Le monde va bien et il tourne rond, en 2018. Charlie a ce nouveau travail qu’elle adore, ici, au DBD. Elle a aussi celui là bas, au commissariat. Ses études fraîchement terminées, ces diplômes en main, sa belle colocation sur la plage. Elle vit d’amour et d’eau fraîche comme à son habitude, enchaîne les relations d’un soir et tout autant de numéros bloqués dès qu’elle commence moindrement à s’ennuyer. Il y en a un avec qui elle ne s’ennuie pas, par contre, c’est son patron avec qui l’aventure était interdite et leur histoire proscrite (deux raisons supplémentaires pour elle de foncer tête baissée sans même y réfléchir).

Derrière le comptoir, elle apprend autant son métier de mixologue que celui d’étudiante insouciante se pensant à jamais invincible. Elle joue avec le feu, la jeune femme à le chevelure rousse. Elle joue de ses charmes, aussi, et lorsque c’est la nuque d’un inconnu qu’elle embrasse, c’est le regard de Matt au loin qu’elle maintient, impératrice. La vie est parfaite parce qu’elle lui réussit et qu’elle a une chance incommensurable, voilà pourquoi elle se lève chaque matin avec autant de joie de vivre. Rien ne l’arrête, rien ne lui fait peur et seul le temps joue contre elle alors qu’Anwar ne cesse de lui répéter qu’elle ne sera pas policière demain la veille et que la formation est longue et difficile. Conneries. Elle sait qu’elle pourrait la terminer en une seule année et avec brio qui plus est, si jamais on lui laissait sa chance au lieu de simplement la voir comme une poupée.

Alors soit. A défaut de pouvoir vivre sa vie aussi vite qu’elle le voudrait, Villanelle peut au moins occuper ses journées et ses heures en profitant de ses amis. Elle leur présente à tous le Death Before Decaf’ comme un temple de la perfection et ce n’est qu’à peine exagéré quand on sait à quel point elle ne s’est jamais sentie aussi bien nulle part ailleurs. A ses amies féminines elle présente Decklan ; à ses amis masculins potentiellement intéressés elle leur présente le brun aussi - parce que c’est sûr qu’il n’aime pas que les femmes, elle le voit. C’est bien connu que le don d’omniscience est ancré à sa chair et à son coeur. Hier c’était Eleonora, aujourd’hui c’est Lena. Elle a dit à son collègue de bien s’habiller mais il n’a pas prévu de se coiffer, parce qu’il est du genre monotâche. Alors la rousse prend les devant et passe dans ses cheveux la bonne de sa main savamment imbibée de salive (laque) pour dociliser le tout.

Et a à peine son amie a-t-elle le temps de passer la porte du café / bar qu’elle détache sa main des cheveux de son ami, ne laissant pour lui qu’un dernier regard stipulant “t’as intérêt à bien te tenir” alors que déjà elle se présente pour accueillir Alma. “C’est pas mon rouge à lèvre ça ? Je suis sûre d’avoir acheté cette teinte et je suis sûre de l’avoir perdue.” Qu’elle inspecte et interroge en même temps que ses bras se retrouvent entre les omoplates de son homologue en guise de bonjour. Elle a les yeux à quelques centimètres de ses lèvres et pour peu, elle imagine déjà Matt en train de baver comme si une scène lesbienne se passait dans son propre bar - non mais quelle idée, voyons. “Okay Decklan va l’adorer, en tout cas. C’est le gars derrière le bar, va lui commander un truc, je t’attends.” Est ce qu’elle avait au moins pris le temps de prévenir Alma qu’elle allait lui arranger un date ? Non, bien sûr que non.

@Alma Gutiérrez

On ne peut pas dire que ces derniers mois aient étés des plus joyeux pour Alma. Un aîné qui termine en prison, il est clair que c'était loin d'être dans ses projets. Elle n'en parlait d'ailleurs jamais, préférant le considérer comme complètement sorti de sa vie dès à présent, préférant se concentrer sur ceux qui comptaient vraiment. Elle avait enterré Rudy dans son esprit à l'instant où elle était sortie de leur entrevue au parloir ; laissant toute place à ses rêves de grandeur et de carrière s'épanouir. Elle comptait d'ailleurs rejoindre aujourd'hui Charlie, pour qui les études venaient de s'achever avec brio - ce qu'elle espérait reproduire, la brune, d'ici un an. Une année de travail acharnée pour ensuite espérer se lancer enfin dans la vie, voilà tout ce qu'elle espérait - si tant est que les complications récentes dans sa famille risquaient déjà de compromettre son projet. Ce n'était pas le temps d'y penser, dans tous les cas.

A peine eut-elle le temps d'entrer au Death Before Decaf qu'elle se fit accueillir par une Charlie visiblement bien en forme. C’est pas mon rouge à lèvre ça ? Je suis sûre d’avoir acheté cette teinte et je suis sûre de l’avoir perdue. Qu'elle eut en guise de salutation, suivi d'une accolade. Ah ouais ? On a dû s'acheter le même. Mais s'il te manque, je te le prêterais, à l'occasion. Clin d'œil taquin, Alma n'était même pas certaine de savoir où elle l'avait trouvé, celui-là - sans doute était-ce vraiment celui de Charlie, mais qu'importe. Elle ne lui en tiendrait pas rigueur - et dans tous les cas, Alma finirait par lui rendre, un jour. Okay Decklan va l’adorer, en tout cas. C’est le gars derrière le bar, va lui commander un truc, je t’attends. Elle acquiesça, obéissant sans réfléchir à la reine de ces lieux - parce qu'elle était visiblement ici comme chez elle, Charlie. Si tu le dis ! J'arrive. Qu'elle prit le temps de prévenir avant d'aller jusqu'au bar voir ce fameux Decklan que la rousse venait d'indiquer avec très peu de discrétion. D'après Charlie, c'est à toi qu'on doit s'adresser pour boire quelque chose ici ? Elle espérait bien ne pas s'être trompée, auquel cas elle aurait eu l'air bien maligne. C'est ça, t'es bien tombée. Je te sers quoi ? Soulagée, elle lui sourit. Deux cafés, s'il te plaît. Qu'elle commandait en posant sur le comptoir de quoi les payer. Je vous les apporte ! Sans attendre une seconde elle retournait s'installer auprès de son amie, le sourire aux lèvres. Alors, je peux savoir pourquoi l'avis de Decklan sur ce rouge à lèvres compte tant ? Sa curiosité fut piquée et elle voulait comprendre ce qu'il se passait ici. Quitte à mettre les pieds dans le plat, autant le faire avant qu'il n'arrive.

Elle voit le sourire intrigué sur le visage de Alma tout comme elle voit Decklan, au fond, qui est en train de le menacer de mort en usant de son pouce contre son propre cou - oups ? Elle joue à un jeu dont elle est la seule à connaître les règles, utilisant ses amis comme des pions mais pour leur bien seulement. Ils ont tous les deux de connaître quelqu’un et elle les connait bien assez pour savoir qu’ils sont de bonnes personnes et, par extension, ce dont l’autre a besoin. Ce serait du gâchis que chacun continue sa vie de son côté, n’est ce pas ? Après tout, la rousse ne les force à rien et Alma aurait tout de même eu à commander quelque chose dans tous les cas. Elle n’a fait que lui donner le nom du barmaid tout comme elle risque aussi de lui glisser son numéro - à lui ou à elle, toujours par inadvertance. Ce qu’elle peut être maladroite quand même, parfois, c’est impressionnant. Ils ont beau la regarder bizarrement, pour elle c’est le plus beau des sourire qu’elle leur tend à tous les deux, ses coudes sur la table et sa tête posée entre ses paumes de main.

A peine arrivée à table, Alma ne se laisse pas prier pour en venir directement au vif du sujet, pour le plus grand plaisir de son amie qui sait apprécier autant de spontanéité. Entre elles, pas de secret (ou presque pas en tout cas). Alors, je peux savoir pourquoi l'avis de Decklan sur ce rouge à lèvres compte tant ? Le sourire de la rousse ne fait que devenir un peu plus grand encore alors qu’elle est bien trop fière du plan élaboré dans son esprit, lequel ne prendra pourtant (sûrement) jamais vie. “Il est mignon, non, tu trouves pas ? Ses yeux bleus sont encore plus beaux au soleil.” Elle se retient de dire qu’elle pourrait le voir par elle même si jamais elle l’inviter à sortir, mais elle garde cet argument pour la prochaine étape … laquelle arrivera dans quelques secondes ou minutes, de toute façon. Le propre regard de la rousse dérive en direction de Decklan et ce sans aucune discrétion, simplement pour lui assurer qu’elles sont effectivement en train de parler de lui et qu’il a intérêt de se tenir à carreau sinon elle racontera à Alma toutes ses pires frasques durant ses - nombreuses - gueules de bois passées au DBD. “Moi en tout cas, je suis certaine qu’il te trouve mignonne.” Parce que même si elle est loin de ressentir quoi que ce soit qui dépasse l’amitié pour Alma, n’en reste pas moins que Charlie aussi se dit qu’elle est une belle femme. Elle est le genre de personne avec qui Dek pourrait s’entendre, à tous les niveaux. Le sourire de la jeune femme ne s’essouffle pas même alors qu’elle aborde à peine un sujet plus sérieux et plus délicat. “Je suis sûre que t’as besoin de souffler et de prendre du temps pour toi.” De penser à autre chose, aussi, parce que sa famille s’efforce apparemment de faire de son quotidien un enfer avec une facilité déconcertante. Charlie le sait, pourtant : son amie mériterait réellement d’être heureuse, pour longtemps. Et Dek aussi, donc, si vous voyez où elle veut en venir. “J’espère que tu as commandé de l’alcool, t’en as sûrement besoin.” Peu importe qu’il ne soit que le milieu d’après midi. Il n’y a pas d’heure pour l’alcool, de toute façon.

Si elle était loin de s'attendre à ça en acceptant l'invitation de son amie, Alma était toujours ravie de voir que malgré sa disparition de plus en plus marquée dans sa sphère sociale, on ne l'avait pas oubliée ; qu'on pensait même à elle pour un jeu d'entremetteur. Il est mignon, non, tu trouves pas ? Ses yeux bleus sont encore plus beaux au soleil. Elle devait bien admettre qu'il était de ceux sur lesquels les filles devaient se retourner, de ceux qui les faisaient tomber comme des mouches à la première phrase ornée d'un de ces sourires ravageurs. Alma n'était pas du genre à se laisser prendre à ce genre de jeux et à papillonner avec le premier venu, et malgré son côté très sociable en toutes circonstances, ce genre de choses n'était pas dans ses priorités. Jamais à l'initiative de soirées, elle aurait facilement pu passer pour la rabat-joie de service. Pourtant, elle n'était pas la dernière non plus quand on lui donnait l'occasion de se lâcher un peu - encore fallait-il que les conditions soient requises et que son esprit toujours embrumé par mille choses ne réussisse à se désengorger un peu. Moi en tout cas, je suis certaine qu’il te trouve mignonne. Les yeux levés au ciel, il n'en fallut pas plus pour que la mexicaine ne comprenne où Charlie voulait en venir - avec des sous entendus si peu voilés, elle n'aurait pas pu être plus explicite. Son air faussement agacé était trahi par le sourire qu'arborait désormais ses lèvres, puisqu'après un énième regard en coin jeté sur le jeune homme, elle devait bien admettre que son charme pourrait bien lui faire plus d'effet que prévu. Et tu n'as rien à voir avec ça bien sûr... Qu'elle lançait, souriante, maintenant gênée de se dire qu'elle avait parlé d'elle à Decklan avant son arrivée au café.

Je suis sûre que t’as besoin de souffler et de prendre du temps pour toi. Là elle n'avait pas tort, et alors que le sourire d'Alma s'effaça en un instant, celui de Charlie subsistait, se voulait bienveillant. T'as pas tort. Inutile d'entrer dans le sujet, elle n'avait aucune envie de s'étaler ici et d'alourdir l'ambiance légère qui régnait jusqu'à présent même si, des choses à dire, elle en avait la brune. Charlie savait ce qu'elle avait à savoir, c'en était bien assez pour qu'elle ait compris qu'un peu de gaieté de ferait pas de mal à Alma. J’espère que tu as commandé de l’alcool, t’en as sûrement besoin. A cette heure de l'après midi, elle était loin de s'imaginer commander autre chose qu'un café - ce qu'elle regrettait déjà maintenant qu'elle avait compris le manège auquel Charlie s'adonnait. T'aurais pu prévenir, j'ai pris des cafés. Si j'avais su pourquoi tu m'avais fait venir ici j'aurais commandé autre chose.. tu crois qu'il peut rajouter du whisky ? L'idée semblait séduisante, après tout la rousse avait raison - autant profiter de cette après midi tant que rien ne semblait pouvoir la gâcher. Elle s'échappa une minute à peine pour aller changer sa commande avant qu'il n'ait eu le temps de la préparer, plus gênée cette fois ci qu'une minute avant, puis vint se coller à sa chaise en espérant ne plus devoir en bouger pour l'instant. Bon, et si tu le trouves si mignon avec ses yeux bleus, pourquoi il est pas encore tombé sous ton charme ? Demandait-elle intriguée, consciente des charmes de Charlie et du talent inné qu'elle avait pour en user.

Sous son apparence d’éternelle enfant insouciante et gauche, la rousse essaye de faire au mieux pour égayer le quotidien de ses amis ou, en tout cas, ne pas participer à leur affliction. Sans connaître pour autant chaque détail, elle sait que la vie d’Alma n’est pas des plus flamboyantes ces derniers temps alors sa priorité du moment devient d’essayer de renverser la balance, pour les quelques minutes et heures qu’elles passeront l’une avec l’autre. T'aurais pu prévenir, j'ai pris des cafés. Si j'avais su pourquoi tu m'avais fait venir ici j'aurais commandé autre chose.. tu crois qu'il peut rajouter du whisky ? L’australienne rigole de son intervention et s’apprête à hurler à Deklan le changement dans leur commande mais force est de constater qu’Alma se jette à l’eau toute seule sans qu’elle n’ait rien eu à lui dire. Finalement, retrouver voir le barman ne doit pas être une chose aussi terrible qu’elle a pu le laisser sous entendre, et c’est une nouvelle raison de plus pour l’étudiante de sourire avec insouciance, son menton posé entre ses paumes de main alors qu’elle regarde son amie s'éclipser quelques secondes. Ses yeux pétillent - ceux de Charlie et d’Alma - et il ne lui en faut pas plus pour sincèrement croire que cette journée sera une bonne journée, quand bien même elle approche bien plus de la fin que du début. “[/color=indianred]T’avais l’air vraiment désolée de retourner modifier la commande.[/color]” Qu’elle se permet, faussement étonnée face à la scène qui s’est déroulée devant elle. Il est vrai qu’en termes de relations amoureuses - et dans bien d’autres sujets encore - Charlie a bien du mal à faire dans la finesse. L’avantage c’est que ses amis savent au moins à quoi s’attendre et que toute la Terre devient rapidement au courant du moindre de ses plans dès qu’il émerge dans son cerveau.

Parfois même le meilleur des plans en vient à se retourner contre vous et bien que Charlie n’avait en rien prévu une telle question, elle l’aborde avec un demi sourire amusé. Bon, et si tu le trouves si mignon avec ses yeux bleus, pourquoi il est pas encore tombé sous ton charme ? Ses yeux se relèvent vers son collègue désormais occupé à agrémenter leur verre de vodka et elle ne peut s’empêcher de penser à quel point ce serait impossible pour elle d’envisager la moindre relation avec lui qui ne soit pas de l’amitié - ou de la haine, quand il fait exprès de l’énerver, ce qui arrive souvent. “Pas entre collègues, c’est la règle. Enfin on a pas vraiment de règles mais c’est tacite.” Si, Matt a tout un tas de règles, mais elles sont farfelues et stupides. Matt, d’ailleurs, avec qui la relation qu’elle entretient semble passer entre les mailles du filet d’un quelconque code moral qu’elle passe volontairement sous silence. Après tout, il n’est pas son collègue mais son patron, donc la règle ne s’applique pas. N’est ce pas ? Des arguments comme celui-ci, elle serait prête à en trouver des dizaines simplement pour défendre son point : avec le McGrath, c’est différent. Et ça n’aurait jamais dû arriver, ni une première fois ni toutes les autres qui ont pu suivre ensuite. “On est toujours plus occupés à s’envoyer des verres au visage plutôt qu’autre chose, de toute façon.” Et ce n’est pas un rapport pour violence au travail qu’elle fait là mais bien une simple remarque sur l’éternel ton de l’amusement. Les choses au DBD ressemblent bien plus à un éternel camp de vacances plutôt qu’à un bar et pourtant chacun prend son travail au sérieux le moment venu. Ça aussi, c’est une règle tacite. Des comme ça, il en existe des milliers pour préserver la bonne entente du groupe et le bon fonctionnement des lieux. “Alors ne t’en fais pas, ce n’est pas une sombre histoire où j’essaye de te brancher avec quelqu’un simplement pour te tester, ou le tester lui.” Parce qu’elle en serait capable, oui, bien sûr. Elle serait assez fourbe à ce point, avec un ego un poil trop développé, le tout qui mènerait à une incapacité totale de simplement dire “ne pars pas”. Cette fois-ci, promis, elle n’est animée que de bonnes intentions tant d’un côté que de l’autre : ils mériteraient tous deux d’être heureux. “Du nouveau ? Ou je continue de parler de ses yeux bleus pendant toute la soirée jusqu’à ce que l’alcool fasse vraiment effet ?” Elle parle si elle veut, elle se tait si elle préfère. C’est une des règles, ça aussi.

Ce simple rendez vous au café entre amies n'était visiblement pas ce qu'Alma espérait. Non, visiblement Charlie n'avait pas en tête une discussion toute bête entre elles, mais avait plutôt prévu de s'amuser un peu. Sans surprise la brune se laisserait portée un peu, bien consciente qu'elle avait besoin de se dérider, surtout en cette période. Alors lorsqu'elle comprit qu'elle était loin de vouloir boire un banal café, elle ne perdit pas une seconde avant de retourner au bar pour y faire ajouter de quoi les corser. T’avais l’air vraiment désolée de retourner modifier la commande. La remarque la fit rire, consciente qu'elle était retournée au bar d'un air bien plus enjoué que la première fois. A croire que tout ça la mettait de meilleure humeur que prévue. Faudrait être idiote pour pas profiter de la vue. Première fois qu'elle avouait que Decklan était à son goût, et en même temps elle ne pouvait qu'avouer que sa gueule d'ange en séduirait plus d'une. Elle n'était pourtant pas plus encline à se laisser tenter, loin d'avoir le temps de caser ce genre de choses dans son emploi du temps déjà surchargé. Alma venait pourtant d'ouvrir la porte à Charlie qui risquait désormais d'insister un peu plus sur son idée de réunir deux de ses amis. La curiosité de la brune piquée malgré tout, elle préferait s'informer des dessous de leur relation pour être bien sûr que cette histoire ne cachait rien d'autre de plus sombre. Pas entre collègues, c’est la règle. Enfin on a pas vraiment de règles mais c’est tacite. Hochant la tête pour acquiescer, elle fixait Charlie, attendant l'instant où elle lui avouerait enfin qu'il s'était déjà passé quelque chose entre eux. On est toujours plus occupés à s’envoyer des verres au visage plutôt qu’autre chose, de toute façon. Elle s'imaginait déjà la scène, préparée à tout moment à baisser sa tête en vue d'un conflit entre eux où elle risquerait de se prendre quelque chose au passage. L'idée la fit sourire. J'aimerais bien voir ça ! Lançait elle, ses yeux vagabondant sur le jeune homme affairé au comptoir, alors même qu'elle ne se rendait pas compte de s'être perdue dans ses pensées. Alors ne t’en fais pas, ce n’est pas une sombre histoire où j’essaye de te brancher avec quelqu’un simplement pour te tester, ou le tester lui. Venant d'elle, ça ne l'aurait pourtant pas surprise. Charlie était l'opposée claire d'Alma, toujours pleine d'idées, toujours pleine de surprises. Elle choisissait de lui faire confiance tout du moins, ne voyant pas trop pourquoi elle lui mentirait sur le sujet ; après tout la mexicaine aurait été partante pour aider la rousse à tester tous les hommes qu'elle voulait pour lui rendre service. Bon, c'est une bonne nouvelle je crois. Qu'elle lançait, souriante, jusqu'à ce que Charlie ne lui demande s'il y avait du nouveau pour elle. 

Du nouveau ? Ou je continue de parler de ses yeux bleus pendant toute la soirée jusqu’à ce que l’alcool fasse vraiment effet ? Alma n'en revenait pas d'avoir commandé de l'alcool si tôt dans la journée, mais la réflexion de son amie la fit rire. Je crois qu'en fait ça me dérangerait pas de parler de ses yeux un peu plus longtemps. Elle n'avait pas réfléchi, et se sentait désormais rougir tant on pourrait croire en l'entendant qu'elle était complètement tombée sous son charme. Elle se rattrapait aussi vite. Ou de toute autre chose en fait, tant que tu me forces pas à parler de Rudy. L'entourage d'Alma savait ce qu'il y avait à savoir sur la situation de son frère qui venait de finir en prison. Ils en savaient tous le minimum syndicale, mais pour autant elle n'avait envie de se perdre dans les méandres de ses drames familiaux, surtout pas lorsqu'elle pouvait profiter enfin d'un ambiance plus légère. Au moins c'était clair, le sujet ne serait pas abordé aujourd'hui. Ou plus tard. Mais pas maintenant. En dehors de lui, de toute façon, j'aurais pas grand chose à raconter je crois. Et heureusement pour elle, Decklan arrivait déjà avec de quoi la détendre un peu. Merci ! Et pardon pour le changement de dernière minute. Pensait-elle à s'excuser, et déjà il était reparti. Ceci dit, tu dois admettre qu'il y a un détail qui ne colle pas. Qu'elle lançait, son regard en direction du bar. Il travaille, alors en dehors des regards qu'il jette vers nous depuis tout à l'heure, je pense que ton plan tombes à l'eau.

“Faudrait être idiote pour pas profiter de la vue.” Si Charlie n’a rien à redire à cela, elle se contente pourtant de sourire doucement sans ne rien ajouter de plus. Alma sait déjà qu’elle n’ira pas à l’encontre de ses paroles et bien au contraire ; tout comme elle sait sans doute déjà qu’elle a manqué une occasion de se taire maintenant que la blonde a la certitude que quelque chose pourrait effectivement se passer entre elle et son ami. Matchmaker du dimanche, elle prend pourtant son rôle très (trop) au sérieux. Je crois qu'en fait ça me dérangerait pas de parler de ses yeux un peu plus longtemps. Et pourtant Alma ne marche pas, au contraire, elle préfère courir. Elle fonce tout droit dans la gueule du loup, et à cela vous pouvez sans doute ajouter toutes les expressions allant aussi en ce sens. Le sourire de la blonde s’étire et puisqu’elle n’est foncièrement animée que de bonnes intentions, elle est déjà heureuse de voir Alma s’autoriser à rêver, même de choses aussi futiles. Et puis réellement parler des yeux bleus de Dek serait loin d’être le pire sujet de conversation qui soit.

Pourtant, la Mexicaine est toujours celle qui fait redescendre Charlie sur Terre, en toutes circonstances. Ou de toute autre chose en fait, tant que tu me forces pas à parler de Rudy. Son interrogatoire prend fin alors que son sourire est plus discret, lui aussi. Villanelle ne va pas fondre en larmes pour autant, mais elle sait bien le sujet délicat et elle respecte bien trop Alma pour lui faire l’offense d’aller chercher trop loin. Si elle ne veut pas en parler alors Charlie respectera bien sûr ce choix. Elle a une curiosité débordante mais elle respecte aussi beaucoup ses amis. “Noté.” Elle se contente donc d’un simple mot en guise de réponse et elle n’ira pas plus loin. Après tout, la consigne est claire et il n’y a pas à en parler plus longtemps ni même négocier les termes du contrat. En dehors de lui, de toute façon, j'aurais pas grand chose à raconter je crois. - “Ca c’est ce que tu dis.” Quelque peu rêveuse et utopique, elle pense sincèrement que la vie de chacun est toujours aussi chargée que celles des stars du petit écran et que chaque rendez-vous rime avec une infinité d’heures à devoir débriefer des derniers événements.

Dek arrive, Dek repart, et entre-temps le visage d’Alma a eu le temps de s’illuminer quelque peu ; bien assez pour que son amie le remarque et sourie à son tour bien plus que de raison. Merci ! Et pardon pour le changement de dernière minute. Tenir le chandelier est un rôle qu’elle affectionne particulièrement, en effet, et le bleu de ses yeux passe d’un protagoniste à un autre. Ceci dit, tu dois admettre qu'il y a un détail qui ne colle pas. Il travaille, alors en dehors des regards qu'il jette vers nous depuis tout à l'heure, je pense que ton plan tombes à l'eau. Les pupilles d’Alma sont tournées vers Dek, celles de Charlie restent vissées sur le visage de son amie. Elle a un sourire en coin qui signifie qu’une mauvaise idée vient de pair et quiconque la connaît ferait déjà la grimace - et Alma en aurait fait une aussi, si son attention toute entière n’était pas posée ailleurs. “Vraiment, c’est le seul problème ?” Sa voix part dans les aigus, son idées est très mauvaise et elle, elle est très sûre d’elle - malheureusement. “DEK !” Qu’elle hurle déjà au milieu du café, sans discrétion aucune. Cela n’étonne finalement personne, sauf les nouveaux clients qui sursautant à peine. Ils s’y feront, eux aussi, si jamais ils osent revenir ensuite. “C’est l’heure de ta pause, non ? T’as terminé ta journée là ? Je crois bien que c’est l’heure de mon shift, là, justement.” Absolument pas et tout le monde le sait, mais si cela peut aider Alma à retrouver le sourire pour un temps si cela consiste à écouter les blagues douteuses du barman, alors elle est prête à faire quelques heures supplémentaires sans s’en plaindre. “Tu vois, les problèmes ça n’existe pas.” Elle reprend pour Alma quand il est infiniment plus facile pour elle d’affirmer de telles choses puisqu’elle n’a justement aucun Rudy dans sa vie.

Noté. Au moins ici elle ne serait pas forcée d'entrer dans les détails sordides de l'épisode de son frère qui a défiguré un inconnu pour une fille par jalousie. Au moins ici, avec Charlie, elle pouvait penser à autre chose - même si son esprit la dirigeait inexorablement vers toute cette histoire sordide. Parce qu'elle était fatiguée des questions qu'on lui posait sans cesse, parce qu'elle était épuisée des regards en coin que certains lui jetaient parfois. Mais aussi et surtout parce que s'occuper de sa famille lui prenait toute son énergie, qu'elle n'en avait donc plus pour se battre face aux autres au quotidien. Elle ne se sortait pas de tout ça et avait l'impression de ne plus rien être d'autre que celle dont le frère avait fauté, que celle qui allait le remplacer désormais. Ca c’est ce que tu dis. Pas seulement ce qu'elle disait, mais aussi ce qu'elle ressentait du plus profond d'elle même. Qu'importe, elle préférait se concentrer sur Deklan qui venait d'arriver pour leur ramener leur commande ; sur Charlie qui était bien décidée à lui faire passer un bon moment. Elle fit remarquer à la rousse que son plan comportait un accro de taille, accro qu'elle sembla vouloir résoudre sur le champ. Vraiment, c’est le seul problème ? Son regard et la fierté dans sa voix firent frissonner Alma qui se contenta de faire les yeux ronds.

DEK ! Criait-elle sans aucune gêne, attirant tous les regards sur elle. Qu'est-ce que tu fous ? Alma regrettait déjà d'avoir défié Charlie. C’est l’heure de ta pause, non ? T’as terminé ta journée là ? Je crois bien que c’est l’heure de mon shift, là, justement. Elle était totalement ébahie - alors que ça n'aurait pas dû la surprendre, et se contenta de supplier son amie, paniquée de devoir se lancer dans un tête à tête imprévu. Non, mais Charlie, fais pas ça ! Non, ce n'était pas son heure de service. Bien sûr que non, elle n'avait aucune raison de faire tout ça. Et Alma se sentait idiote de paniquer pour rien, mais elle ne pouvait s'empêcher de le faire. Tu vois, les problèmes ça n’existe pas. Si elle faisait partie des personnes qui préféraient voir des solutions partout pour ne garder que le positif de chaque situation, ce n'était pas vraiment le cas de la mexicaine qui avait perdu ce loisir depuis bien longtemps. Parle pour toi. Et sans qu'elle n'eut le temps de supplier un peu plus la rousse de retirer ce qu'elle venait de crier dans tout le café, Deklan arrivait déjà pour essayer de comprendre ce qu'il se passait. Qu'est-ce qu'il y a Charlie, t'es accro au travail ? J'te laisse ma place si tu veux. Bien sûr qu'il entrait dans son jeu, les deux avaient sans doute répété leur scénario avant l'arrivée d'Alma pour qu'il fonctionne comme prévu. T'as même pas fini ton verre va, tu devrais pas te lancer assoiffée comme t'es. Loin d'être une excuse, elle tentait le premier argument qui lui était venu à l'esprit pour faire rester Charlie avec elle. Après tout, la voir derrière le bar à les lorgner Deklan et elle était loin d'être le programme qu'elle s'était imaginée.

Qu'est-ce que tu fous ?
Non, mais Charlie, fais pas ça !
Parle pour toi.

Alma a toutes les peines du monde à se faire entendre alors que Charlie hurle déjà à l’autre bout du café pour que Deklan, sourd comme un pot quand ça l’arrange, puisse entendre ce qu’elle a à lui dire. La blonde, elle, choisit volontairement d’ignorer son amie et de lui sortir son plus beau sourire en signe d’excuse - quand bien même justement, elle ne cherche nullement à s’excuser et se contente d’être une insupportable tête brûlée improvisée matchmaker d’un soir. Elle aurait détesté se trouver à la place de la méxicaine mais puisque ce n’est pas le cas, elle reste incapable de comprendre toute la honte et la gêne qu’elle peut ressentir. Bloquée à l’âge de seize ans, elle n’a jamais cessé de jouer au jeu de “hey tu voudrais pas sortir avec mon ami(e) ? il/elle te trouve beau / belle”. Au moins, ce qui peut plaider un minimum sa cause, c’est qu’elle aurait réagi exactement de la même manière si c’était avec Deklan qu’elle avait décidé de boire un verre et non pas son amie. Manque de chance pour elle, maintenant que l’idée a été implantée dans la tête de l’australienne, il est impossible de l’en défaire.

Le plus drôle dans tout ça - aux yeux de Charlie, en tout cas - c’est la facilité avec laquelle Deklan se laisse entraîner dans ses plans, plongeant de lui-même sans même savoir de quoi il en ressort. Qu'est-ce qu'il y a Charlie, t'es accro au travail ? J'te laisse ma place si tu veux. “T’es vraiment un gars en or, Dek, y’a pas à dire.” S’il use d’ironie alors elle en fait autant et il va de soi qu’elle ne cessera pas de lui rappeler qu’il lui doit quelques heures de travail. La connaissant, elle lui demandera de la remplacer un jeudi soir de rush pour aller roucouler avec un client plutôt que les citrons des mojitos - et il la détestera, et elle rigolera, et l’équilibre sera une fois de plus maintenu.T'as même pas fini ton verre va, tu devrais pas te lancer assoiffée comme t'es. Oh, c’est mignon. C’est bien tenté. C’est aussi totalement inutile maintenant que Charlie a déjà pris sa décision et qu’elle a déjà laissé place à Dek dans sa tête, surtout alors que ce dernier ne montre aucun signe d’un quelconque refus à ce sujet. Après tout, elle n’essaye pas de le caser avec toutes ses amies et bien loin de là et il sait que si elle essaye avec Alma c’est qu’elle pense un minimum qu’ils peuvent s’entendre. Le reste n’appartient qu’à eux, cela va de soi, et même elle a ses limites. “Quel verre ?” Elle reprend et questionne après avoir bu ledit verre d’une seule traite comme s’il ne s’agissait de rien moins d’autre que de l’eau. Travailler sobre n’est fort heureusement pas quelque chose de demandé ici, et cela lui permet donc de laisser place au brun pour venir se positionner derrière le comptoir, un sourire radieux posé sur ses lèvres rosées. “Amusez-vous bien.” Elle est la pire amie du monde, ouais.

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