La nuit avait été particulièrement longue puisque Caelan avait eu beaucoup de difficultés à fermer l’œil. Il avait beau être fatigué, il n’avait pas pu faire autrement que de penser à ce qui l’attendait le lendemain. Il avait fait la promesse à Norah qu’il lui raconterait les détails de sa rupture lorsqu’ils allaient être seuls, chez elle, et ce jour était arrivé. Effectivement, c’était à son tour de prendre soin d’elle aujourd’hui et il savait qu’il ne partirait pas de là-bas sans lui avoir tout expliqué, il était impossible que sa jumelle ait oublié ce qu’il lui avait promis. Caelan avait donc passé une partie de la nuit à moitié endormi, agenouillé devant la toilette, à deux doigts d’être malade. Il craignait que son aveu brise quelque chose entre sa sœur et lui, il n’y avait aucune chance que Norah réagisse positivement lorsqu’elle saurait ce qu’il avait fait. Elle n’était même pas devant lui qu’il pouvait voir son regard rempli de colère et de déception, ce qui ne faisait qu’accentuer son stress. Lorsque l’alarme de son cadran retentit, le trentenaire était réveillé depuis un bout de temps déjà, fixant le plafond au-dessus de son lit. Ses traits tirés démontraient clairement le manque de sommeil dont il avait été victime cette nuit, mais il s’agissait bien du dernier de ses soucis. Il allongea le bras pour éteindre son alarme, puis il se leva en trainant les pieds. Avant de sortir de sa chambre, il écouta attentivement pour voir si sa colocataire était dans l’air de vie commune, car il n’avait pas du tout envie qu’elle lui pose plein de questions en le voyant ainsi. Lorsqu’il fût convaincu que le chemin était libre, Caelan prit la direction de la salle de bain pour prendre sa douche, en espérant que ça le réveillerait un peu. Il s’habilla ensuite, puis il s’arrêta pour se regarder un instant dans le miroir, scrutant son teint blafard. « T’es capable. » dit-il en se regardant dans le blanc des yeux, pour se motiver, mais même lui n’y croyait pas. Il n’attendit pas plus longtemps avant de sortir de son appartement, l’estomac vide, il n’arriverait pas à manger de toute façon. Avant se rendre chez sa sœur, il fit un petit détour pour acheter deux cafés, il allait grandement en avoir besoin.

Caelan stationna sa voiture devant chez Norah, puis il en éteignit le moteur. Il resta assis un instant, la tête penchée vers l’arrière, alors qu’il tentait de se donner une once de courage. Il avait beau avoir passé la majorité de sa nuit à penser à la façon de lui annoncer, il n’avait toujours aucune idée des mots à utiliser. Le jeune homme ferma les yeux, prit une grande inspiration, puis il prit les deux cafés et sortit de sa voiture sans plus attendre. Il devait bien se rendre à l’évidence qu’il ne se sentirait pas soudainement mieux et qu’il n’y avait aucune autre solution que de se libérer de son secret même si ça impliquait que Norah le juge, avec raison. Avant de rentrer, Caelan cogna à la porte pour s’annoncer, puis poussa cette dernière avec son avant-bras. « C’est moi! » annonça-t-il d’une voix hésitante alors qu’il pénétrait dans la demeure de sa jumelle. Il referma la porte derrière lui et prit la direction du salon où Norah devait se trouver. Comme il s’en attendait, il n’y avait aucune trace des enfants, ceux-ci étaient supposés passer la journée chez des amis et il se doutait bien que c’était pour qu’ils puissent être seuls. Lorsque son regard croisa finalement celui de sa sœur, Caelan lui sourit faiblement. Sa nervosité se lisait sur son visage. « Hey. Comment tu te sens ce matin? » Il prit place sur le canapé, à côté d’elle, puis il lui tendit le café qu’il lui avait apporté. « Tiens, je t’ai apporté ça. » Il apporta sa tasse de café à ses lèvres et en prit une gorgée avant de regarder autour de lui. « Julie et Aidan sont partis chez des amis? » demanda-t-il pour confirmer leur absence, mais aussi pour gagner un peu de temps, malgré qu’il n’arriverait probablement pas à se concentrer sur ce qu’elle lui répondrait étant donné qu’il n’avait qu’une chose en tête actuellement.

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Le retour à la maison avait été un jour chargé d'émotions. Entre les collègues de Norah qui ressentaient un véritable soulagement de la voir suffisamment remise pour rentrer chez elle, le bonheur et l'enthousiasme de Marcus qui s'étaient portés volontaires pour la raccompagner à la maison. Hors de question de la laisser porter quoi que ce soit, son frère aîné refusait catégoriquement qu'elle porte quoi que ce soit jusqu'à la voiture, lui faisant comprendre qu'elle allait bien devoir s'y faire. Avant de partir, Norah s'était permise d'enlacer Andy, qui avait consacré énormément de temps et d'énergie pour sa guérison. Il n'avait pas lâché le morceau, pas une seule fois. Jamais n'avait-il envisagé la possibilité qu'elle puisse mourir même lorsque son état était plus que préoccupant. Personne ne l'avait abandonnée et pour cela, elle se sentait pleinement reconnaissante. Bien sûr, elle s'était déjà mise en tête de les remercier en bonne et due forme avec une montagne de pâtisseries faits maison. Elle en aurait pleinement le temps durant sa longue convalescence qui l'attendait. Norah était d'ailleurs étrangement sereine et apaisée, à l'idée d'avoir autant de temps libre devant elle. Une sensation qu'elle avait perdue depuis des années et qui lui faisait du bien. Les circonstances de son accident étaient encore bien flous, un duo d'inspecteurs étaient revenus quelques fois afin de récolter des informations et se sentaient bien désolés face à l'amnésie persistante de Norah. Ils en avaient rapidement fait une affaire personnelle; elle était la veuve d'un policier dont le meurtre demeurait irrésolu. C'était un argument amplement suffisant. Même Warrington était venu lui dire bonjour. Il semblerait qu'ils étaient menés à se voir dans les pires moments. Bien sûr, elle l'avait croisé quelques fois au commissariat quand elle s'y rendait pour retrouver Frank et même par après. Mais les souvenirs les plus marqués restaient ceux de l'enterrement, et maintenant sa visite à l'hôpital. Il avait toujours veillé sur elle, de très loin. Les enfants de l'infirmière n'avaient absolument aucune idée qu'elle rentrait ce jour-là à la maison. La surprise serait totale, une fois qu'ils seraient rentrés à la maison. Bien sûr, leurs oncles et Anwar avaient pris le temps de leur marteler encore et encore qu'il faudrait faire doucement avec elle. Que même s'ils désiraient plus que tout la serrer fort pour témoigner leur affection, ils ne le pourraient pas au risque de lui faire très mal. La maison était impeccable. Elle ignorait si c'était parce qu'elle était touchée qu'ils en aient pris autant soin ou le simple fait d'être de retour chez elle qui la rendit si émotive. Elle glisse un "Merci." avec une gorge bien serrée après de longues minutes de silence passées juste après que Marcus ait fermé la porte d'entrée derrière eux. Elle était venue se blottir contre lui quelques instants. Un de ces moments privilégiés qu'elle aimait avoir avec lui. C'était son grand frère, après tout.

Bien sûr, les enfants étaient des plus ravis de voir leur maman de retour. Même Julie, qui avait particulièrement mal vécu l'hospitalisation de sa mère, se sentait libérée d'un poids dès qu'elle avait croisé son regard. La pré-adolescente n'avait pas pris trop de temps avant de venir se confier auprès d'elle, une fois qu'Aidan était occupé ailleurs. Elle ne voulait pas que son petit frère la voit dans un moment de vulnérabilité. Les enfants Lindley étaient aussi heureux de voir la maison véritablement prendre vie, avec les visites régulières de leurs proches. Norah avait beau s'en remettre petit à petit, ses douleurs costales étaient encore bien présentes et soulagées par des antalgiques pris régulièrement. En revanche, elle était soulagée de constater qu'elle parvenait à se reposer correctement la nuit. Ce n'était pas optimal, mais comparé à ces derniers mois d'insomnie, ça relevait presque du miracle. Elle ne parlait pas vraiment de son accident, de comment elle le vivait encore à ce jour. Norah en avait touché quelques mots à Marcus et espérait qu'il garde ces confidences pour lui. S'il y avait bien une conversation qu'elle attendait de pied ferme, c'était celle avec son frère jumeau. Caelan devait encore expliquer les raisons précises qui l'avaient poussé à aller au Canada. En convalescence ou pas, ses oreilles et sa tête fonctionnaient très bien, ils pouvaient avoir cette discussion le plus tôt possible. Il savait que ça lui pendait au nez depuis qu'elle était de retour à la maison. Installée sur le canapé, tout minimisant ses mouvements afin de prévenir les douleurs, elle regardait une émission culinaire sur Netflix en l'attendant. Elle sourit en le voyant s'approcher d'elle, lui rapportant un café. "Merci beaucoup, t'es un amour." dit-elle en récupérant le gobelet cartonné. Il s'installait à ses côtés, s'interrogeant sur l'absence des enfants. "Anwar les a emmené faire un tour en bateau. Je lui ai demandé s'il voulait bien s'en occuper le temps que tu viennes. Et ils n'arrivent jamais à refuser une petite virée en mer." dit-elle avec un petit sourire. Elle se redressait et par cette simple mobilisation, elle grimaçait de douleurs avant d'inspirer profondément. Les douleurs allaient et venaient. D'autres étaient un petit peu plus latentes, mais supportables. Elle était loin d'être la plus douillette qui soit. C'était tout le contraire en fait, elle avait la fâcheuse habitude de minimiser son état. Norah voyait que son frère jumeau était tétanisé. Il n'était pas fier de ce qu'il avait fait, quoi qu'il ait pu faire. Elle ne voyait pas quel intérêt il avait à vouloir gagner du temps. Cela devait être difficile pour lui de se confesser à sa soeur pour quelque chose de grave, mais s'il pouvait bien en parler à une seule personne dans sa vie, c'était elle. "Autant crever tout de suite l'abcès, Caelan." Peut-être qu'elle lui en voudrait, peut-être que non. "Ca crève les yeux que ça te pèse, alors autant en parler tout de suite." ajoutait-elle d'une voix douce. "Ca t'évitera d'angoisser éternellement par rapport à la réaction que je vais avoir." Elle aussi de son côté était curieuse de savoir ce qui le mettait dans un tel état, et surtout, pourquoi il avait préféré fuir ses responsabilités plutôt que de l'assumer et le confier à sa soeur. Etait-ce par honte, ou plutôt par manque de confiance ?

« Ça va leur faire le plus grand bien. » dit-il en souriant légèrement. Il était somme toute assez content de savoir que Julie et Aidan n’étaient pas à la maison en ce moment, bien qu’il se demandait combien de temps ils avaient devant eux avant qu’ils reviennent. Il se connaissait suffisamment bien pour savoir qu’il n’allait probablement pas être beau à voir et il préférait que les enfants ne le voient pas pendant qu’il était vulnérable, ils avaient bien assez de s’inquiéter pour leur mère. D’autant plus qu’il ne s’attendait pas à ce que sa révélation laisse Norah de marbre, elle allait certainement apprécier l’absence de ses enfants elle aussi. Sans plus attendre, elle amena le sujet sur la table, ce qui ne le surprit guère. En même temps, elle avait tout à fait raison, mieux valait crever l’abcès tout de suite. Caelan ne réussirait pas à penser à autre chose et attendre plus longtemps ne ferait qu’empirer son malaise et le faire durer plus longtemps. « J’ai peur que quelque chose se brise… » confia-il d’une voix tremblante en se pointant mutuellement pour expliquer qu’il parlait du lien qui les unissait. Sa sœur jumelle était probablement la personne qui avait le plus de chance de l’aimer malgré tout, mais elle était aussi celle qu’il avait peur de perdre le plus. Alors qu’il jouait avec la languette du couvercle en plastique de son café, il tourna la tête vers Norah et plongea son regard triste dans le siens. « Mais tu as raison, ça ne sert à rien d’attendre plus longtemps, il faut que je m’enlève ça de sur les épaules. » Il prit une dernière gorgée de café avant de déposer son gobelet sur la table basse. Il replia ensuite ses deux genoux devant lui, en remontant ses pieds sur le canapé, et croisa ses bras ensemble en accotant ceux-ci sur ses genoux. « Je n’ai jamais voulu lui faire de mal, ok? » dit-il d’une voix tremblante alors qu’il tentait d’organiser les mots dans sa tête avant de parler. Il avait l’impression d’être revenu en enfance alors qu’il s’apprêtait à se faire gronder par ses parents après avoir fait un mauvais coup. Sauf que cette fois-ci, sa connerie n’était pas que quelques marques de crayon sur les murs du salon, il s’agissait de la plus grosse erreur de sa vie. Les bras toujours accotés sur ses genoux, il posa son front dans ses mains en poussant un bruyant soupire. Prêt à parler, il releva lentement la tête tout en évitant de regarder Norah. « Depuis quelques temps, Jess était plus distante, elle ne me désirait plus. Elle me disait que c’était parce qu’elle était fatiguée, qu’elle était épuisée à cause du travail. » Il se racla la gorge pour essayer d’étouffer les émotions qui remontaient alors qu’il se remémorait ces souvenirs douloureux. Il n’avait jamais été très à l’aise d’aborder le sujet de sa vie sexuelle avec le reste de sa famille mais pour l’instant, il s’agissait bien du dernier de ses soucis, il savait que la suite de l’histoire serait plus difficile à raconter. « À force de lui demander, elle finissait par changer d’idées, je me disais que ça lui prenait juste plus de temps à se mettre dedans. Ça a été comme ça pendant… je ne sais plus, les dernières années au moins. » Il ferma la bouche un instant alors qu’il tentait de contrôler sa lèvre inférieure qui tremblait sous l’émotion. Il était partagé entre la honte et la tristesse, mais aussi la colère qu’il ressentait envers lui-même pour ce qu’il avait fait. « Puis ce soir-là, elle a dit oui, mais elle a changé d’idée en cours de route. On a parlé pendant un moment, puis je me suis dit qu’elle avait peut-être changé d’idée comme d’habitude alors j’ai… » Caelan déglutit difficilement alors que la douleur de ce souvenir fit crisper son visage. Il décroisa ses bras et accota ses coudes contre ses genoux devant lui. Alors qu’il sentait qu’il allait perdre la lutte qu’il menait contre ses émotions qui remontaient rapidement, il camoufla son visage dans les paumes de ses mains et laissa le bout de ses doigts se faufiler jusqu’à la naissance de ses cheveux. « J’ai jamais voulu la… » Il tenta une seconde fois de lui dire ce qu’il avait fait, mais les mots étaient trop difficiles à prononcer. Il prit une petite minute pour se ressaisir en s’essuyant le visage en reniflant. Il laissa alors sa tête tomber vers l’arrière en expirant profondément, puis il prit la dernière once de courage qu'il lui restait pour tourner sa tête vers sa jumelle. La vue brouillée et la mâchoire inférieure tremblante, il ouvrit finalement la bouche pour prononcer les mots tant redoutés : « Je l’ai violée, No. » murmura-t-il difficilement. Il baissa aussitôt la tête, le corps secoué par les sanglots qu’il ne tentait plus d’étouffer, prêt à subir le châtiment que Norah lui infligerait.

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Ce qu'avait fait Caelan était suffisamment grave pour qu'il se mette à craindre les conséquences que ses révélations auront sur leur relation. De là à douter de la solidité et de la force du lien qui les unissaient, c'était qu'il avait commis un acte extrêmement grave. Ou alors, il la connaissait suffisamment pour savoir qu'elle ne réagirait pas bien, qu'importe le scénario ou la façon dont il allait avancer ses explications. Quelque chose s'est déjà brisé quand tu es parti à la va-vite, pensait Norah. Elle l'aurait bien dit à voix haute mais elle ne voulait pas que ce soit un frein pour le reste de son récit. Malgré tout, elle se souvenait de la joie ressentie dès qu'Anwar avait annoncé son retour. Elle se sentait à nouveau entière de le savoir à nouveau dans les parages. C'était son frère jumeau après tout. Elle avait partagé toute sa vie avec lui. Faisant remarquer qu'il valait mieux qu'il en parle de suite, le beau brun se pliait volontiers à ce conseil, même s'il utilisait une manière relativement douce pour commencer. Il tenait à mettre les choses au clair avant même que Norah puisse entendre les détails. "Je peux pas me positionner là-dessus si tu me dis rien, Caelan." rétorquait-elle dans le plus grand calme, les yeux rivés sur lui, imperturbable. Il tremblait de tout son être, redoutant déjà la sentence alors qu'il ne s'était même pas encore expliqué. Le sujet avancé était donc celui de son couple. Il racontait que celui-ci battait de l'aile depuis un moment, que Jess s'éloignait peu à peu de lui sans savoir pourquoi. Sa soeur l'écoutait avec beaucoup d'attention. Il était vrai qu'elle n'avait plus eu de nouvelles de sa belle-soeur depuis un très long moment. Mais depuis tout ce temps, Norah n'était vraiment pas dans son assiette et utilisait la totalité de son énergie. "Vous aviez pris le temps d'en discuter, tous les deux ?" demanda Norah, avant d'écouter la suite de son récit. Elle semblait bien plus difficile que l'introduction, la mise en situation qu'il venait de lui faire. Après sa première intervention, la belle brune restait muette et attentive. Il était inutile de lui compliquer davantage la tâche. Parler de sa vie sexuelle, même avec sa soeur, le rendait assez mal à l'aise. Alors si en plus il doit s'expliquer sur les raison de son divorce... Peu à peu, Norah avait l'impression de sentir décomposée alors qu'il racontait, non sans mal, qu'il avait dépassé les bornes. Et pas dans le bon sens du terme. Elle tombait des nus, elle ne s'attendait pas à une telle histoire, pas de la part d'un de ses frères. Et là, en plus, il s'agissait de son frère jumeau. Une main vint se placer devant sa bouche l'espace de quelques secondes. Caelan cachait ses yeux, bouleversé au possible, et à raison. Il y avait de quoi avoir honte de ce qu'il avait commis. Il était peu fréquent de parvenir à clouer le bec à Norah et là, il avait réussi haut la main. Les yeux ronds, elle n'eut aucun mal à défier ceux de son frère lorsqu'il les releva en sa direction. Il mit les mots sur ce qu'il avait commis. Norah restait silencieuse pendant longtemps, très longtemps. "...Bordel, Caelan." Elle pinça l'arête de son nez avec ses deux doigts, tentant de pousser un peu plus sa réflexion avant de prononcer des paroles qui dépasseraient sa pensée. "Mais qu'est-ce qui t'es passé par la tête ?" demanda-t-elle tout de même, avec une certaine froideur dans sa voix. "A partir de quel moment tu pensais avoir eu le droit de l'approcher alors que tu pensais qu'elle avait changé d'avis ?" Les mouvements féministes ces derniers temps soulevaient peu à peu des voix et mettaient en avant les expériences vécues par chacune. Si le comportement de Caelan s'apprenait, il attirerait vers lui la fureur des militantes les plus investies. Et même sans vraiment l'être, Norah ne comprenait pas comment il avait pu en arriver là. Leurs parents leur avaient appris des valeurs pour éviter ce genre d'abus. Néanmoins, elle tenait à connaître dans les détails ce qu'il avait pensé à ce moment là. La belle brune glissa une main dans ses cheveux. "C'est de la violence conjugale, ça, Caelan." Il n'y avait pas que les femmes battues, ou les épouses malmenées psychologiquement au quotidien. Ce qu'il avait infligé à Jess en faisait également partie. Sentant son énervement grimper, Norah prit une profonde inspiration dans l'espoir de se détendre un petit peu, mais cela la fit grimacer assez rapidement de douleurs, à cause de ses côtes qui étaient encore en train de se solidifier. Caelan en avait déjà beaucoup sur la conscience, il était dans un sale état. "Est-ce qu'elle a porté plainte ?" Elle aurait pu, en soi. Ca l'aurait aidée dans les démarches du divorce. Norah n'était pas avocate mais elle était assez certaine que ça aurait permis d'accélérer un petit peu les choses. "Je..." Elle soupira. "J'avoue que jamais je n'aurai pensé qu'un de mes frères soit capable de ce genre de choses." soulevait-elle. Oui, elle était déçue, voire même excédée par son comportement. "Apparemment c'était assez stupide de ma part de croire que le fait d'avoir une soeur dans la fratrie qui vous faisait des leçons assez fréquemment et qui vous expliquez comment ça fonctionne les filles, suffisent à rencontre ce genre d'attitudes." Elle avait eu bien tort, apparemment. Norah n'avait pas besoin d'exploser ou d'hurler pour exprimer son mécontentement. Ce n'était pas trop son genre. Mais son expression glaciale et ses remarques cinglantes se suffisaient à elles-mêmes. On n'aimait pas contrarier Norah. "Je comprends ton départ précipité, je comprends ton silence. Mais c'est pas pour autant que je te pardonne, Caelan. Du fait que tu l'aies fait et que tu te sois décidé à me le cacher." sifflait-elle dans un calme perturbant. "Pourquoi t'es pas venu m'en parler dès que c'est arrivé ?"

L’avaient-ils pris, le temps? La question de Norah tournait en boucle dans sa tête alors qu’il tentait de se remémorer les maigres efforts qu’il avait faits pour discuter avec Jessica de leur situation. Il avait tenté de lui en parler, mais il s’était laissé endormir par ses réponses sans se douter que leur mariage était en train de dégringoler. Il savait qu’il était responsable d’avoir donné le coup de grâce, mais il ne pouvait s’empêcher de lui en vouloir un peu de lui avoir menti lorsqu’il avait tenté de comprendre pourquoi elle s’éloignait de lui. « J’ai essayé de lui en parler, elle me répondait qu’elle était stressée avec le travail et que ça allait passer. Je n’aurais pas dû la croire aveuglément, j’aurais dû pousser plus pour qu’on se parle. » répondit-il, rongé par les regrets. Il poursuivit son récit avec beaucoup de difficultés alors qu’il anticipait la réaction de Norah qui tardait à arriver. L’ambiance était lourde et Caelan ne savait plus où se mettre face au silence de sa jumelle. S’imaginant très bien qu’elle devait être ébahie, il n’osait plus la regarder même s’il sentait tout le poids de son regard sur lui, subséquemment à ses aveux. La cadette brisa enfin le silence mais la froideur qu’elle témoignait n’aida en rien le malaise que son frère ressentait dans cette atmosphère de plus en plus asphyxiante. Les questions de sa jumelle fusaient l’une après l’autre pendant que les réponses se laissaient désirer de leur côté. Le trentenaire tira sur le col de son chandail afin d’y enfouir son visage un instant, pour l’essuyer, et en ressorti un visage rougi par l’émotion. « Je n’a… n’avais pas con…conscience de… ce que j… j’faisais. » tenta-t-il de s’expliquer en bégayant difficilement pendant que les larmes coulaient toujours sur ses joues. « Je n’ai pas… pas été assez att…attentif, je le sais. J’aurais t… tout arrêté si j’…si j’avais su qu’elle pl… pleurait. » Il comprenait maintenant que ce n’était pas normal que cette insistance soit devenue la norme dans leur vie intime et il n’essayait pas de se défiler de ses responsabilités. Il avait tout simplement de la difficulté à entendre la dureté des mots utilisés par sa sœur, surtout lorsqu’elle le condamna pour violence conjugale. Il secoua vivement la tête, incapable d’accepter que son geste entrait dans cette catégorie, malgré qu’il savait très bien que Norah avait raison. « Ça ne se peut pas, comment j’ai pu être aussi aveugle? » se questionna-t-il en espérant que quelqu’un le réveille de ce mauvais cauchemar. « Ce n’est pas moi, ça. Comment j’ai pu lui faire ça? Je l’aimais tellement, No. C’était la femme de ma vie. » Et il l’aimait toujours d’ailleurs, mais il savait qu’il n’aurait aucune chance de reconquérir son cœur. Son erreur était trop grosse, il était impossible qu’elle lui pardonne un jour et qu’elle lui refasse confiance. La tête baissée, Caelan fixait ses mains pendant qu’il massait l’une de ses paumes à l’aide du pouce de sa main opposée, pour se calmer. Lorsque sa jumelle lui demanda si elle avait porté plainte contre lui, il secoua négativement la tête en déglutissant difficilement. « Pas que je sache. J’ai peur qu’elle le fasse. » confia-t-il en reniflant. Ce serait dans ses droits et il ne lui en voudrait pas, il ne pouvait que blâmer sa propre personne dans cette histoire, mais il espérait toutefois qu’elle ne le ferait pas. Aurait-il la force de passer au travers un procès, de se battre? Il n’en avait pas envie. Mais s’avouer coupable le forcerait à vivre avec cette étiquette d’agresseur qui le suivrait partout. Il prit une bonne respiration pendant que Norah continuait de lui faire part de ce qu’elle pensait. Le fait qu’elle disait qu’il était capable d’une chose pareille le faisait sentir comme s’il avait posé ce geste de façon intentionnelle et il n’aimait pas ça. « Je n’ai pas fait exprès Norah, ce n’était pas intentionnel. » tenta-t-il de se justifier en l’implorant du regard de le croire. Il ne s’attendait pas à ce qu’elle passe l’éponge comme s’il ne s’était rien passé, qu’elle lui pardonne aussi facilement, mais il espérait qu’elle le croit lorsqu’il lui disait qu’il n’était pas conscient de ce qu’il faisait au moment où tout ça s’était déroulé. Le regard vitreux, Caelan fixa le mur devant lui tout en demeurant silencieux un moment. Épuisé mentalement, il haussa une épaule avec nonchalance en réfléchissant aux différentes raisons qui l’avaient poussé à cacher cet incident à sa jumelle. « T’en avais déjà bien assez sur les épaules sans que je te rajoute ce poids-là. » répondit-il d’un ton morne. Il tourna ensuite la tête vers elle et lui sourit tristement. « Je t’ai presque appelée, il me restait juste à appuyer sur le bouton pour composer. Mais j’avais peur de te perdre. J’AI peur de te perdre. » ajouta-t-il en mettant l’accent sur le fait que sa peur était toujours bien d’actualité. Il rapporta son regard sur ses mains, honteux. Il était plus calme, mais les larmes roulaient toujours sur ses joues lorsqu’il clignait des yeux. « Je ne méritais pas votre aide, j’avais juste le goût de disparaître. » Devant toutes ces émotions Caelan souffrait de nausées. Il s’avachit un peu plus dans le canapé et posa une main sur sa poitrine en gémissant. Il ferma les yeux et se racla la gorge en espérant que ce ne serait que passager. « Je m’haï tellement depuis que c’est arrivé. » Il regrettait sincèrement son geste et il espérait qu’avec le temps, sa sœur lui pardonnerait.

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C'est compliqué, les filles, avait un jout dit Aidan, du haut de ses quasi cinq ans, quelques jours plus tôt en rentrant de l'école. Alors Norah avait eu pour la première fois l'occasion de lui expliquer comment ça fonctionnait, une fille de son âge. Mais c'était encore trop compliqué, ça le frustrait. Alors Julie s'y était mise à son tour, dans toute sa bienveillance. La conversation avait été intéressante, et même assez amusante pour leur mère, qui les avait alors observé d'un air profondément attendri. En grandissant, ça n'allait pas s'arranger et Caelan en était la preuve vivante. "Tu aurais du, oui." affirma-t-elle d'un ton très calme. Mais ce qui était fait est fait, Norah estimait qu'elle n'avait pas à lui faire la leçon. Son frère jumeau l'avait apprise de la pire manière qui soit, bien malheureusement. Cela n'empêchait pas le fait qu'elle puisse être assez contrariée de l'ensemble de la situation. Il ne savait plus où se mettre, ni quoi faire de ses mains, de son corps. Caelan avait brisé son couple et s'était brisé lui-même par la même occasion. Il bégayait, mâchait ses mots, se planquait d'autant qu'il le pouvait. Les yeux de sa soeur s'arrondirent lorsqu'il donnait un peu plus de détails sur les circonstances de son acte. "Elle pleurait pendant ?" lui demanda-t-elle, quelque peu excédée. "Elle pleurait et tu n'as rien remarqué ?!" Certes, selon comment il s'y était pris, il n'était pas en mesure de voir son visage, mais dans son attitude, dans sa voix, il aurait du remarqué quelque chose d'anormal. Au moins, il ne cherchait pas à se défiler, ni à se dédouaner ou pire, à se faire passer en victime. Il se questionnait, se demandait quelle mouche l'avait piquer pour commettre un tel acte. "Il n'y a que toi qui aies la réponse à ces questions." lui fit-elle remarquer. "Qu'est-ce qui t'a poussé à en venir à ça ? Qu'est-ce qui t'es passé par la tête à ce moment là ?" Elle l'interrogeait vraiment, peut-être pour l'aider à l'aiguiller et aller enfin au bout de ses réflexions. Son voyage au Canada ne l'avait vraisemblablement pas aidé sur ce point là. Il avait choisi la fuite, plutôt que la confrontation. Nul doute qu'il avait encore beaucoup de sentiments pour son ex-femme. Celle-ci ne semblait pas encore avoir engagé de procédures à l'encontre de Caelan. "Si elle le fait, tu seras rapidement mis au courant de toute manière." Et si elle ne l'avait pas encore, c'était peut-être parce qu'elle ne voulait pas entâcher son existence avec de telles accusations. Cela l'aurait limité dans la recherche d'un boulot, par exemple. S'il voulait s'engager dans de nouvelles relations, il se serait senti obligé d'en parler. "Si elle ne le fait pas, c'est une fleur, qu'elle te fait." A moins que d'autres raisons la motivaient à ne pas lui coller une plainte. Caelan tentait finalement de se justifier, à lui assurer qu'il n'avait pas fait exprès. "Je te crois." dit-elle rapidement. "Mais ça ne change rien aux faits, Caelan." Ils étaient là, ils étaient mis en avant. "Quand une personne casse une jambe d'un autre, que ce soit fait exprès ou pas, la jambe reste cassée." C'était une bien faible comparaison face aux violences conjugales, catégorie dans laquelle se rangeait l'acte de Caelan. Il avait hésité à en parler à sa soeur jumelle, mais il n'en avait jamais vraiment trouvé la force.  Bloqué par ses remords, par la peur de mettre sa famille la plus proche à dos. "Je suis toujours là, pourtant." lui fit-elle remarquer. "Fâchée, déçue, et encore chamboulée, certes. Mais toujours là." C'était beaucoup à encaisser effectivement, elle qui avait encore tout un travail personnel à faire, notamment sur son deuil. "Pourquoi tu penses que tu ne mérites pas notre aide ?" lui demanda-t-elle, les sourcils froncés. "Marcus et Percy sont au courant ?" Elle n'osait pas imaginer la réaction de leurs frères. Norah doutait qu'il ne soit venu vers eux dans un premier temps. Son frère jumeau n'était pas très beau à voir, avec son teint blafard, ses yeux rouges, ses joues humides. La culpabilité qu'il ressentait se suffisait à elle-même en en guise de punition. "Clairement, le Canada ne t'a que permis de fuir, je n'ai pas l'impression que tu aies résolu quoi que ce soit à ce sujet." constata-t-elle après un long moment de silence. Le temps nécessaire dont Norah avait besoin pour mettre à plat tout ce qu'il venait de lui révéler. Ce n'était pas rien, c'était beaucoup à penser. "Ce qui est fait, est fait, Caelan. Tu te punis suffisamment avec tes propres regrets pour que j'en rajoute une couche. Tu sais ce que j'en pense, il va me falloir du temps pour... digérer tout ça." Mais elle estimait qu'il ne devait pas s'arrêter à sa culpabilité. L'admettre était une chose, il fallait qu'il agisse désormais. "Ca fait un an que t'as ça sur la conscience. Tu peux soit continuer comme ça, soit... te demander ce que tu pourrais faire de mieux. Pour résoudre le problème, pour faire de toi une meilleure personne. Tu as fait ce que tu as fait, tu pourras te morfondre autant que tu veux, ça ne changerait rien. Par contre, tu as un pouvoir total sur demain, sur ton futur." lui expliquait-elle. "Crois-moi, je sais que c'est bien plus facile à dire qu'à faire. Je le sais." Norah, elle, continuait de gérer son deuil. Mais il semblerait que son accident de voiture lui avait permis d'avoir une sacrée prise de conscience. Elle était obligée de lâcher prise sur son quotidien et cela lui avait enfin permis de se centrer un peu sur elle, de se laisser aider par ses proches comme elle aurait du le faire depuis des mois. Le processus était enfin en route. "T'as un nouveau job, c'est déjà un bon début. Mais pour le reste, tu comptes faire quoi ?" Peut-être qu'il voudrait recontacter son ex-femme, peut-être qu'il préférerait avancer de son côté, ou se contenter de ne plus avoir de vie amoureuse. Norah misait très peu sur la dernière option; elle savait que son frère jumeau voulait aussi avoir sa propre famille, retrouver un bonheur perdu par faute d'inattention.

Elle pleurait pendant, cette réalité dont il n’avait aucunement eu conscience dans le feu de l’action et qui l’avait frappé de plein fouet lorsque Jessica lui avait dit. Caelan posa une main dans son visage et secoua négativement la tête. « Non… j’étais derrière elle, je n’ai… rien vu. Elle me l’a dit ensuite, quand elle m’a laissé. » répondit-il avec embarras. Il s’en voulait de ne pas avoir remarqué qu’elle était figée et beaucoup trop silencieuse, le visage caché dans l’oreiller. D’avoir manqué ces détails alors que son regard scrutait plutôt son corps et que ses doigts caressaient sa peau douce. Ces gestes qui avaient tellement peu d’importance par rapport à ce qui se passait devant lui, à son insu. Norah lui posa une question plus que pertinente, sur ce qui l’avait motivé à en arriver là. Il tourna le haut de son corps légèrement vers sa sœur et accouda l’un de ses bras sur le dossier du canapé pour accoter sa tête dans sa paume. « Il y a quelques années, Jess m’a dit qu’elle voulait des enfants mais je ne me sentais pas prêt à l’époque. » Il avait préféré se concentrer sur sa carrière, même s’il n’aimait pas son métier. Une décision qui lui semblait tellement absurde avec des années de recul. « Au début de l’année, je lui ai dit que je me sentais enfin prêt. Quand je pensais que j’allais peut-être devenir père bientôt, ça me rendait tellement heureux. Je voulais tellement que ça marche. Je me suis laissé emporter par mon rêve je crois. » dit-il en posa sa main libre sur son torse, à la hauteur de son cœur. Il se perdit un instant dans sa tête alors qu’il repensait à Jessica qui lui balançait la vérité en plein visage, le regard rempli de haine. Une désillusion amère s’en était suivie. « Ce rêve qu’elle ne partageait plus apparemment, du moins plus avec moi. Elle m’a dit, par après, qu’elle n’avait jamais arrêté la pilule. » dit-il en pinçant ses lèvres alors qu’il éprouvait un sentiment de trahison. Sa jumelle avait probablement raison, il serait sans doute le premier mis au courant si Jessica décidait de porter plainte puisque l’enquêteur au dossier voudrait le rencontrer afin d’avoir sa version des faits. Le soir même, elle était partie en prétextant qu’elle devait rencontrer un client. Était-ce la vérité ou était-elle plutôt partie à l’hôpital pour récolter des preuves au cas où elle déciderait de porter plainte contre lui? Il n’en savait rien et le doute le rongeait. « Je sais. Mais je ne sais pas ce que je ferai si elle le fait. » Et il n’aurait pas vraiment le temps de réfléchir à la question si un enquêteur débarquait chez lui. Caelan fut rassuré de constater que Norah le croyait lorsqu’il lui disait qu’il n’avait pas posé ce geste de façon intentionnel. Toutefois, comme elle le disait, la conclusion restait la même. « Je sais No… Je sais. Je veux juste que tu saches que je ne me suis pas levé un matin en me disant que j’allais faire ça de ma journée. » Il ne voulait juste pas qu’on le compare à ceux qui prennent plaisir à dominer une femme en les violant de façon intentionnelle. Même si, statistiquement parlant, ces viols commis par des inconnus ne sont qu’une minorité. « T’es toujours là oui, mais t’as du mal à bouger alors te lever pour t’en aller… » Timide tentative d’humour afin de détendre l’atmosphère. Il plongea son regard inquiet dans celui de sa jumelle et posa une main sur l’une des siennes, qu’il serra pour manifester sa gratitude. Lorsqu’elle lui demanda pourquoi il croyait qu’il ne méritait pas leur aide, Caelan détourna le regard et déglutit difficilement. « Parce que j’ai fait quelque chose d’horrible et que je mérite ce qui m’arrive depuis. » répondit-il en faisant référence au malheur qu’il éprouvait depuis cet évènement. Et que pour avoir leur aide, il aurait dû tout leur raconter, briser le cœur de leurs parents. « Non. Je ne sais pas si je serai capable de leur dire. » dit-il en tapant du pied, stressé rien qu’à penser à leur potentielle réaction, surtout que Marcus et Jessica étaient particulièrement proches auparavant. « Est-ce que tu vas leur dire? » Caelan avait une confiance aveugle en Norah et il se doutait bien qu’elle ne trahirait pas sa confiance. Cependant, s’il ne passait pas aux aveux avec le reste de sa famille, elle devrait potentiellement mentir pour lui, si les autres lui posaient des questions, et il se sentirait mal de lui imposer ça. Anwar avait également tenté de lui tirer les vers du nez, à l’hôpital, et Caelan était déchiré entre l’envie de se confier à son ami et la peur des représailles que sa confession provoquerait. D’autant plus que leur ami était policier, il n’y avait aucune chance que son aveu soit bien reçu de sa part. Son exile au Canada lui avait permis de fuir les nombreuses questions et à se sortir un peu la tête de l’eau, même si Norah avait l’impression qu’il n’avait rien résolu là-bas, à ce sujet. Il haussa une épaule, le regard fuyant. « Je sais que j’ai l’air d’avoir fui la réalité et mes responsabilités, c’est peut-être un peu le cas mais… Je n’allais vraiment pas bien No. » Il s’humecta les lèvres avant de poursuivre. « Avant de partir, il y a des journées où je pensais à des choses qui me faisaient vraiment peur. » Il renifla et se pencha légèrement afin de pouvoir poser ses coudes sur ses genoux, les doigts de ses deux mains entrelacés. « Je voulais en finir. » avoua-t-il difficilement. Toujours penché, il tourna la tête vers Norah et lui sourit tristement. « C’est toi qui m’as donné la force de continuer, de partir pour mieux revenir. » Remonter la pente, un pas à la fois, pour être apte à la soutenir quand elle aurait besoin de lui. Caelan avait vraiment envie de travailler sur lui, de devenir une meilleure personne comme elle le suggérait mais trouver comment n’était pas aussi simple. Il se redressa et croisa ses bras contre son torse alors qu’il réfléchissait à ce qu’il désirait accomplir. « J’aimerais tellement pouvoir lui reparler, qu’elle arrive à me pardonner. Que les bons souvenirs prennent le dessus sur les mauvais. Savoir qu’elle va bien, qu’elle réussit à avancer malgré ce que je lui ai fait. Mais c’est sans doute un souhait égoïste qui ne lui ferait peut-être pas de bien à elle. Mon rêve le plus fou serait qu’on revienne ensemble mais je ne suis pas idiot, je sais que ça n’arrivera jamais. » Au final, il n’était pas plus avancé, il ne savait pas vraiment ce qu’il comptait faire. Il voulait aller de l’avant, se donner la chance d’être heureux avec quelqu’un d’autre sauf que Jessica hantait ses pensées. « J’aimerais réussir à aller de l’avant, de me laisser aller avec quelqu’un d’autre mais c’est difficile. Je n’arrive pas à penser clairement. Avec Jess, c’était tellement fluide au début, je n’avais aucun doute sur ce que je ressentais… » Pas comme avec Helena qui lui envoyait des signaux contradictoires qui ne faisaient que le mélanger davantage. « J’ai rencontré quelqu’un qui me plaît bien et je sais que c’est réciproque, mais d’une journée à l’autre on dirait que ça change. Ça me mêle, surtout que de reparler de Jess fait remonter plein de choses. » Il savait qu’il lui plaisait au moins physiquement, elle avait initié des rapprochements avec lui, même s’il avait dû y mettre un terme parce qu’il n’arrivait pas à enlever Jess de ses pensées. « Puis j’ai recroisé une fille que j’ai fréquentée pendant un an, il y a très longtemps, et j’ai l’impression que ce n’est pas vraiment terminé. » Caelan avait mis fin à leur relation à l’époque parce qu’il n’était pas prêt à s’engager. Il posa ses coudes sur ses cuisses et se prit la tête entre ses mains en grognant bruyamment. « Je suis tellement mélangé, je ne sais pas quoi faire. J’ai peur de blesser une femme encore. » Il devrait bien se rendre à l’évidence que cette peur ne disparaitrait pas comme par magie et qu’il devrait apprendre à vivre avec et reprendre confiance en lui.

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Le fait que Caelan n'ait rien remarqué durant les faits dépassait totalement Norah. Il connaissait Jessica depuis des années, il était supposé la connaître par coeur, être en mesure de dire à quel moment elle allait bien ou pas. Mais là, il n'y avait vu que du feu. Il avait pris son lot de plaisir sans prendre en compte du bien-être de son épouse à ce moment-là, ce qui était d'autant plus surprenant. Sur le moment, elle le trouvait méconnaissable. Ce n'était pas comment son frère jumeau était vraiment. Et de réaliser qu'au final, elle ne le connaissait pas si bien que ça. Oui, quelque chose s'était brisé, suite à ces révélations. Il donnait des précisions sur les circonstances de son acte, le comportement changé de Jessica depuis longtemps. "Et tu ne lui as pas demandé pourquoi elle n'avait jamais arrêté la pilule ?" A partir de là, quelque chose sonnait déjà faux. Si Jessica ne lui avait jamais révélé cette information, c'était qu'il y avait déjà un peu d'électricité dans l'air au sein du couple, sans que l'ex-Mrs. Leckie ne le verbalise véritablement à son cher et tendre. "Caelan, avoir des enfants, c'est une décision commune à prendre.  C'est un projet à faire à deux de A à Z." lui expliquait-elle. "Dans un couple a pu être le vôtre, ou comme ça avait pu l'être en moi et Frank, c'est un accord à à prendre à deux. Je voulais des enfants avec Frank, mais jamais je ne lui aurai caché le fait d'avoir arrêté la pilule pour me combler moi, et moi seule." L'inspecteur de police était en premier lieu plein d'appréhension à l'idée d'avoir des enfants. Son propre père n'avait pas été un exemple à suivre et il avait peur de refaire les mêmes erreurs. Mais il avait avec lui ce rêve de construire sa propre famille et c'était à Norah de le rassurer autant que faire se peut. "Et là, c'est ce que tu as fait Caelan. Tu n'as agi que dans ton propre intérêt, sans être sûre que c'était ce que Jess voulait aussi. Les avis et les mentalités changent avec les années, et c'était apparemment son cas sur la question des enfants." Une leçon de vie évidente pour Norah, mais pas pour tout le monde apparemment. Norah se frottait ses yeux à l'aide de ses mains. Puis elle réajusta l'attelle qu'elle portait toujours pour l'entorse qu'elle avait au poignet. Elle était songeuse, elle réfléchissait, elle contrôlait ses émotions autant que possible. Sa contrariété, sa déception, son exaspération. Il avait jusque là de la chance que son ex-femme n'ait pas amené cette histoire devant la justice. "Déjà, ne pas chercher à te dédouaner ou te victimiser." suggéra-t-elle d'un ton sec, alors qu'il se demandait ce qu'il pouvait bien faire si elle portait plainte. "Trouver un avocat, aussi." Et un bon, s'il voulait minimiser la casse. "Je te dirai bien d'aller prendre conseil auprès d'Anwar, mais bon, c'est pas le grand bonheur entre vous deux ces derniers temps et que s'il savait ce que t'as fait, je pense qu'il te le pardonnerait encore moins." Zehri en voulait à Caelan d'être parti aussi vite, de ne pas s'être inquiété outre mesure de sa soeur jumelle alors que son état se dégradait à vue d'oeil devant le regard impuissant de ses proches qui avaient fait ce qu'ils pouvaient pour lui laisser la tête hors de l'eau. Caelan s'essayait à une pointe d'humour mais sa soeur n'y était vraiment pas réceptive. "C'est pas trop le moment de plaisanter, là." fit-elle remarquer. Même si au fond, ce qu''il disait était vrai. Pour le moment, Norah se devait d'économiser en mouvements, car des choses aussi simples que de se lever ou s'asseoir lui étaient encore très douloureux. Une idée soudaine lui était venue de tête. "... Et si ça avait moi, Caelan ?" Juste pour qu'il se rende compte. "Changeons les rôles trente secondes, même si je sais que Frank ne m'aurait jamais fait ça. Mais si ça avait été moi, hein ?" Elle était la seulle femme de la fratrie, et qui plus est, elle était la plus jeune. Les trois frères auraient vrillé, ils auraient mené une vendetta. "Comment tu te serais senti, hein ? Comment t'aurais réagi ?" Caelan jugeait bon pour le moment de ne pas divulguer les dessous de son départ précipité au Canada à ses frères. Il se demandait si sa soeur allait vendre la mèche. "C'est pas à moi d'annoncer ce genre de trucs." Elle ne le ferait pas. "Mais si j'étais toi, je ne m'éterniserai pas pour leur en parler. Mieux vaut qu'ils l'apprennent de ta bouche que de manière fortuite. On sait jamais." Faute avouée, à demi pardonné dirait-on. Elle doutait qu'on allait lui pardonner de si tôt et elle ne savait pas comment il pourrait bien racheter ses fautes. Norah se demandait donc ce qu'il prévoyait pour la suite, avec ce qu'il avait. Il en payait déjà largement les frais et cela allait probablement lui coûter pour le reste de sa vie. "C'était quoi, ces choses qui te faisaient peur ?" lui demanda-t-elle alors qu'il tentait de s'expliquer. Jusqu'à ce que ses yeux s'arrondissent à sa révélation. "T'es sérieux ?" s'alarmait-elle alors. "Tu as pensé à te suicider ?" Il fallait mettre les mots dessus. Norah n'aimait vraiment pas quand on contournait les faits, quand on essayait de se montrer subtil pour délicat pour finalement ne générer plus de confusion qu'autre. Des incompréhensions qui donnaient parfois de l'espoir. "Par quel moyen j'ai pu t'aider dans ce processus de partir pour mieux revenir ?" Ca la laissait perplexe. Norah n'était pas en bon état non plus, durant la période où il est parti. Et ça ne s'est qu'aggravé depuis son départ. Caelan aurait voulu pouvoir discuter avec Jessica, il aurait voulu avancer, se reprendre en main... Une liste très longue de souhaits qui finalement ne dépendait que de lui. "A mes yeux, il vaut mieux remettre tout à plat avec Jess. Même si la conversation ne se finit pas comme tu pourrais l'espérer, même si ce sera un moment compliqué. Mais à mes yeux il y a tout un tas de non-dits qui devraient être partagés, et tu devrais sauter sur l'occasion dès qu'elle se présentera à toi." Norah lâchait un long soupir. "Après, ce n'est que mon avis. T'en fais ce que tu veux." Elle n'allait pas non plus diriger sa vie, elle ne lui faisait que donner des suggestions qui, à son sens, l'aiderait à le mettre dans le droit chemin. "Parce qu'à mon avis, elle aussi, elle aura des choses à te dire." Ils auraient enfin l'échange qu'ils auraient du avoir il y a des mois de ça, même avant de signer les papiers du divorce. Ses yeux se relevaient vers son frère jumeau lorsqu'il parlait d'une autre femme. "Je la connais ?" demanda-t-elle, surprise qu'il soit intéressé par quelqu'un d'autre alors que le contentieux avec son ex-femme était loin d'être résolu. "Ca prendra du temps, Caelan. Tout prendra du temps." Se faire pardonner, reprendre confiance en lui, retrouver celle de sa soeur, de ses frères. Le cheminement s'annonçait long et sinueux. Mais elle savait qu'il avait la force nécessaire pour y parvenir.

« Elle a dit que j’avais tellement l’air content de devenir père qu’elle n’a pas réussi à me dire qu’elle ne se voyait plus avoir d’enfants avec moi. » Qu’y avait-il de plus à demander? Il avait reçu cette vérité comme un coup de pelle en plein visage, comprenant que la femme qu’il aimait ne se sentait plus aussi bien avec lui depuis un moment déjà. De toute façon, elle était partie immédiatement après lui avoir dit ça, ses questions auraient frappé un mur. Il était déjà trop tard pour travailler sur lui afin de sauver son couple, il le savait bien. Les discussions avec Jessica avaient par la suite été plutôt tendues, elle haussait le ton rapidement lorsqu’il essayait de comprendre un peu plus. Elle n’avait pas attendu très longtemps avant de partir vivre chez Chad, un ami du couple, en attendant qu’ils trouvent un acheteur et qu’ils finalisent la vente de leur maison. « Mais je le sais que c’est un projet qui se fait à deux, qu’est-ce que tu insinues? » demanda-t-il en fronçant les sourcils. Il l’écouta attentivement tout en repassant la discussion qu’il avait eue avec Jessica dans sa tête. Il se gratta la nuque avant de plonger son regard dans celui de sa soeur. « Je sais que j’ai merdé mais je n’ai JAMAIS voulu la forcer à avoir un enfant avec moi. Elle avait l’air contente quand je lui ai dit que j’étais prêt. Elle a dit qu’elle l’arrêterait à son prochain cycle. » Du moins c’est ce dont il se souvenait, il n’avait quand même pas rêvé à ça, non? Il n’essayait pas de mettre la culpabilité sur son ex, il prenait entièrement le blâme pour ce qui s’était passé, mais il tentait simplement d’expliquer ses motivations et il n’aimait pas avoir l’impression qu’on croit qu’il ait pu vouloir prendre la décision d’avoir un enfant seul et de l’imposer à Jessica. Elle avait accepté d’attendre qu’il soit prêt, quelques années plus tôt, et il aurait fait la même chose s’il avait été au courant de son ressenti à elle. Il aurait été prêt à faire de la thérapie de couple s’il avait pris conscience des difficultés de leur couple à temps. Malheureusement pour lui, il avait été trop négligent pour qu’il soit possible de sauver leur mariage. « Ce n’est pas mon intention. » répondit-il en pensant à un éventuel procès. Penser que son avocat pourrait tenter de discréditer Jessica, pour le faire gagner, lui donnait envie de vomir. Il plaiderait probablement coupable avant de l’obliger à passer à travers ce processus, il l’avait fait suffisamment souffrir sans en rajouter une couche. Lorsque Norah mentionna Anwar, il soupira en se penchant vers l’arrière, les deux mains dans ses cheveux. « Il veut savoir lui aussi, je ne le blâme pas. Mais je crois que tu as raison, je ne pense pas qu’il arriverait à me pardonner si je lui disais. » Pourtant, ce n’est pas l’envie de lui dire qui manquait, ce n’était pas facile pour lui de cacher la vérité à son plus proche ami. Caelan tenta une pointe d’humour mais Norah ne le trouva pas drôle du tout. Il baissa les yeux, mal à l’aise, lorsqu’elle lui fit part de son mécontentement. Mais il releva la tête aussitôt, alors que sa jumelle lui demanda comment il aurait agi si Norah s’était retrouvée dans les souliers de Jessica. Il lui sourit tristement en soupirant. « Je suis certain que tu sais comment j’aurais réagi. J’aurais probablement été le premier à aller lui casser la gueule. » Et il n’aurait eu aucun remord, on ne touche pas à sa sœur. Il n’avait pas besoin d’imaginer ce scénario pour comprendre la gravité de son geste, il éprouvait beaucoup de colère et de honte envers lui-même depuis ce jour. « Je ne peux pas revenir en arrière Norah. Crois-moi que je le ferais si je pouvais. Je vais vivre avec ça sur la conscience toute ma vie. » Et il ne répèterait jamais cette erreur, il en était persuadé. Pour le moment, il devait prendre son courage à deux mains et avouer la vérité à ses proches. Il savait que la tâche n’allait pas être facile, rien qu’à voir la réaction de Norah, et il n’était pas particulièrement excité à l’idée de voir la déception dans le regard de ses frères et de leurs parents. D’autant plus que Noël approchait et qu’il aurait l’impression de gâcher les fêtes de tout le monde s’il leur avouait avant. En même temps, il n’y aurait jamais de moment idéal. « Tu as raison. » Il n’avait pas non plus l’habitude de se confier à Marcus et Percy, ce qui ne faciliterait pas sa tâche non plus. « Je suis sérieux. » répondit-il simplement à l’évocation des pensées noires qu’il avait eues. « J’ai beaucoup de difficulté à vivre avec ce que j’ai fait. Je n’arrivais plus à me regarder dans le miroir, je buvais beaucoup. Disons que ce n’était pas mon moment le plus glorieux. » Cette période pendant laquelle il s’était montré plus distant avec ses proches pour ne pas qu’ils sachent dans quel état il se trouvait. Jusqu’à ce qu’il se rende au point d’avoir peur de ce qu’il pourrait faire et qu’il décide qu’il devait faire quelque chose pour s’en sortir. « En étant toi. J’étais juste incapable de te faire ça. » Caelan n’arrivait pas à imaginer sa vie sans sa jumelle à ses côtés, il ne s’était pas senti capable d’imposer son absence permanente à cette dernière. « Je tenterai le coup c’est certain. Si elle refuse de me parler, j’aurai au moins essayé. » La balle serait dans son camp pour le moment où elle se sentirait prête à l’affronter, quitte à ce que ce soit seulement dans quelques années. Il ne s’attendait évidemment pas à ce qu’elle lui saute dans les bras, mais il espérait qu’elle réussirait à le pardonner un peu, pour qu’elle puisse continuer d’avancer sans entretenir toute cette haine contre lui indéfiniment. Qu’il sente qu’il l’ait un peu libérée du poids de son erreur. Il ne lui souhaitait que du bonheur. « Ton avis est important pour moi, je le prends en considération. » répondit-il en reposant sa main sur l’une des siennes. Il s’ouvrit ensuite sur le combat intérieur que son cœur menait entre plusieurs femmes et Norah lui demanda si elle connaissait la demoiselle en question. « Non. Il y a très longtemps, elle a été serveuse dans un restaurant où j’allais toujours. Je l’ai recroisée par hasard au parc, quand je suis allé avec Aidan. » Norah ne pouvait pas être plus juste, tout prendra du temps. Il ne s’était pas forcé à se remettre en selle trop vite, de se remettre à la séduction avant d’être prêt. Son divorce remontait à presque deux ans et accepter l’invitation d’Helena, à aller prendre un verre, avait été une grosse étape pour lui. Se rendre disponible à quelqu’un d’autre n’était pas une tâche facile pour le moment. « Je sais, rien ne se règlera en claquant des doigts, j’en ai conscience. Une journée à la fois. »

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Pour le coup, Norah ne comprenait pas non plus le manque de franchise de Jessica. Elle ne voyait pas le lui refuser pour ensuite l'accuser de viol ? Le serpent qui se mordait la queue, et soudainement, Caelan n'était plus le seul à blâmer. "Elle t'a dit ça avant ou après les faits ?" lui demandait-elle, afin de mettre de l'ordre dans son récit. La situation était complexe, étriquée. Il était évident que Norah n'avait pas foncièrement besoin de ce genre d'histoires alors qu'elle avait son propre lot de soucis de son côté. Mais il s'agissait là de son frère jumeau. Il pouvait avoir ses secrets, mais il n'avait pas à lui cacher cette facette de lui, celle qu'elle n'avait jamais vu auparavant. Alors oui, les mots qu'elle employait étaient peut-être durs à entendre pour lui. "Je dis que le soir là, avant de te lancer, tu ne te sois pas assuré que c'était toujours un projet que vous vouliez avoir ensemble." répliqua-t-elle sèchement. "La fois-là, t'as juste pensé à ce que tu voulais toi." Et pas à elle. Sinon, il ne se serait probablement jamais lancé ce jour là. C'était en somme de l'égoïsme. Il cherchait à tout prix à se justifier auprès de sa soeur, à insister sur le fait que son acte n'était en rien volontaire. "Je le sais, ça, Caelan." lui assura-t-elle en soutenant son regard sans le moindre effort. "Après, de ce que tu me dis, Jess n'est pas totalement innocente dans l'histoire là non plus." Il fallait qu'elle le dise. Elle savait que son frère jumeau n'allait pas mentir sur les faits dans le but d'alléger sa peine et sa culpabilité. "Et pour ça, elle entendra parler de moi si je la revois un jour." Mais il n'avait pas à être là, ni à savoir ce que Norah aurait à dire. "Seulement, attends-toi à ce qu'on s'arrête sur les faits; donc, à ton acte la façon dont Jess l'a vécue." A l'heure où les voix s'élevaient de plus en plus pour tenter de mettre fin aux violences faites aux femmes, la situation de Caelan était délicate. Il avait l'air de bien assumer son erreur et sa part de responsabilité et voilà qu'il achetait ses péchés depuis son divorce. Norah se devait d'exposer son avis tout en se montrant à l'écoute, mais elle n'allait pas le rejeter. Il restait son frère jumeau et il vivait déjà péniblement sa faute au quotidien. Un poids bien lourd sur ses épaules. Inutile qu'elle en rajoute une couche. Norah lui avait fait remarqué la chance qu'il pouvait avoir, quant au fait que Jess n'ait pas eu l'intention de lui coller un procès. Elle pourrait peut-être changé d'avis, Norah touchait du bois pour que ce soit pas le cas. Pour l'heure, il n'avait trouvé le courage que de le partager avec sa soeur. Celle-ci pouvait comprendre l'appréhension ressentie à la simple idée d'en faire part à leurs frères, et à Anwar, notamment. "Il reste un inspecteur de police." lui répondit-elle. "Toujours en quête de la vérité. Un jour ou l'autre, il voudra savoir." Au-delà d'avoir délaissé sa soeur jumelle, Annie devait probablement lui en vouloir de l'avoir laissé lui aussi. Ils étaient de très bons amis. "Même s'il ne va pas aimer ce qu'il entendra, il préférerait largement que tu te montres honnête avec lui plutôt que de maintenir votre amitié en lui cachant ce secret là." Norah le connaissait suffisamment pour savoir ça. Elle ne lui disait que dans son intérêt, que dans leur intérêt. Elle cherchait à le faire réagir en tentant de se mettre à la place de Jess. Si Frank avait songé comme lui – ce qu'il n'aurait jamais fait. "Et il y en aurait eu d'autres qui se seraient ajouté à la liste." De ceux qui iraient lui régler son compte. "Et t'aurais été parmi les premiers aussi à m'inciter à porter plainte." souleva-t-elle une fois. Jess y avait sûrement songé, Norah était curieuse de savoir ce qui l'avait retenue de ne pas aller jusqu'au bout. La brune entendait le désespoir dans la voix de son frère, y voyant là le reflet de ses idées noires et des tourments de ces derniers mois. Elle l'observait, attentive, silencieuse. Il avait fait ce qu'il pouvait pour oublier le crime commis. On entendait les mouches voler. De longues secondes passèrent avant qu'elle ne veuille bien reprendre la parole. "Tu es quelqu'un de bien, Caelan." reprit-elle calmement. "Tes regrets vont te peser bien plus que n'importe quel jugement." Cet argument se suffisait à lui-même pour le prouver. "Tu as commis une fautre, une grosse faute, certes." commençait-elle. "Mais ce n'est pas pour autant ça qui doit te définir jusqu'à la fin de tes jours." Il était désireux de discuter posément avec son ex-femme, à dire tout ce qu'il y avait à se raconter, à mettre tout à plat. "Je sais ce que tu as fait et je t'en veux. Mais tu restes mon frère." Même si à cet instant, elle ne le reconnaissait pas vraiment. A croire que tout le monde avait une facette de sa personnalité un peu plus sombre que les autres. "A moi aussi, il faudra du temps." Mais elle était toujours là; elle ne l'avait pas flanqué à la porte. "Et pour toi aussi. Je pense pas que le Canada t'ait pu être totalement utile, si ce n'est le dépaysement. Ca a surtout repoussé l'échéance. Ca va pas être agréable, ça sera peut-être même dur, mais je suis certaine qu'à terme, ta conscience sera un peu plus apaisé." Pas totalement. Mais un peu plus qu'il ne l'était actuellement. Elle le laissait volontiers faire quand il avait posé sa main sur la sienne. Suite à quoi il mentionnait la rencontre qu'il avait faite. Une femme que Norah ne connaissait apparemment pas. Elle trouvait qu'il allait un peu vite en besogne. Mais ce n'était pas elle qui allait lui dicter ce qu'il était juste de faire ou non. "Une journée à la fois, oui." répéta-t-elle avec un léger rictus encourageant. "Il y a le temps." Rien ne pressait, après tout. Il n'y avait pas d'échéance, pas d'ultimatum. Caelan avait le temps de faire les choses bien. "Concentre-toi déjà sur ton nouveau boulot, sur ton nouveau logement. Je pense que tu devrais t'assurer que tout aille de ce côté là. Ca se fait par étapes, n'en saute aucune, surtout." Norah avait toujours ignoré son propre deuil et elle en payait les frais depuis plusieurs mois. C'était un autre type de processus, mais dans tous les cas, ils devaient se reconstruire, l'un comme l'autre.  

« Après. Elle m’a balancé ça juste avant de partir de la maison, après m’avoir laissé. » Et Caelan s’en souvenait comme si c’était hier. À ses yeux, Jessica avait sans doute voulu lui dire à ce moment pour se venger, pour lui faire du mal à son tour. Pouvait-il vraiment lui en vouloir? Après le mal qu’il lui avait fait, il se disait qu’il l’avait amplement mérité. Il se sentait tout de même trahi qu’elle ait fait semblant de toujours vouloir un enfant avec lui, mais ça n’excusait en rien le geste qu’il avait posé. Norah utilisaient des mots qui ne lui étaient pas évidents à entendre, mais ils étaient justes, il ne pouvait pas s’esquiver. Il baissa les yeux, honteux, et pinça ses lèvres d’un air coupable en hochant la tête. « Tu as raison. » répondit-il d’une voix chevrotante. Il détestait se retrouver sur le banc des accusés, mais il y était par sa faute et il savait qu’il était loin d’être innocent dans cette histoire. Au moins, Norah le croyait quand il disait qu’il n’avait pas voulu faire de mal à son ex-femme et ça valait tout l’or du monde. Lorsque sa jumelle mentionna que Jessica entendrait parler d’elle si elles se revoyaient un jour, Caelan secoua vivement la tête en l’implorant du regard. « Non, s’il te plait, ne sois pas dure avec elle. Pas après ce que je lui ai fait. » Jessica avait ses torts, mais elle ne méritait pas de se faire remettre à sa place selon lui, même si Caelan ignorait ce que sa sœur voudrait lui dire. À se fier aux paroles de cette dernière, il n’avait pas l’impression que leur échange serait cordial. Jessica aurait dû être honnête avec lui dès le départ, mais son erreur était beaucoup moins gravissime que celle que lui avait commise et il n’avait pas envie que la situation s’envenime. « Tu crois qu’il pourrait prendre ça comme un aveu? » demanda-t-il, le regard craintif. Il se demandait ce qu’Anwar pourrait faire suite à une confession de sa part, s’il était obligé de le rapporter à ses collègues comme il serait mis au courant d’un crime. Il ne s’y connaissait pas dans le domaine et il ne savait donc pas trop à quoi s’attendre. Dans tous les cas, s’il trouvait une autre once de courage, il l’avouerait probablement la vérité à ses frères en premier. Si Anwar était dans l’obligation de le dénoncer à la suite de sa confession, il n’avait pas vraiment envie que sa famille l’apprenne une fois qu’il aurait les menottes aux poignets. « Mon tour viendra peut-être. » dit-il en haussant une épaule avec nonchalance, le regard vitreux. Caelan s’était sauvé au Canada, mais ça n’empêcherait probablement pas les proches de Jessica de vouloir se venger pour elle, s’ils étaient au courant de ce qu’il avait fait. Il ne s’était pas fait tabasser à ce jour, mais il savait que c’était une possibilité s’il tombait sur l’un d’eux. Et il le mériterait. « Absolument. » affirma-t-il lorsqu’elle mentionna qu’il aurait été le premier à l’inciter à porter plainte. Il aurait voulu que Frank paie pour ce qu’il lui aurait fait. Un silence lourd prit toute la place dans la pièce alors qu’il mentionna les idées noires qui avaient traversé son esprit quelques mois plus tôt. Il ne savait plus trop où se mettre en attendant une réaction de la part de sa jumelle. Lorsqu’elle affirma qu’il était quelqu’un de bien, Caelan se frotta le menton d’une main, sceptique. Il avait toujours cru qu’il était quelqu’un de bien, jusqu’à ce qu’il pose l’irréparable avec Jessica. Il décida toutefois de ne pas contredire Norah sur le sujet, préférant écouter ce qu’elle avait d’autre à dire. Tout en la fixant, il l’écouta, en silence, le bas du visage appuyé contre sa main. Il savait qu’elle était fâchée de ce qu’il avait fait, mais l’entendre dire qu’elle lui en voulait lui fit tout de même un pincement au cœur. Ses sourcils se froncèrent et son regard devint trouble sous l’émotion que suscitèrent ces paroles. Mais il ne bougea pas d’un poil, la laissant poursuivre sur sa lancée jusqu’à ce qu’elle eût terminé de parler. Il se redressa ensuite légèrement et remonta le col de son chandail d’une main pour s’essuyer le visage. Il renifla, les yeux baissés sur ses mains. « Je suis désolé pour tout. » Il releva la tête pour la regarder de nouveau en déglutissant difficilement. « Je suis désolé d’avoir été un trou de cul, de ne t’avoir rien dit, d’être parti… » Norah avait raison, ça n’avait fait que tout mettre sur pause en attendant, sans rien régler. Rien n’était disparu pendant son absence, tout l’attendait à son retour. « C’était lâche et immature de me sauver. T’as raison, ça n’a fait que repousser tout à plus tard, ça n’a rien réglé. » Un jour à la fois, il allait tenter de bien faire les choses, de se rattraper. De voir la déception dans le regard de Norah était difficile pour lui, mais il savait que c’était un passage obligé pour que les choses s’améliorent ensuite. Il se sentait déjà un peu plus léger d’avoir tenu la promesse qu’il lui avait faite, de se libérer enfin de ce poids immense. Mais il savait qu’il allait devoir se confier à d’autres, l’effet de légèreté était donc éphémère. « Je te donnerai tout le temps dont tu as besoin, j’espère qu’un jour on pourra se retrouver comme avant. » dit-il en lui souriant sincèrement. Le plus difficile allait être d’agir normalement en présence des autres, jusqu’à ce qu’ils se réconcilient. Leurs frères et leurs parents n’étaient pas dupes, il y avait toujours la possibilité qu’ils remarquent que quelque chose n’était pas normal entre les deux jumeaux. Il allait devoir sortir ses talents d’acteur pour ne pas mettre la puce à l’oreille de personne. « Ce n’est pas toujours évident, mais j’essaie d’y aller tranquillement, de faire les choses correctement. » Les choses auraient été beaucoup plus simples si Helena n’était pas sa colocataire, mais il préférait ne pas embarquer dans ces détails avec Norah, c’était déjà bien assez compliqué pour le moment. Caelan s’étira le bras et prit sa tasse de café pour en prendre une gorgée. Il reposa ensuite son dos contre le canapé, se réchauffant les mains sur le gobelet. « Comment tu te sens, toi? » demanda-t-il d’une voix douce. Les dernières années n’avaient pas été faciles pour sa jumelle et il s’inquiétait véritablement pour elle, surtout comme il avait été absent dans les derniers mois. Il lui avait posé la question, à l’hôpital, mais elle avait passé la journée à essayer de le rassurer sur son état. Il n’était pas convaincu qu’elle lui avait tout dit, il avait plutôt l’impression qu’elle avait tenté de le ménager.

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Le regard de Norah se durcit notablement lorsque son frère lui racontait l'échange qu'il avait eu avec son ex-femme après les faits. Caelan ne souhaitait pas qu'elle reporte sa colère sur Jessica. Il prenait envers et contre tout sa défense, devant l'incompréhension de Norah. "T'es sérieux ?" siffla-t-elle sèchement. "Tu viens de me dire que ton ex t'a balancé qu'elle s'est pliée à ton souhait d'avoir des enfants, qu'elle n'a pas réussi à te le dire, qu'elle t'a laissé faire ton affaire, pour ensuite t'accuser de viol ?" résumait-elle vulgairement. Mais c'était bel et bien ce qu'il venait de lui raconter. Le rire de Norah était jaune, mauvais. "Et en plus, en plus, tu me demandes expressément de me montrer douce et gentille avec elle ?" C'était presque un affront. "Tu as certainement fait la plus grand bêtise de ton existence mais ne viens pas me dire qu'elle n'a rien fait. Elle est peut-être victime dans l'histoire mais elle t'a quand même sacrément tendu le bâton pour se faire battre." répondait-elle froidement. "Elle est pas toute blanche dans l'histoire, donc si elle entendra parler de moi." Qu'importe le regard suppliant de son frère jumeau. "Et ne viens pas me dire qu'elle a fait ça par amour." Car elle n'y croirait pas un mot. A moins qu'elle n'était pas assez culottée pour lui dire non, mais ça c'était encore un autre problème. Norah pouvait devenir très sévère lorsque l'on touchait à sa famille, de près ou de loin. Elle gardait son calme olympien, mais mieux ne valait pas crcoiser son regard perçant ou être le destinataire de ses remarques cinglantes. Elle avait d'habitude un bon seuil de tolérance, sauf lorsqu'il s'agissait de faire du mal à sa famille. "Si elle avait l'intelligence de te le dire, tu n'en serais pas arrivé là. Tu ne serais pas bouleversé, tu ne serais pas partie pour tenter de te repentir. Tu en aurais souffert, mais on aurait tous été là pour toi et pour te soutenir. Ca n'aurait jamais pris de telles proportions." Pour l'heure, Caelan se questionnait auprès de quelles personnes il pourrait faire part de ces révélations. Anwar semblait tout indiquer, mais son métier mettait quelques freins à cette démarche. "Il reste un ami de la famille avant tout. Avant même d'être inspecteur. Même si ce métier représente une grande partie de sa vie." lui fit-elle remarquer bien plus calmement. Sinon, jamais n'aurait-il marchandé avec Strange pour remettre la main sur l'assassin de Frank. "Il veut retrouver son ami avant tout. Il attend de ta franchise, et ta parole. Il doit bien se douter que si t'es parti si longtemps, ce n'est pas parce que tu t'es cassé un ongle." L'exemple était exagéré mais pourtant vrai. Annie n'était pas né de la dernière pluie et il savait que sa disparition était causée par quelque chose de grave, quelque chose qui dépassait l'amour qu'il avait pour sa soeur jumelle. Et ça, c'était important à souligner. Norah n'eut aucun mal à faire part de ses sentiments vis-à-vis de son frère, qui lui restait attentif, à boire chacune de ses paroles, même les plus déplaisantes. Il n'osait pas l'interrompre, elle le voyait. Mais autant qu'il sache la vérité plutôt que d'arrondir les bords ou de relativiser pour que la pilule soit plus facile à avaler. Hors de question. Elle le croyait, quand il se disait être désolé, pointant du doigt la liste des choses qu'il n'aurait pas du faire. "Je te crois." lui souffla-t-elle. C'était déjà une bonne chose de l'admettre, une sacrée étape de franchie. Mais il ne s'agissait que du début d'une très longue démarche et Caelan n'était donc probablement pas au bout de ses peines. Il espérait retrouver la complicité qu'il avait toujours eu avec Norah, jusqu'à son départ précipité. "Moi aussi." répondit-elle calmement, le sourire triste. Cela pouvait prendre des mois, peut-être même des années pour totalement réparer le lien qui les connectait. S'en suivit un long silence de la part de la soignante. Elle acquiesçait de temps en temps d'un signe de tête en l'écoutant parler, mais elle estimait qu'elle n'avait pas grand chose à ajouter. Inutile de gâcher sa salive en répétant ce qu'elle avait déjà dit. Elle poussa un long soupir et se réinstallait un peu plus confortablement sur le canapé. Chaque geste de ce genre était douloureux : c'était amplement supportable pour elle, mais c'était là quand même. Caelan lui posait une question qu'elle entendait plusieurs fois par jour. On ne voulait plus qu'elle leur réponde avec son habituel ça va alors qu'ils savaient que ce n'était pas vraiment le cas. Caelan n'avait pas été témoin de sa véritable chute en enfer de ces derniers mois. Il ne savait pas comment elle était vraiment avant qu'une voiture ne vienne percuter violemment la sienne. "Ca prend du temps." répondit-elle après une longue réflexion. "Ce ne sont pas que des blessures physiques." Et encore, le mot blessures n'était pas tout à fait approprié. L'âme de Norah n'était pas blessée, mais plutôt meurtrie, lacérée de toute part. "Mes fractures de côtes seront les premières à guérir, d'ailleurs." ironisa-t-elle avec un rire triste. Elle en avait parfaitement conscience, que le déclic ne se ferait pas du jour au lendemain. "Ces derniers mois n'ont finalement reflété que la limite de mes capacités." L'accident de voiture n'était que la cerise sur le gâteau. Norah avait eu tout le loisir du monde à réfléchir, à penser. A tout reconsidérer. Et se rendre compte qu'elle avait frôlé la mort d'un peu trop près lui offrait de bien nouvelles perspectives. Cela ne voulait pas autant dire qu'elle était sortie d'affaires. "C'est pas facile tous les jours." admit-elle, le regard bas. "Il y a encore des jours où je voudrais qu'il me revienne." Plus au point d'avoir l'impression qu'il était toujours là et qu'il n'allait pas tarder à rentrer. C'était déjà ça. Mais il y avait encore de ces moments où elle donnerait n'importe quoi pour se blottir dans ses bras. "C'est encore trop dur à accepter." Son deuil était loin d'être résolu, mais elle franchissait doucement les étapes. "Je suis sûrement la dernière à m'en être rendue compte. A quel point ça n'allait pas." dit-elle avait un sourire tantôt triste, tantôt amusée. "Forcément, il fallait que j'atteigne le point de rupture pour que je veuille bien l'admettre." Ce qui, en soi, n'avait rien de très surprenant.

Caelan sentit son visage devenir cramoisi lorsque Norah lui fit part de son mécontentement alors qu’il lui demandait de ménager Jessica lors d’une éventuelle rencontre. Il ouvrit la bouche pour lui répondre mais la referma presque aussitôt alors que sa jumelle riait jaune. Il avait chaud, il sentait la chaleur jusque dans ses oreilles tellement il se sentait mal à l’aise à cet instant. Il comprenait la frustration de Norah, et d’un côté ça le touchait de la voir prendre sa défense ainsi, mais il craignait que Jess soit moins encline à accepter de lui parler si elle avait subi la fougue de Norah au préalable. Et s’il avait finalement compris quelque chose de cette conversation, c’était qu’il avait vraiment besoin de reprendre contact avec la concernée pour tenter de clarifier certaines choses. Il sentait que cette conversation ne serait pas facile non plus, mais Jess et lui avaient besoin de s’expliquer. «  No. » l’interpella-t-il plus sèchement qu’il ne l’aurait voulu, laissant ainsi paraître son agacement. Caelan ferma les yeux quelques secondes afin de reprendre son calme avant de parler. Sa sœur ne s’énervait pas très souvent, il savait qu’il avait donc intérêt à filer doux les rares fois où ça se produisait. « Je veux juste pouvoir m’expliquer avec elle. Je sais que tes intentions sont bonnes, mais ça risque d’être difficile si t’es passée faire un carnage avant moi, tu comprends? » lui demanda-t-il en guettant sa réaction, les sourcils arqués. Jessica risquait d’être encore plus en colère, en croyant peut-être qu’il avait mis toute sa famille contre elle. Déjà qu’elle avait craché sur son amitié avec Marcus, probablement parce qu’elle n’était plus à l’aise de le revoir puisqu’il faisait partie de sa famille. « Non je ne dis pas qu’elle est blanche comme neige, mais ce n’est pas sa faute si je l’ai violée. » Ce n’était la faute de personne sauf de la sienne. Jessica n’avait pas mérité ce qu’il lui avait fait, pas plus que les femmes qui se font critiquer de porter des vêtements trop provocants pour ensuite se plaindre d’avoir été violées. Norah marquait quand même un certain point. Si Jessica avait pris les devants et qu’elle lui avait fait part de ce qu’elle ressentait (ou ne ressentait plus), ils n’en seraient probablement pas arrivés là. Il aurait été démoli, mais il n’aurait pas eu honte d’aller chercher de l’aide cette fois-ci. « Mais oui, elle aurait dû m’en parler. Parce que clairement, non, elle n’a pas fait ça par amour. Visiblement, j’étais le seul à en ressentir encore. » dit-il en faisant la moue en baissant les yeux. La conversation dévia sur son hésitation à confier son secret à Anwar et Norah sut trouver les mots pour le rassurer. « Oh oui, ça c’est clair. » dit-il en repensant à la discussion qu’ils avaient eue à l’hôpital alors que les deux amis semblaient faire un concours de celui qui replaçait sa casquette le plus souvent. La frustration d’Anwar et de Caelan étaient alors palpables. « Quand on s’est croisé à l’hôpital, alors que tu étais partie passer des tests, il voulait savoir, mais je lui ai dit que je tenais à t’en parler en premier. » Anwar n’attendrait probablement pas indéfiniment avant de le relancer, cependant, malgré qu’ils ne se voyaient pas très souvent depuis que Caelan était de retour au pays. Leur relation n’était définitivement plus ce qu’elle était et Caelan aussi avait hâte de pouvoir retrouver son ami. En attendant, il lui avait au moins fait la promesse de faire de Norah sa priorité, de faire tout en son pouvoir pour qu’elle aille mieux. Il profita alors de l’intimité que la maison de sa sœur leur donnait pour lui demander comment elle allait réellement. Encore une fois, il but ses paroles d’une oreille attentive sans l’interrompre tout en serrant l’une de ses mains avec la sienne pour la réconforter. Il se sentit particulièrement impuissant lorsqu’elle mentionna qu’il y avait encore certains jours où elle voudrait qu’il lui revienne. Il aurait aimé avoir une baguette magique pour pouvoir réaliser le souhait de sa jumelle. Malheureusement, il n’en avait pas et il ne pouvait rien faire d’autre que de l’écouter. Il souhaitait sincèrement que Norah réussisse un jour à s’abandonner à un autre homme et d’être heureuse, mais il savait toutefois qu’elle n’était pas prête et il le respectait. Bien que Jessica soit toujours vivante, à l’inverse de Frank, elle lui manquait toujours autant après près de deux ans de séparation. Leurs histoires étaient très différentes, mais il avait l’impression de comprendre un peu mieux la souffrance de sa jumelle et le temps dont elle avait besoin avant de laisser entrer quelqu’un d’autre dans sa vie. « On a parfois besoin d’être presque complètement à terre pour mieux remonter la pente ensuite. » dit-il en soupirant, en repensant à l’état dans lequel il était avant de tout lâcher pour partir au Canada. Il déposa son gobelet vide sur la table basse avant de tourner son corps vers sa sœur pour prendre sa main entre ses deux paumes. « Pourquoi tu ne m’en as pas parlé? » Il ne lui en voulait pas, il comprenait que ça avait dû être difficile de s’ouvrir à lui alors qu’il était sur un autre continent et qu’il ne pouvait pas débarquer chez elle pour venir la prendre dans ses bras. Il s’en voulait plutôt à lui de ne pas avoir été là pour elle malgré l’appel à l’aide d’Anwar. « Maintenant que je suis revenu, je ne veux surtout pas que tu hésites s’il y a quelque chose. Même si c’est en pleine nuit, on s’en fou. Tu m’appelles. Ok? » Caelan espérait que Norah ne perdrait pas le réflexe de le contacter si le besoin se présentait, suite à sa récente confession. Il caressa affectueusement le dessus de sa main avec son pouce, le haut de son corps légèrement penché dans sa direction. « La vie n’a pas été clémente avec toi ces dernières années. » dit-il en la regardant avec tendresse. « Peut-être que je manque un tantinet d’objectivité, mais tu es la personne la plus formidable que je connaisse. Je suis convaincu que, lorsque tu seras prête, la vie t’apportera plein de belles choses. » continua-t-il avec un petit sourire au coin de ses lèvres. « Comme tu l’as dit, tes blessures physiques risquent de guérir en premier. Ça, ça prend plus de temps malheureusement. » ajouta-t-il en tapotant doucement le côté de sa tête avec son index. « Il faut que tu te reposes, que tu te ménages si tu en ressens le besoin. Et je sais que ce n’est pas évident depuis que tu es seule à tout gérer avec les enfants. Je te connais, je sais que tu as du mal à t’arrêter, à t’asseoir deux minutes. Mais il ne faut pas que tu hésites à nous demander de l’aide lorsque tu en ressens le besoin. On peut prendre les enfants pour que tu aies du temps pour toi. C’est important de prendre du temps pour soi pour aller mieux.» Et il savait que ce n’était pas toujours évident, car même dans son travail Norah prenait soin des autres.

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Il était fortement déconseillé de contrarier Norah. Ses frères étaient bien les premiers à le savoir. Ils avaient déjà essayé de la titiller un peu pour voir comment elle réagissait; et à leur grand désarroi, ça n'avait jamais eu l'effet escompté. En revanche, quand elle tenait tête à un sujet sérieux et délicat abordé, elle n'en démordait pas et ne se gênait pas pour faire part de ses pensées. Elle avait un éclat particulier dans le regard, capable de transpercer n'importe qui. Pas besoin d'être très expressive, ni d'user de beaucoup de mots. Si on la connaissait bien, on savait ce qu'elle pouvait bien dire. "Très bien, alors je passerai la voir après que tu l'aies vu." répliqua-t-elle aussitôt, d'un calme à en faire froid dans le dos. "Je me demande bien si elle me servira la même version qu'à toi." Norah trouvait qu'il y avait quelque chose de pas très nette dans cette histoire, mais elle n'arrivait pas à définir quoi. Il y avait ce merveilleux quiproquo qui menait à un bon nombre de réflexions. Il y avait de quoi être perplexe. Les deux tourtereaux n'avaient plus eu la même vision de leur avenir, Jessica ne voyait plus son futur à deux avec Caelan, on ignorait même depuis combien de temps elle n'avait plus de sentiments pour lui. Il la défendait même encore à ce jour, envers et contre tout. "Si elle n'avait plus de sentiments pour toi, qu'est-ce qui l'a mené à se laisser faire sans rien dire ?" le questionnait-elle ailleurs, tentant ardemment de comprendre dans quel proccessus Jessica s'était perdu. En tout cas, c'était une réflexion totalement dénué de bon sens. "S'il n'y avait plus rien, qu'est-ce qui l'a empêché de dire non ? Ca, c'est quelque chose que tu devrais lui demander. Parce que si elle te l'avait dit, tu n'en serais jamais arrivé là." lui faisait-elle constater, les lèvres pincées. "C'est surtout ça, ce que je comprends pas chez elle." Ne rien dire et ensuite accuser son frère, voilà à quoi on pouvait résumer toute cette histoire. Norah lâchait un long soupir. Au delà de ça, Caelan avait encore de nombreuses affaires à régler, encore beaucoup de discussions à avoir avec ses proches. Anwar était assez amer, du départ précipité du brun. Et il le lui faisait clairement ressentir. "Ce qu'il aura forcément compris." approuvait-elle alors qu'il lui racontait qu'il préférait d'abord se confier à sa soeur avant qui que ce soit d'autre. Mais voilà chose faite. Et la patience d'Anwar avait quand même ses limites. Il suffisait de le voir devenir nerveux dès qu'un feu rouge tirait un peu sur la longueur. Peu désireux de continuer à être le centre de cette conversation, le Leckie souhaitait savoir comment Norah se sentait. Ce n'était pas un sujet qu'elle aimait foncièrement aborder. Mettre en étalage toutes ses émotions et la façon dont elle vivait son quotidien n'était vraiment pas dans ses habitudes. "Un peu trop extrême comme mise à terre, à mon goût." ironisa-t-elle. Pas que ce n'était pas nécessaire. Sa guérison allait prendre du temps et là, elle n'avait pas d'autres choix que de se concentrer dessus. L'infirmière haussa les sourcils lorsqu'il se demandait pourquoi elle ne s'était pas confiée. "J'en parlais déjà pas à ceux qui étaient dans le coin, alors à un de mes frères qui se trouvaient au Canada..." Et ce qu'il ne semblait pas réaliser, c'est que Norah n'avait pas totalement conscience de tous ses troubles qui l'anesthésiaient. Difficile d'en parler alors qu'elle ignorait tout ceci. Il fut un temps, quand ils étaient plus jeunes, où oui, Norah se confiait aisément  (enfin tout était relatif, elle n'était pas une pipelette de base). Au fil des années, ça avait changé. Elle prit une profonde inspiration. "Ca se fait pas en un claquement de doigt." expliqua-t-elle. "Ca se dit pas aussi facilement que lorsque tu veux, je sais pas, commander une pizza par exemple." Ils ne pouvaient rien faire d'autres que de l'écouter, encore faudrait-il qu'ils saisissent le sens de chacun de ses mots. Caelan semblait tenir à retrouver sa place de confident, de frère jumeau et pour cela, Norah avait l'impression qu'il forçait un petit peu les choses. Oui, il voulait aider autant que faire se peut et elle ne pouvait décemment lui refuser cela, mais de là à se confier à lui à nouveau... "Tu sais que t'es pas le premier à me rappeler que je peux appeler en pleine nuit ?" fit-elle remarquer avec un sourire amusé. Marcus, Percy, Anwar... Elle serait même prête à parier que si elle appelait Tommy, il viendrait lui aussi. Jamais n'abuserait-elle des services qu'on lui proposait. Norah traduisait sa reconnaissance par des gourmandises fraîchement cuisinés dès que l'un d'eux apparaissait chez elle, en libre service pour ses proches. "T'es loin d'être le premier à me tenir ce genre de discours." Il y avait des moments où elle trouvait cela très infantilisant. Mais elle comprenait bien que tout partait de bonnes intentions et qu'ils tenaient vraiment à ce qu'elle saisisse qu'elle avait le droit de demander de l'aide. Son indépendance lui hurlait le contraire. Comme elle avait déjà pu le partager à d'autres, elle craignait de dépasser l'étape de l'abus, en les sollicitant trop. "Le truc, c'est que j'en ressens pas vraiment le besoin." Jamais n'avait-elle réellement senti le besoin d'un break, d'une coupure. "Je faisais comme ça parce que c'était à faire." dit-elle en haussant les épaules, comme si cela était normal. Caelan adorerait sans doute que sa soeur se lance un jour dans une nouvelle relation, qu'elle retrouve quelqu'un capable de la faire sourire au quotidien. Chaque chose en son temps. "On m'a bien fait comprendre que de toute façon, je ne reprends pas le boulot avant l'année prochaine. J'avoue que ça ne me déplaît pas." reconnut-elle. Jamais n'aurait-elle pensé qu'un jour, elle apprécierait d'être en repos forcé pendant plusieurs. Mais d'avoir été éloignée depuis septembre déjà de cette responsabilité là, elle en ressentait le début des différents bénéfices. "Vous m'aidez déjà tous beaucoup, là. C'est plus que je ne vous aurai jamais demandé. Je verrai comment on s'organisera quand je reprendrai le boulot. Là, j'ai du temps pour moi quand ils sont à l'école, vous les y emmenez déjà, j'ai une collègue en particulier qui a peur que nous mourrions de faim et qui, du coup, vient régulièrement avec de quoi manger pour une semaine entière, d'autres viennent volontiers me rendre visite. Je suis plus que jamais bichonnée, là." Elle souriait avec reconnaissance. C'était dans ces moments-là, souvent, où on savait sur qui on pouvait compter ou non. Caelan était aussitôt revenu dès qu'il avait su pour son accident. "Je n'ai même plus à demander de les emmener à l'école ou de les surveiller une après-midi pour avoir du temps pour moi." Ils avaient sûrement compris que dans un premier temps, il ne fallait pas trop lui laisser le choix. Cela dit, Norah n'avait jamais refusé une seule fois. "C'est pas ces dernières années qui n'ont pas été clémentes." soulevait-elle. "C'est un événement en particulier qui a influencé toute la suite." En soi, au boulot tout se passait bien, les enfants étaient en bonne santé, ils avaient un toit au-dessus de leur tête, des proches présents. "C'est juste moi." conclut-elle avec beaucoup de sérénité. Elle ne le niait pas. Par contre, sur la façon dont elle avançait, elle ne comptait pas le lui partager. La confiance qu'elle avait envers son frère jumeau était ébranlé, elle ne lui ferait pour le moment pas de confessions tant qu'elle ne sera pas retrouvée. "Toi aussi, tu as de quoi faire, de ton côté." lui fit-elle remarquer. Il s'était reconverti professionnellement, de longues conversations l'attendaient avec ses frères et avec Anwar, ave son ex-femme... "Ca ira mieux, ne t'en fais pas pour ça." le rassurait-elle. "La seule véritable interrogation, c'est le temps que ça prendra." Et cette fois-ci, elle avait nullement l'intention de brûler des étapes ou d'accélérer les choses. Non, Norah tenait à prendre son temps.

Caelan aurait très certainement pu demander à Norah de se mêler de ses affaires en lui disant que cette histoire ne concernait que Jessica et lui, mais il savait qu’il n’aurait fait que s’attirer ses foudres. Parce qu’au final, ce qu’il avait vécu avec son ex-femme n’avait pas eu qu’un impact sur son mariage mais aussi sur les membres de sa famille qui avaient dû vivre son départ précipité. Le brun était également conscient qu’ils tenaient à lui et qu’ils souhaitaient tous être là pour lui, même Anwar lui avait dit qu’ils auraient pu l’aider, mais il avait beaucoup de mal à croire qu’ils l’auraient autant supporté qu’ils le disaient s’ils avaient eu tous les détails de sa rupture. Il s’était donc tu et récoltait maintenant la colère et l’incompréhension de ses proches. « Merci, j’apprécie. » répondit-il en soupirant de soulagement lorsque Norah accepta finalement d’attendre qu’il ait pu parler à son ex-femme avant de lui parler elle-même. La situation était bien assez compliquée ainsi pour qu’elle s’en mêle un peu, même si elle la comprenait de vouloir s’expliquer avec Jessica. Si les rôles étaient inversés, lui aussi il voudrait s’expliquer avec l’ex de sa sœur pour comprendre. Il ne mettrait jamais la parole de sa jumelle en doute, cependant. Le commentaire que Norah venait de lui faire lui laissait croire qu’elle avait des doutes sur véracité de ce qu’il venait de lui dire. Il fronça les sourcils avant de lui demander ce qu’elle voulait entendre par là. « Ça veut dire quoi ça? Tu crois que je t’ai menti? » Peut-être était-ce plutôt en Jessica qu’elle ne faisait pas confiance, mais il en doutait un peu. Malgré leur lien généralement fort, il savait que sa confession avait endommagé leur lien et que Norah ne lui faisait plus autant confiance. Il considérait toutefois qu’il avait été le plus honnête possible sans épargner de détails importants. Bien qu’elle était la victime dans l’histoire, le brun espérait que son ex-femme n’en beurrerait pas épais en tournant encore plus l’histoire à son avantage en rajoutant des détails créés de toutes pièces. Pendant toute leur relation, Caelan avait eu en Jessica une confiance aveugle. Mais celle-ci avait été entachée à leur rupture lorsqu’elle lui avait avoué qu’elle ne se voyait plus avoir d’enfant avec lui et qu’elle ne lui avait rien dit. Il était plus que temps que les anciens amants s’expliquent pour qu’ils puissent tous les deux ensuite aller de l’avant chacun de leur côté. « J’aimerais avoir la réponse à ta question Norah. » Parce que lui aussi il se la posait, cette question. De quand Jessica ne ressentait plus rien pour lui? Pourquoi ne lui avait-il rien dit? Quelque part il se demandait si, peut-être, avait-elle espoir que les choses redeviennent comme avant entre eux. Ils avaient partagé beaucoup de bons moments en quatorze ans et peut-être qu’elle hésitait à mettre fin à cette relation, de peur de ne pas prendre la bonne décision. Cette discussion, ils ne l’avaient pas encore eue alors il n’était pas au courant du ressenti de son ex quant à leur mariage. « Peut-être qu’elle avait peur de se tromper? Qu’elle se sentait intimidée par tous les changements que ça impliquait? Je n’en sais vraiment rien en fait, je ne suis pas dans sa tête. » Mais il comptait lui demander si elle acceptait de le voir pour qu’ils s’expliquent. Norah avait raison, il n’en serait jamais arrivé là si elle lui avait fait part, dès le début, qu’elle ne ressentait plus rien pour lui. Au final, ils s’étaient séparés quand même mais d’une façon beaucoup plus douloureuse que si elle l’avait laissé plus tôt. « Je vais lui demander si elle me laisse l’opportunité. » Car rien ne disait encore qu’elle accepterait d’avoir cette discussion qui ne serait clairement pas facile ni pour l’un ni pour l’autre. En attendant, Caelan avait beaucoup de discussions à avoir et il devrait tôt ou tard décider qui serait la prochaine personne à qui il se confierait : ses parents, Percy ou Marcus? Il n’avait aucune idée de quoi s’attendre avec eux au niveau de leur réaction et c’est ce qui le rendait le plus nerveux. Jusqu’à maintenant, aucun d’entre eux ne l’avait harcelé pour connaître les raisons réelles de son départ au Canada et il l’avait particulièrement apprécié. « J’imagine bien. répondit-il lorsqu’elle lui expliqua qu’elle n’en parlait même pas aux gens autour d’elle alors c’était encore moins facile de le faire à celui qui se trouvait à des milliers de kilomètres. Il pouvait comprendre que la distance ne facilitait pas la tâche et il était bien placé pour comprendre que se confier était loin d’être évident. « Mettre ses sentiments à nus n’est jamais évident. » Sa comparaison avec la pizza ne pouvait pas être plus vraie. En même temps, si c’était aussi facile de parler de ses émotions et de ses sentiments, ça perdrait un peu de sa valeur. « Je ne doute pas une seconde que les autres te l’aient aussi dit. Tu n’as donc plus d’excuses. » dit-il en lui faisant un clin d’œil. Il avait toujours su que Norah serait bien entourée pendant son départ, mais il était tout de même content de voir qu’il ne s’était pas trompé. Elle n’avait rien que pour elle une belle brochette d’hommes prêts à tout faire pour l’aider. « Il faudra t’habituer parce qu’on ne risque pas de te lâcher pour un petit bout. Parce qu’on tient à toi. » Quitte à ce qu’il vienne la voir sans s’annoncer. Évidemment, il respecterait quand même son besoin d’être seule si elle lui demandait. Caelan voulait être là pour elle, son but n’était pas de se la mettre à dos encore plus. « Même si tu n’en ressens pas forcément le besoin, je me suis beaucoup ennuyé de Julie et Aidan alors si ça peut te permette de souffler un peu que je les prenne un soir chaque semaine… » Et il ne lui proposait pas parce qu’il croyait qu’elle ne lui demanderait pas son aide, mais parce qu’il s’était réellement ennuyé d’eux. Ils seraient tous gagnants, selon lui, Norah pourrait en profiter pour se reposer. « Je suis content d’entendre ça, c’est une bonne nouvelle. » Ça allait au moins lui donner un deux mois pour qu’elle prenne soin d’elle et qu’elle se remette sur pieds. Ça le rassurait un peu de savoir qu’ils n’envisageaient pas un retour précipité. Le trentenaire ne put s’empêcher de rire doucement lorsqu’elle lui fit part de ce que tous les gens autour d’elle faisaient pour l’aider. Il n’était pas tellement surpris de voir qu’autant de personnes accouraient pour l’aider dans ce moment difficile. « Je suis vraiment content de voir que tu es autant entourée, tu le mérites. » Son expression faciale redevint plus sérieuse lorsqu’elle aborda la mort de Frank. Perdre soudainement la personne qu’on aime alors que l’amour est toujours présent des deux côtés devait être particulièrement difficile. Voir Norah traverser cette épreuve n’avait été facile pour personne. Elle dévia la conversation un instant sur tout ce qui attendait prochainement son jumeau. Il hocha lentement la tête en haussant les sourcils. Il avait effectivement assez de dossiers à régler de son côté avec son nouveau boulot, les discussions qu’il devait avoir sur sa rupture et le choix qu’il devait faire concernant Elizabeth et Helena. « Ne m’en parle pas. » Un jour à la fois, une chose à la fois. Heureusement, il ne resta pas le sujet de conversation bien longtemps. Lorsque Norah voulut le rassurer en lui disant que ça irait mieux de son côté, il plongea son regard dans le sien et lui sourit affectueusement. « Ça prendra le temps que ça prendra. » dit-il en haussant les épaules. Ça ne servait à rien de vouloir aller plus vite. « As-tu besoin que je fasse quelque chose avant que les enfants reviennent? Que je te fasse réchauffer quelque chose? » Idéalement quelque chose de déjà préparé parce qu’elle n’avait certainement pas besoin qu’il l’empoisonne en plus du reste.