Canapé, toujours, mon nouvel amant depuis trois semaines, celui qui ne m’a jamais déçu, toujours là pour moi, même dans les moments les plus difficiles. Pathétique ? Complètement. Je ne supporte plus la vue de celui-ci, je ne supporte plus d’être enfermée entre quatre murs et encore moins cet appartement. J’ai besoin de prendre l’air. Autre que sur le rooftop où je me rends au moins une fois par jour pendant deux heures pour bouquiner à défaut de pouvoir faire autre chose. Si, j’ai réussi à négocier avec le rédac en chef du Brisbane Times pour reprendre du service. A distance. J’ai essayé de m’y rendre une fois mais quand il a vu que j’étais encore en béquilles, il m’a gentiment renvoyé chez moi. Cependant, j’ai eu l’opportunité de pouvoir travailler sur un ou deux sujets. Mais rien de palpitant. Je n’ai pas la possibilité de rencontrer qui que ce soit, ni de me rendre sur place pour couvrir un événement. Bref, l’ennui total. Si seulement il n’y avait que ça encore… Non, parce que par-dessus tout ça, cet accident m’a miné aussi mon moral. Un moral qui était déjà en berne depuis fin août et qui n’a fait que se crasher davantage le temps avançant. Enfermée, je ne fais que ressasser ce qui a pu m’arriver depuis, en plus de l’accident. Un accident qui me fait me remettre énormément en cause, notamment sur ce que je veux vraiment pour ma vie future… Autant sur le plan professionnel que personnel. C’est le brouillard total dans ma tête et même si j’ai des heures de réflexion devant moi, cela ne m’aide pas à y voir un brin de soleil…

Ce brin de soleil cependant m’est apporté en fin de journée quand je reçois un texto de ma meilleure amie, Danika. Elle me propose de la rejoindre au bowling dans lequel elle travaille car elle va bientôt finir son service. Un sourire tendre étire mes lèvres. Sûrement le premier que j’ai pu faire de la journée, même Knox me le fait remarquer, ayant été odieuse avec lui d’ailleurs toute la journée. Dani’ sait très bien que je n’ai pas forcément le moral et sa proposition n’est donc pas anodine. Je l’accepte donc et part en vitesse (enfin si on peut dire ça) me préparer. Ne pouvant encore conduire, je commande donc un Uber qui m’amène une bonne heure plus tard dans le quartier de Redcliffe. J’entre alors dans l’établissement où du monde grouille un peu de partout. Une ambiance rétro plane toujours autant dans ces lieux, avec du bon rock version Elvis. J’avance alors, à l’aide de mes deux jambes de substitution, vers le comptoir du bar où je pense pouvoir retrouver Danika, sourire aux lèvres. Un sourire qui devient plus large lorsque je l’aperçois entrain de servir un client. Je m’approche, m’installant sur un tabouret au bout du bar. Je la laisse finir et lorsqu’elle se dirige vers moi, je l’interpelle « Une tequila pour moi charmante demoiselle ». Je ris doucement alors, me faisant passer pour un des nombreux clients lourds qu’elle a pu déjà avoir « Et si vous avez fini votre service, je vous offre un verre de votre choix, love ». Je lui fais un clin d’œil accompagné d’un air amusé. La retrouver me fait du bien et être dans un lieu différent de mon quotidien morose aussi.

« Avec des beaux yeux pareils comment refuser ». Je bats des cils alors, sourire aux lèvres comme flattée par son compliment. Je ris doucement après ça, je la taquine à ce sujet car je sais qu’elle doit subir des remarques du genre toute la journée et soirée où elle travaille. Les mecs peuvent facilement être lourdingue. Je me demande d’ailleurs comment elle arrive à garder son calme, surtout elle qui peut réagir au quart de tour, adepte de sports de combats, et même spécialiste, que dis-je championne dans le domaine. Je sais que ça lui coûte énormément mais elle se doit de l’être pour conserver son boulot. Je l’invite alors en lui offrant un verre, toujours dans un jeu de séduction par un mec relou « J’ai presque fini, je range ça et je suis à toi ! Hors de question que tu paies ce premier verre par contre ! ». Je suis contente de pouvoir passer la soirée avec elle. Dani et moi sommes amis depuis pratiquement toujours. Cette amitié est indéfectible et je parle en connaissance de cause. Des épreuves dans notre vie avait fait que notre amitié avait été mise en danger. Pourtant, notre détermination à chacune a fait que nous nous sommes accrochés, nous battant parfois pour deux pour que rien ne change ou pour aider l’autre quand elle était au plus bas. Le fait que nous étions bornées aussi avait beaucoup aidé « Je payerai le second alors, et j’insiste ». C’est toujours le cas aujourd’hui. Je la regarde s’afférer alors derrière le comptoir, nous servant deux verres de tequila. Quand elle approche, elle me serre alors dans ses bras. Je passe mon bras droit dans son dos pour la serrer aussi. Une semaine auparavant ce geste m’aurait coûté. Pourtant, là, je commence à ne plus rien sentir. Ou alors je me suis habituée à la douleur… « Ca va mieux ? Comment tu te sens ? ». Je roule des yeux, reconnaissant son côté protecteur et inquiète qui n’a pas lieu d’être. A mes yeux. Pourtant, c’est totalement justifié qu’elle se fasse du souci pour moi. Je serai pareille si elle avait eu un accident similaire « Je vais bien maman ne t’en fais pas ». Je me moque d’elle volontairement avant de prendre un air plus sérieux, en haussant les épaules « Ca commence à aller mieux physiquement. Doucement mais sûrement ». Je n’ajoute rien, ne voulant pas forcément lui dire que moralement ce n’était pas trop ça, pour ne pas l’inquiéter davantage. Et puis je suis venue ici pour passer un bon moment avec elle, non pas pour me plaindre tout le long. Le moment où nous en parlerons arrivera forcément dans la soirée, mais pas tout de suite. Là je préférai savourer nos retrouvailles « Pas trop estropiée pour une partie de bowling j’espère ? Est-ce que ça veut dire que je gagne d’office ? ». Je la toise de haut en bas, attrape mes béquilles et me met debout « Dans tes rêves ! Je suis plus que capable de te mettre une raclée, béquille ou pas ». J’ai presque l’air menaçant, mais comme toujours, le sourire n’est jamais bien loin. Nous nous avançons vers les pistes, suivant Danika jusqu’à celle qu’elle nous a réservé.

Nous nous installons alors « Bon, par contre… Il faut que tu restes à côté de moi le temps que je lance la boule, pour me tenir une de mes béquilles ». Je n’ai pas vraiment le choix car le médecin m’interdit encore de poser le pied parterre. Si cela ne dure que quelques secondes, en restant immobile, le temps de lancer la boule, cela passe encore. Juste je m’abstiendrai d’en parler lors de mon prochain rendez-vous. « On fait un chifoumi pour déterminer laquelle des deux commence ? ». Cela me rappelle notre enfance où nous passions notre temps à déterminer laquelle jouerait la maitresse, laquelle jouerait la maman, le bébé ou encore laquelle aurait droit de porter cette belle robe pour notre premier bal de promo. Un rituel entre nous, pour un tout et pour un rien. Je fais face alors à Danika, la défiant du regard « Prête ? Chi fou mi »

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J’entends ma meilleure amie marmonner sans savoir réellement ce qu’elle dit. Cela ne m’étonne pas d’elle et ça me fait même sourire. Elle est aussi bornée que moi de toute façon et il est fort probable qu’elle n’ait pas apprécié que j’insiste pour la seconde tournée qui allait sûrement arriver rapidement. Nous discutons un peu sur mon état de santé, je suis vague et ne m’éternise pas car je n’ai pas envie de m’apitoyer sur mon sort. Cela fait trois semaines que je suis chez moi, à ressasser sans cesse, à me dire que ce qui me tombe dessus est peut-être au fond mérité. Puis finalement, je reviens sur ma position à me dire que non, c’est la faute aux autres, et ils sont nombreux. Et quand tout cela me passe, je me demande ce que je vais faire désormais. Continuer à vivre la même vie ou me mettre un coup de pied au derrière pour en changer. Ça ne me ressemble pas d’être autant pessimiste et négative. Surtout à longueur de temps. Je n’ai plus envie de ça, j’ai besoin de me changer les idées et je sais qu’avec Dani, ce sera le cas. Parce qu’elle a toujours eu une place spéciale dans mon cœur, dans ma vie, parce qu’elle est la meilleure amie que je ne pouvais pas ne pas avoir, celle qui a finalement le même caractère que moi et qui me le rend bien. Il y a des hauts et des bas dans cette amitié, il y a eu des brisures mais nous nous en sommes toujours relevés. Parce que, malgré tout, nous nous sommes jurés d’être toujours là l’une pour l’autre, quoi qu’il advienne, même s’il fallait en saigner pour rester accrocher à celle qui rejetait l’autre.

Bref, cette soirée commence bien avec une partie de bowling proposé par Danika. J’accepte évidemment, hors de question de m’avoue vaincu avant de m’être battu « Jte préviens j’aurais aucune pitié McKullan ! ». Riley avait ça dans le sang, la compétition, ça la connaissait bien. Sauf que je l’étais tout autant « J’espère bien ! ». Je lui fais un clin d’œil alors, complice, lui faisant comprendre que je voulais qu’on mène cette bataille comme il se devait, sans pitié ou traitement de faveur. Nous arrivons à la piste qu’elle nous a réservé, car évidemment elle avait tout prévu. Je demande cependant un petit coup de pouce à Dani uniquement pour tenir mes béquilles. Elle accepte non sans aller de sa petite remarque « Ton médecin a pas intérêt à m’engueuler ». Mon médecin ? Il ne serait sûrement pas ravi de savoir que j’allais faire une partie de bowling alors qu’il m’a demandé expressément de faire le moins de mouvement possible pour que mes côtes notamment se guérissent convenablement. Et ne parlons pas de ma cheville. Je hausse alors les épaules « T’en fais pas pour lui » dis-je accompagné d’un signe de la main. Tout ce qui m’importe maintenant est de commencer la partie. Mon impatience légendaire refait surface tout comme mon côté petite fille pas si bien enfouie. Il faut déterminer laquelle de nous deux débutera et cela se traduit toujours de la même manière : un chifoumi. « Allez ! » Un ciseau pour moi, une feuille pour Dani. Un sourire de vainqueur apparait sur mon visage, agaçant à souhait, et j’en rajoute « Ah HA ! Dans ta face Riley ! ». Un peu trop excitée, je fais un mouvement un peu trop brusque qui me vaut de faire aussi grimacer. « Pffff ! Fait pas la maligne, on va voir si tu te ramasses pas quand tu vas lancer ta boule ! ». Je retourne mon regard, d’abord sérieux sur elle, avant d’exploser de rire « Oh, allons ne soit pas aussi mauvaise perdante ». Je pose ma main sur son épaule pour lui caresser doucement, comme pour la réconforter. Evidemment, je me moque ouvertement d’elle. Nous nous dirigeons ensuite vers le stand où se trouvent toutes les boules « Allez choisi je te la porte jusque là-bas ». Une amie, une vraie, qui, par de petites attentions, vous montre qu’elle sera là et vous épaulera jusqu’au bout. Un petit sourire reconnaissant apparait sur mon visage avant que je lui désigne une boule verte, qui je l’espère, me portera chance.

Arrivées devant la piste, un petit troc se fait, me saisissant ainsi de la boule. Et là, je me demande comment je vais pouvoir me pencher, pour lancer ma boule sans que mon pied touche par terre. Impossible. Je le dépose délicatement mais je me dois de ne plus bouger. Tant pis pour l’élan. Je plie mon bras, me concentre sur ma cible quelques instants et lance. Et… « Mouais peut mieux faire, tu devrais venir plus souvent, tu sais parfois ils donnent des cours pour les enfants ». Je la fusille du regard, lui faisant une grimace par la même occasion « Ce n’est que le début, te réjouis pas trop vite ». Oui ou te fais pas trop d’illusion Mia, au choix. « Aller à toi on va voir si tu fais mieux avec deux jambes et des côtes parfaitement en état ». Il valait mieux pour elle autrement, elle allait déguster. Je reprend ma béquille pour m’avancer vers la table. Celle-ci est en hauteur, ce qui me permet de m’appuyer dessus et donc de laisser une béquille de côté afin de pouvoir me saisir de mon verre qu’elle me tend « T’es pas entrain de devenir folle dans cet appartement ? Si tu veux je t’échange Knox pour Maddox quand tu veux ! ». Je hausse les sourcils, si seulement elle savait. Je bois une bonne gorgée de mon verre, qui donne déjà un aperçu de ma réponse « Et bien, je te mentirais si je te disais que non. Trois semaines que je fais toujours la même chose et je n’en peux plus. J’ai pas pu retourner encore au journal, même si j’ai pu écrire quelques articles à distance. Ca me change les idées quelques instants… ». Un sourire s’affiche cependant sur mes lèvres lorsque je repense à ma proposition « J’en serai ravie. Et Knox le serait sûrement tout autant ». Je soupire « Je me rends compte que je lui en fais voir de toutes les couleurs alors qu’il fait tout pour moi… ». Je grimace, pensant à mon meilleur ami d’enfance qui était prêt à tout pour que je me sente bien. Mais je ne lui rendait pas forcément bien.

Dani s’élance alors pour jeter sa boule. Je la regarde de loin, assisse sur un tabouret pour reposer ma cheville.

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« Franchement, j’crois que tu t’es pris une malédiction Mia quand j’vois tout ce qui t’est arrivée ces derniers mois. Entre ton père, ton frère, l’accident. Alors t’as le droit de devenir un peu folle. Même un jury comprendra si tu finis par tuer Knox ». Mes yeux s’écarquillent, c’est moi ou elle enfonce le couteau dans la plaie ? « Merci de me le rappeler. Mais ouais, t’a sûrement raison, j’ai une bonne excuse après tout. Enfin des… ». Je tourne la tête de droite à gauche, comme désespérée et à la fois interloquée par le tact de ma meilleure amie. « Je t’aiderai à cacher le corps promis. Mais en attendant c’est bientôt fini tu vas vite pouvoir reprendre le boulot ! ». Elle a raison, j’ai réussi à tenir trois semaines, je pouvais parfaitement en tenir encore une dans le meilleur des cas, deux ou plus dans le pire. Je ne l’espérais pas car retrouver un semblant de vie normale me semblait vitale désormais. Cette soirée me donnait un petit avant-goût d’une délivrance prochaine. Et ça grâce à Danika qui part d’ailleurs en direction de la piste car c’est à son tour de jouer. Je reste à la table appuyée à la regarder donc de loin. Je bois une bonne gorgée de mon verre alors qu’elle s’élance et lâche la boule de bowling… Et non je ne rêve pas, elle fait un strike. Je m’incline alors, enfin façon de parler « Tu peux pas t’incliner, si tu t’inclines tu tombes vu comment t’es estropiée ». Non mais elle était en forme ce soir. Je lui tire la langue, elle m’agace mais dans le bon sens car elle me fait rire. Et cela me fait du bien au moral. « Ne prends pas trop vite la confiance, j’ai pas dit mon dernier mot ». Je pars alors déterminée en direction de la piste pour un nouveau lancé. Bon, avec mes deux béquilles avançant d’un pas lent certes mais décidée quand même. Je remercie Dani d’un sourire lorsqu’elle reprend ma béquille en échange de la boule. Je lance alors celle-ci mais je perds l’équilibre, ma seule béquille restante glissant sur le parquet. Heureusement, Riley me rattrape de justesse, un peu brusquement ce qui me fait grimacer. Mais valait mieux ça que me retrouver la tête la première au sol « Si t’en as marre d’être enfermée c’pas le moment de te casser un bras McKullan ! ». Je relève la tête et « J’AI FAIT UN STRIKE ! DANS TA FACE RILEY ! ». C’est tout ce qui m’importe sur le moment puis je me rends compte que je n’ai pas remercier ma meilleure amie pour son sauvetage. « Et merci de m’avoir épargnée un mois de plus. Je te revaudrai ça hon’ ». Je lui fais un clin d’œil et lui reprend la béquille des mains «Allez viens, on s’assoit cinq minutes, j’ai soif ! ».  

Je prends place sur un tabouret et ainsi pouvoir reposer un peu mes bras qui commencent à être en compote de rester debout. Le sport ne sera pas du luxe d’ailleurs lorsque je me serai débarrassée de ces béquilles de malheur. « Il te reste combien de temps avec ces béquilles ? ». Sa question me fait penser au genre de questions qu’on peut poser à quelqu’un qui est en prison, ce qui me fait sourire « Si je fais attention, que je ne me reblesse pas d’ici là et que je suis à la lettre les recommandations de mon médecin » je grimace, cela fait beaucoup de conditions et disons que la partie de bowling n’en fais pas vraiment partie, « je devrais m’en débarrasser d’ici une semaine et demie ». Je voyais enfin le bout du tunnel, bien que la comparaison soit un peu poussée. « Pourvu que ce soit le cas ». Je lève alors mon verre et le finit d’une traitre. Je le dépose délicatement sur la table, en attendant que le serveur revienne avec notre nouvelle commande. J’observe alors Danika, qui semble chercher quelqu’un du regard. J’arque un sourcil, me demandant bien ce qui lui arrive d’un coup. Elle prend la parole mais elle prend un air tellement sérieux, que je m’inquiète de ce qu’elle peut bien s’apprêter à me dire « Le type que tu voyais cet été-là… Alec, tu l’as revu depuis ? ».  Je soupire alors, j’en avais parlé à Danika, surtout lorsque cette relation s’était terminée. J’avais peut-être omis volontairement de lui parler de sa visite à l’hôpital « Et bien… » j’hésite un peu avant de me lancer « Il est venu me voir le premier soir où j’étais à l’hôpital. Tard, alors que les visites étaient finies. Je ne sais même pas qui a pu lui dire d’ailleurs, car nous n’avons aucun ami en commun et je ne risquais pas de lui dire moi-même.  Et autrement non, si on omet le fait qu’il soit venu jusqu’à devant ma porte pour me déposer des gâteaux au chocolat sans mot, rien. Mais je sais que c’est lui… ». Mon ton semble indifférent et pourtant cette relation est bien ancrée dans ma tête. Cette relation compliquée est aussi une des choses que l’on pourrait à la liste énumérée plus tôt par Dani au sujet des malédictions qui me tombaient dessus récemment. Cependant, je suis étonnée qu’elle me pose la question, surtout au vue de la manière de se comporter. Elle semble prudente, ce qui ne lui ressemble pas. Je sais qu’elle ne fera pas partie du fan club d’Alec « Tu me fais flipper, qu’est-ce qui se passe ? ». Je ne suis pas dupe et je vois bien que quelque chose la tracasse «  Tu… » Je m’arrête, le serveur nous déposant nos verres sur la table. Je le gratifie d’un sourire avant de reprendre, une fois qu’il s’est éloigné « Tu sais quelque chose ? ». Je l’interroge du regard. Les dernières paroles qu’il avait prononcé en quittant ma chambre d’hôpital me laissait penser encore plus qu’Alec me cachait des choses pour en arriver à me dire cela. Je ne voyais pas comment Danika pourrait en savoir plus. Mais peut-être était-il venu ici…

« C’EST UN COUP DE BOL ». Fausse excuse, je roule des yeux, sourire aux lèvres « T’inquiètes c’est une faveur pour sauver Knox d’un meurtre certain ! ». Je ris car elle a certainement raison. Si je devais rester un mois de plus cloitrer à l’appartement, Knox et moi finirons par le faire exploser avec nos deux caractères de merde et nos disputes incessantes. Le meurtre pourrait très bien en être une solution envisageable au bout d’un moment. Mais même si je plaisante à ce sujet, je me trouve peu reconnaissante envers lui. Et je sais pourtant qu’il se plie en quatre pour moi car il culpabilise de cet accident alors que finalement, tout ce que je lui devais, c’est d’être en vie. Sans son intervention, je n’aurai pu ne pas m’en sortir. Je ne m’en serai pas sorti… Je sais aussi que Knox se sent coupable de m’avoir poussé à retourner dans l’eau alors que je ne lui en tient pas du tout rigueur et qu’en aucun cas il aurait pu prévoir ce qui allait se passer. Surtout que, la seule fautive dans l’histoire… C’est moi…

En attendant, il faut que je vive avec, que j’accepte ce qui m’est arrivé et que j’essaie peu à peu de remonter la pente. Car je suis tombée bien bas avant cet accident, pendant et après celui-ci. Ces dernières semaines, ma vie n’a été faite que de mauvaises décisions… Une d’elle avait été de vouloir guérir d’une relation par une autre. Ce n’était pas la première fois que j’utilisais cette solution. Et comme la fois précédente, je me suis rendue compte que c’était une bien mauvaise idée. Parce que je n’étais pas guérie, parce que j’étais encore bien trop attachée à la personne que j’ai essayé d’oublier. Je n’y arrivais pas… Encore moins quand la personne en question revient vers vous, vous laisse sous-entendre qu’il s’interdit d’être avec vous pour je ne sais quelle raison. Alors que je pensais ne jamais avoir un semblant de réponse, il semblerait que je m’apprête à les obtenir, du moins en partie, par ma meilleure amie.

Danika est méfiante, regarde autour d’elle, comme si elle voulait s’assurer que personne n’est à l’écoute de notre conversation. Mais qui le serait ? et pour quelle raison en plus ? Nous ne sommes que deux nanas lambda après tout non ? Elle m’interroge alors, sur Alec. Elle veut savoir si j’ai eu de ses nouvelles depuis notre rupture. Je reste vague, ne voulant pas m’attarder sur les détails car je sais qu’elle n’apprécie pas du tout ce type, comme elle l’appelle. Alors je la questionne à mon tour, car elle semble vouloir me dire quelque chose, sûrement quelque chose que j’ignore. Ce qui éveille forcément ma curiosité, peut-être même à en perdre patience « Non non je sais pas je… ». Mon sourcil s’arque, une mine renfrognée s’affiche malgré moi sur mon visage. « Ce type, je pense qu’il ne faut pas que tu le revois Mia. Déjà parce que clairement c’est un pauvre type qui est pas capable de se décider sur ce qu’il veut apparemment… ». Rien de nouveau sur la comète « Tu n’es pas la première à me le dire Danika, et je le sais ! ». Je montre un certain agacement car tout le monde ne fait que me le dire et que j’en ai assez qu’on me le répète. Peut-être aussi parce qu’au fond de moi, je n’ai pas envie de les écouter, que j’ai envie de creuser plus et de me dire que je ne me suis pas totalement trompée sur lui en lui accordant ma confiance… « Je sais que vous voulez tous mon bien, etc… Mais j’ai vraiment pas besoin de parler de ça ce soir, de repenser à lui et à quel point j’ai été encore bien trop naïve » Je perds patience alors que je sais que Dani ne veut que mon bien comme tous les autres. Pour la peine, j’attrape mon verre et boit une longue gorgée. Je sens cependant que ma meilleure amie n’en a pas fini avec le sujet « Son nom c’est Strange c’est ça ? Il a un frère non avec qui il gère son restau ? ». J’ai encore remarqué ce regard méfiant dans les yeux de la brune et mes sourcils se froncent. Je ne sais pas où elle veut en venir « Oui c’est bien  son nom, et oui son frère Mitchell ». Je me penche un peu plus au-dessus de la table, comme si je suis déjà consciente que ce qu’elle m’apprête à dire ne doit pas être entendu de tous « Je sais pas si c’est vrai, je sais pas ce que ça vaut. Mais j’ai entendu une conversation de clients… » Mon cœur s’accélère alors, inconsciemment, à la fois impatiente et effrayée par ce qu’elle risque de me dire « Ca a pas l’air d’être un type bien Mia… Son frère encore moins que lui… ». Alec et type bien n’allaient pas de pair et ça je l’ai suffisamment compris du fait qu’on me l’ai dit un nombre incalculable de fois. Mais je sais que le sens employé par Dani est différent. Et là, mon regard devient interrogateur, presque interloquée, ne comprenant pas vraiment où elle voulait en venir « Qu’est-ce que tu entends par là Dani ? Je ne suis pas sûre de tout comprendre… » Je marque une pause, essayant de réfléchir à tout ça. Et puis, les dernières paroles d’Alec me reviennent alors… « Tu penses que… ». Et si Alec n’était finalement pas le mec qu’il prétendait être ? Et si, en plus d’avoir été suffisamment secret, il n’avait fait que mentir sur toute la ligne, prétextant être quelqu’un et être l’opposé en réalité ? En fait, je ne sais plus quoi penser à ce moment-là, mon regard se baisse sur la table, après avoir été insistant auprès de Dani pour qu’elle en dise davantage.

Mon visage se ferme un peu plus à chaque parole prononcée par ma meilleure amie. Elle me fait comprendre qu’Alec n’est pas quelqu’un de bien. Elle n’est pas la première à me le dire mais contrairement aux autres, ça ne concerne pas que son comportement avec moi. Non, elle semble en savoir plus, avoir entendu des choses à son sujet. Des choses peu glorieuses et qui laisse penser qu’il n’a pas été honnête avec moi… mais est-ce que cela devrait m’étonner ? Après tout, il s’est montré réticent face à certaines de mes questions et cette carapace impénétrable, ses trop nombreux non-dits… Et avec notre dernière rencontre et cette petite attention qu’il avait laissé sur le pas de ma porte, tout ça me laissait penser qu’il s’interdisait d’être avec moi… Alors je regarde Danika, tout ce qu’elle peut me dire me préoccupe de plus en plus. « Je pense pas que ce soit un simple chef d’un restaurant Mia…Je.. j’en sais rien ». Je sens son agacement qui me fait arquer un sourcil. Comme si me dire ça pouvait lui coûter cher. Sa méfiance, qui se lisait dans son regard, jetant un œil d’un côté puis d’un autre me conforte dans cette idée. Pourtant, ce qui me préoccupe le plus est les informations qu’elle me délivre. Elles sont vagues, incomplètes, mais éveille ma curiosité « Je pense que si tu creuses un peu dans leur passé… je suis pas sûre qu’ils soient impliqués dans quelque chose de très légal ». Mon regard qui fixait le verre que Danika faisait tourner entre ses doigts se relève sur elle. « Qu’est-ce que tu entends par pas très légal ? ». Parce que j’ai besoin de savoir, même si au fond je sais ce que ça sous-entend et en même temps, les activités illégales sont nombreuses : drogue, prostitution, blanchiment d’argent… et les travers qui impliquent de la violence, des histoires de meurtres… Non je ne pouvais l’imaginer dans des histoires pareilles… « Dani… tu me le dirais si tu en savais plus ? » je demande alors, mon regard insistant, interrogateur, comme si j’essayais de déceler une information de plus sur son visage.

Tout cela me laisse perplexe, je me perds un peu dans mes pensées et fini par descendre mon second verre un peu trop vite. Mais je ne compte pas passer toute ma soirée à penser à lui, à réfléchir sur ce que Danika vient de me confier. J’aurai tout le loisir de le faire demain et les jours suivants qui sont encore nombreux avant que je puisse retrouver un semblant de vie normale. Alors, je dépose mon verre sur la table, emboitant à nouveau mes béquilles « Bon, va falloir qu’on se départage. C’est à ton tour Riley ». Je préfère occuper mon esprit et me replonger dans cette soirée où je passe juste du bon temps avec ma meilleure amie, même si au fond, mes pensées sont maintenant préoccupées… « Au fait, si tu as besoin que je te garde Maddox, vu que mes journées sont bien remplies en ce moment, tu n’hésites pas à me le déposer. Si ça peut te permettre de te soulager un peu avec le boulot et le reste ». J’entends bien sûr dans le reste la gestion du dojo. Je laisse Danika choisir sa boule et là regarde s’élancer à nouveau vers la piste.

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