté dans des non sens. « Ce cinéma Mitchell, c’est parce que contrairement à toi j’accorde encore un peu d’importance à la loyauté. Contrairement à toi, je ne suis pas bouffée par l’hypocrisie. » Contrairement à toi, je peux encore me regarder dans le miroir en me disant que je suis quelqu’un. Je ne me fais aucune illusion : lorsque viendra mon heure et que l’on pèsera mon âme, je serais recalée aux portes du paradis. Mais je suis fidèle à mes principes, je possède un code d’honneur qui m’est propre mais auquel je me tiens, moi au moins.

« Tu le regretteras. »
« Non. C’est toi qui regretteras. »

Moi, je n’ai que faire d’avoir éliminé de mon cercle un traître dans son genre. Moi, je ne regarderai pas en arrière en réalisant ce que j’ai perdu, mais plutôt le poids duquel je me suis libérée. Lui, quand il s’effondrera, il réalise que je faisais office de mur porteur au Club. Que sans moi, l'édifice s'effondrera. Oh, peut-être pas demain, ni le jour d’après, mais je connais Mitch et je réalise que je sais depuis plusieurs mois à présent qu’il n’a plus les épaules pour le rôle, que si je ne l’ai pas admis à voix haute plus tôt parce que j’étais occupée à sauver les meubles. « Je ne ferai rien, mais si un jour tu tentes quoi que ce soit contre moi je n'hésiterais pas à m'en prendre aux gens que t'aimes. » « Tu peux essayer. » Amos, je l’ai perdu de toute façon. A qui s’en prendra-t-il ? Son propre frère ? C’est lui qui m’a perdu. L’avantage de réaliser que mon monde s’écroule, c’est qu’il n’a plus le moindre levier sur moi, ses menaces en l’air ne m'effraient pas. « Enfin, je veux dire, à l'unique personne que t'aime. » Je récupère mon sac sur l’épaule. Les livres de comptes et mon travail d’une vie me semblent bien légers à présent. « Tu me fais pas peur Mitchell. » Il m’inspire beaucoup de choses, mais de la peur non. Il n’a même pas été capable d’achever Lou et aujourd’hui il n’arrive pas à me regarder dans les yeux. Alors, je fais le pari qu’il ne fera rien : et tant mieux, sa chute n’en sera que plus rapide et douloureuse.

RP terminé