Je ferme la portière, après avoir remercié le client, qui a gentiment accepté de me raccompagner jusqu'à la gare la plus proche. Le vent souffle si fort qu'il m'empêcherait presque d'avancer, et la fine pluie qui l'accompagne vient frapper mon visage, douloureusement. La tempête qui s'abat sur une bonne partie du pays était prévisible, mais je l'avais quelque peu sous estimée... Je suis soulagée de me retrouver à l'abri dans le hall, qui est pratiquement désert. A croire que certains ont eu l'intelligence d'écouter les nombreux conseils qui passent en boucle depuis la veille sur les chaînes météo...Cet endroit ne dispose même pas de guichet, seulement une borne et un écran pour communiquer les heures d'arrivées et de départs. Mes yeux scrutent avec attention ce dernier, à la recherche du train qui me ramènera à Brisbane, et la déception est à son comble en constatant qu'il n'est pas seulement en retard, mais qu'il est annulé suite à la situation actuelle. Agacée, je soupire. Il doit être 20h, les chances d'un passage d'un autre train dans la soirée me semblent minces, pour ne pas dire inexistantes. Il faut dire que cette ville ne résonne pas comme telle, en témoigne les infrastructures mises en place, et aussi cette bonne odeur d'humidité dans la pièce... Téléphone contre la joue, j'en viens à appeler le fidèle héro de cette ville, pour ne pas dire le mien...Monsieur Grimes en personne!

Assise sur l'un des bancs, j'observe régulièrement les deux seules personnes présentes dans cette pièce. Il faut dire que leurs nombreux chuchotements et rapprochements physique ont de quoi attirer l'attention dans un endroit où le calme persiste, au delà du vacarme qu'impose le vent à l'extérieur. Une chose est sûre, ce jeune couple, à peine adulte, n'est pas dans l'attente d'un moyen de déplacement, ou alors ils ont décidé de faire passer le temps de la façon la plus agréable qu'il soit. Je les envierais presque, si je ne me sentais pas gênée d'être dans ma position actuelle. La sonnerie de mon téléphone va me faire sursauter, comme si j'étais prise en flagrant délit, et cette dernière annonce la présence de Cade devant cet endroit. C'est sans aucun regret que je me retrouve à braver à nouveau les bourrasques pour me précipiter à l'intérieur de sa voiture.

La portière refermée, les cheveux décoiffés, emmêlés, et cette mine qui exprime toute ma stupeur, je parviens à reprendre mon souffle, et adresser un coup d'oeil à ce cher Grimes. "Okay...Rappelle-moi pourquoi tu disais que c'était une si mauvaise idée de sortir aujourd'hui?" Cade, la voix de la sagesse. Je parviens à lâcher un rictus avant de me pencher vers lui pour lui voler un long et bon baiser, comme si ce jeune couple était parvenu à me mettre en émoi. "Merci d'être venu...Je me voyais déjà passé la nuit allongé sur ces bancs en plastique et squatter le distributeur avec mes quelques pièces!" J'en plaisantais, mais ca n'en restait pas moins si impossible. Je me frotte les mains, cherchant probablement à me réchauffer lorsque mon regard vient se perdre sur l'affichage du poste radio. Les quelques notes ne sont pas si surprenantes, mais je finis par réaliser que ce moment de convivialité en voiture pourrait se transformer en véritable cauchemar. Je tente vainement d'appuyer sur un bouton pour passer à la chanson suivante, mais la main de Cade vient gentiment m'en empêcher. "T'as pas quelque chose de plus...récent?" Loin de moi l'idée de lui faire remarquer que notre écart d'âge pouvait avoir son importance dans ce genre de moment. "Quoique....Pour ça il faudrait déjà passer par autre que des cassettes" murmurais-je. Les essuies-glaces tentent de trouver leur rythme, nous efforçant rapidement à ralentir pour pouvoir reconnaître la route. "J'suis sûre que c'était à gauche là!" fis-je remarquer d'un signe de la main. C'est ce que le panneau, placé quelques mètres plus tôt indiquait en tout cas.

Sa journée de boulot était terminée depuis plusieurs heures déjà et pourtant, Cade franchit le seuil de chez lui que maintenant. La nuit n'était pas encore tombée mais le ciel était aussi sombre que les idées d'une personne dépressive et le vent commençait à souffler. Des bourrasques qui faisaient virevolter les branches les plus minces des arbres et sifflaient dans le moindre conduit d'aération. Il posa ses clés de voiture sur le bar et alla se laisser tomber sur son canapé en soupirant. La journée n'avait pas été si remplie mais justement...c'était bien ce manque d'adrénaline qui l'ennuyait encore. Son portable vibra dans la poche arrière de son jean. Un léger massage surprenant qui lui fit froncer les sourcils et sortir le téléphone pour consulter le prénom de son futur interlocuteur. Un sourire vint instinctivement se loger sur ses lèvres. La jolie blonde avait ce don là, c'était indéniable. Il décrocha et ne lui laissa même pas le temps de dire un mot. - Moi d'abord ! Je devine que tu porte cette charmante petite nuisette noire, peut être un léger peignoir pour couvrir tes épaules et que tu sirote un verre de vin blanc. Ta soirée ne serait évidemment pas complète sans moi... L'expression amusé sur son visage disparue rapidement quand il entendit Savannah, presque inquiète, lui annoncer qu'elle était coincée dans une gare, sans aucun moyen de revenir à Brisbane. Dehors, ça s'annonçait mal. Pour autant, il ne se résignait pas à lui demander de trouver un hôtel pour la nuit ou d'appeler un taxi qu'il réglerait dés qu'elle serait ici, s'il y en avait un qui oserait prendre la route par ce temps... Les phares de la Chevrolet éclairèrent la chaussée et le moteur vrombit en s'éloignant de Redcliffe.

Il ne connaissait pas forcément la route et pourtant, Grimes ne ralentit à aucun moment. Pas de GPS intégré ni même d'application qui lui indiquait le chemin à suivre, ou la limite de vitesse à ne pas franchir, il se fiait toujours à son instinct quand il prenait le volant. Et sa motivation était décupler par l'image de Savannah, seule dans une pauvre gare paumée....La pluie s'accentua, il déclencha les essuies-glaces et pour ne pas s'assourdir avec le bruit de cette tempête qui croissait à au fil des kilomètres, il se mit un peu de musique. Eagles, Hotel California. Un classique qui réussit à le dérider un petit peu mais qui ne modifia aucunement sa façon de conduire. Les roues survolaient la route trempée et les yeux rivés devant lui, Cade poursuivait sa route. Quand il arriva devant ce bâtiment qu'on osait appeler « gare », il ralentit et s'arrêta devant pour appeler Savannah. Roadhouse Blues. The Doors. C'était ce qui passait quand elle ouvrit la porte, apportant avec elle un vent humide très désagréable. Sans bouger, sourcils haussés, il la regarda qui venait de vaincre les éléments. "Okay...Rappelle-moi pourquoi tu disais que c'était une si mauvaise idée de sortir aujourd'hui?" Il sourit presque moqueur et desserra le frein à main. - Tu aurais du écouter miss météo...elle ne dit pas que des conneries malgré ses faux seins et sa mini-jupe rouge ! Avant de manœuvrer, il se tourna vers elle. Si elle ne lui avait pas volé ce baiser, il lui aurait probablement dévorer la bouche de lui-même... le vent lui avait donner une petite touche décoiffée particulièrement sexy. "Merci d'être venu...Je me voyais déjà passé la nuit allongé sur ces bancs en plastique et squatter le distributeur avec mes quelques pièces!" Cette fois, les roues  firent un quart de tour et il se retrouva sur la rivière...ou plutôt que ce qui servait de chaussée. La nuit était noire ici et il lui fallait plisser les paupières pour bien y voir. - Ça aurait pu être pire... Des barres chocolatées et du soda en guise de repas. Il l'avait déjà fait. Il enchaîna par un - On y voit vraiment que dal... sur un ton bien embêté.

Il se réinstalla correctement comme si cela allait l'aider à s'orienter et puis... il dégagea cette main qui allait pour tripoter son lecteur de cassettes. - Tttt Ttt. Ses yeux voguait sur le lecteur et sur la route, sa concentration ne devait pas faiblir. "T'as pas quelque chose de plus...récent?" Il fronça les sourcils. Non... ils n'allaient quand même pas avoir cette conversation là ?! "Quoique....Pour ça il faudrait déjà passer par autre que des cassettes" Et voilà. Les répliques accrocheuses sur les goûts de l'autre. Un véritable petit couple ! - Hey ! Les Doors ne méritent pas qu'on les foute sur une clé et qu'on les trimballe comme un vulgaire Kleenex ! L'USB, l'informatique, tout ça l'ennuyait profondément. Quand il fallait taper des rapports pour les fédéraux et convertir les fichier dans un format compliqué, il s'arrangeait toujours pour que ce soit le petit stagiaire qui s'en charge. Alors aucun élément de ce type n'entrerait dans ce bijou des années soixante pour le dénaturer. La route défilait encore et ils dépassèrent un croisement sans que Cade n'ait tenu à lire les indications sur les panneaux. Si seulement, il avait pu les voir. Des feuilles venaient se coller sur le pare-brise, et il tentait, tant bien que mal, de suivre sa ligne. "J'suis sûre que c'était à gauche là!" Ah oui ?! Peut-être bien que Savannah avait raison. - On doit pouvoir rattraper la route un peu plus loin. Sauf que... aucun panneau n'était visible à l'horizon. Des arbres... encore des arbres... ils s'enfonçaient dans ce qui pouvaient être un bois et des arbres en colère défilaient autour d'eux. Cade osa penser à demander de l'aide à une certaine application, il chercha donc son téléphone dans sa poche et regarda l'écran bleu qui lui éclaira soudainement les yeux. - Pas de réseau... Rappelles moi pourquoi tu as atterris dans ce bled paumé ? Son boulot. Ce job qui ne lui attirait vraiment que des ennuis selon lui...

Ce n'est pas réellement comme ça que j'avais imaginé ma soirée, la possibilité de devoir attendre le prochain train me semble impossible dans ces conditions, autant que devoir rejoindre l'hôtel le plus proche par cette tempête d'ailleurs. Et la  solution qui s'impose à moi comme une évidence reste Cade. Il sera probablement le seul à vouloir foutre un pied dehors malgré la vigilance qui surplombe une bonne partie du pays. Ca me donne aussi une bonne excuse pour pouvoir le voir sans avoir à en formuler clairement la demande et passer pour l'accro de service. Les yeux rivés sur l'écran de diffusion, il ne faudra pas beaucoup de tonalité avant d'entendre la voix masculine au bout du fil. "- Moi d'abord ! Je devine que tu porte cette charmante petite nuisette noire, peut être un léger peignoir pour couvrir tes épaules et que tu sirote un verre de vin blanc. Ta soirée ne serait évidemment pas complète sans moi..." Je me pince les lèvres, croisant timidement le regard de cet homme d'une soixante d'années qui se trouve à mes côtés pour s'informer de l'arrivée de son train, et qui aura, grâce au silence et l'écho dans la pièce, eu la chance d'entendre cette conversation. Son regard rempli de jugement va me pousser à esquisser un sourire. Je tourne les talons, m'éloignant doucement en tentant de me faire plus discrète. "Mouais...mais non." Déception. Mais peut être que s'il acceptait de venir me chercher je pourrais réaliser son souhait inavoué... En attendant, l'attente me parait plutôt interminable. L'endroit, définitivement désert, n'aspire ni confiance, ni confort. Heureusement pour moi, j'ai de quoi me distraire par la présence de ce charmant petit couple, tout juste majeur.

L'arrivée de Cade va me permettre de réaliser que les éléments se déchainent d'autant plus en cette fin de soirée, et c'est avec quelques désavantages, que je parviens à trouver refuge sur le siège passager. Je prends le temps de respirer à nouveau et de croiser le regard de l'ancien agent pour lui donner raison. "- Tu aurais du écouter miss météo...elle ne dit pas que des conneries malgré ses faux seins et sa mini-jupe rouge !" Je hausse les sourcils. "Ouais...Et j'imagine que tu attendais ses prévisions avec impatience depuis ton canapé ce soir" murmurais-je presque sensuellement contre ses lèvres, empoignant sa veste afin de l'attirer vers moi pour pouvoir l'embrasser. J'étais contente de le retrouver. "Merci d'être venu...Je me voyais déjà passé la nuit allongé sur ces bancs en plastique et squatter le distributeur avec mes quelques pièces!" soufflais-je en déposant mon sac à main entre mes pieds. "- Ça aurait pu être pire... " Oui, on aura pu me voler mon sac à main aussi "- On y voit vraiment que dal...". Un coup d’œil à travers le pare-brise pour constater qu'effectivement, le trajet ne va pas être de tout repos si cela persiste. Et c'est rapidement ce fond sonore qui va susciter mon attention. J'avais oublié que nos goûts musicaux pouvaient parfois diverger. Je n'étais pas contre quelques tubes planétaires ancestraux, mais celui-ci ne faisait pas parti de mes préférés, et la possibilité d'en changer se voit échouer par le geste de Cade, qui m'arrête dans mon élan. A défaut de pouvoir prendre des initiatives mal perçues dans son carrosse, je lui soumets donc l'idée "T'as pas quelque chose de plus...récent?" L'évidence s'impose face à cette remarque. Comment pouvait-on écouter du Taylor Swift sur ce dinosaure? "- Hey ! Les Doors ne méritent pas qu'on les foute sur une clé et qu'on les trimballe comme un vulgaire Kleenex !" Mon regard posé sur lui, j'en viens à dissimuler un sourire amusé. "Non c'est vrai....C'est bien mieux de finir oublié sur une cassette, qui sera jeté en pleine nature lorsque la bande son aura fait des siennes. " soulignais-je ironiquement. Je profite de recueillir un bref instant son regard pour hausser les sourcils, il pouvait continuer de croire qu'il avait raison.

Le trajet se poursuit, et on ne peut pas dire que je me sente bien à l'aise, surtout que la situation ne fait qu'empirer depuis que nous nous trouvons à l'extérieur de la ville, perdu au beau milieu de nulle part. "- On doit pouvoir rattraper la route un peu plus loin." Je grimace, espérant qu'il dise vrai. Cet endroit m'est totalement inconnu et ne m'aspire pas confiance... Et malheureusement pour nous, plus aucun panneau à l'horizon depuis un bon moment. Des arbres, des arbres... Et cette route interminable...Le décor rappelle celle d'un vieux film, durant lequel la voiture va bien évidemment tomber en panne. Je secoue la jambe nerveusement en observant la route, à peine reconnaissable. Mon téléphone ne nous est d'aucune utilité, et celui de Cade va le rejoindre sur ce point. En même temps, avoir du réseau dans le coin révélerait du miracle." - Pas de réseau... Rappelles moi pourquoi tu as atterris dans ce bled paumé ?" Je soupire. Voulait-il vraiment que je lui rappelle qu'il s'agissait d'une demande de mon ex-mais-présentement-patron qu'il appréciait tant? "Et toi rappelle-moi pourquoi tu trouves inutile d'avoir un GPS dans ton petit bijou?"Mouais, des questions auxquelles il était inutile d'apporter une réponse. "T'as pas une carte?" demandais-je tout en ouvrant la boite à gant. Si la voiture était aussi vieille, elle devait probablement contenir ce genre de chose. Je ne m'attendais tout de même pas à ce qu'elle contienne autant. Il aura suffit que je l'ouvre pour qu'elle laisse tomber quelques papiers, ne pouvant empêcher cet air surpris de s'installer sur mon visage. "C'est la caserne d'ali baba là dedans." Au delà de la carte qui nous était nécessaire, une certaine curiosité s'installe. Peut-on considérer que je viole son intimité s'il se trouve à côté de moi et que mon acte était dans un premier temps innocent et dans le but de nous aider à retrouver Brisbane? Je me contiens pour ne pas faire de remarque sur ces tas de papiers, bonbons, friandises diverses...Des années d'oublies, sans aucun doute. Je le savais désordonné, j'ignorais que sa voiture, impeccable à première vue pouvait être aussi victime de ce trait de caractère. " J'suis sûre qu'y a des trucs périmés..."pensais-je à voix haute, scrutant une possible date de péremption comme si je faisais parti de la police. Quelques papiers administratifs, qui y ont bien évidement leur place et... quelques clichés. Ca c'est de l'exclusivité. Je ne peux retenir un rictus en soulevant la première photo vers ce dernier, un garçon âgé d'une dizaine d'années se tient devant une vieille cheminée. Il faut dire qu'il est plutôt reconnaissable. Mais je n'avais jusqu'à présent jamais eu l'occasion de voir ces éléments de son passé. "Pas mal!" lançais-je en souriant, l'empêchant de l'attraper pour pouvoir l'observer plus longuement. Mon sourire qui va rapidement s'évanouir face à la deuxième photo. Une femme, plutôt carrément canon, une véritable beauté de la nature qui doit avoir mon âge, ou peut être plus. "C'est à ce moment là où je dois t'faire une crise de jalousie et te demander de m'laisser sur le bord de la route?" ironisais-je. J’espérais que s'il s'agissait d'une ex, il avait simplement oublié qu'il trimbalait ce portrait avec lui. Mais l'idée qu'il s'agisse de sa soeur n'est pas à écarter également.

Il était certain que Cade aurait préféré savoir Savannah en nuisette sexy, chez elle ou à l’hotel de n’importe quel bled, plutôt que seule dans une gare quasi-abandonnée sous cette tempête qui menaçait le pays tout entier. Au-delà de sa satisfaction personnelle en s’imaginant le corps parfait de la jeune femme sous un voile de soie, il préférait la savoir en sécurité et non coincée dans un lieu incertain. Le ton de sa voix au téléphone ne fit aucun doute et pire, elle ne fit aucune remarque sur l’imagination débordante de Grimes. Ce qui l’incita à prendre ses clés de voiture sans hésiter une seule seconde. Braver le vent et la pluie tel un héros qui s’en va sauver sa belle, ça lui correspondait bien. On pouvait aussi assimiler ça à une inconscience débile guidée par de forts sentiments. Le chemin aller lui avait paru peu dangereux malgré les bourrasques de vent. La Chevrolet, bien ancrée dans le sol, n’avait pas dévier de trajectoire et seule la pluie empêchait Cade de bien distinguer l’horizon. Lorsqu’il arriva devant la gare, ce n’était déjà plus la même histoire. Des rideaux de pluie s’abattaient parfois sur le pare-brise et le vent s’engouffra quelques secondes dans l’habitacle, lorsque Savannah s’assit côté passager, les cheveux ébouriffés et l’air mi soulé mi soulagée. Grimes aussi était soulagé de la savoir à ses côtés, qui ne risquait plus de se faire emmerder par un poivrot, ou de craindre un effondrement du tout petit bâtiment qui servait de gare à ce patelin. Ironisant sur la miss météo d’une chaîne nationale, il sourit lorsqu’elle lui prouva qu’elle n’avait rien perdu de sa répartie malgré le mauvais temps. "Ouais...Et j'imagine que tu attendais ses prévisions avec impatience depuis ton canapé ce soir" S’il avait été surpris par cette tempête, c’était bien que les prévisions météo, il ne s’en préoccupait jamais… - 20h05 pour les prévisions du lendemain et 22h35 pour celles de la semaine ! Son sourire s’agrandit, fier de sa connerie, il lui décrocha aussi un clin d’œil pour la taquiner. Bon okay. Il lui était arrivé de se retrouver devant la télévision allumée et de ruminer devant la carte de l’Australie et ses petits soleils un peu partout. Sauf ce soir là bien entendu.

La voiture quitta sa place temporaire pour s’éloigner de la gare. Cade adorait conduire. Les kilomètres ne lui faisaient pas peur et l’état du ciel non plus. Sauf que là, tout s’accumulait. Il faisait nuit noire, il ne connaissait pas les environs et on n’y voyait de moins en moins. Alors qu’il tentait de discerner quelques lignes sur la chaussée, Savannah se mit à commenter ses goûts musicaux, et ses petites habitudes bien loin des technologies récentes. "Non c'est vrai....C'est bien mieux de finir oublié sur une cassette, qui sera jeté en pleine nature lorsque la bande son aura fait des siennes. " Jeter des cassettes ? Il ne l’avait plus fait depuis des années. Il s’agissait d’objets de collection qui s’accouplaient parfaitement bien avec la caisse qui les abritait. – On n’aura pas cette conversation. Rien n’entrera ou ne sortira de cette caisse ! C’était dit sur le ton de l’humour, pourtant Cade était bien sérieux au fond. Cette voiture l’avait suivi dans toutes ses aventures. Elle avait été témoin de beaucoup de choses, de beaucoup d’émotions et de péripéties. Elle était comme une partie de lui qui ne subirait aucune modification sous prétexte que le temps file… A force de penser à ses cassettes et aux Doors dont les chansons s’enchainaient, il loupa les indications et rassura vainement Savannah. Il y aurait forcément un autre chemin vers la plus grande ville du coin… Mais rien. A la place, ils s’enfonçaient dans ce qui semblait être une forêt, et dont la seule route rectiligne était celle où il était déjà. Cade consulta son téléphone qui n’était, évidemment d’aucune aide. "Et toi rappelle-moi pourquoi tu trouves inutile d'avoir un GPS dans ton petit bijou?" Même un GPS n’aurait rien capté par ici. – C’est moi le GPS d’habitude ! Oui, lui et sa petite tête qui avait mémorisé les route américaines mais qui hésitait encore sur les australiennes… "T'as pas une carte?" Les yeux verts de Cade bifurquèrent rapidement sur la boite à gants. – Regarde là-dedans. Il eut à peine terminer sa phrase que Savannah avait déjà les mains dans les papiers de sandwichs et autre confiseries, cadavres récents ou non qui témoignaient de sa seconde vie au volant. "C'est la caserne d'ali baba là dedans." C’était rien de le dire. Il ignorait même ce qui pouvait encore se trouver à l’intérieur. Il se contentait le plus souvent de l’ouvrir pour y fourrer quelques paperasses. " J'suis sûre qu'y a des trucs périmés..." Grimes tentait de se concentrer sur la route mais ses yeux dévièrent deux ou trois fois sur le bordel qui régnait dans cette boite aux trésors. – C’est le bon moment pour faire le tri… Oui, sur une route obscure où il ne reconnaissait rien et d’où il n’y avait pour l’instant aucune issue certaine. "Pas mal!" Ces mots lui firent de nouveau tourner la tête. Elle tenait là une antiquité. L’image d’un Cade Grimes qui n’existait plus depuis bien longtemps. Ce petit garçon aux yeux brillants qui ne réalisait pas encore l’emprise de son paternel sur sa vie. Il essaya, en vain, de l’attraper, sentant la moquerie arriver. – Donnes moi ça ! La photo encore visible depuis son siège lui tira quand même un léger sourire. Ces tâches de rousseurs avaient disparues avec le temps. Comme bien d’autres choses… Savannah fouillait encore. "C'est à ce moment là où je dois t'faire une crise de jalousie et te demander de m'laisser sur le bord de la route?" Il pigea mieux quand il remarqua le visage de la jeune femme sur la photo. Il haussa les sourcils et prit un petit air malicieux, histoire de rendre l’instant un peu confus pour la jolie blonde. – Tout le charme des Grimes, c’est vrai ! Un petit silence s’installa avant qu’il ne regarde Savannah pour éclaircir ce qui était déjà plus qu’évident. – C’est ma sœur. Milena. Il reposa les yeux devant lui et baissa un peu la tête pour y voir quelque chose. – Et oui, elle a beaucoup de succès avec les hommes. Elle en avait bien trop eu à son gout en tout cas. Mais en tant que grand frère, c’était normal de le penser…

– Tu veux toujours que j’te laisse sur le bord de la route ? Il esquissa un sourire pour lui-même et les quelques secondes qui suivirent furent déterminantes. Soudainement, son pied écrasa la pédale de frein, ses deux mains tinrent le volant et son corps se contracta tout entier. La voiture s’arrêta à temps, à quelques centimètres seulement de cet énorme tronc d’arbre qui bloquait la route. La pluie battante ne lui avait pas permit de le voir plus tôt et Savannah avait sûrement dû se tenir pour ne pas valser plus que ça suite à ce coup de frein brutal. Les yeux plantés devant lui pour réaliser qu’ils avaient manqués l’accident de peu, Cade réfléchissait à une vitesse folle. – Il manquait plus que ça ! Il se tourna, posa un bras sur la banquette et amorça une marche arrière dynamique qui ne réussit que sur quelques mètres seulement. Les roues arrière virèrent, la Chevrolet s’embourbait et il n’y avait plus que l’arrière qui bougeait légèrement de gauche à droite. – Eh merde !! Ses dents se serrèrent, il continuait d’appuyer sur l’accélérateur pour essayer de la sortir de là. Mais rien n’y faisait. Finalement il lança un bref - Restes là Sav'. à la jolie blonde avant de sortir pour voir la situation. En quelques secondes, il termina trempé..

La nuit tombée apportait son lot de surprise, et mon insouciance me poussait finalement à appeler à l'aide. Assise dans cette voiture, et malgré la tempête,qui ne cesse de gagner en puissance, je me sens pourtant apaisée, et en sécurité. C'est l'effet que je ressens lorsque je suis auprès de lui, et le temps m'a prouvé que cela n'avait donc rien à voir avec cet ancien statut d'agent du FBI qu'il occupait. Il y a pourtant de quoi ne pas avoir l'esprit tranquille avec le vent qui souffle dehors, en attendant, cela ne nous empêche pas d'ironiser sur la situation et se laisser aller à quelques répliques taquines. "- 20h05 pour les prévisions du lendemain et 22h35 pour celles de la semaine !"Aucune provocation de ce genre ne parviendra à m'ôter cette envie de venir me perdre quelques instants sur ses lèvres si douces, pas même ce mince sentiment de jalousie.

Ces joyeuses retrouvailles laissent cependant place à un sujet bien plus épineux, sa voiture. Loin de moi l'idée de vouloir lui faire changer ce beau bijou, ce qui l'accompagne reste cependant figé dans le temps, en témoigne ce vieux poste radio qui a survécu après toutes ces années. J'ignorais que les cassettes pouvaient encore sur le marché, mais à en écouter le style musical, nul doute qu'elles soient probablement d'époque, elles aussi. Admettait-il seulement que leur durée de vie était probablement arrivée à épuisement? . "– On n’aura pas cette conversation. Rien n’entrera ou ne sortira de cette caisse !" Je ne peux m'empêcher de sourire. "Qu'est c'que tu peux être vieux jeu" soulignais-je en venant caler mon dos dans le fond du siège, abandonnant cette discussion pour lui faire passer un message qui heureusement, ne se limite à qu'à ce simple tas de ferraille. Cette discussion nous aura cependant fait détourner l'attention de la route, et sans plus attendre, nous nous enfonçons dans ce qui ressemble être une forêt. "– C’est moi le GPS d’habitude ! " GPS qui se montrait redoutable lorsqu'il devait l'amener jusqu'à l'un de ses bars favoris je présume, seulement là, la distance ne se résumait pas à quelques malheureusement kilomètres. A situation désastreuse, solution imparable, il nous fallait trouver une carte, avec un peu de chance, ce dinosaure en abritait bien une, en supposant qu'elle ne soit pas américaine. Mes mains ne tardent pas à trifouiller dans sa boite à gant, n'ayant même pas attendu son autorisation pour le faire. Je siffle, exprimant mon émotion du moment, cette boite à gant recueillait à elle toute seule une montagne d'objets et autres détritus. Tout le bazar, que l'on ne trouvait jamais dans sa voiture, impeccable à première vue, se trouvait enfermé là dedans, et je suis comme une enfant en pleine chasse au trésor, je plonge ma tête dedans pour y accorder l'importance nécessaire, oubliant presque la mission première. "– C’est le bon moment pour faire le tri…" Je hausse les sourcils, presque désolée de ne pas avoir une poubelle sous la main. Un éclat de rire m'échappe en observant cette photo le représentant, il faut dire que la photo d'époque est le cliché parfait. "– Donnes moi ça !" Je contourne sa tentative de la récupérer, en claquant ma langue sur mon palais pour appuyer ma négation, bien décidé à l'observer avec plus d'attention. "C'est drôle, t'as toujours la même coupe de cheveux qu'à l'époque." fis-je remarquer. Il pouvait y voir là un compliment déguisé, il était déjà bien charmant à l'époque. Le genre de garçon à faire craquer les jeunes demoiselles. Un saut dans le temps aurait rendu notre histoire d'amour plus qu'impossible puisque je gambadais certainement encore en couche-culotte à cette époque là. La photo suivante, parvient à me rendre un peu plus sérieuse, bien que je n'en perdais pas mon sens de l'humour. Cette jolie femme ne manquant pas de charme, et par cette question, je souhaitais juste m'assurer que nous n'allions pas nous lancer sur le sujet des "ex". – Tout le charme des Grimes, c’est vrai !" J'arque un sourcil, un air joueur sur sur le visage avant d'observer avec plus d'attention la photo. " – C’est ma sœur. Milena." Ah, voilà qui était rassurant. "Et oui, elle a beaucoup de succès avec les hommes. "Je souris doucement."Au plus grand damn de son grand frère j'imagine." Nous ne parlions pas beaucoup de sa famille, mais je le connaissais assez pour pouvoir dire qu'il était l'homme le plus protecteur que je connaisse. Au delà de celui qui me sert accessoirement de grand frère. "– Tu veux toujours que j’te laisse sur le bord de la route ? " Je hausse les épaules, un brin innocente. "J'vais peut être rester encore un peu". lançais-je en soutenant son regard assez longtemps pour que ce cet arbre en plein milieux de la route vienne nous prendre de cours.

Mes pieds s'enfoncent machinalement, ma main venant atténuer la secousse en s'appuyant fortement sur le tableau de bord. Seul ma chevelure a suivi le mouvement. Le cœur battant, il me faut quelques secondes pour reprendre ma respiration et laisser échapper cet état de panique. C'est ce qui s’appelle avoir une bonne étoile au dessus de la tête "– Il manquait plus que ça !" Je regarde nerveusement autour de nous, observant les manœuvres de Cade pour se sortir de là. Malheureusement, la voiture ne semble plus vouloir répondre à ses demandes. "– Eh merde !! " Le regard inquiet, je l'observe, n'ayant même pas la force d'en rajouter une couche en lui demandant ce qu'il en est. "- Restes là Sav". Quelques secondes durant lesquels je m'octroie à lui obéir, le temps ne m'aidant cependant pas à deviner ce qu'il fout dehors. Je viens ouvrir la portière, subissant à mon tour cette pluie battante pour le retrouver vers l'arrière de la voiture. "J'vais accélérer, et toi tu pousses." Bah oui, même s'il refusait catégoriquement que je prenne le volant de sa voiture, il était inenvisageable que je vienne à jouer les gros bras. Je me précipite vers le côté conducteur, plissant les yeux pour déjouer les gouttes qui parsèment mon visage. Je soupire, me frottant les mains un bref instant avant de venir enfoncer mon pied sur la pédale. Une fois, deux fois...Si le moteur se met à rugir assez fort, les roues semblent quand à elle bien ancrées dans le sol, rendant impossible la fuite. La portière encore ouverte, je penche la tête pour tenter de jeter un coup d'oeil vers Cade, qui lui a bien subi mes différentes tentatives. Cette tempête, l'idée que nous soyons bloqués, ne parviendront pas à retenir ce rire moqueur en observant la boue qui a élu domicile sur la silhouette du jeune homme. Je place ma main devant ma bouche, presque honteuse d'oser me moquer de lui dans ces circonstances. "J'suis vraiment désolée" m'écriais-je à travers ce brou-ha qu’occasionne la nature dans ce contexte particulier. Je ne l'étais pas vraiment enfaites. Je grimace, tentant de reprendre mes esprits. "Qu'est ce qu'on fait maintenant?" Devoir attendre dans cette voiture le temps que tout se calme ne nous permettrait pas d’espérer le passage d'un autre usager dans les environs pour autant.

Les miss météo étaient certes toujours très jolies et élégantes, mais ce n’était pas pour autant que Cade était au rendez-vous tous les soirs. S’il tombait sur les prévisions météorologiques, c’était forcément parce qu’il bossait, ordinateur portable sur la table basse et qu’il jetait un œil de temps en temps sur la télévision allumée presque uniquement pour faire bruit de fond. Tout ça, il se garda bien de le préciser pour que son humour ne soit pas entaché, face à une Savannah qui semblait soulagée de le voir. Elle le récompensa même par un baiser. Ou bien c’était parce qu’il s’était passé trop de temps entre la fois où elle avait quitté son appartement en lui envoyant un clin d’œil complice, et cet instant où elle s’asseyait côté passager avec les charmantes traces d’une pluie battante dans les cheveux et sur le visage… Quoi qu’il en soit, ses lèvres avaient toujours ce goût subtil et addictif d’un bonbon que l’on déguste avec délectation.

"Qu'est c'que tu peux être vieux jeu" Grimes se contenta de lui jeter un faux regard noir. Cela faisait-il référence à ses quelques années de plus ? Ou bien à ses goûts très vieille-Amérique qui ne lui plaisaient pas forcément ? Il était formel et ne cèderait pas, ni sur la musique, ni sur un éventuel ménage à faire dans cette boite à gants qui débordaient d’il ne savait trop quoi. Sans doute des tickets de caisse, des papiers de sandwich et autres paperasses inutiles qui témoignaient de son joyeux côté bordélique mais tout de même bien dissimulé dans son cher bijou. Tant qu’elle attirait l’œil de l’extérieur, peu lui importait. De toute façon, il n’y avait pas grand monde pour fouiller à l’intérieur de ce qu’il considérait comme sa seconde maison. Cade avait effectivement voyagé, mais aussi dormi et prit plusieurs repas dans cette caisse. Elle était confortable. En dehors du temps, mais confortable ! "C'est drôle, t'as toujours la même coupe de cheveux qu'à l'époque." Savannah était tombé sur une photo plutôt avantageuse. Il y en avait d’autres bien moins flatteuses qui devaient encore se trouver dans le grenier de la maison familiale, parmi des cartons de souvenirs poussiéreux. Cade esquissa quand même un sourire à cette remarque. – J’ai pas eu beaucoup d’aventures capillaires… ce qui n’est pas le cas pour le look vestimentaire. Non, il ne valait mieux pas en parler. Si Cade n’avait jamais porté beaucoup d’attention aux modes, il avait quand même suivi quelques tendances un peu douteuses. Sweat shirts bien trop grands, Jean qui recouvre les baskets... Son adolescence et sa période rebelle avait eu raison de quelques aspects de son sex appeal. Là-dessus, Milena avait eu bien moins de problème. Comme la jolie blonde lui faisait remarquer en découvrant une photo de sa frangine, sa cadette était toujours au top. Naturellement, elle faisait se retourner les regards derrière elle et Cade avait eut bien du mal à accepter le défilé de types qui lui courraient après à l’université. "Au plus grand damn de son grand frère j'imagine." L’ex agent fédéral haussa les sourcils. – C’est pas un rôle très facile tu sais… Non, veiller sur sa seule petite sœur était une tâche qu’il avait toujours prit à cœur et qui lui avait parfois joué des tours…

A l’extérieur, la tempête donnait du fil à retordre au conducteur. Cade n’y voyait pas grand-chose. La pluie tombait en rideau, et le vent courbait les branches des arbres. Il plissait les yeux pour essayer d’y voir quelque chose mais ce ne fut pas suffisant et il freina juste à temps pour ne pas s’encastrer dans ce tronc d’arbre tombé sur la route désormais boueuse. Aucune manœuvre ne lui permit de sortir la Chevrolet de son trou. Il accélérait dans le vide. Après avoir pesté, Grimes se décida à sortir pour voir. – Restes là Sav ! Lui ordonna t-il presque en ouvrant la portière et en la claquant derrière lui. Une fois dehors, il se crispa sous l’effet des grosses gouttes froides qui lui trempèrent les cheveux et lui tombèrent dans le cou. Son jean lui colla à la peau en quelques secondes alors qu’il courra derrière la voiture pour s’apercevoir que les deux pneus étaient embourbés. Il tenta de poser ses deux mains sur l’arrière pour pousser mais en vain. "J'vais accélérer, et toi tu pousses." Savannah était fidèle à elle-même, indomptable. Cependant, ils ne s’en sortiraient pas sans son aide, Cade en était conscient. Il ne releva même pas le fait qu’elle allait se mettre au volant de son bébé, trop préoccupé par la situation. – Vas-y à fond ! Cria t-il pour qu’elle l’entende, déjà installé à son poste. Sauf que… les roues se mirent à vibrer, le moteur gronda, mais la caisse ne bougeait pas. Pour couronner le tout, Grimes était couvert de boue, jusque sur la joue malgré l’esquive qu’il avait tenté en tournant rapidement la tête au premier jet. Il se redressa quand Savannah pencha la tête pour constater les dégâts. "J'suis vraiment désolée" En secouant une fois les mains pour se débarrasser du surplus, il serra les dents. – C’est pas comme si j’avais pensé à prendre une tenue de rechange avant de partir ! Il recula un peu en regardant sa Chevrolet qui ne lui obeissait plus et qui se retrouvait en proie aux éléments. "Qu'est ce qu'on fait maintenant?" Il revint à hauteur du poste de conduite et prit appui sur la porte pour répondre à Savannah, après s’être passé une main sur le visage. – On peut pas rester là. On est au milieu d’une forêt, on pourrait se prendre un arbre ou une branche sur la tronche n’importe quand ! Il réfléchissait et ce qu’il avait en tête ne lui plaisait pas des masses, mais c’était tout de même mieux que de rester là à attendre que ça passe, avec de multiples dangers autour d’eux. – Suis-moi, faut qu’on trouve où passer la nuit. Il lui prit la main et l’aida à sortir avant de se baisser pour récupérer les clés de la voiture. Il referma la portière. – On va couper par les bois, on sera à l’abri de la pluie. Il lança un dernier regard à la Chevrolet. A l’intérieur une frustration certaine de la laisser là, seule et sans défense… Déterminé, Cade prit la main de Savannah et l’attira à travers la forêt à grandes enjambées. L’ambiance était humide, sombre et menaçant. Plusieurs fois, Grimes se prit les pieds dans des racines mais il ne perdait pas son objectif de vue : Trouver une baraque et des gens cool qui pourraient leur prêter une salle de bain et un lit pour la nuit ! – Finalement, ton hall de gare, c’était pas si mal… Il se tourna vers elle en souriant tout en avançant à travers la forêt. – Haut les cœurs, j’ai encore jamais entendu parler d’attaques d’ours ou de hyènes dans les environs !!

Peut-être aurais-je pu effectivement me montrer patiente et attendre le prochain train, ou encore tenter de rejoindre l'hôtel le plus proche, supposé qu'il y en ait un, mais je n'étais visiblement pas enclin à m'y soumettre. Au delà de l'inconfort que cela représentait, c'était surtout une occasion de plus pour pouvoir espérer voir celui qui parvenait encore à l'heure d'aujourd'hui à faire naître un flot d'émotions certains dès que je croisais son regard, et connaissant l'ancien agent, les conditions que j'allais lui présenter allaient bien évidemment l'amener sans aucune hésitation jusqu'à moi. Alors, de façon très égoïste, voilà que je l'embarquais une fois de plus dans mes problèmes. Ca faisait parti de ses qualités, bien que je prenais toujours plaisir à me moquer avec exagération lorsqu'il y faisait allusion, il avait ça dans la peau, ce besoin de prendre soin des autres. Apercevoir ce visage dans cet endroit qui me semble si étranger m'apporte sans plus attendre un sentiment de sécurité. Et ce n'est pas l'écho de cette vieille musique en fond qui me l'ôtera. Les conditions sont pourtant loin d'être de notre côté. Le temps se ligue contre nous, et nous trouvons malgré tout le temps pour se chamailler à travers l'habitacle, comme de véritable gamin. Peut être aimons nous trop ça, ou peut être est-ce plus fort que nous. "Qu'est c'que tu peux être vieux jeu" Aucune allusion à ces quelques années qui nous séparaient, enfin...je crois. Je n'en récolte de toute façon qu'un regard bien loin d'être sympathique et qui parviendrait à immiscer un sourire moqueur sur mes lèvres alors que je détourne un instant la tête et me pince les lèvres pour le lui cacher. Il fait cependant preuve d'une grande ouverture d'esprit en m'autorisant à mettre mon nez dans ses affaires, sachant que cette boîte à gant contient probablement des choses plus personnelles que son appartement tout entier. C'est à mon grand plus plaisir que je me lance à la recherche de la carte, accordant pourtant bientôt plus d'attention à certains éléments qu'à ce bout de papier, qui mériterait pourtant d'être en haut de la liste des priorités. Il faut dire que tout ce que je connais de Cade se résume à ce qu'il a bien voulu me raconter, soit dit en passant, pas grand chose, du moins concernant son passé. Chose que je ne cherche pas souvent à évoquer sachant très bien que ça pourrait se retourner contre moi, et que je suis soucieuse de garder certains éléments du mien secrets. Cette photo de lui parviendra cependant à faire naître un regard rempli d'affection à son égard. L'innocence qui s'en échappe y est probablement pour beaucoup. Qui aurait pu croire que des années plus tard, ce visage presque angélique  laisserait place à un homme guidé par une impulsivité sans équivoque et désireux d'obtenir les faveurs de ces femmes... "– J’ai pas eu beaucoup d’aventures capillaires… ce qui n’est pas le cas pour le look vestimentaire." Je hausse les sourcils, partageant moi-même quelques regrets de ce genre. C'est probablement la raison pour laquelle toutes mes photos d'enfance sont soigneusement enfermées dans une malle, dans un coin du grenier de la grande maison de la famille Williams. L'image suivante suscitera tout autant ma curiosité. "– C’est pas un rôle très facile tu sais…" Je hoche faussement de la tête, devinant surtout le désarroi de sa sœur, qui a du subir à coup sûr quelques mises en garde. J'avais moi aussi eu le droit à ce traitement, notamment à cause d'Auden, qui agissait comme un répulsif auprès de chaque garçon qui osait m'approcher à moins d'un mètre. Une époque qui n'est finalement pas tant révolue, puisqu'il n'admet toujours pas l'idée que je puisse avoir une vie sexuelle et être libre de faire mes propres choix. Cade l'avait apprit à ses dépends dernièrement... "J'suis sûr qu'Auden serait de ton avis" lançais-je. Il avait récemment enfilé l'autre costume, celui du type qui tente de se faire accepter en partant déjà avec ce titre de grand perdant sur le front.

La main agrippée au tableau de bord, je parviens à reprendre ma respiration alors que nous venons d'éviter le pire. Le coeur battant, j'observe Cade sortir de la voiture, et cette sensation d'être complètement inutile aura raison de moi alors que je m'empresse de le rejoindre à l'extérieur. Une seule solution me vient en tête, il faut tenter donner un petit coup de main à cette voiture qui est prise au piège. Je prends place de façon nonchalante, dégageant d'un geste de la main quelques mèches indomptable de mon visage." – Vas-y à fond !" Ni une ni deux, mon pied vient écraser de toute mes forces la pédale d'accélération, ne remarquant pourtant aucun changement, si ce n'est les conséquences de cette tentative foireuse. Malgré le contexte peu rassurant, je suis hilare face à l'état général de Cade. "– C’est pas comme si j’avais pensé à prendre une tenue de rechange avant de partir !" Mon sourire rieur, je ne peux m'empêcher de surenchérir. "Quoi?!T'as pas ça dans ton coffre Mary Poppins?" Une blague en référence à tout ces trésors retrouvés dans sa boîte à gant quelques minutes avant. Je me force à reprendre une attitude plus sérieuse, devinant que mon humour dans ces circonstances ne lui conviendra probablement pas. Je compte cependant sur lui pour dicter la suite des choses. "– On peut pas rester là. On est au milieu d’une forêt, on pourrait se prendre un arbre ou une branche sur la tronche n’importe quand !" Mon regard qui se perd sur lui, attendant qu'il dicte oralement ce que je redoute le plus. "– Suis-moi, faut qu’on trouve où passer la nuit." Oh gosh... Je feigne une grimace hésitante. "J'suis pas sûr que ce soit une meilleure idée... On a pas vu le moindre signe de vie depuis une bonne vingtaine de minute..." lançais-je en tentant de le ramener à la raison, m'aidant pourtant de sa main pour quitter sa place attitrée. "– On va couper par les bois, on sera à l’abri de la pluie." C'est une blague?" Non...On a déjà du mal à se réperer sur une route, imagine nous seulement à retrouver notre chemin au travers d'arbre plus semblable les uns que les autres..."Un argument justifié, mais qui n'était rien à côté de la peur qui m'attendait en m'enfonçant au beau milieu de la nuit dans cette forêt obscure, qui doit accueillir bon nombres d'animaux et monstres mythiques. Je contourne la voiture pour récupérer mon sac à main, tâchant de trouver une parade pour lui faire abandonner l'idée. "Imagine qu'on se perde, ou pire, que l'un de nous se blesse..." Je me retrouve à sa hauteur, captant bien assez vite que son attention est détournée de chez chaque mot qui sort de ma bouche, et qui est vouée à sa chérie de toujours ça parvient d'ailleurs à me faire oublier mon appréhension du moment. "Tu vas pas t'mettre à pleurer quand même?" demandais-en en penchant le visage par dessus mon épaule, un fin sourire espiègle sur les lèvres. Sa main qui vient resserrer la mienne avec force, par vengeance, ou peut être pour s'assurer que j'emboîte le pas, et moi qui cesse de respirer en observant autour de moi ce décor digne d'un grand thriller. Je traîne les pieds, manquant de glisser sur quelques feuilles humides à de nombreuses reprises. "Quel dommage que je n'ai pas pensé à prendre mes chaussures de rando" L'ironie du moment, pour lui faire remarquer que contrairement à lui, je ne bénéficie pas d'une paire de chaussure confortable pour cette exploration et excuse ma cadence, plus lente. Mon métier demande un certain effort vestimentaire, heureusement pour moi, l'idée de la robe ou la jupe avait été écartée ce matin. Nous sommes d'avantage à l'abri de la pluie, mais celle-ci, qui vient se mêler à la beauté de la nature, parvient à créer des bruits ambiants carrément flippant, écarquillant mes yeux comme s'il s'agissait d'une bête prête à nous sauter dessus. "– Finalement, ton hall de gare, c’était pas si mal…" Oh oui. Un soupire, dessinant l'image de ce couple finalement bien plus à l'aise que nous actuellement. Ma déception est visible, mais je tâche à ne pas en rajouter une couche alors que je l'ai moi-même emmené dans cette histoire par mon coup de fil." – Haut les cœurs, j’ai encore jamais entendu parler d’attaques d’ours ou de hyènes dans les environs !! " J'enfonce mes pieds dans le sol pour arrêter la marche, le forçant à en faire de même puisque je ne relâche pas sa main, qui est source de réconfort plus que jamais. Je sais très bien qu'il cherche à me taquiner, il n'a pas idée à quel point je peux être une véritable froussarde et que ce genre de blague soulève bien trop de vérité. "Peut-être parce que personne ne met jamais les pieds ici!" Je hausse les sourcils. "On va finir par s'faire bouffer!" osais-je évoquer. "Et on nous retrouvera jamais! On f'rai peut être mieux de regagner la voiture..." proposais-je, sans compter sur Cade et ses idées bien ancrées qui m'empêche de mener à bien mon plan. Je soupire, observant inlassablement mes pieds, qui semblent manquer d'adresse dans ce contexte et qui s'épuisent à mesure que le temps passe. "Okay, parles moi! Fais moi penser à autre chose, à ce que tu veux!" proposais-je en redoutant une légère descente qui s’avérera être plus abrupte que ce que j'imaginais. Dans le but de contrôler ma chute, je me retrouve les fesses sur le sol, épuisée par l'effort du moment, qui s'avère ne pas être suffisant.

"J'suis sûr qu'Auden serait de ton avis" A ces mots, un petit sourire s'imisca sur les lèvres de Cade. Auden et lui partageaient sûrement bien plus de points communs que ce qu'ils ne voulaient bien s'avouer. Entre autres, celui d'être grand frère et de tenir à sa petite sœur avec une telle force qu'il leur était possible de se mettre dans des états complètement fous pour elle. Si le frangin Williams ne lui avait pas fait très bonne impression, Grimes ne pouvait nier qu'il ressentait la même chose lorsqu'il se trouvait face à un prétendant de Milena. La jeune femme en avait eu pas mal et aucun n'avaient trouvé grâce à ses yeux d’aîné. Ils étaient tous... trop, ou pas assez... Ils ne la méritaient pas. Savannah ne savait certainement pas grand chose de Milena puisque la sphère personnelle était une chose très secrète chez l'ex agent fédéral. Elle ignorait encore tout ce qui caractérisait la famille Grimes. Tous ces mensonges, ces péripéties à se tirer les cheveux, et ces cris qui fusaient dés lors que père et fils se trouvaient ensemble, sous le toit de la grande maison familiale. Cette haine qu'il vouait à son paternel allait de paire avec son aversion pour le milieu mondain et toutes ses babioles. Elle était aussi au centre de son questionnement permanent à l'idée d'avoir un jour une famille bien à lui, une maison, un boulot comme tout le monde... Pour l'heure, il possédait une voiture et celle-ci refusait de lui obéir, s'étant embourbée à l'orée d'un bois qui, sous cette tempête ravageuse, ne semblait pas très accueillant. Ils tentèrent bien de la sortir de là mais elle continuait de faire sa capricieuse, et ce, même si son propriétaire termina salit de la tête aux pieds. Sous cette pluie battante, son visage ne recevrait qu'un bon masque de boue purifiante..mais ses fringues étaient encore plus lourdes et le collaient comme une seconde peau disgracieuse. – C’est pas comme si j’avais pensé à prendre une tenue de rechange avant de partir ! La jolie blonde se moquaient. "Quoi?!T'as pas ça dans ton coffre Mary Poppins?" Il la fusilla d'un regard noir avant de prendre une décision radicale qui leur permettrait peut-être de ne pas se faire surprendre par d'autres conifères qui ne sauraient résister au vent.

Évidemment, il ne s'attendait pas à ce que Savannah se réjouissent de devoir s'engouffrer dans les bois alors que la nuit était noire et que la tempête faisait rage. "J'suis pas sûr que ce soit une meilleure idée... On a pas vu le moindre signe de vie depuis une bonne vingtaine de minute..." Oui, il était au volant, il était donc au courant qu'ils se trouvaient à des kilomètres du premier bled. Cependant, il ne comptait pas passer la nuit dans la caisse même si c'était en sa compagnie et qu'ils auraient forcément trouver de quoi s'occuper.  " Non...On a déjà du mal à se réperer sur une route, imagine nous seulement à retrouver notre chemin au travers d'arbre plus semblable les uns que les autres..." Là, elle n'avait pas tord. - Rappelles moi de t'payer un stage de survie pour noël ! Encore de l'ironie et pourtant, Cade dissimulait sa réticence derrière une allure déterminée. Il ne s'agissait pas d'une promenade dans les bois pour ramasser des champignons..."Imagine qu'on se perde, ou pire, que l'un de nous se blesse..." Elle allait chercher son sac et revint vers lui qui roulait des yeux. - T'as vu trop de films Sav. On doit être à un ou deux kilomètres des premières habitations ! Il s'arrangerait pour que rien ne leur arrive entre temps. Mais ça, il ne pouvait pas le garantir pour sa Chevrolet qu'il laissait derrière lui sans aucune autre solution. Elle en avait vu d'autres celle-ci aussi, néanmoins, il ne savait pas encore dans quel état il allait la retrouver. Cela promettait sûrement quelques heures de réparation à venir. "Tu vas pas t'mettre à pleurer quand même?" Un regard à Savannah, un haussement de sourcils innocent et il prit la direction du plus sombre des chemins. - On y va ! Lança t-il pour esquiver une quelconque réponse qui finirait sûrement en conversation autour du couple atypique qu'il formait avec sa voiture.


Cade tenait fermement la main de Savannah et l’entraîna sous les arbres à pas élancés et rapides. Le but étant de trouver quelque chose ou quelqu'un avant de finir noyés, bouffés ou il ne voulait pas trop savoir quoi d'autre. Silencieux et concentré pour ne pas céder à ces frissons de froid qui lui parcouraient le corps, il avançait en tâchant de lever les pieds à la moindre racine au sol. "Quel dommage que je n'ai pas pensé à prendre mes chaussures de rando" Il jeta un œil sur le tenue de la jolie blonde. Une chance qu'elle ne soit pas en robe bien qu'elle ne puisse se vanter d'avoir des chaussures résistantes et confortables pour ce genre de ballade nocturne. – Haut les cœurs, j’ai encore jamais entendu parler d’attaques d’ours ou de hyènes dans les environs !! Non enfin...il n'en savait définitivement rien puisqu'il n'était pas d'ici. Mais les environs auraient été barrés, ou la présence d'animaux dangereux indiquée s'il y avait la possibilité de se faire dévorer par des sangliers. "Peut-être parce que personne ne met jamais les pieds ici! On va finir par s'faire bouffer! "  Essayant de faire abstraction de toutes ses fabulations, Grimes marchaient, décidé à sortir de cet espace étouffant le plus vite possible. "Et on nous retrouvera jamais! On f'rai peut être mieux de regagner la voiture..." Cette fois, il s'arrêta et lui fit face. Un éclair vint péniblement illuminer ses yeux bleus dans lesquels il devina une réelle angoisse. - Sav' ! S'il te plait... Il n'avait pas lâché sa main. Un fil rouge pour la rassurer, ou simplement la peur de l'avoir entraîné dans une situation imprudente qui la mettrait en danger. Le tonnerre gronda au loin. - Fais abstraction de c'qu'il y a autour de toi...on en a pas pour très longtemps ok ? Il lui montra leurs deux mains liées. - J'te lâche pas. Il peut rien nous arriver. Çà il n'en était pas certain. Il ferait juste tout pour qu'ils arrivent à se sortir de là sains et saufs. "Okay, parles moi! Fais moi penser à autre chose, à ce que tu veux!" Ils avaient repris la route et entamèrent une petite descente rendue bien glissante avec toutes cette boue qui s'accrochaient à leurs chaussures. Cade réfléchissait à un sujet divertissant comme elle lui avait demandé et la précédant, il finit par trouver... - J'imagine que l'instant est mal choisi pour parler de tes frangins barjos, alors pourquoi tu m'dirais pas d'où vient cette sœur qui a fait une entrée fracassante l'autre jour ? Avant qu'il n'ait pu avoir une réaction de la jolie blonde, son bras fut emporté et il se retourna rapidement pour l'apercevoir cul par terre. Il se baissa et posa son autre main sur son épaule. - Hey, ça va ? Il comprenait son épuisement. Il voyait son visage exténué et résigné à l'idée qu'il leur faudrait peut-être plusieurs heures avant de pouvoir se poser. En souriant et en tentant de ramener de la légèreté, Grimes l'aida à se remettre sur ses pieds. - Si c'est pour que j'te porte, faut le demander. Mais je t'assure qu'on irait deux fois plus vite si tu ne m'accable pas de tout ton poids ! Son poids... la jeune femme ne pesait pas bien lourd et à en voir son regard accusateur, elle arrivait encore à réagir à son sarcasme. C'était un bon point.

Pendant que la jolie blonde se débarrassait de quelques feuilles restées collées sur ses fesses, un bruit secoua les quelques buissons derrière eux. Aux aguets et les yeux ronds, Cade observa, intérieurement soucieux de ce qui pouvait les suivre, ou fuir la tempête comme eux le faisaient actuellement. Le bruit recommença et il reprit la main de Savannah. - Okay, là on devrait se magner un peu... sans attendre de voir qui était leur invité, si tant est qu'il y en avait un, il se précipita dans le sens opposé...

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Loin de moi l’idée de vouloir resserrer les liens entre Cade et mon frangin, il fallait quand même avouer qu’ils avaient tout de même quelques points en commun, et l’un d’eux était la raison pour laquelle ils ne pourraient pas devenir amis, bien qu’ils aient visiblement une vision des choses similaire. Cade était cet étranger qui tentait d’entrer dans le cercle bien fermé des Williams, une place qui ne faisait pas rêver, et que peu de personne démuni de ce sang qui coulent entre leurs veines soit parvenu à trouver. Auden en est bien évidement le gourou. Peut être que le temps les aidera à s’accepter mutuellement...Ou peut être pas. Quoiqu’il en soit, l’hypothèse qu’ils puissent à nouveau se croiser n’était plus à exclure. L’avantage, c’est qu’il y avait peu de chance que cela se déroule au beau milieu de nulle part, en pleine nuit,  puisque nous étions privés de toute communication extérieure. Et comble du comble, la voiture se met à faire des siennes, me forçant à me mettre à sa place pour mettre toutes les chances de notre côté. La récolte est vaine. Le carrosse refuse de répondre à nos efforts, et pire, elle se charge personnellement de son propriétaire qui profite d’un petit nettoyage de peau. Difficile pour moi de ne pas lâcher un rire franc et sincère en constatant l’ampleur des dégâts. Son regard réprobateur me pousse cependant à contenir mon amusement...Du moins, durant l’espace de quelques secondes. «Quoi?!T’as pas ça dans ton coffre Mary Poppins?» Cet air innocent qui s’empare de moi lorsque je croise son regard...

 

Par besoin de se venger et de s’assurer que mon corps ne soit pas retrouvé avant plusieurs mois par une bande de chasseurs, il me propose une petite balade en pleine forêt, créant inévitablement une réaction peu enthousiaste. « Non...On a déjà du mal à se repérer sur une route, imagine nous seulement à retrouver notre chemin au travers d’arbre plus semblable les uns que les autres...»Ma réponse négative sera sans grande surprise réfuté, alors que je ne montre aucune résistance à quitter le siège conducteur «- Rappelles moi de t’payer un stage de survie pour noël !» Je plisse les yeux avant d’hausser les sourcils. «J’ai une tête à finir ficeler dans un sac de couchage à même le sol et à allumer un feu en frotant des cailloux?» Définitivement pas. Je reprends plus sérieusement. Franchement, cette idée n’est pas la plus raisonnable du tout. Les arguments sont nombreux, et j’ai bien l’intention de les lui rappeler. «- T’as vu trop de films Sav. On doit être à un ou deux kilomètres des premières habitations !» Je lâche un faux rictus rempli d’ironie, observant machinalement autour de nous . «Ouais...Quand même bien faut-il avoir le sens de l’orientation » lançais-je en me retrouvant à sa hauteur, prenant sur moi pour ne pas lui rappeler que nous ne serions peut être pas là s’il n’avait pas oublier de prendre le bon embranchement lorsqu’il s’était présenté. Il faut dire que cet air dépité qu’il tente pourtant de dissimuler n’a plus de surprise pour moi. Pour être sûr de finir bien enterré, je ne peux empêcher une énième remarque qui suffit à le rendre autoritaire, et moi scrupuleusement fière. Nous nous enfonçons dans les bois, et j’ai déjà rapidement du mal à tenir le rythme effréné qu’il m’impose. Les éléments ne sont pas de mon côté, en témoigne cette jolie paire de chaussure qui finira à coup sûr dans la poubelle. Les mots de ce cher Grimes ne sont pas là pour me rassurer, cet humour que j’apprécie pourtant tant chez lui ne trouve pas sa place alors qu’il évoque la faune du coin. S’il y a bien un sujet qu’il fallait éviter, c’était celui-ci. Je m’étais assurée de ne pas y penser et voilà qu’il le rendait réel en l’évoquant à voix haute.  Je lui propose de rejoindre la voiture, ralentissant la cadence pour être sûr d’être entendu. Convaincante ou pas, il a au moins le mérite de stopper la marche et de se dresser face à moi, laissant présager une suite qui n’allait sûrement pas me plaire, une discussion sur laquelle nous ne serions pas d’accord, une fois de plus. Et alors que mon regard se plante sérieusement le sien, l’éclair qui parvient à s’immiscer à travers les branches me fait détourner l’attention, peu rassurée. Je relève les paupières,. «- Sav’ ! S’il te plait...» Je soupire doucement, rappelée à l’ordre. «C’est drôle, j’ai toujours dis à Mathis qu’il ne fallait pas se mettre sous un arbre s’il y avait de l’orage...Et nous, on opte carrément pour une forêt». J’en devenais insupportable, et je le savais, ca n’allait pas nous aider dans la tâche. «- Fais abstraction de c’qu’il y a autour de toi...on en a pas pour très longtemps ok ?» Peu convaincue, mes yeux bleus vont pourtant se baisser sur nos mains liées, qu’il agite comme un trophée. «- J’te lâche pas. Il peut rien nous arriver.» Une légère moue pour montrer qu’une partie de moi acceptait naïvement d’y croire. «C’est bon...» lançais-je d’un air las. J’espérais que son ambition suffise à nous ramener à l’abri au plus vite. En attendant, je lui demandais de me distraire afin de me faire oublier le contexte chaotique dans lequel nous nous trouvions. «- J’imagine que l’instant est mal choisi pour parler de tes frangins barjos, alors pourquoi tu m’dirais pas d’où vient cette sœur qui a fait une entrée fracassante l’autre jour ?»  Va savoir s’il s’agit de l’état pitoyable du chemin que nous empruntons ou parce qu’il évoque cette famille si étrange de laquelle je fais partie, mes pieds viennent à glisser sur la pente, m’efforçant à contrer la chute en me laissant tomber bêtement sur le sol. Épuisée physiquement, mais aussi moralement, je ne prends même pas la peine de me relever dans la foulée, affolant mon guide du moment. «- Hey, ça va ?» Je souffle sur cette mèche qui est venue se placer juste devant mes lèvres et laisse entrevoir mon état à fleur de peau. «Tu veux vraiment que je répondes à ça?» La bienveillance de Cade ne suffira pas à me réconforter pour le coup.  Je me pince les lèvres, faisant mine de réfléchir. «J’suis rinçée, j’ai les fesses mouillées, et des ronces qui s’affairent à m’imposer de l’acuponcture contre mon gré, on est au beau milieu de nulle part...» repris-je avec une voix fébrile, décidant de m’arrêter là. «...Non ca ne va pas!» me contentais-je de répliquer afin de clore le sujet,  de ne pas laisser ce côté parano s’emparer de moi et me pousser à pleurer comme une fillette dans un moment pareil. Mes nerfs, indomptables, parviennent à me faire perdre pied. Vu de l’extérieur, je donne probablement à rire, et je pense même que je m’y donnerais à coeur joie si je n’étais pas la principale concernée. Cade tente pourtant de me ramener à la réalité et d’amener un vent de légèreté. «- Si c’est pour que j’te porte, faut le demander. Mais je t’assure qu’on irait deux fois plus vite si tu ne m’accable pas de tout ton poids !» Okay, il gagne. Mon poing vient fermement frapper sa poitrine, m’assurant qu’il en ressente une légère douleur. La pseudo colère me donne le courage de me relever, bien joué Grimes! Je viens frotter mon pantalon, qui s’accorde parfaitement avec celui de Cade pour le coup. Un bruit va cependant arrêter mon geste, alors que l’air inquiet du jeune homme suffit à me figer sur place. Mon regard vacille entre sa silhouette et l’endroit duquel provient ce bruit. L’imagination se charge de me faire un portrait du perturbateur du moment alors que Cade attrape ma main à nouveau, veillant à ce que nous repartons ensemble, et rapidement. «- Okay, là on devrait se magner un peu...» Je hoche successivement de la tête. Première fois que nous parvenons à être d’accord ce soir. Cet événement donne un second élan à la marche, qui est bien plus énergique. Je regarde pourtant régulièrement en arrière, comme pour m’assurer que nous ne soyons pas suivi, un air angoissé sur le visage. Et durant plusieurs minutes, nous avançons silencieusement, déterminés à nous éloigner le plus vite possible de cet endroit. Des minutes qui me paraissent longues, alors que la tranquillité autour de nous, ou presque, semble être de nouveau de mise. «On a jamais été très proche elle et moi..» Un petit silence pour qu’il parvienne à situer le sujet dans lequel j’acceptais de me perdre quelques instant. «On ne se ressemble pas le moindre du monde.» C’était un fait qui n’était plus à prouver. «Pendant que je m’évertuais à rendre mes parents fiers en brillant dans mes études, elle séchait les cours afin d’explorer tous les interdits possibles» Je hausse les sourcils malgré moi. «C’est un peu devenu le vilain petit canard de la famille...Celle dont on ne préfère pas mentionner le nom de peur qu’il nous arrive malheur.» J’exagerais un peu, mais Ana avait la capacité à plomber un repas de famille face à son attitude et son vécu impressionnant. «J’me disais qu’avec les années elle changerait, mais malheureusement ce n’est pas le cas...»Alors je me contentais de l’ignorer et de limiter les échanges avec elle, la plupart du temps

Dire qu’il regrettait d’avoir encore voulu jouer les sauveurs de ces dames était faux. Cade n’aurait pas pu laisser Savannah seule dans un bled paumé, alors qu’une tempête faisait rage et qu’elle n’avait aucun moyen de se mettre à l’abri pour la nuit. Mais voir son petit bijou ainsi pris au piège des éléments lui brisait le cœur. Devoir l’abandonner sur une route inconnue, encore plus. Elle refusait pourtant de bouger et les contraignait tous les deux à devoir s’engouffrer dans une forêt menaçante qui pouvait elle aussi avoir son petit caractère. Le vent soufflait à travers les branches, sifflotant comme dans un vieux film d’horreur à la bande son exagérée. Il n’y voyait pas grand-chose, pourtant, Grimes avançait à grand pas et priait pour que la route, ou le prochain patelin ne soit pas à plus de quelques bornes… Il tentait d’ailleurs de faire un peu d’humour en route pour une Savannah qui ne dissimulait rien de son inquiétude et de sa fatigue physique. «J’ai une tête à finir ficeler dans un sac de couchage à même le sol et à allumer un feu en frotant des cailloux?» A y réfléchir, l’image était plutôt amusante. La situation semblait l’être beaucoup moins pour la jolie blonde. Alors que Cade souriait et la rassurait comme il le pouvait en écartant toute possibilité qu’un loup-garou puisse surgir pour les dévorer, elle continuait à être bien pessimiste. «Ouais...Quand même bien faut-il avoir le sens de l’orientation » Elle marquait quand même un point là-dessus. Si l’ex agent fédéral connaissait les routes américaines par cœur et pouvait se passer de gadgets reliés à des satellites pour s’orienter entre les différents états, c’était tout à fait différent en Australie. Bien qu’il ait passé du temps sur ce continent, il ne s’y était jamais intéressé au point d’être incollable sur sa géographie, puisqu’il n’était pas question, à l’époque, qu’il y habite !

Ils s’enfonçaient dans les bois et la fraicheur se mêlait à l’humidité. Son jean collant à ses jambes et cette boue qui semblait être plus lourde que ses fringues ne constituaient pas non plus l’attirail idéal pour ce genre de promenade. Pourtant, c’était Savannah qui se plaignait le plus. «C’est drôle, j’ai toujours dis à Mathis qu’il ne fallait pas se mettre sous un arbre s’il y avait de l’orage...Et nous, on opte carrément pour une forêt» Il soupira en roulant des yeux. Ne voulait-elle pas simplement faire comme lui ? Se concentrer sur le chemin et observer autour pour voir s’ils ne loupaient pas la lumière des réverbères au loin… Après avoir plus ou moins réussi à la canaliser en lui répétant qu’il ne la lâcherait pas, jusqu’à ce qu’ils soient à l’abri, ils reprirent leur route et si Savannah voulait être distraite des bruits alentours, Cade avait trouvé un sujet digne de ce nom. Enfin presque. La seule évocation de sa famille, et plus particulièrement de cette jeune sœur qu’il avait découvert lors du dernier repas partagé avec les Williams suffit à la mettre à terre. Littéralement. Grimes se précipita pour connaitre son état et l’aida à se relever. - Hey, ça va ? Au vu du regard noir qu’elle lui lança, tout allait bien. On ne pouvait pas en dire autant de sa tenue qui se voyait maintenant follement accordée à la sienne. «J’suis rinçée, j’ai les fesses mouillées, et des ronces qui s’affairent à m’imposer de l’acuponcture contre mon gré, on est au beau milieu de nulle part...» Cade haussa les sourcils. «...Non ca ne va pas!» Lui qui pensait que Savannah Williams pouvait se montrer intrépide et baroudeuse… Aux oubliettes donc la possible nuit à la belle étoile avec pour seul repas un casse dalle à la rillettes ! – Tu sais quoi… J’ai froid, j’suis crevé, je rêve d’une bonne pizza au fromage bien filant et MOI AUSSI j’en ai ras le bol Sav ! Alors quoi ?! Tu préfères qu’on craque une allumette et qu’on s’construise une petite cabane en attendant que ça passe ?!  Il la regardait, maintenait son regard comme s’il essayait de la convaincre qu’avancer sans broncher était sans doute la meilleure chose à faire pour se tirer de là plus vite. Et puis, un bruit. Un bruit qui attira l’attention de Cade et qui tira comme une petite sonnette d’alarme à l’intérieur. Un peu comme quand il fallait prendre une décision rapide en plein milieu d’une intervention délicate du FBI…

La main de Savannah dans la sienne, Cade prit encore une fois les devants et accéléra un poil le rythme. Ses chaussures crantées s’enfonçaient lourdement entre les branches, la boue et les racines au sol et il tirait presque le bras de la jolie blonde pour qu’elle ne ralentisse pas. De longues minutes leur permirent de ralentir un peu en supposant qu’ils avaient semés la bestiole qui les traquait. Mais, autour d’eux, pas encore signe de vie, ou de béton. Grimes resta machinalement silencieux, focalisé sur l’idée de rejoindre la route pour faire du stop. Plus ils tarderaient, moins il y aurait de chances de croiser une voiture car tout le monde se serait déjà mis à l’abri. «On a jamais été très proche elle et moi..» Il percuta quelques secondes après que Savannah revenait sur le sujet épineux de sa petite sœur. Il la regarda furtivement et puis il reposa ses yeux devant lui, l’incitant à en dire un peu plus. Ce mystère autour des enfants Williams l’intéressait maintenant qu’il avait été jeté dans cette fosse aux lions. «Pendant que je m’évertuais à rendre mes parents fiers en brillant dans mes études, elle séchait les cours afin d’explorer tous les interdits possibles» Bizarrement, ça collait bien avec le phénomène qu’il avait rencontré et qui l‘avait peloté volontairement à son arrivée. «C’est un peu devenu le vilain petit canard de la famille...Celle dont on ne préfère pas mentionner le nom de peur qu’il nous arrive malheur.» A ce point ? Un peu comme Lord Voldemort dans un conte pour enfant très célèbre ? La vilaine sorcière. – Alors tout le monde flippe devant une fille qui n’a pas encore fini sa crise d’adolescence ? Il eut un léger rire. C’était étonnant que des types comme Auden et Saul ne soit pas capable de maitriser l’énergumène. «J’me disais qu’avec les années elle changerait, mais malheureusement ce n’est pas le cas...» Savannah parlait de sa sœur comme d’un cauchemar, ou bien était-elle seulement celle qui dénotait tellement avec le reste de la famille qu’elle en était dangereuse ? Cade s’arrêta et se tourna vers la jolie blonde avec un petit sourire. – Tu sais… elle m’a fait grande impression. Et pas seulement parce qu’elle m’a pris pour le gogo dancer de la soirée… Savannah le regardait comme s’il racontait de véritables conneries. – J’admire sa capacité à plomber tout un repas chez les Williams ! Son sourire s’élargit et puis, il redevint un peu plus sérieux. – En parlant de repas… Un petit signe de tête sur le côté pour lui signaler qu’un dîner chaud pourrait peut être bientôt leur être servit. Derrière lui, une maison semblait se dresser péniblement. Le vent se mit tout à coup à souffler en bourrasques. – Allez viens… je rêve d’une douche ! Il entraina Savannah en direction de leur sauveur.

La maison, bien qu’elle constituait un soulagement indéniable, n’était pas très chaleureuse. Ils s’y approchèrent presque en courant et Cade frappa fortement sur la porte. Si c’était habité et s’il ne s’agissait pas d’un vieil ogre affamé, tant mieux pour eux. Sinon, il s’arrangerait pour enfoncer la porte et au moins passer la nuit au sec pour rejoindre la caisse demain matin…

Mettez-moi dans un contexte épique, et voilà que je ne réponds plus de moi. Va savoir si c'est cette tension qui règne autour de nous, cette atmosphère si étrange qu'elle me fait frissonner le corps tout entier, ces conditions météorologiques que je maudits particulièrement à cet instant, ou la fatigue qui se fait ressentir après cette journée de travail plutôt intense, mais j'en deviens sans plus attendre ingérable, méprisable, exécrable. Mon humour qui tendait dans un premier temps à faire rire se transforme en répliques plus désobligeantes les unes que les autres. Je fais abstraction de l'aide de Cade, de sa bienveillance légendaire, de sa patience (que je salue grandement ce soir)... Il devient celui qui subit, à son plus grand damn. Peut-être n'avait t-il jamais eu à faire à cet aspect de ma personnalité, il y a pourtant de nombreux souvenirs dans le même genre que mes frangins se feraient un plaisir de lui raconter s'ils ne se détestaient pas tous autant les uns que les autres. C'est d'ailleurs ce sujet délicat qui va entraîner ma chute et le peu de fierté qu'il me reste avec. J'ai froid, je suis sale, et je manque présentement de légèreté alors que j'ai cette sensation que nous allons finir par pourrir dans le coin. On retrouvera peut être nos dépouilles, ou peut-être qu'un taré se sera chargé de nous enterrer vivant. Okay, faut vraiment que j'arrête de regarder ces films. «J’suis rinçée, j’ai les fesses mouillées, et des ronces qui s’affairent à m’imposer de l’acuponcture contre mon gré, on est au beau milieu de nulle part...» lui rappelais-je, subissant un flot d'émotions soudain que je peine à matrîser. Je vais quand même pas me mettre à pleurer? "– Tu sais quoi… J’ai froid, j’suis crevé, je rêve d’une bonne pizza au fromage bien filant et MOI AUSSI j’en ai ras le bol Sav ! Alors quoi ?! Tu préfères qu’on craque une allumette et qu’on s’construise une petite cabane en attendant que ça passe ?!" Son ton qui s'accorde désormais au mien et qui suffit à me ramener à la raison. Ou presque. Je hausse les épaules, trouvant cette idée pas si folle finalement, dois-je seulement prendre le risque de le lui avouer? "Ca s'rait peut-être pas si mal, attendre que la tempête se calme un peu..."Mon optimisme le dépasse, et je hausse les sourcils, tâchant de lui faire savoir qu'il gagne, prise par un faux regain d'énergie. Un bruit va cependant provoquer notre départ précipité. J'ai le cœur qui palpite si fort qu'il résonne comme une mélodie angoissante dans ma tête. Quelques minutes où le silence règne entre nous, nous partageons ce besoin de fuir au plus vite un éventuel danger.

La cadence reprend finalement un rythme normal, et je profite du moment pour évoquer l'autre danger de ma vie, ma sœur bien aimée. Le tableau de la famille parfaite ne s'arrête pas à mes deux gardes du corps particulièrement acerbes, il y a également la petite dernière, qui est probablement la plus exaspérante du clan Williams. "– Alors tout le monde flippe devant une fille qui n’a pas encore fini sa crise d’adolescence ? " Je hausse les sourcils, les souvenirs qu'il avait d'elle n'étaient rien comparés à son existence toute entière. "J'pense surtout qu'on a tous fini par abandonner l'idée de la remettre dans le droit chemin, et de l'ignorer." Je détourne brièvement son regard, cette vérité me concernant sûrement plus que les autres dans l'histoire «J’me disais qu’avec les années elle changerait, mais malheureusement ce n’est pas le cas...» Il s'arrête, visiblement amusé sans que je n'en devine la raison. "– Tu sais… elle m’a fait grande impression. Et pas seulement parce qu’elle m’a pris pour le gogo dancer de la soirée…" Je plisse les yeux, tâchant de voir où il voulait en venir. "– J’admire sa capacité à plomber tout un repas chez les Williams !" J'arque un sourcil, ne parvenant pas à dissimuler mon amusement alors que mon regard se balade un instant autour de nous avant de retrouver le sien. "Oh tu sais, c'est à la portée de chaque membre de cette famille, c'est devenu comme un rituel même, chacun y met sa petite touche personnelle pour faire de nos retrouvailles des moments forts et remplis d'amour."Mes sourcils se relèvent brièvement, me passant bien de reconnaître qu'il avait été plutôt doué pour répondre aux différentes attaques qui lui avaient été injustement infligées. "– En parlant de repas…" J'ai cet air perplexe qui s'invite sur mon joli visage malgré moi. Devais-je m'attendre à subir à mon tour la fameuse rencontre avec sa famille? Il désigne d'un mouvement de tête cette maison aussi sombre que cette forêt. Et c'est pourtant un grand soulagement qui envahi mon être tout entier. Je lève le regard, lui épargnant quelques mots à l'encontre du dieu tout puissant qui veille sur nous. "– Allez viens… je rêve d’une douche !" Sa main m'entraîne à prendre la direction de la bâtisse, subissant le vent et la pluie de plein fouet jusqu'à atteindre le porche de la maison.

La main de Cade s'agite énergiquement sur la porte alors que mes bras croisés se resserrent pour tenter de contenir mes grelotements. Aucune réponse. Mon regard croise un instant celui du jeune homme alors que je me décide à longer le mur, me retrouvant sans plus attendre dans une sorte d'enclos. Une fenêtre par laquelle je regarde, glissant mes mains sur la vitre pour améliorer la vision. Mais tout est noir, laissant peu de chance d'y trouver âme qui vive dans le coin. Un bruit soudain va pourtant me faire sursauter et laisser échapper un cri de terreur en me retrouvant face à mon ennemi du moment. Une terrible ...Chèvre. Visiblement en plein repas. Ce moment de panique n'aura pas échappé à Cade, qui me rejoint sans plus attendre, observant simultanément l'animal et mon attitude, qui reste tout de même peu naturelle. Il imite mon geste précedent, observant à son tour à travers la fenêtre qui semble donner sur un salon. "Ca sert à rien...Y'a personne par ici, on pourra pas entrer." Son coude vient briser une partie de la vitre, laissant apparaître la vétusté de cette demeure. "Ou peut-être que si" lançais-je en retroussant les lèvres par un faux sourire gêné. Son bras se glisse à l'intérieur, parvenant à attraper la poignée pour ouvrir le passage, et ainsi nous permettre de pénétrer dans notre refuge. "C'est c'qu'ils apprennent au FBI? A entrer par effraction?" Lui qui était en manque d'adrénaline perpétuelle devait apprécier l'instant, bien plus que moi en tout cas. Il se faufile à l'intérieur, veillant à s'assurer que nous y soyons en sécurité, et je suis le mouvement, affrontant ce décor à filer la frousse à n'importe quel humain normalement constitué. Des meubles qui peinent à survivre au temps qui passent, des animaux empaillés à chaque coin de la pièce, qui me donnent la sensation d'être observé, sans oublier les différents objets religieux, qui survivent à travers la poussière et les toiles d’araignée. Un endroit qui semble avoir été figé dans le temps, abandonné aux yeux de tous. Impressionnée, je siffle, mes pas résonnant sur ce vieux parquet en bois. "Wow, un véritable cinq étoiles". C'était peut être préférable à cette forêt qui semblait se refermer sur nous un peu plus à chaque minute. Ca parviendrait à faire l'affaire pour la nuit. Mon doigt glisse sur un meuble, constatant qu'un peu de ménage ne lui ferait pas de mal. "Tu m'en veux pas, mais j'crois que j'vais passer mon tour pour la douche." Un large sourire pour tenter de lui faire oublier combien je peux être exigeante parfois.

– Tu sais quoi… J’ai froid, j’suis crevé, je rêve d’une bonne pizza au fromage bien filant et MOI AUSSI j’en ai ras le bol Sav ! Alors quoi ?! Tu préfères qu’on craque une allumette et qu’on s’construise une petite cabane en attendant que ça passe ?! Voilà, Savannah avait réussi. Si Cade était parvenu jusqu’à maintenant à garder son calme malgré un froc alourdi par la boue, les gouttes de pluie qui lui coulait sur le visage, et l’idée qu’il laissait son bijou de collection, seul, sur une route abandonnée et dangereuse, le comportement de sa camarade de trail l’exaspérait assez pour qu’il se mette à hausser le ton. Ils étaient dans la même situation, comme perdus dans cette forêt sombre et menaçante au même titre que la tempête qui s’abattait au-dessus des trop nombreux arbres autour d’eux. Cade rêvait d’une bonne douche brûlante et de quelque chose à se mettre sous la dent alors qu’ils devaient continuer d’avancer pour espérer se mettre à l’abri au moins pour la nuit. "Ca s'rait peut-être pas si mal, attendre que la tempête se calme un peu..." Ce n’était pas une solution que Grimes envisageait. Le camping…très peu pour lui. Surtout quand la tente prenait l’eau – si tant étant qu’on en avait une ! Il n’eut pas le temps de réagir qu’un bruit peu commode les poussa à reprendre la route dans un rythme accéléré

Il leur fallait un sujet de conversation. Quelque chose qui ferait passer le temps plus vite et qui ferait oublier les mauvaises conditions à une Savannah épuisée. Evidemment, Cade n’hésita pas une seule seconde pour revenir sur ce repas Williamesque, en étant certain que cela soulèverait assez d’émotions en elle qu’elle marcherait droit devant en ignorant complètement tous les bruits alentours. "J'pense surtout qu'on a tous fini par abandonner l'idée de la remettre dans le droit chemin, et de l'ignorer." Cade haussa les sourcils. Qu’est ce qu’elle avait bien pu faire pour que sa propre famille soit si désespérée à son sujet ? «J’me disais qu’avec les années elle changerait, mais malheureusement ce n’est pas le cas...» Au fond, ça ne le surprenait qu’à moitié. L’ex agent fédéral avait bien remarqué que chacun des membres de cette famille possédait un caractère bien trempé et une personnalité bien définie. Anastasia ne faisait pas exception, sauf peut-être pour le fait qu’elle assumait parfaitement bien ses excès. – Tu sais… elle m’a fait grande impression. Et pas seulement parce qu’elle m’a pris pour le gogo dancer de la soirée…J’admire sa capacité à plomber tout un repas chez les Williams ! L’entrée de la petite sœur avait été tonitruante et pas seulement parce qu’elle l’avait volontairement peloté devant les yeux de Savannah…"Oh tu sais, c'est à la portée de chaque membre de cette famille, c'est devenu comme un rituel même, chacun y met sa petite touche personnelle pour faire de nos retrouvailles des moments forts et remplis d'amour." Un petit sourire se dessina sur son visage. Tant d’ironie pour une vérité qu’il avait pu constater dés les premières rencontres avec la fratrie. De l’extérieur, ce repas avait du sonner comme une réelle comédie. Le genre de réunion que Cade avait fui lorsqu’il avait coupé les ponts avec sa propre famille…et qui ne lui manquait pas du tout.

Si Dieu il y avait, Cade ne manquerait pas de le remercier d’avoir mit cette habitation sur leur chemin. En bruit de fond, la pluie tombait toujours et tous les deux étaient trempés jusqu’aux os mais heureusement, ils pourraient sans doute se sécher auprès d’un feu de cheminée et déguster une soupe bien chaude pour se remettre de leur périple. Enfin… si on imaginait que cette baraque avait un propriétaire et que celui-ci était là pour les accueillir bien entendu… Energiquement, et plein d’espoir, Grimes frappa plusieurs fois contre la porte. Sans réponse. Il regarde Savannah s’éloigner, sans doute pour voir si de la lumière révèle de la présence dans une autre pièce. Elle disparait de son champ de vision et il retente sa chance contre la porte d’entrée. – Y’a quelqu’un ?! Cria t-il en levant ensuite la tête vers le ciel noir, priant pour qu’une voix s’élève de l’autre côté. C’est un cri strident qui lui répondit… Savannah. Fronçant les sourcils, il abandonna l’idée de défoncer la porte. – Sav’ ! En quelques pas précipités, il se rendit auprès d’elle. Savannah n’était plus seule, mais ce n’était guère la compagnie qu’il avait tant espérée. Fort heureusement, ce n’était pas non plus une menace très sérieuse. Passant de cette chèvre, au visage faussement naturel de la jolie blonde, il retint un léger sourire moqueur. – Bon… on aura au moins de quoi manger… Okay, ils n’en étaient pas là. Cet animal resterait en vie s’ils parvenaient à entrer à l’intérieur et à trouver de quoi se nourrir autrement. Pour ça, Grimes s’abrita de ses mains pour regarder par la fenêtre. Il lui semblait discerner un vieux canapé, un coin cuisine sur le côté avec une casserole en fonte… Bien. Il n’y avait donc qu’une seule chose à faire. "Ca sert à rien...Y'a personne par ici, on pourra pas entrer." Son coude cognait déjà contre la vitre et la brisa sans gros effort. "Ou peut-être que si" Il ne comptait pas laisser passer l’opportunité de se mettre au sec, ne serait-ce que le temps de laisser passer la tempête. Il se débarrassa de quelques morceaux de vitre brisés et ouvrit de l’intérieur. "C'est c'qu'ils apprennent au FBI? A entrer par effraction?" Oh il lui était arrivé d’user de moyens bien plus coriaces pour se faufiler dans certains lieux. Il lui jeta un petit regard et usa encore une fois de ce bon vieux sarcasme pour minimiser les aspects violent de son ancienne profession. – Oh non, d’habitude j’attends sagement à la porte qu’un meurtrier en série veuille bien se pointer pour m’offrir un café. Tout ça avec mon insigne bien visible et mon flingue à la main ! Il exagéra un grand sourire et reprit instantanément son sérieux quand il franchit le seuil de porte.

De l’autre côté, un intérieur vétuste aux meubles aussi âgés que ses grands parents. Le ménage n’avait pas été fait depuis des lustres, quant à la déco… elle foutait clairement les jetons. Avançant avec précautions, Cade observa chacun de ces animaux empaillés. Il trouva un interrupteur et le poussa. Il finit par grimacer. "Wow, un véritable cinq étoiles" Ses yeux tombèrent sur cette vieille bibliothèque poussiéreuse, garnie de multiples ouvrages épais comme des Bibles. Et cette croix de Jésus en bois cloué sur une poutre en bois… - Il manque plus que la piscine ! Fit-il en regardant encore autour de lui. Plus loin, une porte menait sur une autre pièce. Il s’y dirigea et l’ouvrit sans attendre. En restant sur le seuil, il passa la tête et découvrit une salle de bain. Enfin, ce qui y ressemblait. Un vieux lavabo sale et une baignoire d’un autre temps rongée par l’humidité et…il ne savait trop quoi pouvait faire penser à ce type de pièce d’eau. Un éclair vint illuminer l’endroit, non pour le mettre en valeur, et Grimes haussa les sourcils. "Tu m'en veux pas, mais j'crois que j'vais passer mon tour pour la douche." En refermant la porte, il fit face à Savannah. – Ouais…Au moins, on est au sec ! C’était une bonne tentative pour voir le bon côté des choses. – Okay, hum… Ces placards devaient bien cacher des trésors. Des boites de conserves, un garde-manger… ? Il fouilla en ouvrant chaque placard. – Doit bien y’avoir un truc à manger quelque part… Un mouvement de recul soudain et un - Wow !!! furtif révélèrent une petite frayeur. Alors qu’il venait de tirer le rideau sous l’évier du coin cuisine, un chat au pelage noir en sortit soudainement avec un miaulement rauque, prouvant que lui aussi était surprit. Le cœur de Cade peina à reprendre un rythme normal pendant qu’il pestait pour dissimuler son petit instant d’effroi. – Je déteste ce genre d’endroit !!! Surtout quand il n’avait pas son 9mm à portée de main pour se protéger de la moindre petite menace qui pointerait le bout de son nez. Cade passa la main dans ses cheveux mouillés et s’appuya contre l’évier. – Si tu veux dormir un peu… je veillerai jusqu’au petit matin. D’un geste il montra le canapé, certes peu accueillant, mais fort utile si Savannah cédait à la fatigue. Quant à lui, il ne fermerait certainement pas un œil dans ce genre de maison, craignant peut-être qu’un Norman Bates débarque ou que l’un de ces animaux empaillés ne prenne vie par magie.

Enfin, Cade se débarrassa de sa veste qui devait bien peser le double de son poids de base. Il releva ses manches et ouvrit le robinet dans un grincement peu rassurant. Avec soulagement de voir de l’eau en sortir, il passa ses mains dessous et se rinça le visage. Elle était bien loin cette douche chaude… quand il redressa le visage, ses yeux s’attardèrent sur ce point de lumière, visible à l’extérieur, à travers la fenêtre. Fronçant les sourcils, il se recula sans lâcher la fenêtre du regard. – Surtout, ne bouges pas d’là Sav… Il se dirigea vers la porte d’entrée sans même lui demander son avis. – J’reviens tout d’suite. La jolie blonde ne semblait pas ravie de se retrouver seule ici, ne serait-ce que pour quelques minutes. Grimes se tourna vers elle et posa ses mains sur ses épaules en plantant ses yeux dans les siens. – Y’a rien à craindre. Ok ? J’reviens dans une minute. Il esquissa un petit sourire pour la rassurer avant de sortir sous une bourrasque qui referma la porte derrière lui dans un claquement.

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Je sais à quel point je peux devenir insupportable lorsque la situation m'échappe, et pour le coup, le terme employé n'est peut être pas assez fort. Tout semble se retourner contre nous, ce ne sont pas des bâtons dans les roues que nous affrontons, mais bien la forêt tout entière. Je suis complètement flippée, bien loin du confort habituel, et cela fait ressortir le pire en moi, Cade peut bien en témoigner. L'alliée d'hier se transforme en fardeau ce soir, et il faudra qu'il hausse à son tour le ton pour que je parvienne à prendre le recul nécessaire pour cesser cette crise existentielle. Je ne suis cependant toujours pas convaincue par l'idée de poursuivre. Plus nous avançons, plus la probabilité de trouver trace humaine s'éloigne. Nos avis divergent, et je ne suis pas en mesure de négocier cette fois, et au vu des bruits étranges qui s'imposent autour de nous. Alors j'avance, lançant un sujet qui aurait de quoi nous occuper pendant de longues heures. La famille Williams. Un sujet qui ferait à coup sûr resurgir de vieilles émotions, parce que c'est ainsi que fonctionne la tribu, stimulée par l’effervescence de nos échanges. Cade en avait eu un aperçu, jeté au beau milieu de la cage aux lions. Mon caractère rital n'avait jamais cherché à en rajouter des tonnes, nous étions clairement une famille débordante de problèmes, et jamais nous n'en viendrons à bout. Ana occupait à elle toute seule la pole position, et c'est certainement ce qui me poussait à l'éviter en règle générale. Mais visiblement, sa présence l'autre soir n’est pas passée inaperçue auprès de Cade, soulevant une certaine gêne de ma part. Nous étions différentes, il ne fallait pas passer plus de cinq minutes avec nous pour le savoir.

Cette maison qui se dresse un peu plus loin au beau milieu du paysage macabre, mais que je qualifie instantanément comme un véritable cadeau du ciel. Une chance presque inespérée. Malheureusement, nos tentatives pour alerter de notre visite restent veines. Pas un seul halo de lumière, une habitation qui semble même se faire rattraper par la nature qui l'entoure. Je contourne la maison, espérant trouver un autre élément qui fera renaître l'espoir en moi. C'est une chèvre qui se dressera devant moi, suscitant sans plus attendre une vive réaction de ma part. L'arrivée précipitée de Cade me fera réaliser le ridicule de la scène. – Bon… on aura au moins de quoi manger… Je laisse échapper un rire face à cette idée, mais mon regard qui se repose finalement sur cet animal menaçant effacera soudainement tout amusement, comme si le simple fait d'y penser faisait de moi un ennemi à abattre. " Il plaisante" précisais-je en haussant les sourcils, avant que ce tête à tête bien constructif se conclut par un bêlement. L'occasion propice pour émettre à voix haute cet échec que nous récoltons une fois de plus. C'était sans compter sur mon acolyte persévérant du moment, impossible pour moi de ne pas commenter la scène. "C'est c'qu'ils apprennent au FBI? A entrer par effraction?" Ce petit regard qu'il me lance suffit à me retrousser mes lèvres.  "– Oh non, d’habitude j’attends sagement à la porte qu’un meurtrier en série veuille bien se pointer pour m’offrir un café. Tout ça avec mon insigne bien visible et mon flingue à la main !" Touché! Cette simple image de lui parvient d'ailleurs à me laisser échapper un rire. "Et ca marche au moins?" Ironie quand tu nous tiens!

L'intérieur est aussi étrange que l'extérieur, si ce n'est plus. La déco me rend mal à l'aise, malgré que j'avance à travers la pièce, suivant les pas de l'ancien agent. "- Il manque plus que la piscine ! " Un frisson qui s'empare de mon corps, le faisant sursauter face à cette ambiance des plus glauques. "On peut peut-être espérer trouver un vieux téléphone filaire?" Évidemment, c'était clairement le genre d'endroit que les opérateurs téléphoniques se disputaient. Je me glisse derrière vers Cade qui a prit le risque d'ouvrir l'une des portes, un coup d'oeil par dessus son épaule avant de lui faire savoir que je me passerais de la toilette pour cette fois, mon état du moment étant bien préférable. Les gouttelettes qui glissent le long de ma chevelure pour se perdre sur ma nuque sont tellement désagréables, qu'il est difficile d'avoir la sensation de me réchauffer, malgré le toit au dessus de nous. "– Ouais…Au moins, on est au sec ! " Je hoche successivement de la tête, préférant y voir le verre à moitié plein. "Ouais" soufflais-je. Le jeune homme ne perd pas de temps à s'approprier la cuisine, chose que je ne suis terriblement pas en mesure de faire, même si cette maison n'a probablement pas été habitée depuis un bon moment. "– Doit bien y’avoir un truc à manger quelque part… " Je le soutiens dans sa quête...Moralement du moins. Sa réaction soudaine va cependant relancer cet état de panique, provoquant un cri en parallèle du sien, avant de réaliser qu'il ne s'agisse que d'un félin qui a trouvé refuge sous l'évier. Un soupir de soulagement, tandis que Cade peine à se remettre de ses émotions. "– Je déteste ce genre d’endroit !!!" Je ne peux retenir un rire, n'ayant pas oublier cette confession lors d'une soirée passée ensemble. Je hausse les sourcils, me rapprochant finalement de lui. "C'est bête, moi qui pensait qu'on pourrait rester ici quelques temps et découvrir la vie à la sauvage..." Je souris, croisant les bras en observant la pièce à ses côtés. "– Si tu veux dormir un peu… je veillerai jusqu’au petit matin". Mon regard suit la direction du sien, offrant une vue sur un magnifique canapé à fleur, enfin, si on se concentre pour y déceler les motifs. Suis-je assez fatiguée pour me contenter de si peu? "J'ai pas trop sommeil". Mensonge. Je suis exténuée, mais je refuse de céder à l'épuisement.  Mon regard se perd un instant sur le vieux parquet, avant de suivre la silhouette de Cade, l'esprit visiblement occupé. Le moment n'est peut-être pas idéal, mais les quelques similitudes avec une autre vieille battisse me forcent à lancer le sujet. "En parlant de taudis..." commençais-je, me mordillant nerveusement l'intérieur de la lèvre. "Je voulais que tu saches que j'ai acheté la maison..." Je guette sa réaction, précisant innocemment. "Tu sais, celle dans laquelle je t'ai amené l'autre fois." Un sujet qui aurait pu être plutôt positif, si cela ne relevait pas de cette place que je suis forcée d'occuper auprès de mon ex, des travaux et du temps que cela allait occasionner, et du changement que ça pourrait provoquer pour notre relation. C'était un sacré engagement, je le savais, et Cade m'avait bien fait savoir que c'était un pari fou...


"– Surtout, ne bouges pas d’là Sav…"  Cet air perplexe qui s'empare de moi. "Quoi? Non" j'emboîte le pas, refusant de rester seule ici. C'est comme ça que les problèmes commençaient dans les films, dès qu'ils décidaient de se séparer, et au vu de la réaction de Cade, ça ne laissait présager rien de bon. "– J’reviens tout d’suite." Des syllabes qui s'enchainent sans n'avoir aucun sens, tentant de le retenir. "Tu peux pas me laisser seule ici!" Mes yeux écarquillés qui trouvent les siens, alors qu'il tente de me rassurer. "– Y’a rien à craindre. Ok ? J’reviens dans une minute." Je garde un doute là dessus, mais pas le temps de le partager qu'il passe la porte, me laissant seule dans cette ambiance qui me semble encore plus étouffante. Je soupire, tâchant de ne pas sombrer dans la paranoïa du moment face à un bruit entendu depuis l'autre côté de la maison, et m'approche finalement de la bibliothèque, découvrant un cadre, sur lequel je souffle afin d'y déceler deux visages. "Lève les mains grognasse!" Cette voix rauque qui me fait sursauter alors que je découvre la carrure d'un homme à quelques mètres de mois, fusil dans les mains, l'oeil dans le viseur. Je m'exécute, sentant mon coeur battre dans mon corps tout entier. "Ne tirez pas! C'est un malentendu." Son pied qui vient dégager violemment un tabouret sur son passage. Je vais mourir. Je vais mourir. Et personne ne me retrouvera, jamais. Un rugissement presque animal qu'il laisse échapper, ne déviant pas la trajectoire de son canon. "...je...je suis tombée en panne dans les environs, je cherchais juste de quoi me mettre à l'abri" tentais-je, ayant du mal à déglutir alors que l'arrivée soudaine de Cade dans la pièce va instantanément me pousser à faire quelques pas pour me glisser derrière lui, un peu égoïstement. Je ne cherche pas à ce que ce soit le premier à se faire abattre, bien au contraire, mais celui-ci a assisté à bien plus de scènes similaires que je ne vivrais jamais, il est le seul à pouvoir nous sortir de là.

Sans penser à la bonne odeur de gigot qui pourrait lui redonner du baume au cœur, Cade laissa cette chèvre derrière eux pour se concentrer sur la façon dont ils pourraient entrer à l’intérieur et se réchauffer un minimum avant de contracter une pneumonie. Il n’y avait pas à réfléchir bien longtemps. Cette maison était une bénédiction malgré son état et il y avait peu de chances qu’ils en recroisent une avant de se faire dévorer par un ours ou ensevelir sous quelques arbres qui auraient cédés sous la force du vent et de la pluie. Cade brisa la simple vitre pour tourner la poignée intérieure et ils découvrirent la décoration sommaire de cette habitation pour le moins…glauque. La plus grande pièce rassemblait le salon, la salle à manger et le coin cuisine et la salle de bain – si on pouvait appeler ça comme ça – venait de faire passer l’envie d’une douche bien chaude et réconfortante. Ce n’était certes pas un cinq étoiles, mais Grimes positivait en se mettant à la recherche d’une boite de conserve, ou d’une miche de pain qui pourrait combler ce vide qui se creusait petit à petit dans son estomac. – Doit bien y’avoir un truc à manger quelque part… C’est un chat qui le sermonnait presque de fouiller sans autorisation qui sortit bruyamment du placard sous l’évier, le faisant sursauter une petite seconde. Cet endroit n’était pas des plus accueillant, il fallait maintenant que des surprises se cachent parmi les meubles datés et poussiéreux ! – Je déteste ce genre d’endroit !!! C’était peu dire. Il en avait pourtant vu de bien pire durant ses années au sein du FBI. Des sous-sols puants et des caves dégueulasses… sans compter les fous aux fétichismes complètement ahurissants. Ce qui était différent aujourd’hui, c’était que Cade n’avait plus que ses mains pour se défendre…"C'est bête, moi qui pensait qu'on pourrait rester ici quelques temps et découvrir la vie à la sauvage..." Il lui adresse un regard noir, sentant cette moquerie dans le ton de sa voix. C’était pourtant bien son idée à lui... de s’enfoncer en pleine forêt, en bravant la faune et la flore. Tout à coup, et bien qu’ils soient à l’abri, il se sentait bien moins à l’aise.

"J'ai pas trop sommeil" Répondit Savannah quand Grimes lui proposa de se reposer un peu. Elle était en sécurité, il y veillerait. Cependant, il ne pouvait la contrarier car Dieu seul savait ce qui s’était passé sur ce vieux canapé et quel genre de fessiers s’y était affalé ! Enfoncé par endroit, sentant l’humidité de là où Cade se tenait, il comprenait que la jolie blonde n’ait pas très envie de s’y assoupir. – Ouais, c’est pas ce qu’on appelle une suite royale, c’est sûr… Fit-il comme pour lui-même en jetant un œil autour de lui. Ces animaux empaillés semblaient les jauger. Les murs paraissaient se refermer sur eux. "En parlant de taudis..." Face à elle mais les mains appuyées contre le meuble soutenant l’évier, il attendait la suite. "Je voulais que tu saches que j'ai acheté la maison... Tu sais, celle dans laquelle je t'ai amené l'autre fois." Hm. Oui. Ce local au sérieux potentiel pour celui qui avait de l’argent à débourser en travaux onéreux. Il s’en souvenait bien. De son enthousiasme aussi… Cade resta silencieux un instant, tiraillé entre deux sentiments. Cet achat était un joli projet pour Savannah et son fils et il ne pouvait que la soutenir dans cet optimisme. Mais…en même temps, il n’arrivait pas à se défaire de l’idée que cette maison représentait aussi un projet de vie conséquent, auquel elle l’avait peut-être associé involontairement. Le genre de truc qui le faisait un peu flipper, lui et son indépendance. Sans compter que l’engagement qu’elle avait prit allait de paire avec celui qu’elle avait signé au bas du contrat pour son poste près de son ex.. Un long et lent hochement de tête montrait qu’il encaissait. Et puis – Mathis aura bientôt une grande chambre. Il va être content ! Un sourire de façade, il baissa la tête et la redressa. – Si t’as besoin de quoi que ce soit…pour les travaux. J’suis pas le roi de la rénovation mais j’pense savoir au moins peindre un plafond sans en foutre partout. Un ton ironique qui ne dissimulait que trop mal ses autres pensées. Cade se rinça le visage à l’eau froide, histoire de retirer quelques traces de boue sur sa joue et aussi pour se remettre un peu l’esprit en place. Ce petit point de lumière à l’extérieur l’interpella quand il releva les yeux. Un lampe torche ? Celle du propriétaire ? Ou des phares de voiture ? Il s’empressa de sortir après avoir rassuré Savannah sur son retour rapide. "Tu peux pas me laisser seule ici!" Ses iris bleu affichaient toute l’angoisse qui semblait la tétaniser à l’idée de rester là, toute seule, quelques minutes. – Y’a rien à craindre. Ok ? J’reviens dans une minute. Sur ces mots, il ouvrit la porte sous une bourrasque de vent.

Plissant les yeux sous les gouttes d’eau qui tombaient toujours en rideaux, Cade avança presque en courant en direction du point lumineux. Une cinquantaine de mètres plus loin se tenait une petite grange, et la source de lumière n’était autre chose qu’une lanterne à pétrole, accroché à l’entrée de celle-ci. L’ex agent fédéral avait des impressions de déjà-vu quand il ouvrit la porte en bois avec précaution, comme si elle allait s’effondrer au moindre grincement, ou trahir sa présence trop tôt. A l’intérieur, une grande et unique salle, jonchée de foin, de buches de bois, et de divers outils servant à s’occuper de bovins. Pas après pas, il scruta l’espace, silencieusement, se préparant à répliquer si quelqu’un surgissait. Au fond de la salle, une caisse en métal. Grimes regarda une nouvelle fois autour de lui. Personne. Il entreprit alors d’ouvrir cette malle et y découvrit plusieurs fusils de chasse ! L’image de Savannah dans la maison, et la lampe à pétrole trahissant la présence de quelqu’un se lièrent soudainement à ces armes dans sa tête. Il serra les dents, laissa la malle se refermer dans un claquement sourd et courra vers l’extérieur, dans l’espoir qu’il ne soit rien arrivé à la jolie blonde.

"...je...je suis tombée en panne dans les environs, je cherchais juste de quoi me mettre à l'abri" Cade ouvrit la porte brusquement, et celle-ci s’écrasa de l’autre côté sans pour autant se refermer. Malgré cette entrée fracassante, il ne mit pas longtemps avant de comprendre la situation. Savannah se planqua derrière lui et il leva les mains vers ce type armé qui s’était immobilisé à son arrivée. – Wow wow wow… on se calme. Tout va bien ! Son autre main était en arrière, veillant à ce que Savannah ne puisse dépasser de sa propre silhouette. Il lui semblait qu’ils reculaient quand même légèrement, le canon toujours braqué sur eux. – Baissez ce fusil !! On est pas là pour vous voler !! Parler, discuter avec le présumé… Cade avait toujours pêché là-dessus lors de ses missions. Ce n’était pas faute d’essayer pourtant, et ses rapports avaient toujours mentionnés qu’il était bien meilleur dans les assauts physiques que dans les confrontations orales. – Qu’est ce que vous foutez chez moi alors ?!! C’était évident, ils étaient là pour lui vendre un appareil électroménager hors de prix et surtout complètement inutile ! – Si vous commenciez par poser votre arme… L’autre chargea son fusil, prêt à les tirer comme des lapins. – Okay. Okay ! tenta Cade pour faire revenir un semblant de maitrise de la situation. - On est tombés en rade à quelques kilomètres. On ne cherche rien d’autre qu’à passer la nuit au sec, ou juste le temps que la tempête se calme. Maintenant si vous baissiez ce fusil, j’suis certain que ça calmerait le jeu et qu’on pourrait discuter sans faire de bêtises ! De qui viendrait la bêtise ? De lui qui tirerait volontairement ou non ? Ou de Cade qui perdrait patience à se voir ainsi menacée, Savannah derrière lui ?

Cette maison est à filer les jetons à n’importe qui, et je ne dis pas ça uniquement pour cette décoration bien trop rustique, et la poussière qui semble avoir élu domicile sur chacun des meubles qui encombrent la pièce depuis bien trop longtemps. Toutes ces bêtes empaillées et ces symboles religieux me mettent clairement mal à l’aise. Et comme si ce n’était pas suffisant, les bourrasques de vent donnent un air dramatique à la scène, comme si d’un moment à l’autre, la porte allait s’ouvrir brusquement, pour nous laisser affronter un monstre des forêts ou un groupe de zombie. C’était peut-être un peu exagéré, en attendant, j’avançais sur la pointe des pieds, évitant de toucher le moindre objet, alors que Cade se jetait à corps perdu dans une recherche qui me semble déjà impossible. Oser manger un truc qui traîne dans le coin reviendrait à s’empoisonner volontairement. Heureusement, j’ai de quoi me distraire avec la réaction quelque peu exagérée de Cade face à l’une de ses boules de poils favorites. Si je m’abstiens de me moquer ouvertement à ce sujet, ma remarque ne sera visiblement pas plus appréciée à en voir le regard que j’en récolte.

L’heure n’est donc pas aux grandes trouvailles, et forcé de constater que nous attendrons probablement le lever du jour avant de bouger nos fesses d’ici, Cade propose de monter la garde afin que je puisse me reposer. Si l’idée est bienveillante et ô combien appréciable, je me plante comme un enfant qui refuse la proposition après avoir observé le vieux canapé au loin. "– Ouais, c’est pas ce qu’on appelle une suite royale, c’est sûr…" C’est rien de le dire. D’où je suis, je parviens à sortir l’odeur d’humidité et de renfermé qu’il dégage. Si l’endroit résonne comme un bien atypique, il n’est pas sans rappeler un endroit dans lequel je l’avais amené. Cette maison bénéficiait cependant d’un potentiel bien plus important, de grands espaces, une lumière incroyable, et surtout, elle n’était pas paumée au beau milieu de nulle part! Si j’avais eu un véritable coup de coeur pour ce bijou qui ne demandait qu’à être taillé, mon avis était loin d’être partagé par ce cher Grimes. Il avait probablement l’objectivité qui me manquait pour le coup, et même s’il m’avait proposé d’en reparler, le moment ne s’était jamais présenté à nous, peut-être espérait-il que je l’oublie. De mon côté, l’idée avait fait son chemin, et j’avais fais les démarches nécessaires pour recevoir quelques devis. Même si c’est un véritable chantier qui m’attend tout ce que je souhaite en faire semble réalisable, et c’est la raison pour laquelle j’étais venue apporter ma signature sur un bout de papier témoignant de mon engagement. Le manque d’intérêt de Cade à ce sujet m’avait poussé à attendre que ce soit officiel pour lui en faire part, sans que je ne sache pourquoi j’agissais ainsi...

"Je voulais que tu saches que j’ai acheté la maison... Tu sais, celle dans laquelle je t’ai amené l’autre fois." Je tâtonne, appréhendant une réaction sans appel de sa part. Et le silence qu’il m’impose dans un premier temps semble figer l’instant, attendant le moindre signe pour donner une direction à cette discussion. Ce que je redoute? Qu’il me reproche de ne pas en avoir parler avec lui à nouveau, qu’il émette à voix haute des pensées qu’il n’est jamais en mesure d’exprimer naturellement et qui exprimerait des faits bien trop véridiques. "– Mathis aura bientôt une grande chambre. Il va être content !" Ce sourire qu’il esquisse ne fait que nourrir un sentiment de déception naissant. Je devais pourtant être rassurée, il ne cherche pas à me blâmer "– Si t’as besoin de quoi que ce soit…pour les travaux. J’suis pas le roi de la rénovation mais j’pense savoir au moins peindre un plafond sans en foutre partout." Je le fixe un instant, ayant l’impression d’entendre les paroles d’un bon vieux pote à qui j’aurais annoncé la nouvelle. Il ne se sent pas concerné, à aucun moment, comme si la projection qu’il puisse un jour se sentir chez lui dans cet endroit est impossible. Pire, j’ai même l’impression qu’il enclenche la marche arrière en feignant être ravi pour moi, se dégageant de tout responsabilité, un brin indifférent face à mon choix. Je ne lui demandais pas qu’il rende son appart’ pour se lancer dans cette aventure avec moi, juste qu’il se place à mes côtés dans cette nouvelle aventure, plutôt que de se glisser en arrière plan en attendant de pouvoir courir de l’autre côté et sortir du tableau. J’accuse le coup, ce n’est pas comme si il ne m’avait pas mise en garde à plusieurs reprises, je ne devais rien attendre de lui. Je détourne le regard en hochant de la tête, lui adressant un sourire de façade à mon tour."Ouais...Merci à toi". Je ne lui demanderais rien, ma fierté et mon indépendance se chargeront de faire le boulot seul. Je fais quelques pas, tâchant de passer à autre chose, avant qu’un élément ne vienne perturber ce moment d’accalmie. "– Y’a rien à craindre. Ok ? J’reviens dans une minute. " Je relève les mains, comme si je tentais de l’arrêter avec un temps de décalage. Il n’y a rien à craindre pour qui? Moi qui me retrouve  seule dans cette maison, ou lui qui s’élance à corps perdu à l’extérieur sans m’en dire plus.

La voix de cet homme, qui pointe son calibre vers moi me fait sursauter. Je suis complètement tétanisée, ayant l’abominable sensation de vivre les derniers instants de ma vie. Ma voix qui parvient à lâcher quelques mots, avec un manque d’assurance certain. L’arrivée de Cade qui me permet de relâcher un instant la pression qui pèse sur mes épaules. "– Wow wow wow… on se calme. Tout va bien !" Je recule doucement, entrainant Cade avec moi, le poussant à ne pas tenter le diable par un geste insensé. Sa silhouette qui s’assure que je sois hors de danger, alors que je parviens à dire à voix basse. "On ferais p’t’être mieux d’y aller" Un faux sourire face à notre agresseur du moment. "– Baissez ce fusil !! On est pas là pour vous voler !! " Cet argument ne fait pas sourciller un instant la brute, qui exprime une moue faciale peu optimiste pour la suite. "– Qu’est ce que vous foutez chez moi alors ?!"» En voilà une bonne question, je ne me sens pas d’apporter la réponse, ayant bien trop peur que des mots maladroits ne viennent froisser notre cher ami et le pousser à commettre un geste inévitable."– Si vous commenciez par poser votre arme… " je hoche de la tête brièvement, frottant nerveusement ma nuque en appuyant ses dires par une voix quelque peu trouillarde. "Ouais, ça serait déjà pas si mal..."...espèce de vieux psychopathe! Le bruit de son chargeur qui soulève mon coeur et crispe mon corps tout entier" - On est tombés en rade à quelques kilomètres. On ne cherche rien d’autre qu’à passer la nuit au sec, ou juste le temps que la tempête se calme. Maintenant si vous baissiez ce fusil, j’suis certain que ça calmerait le jeu et qu’on pourrait discuter sans faire de bêtises !" Un moment de flottement, dans lequel l’affront semble arriver à sa fin, quoiqu’il choisisse de faire. Est-ce une once d’hésitation que je décèle? "Je vous en supplie..." l’implorais-je, n’ayant pas de mal à jouer la pauvre victime désarmée. "Acceptez au moins de nous laisser partir". Retrouver la forêt est toujours mieux que de voir nos visages empaillés à notre tour sur l’un de ces murs sales.. Un grognement avant qu’il ne vienne baisser son arme, suscitant instantanément un véritable relâchement en moi que j’exprime par un soupire peu maîtrisé. Ses pas lourds qui se dirigent vers la porte d’entrée encore ouverte, qu’il referme brusquement, me faisant sursauter par la même occasion. Il revient vers nous, n’e s’emparant pas d’un air plus sympathique pour autant. "Asseyez-vous!" nous ordonne t-il, gardant toujours cet arme chargée entre les doigts comme s’il baladait un vieux sac à main. Va-t-il nous ligoter l’un à l’autre et nous garder en captivité pour espérer pouvoir réclamer une rançon? Mon regard inquiet qui croise celui de Cade, tâchant de deviner l’attitude à aborder. Je m’exécute, bien plus rapidement que ce cher Grimes qui peine à répondre aux attentes de cet homme, bien plus méfiant, et fier aussi. Je m’installe sur le banc en bois de la pseudo cuisine, réduisant la distance entre moi et Cade maintenant qu’il se trouve juste à mes côtés. Le visage de l’homme disparait un instant derrière un placard, l’occasion pour moi de croiser le regard de mon acolyte qui songe probablement à une prise de pouvoir, incapable de deviner l’issue de cette situation. Ce bocal en verre qu’il claque sur la table avec une sacrée poigne. Une terrine, ou un truc du genre, rien qui ne m’ouvre l’appétit. Ces deux fourchettes qu’il nous tend alors que d’un geste léger je viens à refuser gentiment l’offre, avec un sourire qui se veut des plus polis. "C’est gentil, mais pour ma part, j’n’ai pas tr...." Sa voix grave qui me coupe dans mon élan. "Mangez!"  Bien. Je hausse les sourcils, saisissant avec méfiance cette fourchette pendant qu’il s’installe face à nous, nous surveillant sans scrupule. Où est donc passé le bout de pain? Honneur à Cade, j’attends sagement mon tour, observant autour de nous de façon bien plus timide qu’avant l’arrivée du proprio. "C’est votre femme?" Ce portrait que je n’avais pas remarqué, accroché sur l’un des murs, une femme d’une cinquante d’années, tout sourire. "Elle est bien jolie" soulignais-je, bien que sa beauté physique ne soit pas forcément ce qui saute aux yeux dans un premier temps, il y a cette robe ignoble quand même. Mon sourire va cependant faiblir face à son impassibilité. "Elle est morte." Eh merde. Je me mordille la lèvre, tentant de dissimuler un semblant de sourire nerveux qui tente de s’inviter sur mon visage.