ϟDes jours et même des semaines sont passés depuis l'accident de Mia. Il s'en remet difficilement à vrai dire le Coster, le passé qui remonte à la surface comme ça c'est jamais bon dit-on. Il a même pas osé appeler ou prendre de ses nouvelles par lui-même. Lorsque Dylane, sa meilleure amie est passée il y a quelques jours il a osé demander comment elle allait et surtout, si elle était encore en vie. Wim n'était pas resté longtemps à l'hôpital, patienter dans la salle d'attente lui avait paru une éternité et la patience n'est pas une de ses qualités premières. Enfin ça, c'était la version officielle qu'il a sorti en partant. La vérité, c'est qu'il ne voulait pas revivre le même moment qu'il y a trois ans. Celui où il attendait qu'on vienne le chercher pour voir Alana et qu'au final le médecin était arrivé lui disant que c'était terminé. Wim le savait que si ça venait à se reproduire il aurait du mal à se relever de ce terrible épisode même si la relation entre Mia et lui est bien différente de celle qu’il avait avec Alana. Les quelques jours qui ont suivi, il est retombé dans ses vieux travers avant finalement de reprendre un semblant de vie normale. Tout était derrière lui pourtant et jamais il aurait pensé que ça le rattrape quand même un jour. Le passé ne peut-il vraiment pas nous laisser tranquille ? Parfois dans un élan, sur le moment parce qu'il était bourré c’est vrai, il s'était emparé de son téléphone prêt à composer le numéro de Mia avant de se raviser. De un de quoi aurait-il l'air en appelant complètement éméché et de deux si au bout du combiné on lui révélait une mauvaise nouvelle, qu'est-ce-qu'il aurait fait ? Rien, enfin il aurait juste ri et reproduit le même schéma qu'il y a trois ans. Non il n'aurait pas appris de son erreur sur ce coup-là. Avant la visite de la Bradford, il était pessimiste, ne jurant que sur l'hypothèse qu'elle était au plus mal et imaginant même la pire de toute. Beaucoup trop traumatisé par la mort, un événement de ce calibre et il ne pense qu'à ça. Il l'a vue inconsciente devant lui, la respiration faible, très faible même. Parfois, ça en venait presque à le hanter la nuit. Pourtant on dit que pour combattre ses peurs il faut les affronter, sauf que celle-ci il ne peut pas. C'est Dylane qui l'a poussé à aller la voir, parce que lui n'y aurait pas été de lui-même c'est certain. Wim avait prévu de passer en mode visite surprise dans la soirée. Knox travaillait ce soir de ce qu'il avait compris, ils seraient donc tous les deux. Évidemment pour affronter tout ça, Wim s'est shooté un peu avant parce qu'il le sait que ça sera compliqué. Même avec ceci dit mais ça lui donne l'impression que ça passera mieux. Le Coster est même venu avec de quoi manger, le plat préféré de Mia d'ailleurs qu'il avait acheté juste avant de venir ici. Là il se trouve devant le bâtiment, il a presque envie de faire demi-tour. Il s'engouffre dans l'immeuble, affichant l'air le plus confiant possible alors que c'est loin d'être la vérité. Mais Wim sait jouer sur les apparences, paraître ce qu'il n'est pas il sait le faire. Il sonne finalement à la porte et il attend patiemment et nerveusement qu'il puisse rentrer à l'intérieur.
Je suis endormie sur mon canapé. Doucement, mon meilleur ami vient me réveiller « Prépare-toi, tu as de la visite ce soir ? ». J’ouvre péniblement les yeux, arquant un sourcil à ce que venait de me dire Knox. « Et je peux savoir qui ? » je lance alors à moitié endormie. « Tu verras par toi-même ». Il m’aide à me lever alors, me donne mes béquilles et m’oblige à me rendre dans ma salle de bain. « Je dois aller bosser ça va aller ? » « Oui t’inquiètes, tu as pensé à … » ma bouffe ? Trop tard, il a claqué la porte. Je grimace et me dirige dans ma salle de bain. Je fais couler l’eau un petit moment attendant qu’elle soit chaude. Je retire alors mon attelle et tente de ne pas poser le pied par terre. A cloche-pied, je rentre dans la douche, me tenant aux parois de celle-ci. J’y reste une bonne dizaine de minute, me perdant à moitié dans mes pensées. Et je grimace de douleurs car mes deux côtes cassées me font encore un mal de chien quand les médicaments que je prends n’agissent plus. Je ressors et noue mes cheveux dans une serviette. En enfilant mon peignoir, j’observe alors l’ecchymose qui a viré au jaune. Il est encore douloureux mais supportable. Je soupire. Je remets mon attelle en m’asseyant sur une chaise que Knox m’a mise pour me faciliter la tâche. Je me relève et me regarde dans le miroir. Mon visage fait peine à voir. Deux semaines que je ne sors plus depuis ce fichu accident. J’en fais encore des cauchemars, je dors mal car je peux à peine bouger dans mon lit. Et puis des images me reviennent. La vague arrivant à grande vitesse vers moi, mes dernières pensées avant que je me fasse avoir et finissent la tête sous l’eau, à ne pas pouvoir remonter à la surface. Mon père. Nos retrouvailles la veille m’ont chamboulée. Si j’étais sorti pour faire cette session de surf avec Knox ce matin-là, c’était justement pour me changer les idées. Mais cela n’avait pas été suffisant, contrairement aux autres fois où j’utilisais ce moyen quand je n’allais pas bien. Non, revoir mon père quinze ans après, me demandant de le pardonner, m’annonçant qu’il était parti pour retrouver mon frère était beaucoup trop difficile à avaler. Je lui avais dit tout ce que je pensais de lui, finissant même par lui dire qu’il n’existait plus pour moi, que je le détestais... Ma gorge se serre alors que je tente de démêler mes cheveux, je manque de tomber car ma béquille sur laquelle j’ai juste reposé ma jambe gauche glisse… Je me rattrape tout juste. Et des larmes perlent sur mes joues. Je m’assois à nouveau, épuisée. Je lui ai demandé de ne plus essayer de me contacter jusqu’à que je décide de le faire moi-même. Et jusque-là, il a respecté mon souhait. Je le déteste toujours autant et pourtant, au fond de moi, il me manque cruellement. J’aurai besoin qu’il soit là pour me serrer dans ses bras, pour me dire que tout va s’arranger. Mais j’en suis incapable… incapable de l’appeler à l’aide…
***
Je sors de ma chambre quand j’entends quelqu’un sonner à la porte. Je me déplace alors jusqu’à celle-ci à l’aide de mes béquilles « J’arrive ». Je préfère dire ça car la dernière fois, quelqu’un avait fait demi-tour, tellement j’ai été lente à arriver jusqu’à la porte. J’ouvre alors et un sourire s’affiche sur mon visage « Wim ? ». Je ne l’ai plus revu depuis l’accident. Ni à l’hôpital ni après. Il ne m’avait pas appelé non plus. Je pourrais lui en vouloir. Et pourtant, ce n’était pas du tout le cas. Il a assisté à l’accident et je ne peux pas lui reprocher d’avoir eu peur, du moins c’est ce que je me dis. Je ne sais pas ce qui l’a tenu éloigné durant ces deux semaines, mais tout ce que je sais, c’est que je suis contente de le voir ce soir « Entre ». Je m’avance alors, lui laissant le soin de refermer la porte derrière lui. Je m’adosse au comptoir de la cuisine afin de m’appuyer de sorte à me libérer d’une de mes béquilles que je dépose délicatement dessus. Je tends alors un bras vers lui pour une étreinte « Je suis contente de te voir… Et… » Je baisse alors le regard en ajoutant « Je suis désolé de t’avoir fait vivre ça ». Parce que je me sentais coupable d’avoir pu inquiéter mes amis en ayant cet accident. Il avait été aux premières loges en plus et je ne pouvais imaginer ce qu’il avait pu ressentir.
ϟIl a à peine sonné que déjà le temps d'attente lui semble super long alors que seulement quelques secondes se sont passées. Il tape du pied, il fait des petits allers venus devant la porte et veut se griller une clope. Sauf que le Coster se résigne parce qu'avec le plat qu'il a dans les mains l'odeur va s’imprégner dedans peut-être et ce n'est pas un bon plan. Enfin lui ça le gênerait pas particulièrement parce qu'il a l'habitude mais ça serait pas cool vis à vis de son amie. Quand il entend « J’arrive » la seule chose dont il a envie c'est de repartir. Pourquoi fuir le problème ? Wim sait que c'est ridicule, enfin plutôt que ça ne mène à rien. Heureusement que son corps a décidé de faire grève pour qu'il reste planté devant la porte sans quoi quand Mia aurait ouvert, c'est face au vide qu'elle se serait retrouvée.
Quand Wim voit Mia, en chair et en os malgré quelques petites blessures encore visibles, il bugue littéralement. Il ne pourrait pas expliquer pourquoi son système intérieur se met à ne plus répondre, mais le simple fait de la voir devant lui, vivante, ça lui fait quelque chose. Sauf que mince, lui c'est Wim Coster le gars sûr de lui, un ego surdimensionné à son actif et qu'il ne peut pas se permettre de rester béat comme ça. « En personne, qui veux-tu que ça soit d'autre ? » répondit le Coster d'un air détendu. Deux temps, deux mesures, la même personne devenue différente en un seul instant. Take a breath. Il a l'impression en rentrant dans l'appartement d'être un peu plus stressé qu'il ne l'était il y a quelques minutes. Wim savait que la dose n'était pas suffisante. « Tiens je t'ai apporté ça. » Le Coster lui tend le sac avec la nourriture. « C'est ton plat préféré nan ? Bon c'est pas du fait maison comme j'avais prévu. » Ouhais parce qu'il avait malencontreusement oublié sa préparation et elle avait cramé. Résultat ça sentait le brûlé dans toute sa maison, la cuisine il peut définitivement faire une croix dessus. Wim se savait déjà mauvais cuisinier, mais il s'était remis aux fourneaux pour la première fois depuis un bail et avait définitivement la confirmation que ce n'était pas pour lui. Il passera le restant de sa vie à commander sa bouffe sur internet, c'est pas grave. Enfin, la première chose qui avait étonné le Coster c'est le sourire de Mia en le voyant puis cette étreinte qu'elle lui fait. « Pour être honnête je ne m'y attendais pas. » répondit-il. Ouhais il la voyait déjà lui claquer la porte au nez et le renvoyer chez lui comme un malpropre parce qu'il avait disparu des écrans radars depuis son accident. Ah elle l'évoque déjà d’ailleurs, c'est pas un bon bail. « Hum » fit-il de façon presque distraite. Ça le tend tout de suite. « Cool les excuses » A vrai dire il s'en fiche royalement et c'est plutôt à lui de les faire au final. « Ça sert plus à rien de toute façon, c'est passé. » Enfin pas vraiment pour lui qui reste bloqué dessus un peu. « J'aurai voulu qu'il n'existe pas cet accident. » lança-t-il parce qu'il ne se serait sûrement pas mis dans un sale état depuis et retourné dans ses travers. « Bref, on peut parler d'autre chose ? » demanda Wim presque de façon agressive. Il n'était pas venu pour ressasser ce qu'il s'est passé pendant des plombs.
Il semble figé devant ma porte. Une fraction de seconde, on aurait dit qu’il a vu un fantôme. Ce qui en soit, n’est pas totalement faux car la dernière fois qu’il m’a vu, j’étais inconsciente, mon corps inanimé sur le sable, suite à mon accident de surf. « En personne, qui veux-tu que ça soit d’autre ? ». Je le laisse alors entrer dans l’appartement, nous allons jusqu’à la cuisine où je prends place contre le comptoir pour me libérer d’une de mes béquilles. « Tiens, je t’ai apporté ça ». Il me tend alors un sachet que j’attrape, l’air interrogateur « C’est ton plat préféré nan ? Bon c’est pas du fait maison comme j’avais prévu ». Curieuse, je pose le sac sur le plan de travail et regarde à l’intérieur. Des lasagnes. L’odeur me remonte agréablement dans le nez ce qui fait apparaitre un grand sourire sur les lèvres, gourmande que je suis « Tu me connais vraiment que trop bien. Tu ne pouvais pas me faire plus plaisir que venir avec de la bouffe et pas n’importe laquelle ». Mais un sourire moqueur apparait alors au coin de mes lèvres « Avoue t’as failli foutre le feu à ta baraque ? ». Je le taquine sur le fait qu’il n’ait pas réussi à faire des lasagnes maison mais évidemment « C’est le geste qui compte, t’en fais pas. Merci Wim ».
Sa présence en tout cas me fait chaud au cœur, lui qui a disparu de la circulation depuis deux semaines maintenant. Alors oui, je pourrais lui en vouloir mais je connais aussi Wim depuis suffisamment longtemps pour savoir qu’il n’est pas du genre à assumer ses sentiments, et peut-être encore moins ses émotions. « Pour être honnête, je ne m’y attendais pas ». Un petit air triste s’affiche sur mon visage du fait qu’il ait pu penser ça. J’attrape alors sa main « Je peux pas t’en vouloir ». Je m’excuse alors pour cet accident, de l’avoir obligé à assister à celui-ci « Hum, cool les excuses ». Il joue l’indifférent, comme si cet accident ne l’avait pas touché. Pourtant, par ses gestes, sa manière de se comporter, il montre tout le contraire. Je l’observe en silence jusqu’à qu’il finisse par reprendre la parole « Ca sert plus à rien de toute façon, c’est passé ». J’hausse les épaules alors « Ca me tenait à cœur de le faire, parce que… je sais que j’ai foutu les jetons à pas mal de personnes ». Mon père, ma mère, malgré tout, puis mes meilleurs amis, mes amis proches… Alec qui m’avait surprise par sa venue à l’hôpital le jour même. Et je reste persuadée que c’est aussi le cas de Wim car, contrairement aux autres qui se sont précipités à mon chevet, lui avait fui. Chacun sa manière de réagir. « J’aurai voulu qu’il n’existe pas cet accident ». Et visiblement, ce dernier l’a beaucoup chamboulé et je le comprends rapidement par ses mots et son regard fuyant. « Bref, on peut parler d’autre chose ? ». Il me le prouve encore alors je tente de le rassurer « Tu sais je vais bien. Bon excepté que je suis cloitrée chez moi et que je ne peux plus venir faire la fête avec toi… ». Je grimace en souriant, tentant d’utiliser l’humour pour le détendre un peu. J’attrape mes béquilles pour sortir deux assiettes du placard. Je les dépose sur l’îlot central et ouvre le plat qu’il a amené pour nous le partager. Mon air devient plus sérieux cependant « Mais moi aussi je m’en serai passé… Je sens bien que ça t’a fait flipper à toi aussi et vraiment encore une fois j’en suis désolé. J’ai merdé, j’aurai dû restée concentrée… Bref ». Oui bref car j’ai déjà passé la journée à me remémorer cet accident et surtout les causes et je me trouve suffisamment stupide comme ça. « Tu prends les assiettes et on va s’installer sur le canapé ? ».
ϟIl pouvait très bien partir maintenant qu'il l'avait vue et qu'elle était devant elle ou juste rester quelques instants de plus. Après tout c'est bien la chose qu'il fait à chaque fois que ses parents le forcent à aller voir quelqu'un, certes c'est court mais ça compte. On ne peut pas le lui reprocher d'avoir esquiver une visite à partir de ce moment-là. Wim aurait très bien pu faire comme d'habitude sauf que non, il comptait rester là un bout de temps parce qu'il avait emmené à manger. Y'a une partie de lui qui voulait rester, l'autre pas. Une partie qui voulait être là parce que Mia a quand même une grande importance dans sa vie et l'autre qui était juste satisfaite de l'avoir vue en vie et puis voilà. La première impression qu'il a en rentrant d'ailleurs c'est d'avoir fait une grosse erreur d'être là…
L'idée de cuisiner des lasagnes alors qu'il sait pourtant que c'est une brèle en cuisine n'était pas non plus la meilleure idée. De quoi aurait-il eu l'air s'il avait réellement mis le feu chez lui ? « Juste le four qui a un peu surchauffé mais non quand même pas. » répondit Wim en rigolant. Façon de ne pas l'avouer directement parce qu'il a sa fierté tout de même. « Au départ j'hésitais avec des pétoncles à la crème et au vin blanc mais je me suis dis que les lasagnes c'était mieux. » Il n'irait pas jusqu'à dire qu'il connaît les goûts alimentaires de Mia par coeur mais un peu quand même. Quand tu connais quelqu'un depuis un moment, ça paraît logique sinon le contraire serait inquiétant. Peut-être qu'il aurait du soudoyer la cuisinière de ses parents pour faire le plat à sa place et il lui aurait voler le mérite. Ouhais ça aurait pu être un bail sympa ça aussi. Wim c'est pas trop le style à faire des cadeaux, c'est vrai que ça peut être surprenant. Enfin, il s'est dit que pour le coup ça pourrait être cool parce qu'il ne savait pas comment Mia allait réagir. D'après ses parents, un cadeau fait toujours passer la pilule. Combien de fois il a vu son père offrir des bijoux, vêtements ou choses dans ce style à sa mère pour se faire pardonner ? De trop nombreuses fois...
Passons. La conversation tourne plus vite que prévu sur le sujet de l'accident et forcément ça lui plaît pas. Il devient plus sec dans ses paroles, il laisse Mia s'exprimer mais ne répond pas pour le moment. Wim veut réfléchir vingt fois avant de parler parce quand cette situation lui fait vraiment perdre la raison. Une fois, pas deux. Il ne veut pas recommencer à blesser des gens, lui ça le dérange pas de se blesser mais pas les autres. Mais dans le fond, ça lui fait du bien d'entendre qu'elle va bien, ça le rassure. Sauf que se contenir c'est difficile et que Wim se sent quand même obligé de sortir une remarque, peut-être un peu cinglante c'est vrai. « C'est pire que nous foutre les jetons, ça se voit t'étais pas à notre place. » Wim prend les assiettes, un peu trop précipitamment et il y en a une qui vient s'éclater sur le sol. « Shit » Ah il commence à s'énerver c'est pas bon signe ça… « A quel moment tu t’aies dit que tu devais remonter sur cette planche si tu savais que t'allais pas maîtriser ? » Parce que c'est toi qui l'a forcée à remonter, idiot « Tu sais pas ce qu'on ressent à ce moment-là. » ajouta-t-il en ramassant les morceaux de verre. « Et pour la fête, rassure-toi je profite très bien tout seul. » Bon lui qui voulait rester calme, on repassera la chose hein…
« Juste le four qui a un peu surchauffé mais non quand même pas ». Un sourire s’affiche sur mon visage, un brin moqueur alors que Wim rigole aussi de lui-même. Mais même si les lasagnes n’étaient pas faites maison c’est son attention qui me touche d’avoir au moins essayé. « Au départ, j’hésitais avec des pétoncles à la crème et au vin blanc mais je me suis dis que les lasagnes c’était mieux ». Je grimace alors en entendant sa première proposition qui ne me semble pas du tout ragoutante « Heureusement, je pense que tu serais resté sur le pas de la porte avec tes pétoncles ! ». Un clin d’œil et un sourire amusé accompagne mes paroles. Je ne le pensais pas bien sûr, il serait même venu les mains vides ou avec un plat que je déteste, je ne l’aurai pas laissé sur le pas de la porte. Parce que j’étais contente de le voir, enfin, après deux semaines sans nouvelles.
Deux semaines après mon accident alors qu’il avait lui aussi assisté à celui-ci, comme Knox. Il est vrai que le fait de ne pas avoir eu de ses nouvelles pendant ce laps de temps me semblait étrange. Mais, je le connaissais suffisamment et qu’il n’était pas le genre à venir pleurer au chevet des gens. Parce qu’il n’était pas forcément à l’aise avec ça. Alors, je l’accueille à bras ouvert et indéniablement, le sujet finit par dévier sur l’accident justement. Je continue de m’excuser alors en étant consciente que je lui avais certainement fait peur à lui aussi. Il reste silencieux alors que je continue à parler de ça. Un silence qui se rompt par une réponse un peu sèche de sa part « C’est pire que nous foutre les jetons, ça se voit t’étais pas à notre place ». Je ressens de la colère en lui, ses paroles sonnent comme un reproche d’avoir eu cet accident. Mes sourcils se froncent alors qu’il attrape les assiettes et l’une d’elle finit en éclat sur le sol « Shit ». Je ne comprends pas pourquoi tout à coup il change d’humeur, sans crier gare, alors que deux minutes plus tôt il plaisantait. Comme toujours. Rare était les fois où je l’avais vu ainsi, surtout à mon encontre. Je le regarde alors s’agiter et il continue à s’énerver contre moi « A quel moment tu t’ai dit que tu devais remonter sur cette planche si tu savais que t’allais pas maitriser ». Ses reproches me semblent injustifiés et je ne comprends pas cette colère soudaine « Comme si j’avais prévu que ça allait arriver ! Il t’arrive quoi là Coster ? ». Mes sourcils se froncent alors qu’il continue sur sa lancée « Tu sais pas ce qu’on ressent à ce moment-là ». Je le regarde s’agiter en ramassant les morceaux de l’assiette désormais brisée en mille morceaux. « Et pour la fête, rassure-toi, je profite très bien tout seul ». C’est l’incompréhension totale. Quelle mouche l’a piqué pour qu’il réagisse de la sorte ? J’ai l’impression que c’est sa manière à lui de montrer qu’il a été touché par cet accident, voire même marqué. « Mais tu penses vraiment que je l’ai fait exprès ? Si t’es venu pour me le reprocher, tu sais où est la sortie ». Je m’emporte à mon tour car je n’ai pas besoin que quelqu’un vienne me voir pour me reprocher ce qui m’était arrivé. Je m’en voulais déjà suffisamment, je me sentais déjà suffisamment stupide sans qu’en plus il vienne en rajouter une couche. Je soupire alors, pour essayer de m’apaiser parce que je connais Wim pour savoir que cela ne lui ressemble pas. Non, il y avait sûrement autre chose derrière « Bon, tu vas me dire pourquoi tu te mets dans un état pareil ? Ca te ressemble pas Coster ». Je m’approche de lui alors, avec mes béquilles, pour l’arrêter tant bien que mal dans ses mouvements, posant une main sur son bras alors qu’il dépose un morceau d’assiette sur le plan de travail « Et regardes moi ». Parce que je sens bien que depuis son arrivée, il évite de me regarder dans les yeux, comme s’il cherchait à fuir encore et repousser un peu plus le fait de devoir affronter ce qu’il ressentait vraiment par rapport à cet accident.
ϟ« Sincèrement, je crois que moi-même je me serai pas présenté avec un tel plat. C'est immonde. » Il déteste ça, le goût est affreux mais la sauce au vin blanc est plutôt bonne. Bon dit comme ça, ça fait très alcoolique c'est peut-être pas la meilleure des choses… Le Coster a mangé ce plat plus d'une fois dans les banquets et autres réceptions de riche, c'est peut-être parce que ça lui rappelle ces souvenirs qu'il n'aime plus ce plat car durant son enfance il l'appréciait plutôt bien. C'est fou comme le passé le rattrape si vite, parce que ça serait presque comme du déjà vu à la différence près que les personnes ne sont pas les mêmes. Ça commence bien, parce qu'il est détendu un peu, parce que son esprit est anesthésié puis y'a un petit grain de sel qui s'incruste et qui rompt tout cet équilibre lui faisant perdre pied tout d'un coup. Le faisant devenir un peu sec dans ses paroles pour commencer puis un peu plus violent. « Tu vas pas me dire que tu l'as pas vu arriver cette p*tain de vague !? Même moi qui fait du surf une fois l'an je suis pas aussi idiot ! » répondit-il. Ça a toujours été son genre de rejeter ses propres fautes sur les autres, parce qu'il ne veut pas que la culpabilité le ronge même si c'est inévitable. En faisant ça c'est comme s'il voulait se libérer d'un poids alors que ça ne fait rien. « Tout et rien ! » s'écria-t-il avant qu'une des assiettes face un magnifique plat sur le sol. Quand Wim a enfin fini son déferlement d'accusation foireuse Mia reprend la parole, lui proposant même la sortie. Ouhais ça pourrait être une issue parce que fuir ses problèmes il sait faire ça aussi. Sauf que non, pas cette fois il ne le fera pas parce qu'il doit affronter ses démons. Respire. Non, pas cette fois-ci il n'ira pas jusqu'à la phrase finale, le point de non retour où la violence est physique. « Ouhais c'est ta faute parce que t'étais là quand il fallait pas, au mauvais endroit, au mauvais moment. Deux fois que c'est comme ça. » s'écria-t-il. Deux fois que ça le touche un accident de la sorte, deux fois où il a envie de tout casser parce qu'il a trop de fierté pour fondre en larmes même si la première fois il l'a mise de côté parce que c'était plus que dramatique. Le Coster ose regarder Mia, parce que c'est vrai qu'il n'a pas le choix là présentement. Il dit rien, c'est comme si ça venait le calmer. Il reprend un peu plus posément. « Ce qu'il y a c'est qu'avec ton accident y'a tout mon passé qui revient me fouetter la tronche. Tu vois, ça fait deux semaines que je suis en train de revivre un cauchemar qui me fait payer une f*cking erreur de jeunesse qui me bouffe la vie. Voilà. » Il reprend le morceau posé quelques minutes plus tôt pour l'éclater au sol, manière de canaliser sa colère sur quelque chose. Puis il va s’asseoir sur le canapé, sans qu'on l'invite avant de prendre sa tête dans ses mains. « La première fois j'étais pas là, j'ai ignoré l'appel et je l'ai juste laissée mourir. Wim c'est juste une façade, c'est rien, c'est personne et ce n'est même pas mon vrai prénom d'ailleurs. » A part si on le côtoie dans les soirées de la haute, il ne se présente que par ce surnom parce que son nom de naissance il le déteste et que c'est tout sauf crédible pour se faire un nom dans le monde de la fête.
« Sincèrement, je crois que moi-même je me serai pas présenté avec un tel plat. C’est immonde ». Cette histoire me rappelle celle des tubercules de pommes de terre, soi-disant remède miracle contre la gueule de bois. Un truc immangeable, mais il semblerait que Coster soit le spécialiste pour goûter des choses peu ragoutantes. Je ris alors à sa remarque, levant les yeux au ciel car habituée à Wim et ses étranges expériences. Il n’était pas chimiste pour rien cela dit.
De fil en aiguille et sans que je comprenne vraiment pourquoi, la conversation tourne au vinaigre. Wim semble entrer dans une colère inexplicable, une colère que je n’ai jamais connu en lui. Il me reproche cet accident, jugeant que je n’ai pas été suffisamment prudente à son goût pour que cela arrive. Il doit bien remarquer mon air ahuri lorsqu’il élève la voix sur moi tout en prononçant tous ces reproches. « Tu vas pas me dire que tu l’as pas vu arriver cette p*tain de vague !? Même moi qui fait du surf une fois l’an je suis pas aussi idiot ». Ma bouche s’entrouvre alors qu’il me traite de la sorte. Car clairement, c’est ce qu’il fait jugeant que j’ai été stupide. Il enfonce le clou et évidemment, je perds patience « Wow Coster, merci pour le compliment. Tu en a d’autres comme ça ? ». Il s’agite, il finit par briser une assiette par terre « Tout et rien ! » il s’écrie alors. Il continue sur sa lancée, me balance encore reproches sur reproches avant que je ne lui propose de prendre la porte de colère. Parce que je n’ai pas besoin d’entendre ça même si je ne cherche pas non plus à ce qu’on me plaigne. Je sais que je suis entièrement responsable pour ce qu’il m’est arrivée, que ce n’est pas la faute de cette vague mais juste la mienne. D’avoir été perdue dans mes pensées à un moment où j’aurai dû être concentrée à mille pour cent dans ce que je faisais. Mais même cette session de surf n’a pas été suffisante pour que je parvienne à faire le vide, à savourer l’instant présent avec deux de mes plus proches amis.
« Ouais c’est ta faute parce que t’étais là quand il fallait pas, au mauvais endroit, au mauvais moment. Deux fois que c’est comme ça ». Je ne comprends pas ce qu’il me reproche à ce moment-là. Surtout en me disant que cela fait deux fois. Est-ce qu’il me reprochait ce qui s’était passé alors que nous étions ados, que nous nous sommes laissés aller dans les bras l’un de l’autre ? Alors qu’il était avec Alana et moi avec Noâm ? « Je suis pas sûre de te suivre là. T’es entrain aussi de me reprocher ce qui s’est passé y’a quinze ans ? T’es sérieux ? ». J’ai l’impression que Wim n’est pas dans son état normal, qu’il cherche à rejeter toute la faute sur moi, pour ne pas montrer ce qu’il ressent réellement, face à cet accident auquel il a assisté. Alors, au lieu de continuer à m’emporter aussi et à ne faire qu’aggraver les choses, je préfère l’inciter à me parler, à me dire sincèrement ce qui le tracasse. Calmement, je pose ma main sur son bras alors qu’il dépose un morceau d’assiette sur le plan de travail. Il lève enfin les yeux sur moi et reste silencieux quelques instants. Il semble s’apaiser à son tour « Ce qu’il y a c’est qu’avec ton accident y’a tout mon passé qui revient me fouetter la tronche. Tu vois, ça fait deux semaines que je suis entrain de revivre un cauchemar qui me fait payer une f*cking erreur de jeunesse qui me bouffe la vie. Voilà ». Il attrape le morceau d’assiette qu’il venait de reposer sur le plan de travail et l’éclate au sol. J’ai un mouvement de recul mais je le laisse faire. Mes sourcils se froncent, comme si je cherche à comprendre un peu plus de quoi il voulait parler. Il s’en va alors s’assoir sur le canapé. Je le rejoins doucement, à l’aide de mes béquilles, tout en l’écoutant « La première fois, j’étais pas là, j’ai ignoré l’appel et je l’ai juste laissée mourir. Wim c’est juste une façade, c’est rien, c’est personne et ce n’est même pas mon vrai prénom d’ailleurs ». Je m’assois alors à ses côtés, prenant le temps de déposer mes béquilles et d’allonger ma jambe sur la table basse. Je viens alors poser doucement ma main sur celle de Wim « De qui tu parles ? Qui as-tu laissé mourir… ? ». C’est délicat de poser une telle question, surtout quand le jeune homme devant moi semble culpabiliser pour la mort de quelqu’un. Mes pensées vont vers Alana, avec qui le jeune homme n’était plus depuis. Pour moi, leur route s’était séparée en Colombie. Alors, je ne le lâche pas du regard, une certaine inquiétude se lisant dans celui-ci « Wim… je sais que notre relation a toujours été particulière. Mais tu sais que tu peux me faire confiance. Et si tu as besoin de parler, je serai toujours présente pour t’écouter ». Parce que nous nous connaissions depuis longtemps lui et moi, bien avant qu’on ne vrille tous les deux à l’adolescence. « Et il n’y a pas de mal à se laisser aller parfois… Garder tout pour toi n’est pas une solution ». Je lui adresse un sourire sincère, serrant un peu plus sa main.
ϟ La pauvre Mia n'avait strictement pas demandé à ce qu'on lui déverse une telle colère dessus. Mais c'était enfoui en lui depuis le début, enfin depuis que l'accident s'était produit et fallait que ça sorte. C'est malheureusement tombé sur elle et dans le fond, peut-être qu'il s'en veut. Un mauvais concours de circonstance encore une fois, à croire que c'est toujours ce qui se passe dans sa vie ; les personnes sont là au mauvais endroit et au mauvais moment. Toute la rage de la situation qu'il avait accumulé était en train de sortir, ça lui faisait un peu de bien c'est vrai aussi. Peut-être même plus de bien que de fumer pour penser à autre chose. Plus il continuait, plus ça devenait méchant, plus ça avait vocation à piquer, à appuyer là où ça faisait mal. Dans le fond, lui même se faisait du mal dans tout ça. « Tu crois que j'ai des p*tains de remords de ça ? Sérieusement non, si c'était à refaire je l'aurais refait cinquante fois s'il le fallait. » répondit-il en se moquant. « Le seul regret c'est peut-être de ne pas avoir pu lui balancer la vérité en face à Noâm, ça aurait pu être drôle on aurait bien ri. » ajouta-t-il. Maintenant oui mais avant certainement pas, il avait pas autant d'assurance que de nos jours. Le Coster est sarcastique, ça change un peu de la colère sauf que ça revient bien vite. C'était un moyen de changer de sujet, de ne pas en arriver à parler d'Alana. La regrettée colombienne qui reste parfois un point sensible, un énorme même. Il sait pas, il ne sait plus, il est perdu dans toute cette situation. Mia tente de creuser un peu plus, elle a calmé sa colère et lui aussi un peu d'ailleurs. La main de la blonde sur son bras quelques minutes plus tôt c'est comme si ça avait eu l'effet de l'apaiser quelque peu. « Y'a pas d'importance à savoir qui c'est, faut juste retenir que j'ai laissé mourir quelqu'un et que je l'aurai sur la conscience toute ma vie. » fit-il parce qu'il ne veut pas avouer ce grand secret enfoui en lui. Il vit avec depuis trois ans, ça peut très bien continuer comme ça à son sens même si c'est compliqué. « Tu crois sérieusement que j'aurai l'air de quoi ? Un bad-boy ça n'a pas de faiblesse et ça a une réputation à tenir. Ça fait quinze ans que je suis comme ça, c'est pas pour une chose aussi… futile que je vais remettre tout en cause. J'ai plus rien sans ça. » continua le Coster. Il exagère peut-être un peu c'est vrai, mais sans ce monde-là il n'existerait certainement pas c'est certain. Il serait juste un homme de la haute qui vivrait une vie insignifiante. « Parfois je me suis demandé si j'avais réellement fait le bon choix de claquer toute ma vie qui était parfaite pour elle. » Ouhais parfois il a des phases comme ça où il se remet profondément en question. « Y'aurait pas eu tout ça, pas de Colombie, pas d'accident rien. » Il soupire. « Ecoute Mia, ça fait trois ans que je vous prends tous pour des c*ns avec elle. Elle est à Brisbane A' , revenue presque en même temps que moi à vrai dire. » fit-il. Sous une forme particulière c'est vrai mais elle est-là.
« Tu crois que j’ai des p*tains de remords de ça ? Sérieusement non, si c’était à refaire je l’aurais refait cinquante fois s’il le fallait ». Il parle de cette relation que nous avons eue tous les deux, celle qui a été un dérapage alors que j’étais en couple, la seule fois où ce genre de choses m’est arrivé. Un épisode de ma vie dont je ne suis pas vraiment fière, parce que Noâm ne méritait pas ça et il n’était même pas au courant de ce qui s’était passé avec Wim pendant cette soirée. Encore aujourd’hui, il ne le savait pas. Enfin, à vrai dire, je ne pouvais pas vraiment le savoir parce que je n’avais plus aucun contact avec lui désormais. Peut-être que quelqu’un avait fini par lui apprendre. D’ailleurs en parlant de ça… « Le seul regret c’est peut-être de ne pas avoir pu lui balancer la vérité en face à Noâm, ça aurait pu être drôle on aurait bien ri ». Mes sourcils se froncent, je n’apprécie pas qu’il plaisante sur ça quand moi je regrette ce que j’ai fait. Parce que je l’ai trahi alors que son côté, il n’a rien fait de la sorte pour le mériter « Drôle vraiment ? Sache que pour ma part je regrette Coster ! Surtout quand je vois comment tu réagis ! ». Parce qu’en évoquant cette partie là de notre passé il a éveillé en moi une certaine colère, la même que celle qu’il est entrain de me déverser gratuitement depuis quelques minutes.
Malgré tout, les choses finissent par s’apaiser, je sens bien que la colère de Wim n’est pas dirigé contre moi, et que c’est sûrement sa manière de camoufler quelque chose. Nous prenons place sur le canapé, je l’écoute alors me dire que mon accident lui a fait remonter des souvenirs qu’il aurait préféré ne pas revivre. Et surtout il semblerait que ces vieux souvenirs sont tragiques. La perte de quelqu’un, quelqu’un qu’il aurait laissé mourir… J’essaye de comprendre alors de qui il parle « Y’a pas d’importance à savoir qui c’est, faut juste retenir que j’ai laissé mourir quelqu’un et je l’aurai sur la conscience toute ma vie ». Il ne veut rien me dire et je ne veux surtout pas insister. J’essaye juste de le mettre en confiance, suffisamment pour qu’il extériorise au moins ce qu’il ressent au fond de lui, qu’il évacue cette colère ou plutôt cette tristesse qu’il semble avoir enfoui « Tu crois sérieusement que j’aurai l’air de quoi ? Un bad-boy ça n’a pas de faiblesse et ça a une réputation à tenir. Ca fait quinze ans que je suis comme ça, c’est pas pour une chose aussi… futile que je vais remettre tout en cause. J’ai plus rien sans ça ». Ses paroles m’attristent, considérant que sa réputation est plus importante que tout le reste. Qu’il préfère prétendre plutôt que de dire qu’il va mal, qu’il a besoin d’aide. Il se noie, se perd, et finira par le regretter. C’est certain « Ne dis pas ça Wim. Tu es entouré et les personnes qui tiennent à toi non pas envie de te voir prétendre que tout va bien, juste parce que tu as cette réputation de bad-boy à entretenir. On a passé l’âge de tout ça en plus maintenant. Et tu ne peux pas dire qu’il s’agit d’une chose si futile… Pas quand c’est aussi … grave ». J’essaye de mesurer mes paroles pour ne pas le froisser à nouveau mais pour moi, la perte de cette personne qu’il pense avoir laissé mourir est bien plus importante que tout le reste. « Parfois je me suis demandé si j’avais réellement fait le bon choix de claquer toute ma vie qui était parfaite pour elle ». Et je comprends à cet instant qu’il fait référence à Alana. Cette jeune femme qui était sa petite amie déjà à l’époque du lycée, qu’il a suivi ensuite à Colombie. Cette personnalité particulière qu’elle était… Et je comprends très vite que c’est bien d’elle qu’il s’agit. Et cela m’attriste davantage, ma main se posant instinctivement sur son épaule « Y’aurait pas eu tout ça, pas de Colombie, pas d’accident rien ». Il ne peut pas être plus clair, je comprends parfaitement que mon accident lui rappelle celui qu’Alana a dû avoir et que celui-ci lui a coûté la vie « Il ne faut pas que tu vives dans le regret… Tu as eu une belle histoire avec elle ». Je suppose en tout cas, car je sais qu’il l’aimait. « Ecoute Mia, ça fait trois ans que je vous prends tous pour des c*ns. Elle est à Brisbane A’, revenue presque en même temps que moi à vrai dire ». Cette dernière phrase me fait me poser des questions, je ne comprends pas très bien ce qu’il sous-entend. Et pourtant, je finis par faire le lien « Je suis désolé Wim… ». Alors j’essaye à nouveau, parce que je la connaissais aussi, même si nous n’étions pas forcément des amies proches « Qu’est-ce qui s’est passé ? ».
ϟPourquoi il s’entête à provoquer comme ça pour se sentir en position de force ? C’est ridicule, absolument ridicule. Surtout qu’en réalité, fut un temps où il en avait pas été très fier non plus. Il l’a peut-être regretté des fois, parce qu’il avait trahi un ami, parce qu’il avait lui aussi trompé sa copine. Cette dernière s’en fichait royalement ceci dit parce qu’elle était pareil. Mais y’avait une époque où Wim avait des principes, où sa vie de gosse de riche n’était pas totalement rayé de son esprit et ce dérapage incontrôlé entre Mia et lui était dans ce moment-là où il était encore entre deux vies différentes, même si ça penchait plus vers le mal. Y’a tellement de la colère qui envahit son corps que le Coster serait presque capable de casser des colonnes vertébrales si on vient trop l’embêter. A défaut de continuer à prendre les gens pour des punchingball vivants il préfère canaliser sa colère sur ces pauvres assiettes, ces pauvres objets qui eux non plus n’avaient rien demandé.
Comme la dernière fois avec Dylane, Wim se sent faible et vulnérable en présence de Mia. Il déteste cette sensation d’être à nu comme ça. « Ah oui les vrais comme on dit. » Il souffle. Wim est bien entouré c’est certain, mais combien se sont souciés réellement de lui ? Peu, trop peu. Mais pourtant il devrait le prendre comme une bonne chose, mais lui préfère juste rejeter l’aide qu’on peut lui apporter. « Tout ce qui amène la faiblesse n’est qu’une futilité. » Dans son fort intérieur, le Coster ne croit pas un seul mot de ce qu’il vient de dire, c’est juste répété de façon robotique. « Tout peut être resservi contre toi, c’est la règle de base de là où je viens c’est un monde vicieux. Mes parents ils attendent que ça de me voir faible pour me démonter ensuite. » Ses géniteurs, Wim en parle très peu aussi parce que c’est leur donner de l’importance qu’ils ne méritent pas. Il faut ignorer les ignorants par l’ignorance qu’on lui avait appris et c’est qu’il applique. « Et merci de me rappeler que cette époque aurait du être over depuis un bail. » C’est dit avec ironie mais Wim accepte toujours pas de prendre de l’âge. Continuer son train de vie comme avant c’est ignorer le temps qui passe. Mais il sait que ça ne pourra pas durer éternellement et que de toute façon… son organisme n’est pas aussi résistant qu’autrefois.
« Si je suis obligé d’avoir des regrets avec elle. » De ne pas avoir partagé des choses saines avec elle, autre que les soirées, d’être partie en soirée alors qu’elle voulait lui parler sérieusement. De l’avoir laissé tomber quand elle était entre deux eaux et préférer la fête à elle. Il a pas eu besoin de le dire de but en blanc, Mia finit par faire le lien par elle-même. Y’a presque comme un poids qui se détache de lui. « C’est pour éviter ce genre de phrase qui inspire la pitié que j’en parle pas. » Wim a pas envie qu’on s’apitoie sur le sort qu’il s’est provoqué tout seul. « Accident de voiture, morte presque sur le coup. » C’est dit de façon tellement détachée, mais Wim a juste peur de craquer sinon. « Je l’ai appris que le lendemain, je suis arrivé à l’hôpital c’était trop tard. Elle a fini tristement sa vie dans le club des 27. » Morte au même âge que son idole Amy Winehouse, classe mais tellement glauque à la fois. « Voilà pourquoi j’ai un problème avec les accidents, la mort ou m’attacher aux gens en général. Ça fait peur. »
« Ah oui les vrais comme on dit ». Le sarcasme s’entendrait presque dans cette affirmation, tellement il ne semble pas persuadé d’avoir de vraies personnes sur qui compter, de vrais amis sur qui il peut se reposer quand rien ne va. Mais est-ce qu’il peut vraiment leur reprocher quand il ne laisse jamais rien transparaitre ? Un froncement de sourcils se manifeste sur mon visage, peut-être qu’au fond, je me sens visée, me disant que je n’ai peut-être pas été assez présente pour lui. Je n’émets aucun commentaire cependant, ne voulant pas accentuer ce qui ressemble, au fond, à une certaine rancœur qui ne fait que ressortir « Tout ce qui amène la faiblesse n’est qu’une futilité. Tout peut-être resservi contre toi, c’est la règle de base de là où je viens c’est un monde vicieux. Mes parents ils attendent que ça de me voir faible pour me démonter ensuite ». Et je comprends que ce sont les douleurs du passé qui refont surface, et peut-être même des douleurs encore présentes, quand sa famille a un poids certain dans qui est devenu Wim Coster. « C’est pour ça qu’à défaut de choisir sa famille, on choisit les amis qui nous entourent. Et, je pense que tu sais très bien à qui tu peux faire confiance, et à qui tu ne le peux pas. Je ne te trahirais jamais Wim ». Parce que je me sens obligée de lui rappelait que, même si notre relation a toujours été floue, il reste avant tout un ami auquel je tiens et pour qui je serai toujours là. « Et merci de me rappeler que cette époque aurait dû être over depuis un bail ». Là encore, je sens bien qu’il me le reproche et, comme cela peut arriver parfois, je réponds très vite, sans réfléchir « De rien ». C’est dit d’une manière totalement détachée mais un peu sèchement, parce que j’ai besoin de contrattaquer et peut-être lui signifier qu’il arrête de s’en prendre à moi injustement depuis son arrivée.
Le sujet qui le rend aussi grognon, aussi en colère finalement est bien plus profond que cet accident que j’ai eu. Parce que ce dernier semble lui avoir réouvert de vieilles blessures « Si je suis obligé d’avoir des regrets avec elle ». Alana, la personne avec qui il a certainement connu sa plus longue histoire. Une personne qui ne semble plus faire partie de sa vie. Et au fil de la conversation, je comprends alors pourquoi. Alana n’est pas restée en Colombie. Et apprendre la nouvelle des années bien plus tard, surtout comprendre que la jeune femme a perdu la vie et qu’il l’a caché pendant tout ce temps, me rend triste pour lui. Mais cela me fait évidemment quelque chose, même si je n’ai jamais été vraiment proche d’elle. « C’est pour éviter ce genre de phrase qui inspire la pitié que j’en parle pas ». Je soupire parce que ce n’est pas ce que je cherche à faire. Mais il ne semble pas accepter que des personnes puissent s’inquiéter pour lui. Il n’accepte pas de se montrer faible, il a toujours ce besoin de montrer qu’il est plus fort que tout. Quand, malgré tout, à petit feu, cela ne fait que l’enfoncer davantage et ne l’aidera pas à panser ses plaies… « Accident de voiture, morte presque sur le coup ». Il dit ça sur un ton laconique, comme s’il parlait de quelqu’un qui lui était totalement inconnu. Pourtant, les faits qu’il énumère sont horrible et je ne sais pas comment me comporter quand il ne veut pas la moindre pitié « Je l’ai appris que le lendemain, je suis arrivé à l’hôpital c’était trop tard. Elle a fini tristement sa vie dans le club des 27 ». Je me remémore nos retrouvailles trois ans plus tôt, dans ce bar, lui qui prétendait que tout allait bien. Alors qu’il venait juste de revenir et de vivre cette tragique perte et qu’il ne m’en a pas dit un seul mot. « Voilà pourquoi j’ai un problème avec les accidents, la mort ou m’attacher aux gens en général. Ca fait peur » « Et tu te sens mieux pour autant ? De ne pas t’attacher à des gens ? ». Il y a une certaine accusation parce que je veux lui prouver que sa manière de fonctionner n’est pas forcément la meilleure « Si trois ans plus tôt, tu m’avais parlé de tout ça, Wim, peut-être qu’actuellement, tu aurais retrouvé une certaine paix intérieure. A moi, ou à n’importe qui d’autre. Il y a des choses qu’on ne peut affronter seul Coster. Il faut que tu acceptes les mains qui te sont tendues ». Mon ton est un peu sec et pourtant, je suis triste pour lui. « Alors je vais le redire encore mais… je suis désolé de t’avoir fait replonger dans de vieux souvenirs avec mon accident. Je suis désolé aussi que tu ais dû traverser ça tout seul. Je suis désolé que tu ais perdu la personne, la seule peut-être, à qui tu étais le plus attachée ». J’attrape sa main pour la serrer doucement « Tu as le droit de craquer, Wim… Tu es humain. Tu te fais plus de mal en gardant tout ça pour toi… ».
ϟWim a presque l’impression qu’ils se sont donnés tous le mot pour avoir des pensées philosophiques, même lui en a beaucoup eu ces derniers jours. Mia n'a pas tort dans tout ce qu'elle dit, comme Dylane il y a quelques jours, comme Lena il y a deux ans même si c’était pas tout à fait pareil. Nombre de personnes à qu’il y avait pu faire croire que la confiance allait dans les deux sens alors que pas du tout. Wim est méfiant, très méfiant parce que c’est le milieu dans lequel il a évolué, celui des requins qui lui a donné ce trait de caractère. Des amis il en a des tas en réalité, parce que le monde de la nuit c'est aussi comme sa deuxième famille, sa famille même puisque sa réelle a décidé de lui tourner le dos quand il a suivi une autre trajectoire de vie. « Merci c’est gentil. » et il ébauche un sourire. Pourquoi la remercier alors que c’est normal non ? Les amis sont censés être toujours là quand on a besoin. Le Coster il s’en veut peut-être un chouillat à ce moment-là de lui avoir mal parlé depuis quelques minutes. Personne ne mérite qu’on s’acharne comme il l’a fait, mais c’est sans doute son moyen d’auto-défense pour empêcher qu’on brise sa carapace. Elles sont rares les personnes à connaître la vérité sur son histoire, sur celle de sa véritable raison de son retour en Australie. Elles se comptent même sur les doigts d’une main pour tout dire. Mia fait partie de ce cercle très restreint désormais. Wim a même pas envie de la menacer de ne pas révéler cette histoire, il a pas la force de le faire de toute façon. On dit toujours que la violence ne règle rien de toute façon. « Ouhais, tu dois rendre de compte à personne et tu fais ta vie tranquillement c’est cool. » répondit-il. Il a plus envie de s’attacher à quelqu’un comme il avait pu le faire avec Alana. Si une personne importante à vos yeux disparaît, c’est tout un monde qui s’écroule et lui, il ne veut plus de ça. Il écoute ce qui pourrait s’apparenter à des reproches dans le fond sans rien dire, de toute façon elle a raison. Ils ont tous raison. Wim a rien de plus à ajouter, lui tout ce qu’il veut c’est passer définitivement à autre chose et enterrer tout ça de nouveau. Continuer sa vie, continuer à enfouir tout ce qu’il ressent pour ne pas impacter son ego, sa personnalité. On aura beau lui dire, ce n’est sûrement pas demain qu’il changera. Le Coster affiche un faible sourire sur son visage puis vient déposer une bise sur la joue de son amie. « Merci. » Il sonne faux ce remerciement, il voulait juste en finir avec cette conversation. « Bon on les mange ces lasagnes ? Elles vont finir par être comme du caoutchouc. » Wim avait lancé ça de façon plutôt joyeuse et on n’aurait pas pu deviner qu’il y a quelques minutes à peine encore, une colère noire, de la tristesse avaient pris possession de lui. Maintenant que les révélations sont passées, qu’il s’est assurée que Mia va bien, ils vont pouvoir passer une soirée tranquille.