Bryant Park est illuminé, les jardins sont enneigés. Elle a enfilé deux foulards plutôt qu'un Chloe, ses joues sont rosies par le froid elle qui a grandi là où le soleil s'assure qu'elle garde son teint hâlé à l'année. C'est un New York prêt à accueillir les Fêtes de fin d'année des semaines à l'avance qu'elle a découvert une poignée d'heures plus tôt en y mettant le pied. Les embouteillages entre JFK et l'île étaient monstrueux, le chauffeur de taxi s'est retrouvé à devoir changer d'itinéraire des dizaines de fois alors qu'elle avait le nez plongé derrière un bouquin acheté à l'aéroport de Brisbane. C'est le seul item qu'elle avait amené avec elle autre que son sac à dos, ses écharpes et un jeans de rechange. Un coup de tête calculé qu'on dira, quand elle a sauté sur l'occasion de se tirer d'un chez elle qui n'en a que le nom, entre deux messages envoyés à Diana qui avaient une consonance de blague mais qui au final étaient bourrés de vérité. Ça a l'air sympa, ton hôtel - qu'elle avait finement tâté, d'abord. Tu t'emmerdes pas trop à boire tes Manhattan toute seule? - qu'elle avait ajouté ensuite, espiègle. L'instant d'après elle se bloquait une place aller sans retour vers les Amériques, l'Australie l'étouffant un peu plus maintenant que l'année tirait à sa fin et que son résultat ne l'emballait absolument pas.
Sa pote vivait pour les prochains quelques jours en bordure de la 5e, elle en avait donc profité pour débarquer à Times Square et se coltiner plusieurs blocs à marcher au rythme des gens d'ici. Tout le monde se presse et la presse avec, la gamine aux mèches blondes qui volent au vent et aux prunelles qui scintillent presque autant que les panneaux publicitaires surplombant les rues. Elle n'est venue à New York qu'une autre fois, avant, et était restée principalement sur le trajet qu'on lui avait forcé sans jamais avoir la moindre latitude pour profiter de la ville autant qu'elle l'aurait voulu. Bien sûr qu'elle s'était enfuie une fois ou deux, grattant quelques heures de liberté au compteur. Mais aujourd'hui pourtant, toute seule et respirant définitivement mieux, Chloe arpente la métropole un café bouillant entre les mains, ses paumes réchauffées incessamment par le gobelet.
Quand elle aboutit à la hauteur de l'hôtel de Diana, elle a ajouté un selfie à sa collection, celui-ci s'envoyant presque automatiquement à la brunette qui apparemment s'était prévue une soirée tranquille dans sa chambre. Avant que Chloe n'apparaisse devant sa porte, avant qu'elle ne toque avec autant de détermination qu'une gamine négociant l'ouverture d'un cadeau de Noël à l'avance sur les autres, la veille de la fête. « Apparemment, il faut que je vienne jusqu'ici pour m'assurer que tu profites bien de ton voyage. Quel calvaire. » elle exagère et elle est fausse l'actrice en sabbatique, arquant sa silhouette vers l'arrière et plaquant le revers de sa paume sur son front. Si dramatique. « Broadway ou Brooklyn, t'as envie de quoi ce soir? » soit elles se la jouent théâtre et jazz des 50's, soit elles prennent le métro jusqu'aux tréfonds les plus hipsters du coin. Dans l'un ou l'autre des scénarios, Cohen ajoute un apéro au programme dès lors qu'elle entre avec autant d'impolitesse que d'entrain, filant vers le mini-bar à la recherche d'un petit remontant soulignant l'un des seuls moments où elles peuvent enfin être ensembles. Leur duo de workaholics l'a eu difficile durant les derniers mois.
Cela devait être la cinquième soirée que Diana passait à New-York. Elle y était arrivée quelques jours plus tôt, après avoir fait un quelque-chose ressemblant à un tour des Etat-Unis. Elle y était venue, de base, pour participer à mille et une conférence sur l’astronomie, les trous-noirs dernièrement découverts et comment les appréhender - ce qui semblait barbant pour n’importe quel humain normalement constitué sonnait, pour elle, comme une douce mélodie. Elle avait été en Californie et avait établi son campement par la suite en Floride. Le Lincoln Center était une mine d’or pour quiconque s’y connaissait un minimum, et ses homologues américains se rassemblaient par dizaines à cet endroit. Elle s’était noyée dans le boulot et dans les recherches, dans les soirées à débattre et les nuits à ne pas lâcher le morceau.
Elle avait dépensé beaucoup d’énergie dans la passion d’une vie - réellement -, et après plusieurs semaines et presque autant de mois à vivre au coeur de la tempête, Diana avait décidé de s’octroyer un petit temps de repos avant de reperdre l’avion pour se remettre à l’heure australienne. Elle avait choisi New-York, pour clôturer cette épopée. Elle avait choisi la grosse pomme parce-que c’était la ville qui la faisait se sentir le plus vivante de l’autre côté du globe. Elle adorait venir se perdre dans les rues animées, se laissait emporter au fil des animations et des surprises que pouvaient lui apporter la ville.
Et cette fois-ci, elle ne serait pas seule pour terminer la voyage, la sonnerie de son téléphone retentissant pour venir confirmer cette version là des faits. Diana vint étirer un sourire en voyant le visage de Chloe apparaître sur son appareil, cette dernière se tenant déjà en bas de l’hôtel. Elle vint alors ranger le livre qu’elle était en train de lire - trop peu passionnant pour être amené avec les jeunes femmes en soirée -, et vint ouvrir la porte de la chambre d’hôtel au moment où Chloe se pointait devant celle-ci. « Apparemment, il faut que je vienne jusqu'ici pour m'assurer que tu profites bien de ton voyage. Quel calvaire. » Elle faisait mine d’être la reine du dramatique, Cohen, ce qui arracha un petit rire à Diana. « Effectivement, quelle plaie. Je te plains. » Et pour ajouter de la matière à son jeu d’acteur qui était à revoir, elle vint lever les yeux au ciel - avant de se décaler pour laisser la jeune femme entrer dans sa chambre d’hôtel.
« Broadway ou Brooklyn, t'as envie de quoi ce soir? » A peine sa question finie d’être prononcée que Chloe avait déjà la tête dans le mini-bar, là où Diana venait refermer doucement la porte d’entrée. « Brooklyn, j’ai déjà une réservation pour demain soir sur Broadway - et vide pas tout le mini-bar de suite voyons ! » Elle vint y ajouter un petit rire, quelque peu nerveux, n’ayant pas encore eu le temps de se détendre complètement des quelques semaines à travailler. Peut-être qu’elle devrait y plonger le nez, elle-aussi, dans les miniatures de remontant de moral. « J’ai juste à prendre rapidement une douche et je suis prête à te suivre jusqu’au bout de la nuit. » Et elle n’attendit pas la réponse de l’australienne pour aller s’enfermer aussi rapidement que possible dans la salle de bain, se dépêchant d’en ressortir aussi vite que possible.
Ceux qui disaient que Chloe s’était enfuie de Brisbane de la plus lâche des façons avaient absolument raison. Elle n’en pouvait plus, d’être là-bas. D’être confrontée à tous les jours aux succès des autres quand le sien elle l’avait dramatiquement jeté à la poubelle. Contre sa peau s’égaraient encore les fantômes dégueulasses des paroles comme des gestes de Byers. Et elle, elle n’avait trouvé bon pour s’en défaire que de mettre le plus de kilomètres possibles au compteur entre lui et elle. L’ironie est telle que Victor l’avait invitée à le suivre hors du pays, quelques jours auparavant. L’alliance qu’elle avait laissée sur la table de la cuisine entre eux deux avait suffi à signifier que non, elle ne suivrait pas. Elle avait besoin d’être seule Cohen, seule mais maintenant accompagnée. Son drôle de paradoxe avait fini par être ravalé entre un ticket aller sans retour à New York, et une arrivée en fanfares à la porte de son amie.
« Effectivement, quelle plaie. Je te plains. » Diana et Chloe n’étaient pas les meilleures amies du monde mais elles s’entendaient particulièrement bien. Pas assez pour que ce ne soit pas questionnable que la blonde ait sauté dans le premier avion pour aller rejoindre sa copine sur une autre île que la sienne, mais ici, Cohen capitalisait sur le fait que personne ne la savait partie vers la Grosse pomme pour se sortir des explications qu’on lui aurait potentiellement grattées. « Brooklyn, j’ai déjà une réservation pour demain soir sur Broadway - et vide pas tout le mini-bar de suite voyons ! » Rhodes la laisse entrer, elle constate la chambre et les installations, les livres qui traînent et celui que Diana semblait être en train de dévorer avant que Chloe n’arrive pour tout chambouler. « On va voir quoi? » elle sait très bien que Broadway est une façon de la part de Diana de faire un petit peu d’espace à Chloe dans un voyage à travers lequel elle s’impose – et pour ça, la blonde lui en sera éternellement reconaissante. À commencer par trouver les meilleures bouteilles à disposition à travers les mignonettes pour commencer leur soirée du bon pied. « J’ai juste à prendre rapidement une douche et je suis prête à te suivre jusqu’au bout de la nuit. » « Rapide hen, parce que le minibar me fait envie. » un clin d’œil un seul, et elle laisse Diana s'éclipser le temps d'elle se pencher face au mini frigo et en sortir leur meilleure bouteille de bulles – aka la seule. Un billet est laissé sur la table de travail pour rembourser le dû, petite fille bien élevée que les Cohen ont faite d’elle.
« Enfile un truc qui fait resto, salle de bowling, bar et boîte de nuit. » la voilà qui encourage et qui crie encore de l'autre côté de la porte close de la salle de bain, avant de voir Diana apparaître devant elle, avec une tenue qui ne compétitionne pour strictement aucune des activités qu’elle vient de lui citer. « Et laisse un max de tes affaires ici, on voyage léger. » dans un rire, elle vide son sac à main à elle sur le lit de son amie, ne gardant qu’une carte bleue et quelques billets de plus. Sa carte d’identité vient se nicher avec l’argent papier et plastique dans la poche arrière de son jeans et tout le reste, portable compris, sera abandonné derrière elle. Elle n'a abasolument pas envie qu’on la trace ce soir.
Une heure de métro, quinze minutes de train de ville, tout autant de temps à sillonner les rues de Brooklyn en ayant l’impression de tomber à chaque fois sur des petits bijoux cachés. Et elles, elles finissent devant l’enseigne du Brooklyn Bowl, s’annonçant restaurant, bar, salle de bowling et boîte de nuit. La voilà la destination des indécis. « Qu’est-ce que tu ferais sans moi. » qu’elle ricane, l'australienne, laissant passer Diana la première. Une minute de plus et elle leur commande déjà deux verres au comptoir avant de les poster directement entre les allées de quilles et la piste de danse rythmée par les derniers succès de Robyn.
« On va voir quoi? » Elle vint relever le regard vers la blonde, et se contenta de venir étirer un sourire un peu plus prononcé sur ses lèvres. « Tu verras bien. » Elle n’allait pas lui révéler la surprise de suite, le but de cette opération n’était pas ici. Elle n’était pas non plus dans l’idée de vider le mini-bar, alors qu’elles s’apprêtaient à sortir juste après. Diana avait juste besoin de passer rapidement par la case salle de bain - elle s’était laissée entrainer dans ses livres et ses recherches, en oubliant de se préparer à l’heure pour accueillir Chloe. « Rapide hen, parce que le minibar me fait envie. » Elle vint expirer à la fois un petit rire et un soupire lourd, avant de claquer derrière la porte de la salle de bain. « Enfile un truc qui fait resto, salle de bowling, bar et boîte de nuit. » Que Chloe vint lui glisser depuis l’autre côté de la porte, une fois que l’eau de la douche avait cessé de ruisseler. « Et laisse un max de tes affaires ici, on voyage léger. » Ultime conseil qu’elle vint lui donner, alors qu’elles s’apprêtaient à partir de la chambre d’hôtel. « Maintenant je suis d’autant plus curieuse de savoir où tu m’emmènes. » Beaucoup d’informations disparates et tout autant de possibilités qui s’imposaient dans l’esprit de la Rhodes désormais, mais qui vint tout de même obéir aux quelques demandes de Chloe.
Après ce qui sembla être une éternité dont elle ne vint pas une seule fois se plaindre, Diana, les deux jeunes femmes arrivèrent enfin dans les rues de Brooklyn. Les bâtiments caractéristiques et l’ambiance qui se dégageait de cette partie là de la ville les prirent d’assaut à peine étaient-elles descendues des transports. Leur promenades fit donc nocturnes avant d’arriver devant l’enseigne dont Chloe avait parlé lorsque la jeune femme était en train de choisir ses vêtements - Diana ne s’attendait juste pas à ce que toutes ses descriptions se retrouvent au même endroit. Elle ne lui avait ne rien menti, pour sûr. « Tout au même endroit ? » Elle eut un petit rire. « Qu’est-ce que tu ferais sans moi. » Oh, bien des choses mais aucune de celles qui venaient en tête à la jeune femme présentement ne prenait en compte l’idée de faire du bowling tout en dansant comme dans une boite de nuit. Elle se contenta de venir lever les yeux au ciel comme si Chloe abusait de sa bonne idée, là où elle avait totalement raison d’avoir choisi cet endroit.
Diana vint entrer dans l’établissement, suivie de près par la blonde, et de suite l’ambiance vint s’imposer à elle - cela devait être une marque de fabrication de New-York, de vous imposer l’ambiance autour de vous. La musique se faisait entendre de tous les côtés, la bonne humeur des gens était presque palpable. Un instant, elle tourna la tête et Chloe leur commandait des verres au comptoir. Celui d’après, elle lançait son regard d’un autre cotée l’établissement et elles se trouvaient déjà au pied d’une piste de bowling. « C’est incroyable. » L’endroit l’était réellement. Et puis, il n’en fallait pas tellement beaucoup pour venir impressionner la jeune Rhodes, elle qui avait pour habitude de passer plus de temps entre ses livres qu’entre deux allées de bowling. Son verre vint tinter contre celui de Chloe, et son regard repartait déjà dans tous les sens à la moindre nouvelle lumière ou au moins nouveau bruit. « T’étais déjà venue ici ? » Elle n’était pas convaincue qu’il était possible de tomber par hasard sur ce type d’endroit, tellement il paraissait sortir d’un autre monde. « Par contre, j’espère que t’es pas championne du monde en bowling, parce-que ça fait des années que j’ai pas joué et ça risque d’être catastrophique. » Elle vint y ajouter un petit rire et une gorgée de cocktail coloré - elle ne savait même pas ce qu’il y avait dedans, mais c’était pas trop fort et bien assez pour elle. Diana n’avait pas du mettre les pieds dans un bowling depuis ses dix ou onze ans, surement, et à l’époque elle y allait surtout pour faire plaisir à ses copines pour les anniversaires.
Elle, elle ne choisit plus depuis des années Chloe. Elle prend tout et essaie la totale, elle est sur tous les fronts et a ainsi réussi à s’en sortir bien mieux dans des tas de situations où prendre une décision lui aurait cassé la tête bien plus que le reste. Le seul moment où elle ne peut pas choisir reste lorsqu’elle réalise ce qui a bien pu se passer durant les dernières semaines, les derniers mois, avec Byers. Ce qui laisse le fantôme de marques sur sa peau, les réactions et les dommages collatéraux avec. Si elle avait pu choisir bien sûr qu’elle en aurait fait un choix ici, oh l’ironie.
Le trajet a au moins la grande qualité de l’amener à penser à autre chose, mais aussi de leur permettre de faire un tour de nuit de la ville. New York sous la neige qu’elle admire par les grandes vitres du tram, presqu’autant que Brooklyn alors qu’elles finissent par aboutir devant le commerce à toutes les fonctions. « C’est incroyable. » l’immense sourire qu’arbore Chloe n’a rien de faux, comparativement à tous ceux qu’elle a bien pu porter depuis qu’elle s’est tirée d’Australie. Ici, elle est véritablement contente de partager un moment avec Diana, autant que de lui faire connaître une petite bulle d’elle quand peu de gens la connaissent vraiment ainsi. « T’étais déjà venue ici ? » « Oui, y’a quelques années. Y’avait pas le restaurant à l’époque, on était allés se chercher des tacos d'un foodtruck dans l’angle. » elles se faufilent à l’intérieur, laissent leur manteaux à l’entrée, se sillonnent un chemin entre les tables vers le bar. Chloe se rappelle ses doigts collants de fromage grillé et l’extra guacamole qui lui avait brulé les lèvres pendant de longues minutes tant le cuistot y avait mis la double dose de jalapenos.
« Par contre, j’espère que t’es pas championne du monde en bowling, parce-que ça fait des années que j’ai pas joué et ça risque d’être catastrophique. » devant elles sont posés les deux cocktails les plus colorés de la carte. Y’a des brochettes de fruits avec, des morceaux de barbe à papa aussi comme s’il s’agissait là de la façon la plus simple de garnir un verre dans le coin. Quand Chloe prend une longue gorgée, elle ne finit par acrocher son regard à celui de Diana que quelques secondes ensuite. Faussement sérieuse, tout sauf menaçante, c’est un « C’est ta tactique pour que je baisse ma garde ça, avoue? » qui sert de seul et unique interrogatoire. L’instant d’après, Chloe vise déjà les allées illuminées de boules disco et de néons arc-en-ciel pour prouver à Diana à quel point à la guerre des plus nulles, toutes les deux se méritent une place en haut du podium.
Oh, l’idée de merde que d’aller rejoindre la section bowling en passant par la piste de danse. Elle n’y pense pas Cohen, lorsque d’un geste de la tête elle fait signe à Diana de la suivre. Autour d’elles les corps se déhanchent sans la moindre malice, la musique étant là pour ça et strictement. D’ordinaire elle n’est pas pudique Chloe, elle-même très tactile. Mais la voilà qui sursaute une fois puis une autre lorsque des souffles se cassent sur sa nuque, que des paumes longent ses hanches. Personne ne sait qui elle est ici et elle ignore l’identité de tout le monde agglutiné près d’elle, pourtant la voilà qui fronce des sourcils, le cœur tapant contre ses tempes, le souffle court. Elle l'a vu, elle jure qu'elle l'a vu, Byers, au loin, entre trois danseurs. Bien sûr que ce n'est pas lui et bien sûr qu'il est à l'autre bout du globe, pourtant Cohen ne se raisonne qu'une miette de seconde ensuite. Elle cherche sa respiration et finit par la trouver, au même moment où elle sent les prunelles de Diana vissées sur elle. « C’est rien, je pensais juste que c’était un – quelqu’un que je connaissais. » une inspiration puis une expiration et tout ira bien. N'est-ce pas, Chloe?
« Oui, y’a quelques années. Y’avait pas le restaurant à l’époque, on était allés se chercher des tacos d'un foodtruck dans l’angle. » Elle connaissait donc bien les lieux et c’était de cette façon que Chloe avait pu leur déniché l’endroit où elles allaient passer le reste de la soirée. C’était ok pour Diana, en tous cas. L’endroit semblait accueillant, la musique n’était vraiment pas mauvaise et en plus ils proposaient de jolis cocktail pour compléter le tout. Tout semblait présager une bonne soirée, et après les dernières semaines où elle avait passé plus de temps à bosser qu’autre chose, ce ne serait pas de refus.
Le seul point quelque peu catastrophique dans cette histoire, c’était le fait que Diana n’ait pas joué au bowling depuis des années et ne souhaitait pas réellement se ridiculiser si Chloe était une championne dans le domaine. Elle aimait la compétition, elle aimait le challenge, mais elle n’était pas spécialement bonne perdante. « C’est ta tactique pour que je baisse ma garde ça, avoue? » Un fin sourire, à la fois satisfait et pas pour autant rassuré, vint se glisser sur les lèvres de la jeune femme. « Est-ce que ça fonctionne surtout ? » Parce-que si la technique était la bonne, elle fonçait et la mettait en place dès maintenant. Se ridiculiser à deux ne la dérangeait pas, au moins elles auraient de quoi rire pour une bonne partie de la soirée. Et si l’idée ne plaisait pas à la jeune femme, tant pis - elle ferait en sorte de mettre toutes ses meilleures compétences en action pour réussir à récolter un score honorable.
Cependant, ce ne fut pas l’idée d’aller disputer une partie de bowling qui vint traverser dans un premier l’esprit de Chloe, car à peine avaient-elle pu gouter à leurs cocktails que la demoiselle entrainait Diana sur la pièce de danse à quelques mètres du bar. Cette partie là de la soirée, la Rhodes savait qu’elle allait la maîtriser comme personne - et surement bien mieux que n’importe qui à ses côtés présentement. Ses gestes à elle n’étaient pas aléatoires, ils n’étaient pas désordonnés. La danse était un domaine qu’elle maitrisait presque tout autant que le ciel et les étoiles, et elle ne saurait se ridiculiser qu’importe la piste sur laquelle on la jetait. Elle avait raflé des prix et ramené chez elle des trophées. Elle avait su impressionner des jurys et faire par d’une inventivité sans faille pendant des années. Elle ne le montrait pas à ce point là en venant enchainer ses mouvements sur la piste de danse, mais cela pouvait se voir dans le moindre de ses gestes qu’elle était à l’aise et qu’elle maitrisait ce qu’elle faisait.
Si bien que Diana ne vint pas accrocher de suite le regard de Chloe, trop occupée à venir profiter du rythme et ce semblant de sentiment d’apaisement qui lui faisait un bien fou. Après des semaines à courir, sur la piste de danse, elle se sentait de nouveau elle-même. Chloe semblait tout sauf elle même lorsque leurs regards s’accrochèrent et automatiquement, les lèvres de Diana vinrent abandonner leur sourire pour un air bien plus inquiet. « Chloe ? » Mot plus murmuré qu’entendu, la musique et la distance entre les jeunes femmes ne permettant pas à la Rhodes d’entendre son acolyte de sortie aussi distinctement. Venant réduire aisément la distance entre elles deux, les sourcils de Diana venaient se froncer de façon bien trop accrue pour que ce soit normal. « C’est rien, je pensais juste que c’était un – quelqu’un que je connaissais. » Elle ouvrir la bouche - puis la referma. Elle manquait d’air, elles se devaient de sortir de la foule. N’attendant pas l’avis de la blonde, Diana vint attraper sa main pour la sortie de la piste de danse, à la recherche d’un coin plus silencieux et moins bondé de monde.
Ce fut avec un verre d’eau qu’elle rejoint par la suite Chloe là où elle l’avait abandonné juste un instant un seul, promis. « Ca va ? » Ce n’était pas une question où l’on pouvait répondre d’un revers de la main - Diana n’était pas assez stupide pour ça. Elle comprenait que quelque-chose tracassait fortement la Cohen et que ce quelque-chose s’était passé sur la piste de danse. « C’était un quelqu’un que tu connaissais ? » L’excuse n’était pas si pire, juste un peu tirée par les cheveux pour sembler correcte.
« Est-ce que ça fonctionne surtout ? » « Faudra voir pour savoir. »
Chloe qui une seconde va bien, véritablement. Qui a oublié ses problèmes à l'autre bout du globe et qui pourra se contenter de la soirée comme du reste de sa vie en entier pour l’oublier de la plus lâche des façons. Elle est maître de son monde ici, elle en fait sa loi. Rien autour d’elle ne la force à choisir quoi que ce soit, rien autour d’elle ne lui souffle à l’oreille que le compte à rebours est lancé et que pour l’heure, elle devrait se contenter d’angoisser. Mais non, à peine. La piste de danse les appelle et elle entraîne Diana à sa suite, ravie au possible de voir à quel point la brunette en prend possession comme si elle était sienne. Chloe agence ses pas à ceux de Diana, éclate d’un rire empli de fierté lorsque les regards se dirigent vers son amie, que les yeux l’admirent elle et elle seule. Diana a toute une magie d’infusée à même sa silhouette, et Cohen se contente d’admirer le sourire aux lèvres, la tête ailleurs – tellement ailleurs qu’elle ne voit pas, ceux qui la bousculent – celui. Elle ne voit pas mais elle pense le voir, et son sang tape dans ses tempes, et la musique que crachent les hauts-parleurs devient un acouphème de coton tant elle n’entend que sa voix à lui. C’est impossible.
C’est impossible et pourtant son souffle se perd, ses mains sont moites, son cœur se serre et son estomac se contracte. « Ca va ? » non. Absolument pas. Elle referme ses doigts contre le verre d’eau mais n'y touche pas le moindrement, quel calvaire alors que sa gorge est aussi serrée que sèche. Un goût amer lui tatoue la langue. « Ça ira. » s’accrochant comme elle le peut à un minimum de positif, ou dans ce cas-ci, au moins un peu de constructif. L'australienne en vient à relativiser de la plus cruelle des manières. Ça ne peut pas ne pas aller, ça ne peut pas ne pas se régler. Ce n’est qu’une question de temps, c’est juste un moment où la vie sera difficile et abrupte, mais elle passera à travers. Parce que – parce que sinon, elle devra vivre pour toujours avec cette impression merdique transpirant jusque dans tous les pores de sa peau. Plutôt crever. « C’était un quelqu’un que tu connaissais ? » « C’était pas lui. » qu’elle s’entend dire, ou pas du tout. Diana les a un peu isolées et c’est tout ce dont Chloe avait besoin. Pourtant elle parle vite et trop, en dévoile beaucoup sans dire quoi que ce soit.
« T’embêtes pas avec ça. » essaie encore, essaie plus fort. Ce n’est pas dit que Diana rejettera du revers la conversation mais c’est une Chloe lâche et épuisée qui essaie de la détourner de ce chemin-là. Pour ce que ça vaut. « Y’a aucune chance que je le croise ici. » encore heureux, il pourrait y être. Pour un festival, pour un tournage, pour accompagner une de ses actrices – pour la suivre elle, à la trace, comme il le faisait en long et en large du plateau, toujours collé à son oreille. Elle le déteste, elle le hait, elle le maudit, elle l’hallucine. Non, il ne gâchera pas sa vie.
« Ça ira. » Que Chloe réussit à lui murmurer presque faiblement, alors que ses doigts accrochant le moindre tissu des vêtements de Diana ressemblait à la prise d’un naufragé à sa bouée de secours. Elle vint serrer les mâchoires, Diana, elle n’aimait pas réellement ça. D’elles deux, Chloe était supposée être celle qui avait l’esprit à la fête - pas l’inverse, et pourtant les rôles s’étaient inversés si vite que la Rhodes n’avait rien vu venir.
« C’était pas lui. » Qu’elle vint compléter, ce qui vint faire froncer encore davantage les sourcils de la jeune femme. « Qui, lui ? » L’idée que Chloe ait effectivement croisé quelqu’un qu’elle ne désirait pas voir, Diana avait lancé l’excuse à la volée mais elle ne pensait pas que la jeune femme s’y accrocherait au vol. Après tout, elles étaient à des milliers de kilomètres de leur ville d’origine, dans un lieu à la combinaison de thèmes improbable. « T’embêtes pas avec ça. » « Vu dans l’état que t’es, je vais m’embêter avec ça, si. » Elle tentait de garder une voix la plus calme possible, alors qu’elle aurait plutôt eu envie de venir quelque peu secouer la jeune femme. Elle en comprenait rien à la situation qui se déroulait sous ses yeux, mais elle comprenait que cela mettait Chloe sans dessus-dessous. « Y’a aucune chance que je le croise ici. » « Que tu croises qui, Chloe ? » Toute trace d’amusement avait disparu dans la voix et l’attitude de Diana, et elle était officiellement inquiète pour la jeune femme dont le regard semblait davantage perdu dans le vague qu’autre chose.
Après s’être autorisée un petit soupire, elle vint reprendre le verre d’eau des mains de la Cohen pour le poser sur la première table à portée de mains, avant de tendre la sienne dans sa direction. « Viens, on va prendre l’air. » Il fallait qu’elles sortent d’ici, et que Chloe remettre ses pensées en ordre. De toutes façons, Diana ne comptait pas la laisser dans cet état là, et clairement quelque-chose qu’elle n’osait lui dire la dérangeait présentement. Après avoir navigué à travers la foule de l’établissement - non sans jeter à droite, à gauche, des regards méfiants envers tout le monde et personne à la fois -, les deux jeunes femmes finirent par revenir à l’air frais et revigorant des rues de New-York. L’instant suivant, Diana faisait signe à la Cohen de s’asseoir à ses côtés sur le premier banc qu’elle avait réussi à trouver. « Qui te fait peur comme ça, Chloe ? » Elle ne passait que très rarement par quatre chemins, et préférait les paroles ouvertes et franches plutôt que les sous-entendus - cela permettait de gagner du temps.
Chloe était jeune, impressionnable. « Qui, lui ? » Chloe avait fait confiance aveuglément, Chloe avait laissé passer un infinité de choses pour le bien de sa carrière. Chloe aurait des tas d’excuses et des tonnes de justifications, des raisons de tatouées sur le front pour expliquer ce qui a pu se passer. On la saignerait sur la place publique, aussi, surtout, on dirait que sa parole n’a pas de poids. On ne la prendrait pas au sérieux, on la stigmatiserait pour le reste de sa vie ; à cause de lui. L’ironie, c’est qu’il l’a déjà marquée au fer rouge, qu’elle ne pourrait pas l’être pire qu’elle l’est déjà. Y’a toujours pire. « Vu dans l’état que t’es, je vais m’embêter avec ça, si. » elle sursaute, Cohen, quand une silhouette anonyme frôle son dos mais qu'elle tentait de se concentrer n'importe où sauf ici. Les mots de Diana flottent comme dans du coton, elle se déteste d’être si mauvaise actrice qu’elle n’arrive à rien cacher à son amie. « Que tu croises qui, Chloe ? » venir à New York devait être un plan parfait, une fuite exemplaire. Il ne viendrait pas la chercher ici, il n’avait aucune juridiction aux États-Unis. Oh qu’elle avait pu être idiote, naïvement conne de croire que Byers ne s’était pas fait une place de choix dans ses bagages comme dans sa tête.
La réalisation suffit à affaisser ses épaules, à la faire ravaler de travers. Ses lèvres sont sèches, sa langue est lourde. Diana lui confisque le verre d’eau et les voilà déjà dehors. « Viens, on va prendre l’air. » Cohen se fait poupée de chair et de doutes, elle est en proie à craquer, elle sent la panique qui lui noue le ventre et ses pieds n’en finissent plus de tituber. La nuit est froide, glaciale. Mais elle bouille, l’intérieur brûle. « Qui te fait peur comme ça, Chloe ? » à un moment, ses jambes lâchent. Elle est persuadée qu’elle se retrouvera au sol, qu’elle creusera son trou, qu’elle y restera aussi longtemps qu’il le faudra, cachée, affaissée, en attendant que la voix de Diana s’éloigne et se calme, qu’elle la calme elle aussi. Sa silhouette se confond avec le banc, son souffle se perd dans le vent. « Si ça se sait, je vais tout perdre. » sa propre tonalité l’étonne, Chloe qui croyait avoir perdu la faculté de parler à travers toutes les questions laissées sans réponse. Tout dans son regard comme dans ses gestes s’excuse, elle hurle qu’elle est désolée, rêverait de claquer des doigts et de disparaître. Comme si fuir dans le prochain avion – encore – allait mieux faire son boulot d’effaceur magique aujourd’hui. À un moment, Chloe devra arrêter de courir. Mais elle est immobile ? Dans sa tête, tout tourne trop vite.
« Je vais tout te dire. » dans la pénombre, elle voit à peine la paire de prunelles brillantes de Diana qui est braquée sur elle. Chloe regrette le verre d’eau, n’a plus rien d’autre que des phrases incertaines pour passer ses lèvres qu’elle pince une fois sur deux. « Mais faut que tu promettes que tu feras absolument rien, une fois que tu sauras. Juste écouter, rien d’autre. » tout perdre. La blague. Elle a déjà perdu Victor, elle a déjà perdu son boulot. Sa réputation est sous l’effet d’une traînée de poudre, déjà. À Brisbane rien ne va. « Promets, Diana. S’il-te-plaît. » elle veut parler, elle veut tout dire pour de vrai Chloe. Mais elle ne peut pas le faire si Diana ne se contente pas de juste tendre l'oreille.
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