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Lucia Whitemore & @Lily McGrath

« Tu passeras le bonjour à Mary de ma part ? » Oui maman, bien sûr maman. Je ne raccroche qu’après avoir obtenu ce pour quoi j’ai appelé ma mère - qui bien sûr m’a tenu la jambe pendant presque une demie heure, une demie heure pendant laquelle elle a réussi à la fois à me reprocher de ne pas appeler assez souvent, de ne pas encore lui avoir présenté mon petit ami (je dois certainement à Hannah de lui en avoir parlé), de ne pas lui avoir envoyé mes photos des vacances. Moi dans ces cas là, je connais mes limites : je dis oui à tout et je promets, avant que tout me sorte de la tête comme d’habitude. Tout sauf Swann : j’ai prévu de lui proposer de m’accompagner à l’un des traditionnel barbecue du dimanche qui reprendront bientôt avec les beaux jours chez les Whitemore. J’hésite simplement parce que je sais qu’il subira un interrogatoire en bonne et due forme, mais j’ai envie de tout sauf le cacher.

Mais je ne l’ai pas appelée pour ça : c’est l’adresse des parents Keegan que j’ai cherché à obtenir puisqu’elle fréquente les parents de Lily depuis années. Cette dernière se tient à l’écart du DBD depuis des semaines et si j’ai entendu de la bouche de Deklan des rumeurs qui la peignent en bourreau et Matt en victime, je suis bien placée pour savoir que parfois, les choses sont plus compliquées que ce qu’elles semblent l’être et puisque je connais la jeune femme depuis des années, j’ai à coeur qu’elle ne se sente pas seule. Les McGrath et toute la famille du DBD peuvent être intransigeants, je suis bien placée pour le savoir, et je sais ce que c’est que de se retrouver à vivre chez ses parents pour échapper à la réalité lorsque l’on a atteint l’âge adulte : c’est difficile, c’est un véritable retour à la case départ. C’est pourquoi je sonne aujourd’hui à l’adresse communiquée par ma mère, équipée d’une fournée de muffin que Swann m’a aidée à préparer (il faut comprendre là qu’il a trempé son doigt dans la pâte et lêché le saladier à la fin). « Bonjour madame Keegan. Je venais voir Lily, elle est là ? » Timide, je me demande si elle se souviendra de moi la mère de Lily. Je ne suis pas la soeur Whitemore qu’elle a eu le plus souvent chez elle puisque c’est avec Gabrielle que sa fille a plus souvent été fourrée, mais elle me salue d’un sourire et me laisse entrer. « Installe toi, je vais lui dire que tu es là. » Docile, je dépose mon sac à main sur le coin d’une chaise et mes muffins sur la table à manger avant de m’asseoir. Quand Lily montre le bout de son nez je lui adresse un sourire, avant de croiser mes jambes en tailleur sur la chaise sur laquelle je suis installée. « Je me suis dit que t’aurais besoin de ça. » Je montre du bout du menton les douceurs que j’ai ramenées, ne sachant trop quoi ajouter et comme l’aborder pour ne pas la brusquer. « On te voit plus trop et j’avais envie de passer un peu de temps avec toi. » C’est étrange finalement, avant son mariage avec mon patron, Lily n’était que l’amie de ma soeur. Le genre qu’on regarde de lui quand on est soit même haute comme trois pommes en l’enviant très fort d’être si grande et si belle. « Je voulais voir comment t’allais... » Ma phrase se brise et je chuchote presque, consciente que j’outrepasse peut-être les limites imposées par notre relation amicale à peine naissante.

“Quelqu’un veut te voir, Lily.” Elle a été sotte et stupide de croire que c’était Matt. Son coeur s’est accéleré, elle a même souri. Elle a pensé à se brosser les cheveux et à arrêter de caresser frénétiquement Neige mais sa mère a réduit son espoir à néant en lui annonçant l’identité de la personne en question. “C’est la petite Whitemore.” Comprenez donc par là qu’il s’agit de Lucia et bien que la Keegan est toujours heureuse d’entendre parler d’elle, n’en reste pas moins qu’elle n’était pas la première à traverser son esprit, il faut bien l’avouer. Lucia est une personne qu’elle apprécie beaucoup, au DBD comme en dehors, et elle était sincèrement heureuse de la compter à son mariage. Aujourd’hui pourtant, elle ne sait pas vraiment ce qu’elle peut bien lui vouloir, surtout qu’il n’y a aucun problème particulier à dénoter avec Gabrielle. Une part d’elle aurait préféré continuer à se morfondre dans son lit, se créant des scénarios imaginaires à base de “et si”. Au lieu de pouvoir continuer à refaire le monde, donc, elle prend quelques dizaines de secondes pour s’habiller en hâte et répéter devant le miroir le sourire qui pourrait être le moins pitoyable possible.

Ses cheveux revenus en une queue de cheval cachent la misère que ses yeux cernés ne peuvent qu’appuyer. Elle sourit pourtant de bon coeur lorsqu’elle aperçoit la plus jeune, se rendant finalement compte que sa venue et sa présence lui réchauffe le coeur. Elle est l’une des rares proches de Matt à ne pas vouloir lui faire la peau ces derniers temps. « Je me suis dit que t’aurais besoin de ça. » Touchée par l’attention bien qu’incapable de manger quoi que ce soit, elle sourit davantage encore après avoir laissé ses iris bleutées dériver vers les pâtisseries. “C’est gentil, merci.” Lily continue de s’en vouloir de paraître aussi négligée mais en sa qualité d’employée du DBD, Lucia connaît déjà toutes les raisons qu’il peut y avoir à cela. L’infirmière compte aussi sur les ragots et autres on dit pour avoir déformé l’histoire de cette nuit un bon millier de fois et un autre encore. « On te voit plus trop et j’avais envie de passer un peu de temps avec toi. » L’aînée vient s’asseoir face à elle, ne sachant réellement comme agir. Elle a toujours considéré Lucia comme une petite soeur et ce même bin avant qu’elle rejoigne le café. Aujourd’hui, c’est elle qui semble prendre soin de la Keegan (McGrath ?) et c’est une chose à laquelle elle ne s’était jamais préparée, pensant l’idée aussi stupide qu’improbable. « Je voulais voir comment t’allais... » Par mimétisme, elle adopte à son tour la même posture que Lucia, ramenant les quelques friandises près d’elles pour lui en proposer d’en prendre. Après tout, elle a quand même le droit de manger ce qu’elle a créé elle même. Par pure politesse, Lily en prend un aussi, le décortique et le mange petits bouts par petits bouts, sans appétit. “Bien. Ça va bien, merci.” Qu’elle ment, par habitude bien plus qu’autre chose. En face, Lucia sait bien que rien ne va, pourtant. On la dit amante du meilleur ami de son mari, elle n’a plus refait surface depuis et le mari en question traîne de lit miteux en lit miteux, enchaînant les bouteilles d’alcool. Il sentait l’alcool, toutes les dernières fois qu’elle l’a vu. Elle n’a pas pu s’empêcher d’observer ses pupilles pour s’assurer qu’elles n’étaient pas dilatées, juste au cas où. “Enfin c’est juste … Une mauvaise passe.” Face au doux regard de la Whitemore, elle se rétracte en constatant qu’elle n’a nullement envie de tisser un malheureux mensonge de plus. Elle sait déjà que rien ne va, le mensonge est inutile. Autant qu’elle garde ses forces et le peu de volonté qu’il lui reste pour plus tard.

Après s’être assurée que sa mère n’est plus dans les parages à écouter aux portes, elle se permet de relancer timidement la conversation, une pointe d’anxiété discernable dans le son de sa voix. “Qu’est ce qu’ils disent au DBD ?” Au fond, elle voudrait avant tout savoir comment se porte Matt mais n’est pas certaine de vouloir entendre la réponse si jamais elle signifie autre chose que “bien, super bien”. Il mérite d’aller bien, super bien.

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Lucia Whitemore & @Lily McGrath

Va-t-elle pensé que je n’ai pas grand chose à faire ici et que, par conséquent, ma venue est aussi surprenante que déplacée la jeune femme ? Va-t-elle me regarder comme lorsque, pendant l’enfance pour moi et l'adolescence pour elle, je faisais trop de bruit en venant jouer au salon pendant que Gabrielle et elle révisaient leurs cours dans la salle à manger ? Je l’observe regarder les muffins comme s’ils allaient la mordre - je ne l’ai pourquoi jamais vu compter la moindre calorie qu’elle ingère, je suppose donc que le chagrin lui coupe l’appétit - et je lui adresse un sourire compatissant mais que je tente de dénuer de pitié. « C’est gentil, merci. » C’est pas gentil à mes yeux, et elle le sait, elle me connaît : c’est normal de tendre la main aux gens que j’apprécie et qui ont l’air d’en avoir besoin. « Ceux qui ont le glaçage rose c’est chocolat blanc framboise et ceux qui ont le glaçage marron-presque-noir-mais-non-je-te-dis-que-c’est-marron c’est chocolat au lait. C’est Swann qui a fait ceux là. » Il a tenu à m’aider, même si Matt est son frère Swann est un garçon profondément gentil (et rajoutez à celui qu’il est gourmand et qu’il avait envie d’en garder à l’appartement, c’était une évidence). « Je te conseille ceux à la framboise, objectivement bien sûr. » Même si ceux de Swann sont certainement très bon, d’ailleurs je me sens tout de suite coupable d’avoir critiqué ses compétence pâtissière et, me concernant, j’attrape un muffin au chocolat.

Je ne lui tient pas rigueur d’être en jogging et pas maquillée, je ne m’en rends même pas compte à vrai dire tant je suis concentrée sur ses yeux qui ont l’air si tristes. Je l’observe attraper une douceur pour la séparer en autant de petit morceau que c’est physiquement possible, picorant plus que profitant, et elle me fait mal au coeur. « Bien. Ça va bien, merci. » Évidemment qu’elle va dire bien. Personne ne répond la vérité à ces question là et je suis la dernière qui lui en tiendra rigueur puisque j’ai dit que tout allait bien pendant les trois années durant lesquelles je fréquentais Lawrence. Bien sûr que tout ne va pas bien : Matt et elles sont séparés, lui semble avoir repris ses habitudes d’étudiants et Lily, et bien on ne la voit simplement plus. Et à cela, il faut rajouter les racontars du DBD puisque tout le monde, strictement tout le monde s’est rangé du côté de Matt alors que personne ne leur a pourtant demandé de choisir et moi, je trouve ça injuste. « Enfin c’est juste … Une mauvaise passe. » Je hoche la tête doucement : ça n’a jamais rien voulu dire ”une mauvaise passe” mais je suis la dernière qui fera ce genre de remarque désagréable à la fragile jeune femme. « J’en suis sûre. » Je ne suis sûre de rien puisque tout ce que je sais ce sont les on-dit (et ils ne sont pas en faveur de Lily), et qu’ils ne sont plus ensemble, elle et Matt.

Elle se penche vers moi, elle vérifie que sa mère n’est pas dans les parages et moi, je me sens d’un coup mal à l’aise dans cette situation. « Qu’est ce qu’ils disent au DBD ? » Je tente de réprimer une grimace, mais je ne suis pas la meilleure des menteuses : mes émotions se voient sur mon visage. « Ils disent n’importe quoi. » J’en suis sûre, je suis certaine que c’est plus compliqué que ce que les apparences laissent penser. « Tu sais, c’est une vrai famille là bas, et Matt c’est à la fois le frère cool, l’oncle gênant et le papa gâteau selon les personnes et les jours, alors ils sont tous protecteurs mais… Tu manques à tout le monde. » J’en suis sûre, j’ai pas vraiment posé la question.

L’écouter dresser l’assortiment de saveurs de chaque muffin devient aussi temporairement que rapidement la seule raison d’être de Lily. Elle a l’impression de devoir écouter un enfant vanter son dessin et de devoir écouter avec précision chacun de ses mots pour comprendre ce dont il s’agit, à défaut de pouvoir tirer quoi que ce soit des lignes de couleurs posées sur la feuille. Pourtant Lucia est à son tour devenue une adulte et Lily reste certaine que ses muffins sont très bons, raison pour laquelle elle en prend un, par politesse au moins. La faim n’est pas ce qui dicte la moindre de ses actions, dernièrement, mais elle ne veut pas se montrer désobligeante ni même impolie. La Whitemore n’a jamais rien fait contre elle, bien au contraire, et aujourd’hui elle mérite d’être remerciée pour ses actes et sa gentillesse à toute épreuve. Encore plus alors qu’elle est la première à venir voir Lily d’elle même, malgré tout ce qui peut être dit à son sujet au DBD.

A la question de savoir si elle va bien, la McGrath ajuste son mensonge pour une vérité un peu moins factice. Elle n’en sait rien, si c’est vraiment une mauvaise passe, mais au moins elle l’espère du plus profond de son coeur. « J’en suis sûre. » Et entendre Lucia la soutenir la laisse étirer un sourire asymétrique mais bien réel, alors qu’elle se bat pour laisser le moins de miettes possibles du muffin éventré. “Framboise, c’est vraiment le meilleur.” Cette fois-ci son sourire se fait un peu plus évident mais surtout plus mensonger. Si le muffin est excellent, Lucia a très bien vu qu’elle n’a pas encore touché à celui au chocolat. Elle n’essaye que de la rassurer, parce que Lucia est encore et toujours la plus jeune et donc celle qu’elle se doit de protéger, ajoutez à cela qu’elle est aussi la soeur de Gabrielle. Elle mérite le monde et bien plus encore, l’entendre parler de son couple ajoute un peu de mélancolie dans le coeur de Lily mais au moins elle est heureuse pour elle. Sincèrement. Elle, elle a vraiment l’air de bien se porter. Elle n’aurait pas eu à mentir pour répondre.

Lily ne peut pas s’empêcher de demander à quel point toute la ville est en train de ternir son image alors qu’elle ne se rend pas compte à quel point elle met aussitôt Lucia dans une situation compliquée. Elle n’a jamais voulu rendre la plus jeune mal à l’aise mais force est de constater que c’est finalement plus fort qu’elle, encore et toujours. « Ils disent n’importe quoi. » Ce n’est pas une réponse qui a quoi que ce soit de rassurant et bien au contraire, en plus d’être incomplète. Elle sait bien que la jeune serveuse fait de son mieux mais pour autant ses iris ne se décalent pas des siennes, suppliant presque pour obtenir de plus amples informations à propos de ce qui est en train de se passer dans son dos. « Tu sais, c’est une vrai famille là bas, et Matt c’est à la fois le frère cool, l’oncle gênant et le papa gâteau selon les personnes et les jours, alors ils sont tous protecteurs mais… Tu manques à tout le monde. » Elle sait bien toutes les casquettes que Matt peut revêtir, sans doute même mieux que personne, mais entendre Lucia en énumérer quelques unes la laisse souriante. Lily a toujours regardé d’un œil tendre le lien qui l’unit à son mari. Elle sait bien qu’elle ne manque à personne, mais est très mal placée pour lui reprocher de mentir. J’ai vraiment fait ce qu’ils disent, tu sais.” Perdue, la plus jeune a sans doute besoin d’explications des deux côtés pour réellement comprendre ce qu’il s’est passé. Bien que cela n’enchante pas moindrement Lily, elle les lui donne tout de même, la sachant méritante. Ce n’est pas pour autant qu’elle reste capable de poser de véritables mots sur la faute impardonnable commise aux côtés d’Ezra. “Mais j’aurais jamais cru que tout prendrait de telles proportions.” Surtout, elle n’aurait jamais cru que le secret serait révélé à tout le monde - pas aussitôt, en tout cas. Elle l’aurait préservé avec hargne telle une parfaite boîte de Pandore, si elle en avait eu l’occasion. Maintenant, cela ne sert plus à rien. “C’est gentil à toi de venir, Lucia. Je suis désolée que tu te retrouves au milieu de tout ça, ça ne devrait pas être ton problème.” Pas alors qu’elle, elle a justement l’air heureuse dans son couple. Cela devrait continuer ainsi sans qu’elle n’ait à s’inquiéter pour les autres ou se sentir redevable d’une manière ou d’une autre. Tout ça, Lily tente de le lui faire comprendre doucement, toujours un sourire posté au coin de ses lèvres. “Tes muffins sont vraiment bons, tu devrais passer la recette à Matt, tout le monde t’en serait redevable au DBD.” Non pas qu’ils ne soient pas bons mais disons qu’ils sont quelque peu … secs ?

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« Framboise, c’est vraiment le meilleur. »
« Je suis désolée, c’était maladroit. »

Ce qui l’était, ce n’est pas d’avoir parlé des muffins ou d’en avoir amené. Pas plus de l’avoir incitée à choisir framboise parce que framboise c’est forcément meilleur vu que c’est moi qui les ai fait. Non, ce qui l’était en revanche c’est de parler de Swann et d’étaler ma mièvrerie un peu partout sur le table. Ca l’est parce que Swann est un McGrath, le frère de Matt, et ça l’est simplement aussi parce que son couple est au plus bas et qu’elle n’a pas forcément envie par conséquent d’entendre parler du bonheur des autres. Dire que tout n’est pas aussi simple et que nous avons eu des passes compliquées ne l’aiderait en rien, et si j’aimerais me taire je me sens obligée de revenir sur ce que j’ai dit, de préciser, de me noyer pour pas qu’elle ait elle à le faire. « Chocolat je suis sûre que c’est très bon aussi, je veux dire. » C’est évidemment ça que je voulais dire, personne n’en doutera (si) et personne ne m’en voudra (j’espère.)

Lily est à mes yeux trop douce pour mériter le bashing général qu’elle subit en ce moment au café. Certes, peut-être a-t-elle des choses à se reprocher mais je considère que cela ne regarde personne d’autre que les deux parties impliquées : à savoir elle et Matt. Le café, c’est chez elle aussi, c’est devenu sa famille avec le temps et j’en trouve certains membres injustes. Si nous devions nous disputer Swann et moi, perdrais-je tous les amis que je m’y suis fait sous prétexte qu’il est un McGrath ? Je n’ai pas envie d’y penser puisque, dans ma tête il est impossible qu’il nous arrive quelque chose au blond et moi, mais l’idée me terrifie et Lily ne devrait pas avoir à vivre ça. « J’ai vraiment fait ce qu’ils disent, tu sais. » Je penche la tête sur le côté et je tends la main vers elle pour attraper la sienne. Je le fais doucement, qu’elle puisse se dégager et m’en empêcher si elle n’est pas à l’aise ou simplement si elle n’en a pas envie, je ne m’en vexerais pas, jamais. « Mais j’aurais jamais cru que tout prendrait de telles proportions. » Je pousse un soupir et, maladroitement, je tente de trouver les mots qui lui feront du bien. Je suis longue à la détente, évidemment, toujours, alors elle enchaîne et je sens qu’elle comble le silence puisqu’il la met mal à l’aise. « C’est gentil à toi de venir, Lucia. Je suis désolée que tu te retrouves au milieu de tout ça, ça ne devrait pas être ton problème. » Je secoue la tête en exprimant ce qu’elle ne me laisse pas le temps de dire : c’est pas grave, ça me dérange pas, pas le moins du monde. « Tes muffins sont vraiment bons, tu devrais passer la recette à Matt, tout le monde t’en serait redevable au DBD. » Ce serait mieux que les mélanges parfois hasardeux que tente Matt mais je crois qu’il tient à sa philosophie de vie qui dit que vivre dangereusement conserve. « Je suis venue parce que j’avais besoin de quelqu’un pour nous départager. Tu sais, pour les muffins. C’est toi qui me rends service en réalité. » Cette fois ci je fais bien attention à ne pas parler de Swann ou de mon couple. « Je pense pas que t’aies fait tout ce qu’ils disent. » Dans un instant de faiblesse elle est allée voir ailleurs ? Je suis droite et loyale, incapable de faire ce genre de choses, mais je suis incapable de juger trop durement aussi. « Le rendre malheureux par exemple. Je pense que, majoritairement, tu le rends très heureux. » Peut-être pas en ce moment, mais si on devait faire la balance je pense qu’elle lui a apporté plus de bon que de mauvais dans sa vie. « Et t’as pas voulu lui faire mal. Je pense que pour ça, tu devrais être pardonnée. Au moins par eux, ça les regarde pas. » Eux, sa famille du DBD. « Tu sais ce qu’on dit sur les familles… C’est le problème, tout le monde se mêle des histoires de tout le monde, mais on s’aime au fond. » Et je suis sûre que je ne suis pas la seule à qui elle manque.

« Je suis désolée, c’était maladroit. » Lily pose des yeux aimants sur la plus jeune. Elle penche à peine la tête, signe de compréhension, et laisse ses lèvres devenir un sourire un peu plus grand. “Pas du tout. C’est une bonne chose que tu sois heureuse.” Elle n’a pas à cacher son bonheur si les autres vont mal, ce n’est pas juste et ce serait mal venu. Elle ne devrait pas même agir selon les autres, et c’est la reine en la matière qui lui donne ce conseil ; quelle ironie. Lily est sincèrement ravie du couple qu’elle forme avec son beau frère, cela signifie qu’elle pourra la compter aux possibles (probables ?) repas de famille entre McGrath, lesquels elles se feront les pièces rapportées qui passeront sous les yeux experts de chacun des membres. Jusqu’à aujourd’hui la jeune femme n’aurait jamais craint le regard des autres puisqu’elle se savait imparfaite mais désormais tout a changé. La seule qui pourrait bien s’en sortir c’est Lucia. Elle qui est constamment douce et affectueuse avec tout le monde, elle ne voit vraiment pas ce qui pourrait lui être reproché. “Ne t’en veux jamais de l’être.” Avec quelque chose d’aussi éphémère que le bonheur, il serait stupide de ne pas profiter de chaque instant.

Ses mains se laissent entourer par les siennes sans qu’elle ne lutte ou soit prise d’inconfort. Au contraire, elle se fait la remarque une fois de plus sur la douceur et la patience de cette enfant devenue femme. Elle l’a toujours vue comme une petite sœur et même si elles n’étaient pas particulièrement proches dans le temps, Lily sait aujourd’hui qu’elle peut avoir confiance en la jeune Whitemore. « Je pense pas que t’aies fait tout ce qu’ils disent. » Et pourtant. Le regard de l’infirmière vacille et s’évade. Elle ne veut pas voir l’attitude de Lucia changer quand elle aura compris qu’elle a tout de même commis le principal de ce pourquoi ils l’accusent tous : elle a trompé Matt. Le reste peut être faux, exagéré, inventé, peu importe. Les faits sont là, ils parlent d’eux même. Les draps portent l’odeur d’Ezra, et la dernière personne à l’avoir embrassée, c’était aussi lui. « Le rendre malheureux par exemple. Je pense que, majoritairement, tu le rends très heureux. » Elle le pensait aussi puisqu’elle en avait fait sa priorité mais elle a finalement appris qu’elle ne peut pas tout avoir dans la vie. Peu importe tous les efforts qu’elle y met et à quel point elle tient à ce que les choses se passent comme elle le désire, elle n’a pas le pouvoir de changer le cours des choses et du monde. Matt était sa priorité et il l’est encore aujourd’hui alors elle est au moins heureuse qu’une personne le comprenne. « Et t’as pas voulu lui faire mal. Je pense que pour ça, tu devrais être pardonnée. Au moins par eux, ça les regarde pas. » En effet. Bien qu’étrangère à toute cette histoire, la jeune femme pointe les points qui sont essentiels selon Lily, annexes selon les autres. Elle n’a jamais voulu autre chose que le bonheur le plus profond et véritable de son mari, le problème c’est qu’elle ne sait pas comment s’y prendre. Ce qu’elle se dit, en tout cas, c’est qu’après avoir fait le pire elle ne pourra pas creuser plus bas encore. Elle laisse cette spécialité à Joseph qui, lui, la maîtrise à la perfection et ne compte sûrement plus le nombre de fois où il a déçu ses proches, sa sœur la première. “Tu prêches une convaincue.” Lily reprend à son tour dans un sourire rassurant, reprenant doucement les caresses de son pouce contre la peau de l’australienne. Elle sait à quel point la famille peut être un cadeau empoisonné tout comme les relations ne se passent finalement que très peu comme on peut l’attendre. Ce n’est pas un reproche, loin de là. Une part d’elle remercie Lucia d’avoir dit tout haut ce qu’elle se contentait de pouvoir penser tout bas. “J’aurais été la première à en vouloir à la personne si quelqu’un avait trompé Matt. Je les comprends.” Elle n’a tout simplement pas pour habitude d’être celle à qui on reproche quoi que ce soit. Se placer dans le groupe le plus important (et par conséquent celui qui a raison) a toujours été une habitude autant qu’une évidence pour elle. Pointer du doigt le premier est plus facile que de trouver les arguments pour se défendre ensuite - qu’on soit coupable ou innocent, ce n’est rapidement même plus ce qui importe. “On veut tous son bien, au fond.” Son regard est triste mais assuré. Si elle doit en passer par là pour que tout aille un peu mieux, un peu moins pire, alors elle se sait assez forte pour traverser ces turbulences sans trop de dégâts. “On va pas sortir les violons quand même, hein ? Tu veux bien me dire au moins s’ils savent à peu près se tenir ?” Son rire remplace ce qui aurait dû être un sanglot étouffé et sec. Lily préfère parler de ce qu’il se passe en son absence au DBD plutôt que de continuer à parler de son couple alors qu’elle pense avoir fait le tour : elle aime Matt, elle veut son bien et son bonheur, elle a fait une horreur ; Lucia sait tout ça et le monde entier l’ignore. Ce sont les faits. “T’as le droit de me remplacer s’ils commencent à être intenables. Ce sont des garçons, ils oublient vite.” Une petite claque bien placée à l’arrière du crâne a toujours eu pour effet de les calmer pendant au moins cinq longues minutes, et au DBD ce sont des secondes qui valent de l’or quand on voit de quoi (qui) est composée l’équipe.

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Lucia Whitemore & @Lily McGrath

Bien sûr, je m’en veux d’étaler ma relation et mon allégresse : parce que la sienne bat de l’aile et parce qu’en plus nous fréquentons deux frères. J’ai l’impression de lui jeter mon bonheur au visage et je ne pourrai plus me regarder dans une glace si je lui donnais vraiment cette impression là. J’ai presque honte d’être si heureuse en ménage - nous préparons des vacances ensemble son beau-frère et moi, quand tout s’effondre autour d’elle et que c’est son tour d’être de retour chez ses parents : j’ai fait, je connais et cela n’a rien d’agréable comme sentiment que celui de revenir à la case départ. « Pas du tout. C’est une bonne chose que tu sois heureuse. Ne t’en veux jamais de l’être. » Je ne m’en veux pas de l’être mais je me dis que je pourrais être un peu plus pudique à ce sujet et, si Lily prétend que cela ne l’embête pas bien au contraire, moi je promets tout de même de faire attention. Toujours fourrée avec Gabrielle, elle faisait presque partie de la famille Lily à l’âge où nous n’étions encore que des enfants puis des adolescentes. Alors je ne veux pas être responsable de ne serait-ce qu’une toute petite partie de sa tristesse, elle qui fait office de quatrième sœur de la fratrie.

Oui, Lily a trompé Matt. Je me suis toujours douté que c’était vrai, j’ai du mal à imaginer que quoi que ce soit d’autre puisse séparer les deux jeunes mariés : moi qui n’étais pas convaincue par les circonstances de leur mariage, je dois admettre qu’ils avaient l’air très heureux tous les deux, très heureux et très amoureux. Mais quoi qu’elle ait fait, je considère que les gens peuvent penser ce qu’ils veulent mais qu’ils n’ont pas à s'immiscer dans leur relation en rejettant la jeune femme. Ne fait-elle pas partie de la famille elle aussi après tout ? « Tu prêches une convaincue. » J’esquisse un sourire en pressant un peu plus ses mains à l’intérieur des miennes. « J’aurais été la première à en vouloir à la personne si quelqu’un avait trompé Matt. Je les comprends. » Peut-être mais encore une fois cela ne regarde qu’elle est lui, et peut-être la troisième personne même si je n’en connais pas l’identité. Certainement pas Deklan, Scarlett, Charlie et les autres. Eux ne devraient même pas s’autoriser à émettre un avis en public, surtout si celui ci est irrespectueux pour la brune qui a fait une erreur. Ils n’en ont jamais fait eux des erreurs ? « On veut tous son bien, au fond. » « Toi la première, j’en suis convaincue. » Et elle peut toujours se dénigrer : elle n’y changera rien parce que je suis comme ça, je vois toujours le bon en chacun, j’ai du mal à nuancer dans 90% des cas. « On va pas sortir les violons quand même, hein ? Tu veux bien me dire au moins s’ils savent à peu près se tenir ? » Si elle ne veut plus en parler, je n’en parlerais pas plus : je préfère la laisser s’ouvrir si elle en a envie, et garder pour elle ce qu’elle ne veut pas partager. Je suis bonne pour écouter, mais je n’aime pas forcer la main : les gens se sentent souvent mal à l’aise lorsqu’ils ont craché une information alors qu’ils n’étaient peut-être pas prêts à s’ouvrir. Lily, elle est plus proche de Gabrielle que de moi, et j’espère qu’elle lui parle à elle. « Ils sont comme d’habitude disons. Intenables donc. On part en vacances avec Swann bientôt, je te laisse imaginer le cirque auquel on a eu droit quand j’ai demandé à Matt une semaine de congé et que Swann a demandé à Deklan si on pouvait emprunter son van. » Je m’en veux de lui parler de Matt, mais elle m’interroge sur le DBD et elle sait bien qu’il fait partie des pires en la matière. Elle se doutait qu’il ferait partie de ma réponse non ? « T’as le droit de me remplacer s’ils commencent à être intenables. Ce sont des garçons, ils oublient vite. » J’ai récupéré mes doigts à présent et, gênée, je joue avec en les emmêlant. « Je pourrais peut-être bientôt plus les surveiller tous les jours... » Je ne sais pourquoi l’aveu me brûle la langue. Peut-être est-ce parce que j’ai du mal à me jeter à l’eau pour en parler à Swann et aux autres et que j’ai l’impression qu’elle est à la fois assez proche qu’éloignée de mon dilemne pour me donner des conseils pertinents ? « Je traînerais toujours autant au café mais… Je pense à arrêter pour me concentrer sur mon autre boulot. » Je rougis sans trop savoir pourquoi : elle n’est ni mon juge ni mon employeur Lily. « Ça se passe vraiment bien pour moi là-bas tu sais. » Si le DBD c’est ma famille, je m’épanouis aux côtés d’Evelyn et j’ai enfin la sensation d’arrêter de jeter aux orties mes cinq années d’étude, et jongler avec les deux emplois me fatigue. « Je l’ai pas dit à Swann encore... » J’ignore pourquoi, peut-être parce que le DBD est avant tout une affaire de famille et qu’il en fait partie ? Qu’il en est même l’un des murs porteurs ?
 

S’il faut bien avouer qu’à ses yeux Lucia restera toujours la petite soeur de, cela ne l’empêche pas pour autant d’avoir confiance en cette enfant devenue adulte et de pouvoir lui confier quelques bribes de ses sentiments sans crainte. Elle aurait voulu la garder éloignée de toutes ces histoires qui ne la concernent finalement que peu mais Lucia y est mêlée de par sa simple appartenance au DBD et, au-delà de ça, l’amitié qu’elle a su créer avec Matt et les autres employés. Ne pas lui en parler serait revenu à nier l’évidence, ce que Lily est fatiguée de faire. Elle la protège à son niveau en ne lui demandant pas des conseils sur la façon d’agir ni même tenter d’essayer de la rallier à sa cause pour laver son honneur auprès des autres - cela n’aurait aucun sens, et elle se doute déjà que la Whitemore n’est pas à l’aise dans sa situation actuelle. Après tout, elle est sûrement la seule à n’absolument rien avoir à se reprocher dans toute cette histoire et Lily ne veut pas ébrécher ce diamant qu’elle représente à ses yeux. C’est donc pour acter pas à pas un changement de sujet que Lily en vient à parler du bar et de la façon dont ils se comportent tous plus ou moins comme des enfants, entre 4 et 16 ans. « On part en vacances avec Swann bientôt, je te laisse imaginer le cirque auquel on a eu droit quand j’ai demandé à Matt une semaine de congé et que Swann a demandé à Deklan si on pouvait emprunter son van. » “Vraiment ?” Elle ne retient que la partie stipulant qu’elle part en vacances - parce que c’est la meilleure partie, objectivement, et que déjà mille questions ont envie de franchir ses lèvres à propos de leur destination et tout ce qui s’ensuit.

Pour les gars du DBD, après tout, elle ne peut même pas faire semblant d’être étonnée qu’ils agissent toujours comme des enfants. Cela a même quelque chose de rassurant de savoir qu’ils restent fidèles à eux même quelles que soient les circonstances, au final. « Je pourrais peut-être bientôt plus les surveiller tous les jours... » La brune lève un sourcil étonné face à une telle déclaration sans pour autant se douter de ce que Lucia essaye de sous entendre doucement. “On va devoir former une armée, je ne vois que ça.” Elle reprend et contrebalance le ton désolé de son ami, reprenant pour elle sa main qu’elle garde encore posée sur la table. Le pire, c’est que même une armée ne suffirait pas à les calmer. « Je traînerais toujours autant au café mais… Je pense à arrêter pour me concentrer sur mon autre boulot. » “Vraiment ?” Lily est réellement étonnée d’apprendre une telle chose mais un grand sourire se voit sur ses lèvres. Elle ne se doute pas un seul instant que cette idée a des points négatifs, bien trop heureuse de voir Lucia décider de voler de ses propres ailes dans un monde qu’elle aime particulièrement.

Elle ne doute pas un seul instant que cette décision ait été mûrement réfléchie, raison pour laquelle elle ne tente pas de jouer à la grande sœur rabat-joie avec elle. C’est un travail qui lui correspond parfaitement et finalement, l’infirmière se demande comment elle a su être sur tous les fronts pendant autant de temps. « Je l’ai pas dit à Swann encore... » Hochant doucement de la tête, compréhensive, elle pense finalement se rendre compte de ce qui empêche Lucia de déjà sauter au plafond. “De quoi est ce que tu as peur ?” Elle avance doucement, pédagogue, tentant de peser le pour et le contre. Après tout elle est toujours restée en retrait de leur histoire pour ne pas les gêner mais ils semblent tous deux faits du même bois. A défaut de connaître Swann, elle connaît vraiment Lucia et sait qu’en retour, elle ne se serait pas braquée face à une telle décision. “Je suis certaine que ça ne changera rien pour vous, tu n’as pas à t’en faire.” Ce ne sont pas des mots prononcés pour la rassurer ; elle les pense réellement et en pèse leur portée. Si c’est ça la seule raison de son hésitation à en parler à son petit ami, alors Lily se donne comme objectif de lui ôter tout doute de l’esprit et pression des épaules. “Et personne ne t’en voudra. Je peux parler pour eux au moins et je t’assure ça.” Deklan, Matt. Tous les autres. Elle est une employée appréciée mais chacun sait que ce n’est pas le genre de travail qu’on garde pour une vie entière, surtout pas si on a des rêves autres. Pour Matt, le DBD était son rêve. Pour Lucia, chacun sait que ça n’a jamais été le cas ; chacun se doutait qu’elle partirait un jour. “On est tous heureux pour toi si tu te lances officiellement dans ce travail. Il te convient parfaitement.” Et elle ne sera pas la première à avoir quitté son boulot pour finalement passer tout son temps libre au bar. Elle reste dans la famille du DBD quoi qu’il arrive.

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Lucia Whitemore & @Lily McGrath

« On va devoir former une armée, je ne vois que ça. » Pour surveiller Matt il faudrait déjà une armée, alors lorsque lui et Deklan se la jouent deux pour le prix d’un, cela ne fait nul doute qu’il faudrait au moins ça pour s’assurer qu’ils ne détruisent pas les lieux. Seulement, elle ne voit pas où je veux en venir la brune, elle pense certainement que je ne fais que me moquer de Matt et des autres (principalement Matt donc) alors que je tente de m’ouvrir. Pourquoi elle ? Pourquoi en parler à Lily la première alors que je ne l’ai dit à personne ? L’idée me trotte dans la tête depuis des semaines et l’épisode Lawrence a acté ma décision, non pas parce que je ne me sens plus en sécurité au café mais parce qu’il m’a donné l’impulsion nécessaire. Je ne me l’explique pas, mais je pense simplement que j’ai à la fois cessé d’idéaliser l’endroit - il n’a rien d’un havre de paix - et réalisé que la famille que j’avais trouvée là bas serait toujours là pour moi, que nous travaillions ensemble ou pas. Alors, je me fais violence pour me jeter à l’eau face à une Lily dont j’ai du mal à interpréter la réaction. « Vraiment ? » Je hoche la tête doucement et sans oser planter mon regard droit dans le sien. Ses yeux me donnent l’impression de pouvoir lire en moi comme dans un livre ouvert : la seule autre personne sur cette planète qui me donne cette impression là c’est Hannah. « De quoi est ce que tu as peur ? » Je pince les lèvres et je hausse les épaules. « Je sais pas. J’ai juste… J’ai déjà déçu ma première famille. » Comprendre la vraies : je les ai laissé tombé en partant à Sydney et en m’éloignant d’eux à cause de mon petit ami. « J’ai pas envie de laisser tomber la seconde. J’ai pas envie qu’ils pensent ça. » Je me pose bien trop de questions pour un job de barmaid mais j’ai toujours été comme ça : je ne sais prendre aucune décision sans une liste de pours et de contres couchés sur une feuille de papier.

« Je suis certaine que ça ne changera rien pour vous, tu n’as pas à t’en faire. » Moi aussi j’en suis certaine au fond : si notre relation ne se basait qu’uniquement sur l’endroit où je travaille j’aurais du souci à me faire mais je suis comme ça : face à une importante décision je ne sais pas ne pas m’inquiéter. « Et personne ne t’en voudra. Je peux parler pour eux au moins et je t’assure ça. » Ni Matt, ni Deklan, ni  Scarlett ni les autres. Elle ne fait que pointer du doigt des évidences mais je lui suis reconnaissante de le faire : j’ai besoin de l’entendre de la part de quelqu’un d’autre que ma petite voix intérieure, celle qui se bat pour me faire pousser des ailes et mène une lutte acharnée contre mon manque de confiance en moi. « Ça fait même pas un an et Matt m’a fait confiance quand j’avais du mal à trouver un boulot… Je crois que c’est ça qui m’embête le plus. » L’impression de ne pas tenir je ne sais quel engagement que nous aurions pris. Je sais au fond qu’avec un CB comme le mien on n’est pas destiné à échouer comme serveuse dans un café : mais je n’ai jamais su me donner les ambitions de mes moyens et ça me terrifie. Je crois que, comme lorsque j’ai pris la décision de déménager sur Sydney, je me sens comme une acrobate sans filet. « On est tous heureux pour toi si tu te lances officiellement dans ce travail. Il te convient parfaitement. » « J’aime beaucoup ce que je fais. » Ma réaction est sincère, j’ai répondu trop vite pour que cela ne vienne pas du cœur et finalement, ça répond à mes dernières questions : c’est le bon choix. « Je crois que si j’ose pas l’annoncer, c’est que j’ai peur que ce soit une erreur. » Parce que des erreurs, j’en mange au petit déjeuner. Je peine toujours à mettre derrière moi les conséquences de ma plus grosse en date : ma relation avec mon ex. « Je m’attendais pas à m’attacher autant aux gens là bas. » Et comme beaucoup d'êtres humains, je n’aime pas le changement : il me terrorise quand le confort des habitudes a quelque chose de fondamentalement rassurant.

Écouter les doutes et craintes de Lucia est très important pour son aînée qui prend sa tâche bien à cœur. Elle essaye de poser les bonnes questions sans se montrer trop incisive et démontre le fond de sa pensée simplement pour la rassurer. « Je sais pas. J’ai juste… J’ai déjà déçu ma première famille. » La brune fronce doucement des sourcils. Même si elle pense connaître les raisons qui mènent sa jeune amie à une telle conclusion, ce n’est pas pour autant qu’elle les accepte et les comprend. Ses relations avec les Whitemore n’ont pas toujours été au beau fixe mais elle se rassure en se disant qu’elle connaît bien trop ses parents pour les penser capable d’avoir de telles pensées à son sujet. “Les familles ne s’entendent pas toujours sur tout, mais ça ne veut pas dire que tu les a déçu. Surtout pas.” Et pour une fois, elle sait réellement ce dont elle parle. Leurs deux familles n’ont pas beaucoup de points de comparaison possibles mais elle extrapole ce qu’elle peut, y mêle ses souvenirs et un ajoute un brin de rationalité. Alors non, elle est certaine que les Whitemore n’ont jamais été déçus. « J’ai pas envie de laisser tomber la seconde. J’ai pas envie qu’ils pensent ça. » - “Ils ne le penseront pas.” S‘il pouvait exister le moindre doute de ce qu’elle peut penser des Whitemore, il n’y en a aucun pour le crew du DBD. Eux, elle les connaît bien plus encore que sa propre famille et il serait facile d’anticiper la moindre de leurs réactions : tout ira bien.

« Ça fait même pas un an et Matt m’a fait confiance quand j’avais du mal à trouver un boulot… Je crois que c’est ça qui m’embête le plus. » - “Et il mettra une nouvelle annonce, ne t’en fais pas pour lui.” En plus de tous les membres de l’équipe, ce sont les actions de son mari qu’elle peut anticiper avec le plus d’aisance et le moindre doute. Il sait que ce n’est pas le genre de travail que beaucoup souhaitent garder toute leur vie alors il ne verra jamais son départ comme un manque de confiance. Une dernière fois, Lucia se confie à propos de ses plans d’avenir et de tout ce qu’elle a appris au café, choses qui touchent énormément l’infirmière. Elle se revoit un peu en elle lorsqu’elle a décidé de changer de carrière et même si de son côté cela n’empiète pas sur le temps qu’elle passe au DBD, tout a pourtant des conséquences. Lucia, elle n’envisage que les plus grandes et les pires à chaque fois alors Lily tente de la rassurer à sa hauteur. « J’aime beaucoup ce que je fais. Je crois que si j’ose pas l’annoncer, c’est que j’ai peur que ce soit une erreur. Je m’attendais pas à m’attacher autant aux gens là bas. » Personne ne s’attendait à s’attacher autant aux gens, c’est évident. Peu importe les raisons qui ont tous pu les mener au DBD, ils en viendront pourtant toujours à la même conclusion : c’est une famille. La famille que tout le monde a choisi. “Tu m’as l’air d’y avoir longtemps réfléchi, non ? Et dans tout ce que tu me dis, je ne vois pas une seule raison pour toi de ne pas faire ce dont tu as envie.” Fonce, Lucia. C’est ce que tout l’être de Lily lui dit : fonce, fais ce dont tu as envie, sois heureuse. “Tu vas pouvoir être ajoutée à la liste de ceux qui ont un jour travaillé au DBD et qui depuis y passent toujours le plus clair de leur temps.” Elle est bien placée pour savoir que ladite liste est plutôt longue, d’ailleurs, raison pour laquelle elle lui fait un clin d’oeil.

Puisqu’elle semble avoir encore besoin d’un coup de pouce pour acter sa décision alors Lily le fait à sa place : “Et puis j’exige d’avoir de tes nouvelles, moi.” Puisqu’elle ne compte plus la voir au DBD ; ou en tout cas pas en tant que serveuse. Elle sait qu’elle continuera à régulièrement la voir et dans tous les cas, cela ne ressemble en rien à un adieu, ni même à un au revoir. Les choses ne changeront pas tant que ça, au final, si ce n’est que Lucia ne sera que plus heureuse encore. “Il faut que tu penses à toi avant tout, d’accord ? Tu peux me le promettre ?” C’est une demande qui vaut pour aujourd’hui comme pour tout le reste de sa vie avec et même si Lily en fait la demande avec un sourire au coin des lèvres, elle n’en est pas moins sérieuse pour autant.

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Lucia Whitemore & @Lily McGrath

« Les familles ne s’entendent pas toujours sur tout, mais ça ne veut pas dire que tu les a déçu. Surtout pas. » Je fais la grimace : je n’ai pas besoin que l’on me dédouane de mes fautes, puisque je sais que je suis en tort en ce qui concerne ma famille. J’ai peut-être des circonstances atténuantes - si tant est qu’un ex manipulateur entre la catégorie circonstances atténuantes, mais j’aurais pu lui tenir tête pour défendre mes relations familiales, j’aurais pu en faire ma priorité plutôt que lui et je le regrette du fond du coeur : c’est ce que je regrette le plus finalement de ma relation avec le brun. Seulement, je ne sais pas à quel point Gabrielle ou mes parents se sont confiés à Lily : certainement beaucoup, je la sais proche de ma sœur ainée, mais je préfère grimacer, puis sourire et acquiescer. C’est égoïste, mais si elle a une bonne image de moi je n’ai pas envie de la ternir et si ma sœur n’a pas souhaité lui partager sa douleur, ce n’est pas à moi de le faire. Moi, je dois m’embarquer sur la voix de la réconciliation, pas ressasser le passé et mes fautes. « J’aimerais que t’aies raison. Mais je fais ce que je peux pour me rattraper, vraiment. » Et le sujet du jour, c’est plutôt notre “famille en commun”, difficile de savoir s’il s’agit ce coup ci de l’équipe du DBD ou bien des McGrath puisque, toutes les deux, nous avons mélangé tout ça.

« Ils ne le penseront pas. »
« Et il mettra une nouvelle annonce, ne t’en fais pas pour lui. »

Elle me rassure, elle trouve les mots pour contrer chacun de mes doutes et je me sens soulagée. J’ai un pincement au coeur à l’idée de me dire que je vais être remplacée mais il s’agit de la suite logique des choses : Charlie avant moi a quitté le bar et des Charlies ou des Lucias, il y a dû en avoir des dizaines : il n’y a que Matt, Dek et Scarlett qui semblent former une constante rassurante. Au moins eux, ils seront toujours là quand je reviendrai en tant que cliente. « Tu m’as l’air d’y avoir longtemps réfléchi, non ? Et dans tout ce que tu me dis, je ne vois pas une seule raison pour toi de ne pas faire ce dont tu as envie. » J’esquisse un sourire. J’aimerais pouvoir dire que ce dont j’ai envie rendra ma famille fière également, mais chaque chose en son temps et si je ne serai jamais un brillant médecin, j’espère un jour être assez indépendant et accomplie pour que mes parents considèrent enfin que j’ai réussi, que je n’ai pas fait que foutre mon avenir en l’air. « J’y ai réfléchi. Et ça a toujours été clair que si ça se passait bien chez Pearson, c’était ça ma voie. » Elle trouve les mots justes, elle me rassure et me pousse du bout des doigts dans la bonne direction comme Leah l’a fait avant elle sur d’autres sujets. J’ai toujours eu besoin que l’on me pousse un peu et la liste de mes anges gardiens s’agrandit encore un peu. « Tu vas pouvoir être ajoutée à la liste de ceux qui ont un jour travaillé au DBD et qui depuis y passent toujours le plus clair de leur temps. » « T’es un peu l’exception non ? Celle qui y passe sa vie sans jamais y avoir travaillé ? » J’esquisse un sourire timide sans réaliser qu’à nouveau, je pourrais la blesser. Elle y passait sa vie. Mais Matt et elle semblent tant fait l’un pour l’autre que, dans ma tête, c’est impossible que la situation actuelle ne soit pas temporaire. « Et puis j’exige d’avoir de tes nouvelles, moi. » « Je serais jamais loin. Je suis certaine que Swann voudra qu’on y aille juste pour pouvoir continuer à faire des concours de bras de fer dans la réserve avec Matt. » Ils n’ont jamais voulu nous dire qui a gagné ou plutôt, ils prétendent tous les deux être sortis vainqueurs de ce duel. « Il faut que tu penses à toi avant tout, d’accord ? Tu peux me le promettre ? » « A une condition. » J’esquisse un sourire avant de me resservir d’un muffin. « Que de ton côté tu me promettes de mettre toutes les chances de ton côté pour être heureuse. Ça te va ? » Heureuse avec lui, heureuse seule, je m’en fiche au fond, même si j’ai mon idée sur la question.

« J’aimerais que t’aies raison. Mais je fais ce que je peux pour me rattraper, vraiment. » Lily esquisse un sourire. Dans un contexte bien différent, elle aurait pu avoir les mêmes mots. Elle aussi ne cherche qu’à se rattraper et à redorer son blason. Cette fois-ci cela n’a rien à voir avec son besoin viscéral de passer pour la jeune femme parfaite à qui tout réussit ; elle souhaite simplement sortir son mariage de l’eau et retrouver l’homme qu’elle aime. Cela semble simple, dit comme ça, mais elle sait déjà que de nombreuses étapes devront être franchies et des efforts faits de tous les côtés. Il en est de même pour Lucia et son propre challenge.

« J’y ai réfléchi. Et ça a toujours été clair que si ça se passait bien chez Pearson, c’était ça ma voie. » “Alors tu as ta réponse.”

Il était clair pour tout le monde qu’elle ne resterait pas toute sa vie au DBD et cela n’a jamais été un problème, bien au contraire. On a tendance à davantage profiter des personnes lorsqu’on sait qu’elles ne resteront pas et c’était un peu le cas avec Lucia, même si personne n’avait la date de son départ en tête, chacun savait qu’il arriverait un jour. Ce ne sera écrit que sur le papier et la jeune femme le sait autant que Lily : elle continuera à passer le plus clair de son temps au café et sera toujours accueillie à bras ouvert. Elle fera toujours partie de cette famille atypique qui n’en a que faire des liens du sang ; et là, juste là, Lily s’inclut dans ladite famille et ne fait que se rendre compte un peu plus encore à quel point elle ne veut pas les quitter. « T’es un peu l’exception non ? Celle qui y passe sa vie sans jamais y avoir travaillé ? » L’infirmière esquisse un sourire en même temps que le bleu de ses prunelles dérive un temps sur les muffins, presque gêné. Ses lèvres se pincent, elle sourit dans le vide. La seule vérité qui émane de cette discussion c’est qu’elle n’a absolument pas envie que sa vie change et elle souhaite au moins garder cette famille là, à défaut d’avoir toujours mis un point d’honneur à mettre à mal sa famille de sang et surtout son frère. “On peut dire ça. L’exception qui confirme la règle.” De tout son coeur, elle espère ne pas utiliser un vieux dicton de travers. Les faux espoirs la briseraient, elle ne veut pas que c’en soit un.

Alors Lily lui fait promettre de penser à elle-même avant tout le reste et même si cela a l’air d’un cliché absolu, elle sait que si Lucia le lui promet alors elle fera réellement un effort. La plus jeune a toujours un cœur assez grand pour y accueillir tout le monde mais ce fut bien trop de fois à ses propres dépens, raison pour laquelle la nouvelle mariée ne peut pas s’empêcher de lui demander de penser un peu plus à elle. « A une condition. Que de ton côté tu me promettes de mettre toutes les chances de ton côté pour être heureuse. Ça te va ? » Elle a un mouvement d’étonnement qui marque ce qu’elle pense de cette réponse mais après une brève seconde de réflexion, son sourire n’en devient finalement que plus grand. Même si elle a désormais un muffin entre ses mains, Lily se redresse pour doucement venir la prendre entre ses bras et lui murmurer doucement sa réponse. “Je te le promets.” Chacune fera des efforts de son côté pour mériter la vie qu’elles méritent. La théorie est simple et la pratique l’est bien moins mais aujourd’hui elle se rend compte tenir une véritable amie sous les traits de Lucia, et non plus la sœur de qu’elle a longtemps été par défaut. Et elle fera tout pour être heureuse, le seul homme pouvant l’amener à une telle stabilité sentimentale à ses côtés.