C'était un grand jour ! Sûrement l'un des jours préféré du mois pour l'Américain. Le soir avait lieu le rendez-vous mensuel de poker et il avait hâte d'y être. Ce mois-ci, c'était lui qui recevait, un moyen pour lui de montrer ce qu'il a réussi à construire et surtout de confirmer sa réputation qui ne cessait de grimper. Il ne pensait pas en arriver à ce stade à son arrivée à Brisbane ou sa seule ambition était de rejoindre ce gang pour se faire de l'argent, puis les rouages de cette vie qu'il avait accepté s'étaient mis en marche et il avait franchi chaque obstacle jusqu'à se retrouver à la tête de celui-ci. Il n'avait pas manqué de faire croître ce gang qui tournait principalement autour de la drogue. Il y ajouta des armes et des femmes. De quoi régner sur Brisbane aisément. Il était comme un roi assis sur son trône, gérant d'une main de fer tout ce petit monde en leur offrant la famille qu'ils n'ont jamais eu. La plupart vivaient dans la rue, la plupart serait enterré à ce jour s'il n'avait pas été là. Il leur offrait tout ce dont ils avaient besoin en échange de leurs services et ça fonctionnait plutôt bien. Le Club était au plus haut et il ne comptait pas s'arrêter en si bon chemin. Le jeu venait tout juste de trouver une place dans l'organisation criminelle. Des jeux clandestin, tel que la roulette ou le poker, de quoi se faire un peu plus de fric chaque soir, rien d'anormal dans ce monde. Un rituel avait été mis en place avec des collaborateurs faisant parti de la pègre, mais également du monde des affaires, des avocats, des hommes pleins aux as qui se retrouvaient autour d'une table à miser gros. Les soirées poker s'organisait chez chacun mois après mois, chacun jouant le rôle de l'hôte chacun leur tour. Un moyen de trouver une certaine équité. Chaque fois, c'était le même cinéma. La salle de jeu devait être splendide, il devait y avoir de quoi boire, de quoi manger et surtout, il fallait être accompagné. La compétition commençait déjà à ce niveau-là, chacun arrivant avec leur trophée au bras. Si certains venaient avec leurs épouses, d'autres ne se privait pas d'engager les plus belles escortes pour en mettre pleins la vue aux autres. Puis il fallait avouer que chacun espérait déconcentrer l'adversaire ainsi. En tant qu'homme marié Mitchell venait très rarement en compagnie de sa femme à ce genre d'événement, voir jamais. Il l'y avait emmené une seule fois à vrai dire et c'était juré de ne plus jamais l'y emmener. Mavis était une femme incontrôlable, jalouse et fourbe. À part lui causer du tort elle ne pouvait pas être bénéfique durant ces soirées, à son plus grand désespoir. Elle avait du mal à accepter le fait qu'il y aille accompagner d'autres jeunes femmes et principalement par celles travaillant au Club. «Encore une soirée Poker ?» Qu'elle soupira en faisait mine de bouder. Mitchell ne l'écoutait même pas et se contentait de se préparer face au miroir. Vêtu d'un costume trois pièces plutôt classe, il peaufinait sa coupe de cheveux tout en observant Mavis du coin de l'œil à travers le miroir. «Et je parie que tu vas y aller avec cette garce de Naomi ?» Il la sentait venir la crise de jalousie et n'était pas d'humeur à se prendre la tête avec sa femme ce soir. «Non, j'y vais seul.» Il se retournait et s'approchait d'elle. «Ce soir, c'est entre hommes, pas de femmes, puis tu sais que si je fais ça c'est pour le business rien d'autre.» Qu'il lui disait en la regardant droit dans les yeux. Il lui mentait sans problème, il n'avait pas de compte à lui rendre. Il l'embrassait rapidement avant de quitter l'appartement pour rejoindre la voiture qui l'attendait devant. Il n'organisait aucune soirée à son propre domicile, c'était bien trop risqué. Il avait fait l'acquisition d'un appartement à Spring Hill qui offrait une vue magnifique sur la ville, un appartement décoré soigneusement qui pouvait passer pour un appart témoin tellement qu'il manquait de vie. Il arrivait sur les lieux assez rapidement, prenant l'ascenseur pour arriver jusqu'au dernier étage, il serrait la main d'un de ses hommes de main qui était posté devant la porte et entrait dans l'appartement ou tout s'organisait petit à petit. Un buffet se préparait d'un côté tandis que le barman s'assurait d'être prêt pour la soirée. Les tables de jeux étaient prêtes et les croupiers préparaient le terrain. Il souriait avec satisfaction et avançait jusqu'à la terrasse où il reconnut la silhouette qui y était présente. Il avançait doucement jusqu'à se retrouver face à Naomi qui était elle aussi déjà présente. «Bonsoir beauté.» Qu'il disait en s'avançant pour lui déposer un baiser sur la joue. « Comment ça va ce soir ? Tu es prête ?» Qu'il lui demandait, soucieux de savoir si elle était au meilleur de sa forme pour la soirée qui allait sûrement être longue.
Elle soupira une énième fois, et entra dans l’ascenseur. Elle fit face à son reflet, et ne put s’empêcher de se rapprocher du miroir pour effectuer une ultime vérification de son maquillage. Son teint était clair et frais, ses lèvres mises en valeur par un gloss transparent. Quant à ses yeux clairs, ils avaient été rendus perçants par un maquillage charbonneux. Sa manucure ? Rouge sang, irréprochable. Quant à sa tenue, si son choix s’était naturellement porté sur une robe, elle avait longuement hésité sur le reste : courte pour dévoiler ses jambes ? Décolleté plongeant pour mettre en valeur sa poitrine ? Dos nu jusqu’à sa chute de reins pour éveiller l’imagination des hommes ? Elle avait finalement opté pour une robe noire avec un décolleté pigeonnant, qui ne manquerait pas d’attirer l’oeil — tout en garantissant le devant de la scène à Michell. Ce soir, l’Australienne avait tout de la femme fatale. Un choix qui n’était pas si anodin que cela, puisqu’elle l’avait fait en sachant pertinemment que le patron du Club y serait sensible. Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent, et elle en sortit en jetant un dernier coup d’oeil à son reflet. Elle esquissa un sourire de satisfaction : elle pouvait être fière d’elle.
Elle savait qu’elle était chanceuse, que toutes les escort-girls du Club ne bénéficiaient pas de tant d’égards, que nombreuses filles auraient voulu être à sa place. Dans cet appartement somptueux de Spring Hill, où des tables de jeux avaient été dressées pour l’occasion. À l’intérieur, le service traiteur engagé pour l’occasion et les croupiers s’activaient et disposaient leur matériel avec précision. Si Naomi allait assister pour la première fois à l’une des fameuses soirées poker organisées par son patron, elle pouvait bien sentir qu’il n’y avait ici aucun amateurisme. Ce qui, clairement, rajoutait une pression sur ses épaules. Elle jeta un coup d’oeil circulaire à la pièce, analysant chacun des visages qui était dans les parages. Malheureusement, elle n’en reconnut aucun ; vraisemblablement, le boss du Club n’était pas encore arrivé. Elle n’était pas réellement surprise — il attendait probablement le dernier moment pour se montrer, en tant qu’hôte de la soirée — mais ça ne la rassurait pas du tout. Allait-elle devoir faire son entrée seule ? Allait-elle être à la hauteur des attentes de Mitchell ? Mise à contribution, ou exhibée comme un trophée ? Dans un cas comme dans l’autre, elle était prête. Prête à mener à bien sa mission, à être irréprochable, à prouver que son statut de petite favorite n’était pas usurpé. Elle s’appuya contre la balustrade de la terrasse, posa son menton sur sa paume, et se perdit dans la vue exceptionnelle de tout Spring Hill. Décidément, Mitchell savait mettre les petits plats dans les grands pour recevoir et impressionner.
Elle sursauta lorsqu’une voix relativement proche s’adressa à elle, et se redressa pour faire face à son interlocuteur. Mitchell était arrivé, et avait pris le temps de venir la saluer. Un bon point — elle aurait ainsi l’occasion de lui poser les quelques questions qui tournaient en boucle dans sa tête. « Ça va. » Admit-elle en esquissant un léger sourire, alors que Mitchell embrassait sa joue pour la saluer. Elle était soulagée de voir ce visage familier, de sentir sa présence à ses côtés. Elle n’était plus seule, désormais. Aux côtés de Mitchell, elle n’avait rien à craindre : il prendrait soin d’elle, et elle le savait. « Et toi ? » Demanda-t-elle, tout en sachant pertinemment qu’il avait l’habitude de ce genre de soirée. Il n’y participait pas seulement ; cette fois-ci, il en était l’organisateur. Il serait sur le devant de la scène — et elle aussi, par conséquent. « Tu as vu les choses en grand, ce soir. » Commenta-t-elle simplement, alors qu’un serveur s’approchait timidement d’eux. Apparemment, tout le monde connaissait Mitchell et savait qu’il avait un rôle prépondérant dans cette soirée. Sur le plateau du jeune homme, deux flûtes de champagne trônaient fièrement au milieu. Les deux membres du Club ne se firent pas priés, et le serveur s’éclipsa aussi vite qu’il était apparu. « Vraisemblablement, tu leur fais forte impression. » En même temps, il transpirait la confiance en lui, et sa carrure massive ne faisait qu’accentuer ce sentiment de maîtrise et de plein pouvoir. « Je crois. » Répondit-elle en hochant légèrement la tête, avant de passer une main dans ses cheveux. Elle les avait lissés, puis rassemblés en une queue de cheval haute. « Il y a des enjeux particuliers et que je devrais connaître ? » Elle se fichait d’avoir le détail des deals et des tractations de Mitchell ; ça ne regardait que lui, et ses partenaires ou alliés. « Ou des hommes dont je dois me rapprocher ? » Précisa-t-elle, pleinement consciente de le rôle qui allait être le sien lors de cette soirée.
Il plongea son regard dans le sien avant de grimacer légèrement. « Pour être honnête. » Il marquait une petite pause en laissant son regard se perdre sur la vue qu’offrait la terrasse de l’appartement. « Je suis stressé. » Qu’il disait simplement. C’était peut-être dur à croire, mais l’Américain stressait toujours avant ce genre de soirée, surtout lorsqu’il en était l’hôte. Chaque invité était trié sur le volet, des hommes de main se tenaient à intervenir en cas de problème, mais il y avait toujours ce risque de voir la police franchir le seuil de la porte, une peur profonde qu’il avait depuis toujours et qui ne cessait de planer au-dessus de sa tête. Il le savait qu’il risquait gros d'organiser ce genre de soirée et il savait que son entreprise dans l’ombre pouvait en subir les conséquences. En homme méfiant, il avait pris beaucoup de disposition pour que tout se passe pour le mieux, mais cela ne l’empêchait pas de se méfier, car un grain de sable pouvait tout faire capoter. « Mais ça ira mieux après un verre ou deux !» Il brisait le faible silence avec un sourire convaincant et un clin d’œil. Il observait le serveur qui s’approchait d’eux plateau à la main et se pressa de saisir les deux coupes de champagne avant d’en tendre une à sa cavalière. Le serveur ne se fit pas prier et retourna à ses occupations. « C’est surtout de la crainte, il y a beaucoup de pression lors de ce genre de soirée. Les invités sont exigeants. » Il ne se mettait pas dans le même lot que ces avocats ou hommes d’affaires, il était resté plutôt humble et adaptait son comportement en fonction de la personne qui se trouvait face à lui. Une pièce de théâtre grandeur nature. Ce qu’il ne précisait pas, c’était l’arme qui pendait au-dessus de la tête de chaque personne travaillant ici ce soir. Ils étaient soumis au secret et la moindre allusion à cette soirée causait leur mort. Sans aucun détour. « Tu verras, tu te sentiras comme un poisson dans l’eau après quelques minutes au milieu de tous ces requins. » Il la taquinait légèrement tout en s’adossant contre la rembarre de la terrasse. « Il y a beaucoup d’habitué ce soir, des clients qui rapporte beaucoup au Club, je te demanderais d’être particulièrement agréable avec eux. Méfie-toi cependant du docteur Gump, c’est un pervers et je n’ai pas envie de voir ses mains sur toi. » Naomi faisait partie des favorites de l’Américain et la protéger faisait partie de son rôle. « J’aurai sûrement besoin de ton sourire pour conclure une affaire ou deux, mais je t’en ferai part au moment venue. Le plus important, c’est de passer du bon temps. » La présence d’une belle femme pouvait souvent jouer sur la balance lors de négociation et Mitchell comptait bien s’en servir.
Mitchell regardait sa montre avant de tendre son bras à la jeune femme. « C’est l’heure. » Ils retournaient à l’intérieur ou chaque employé leva le regard vers le boss qui allait donner quelques instructions avant l’arrivée des premiers convié à la soirée. « Je ne répéterais pas les conditions liées à votre présence ici, je vous demande d’être très attentif ce soir, aucun verre vide, aucune vaisselle qui traîne dans un coin, aucune erreur de comptage. Tout doit être parfait, car si quelque chose ne se passe pas bien, ça ne sera pas vous, mais moi la risée de la soirée et pour le bien de tout le monde ça ne doit pas arriver. Vous ne regardez pas les invités droit dans les yeux, vous ne leur posez pas de questions, chacun tient à son intimité. Vous serez gracieusement payé à la fin de la soirée. Je vous souhaite bon courage. » Il leva son verre en direction de chacun avant de se tourner vers Naomi. « Allons prendre un verre dans la cuisine en attendant les invités. » Mitchell tenait à faire son entré une fois tous les convives présents. Il vérifiait au passage si tout était bien mis en place, attrapant deux nouvelles coupes de champagne sur le chemin. Il en tendait une à la jeune femme. « Ah et si jamais tu te retrouves dans une situation qui ne te conviens pas, n’hésite pas à me faire signe en te frottant le nez par exemple, je viendrais à ta rescousse. » Un sourire sincère sur le visage, il plongea ses lèvres dans le liquide doré, impatient de débuter la soirée.
« Stressé ? » Répéta-t-elle en haussant légèrement les sourcils, surprise par l’aveu de Mitchell. Ce n’était pourtant pas l’image qu’il renvoyait — un bon point pour lui, d’ailleurs. L’illusion était maintenue, et c’était là l’essentiel : le patron du Club avait une véritable prestance, et jouissait d’une excellente réputation. « Pourquoi ? » Demanda-t-elle, s’interrogeant sur les tourments qui pouvaient habiter un homme tel que Mitchell. Comment occupait-il ses journées ? Avec qui avait-il rendez-vous ? Quels étaient ses projets pour l’avenir ? Avait-il des objectifs ? Craignait-il parfois pour sa vie ? Ou, à l’inverse, était-il envahi par un sentiment de toute puissance ? Projetait-il d’agrandir le Club, ou de le développer d’une façon quelconque ? Naomi aurait adoré échanger de ces sujets avec le brun charismatique, mais se garda pourtant bien de poser la moindre question. Elle était en bas de l’échelle. Elle n’était qu’une escort-girl. Qui avait certes tapé dans l’oeil du patron, ce qui n’était pas rien. Mais ils n’en étaient pas à discuter de familiarités et de projets grandiloquents pour l’avenir. « Enfin… Ce n’est pas comme si tu n’avais pas l’habitude, si ? » Si elle prenait part pour la première fois aux soirées spéciales de son boss, elle savait pertinemment qu’il les organisait régulièrement. L’escort-girl savait parfaitement qu’il s’y rendait toujours accompagné d’une présence féminine — souvent, sa petite préférée du moment au Club. Naomi s’était longuement interrogée sur les ressentis et les appréhensions éventuelles de l’épouse de Mitchell : comment pouvait-elle accepter une telle chose ? Comment pouvait-elle tolérer qu’il s’affiche au bras d’une autre femme ? Comment pouvait-elle avoir confiance, tout simplement ? Elle secoua la tête ; cela ne la regardait pas. Elle ne connaissait pas les deals qui unissaient les époux Strange et, très objectivement, elle ne voulait rien savoir. D’un point de vue strictement business, l’Australienne devait reconnaître qu’elle trouvait son boss plutôt malin ; elle n’ignorait pas que la présence d’une femme, à ses côtés, avait pour but de divertir l’assemblée. « Tu as déjà fait ce genre de soirée, avec ce type d’invités… Donc il n’y a aucune raison que les choses se déroulent mal. » Déclara-t-elle, sincèrement confiante. Enfin, sauf si elle faisait une belle boulette — ce dont elle doutait. Elle-même était sur ses gardes, et veillerait à ne pas sortir du rôle qu’on lui avait donné. C’était le monde à l’envers : c’était elle la novice, et c’était elle qui en venait à le rassurer. « Même si, j’en conviens, ça ira mieux après un verre ou deux. » Dit-elle en souriant, amusée. Elle serait néanmoins vigilante : le but, ce soir, n’était pas de s’enivrer. Elle devait garder les idées claires, rester attentive, et être en mesure de réagir rapidement si Mitchell lui en faisait la demande. « Ils ne me font pas vraiment peur. » Admit-elle en haussant les épaules. Quelques têtes seraient sans doute familières. Peut-être même avait-elle déjà été entre les draps de certains d’entre eux. Mitchell ne lui avait rien dit, à ce sujet. « Et si jamais je suis mal à l’aise, il me suffira de sourire et de battre des cils. » Plaisanta-t-elle, mettant en œuvre sa technique pour convaincre le boss du Club. Elle redevint sérieuse quand il évoqua un client spécifique, qui serait présent ce soir. « D’accord. » Dit-elle en inclinant légèrement la tête, mémorisant scrupuleusement les conseils et autres ordres de Mitchell. « Un signe distinctif particulier ? » Demanda-t-elle en fronçant légèrement les sourcils, alors que le nom qu’il lui donnait ne sonnait pas familièrement à ses oreilles. Elle n’avait probablement jamais dû avoir affaire à lui — Mitchell avait peut-être décidé de la préserver, tout au long de ses années. « Noté. Je compte sur toi pour venir me chercher quand ce sera nécessaire. » Déclara-t-elle. En attendant, elle ferait exactement ce qu’il lui avait demandé — siroter quelques coupes de champagne, discuter avec quelques clients privilégiés du Club, sourire et faire semblant d’être charmée. Elle connaissait toutes les ficelles, Naomi, et elle en jouait volontiers.
Elle se saisit du bras que Mitchell lui tendait, et afficha un large sourire sur son visage. Sois belle et tais-toi, un adage qu’elle comptait appliquer à la lettre. Le ton solennel et sérieux que Mitchell prit pour s’adresser aux employés la laissa complètement de marbre ; elle savait qu’il était dans son rôle. Elle récupéra la coupe de champagne qu’il lui tendit, alors qu’ils s’éclipsaient momentanément dans la cuisine. « D’accord. » Confia l’Australienne en inclinant légèrement la tête. « Est-ce qu’il y a des limites que je ne dois pas franchir ? » Demanda-t-elle, avant de boire une gorgée du breuvage pétillant.
Il n’avait pas honte d’avouer qu’il était stressé. Pour lui ce n’était pas réellement une faiblesse, bien au contraire. Le stress rejoignait la volonté de bien faire et il savait que quiconque réussissait dans la vie avait des instants comme celui là ou le stress prenait part. Recevoir de nombreuses personnes pour une partie de poker était anodin en soit, mais les recevoir dans un contexte totalement illégal était diffèrent. C’était risque et le stress provenait principalement de ce détail. Si l’événement arrivait aux mauvaises oreilles, le risque de voir les flics débarquer était fort probable. L’Américain n’était pas naïf et avait conscience du risque qu’il prenait. Après cela venait l’envie de bien faire, de passer pour le meilleur organisateur de la liste, mais c’était une tout autre histoire. Naomi paraissait surprise et s’empressa de lui demander pourquoi. Il haussa les épaules tout en répondant. « Est-ce que le fait de vouloir impressionner mes convives vaut le coup d’aller en prison ? » Qu’il disait en grimaçant. « C’est beaucoup de risques pour une soirée. » Puis c’était à la fois le genre de soirée ou l’erreur n’était pas toléré. Une descente de flic et il était fini, une embrouille et certains clients ne pointeraient plus le bout de leur nez. Tout tenait à un seul fil et tout devait se dérouler au mieux. C’est d’ailleurs pour cela qu’il ne prenait pas la peine d’inviter sa femme qui était à elle toute seule une grande source de problème. Les seules fois ou elle avait été présente, la soirée avait frôlé la catastrophe. Elle était avide de scène de jalousie et avait tendance à ne pas contrôler ses ardeurs, faisant un scandale pour un oui et pour un non, du Mavis tout craché qui était proscrit à ce genre de soirée. Se faire remarquer pour avoir organiser une merveilleuse soirée poker était le but et non l’inverse. « J’en ai fait des dizaines et pourtant je commence chacune elles avec une boule au fond de la gorge, mais t’en fais pas. » Un clin d’œil accompagnant ses dires. Son but n’était pas d’affolé la belle Naomi non plus. «C’est un peu comme un artiste qui a le trac avant de monter sur scène, ça ne l’empêche pas de cartonner.» Ajoutait-il grand sourire aux lèvre et il ne pensait pas mieux dire puisque chacune de ces soirées donnaient l’impression d’être une grande pièce de théâtre puisqu’il jouait un rôle. Mitchell avait beau être un tirant, il se montrait assez naturel avec les personnes en qui il avait confiance. Il pouvait être impressionnant par son allure, il ne restait ni plus ni moins un être humain avec des faiblesses et des doutes. « Tu as raison de ne pas avoir peur, ce sont pour la plupart des grandes gueules, mais ils savent qu’ils e peuvent pas se permettre d’en faire plus. » Pas si ils tiennent à leur vie du moins. Des paroles que le brun se retenait d’annoncer à la jeune femme qui n’avait qu’à se soucier de battre des cils et de sourire comme elle le disait. « Avec ton charme tu feras qu’une bouchée de ces hommes ! » Qu’ils ajoutait avec un clin d’œil. Il ne pouvait pas nier que Naomi était le type de femme pouvant faire chavirer n’importe quel homme. « Je suis très observateur, je ne manquerait de remarquer que tu es détresse si ça devait arriver et je n’hésiterai pas à venir te porter secours. » Il se voulait rassurant, c’était aussi son rôle malgré tout de prendre soin de ceux qui l’entoure. Ils entrèrent en scène sans plus tarder, coupe de champagne en main, Mitchell offrait l’un de ses plus beau sourire aux convives qui arrivaient petit à petit. « La seule limite à ne pas franchir est celle que tu te fixe ma belle. » Qu’il lui chuchotait à l’oreille. « Mais n’en fait pas trop non plus. » Sourire en coin, il accueillait chaque invité en compagnie de Naomi à son bras, alors que les serveurs se précipitait pour mettre le buffet en place et servir les boissons.
« J’espère pour toi qu’il ne s’agit pas seulement de les impressionner. » Fit remarquer l’escort-girl en haussant les épaules. Parce qu’in fine, quand on se débrouillait bien, faire forte impression sur les gens n’était pas si difficile. Il suffisait d’avoir beaucoup d’argent, et un peu d’imagination. « C’est peu de risques, quand on sait que tout ceci va te permettre de prouver que tu es et restes le maître. » Déclara-t-elle, en souriant légèrement. Les méthodes qu’elle utilisait avec Mitchell n’étaient pas vraiment différentes de celles dont elle usait pour ferrer ses clients. Dans un premier temps, il fallait rassurer son interlocuteur : lui dire qu’il se débrouillait bien, qu’il était méritant. Dans un second temps, le flatter l’aiderait forcément à se sentir en confiance, à se détendre. Enfin, témoigner son admiration. Trois étapes, essentielles, mais qui étaient infaillibles — ou presque. Elle fut presque tentée de vérifier sa petite technique sur le dirigeant du Club en déposant ses lèvres sur les siennes pour savoir s’il savait rester maître de lui-même, mais elle s’abstint : mieux valait ne pas tout mélanger. Surtout quand on s’apprêtait à tenir une soirée clandestine, avec un gratin à accueillir dignement. « Dans ce cas, tu devrais peut-être songer à engager des masseuses. » Plaisanta-t-elle, alors que le patron du Club lui confiait être angoissé avant le début de chacune de ses soirées privées. « Non seulement tu pourrais en bénéficier en priorité, mais je suis sûre que les premiers perdants des parties seraient ravis de se faire chouchouter. »
Naomi fut reconnaissante de voir son supérieur s’échiner à la rassurer sur un point qui, foncièrement, ne l’inquiétait pas des masses. La métaphore choisie l’amusa, et elle n’hésita pas à plaisanter pour détendre l’atmosphère. « Si tu te mets à chanter ce soir, tu seras mon héros. » Plaisanta l’Australienne, alors que le patron du Club comparait son stress au trac qu’un artiste pouvait ressentir avant de monter sur scène. Pour sa part, elle rapprocha cette sensation à ce qu’elle pouvait ressentir, avant de rencontrer un nouveau client. Une personne qu’elle ne connaissait pas, qu’elle n’avait jamais vu, et avec lequel elle devait jouer la partition parfaite. Elle se devait d’être toujours tirée à quatre épingles, toujours prête à répondre aux demandes — y compris les plus saugrenues. Avec le temps et l’expérience, elle avait aussi appris qu’écouter représentait une grande partie de son travail ; souvent, les hommes qui se payaient ses services avec besoin d’évacuer un trop plein d’émotions, qu’elles soient négatives ou positives. Il était souvent question de stress, de responsabilités, de pression excessive. Ou, plus trivial mais tout aussi porteur, question d’une femme qui ne donnait plus satisfaction. « Exact. » Confirma l’escort-girl en inclinant légèrement la tête. « Il faut dire que, depuis quelques temps, vous, la gent masculine, avez fait pas mal d’efforts avec nous. » Elle tapota sa main sur le torse de Mitchell, alors que ses lèvres s’étiraient en un sourire amusé. Le mouvement me too et les dénonciations en cascade ? Naomi avait regardé cette évolution de loin, mais n’y avait jamais participé. Elle en aurait eu, pourtant, des histoires sordides à raconter. De beaux noms à écorcher. Des réputations à piétiner. Mais ce n’était pas son combat. « C’est le but, non ? » La question était purement rhétorique. Elle osa faire un clin d’oeil à son interlocuteur, et reposa son regard sur le personnel qui avait été engagé pour la soirée, et qui s’activait dans les différents recoins de l’appartement. « Ne t’en fais pas, ça devrait aller. » Dit-elle en haussant les épaules. Comme elle le lui avait dit, passer une soirée en compagnie du gratin de Brisbane et du Queensland ne l’impressionnait pas beaucoup. « Préserve ta réputation, et assure-toi que la soirée se déroule bien : c’est l’essentiel. » Hors de question que son comportement aguicheur ne vienne bousculer cette fameuse partie de poker ; Naomi resterait à sa place, sauf si Mitchell l’envoyait au charbon. Elle prit une gorgée de champagne, fit un petit pas en arrière pour laisser le dirigeant du Club sur le devant de la scène, et accueillit poliment les invités qui commençaient à arriver. Hochements de tête, sourires discrets : elle restait en retrait, même si son bras était glissé sous le sien. Pour le moment, en tout cas.
« Non, plutôt de leur montrer qui est le chef. » Un rôle qu’il devait justifier chaque instant par des actes de cruauté ou encore des soirées de la sorte. Un moyen de montrer qu’il était bien là et qu’il valait mieux être de son côté plutôt que contre lui. La violence était un point majeur, mais il n’oubliait pas que ça ne faisait pas tout et qu’il fallait des fois savoir être courtois et se comporter comme un digne homme d’affaire. Elle confirmait ce qu’il disait et parvenait à le faire sourire une fois de plus. « Malheureusement c’est une place tangible, il y aura toujours certain ambitieux qui voudront occuper la place que j’occupe et s’il y a une » Il était en effet le maitre, le roi des rues de Brisbane, mais cela ne signifiait pas pourtant de prendre tout pour acquit. Sa place était convoitée et il ne fermait pas les yeux à ce sujet. Ses nuits étaient mouvementées et sous son oreiller se trouvait un calibre neuf. Il accordait sa confiance à peu de personne et tentait d’avancer au quotidien sans faillir à cette règle. Naomi n’était pas de mauvais conseil sur l’instant. Engager des masseuses n’était pas une mauvaise idée pour ce genre de soirée et ça permettra à chacun de se détendre malgré la défaite. Elle marquait un point l’Escort et il ne manquait pas de la gratifier d’un sourire. « C’est une belle idée, j’en prends note et je n’hésiterai pas la prochaine fois à tester cette idée qui je suis sûr devrait plaire à la gente masculine. » appâter ces messieurs pour qu’ils dépensent d’avantage et ne partent pas fâcher était une bonne stratégie et à cet instant précis il voyait en Naomi un atout qui n’était pas discutable. Il en recevait de nombreux conseils, de nombreuses idées pour améliorer ce genre de soirée ou même la vie quotidienne au Club, mais ceux qui étaient le mieux placé était bel et bien ceux qui étaient sur le terrain et il en avait parfaitement conscience. C’est pour cela qu’il écoutait sagement ce qu’avait la brune à dire, c’est ainsi qu’il parvenait à se faire respecter par chacun au quotidien et c’est ce qui faisait de lui un chef de famille apprécié.
Il ne partageait pas spécialement les façons de faire de ces messieurs qui payait pour un peu de compagnie, il n’en avait pas besoin, mais leur offrait l’opportunité de le faire et s’il y avait une chose à laquelle il tenait beaucoup c’était que tout se déroule pour le mieux. Il avait un œil partout et enfreindre les règles établies n’était pas conseillé sous peine de faire face au boss lui-même. Il ne considérait pas les femmes qui travaillaient pour lui comme du bétail, loin de là et il espérait que les clients en fassent de même. Il la rassurait, bien qu’elle ne paraissait pas stressée à l’idée de participer à cette soirée qui mêlait argent et plaisir. Puis tout était une question de réputation, rien de plus. Une bonne soirée de passé pour chacun des convives signifiait qu’ils allaient revenir avec d’autres gros bonnets et que l’argent allait couler à flot. Naomi le rassurait une dernière fois sur le déroulement de la soirée, des dires qu’il acceptait avec un hochement de tête. « Dans ce cas, c’est parti ! » Il saluait chaque invité en compagnie de Naomi à son bras, leur montrait le chemin jusqu’au buffet en attendant le début des festivités. Il jetait un œil à Naomi qui jouait très bien son rôle. Tout allait très bien se passer, il n’avait plus aucun doute là-dessus ! Il serrait la main d’un homme qui s’approcha avec un grand sourire, le fameux docteur Gump qui ne manquait pas de dévorer du regard la jeune femme au bras du mafieux. « ça me fait plaisir de te voir parmi nous, je t’en prie, prend un verre ! » S’exclamait l’Américain avec un sourire qui était pure comédie. Il ne supportait pas ce type et comptait bien l’avoir à l’œil toute la soirée. Il se penchait vers Naomi. « C’est lui l’homme dont tu dois te méfier. » Qu’il lui précisait avant de relever la tête pour accueillir les derniers arrivant.
« Sans compter que ça pourrait clairement me… » Commença-t-elle, avant de réaliser que sa place lors de ces soirées spéciales n’était pas acquise. C’était la première fois que Mitchell la conviait, et elle en était ravie : indirectement, cela prouvait qu’il était satisfait de son travail, de la façon dont elle agissait. Elle le voyait comme une récompense et, à vrai dire, elle espérait que cela se renouvèlerait à l’avenir : les clients conviés étaient des fidèles du Club. Cependant, consciente qu’elle s’était peut-être un peu trop avancée et qu’elle avait sans doute trop vite enterré ses concurrentes mais néanmoins collaboratrices, Naomi se reprit : « Nous faciliter le travail. » L’alcool avait une place prépondérante dans la relation qu’elle avait avec ses clients, ces derniers souhaitant souvent s’enivrer légèrement avant de passer à l’acte. L’escort-girl avait rapidement compris que cette petite dose leur permettait de se détendre, de se laisser aller, de sauter le pas et d’être, in fine, plus à l’aise. « Même si les meilleures d’entre nous n’ont pas besoin de ça. » Ajouta-t-elle en lui faisant un clin d’oeil. Et quand elle disait ça, elle parlait évidemment d’elle-même. Naomi détestait qu’on lui résiste, et elle avait plus d’un tour dans son sac pour convaincre tout le monde — y compris les plus farouches.
« Noté. » Dit-elle en inclinant légèrement la tête, alors qu’elle découvrait le visage de l’homme aux moeurs légères, qui inquiétait Mitchell. Enfin, ce verbe était-il judicieusement choisi ? Pas vraiment ; il était évident que le cher docteur ne ferait pas un pli, face aux muscles et à la vivacité d’esprit de Mitchell. La moindre menace serait balayée d’un revers de main, et on n’entendrait plus jamais parler du brave docteur. « Je te ferai signe s’il se passe quelque chose. » Déclara-t-elle, sans réellement craindre les agissements de Gump. Naomi salua poliment les derniers invités qui arrivaient, et eut un petit sourire amusé en reconnaissant les traits familiers d’un des clients avec lesquels elle avait déjà batifolé dans des draps de soie. Ce dernier marqua un temps d’arrêt, comme surpris de la croiser ici. Il jeta machinalement un coup d’oeil à sa tenue, et l’escort-girl ne masqua pas un sourire amusé. Alors qu’il arrivait à leur hauteur pour saluer le patron du Club, qui était actuellement occupé avec un autre invité, Naomi se pencha légèrement pour murmurer : « J’étais effectivement moins habillée, la dernière fois que l’on s’est croisé. » Elle confirmait les doutes du dernier arrivé, en faisant clairement référence à la nuit qu’ils avaient passé ensemble. Ce dernier devint rouge pivoine, et toussota pour faire passer son malaise. Il semblait sur le point de faire une remarque lorsque, finalement, Mitchell s’intéressa à lui. Naomi retourna à sa place et, loin d’être gênée ou d’avoir froid aux yeux, fit à son ancien client un clin d’oeil complice. Mais un clin d’oeil qui, évidemment, signifiait que tout était encore possible.
Les hommes s’installèrent finalement autour des tables de jeu et, toujours au bras de Mitchell, Naomi traversa la pièce. Bientôt, le patron du Club se retrouva happé dans une conversation avec l’un de ses invités, et l’escort-girl profita de ce moment pour s’éclipser sur la terrasse. Elle déposa sa flûte de champagne sur le rebord de la balustrade, observa la ville, et sentit bientôt une présence derrière elle. Inutile de se retourner ; elle était quasiment sûre de savoir qui était l’homme qui avait osé s’aventurer jusqu’ici. Il déposa une main possessive dans le creux des reins de l’escort-girl, mais elle se dégagea bien vite. « Pas ici. » Murmura-t-elle, alors qu’elle détournait la tête avant que les lèvres de son interlocuteur et amant d’une nuit ne viennent se poser sur les siennes. Si elle n’avait rien contre le fait d’être courtisée en public, elle veillait cependant à ce que personne ne la pense inaccessible. Pour tous les hommes présents, elle devait être célibataire et disponible. Elle devait ménager les égos de chacun, et donner l’impression de n’appartenir à personne — et en même temps, d’appartenir à tous. L’équilibre n’était pas facile à trouver, mais Naomi évoluait depuis suffisamment longtemps au Club pour savoir où se situaient les limites. « Et pas maintenant. » Ajouta-t-elle à voix basse. Mitchell ne l’avait pas briefée quant à la conduite à avoir ce soir, si un homme la réclamait.
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