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@auden williams

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C’était le point qui avait principalement changé pour Damon, depuis qu’il était arrivé en Australie et surtout depuis qu’il avait décidé de retourner au domicile familial. Lui qui avait vécu deux ans à vivre seul dans un appartement pouvant accueillir au moins trois personnes se retrouvait à devoir de nouveau partager son espace de vie avec d’autres personnes. Si d’un côté, cela lui rappelait ses jeunes années lorsqu’il n’était pas encore parti de la maison - ou plutôt, lorsqu’on ne l’avait pas encore voir ailleurs s’il se passait quelque-chose de sympathiques -, de l’autre il peinait encore quelque peu à trouver ses repères.

Ce n’était pas tant pour les habitudes de la vie quotidienne que cela pouvait être dérangeant, mais plutôt pour tout le reste à côté, et principalement pour ses passes-temps. Damon avait dès le début, lorsqu’il avait aménagé dans son appartement, dédié une pièce de ce dernier à l’art et à rien d’autre. Il n’avait pas besoin de beaucoup d’espace, mais il avait besoin d’au moins cet espace là pour se sentir complètement à l’aise. D’un endroit où il ne serait dérangé plus que de raison, où il pourrait aller ses idées et ses pensées à son imagination, où les heures ne seraient plus comptés. C’était devenu nécessaire à ses yeux et il savait qu’il ne pourrait guère obtenir ce degré de tranquillité s’il cherchait cet espace rien qu’à lui au sein de sa propre maison.

De ce soucis, il n’en avait pas discuté avec ses parents, ces derniers étant bien trop occupés avec leurs petites affaires - et accessoirement leur divorce - pour avoir le temps nécessaire et l’écoute attentive envers Damon pour ce type de futilités. Alors, un jour, il en avait parlé avec son oncle. Ce dernier savait ce que c’était le besoin de peindre, de dessiner, de toucher à l’art d’une manière ou d’une autre et de façon presque quotidienne. Avec lui, il se sentait libre de pouvoir réellement en parler surtout, sans appréhender l’idée qu’on lui porte un regard chargé de jugement pendant la discussion. Et c’était finalement Auden lui-même qui lui avait trouvé une solution, au moins temporaire, en lui donnant un double de clef de l’atelier qu’il était en train de retaper. Pour le moment, qu’il lui avait dit. Damon en avait été plus que ravi.

Surtout qu’il pouvait en profiter avec une tranquillité certaine ces dernières semaines, Ginny et Auden de voyage au Japon pour encore quelques temps. Il en avait même fait son petit rituel, de pouvoir se rendre à l’atelier plusieurs soirs par semaine en sortant du travail. Se changer les idées, se laisser aller à l’inventivité, changer complètement d’environnement - ce n’était pas à Michael Hills qu’il pouvait se permettre d’exploser son côté Michelangelo au quotidienne, loin de là. Aujourd’hui faisait donc partie de ces jours où il avait besoin de ce moment à lui, et ce fut donc tout naturellement qu’il prit la direction de l’atelier en fin de journée. S’engager dans la circulation de fin de journée, parcourir les différents quartiers, pour finalement venir garer sa voiture devant la devanture inachevée de l’endroit.

Mais à peine était-il descendu du véhicule que déjà, ses sourcils vinrent se froncer au dessus de ses topazes, quelque peu dérangé parce-qu’il semblait y voir. Une lueur filtrait à travers les rideaux et ce n’était pas normal. Personne d’autre que lui ne devait venir ici, et Auden lui avait assuré qu’il avait reporté tous les autres rendez-vous qui avaient pu avoir lieu pendant qu’ils seraient loin, Ginny et lui. Damon vint alors presser le pas, faisant le tour du bâtiment pour accéder à la porte de derrière dont il détenait la clef - cette dernière n’était pas scellée lorsqu’il vint y introduire sa clef. « Il y a quelqu’un ? » Il avançait prudemment dans le bâtiment, l’oreille attentive au moindre bruit suspect, les yeux aux aguets de premier mouvement à percevoir. Il avait également attrapé son téléphone pour le caler dans le creux de sa main - pas qu’il pourrait s’en servir pour se défendre mais si un inconnu et imposteur se trouvait là, il pourrait appeler plus rapidement la police.

Je me trouvais déjà bien trop limité lorsque je peignais des deux mains, utilisant ma qualité d’ambidextre sans ne jamais oublier de rappeler au reste du monde que je le suis, alors je ne vous parle même pas de toute la difficulté que j’ai à n’utiliser qu’un simple bras aujourd’hui. Le monde est inutile, ennuyeux et ennuyant. Tout était plus beau, au Japon. Tout était nouveau, tout était différent. Je découvrais de nouvelles choses chaque jour et me faisais insulter dans une langue que je ne connais même pas sans pouvoir m’en plaindre en retour. J’ai choqué tous les japonais que j’ai pu croiser, tant avec mes peintures que mes photographies, peut être bien avec mes doigts d’honneur aussi. On a fui là bas parce que la vie ici était à chier - et parce qu’apparemment me retrouver à moitié inconscient dans notre propre maison n’a pas laissé Ginny en confiance. Aujourd’hui, on revient parce que c’est littéralement la vie de mon père qui est à chier et sa santé aussi. Savannah fait semblant d’en vouloir, Saül n’a même plus de chez lui et Anastasia n’en parlons pas. On se retrouve comme quatre stupides mousquetaires qui se passent l’explosif de l’un à l’autre, chacun priant pour qu’il ne crève pas quand il se trouve chez nous. Non pas que je serais triste de sa mort, mais parce que devoir appeler la morgue et tout le bordel, ça m’emmerderait par contre.

Alors je peins. J’ignore les appels de Savannah et je m’occupe comme je le peux, usant de nuances de gris, noir et marron comme si le monde avait perdu une large partie de sa palette de couleurs. Ça, ce n’est pas mon problème. On dirait encore que j’ai le début d’un maquillage d’Halloween sur mon visage à en juger par les diverses plaies et cicatrices, à cela ne dénote seulement mon bras dans le plâtre que Ginny a cru bon de colorier de toutes les couleurs de l’arc en ciel. Et quand je veux dire toutes, c’est toutes. Mon bras ressemble à ses palettes, sauf que cette fois-ci il est fait pour rester ainsi quelques longues et interminables semaines encore.

« Il y a quelqu’un ? »

Je me fige un temps et mime la plus belle et muette expression de “merde” sur mon visage tout entier. J’ai fui le monde pour être seul, et j’ai bien sûr oublié que j’avais promis du calme à Damon aussi pour qu’il puisse profiter de l’atelier lui aussi. L’équipe d’ouvrier a été sommé de ne travailler qu’au matin pour le laisser libre de profiter des lieux quand il le souhaite. Ce que je n’avais pas prévu, en revanche, c’est qu’on se marche tous les deux sur les pieds. Je n’avais pas même prévu de déjà le prévenir de mon retour, à vrai dire - ni lui ni personne, ne me prenez pas pour un père plus horrible encore que je ne le suis réellement. Je comptais profiter de quelques jours pour me remettre du décalage horaire (parce qu’une heure, tout de même, ce n’est pas à minimiser) et pour essayer d’être assez calme pour faire face à ma fratrie. En aucun cas il n’avait été prévu une réunion improvisée avec mon neveu de fils. “Ouais c’est le monstre sous ton lit, bouh, fuis.” Et si jamais vous vous posiez la question : je n’y mets absolument pas les formes et encore moins l’intonation, déjà assuré que ma présence en ces lieux est portée à sa connaissance. J’estime avoir rempli mon quota de mensonges avec lui, pour une vie et peut être même dix autres. “Mon maquillage était pas encore prêt par contre, t’arrives trop tôt.” C’est mon moyenne de merde à moi pour trouver une excuse (toute aussi merdique) pour mon bras (de merde) et mes cicatrices (je vous laisse deviner l’adjectif).

Lorsque j’aperçois son visage, pourtant, mon sourire d’emmerdeur est bien moins assuré alors que je laisse tourner le pinceau entre mes doigts pour au moins m’occuper comme je peux. “Je pensais que t’avais pris les clés par politesse.” J’avais dit avoir atteint mon quota de mensonge ? En voilà pourtant un de plus qui fera mouche au milieu de tous les autres, sûrement. Je ne cherche qu’à entamer un sujet de discussion pour que lui n’ait pas à le faire, certain que sa curiosité ne sera pas à mon goût.

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@auden williams

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Il avançait à tâtons, il se faisait prudent, ne sachant pas ce qu’il allait trouver au bout du chemin. S’il saurait utilisé de sa bonne élocution et de ses talents de beau-parleur - merci papa pour ces quelques qualités là - si des squatteurs se trouvaient clandestinement en ces lieux, il n’était cependant pas tant légitime que ça à les mettre dehors tout seul. En effet, le bâtiment ne lui appartenait pas et Auden n’était pas supposé être en ville pour venir confirmer la version des faits de Damon. « Ouais c’est le monstre sous ton lit, bouh, fuis. » Tout résidait dans le censé être en ville, apparemment. Venant froncer les sourcils, Damon vint effectuer les quelques pas qui lui manquait afin de se trouver dans la même partie de l’atelier que son oncle. « Mon maquillage était pas encore prêt par contre, t’arrives trop tôt. » Oh, il n’avait pas besoin de venir lui trouver une excuse pour les marques que son visage comportait - et le jeune homme ne parlait même pas de son plâtre évident qu’il abordait presque fièrement au bras. Damon avait déjà commencé à détailler l’autre Williams bien avant qu’il ne vienne s’exprimer, détaillant mentalement la moindre cicatrice dont son visage était paré. Ses parents ne lui avaient pas mentionné une quelconque bagarre impliquant le plus sage des hommes de leur famille - mais il n’était même plus étonné de ne pas être inclus dans les conversations qui concernaient sa famille, c’était leur nouveau jeu à tous, de le laisser en dehors de toutes ces histoires.

Venant s’appuyer contre l’encadrement de la porte qu’il n’avait qu’à peine traversé, Damon croisa les bras sur son torse. Auden avait complètement arrêté de peindre en l’entendant arriver, et le jeune homme s’en voulait de l’avoir dérangé dans son élan - après tout, c’était justement pour ne pas être dérangé qu’il venait ici personnellement, il devait avoir les mêmes objectifs que lui de son côté. « Je pensais que t’avais pris les clés par politesse. » Avec un petit sourire en coin, Damon vint hausser les épaules. « Je pensais que vous étiez pas censés revenir avant la fin de l’année. » Parce-que c’était les plans d’origine - les mots d’Auden lui-même. Ginny et lui devaient passer le reste de 2020 au Japon, et ne revenir une fois le petit mis au monde si Cosimo ne se trompait pas. Alors, il était plus qu’étonné de voir son oncle dans les parages, là où il s’attendait à trouver toute la tranquillité du monde - et encore, il n’était pas tombé par hasard sur son père, les conséquences sur sa bonne humeur n’auraient pas été les mêmes.

Il ne s’en formalisa cependant pas plus longtemps que ça, finissant par se décaler de l’endroit où la marque de son épaule s’encrait dans le bois de la porte, pour venir tirer un tabouret aux côtés de celui d’Auden. « Tu peins quoi ? » Damon était un enfant sage, dans presque toutes les situations de la vie quotidienne. Il était, en tous cas, assez malin pourraient lorsqu’elle n’étaient pas les bienvenues. Par exemple, présentement, il aurait réellement voulu demander à Auden les raisons pour avoir ce visage défiguré, coloré, allant de paire avec les dessins faits sur son plâtre. Il aurait voulu entendre les raisons derrière tout ça - sauf qu’il était assez malin pour comprendre que ce n’était pas forcément le sujet sur lequel Auden voudrait s’éterniser. Ne venant pas attarder son regard sur le visage de son oncle, il vint à son tour attraper la toile qu’il avait laissé en place la veille au soir, attrapant son coffret d’aquarelle et se mettant à faire glisser le pinceau sur les fibres comme si de rien n’était. Comme si. « Qu’est-ce qui vous a fait rentré si tôt ? » Car si ses parents ne lui donnaient aucune information, il allait devoir aller à la pêche à un moment donné - et il se disait qu’entre ça ou les blessures d’Auden, le premier sujet était moins dangereux à aborder. « Papa et maman m’ont pas dit que vous étiez de retour en ville. » Comme c’était étonnant.

« Je pensais que vous étiez pas censés revenir avant la fin de l’année. » “Je le pensais aussi.”

Cette fois-ci il n’a jamais été question de lui mentir, pas même par omission, mais il faut croire qu’un grand père mourant devait apparemment être une raison suffisante pour nous de rentrer au pays - ça, et éviter que ma famille se déchire pour une énième fois. Il faut garder ce genre de moment pour les instants qui le méritent véritablement, et Elon ne mérite pas qu’on lui octroie tant d’attention. On va simplement se le refiler comme une bombe prête à exploser et blâmer la personne chez qui il aura décidé de mourir, quand bien même on sera finalement tous heureux que ce soit terminé. « Tu peins quoi ? » N’importe qui aurait été renvoyé aussi vite que lui est venu se poser près de moi. Le tabouret grince sur le sol et rompt le silence quand moi, je cherche les mots exactes à trouver. “Ce que j’ai vu. Là bas.” Pas les cerisiers en fleur, c’est certain, et quand bien même ça me serait venu à l’esprit j’aurais trouvé le moyen pour que cela ne ressemble pas à une peinture de foutue gamine épleurée et bla, bla, bla. “T’y es déjà allé ?” Il sait très bien où je me trouvais ces dernières semaines, je n’ai pas besoin de préciser de quel pays je parle. Je n’ai pas non plus besoin de préciser que je n’aurais jamais posé cette question à qui que ce soit d’autre, parce qu’en règle générale je me moque royalement de savoir comment les autres personnes occupent leur vie. Pour lui, c’est différent. Bien sûr que c’est différent.

A mon tour je l’observe prendre place comme s’il était un apprenti comme les autres et surtout, comme s’il était chez lui. Je ne dis rien et ne laisse rien paraître non plus mais une part de moi ne peut être qu’infiniment fier de la situation, bien qu’encore peu optimale. Il agit avec aisance et sans demander l’avis de personne ; c’est tout ce qui m’importe. Ici, Saül ne viendra pas lui dire que ses dessins ne sont qu’une perte de temps. « Qu’est-ce qui vous a fait rentrer si tôt ? » Le pinceau bascule d’un doigt à l’autre sans que je ne lui prête aucune attention et j’accuserai Ginny d’être la seule fautive des marques de peinture sur le sol. Je suis sans doute trop occupé à observer Damon, lui que je suis certain avoir vu grandir d’un demi centimètre, quand bien même ce n’est sûrement que mon cerveau qui s’obstine à croire que je peux encore le voir grandir. Ce temps est révolu, j’ai raté le coche. Je l’observe aussi parce que je sais que sa question n’est pas la bonne et qu’il faudrait en changer les mots autant que leur ordre. « Papa et maman m’ont pas dit que vous étiez de retour en ville. » Un souffle s’extirpe depuis mes poumons. Bien sûr, tout se rapporte à eux. A papa et maman, les deux seules personnes par qui un enfant ne cesse de jurer, ceux qui transmettent la bonne Parole et toutes ces merdes. “Ils ne sont pas encore au courant.” Et me voilà qui prend leur défense sans enthousiasme aucun, parce que c’est un rôle que je me dois de tenir. Je n’ai pas le droit de les lui faire détester, quand bien même j’aurais une liste longue comme le bras à lui transmettre pour que cela arrive. Il ne peut pas les détester eux, parce qu’il n’a aucune raison de m’apprécier moi. Et un gamin, ça a besoin de stabilité. C’est ce qu’on m’a toujours dit. “Savannah ne peut pas s’occuper de notre père toute seule. Je suis venu aider.” Saül n’a pas de maison, Anastasia n’a pas la moindre once de responsabilité. J’imagine que par défaut, je suis le moins pire pour s’occuper du vieux. “Tu peux continuer à venir même si je suis de retour, tu sais.” J’avance sans qu’il n’ait lui-même abordé le sujet. L’atelier est au moins quelque chose que je ne veux pas mettre sur la sellette ni même lui laisser penser que son double des clés lui sera un jour repris. Je n’ai pas le droit de lui léguer la moindre chose, alors je dois au moins me contenter de cet endroit et de ce qu’il peut bien représenter. “C'est pas un secret que tu as à garder. Tu peux leur dire si t'en as envie.” Il tient déjà bien assez de choses sur ses épaules pour un gamin de son âge, je ne peux pas me permettre de le lui en rajouter comme si de rien n'était. Ce serait égoïste, et je l'ai déjà bien trop été à son égard. "Toi ? Tu dessines quoi ? Point bonus si c'est ton père fou de rage." J'esquisse un sourire et laisse mon regard se reposer dans ses yeux bleus que je ne connais finalement que trop peu.

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@auden williams

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« Je le pensais aussi. » L’étonnement était donc tombé au bon moment, dans un sens, étant donné qu’Auden lui-même ne semblait pas être totalement au courant de ce retour en cours de parcours. Et là où Cosco aurait pu étirer ses questions et venir chercher la petite bête, il préféra venir s’installer aux côtés de son oncle et dévier le sujet - pour l’instant. Il se laissait encore un moment pour comprendre qu’il n’allait pas être seul ce soir, que ses idées ne seraient pas libres comme d’ordinaire. Mais étonnement, pour une fois et dans ces circonstances, ce n’était pas ce qui venait le déranger le plus. Auden n’était pas celui qui saurait venir troubler sa tranquillité le plus facilement. Damon avait même tendance, d’une bien étrange façon, à se sentir plutôt apaisé à ses côtés - chose qu’il n’expliquait pas, étant donné que les deux hommes n’avaient jamais été proche d’aucune façon possible d’être nommée, et qu’ils n’avaient commencé à se côtoyer que lorsque le plus jeune des deux Williams était arrivé en Australie. Avant cela, leurs contacts se limitaient à des messages d’anniversaire quand l’un n’oubliait pas l’autre et aux nouvelles prises lors des diners de noël.

L’art comme centre d’intérêt commun, et voilà le blond s’installa aux côtés d’Auden - sans demander son avis au passage. S’il lui avait à un moment donné les clefs pour qu’il puisse avoir un coin de tranquillité et de paix, il comptait en profiter encore ce soir. Dès demain, de nouveau en ville, Auden aurait surement plus d’une chose à faire dans le quartier pour faire repartir la rénovation de l’endroit, et Damon ne pourrait pas aller et venir aussi librement. « Ce que j’ai vu. Là bas. » Il vint relever un instant le regard de son aquarelle pour le porter sur les traits de pinceau effectués sur la toile de son ongle. « T’y es déjà allé ? » Le silence perdura un instant supplémentaire, Damon désirait venir laisser ses yeux glisser un brin davantage avant de les détourner pour ce qui serait surement toujours. « Pas là-bas, non. » Il en avait fait, des destinations plutôt exotiques. Des plages de sable blanc et des buildings à perte de vue. Il avait connu des civilisations bien différentes de toutes celles au sein desquelles il avait vu le jour et grandi, et il avait gouté à plus d’un plat venant d’un pays qui n’était pas le sien. Cependant, il n’avait jamais mis un pied au Japon - pas que cela ne le tentait pas, mais l’occasion ne s’était surtout jamais présentée à lui jusque maintenant. « J’ai entendu dire que c’est un très beau pays. » Son regard vint cette fois-ci se plonger un instant dans les noisettes de son oncle, haussant un sourcil. Il devrait pouvoir confirmer ou infirmer ses dires, désormais - même si, d’après le peu qui se trouvait sur la toile devant lui, il y avait des chances pour que les suppositions du jeune homme soient justes.

Finalement, ne pouvait satisfaire sa curiosité première quand aux marques laissées à différents endroits sur le corps de Auden - l’une d’elle étant tout de même représentée par un plâtre à l’un de ses deux bras -, Damon décida de revenir sur le sujet premier de la mise en route de cette conversation. Aucun de ses deux parents ne l’avaient prévenu du retour des jeunes mariés sur le territoire australien, et une fois de plus il se sentait quelque peu délaissé par sa propre famille. « Ils ne sont pas encore au courant. » Le pinceau de Damon s’arrêta en pleine course, venant accumulé un brin trop de couleur au même endroit - il s’en mordrait les doigts sur le résultat final, mais la surprise était de taille. D’ordinaire, il n’était jamais le premier au courant des nouvelles concernants sa propre famille, seul membre à pouvoir faire concurrence à Anastasia sur ce point. « Savannah ne peut pas s’occuper de notre père toute seule. Je suis venu aider. » Pour le grand-père, en revanche, il avait été mis au courant - par sa mère, et non son père, ironie de la situation. « J’ai appris que c’était pas la forme oui. » Elon n’était pas la personne dont il était le plus proche chez les Williams, ayant vécu à des milliers de kilomètres de ce dernier la plupart de sa vie. Mais le savoir sur une pente descendante n’était pas quelque-chose qui venait ravir le coeur du jeune homme. « Je crois que maman veut donner un coup de main aussi. » Et Damon ne serait pas le dernier à mettre la main à la patte s’il le fallait. Pour sa mère, pour son grand-père, même pour son père si cela pouvait montrer à ce dernier les bonnes intentions de son fils dans tous les domaines.

« Tu peux continuer à venir même si je suis de retour, tu sais. » Si ses yeux délaissèrent la toile un instant, il n’osa cependant pas les relever jusque Auden, se contentant de venir explorer comme s’il ne la connaissait pas par coeur la palette de couleurs offerte par son aquarelle. « C'est pas un secret que tu as à garder. Tu peux leur dire si t'en as envie. » Un semblant de sourire désabusé, autant que penaud, s’étira au coin des lèvres de l’enfant. « Pour mes visites régulières à l’atelier ou pour votre retour à Brisbane ? » Les deux réponses étaient acceptées. Les deux étaient également acceptables - il voulait simplement être sûr que son oncle et lui se trouvaient sur la même longueur d’onde. « Pour l’atelier, je m’en passerai. Je sais d’avance ce qu’il en sera dit. » Autant, il espérait que sa mère puisse avoir l’esprit assez ouvert pour comprendre que les sciences politiques n’étaient qu’une infime partie du jeune adulte qu'il était devenu; autant, pour son père… Il vint souffler un brin, battant des paupières suffisaient rapidement l’espace d’un instant pour venir troubler sa vision. « Pour votre retour, c’est toi le chef. » Parce-qu’il ne viendrait jamais mettre en lumière cette information si Auden ne voulait pas faire connaître son retour en ville de ci-tôt. Si jamais il voulait, encore un instant supplémentaire, profiter du calme avant la tempête - et Damon ne savait pas à quel point il avait raison sur ce point. Ses yeux vinrent alors se poser de nouveau sur la silhouette de l’homme qu’il apprenait à connaître et qui lui semblait tout autant familier qu’il lui était étranger. « Les autres sont au courant ? » Il n’ajouta pas que, si Anastasia l’était, ce n’était qu’une question de temps avant que Savannah le soit aussi et ainsi de suite venaient tomber les dominos.

« Toi ? Tu dessines quoi ? Point bonus si c'est ton père fou de rage. » Le sourire amusé qui vint se dépeindre sur les lèvres du jeune italien fut, cette fois ci, tout ce qu’il y avait de plus sincère. Bien sur que cela l’amusait à tous les coups, d’entendre quelqu’un venir s’amuser de son père - n’était-ce pas le cas pour tous les enfants ? Il vint cependant hausser les épaules. « J’ai pas de rouge assez profond pour colorer ses joues si c’était ça. » Ou pour venir colorer sa chemise le jour de noël, cette réponse était valable aussi - il ne saurait dire pourquoi ce fut ce souvenir là en particulier qui lui vint à l’esprit en entant Auden parler de son frère fou de rage, mais il ne vint cependant pas rajouter un seul commentaire sur cette pensée là. Ce n’était ni l’endroit, ni le moment, ni les circonstances - surtout à la vue de l’état physique actuel de son oncle. « Je me contente de reconstituer de mémoire le sapin du Rockefeller Center. Je sais qu’ils ne vont pas mettre trop de temps avant de le monter, et ça m’a rendu nostalgique un peu. » Parce-qu’il avait beau être le plus heureux d’être auprès des siens, désormais habitué à habiter en Australie, ce n’était pas pour autant que sa vie new-yorkaise ne lui manquait pas. Le jeune italien avait passé presque plus de temps là-bas que n’importe où ailleurs dans le monde, et surtout en cette période où l’inversent des saisons se faisait le plus remarquer, il ne pouvait s’empêcher de dépeindre la nostalgie que son coeur ressentait.

Il a vu le monde entier et plus encore, son père l’a envoyé toujours plus loin et pourtant « Pas là-bas, non. ». Je n’ai pas réellement envie de peindre. J’ai envie d’en savoir plus et de le questionner sur tout ce qu’il a pu, ou non, visiter. Cela me permettrait de retracer sa vie, de savoir ce qu’il aime ou non, de connaître les endroits où il souhaite retourner parce qu’il les a aimés. Ce n’est jamais ce dont Saül me parle lorsqu’il donne des nouvelles de son fils. Il parle de ses écoles, de ses résultats, de ses plans d’avenir (plans que je présume ne pas être son idée). Jamais du reste et de ce qui m’importe réellement. « J’ai entendu dire que c’est un très beau pays. » Mon regard répond au sien alors que j’hoche effectivement de la positive. J’aurais préféré pouvoir lui proposer de venir avec nous lorsque nous y retournerons mais me reprends avant d’avoir prononcé le moindre mot. Ce ne serait sûrement pas la meilleure chose à faire, de toute façon - pour qui, ça ça reste à voir.

Puisqu’il est assez grand pour connaître la véritable raison de notre retour anticipé, je ne cherche pas à la lui cacher. Son grand père n’est pas au meilleur de sa forme ce qui n’est qu’un doux euphémisme pour dire qu’il est mourant. « Je crois que maman veut donner un coup de main aussi. » Bien sûr qu’Elise souhaite aider. Elle a toujours eu un don assez particulier pour s’occuper des personnes qui n’auraient jamais dû être ses proches - et ce n’est pas un compliment à mes yeux, ne vous y méprenez pas. Damon n’aurait jamais dû être son enfant, Elon n’aurait jamais dû être son beau-frère. Les choses, dans la pratique en tout cas, sont aussi simples que cela. “J’en doute pas.” que je me contente finalement de répondre, me gardant bien d’aller au fond de mes pensées. Ce n’est pas elle qui devrait s’en occuper mais bien son mari (ex mari ?), parce que c’est sa famille à lui. Encore une fois, pourtant, cela ne devrait surtout pas être le problème de Damon.

Je trouve ça ironique d’avoir tant de choses à parler avec lui quand ce ne sont que les silences qui l’emportant avec son frère, les uns s’ajoutant à la suite des autres. « Pour mes visites régulières à l’atelier ou pour votre retour à Brisbane ? » Il a de la répartie et c’est un gamin intelligent, le genre d’intelligence qu’il n’aurait pas pu apprendre même dans ses écoles prestigieuses. Le sourire qui naît au coin de mes lèvres ne se rapporte pas à une quelconque joie mais bien de la fierté. “Les deux j’imagine.” S’il a pu en arriver là avec un père tel que Saül, alors je ne peux que l’admirer davantage encore, surtout alors qu’il est l’un des rares à répondre à mes questions sans faire une mine outrée au passage. « Pour l’atelier, je m’en passerai. Je sais d’avance ce qu’il en sera dit. » Je me retiens de faire une parodie minable de l’un ou l’autre de ses parents. Saül trouverait que c’est une perte de temps et Elise trouverait que je suis la perte de temps - sûrement parce qu’elle craint encore que je ne lui dévoile le secret qui nous lie, même après deux décennies. Elle n’a toujours pensé qu’à son propre bien et aujourd’hui son bien prend en compte de croire être utile pour Damon ; alors elle a besoin de lui. Ce n’est pas de l’amour, cela n’a rien à voir avec ça. « Pour votre retour, c’est toi le chef. Les autres sont au courant ? » Je repose le pinceau dans l’étui prévu à cet effet et repose mon dos contre le mur derrière moi. “Disons que si on te pose la question, tu n’auras qu’à dire la vérité. Sinon, cela ne changera pas la vie de personne de le savoir.” Je n’entraînerai jamais Damon dans un mensonge de plus, surtout un qui n’en vaut pas la peine. Pourtant j’avoue être soulagé qu’il ne veuille pas non plus s’empresser de tout aller raconter à ses parents - et sans doute qu’une partie de moi est heureux de savoir qu’il n’y a pas d’ordre de préférence ou quoi que ce soit dans le genre. “Savannah a été prévenue.” Et donc les autres ne sont pas au courant, tout simplement parce qu’ils n’ont pas besoin de connaître ma vie. Ils n’ont pas à être tenus au courant de mes allers et retours, qu’ils soient de ma famille ou non ne leur donne aucun droit supplémentaire. Pour avoir toujours été élevé loin de nous, j’imagine que Damon peut aisément comprendre ce sentiment.

Bien que je ne souhaite pas ajouter de l’huile sur le feu, prendre un instant pour me moquer de mon frère n’a rien de nouveau ni même de louche. « J’ai pas de rouge assez profond pour colorer ses joues si c’était ça. » Il a un très bon argument et je ne cherche pas à aller plus loin. Personne ne nierait que la couleur qu’on associerait tous à mon frère est le rouge. On pourrait y ajouter le noir de la couleur de son coeur, le vert de celui des billets. En tout cas, rien d’original. “Du gris pour la fumée qui sort de ses oreilles, ça peut aussi marcher j’imagine.” Comme dans les cartoons, ce serait presque amusant. « Je me contente de reconstituer de mémoire le sapin du Rockefeller Center. Je sais qu’ils ne vont pas mettre trop de temps avant de le monter, et ça m’a rendu nostalgique un peu. » Mon regard oscille entre ses mains et le tableau, quand je cherche tant à savoir la technique qu’il utilise que son rendu en temps réel. Je sais avoir déjà perdu un temps précieux que je ne pourrai rattraper et aujourd’hui j’ai l’impression de devoir tout faire en même temps pour essayer de le comprendre moindrement, si ce n’est comme un père alors comme un oncle au moins. “Tu y retourneras pour le voir ? Après tout une partie de ta vie est là bas, maintenant.” Je sens déjà ma mâchoire se serrer lorsqu’il me répondra que ses parents ne l’y autoriseront pas et qu’ils voudront qu’il reste avec eux pour Noël et la quinzaine avant autant que celle d’après. “Attends que la peinture sèche un peu avant de vouloir faire les effets de l’arbre.” C’est plus fort que moi et je ne peux pas m’empêcher de l’aiguiller en ce qui concerne sa peinture. Quand je ne crie pas sur les gens pour un oui ou un non, je sais réellement être pédagogue. C’est étonnant pour tous ceux qui ne l’ont pas vu ; après ils s’y font et apprennent à fermer la bouche et calmer leurs gros yeux étonnés. “Je me rends compte que je ne suis jamais allé à New York, en fait. Il est vraiment aussi cool qu’on le dit, ce Rockefeller Center ? T’as visité le MoMa ?” L’art, l’art, l’art, toujours l’art. Est ce qu’il a vu ces rues étroites où abonde le street art, aussi ? Est ce que les techniques sont différentes selon les quartiers ? Est ce qu’il peut me donner le moindre argument pour que je fasse de NYC notre prochaine destination, après un retour obligatoire à Tokyo ? Il m’en faudrait peu, on le sait tous.

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@auden williams

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« Les deux j’imagine. » Il ne fit aucun commentaire Auden, sur sa façon devenir lui lancer la réplique et surtout le fait de répondre à une question par une autre question. I vint plutôt y ajouter un sourire, auquel Damon ne put s’empêcher de venir y répondre par effet miroir. C’était étrange, cette sensation qu’il ne pouvait s’empêcher de ressentir lorsqu’il se trouvait en présence de son oncle. La plupart du temps, il se contentait de l’observer de loin et d’enregistrer ce qu’il pouvait apprendre sur cet homme qu’il n’avait jamais connu que de  trop loin et à travers des discours biaisés par une objectivité bien trop absente. Lorsqu’ils venaient à se croiser et à pouvoir discuter, réellement, la conversation se faisait avec une aisance qui continuait de surprendre le jeune homme. « Disons que si on te pose la question, tu n’auras qu’à dire la vérité. Sinon, cela ne changera pas la vie de personne de le savoir. Savannah a été prévenue. » Damon vint alors lentement hocher la tête aux paroles du brun. Il ne comprendrait surement jamais complètement les rivalités qui s’immisçaient entre les membres de la fratrie Williams, la réponse d’Auden n’était qu’un exemple supplémentaire parmi tant d’autres. En revanche, l’idée que son oncle vienne le mettre dans cette confidence - un peu malgré lui, au vue des circonstances - et surtout dans une situation diamétralement opposée à celle dans laquelle se tenait son père sans même en avoir l’once d’une idée, lui plaisait plus que de raison. C’était lui, la personne tenue hors des conversations des grandes personnes en règle générale, toujours perçu comme l’enfant haut comme trois pommes courant autour de la table du salon en espérant pouvoir attirer l’attention de quiconque sur lui lors des diners de famille. Auden, en l’incluant dans cette nouvelle de leur retour à Brisbane, le traitait comme son égal; et ça lui faisait du bien, à Cosimo, de comprendre ça.

Finalement, Auden en vint à dévier la discussion vers la toile que Damon avait remonté sur son chevalet et de ce qu’il comptait dépeindre sur cette dernière. Et, bien sûr, il vint y aouter une touche d’humour dirigée vers son frère - ce point qui n’étonnait en réalité en rien le gamin, tant il avait l’habitude de voir les deux se mettre des bâtons dans les roues et se crêper le chignon à la moindre occasion se présentant. « Du gris pour la fumée qui sort de ses oreilles, ça peut aussi marcher j’imagine. » Alors, à la suggestion du jeune homme, bien sur que le sourire de Damon vint s’agrandir un brin davantage. Peu étaient les personnes qui osaient venir se moquer de la sort de Saül Williams. Et pourtant, il en côtoyait un bon nombre de personnes, son père. Mais au fil des années, ces dernières avaient plus eu tendance à venir le craindre qu’à se mettre sur la ligne de ceux qui osaient s’opposer à lui; il ne pouvait pas réellement venir critiquer la première catégorie, étant donné qu’il en avait touons fait partie là où il aurait préféré réussir rejoindre la seconde avec le temps passé loin de cette figure paternelle absente. Ce n’était de toutes façons point cette dernière que Cosimo tentait de venir reproduire sur sa toile mais bien l’un des décors qui faisait partie de son quotidien encore l’année passée; ironiquement, un décor que Saül lui-même lui avait imposé plusieurs années auparavant. « Tu y retourneras pour le voir ? Après tout une partie de ta vie est là bas, maintenant. » Les yeux de blond vinrent glisser de ceux d’Auden à sa toile, avant de descendre et de s’attarder plus que de raison sur la palette d’aquarelle avec laquelle le bout de son pinceau jouait depuis déjà de longues secondes. « Je sais pas si j’aurais l’occasion avant qu’ils le démontent une fois les fêtes passées. » Tout autant parce-qu’il ne savait réellement pas si l’occasion se présenterait avant la fin de l’année, mais également parce-qu’il savait pertinemment que l’idée ne plairait à aucun de ses parents. Ils avaient milité, chacun pour leurs propres raisons, pour que Damon vienne enfin les rejoindre de l’autre côté du globe, ce n’était pas pour venir approuver un voyage de cette trempe une fois qu’il serait auprès d’eux. « Et puis, les fêtes de fin d’année seront fêtées ici en famille cette année, ça ne donne pas d’occasion de voyager loin de Brisbane. » Même lui pouvait entendre toutes les choses qui ne semblaient pas sonner juste dans ses paroles. Il vint se retenir, cependant, de venir soupirer pour ponctuer d’actes ses mots, et préféra venir occuper de nouveau ses mains en venant reprendre la peinture là où il l’avait abandonné.

« Attends que la peinture sèche un peu avant de vouloir faire les effets de l’arbre. » Les paroles de son oncle vinrent arrêter son geste dans sa lancée, alors qu’il intégrait le conseil qu’il venait de lui donner. Il vint même reculer quelque peu son visage de la toile afin de venir visualiser de façon plus globale ce dont Auden lui parlait - pour finalement, le coin de ses lèvres légèrement relevé, venir opiner discrètement du chef. Des deux, il était le peintre connu et reconnu, avec les techniques et le talent allant de paire. « Je me rends compte que je ne suis jamais allé à New York, en fait. Il est vraiment aussi cool qu’on le dit, ce Rockefeller Center ? T’as visité le MoMa ? » Damon vint reposer son pinceau - de toutes façons, Auden lui avait conseillé d’attendre avant d’étaler une nouvelle couche de couleurs sur la toile, alors autant que ses doigts ne retiennent pas l’arme du crime plus longtemps et qu’il vienne se concentrer totalement sur la discussion en cours avec son oncle. « Le Rockfeller, pas tellement. » Damon n’en venait à côtoyer ce type de structure que lorsqu’il n’avait pas d’autre choix, comme lorsqu’il devait venir travailler à la Michael Hills. Il n’était pas un homme d’affaire, encore moins une personne se complaisant dans les bâtiments des affaires - ce qui venait complètement jurer avec son choix d’études, il en convenait parfaitement. « Le MoMA, en revanche, je connais bien ça. » Qui oserait dire qu'il était surpris par cette réponse ? Personne ne connaissant un minimum le jeune homme. Ses parents auraient été surpris, eux, qui ne comprenaient pas réellement comment l’on pouvait apporter un tel intérêt à l’art comme le faisait Damon et Auden bien avant lui. « Je suis sur que t’aimerais ça, le MoMA. » Le regard du gamin vint faire une ronde autour d’eux, alors que l’obscurité prenait place dans la plupart des recoins de l’atelier où serait bientôt exposé des oeuvres qui ne porteraient en rien son nom. « Tu devrais y aller. Ca plairait à Ginny aussi, je suis sûr. » Il vint esquisser un petit sourire avant de venir hausser les épaules de façon nonchalante. « Je t’aurais bien proposé de te prêter mon appartement, mais avec un enfant en bas âge il risque d’être un peu petit. » Il disait ça, l’enfant né avec une cuiller en argent dans la bouche et dont le train de vie ne l’avait pas habitué, contrairement à ses dires, à vivre dans de petits logements - son appartement au plein coeur de l’Upper West Side permettait de distinguer, à travers les fenêtre côté est, les branches les plus élevées des arbres de Central Park.

Les instants que je peux partager en tête à tête avec Damon sont rares, et par là je veux dire qu’ils sont complètement inexistants. Au cours des vingt dernières années écoulées, j’aurais du mal à en citer un seul. Il était loin et moi, j’étais occupé à autre chose. J’ai toujours pensé que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire pour chacun. C’est en tout cas ce dont j’ai réussi à me convaincre à force de temps et de beaucoup de bourrage de crâne et d’heures passées à penser à la situation, une fois la nuit venue et le sommeil toujours difficile à trouver. « Je sais pas si j’aurais l’occasion avant qu’ils le démontent une fois les fêtes passées. » J’aurais préféré qu’il me raconte monts et merveilles mais force est de constater qu’il n’a jamais eu la vie dont je rêvais pour lui. Tout est sûrement bien moins pire que si j’avais eu un rôle plus important dans cette dernière - chose que je n’assumerai bien sûr jamais à haute voix - mais je rêvais de toujours plus et toujours mieux pour cet enfant qui méritait le monde. A mon sens, il méritait au moins de voir un foutu sapin de Noël si c’est ce qui peut le rendre joyeux, bien plus qu’il ne l’est actuellement. Il peut bien berner Saül et son sens aigu de l'égocentrisme, mais pas moi. « Et puis, les fêtes de fin d’année seront fêtées ici en famille cette année, ça ne donne pas d’occasion de voyager loin de Brisbane. » Je souffle pour venir étouffer ce qui aurait dû être un rire amer. Il sait autant que moi que les repas de famille ne sont pas notre spécialité et qu’on ne peut en prévoir que la finalité : des cris et un bain de sang. Je n’y avais pas participé depuis vingt ans à raison mais je sais que cette année encore je serai stupide et utopiste au point de croire que ça pourrait être différent, cette fois-ci, et qu’on devrait profiter de tous être en Australie pour partager un repas. Je serai con au point de croire qu’on est capable de se supporter quelques heures. Et ensuite, je me détesterai autant que je me déteste à l’instant, d’ainsi rester silencieux alors qu’il ne peut utiliser que les pinceaux pour calmer tout ce ne qui va pas au plus profond de lui.
On est bien plus semblables que Saül ne daignera jamais l’admettre et Elise encore plus.

“Si c’est ce que t’as envie de faire tu devrais y aller. Vraiment.” Parce qu’on ne vit qu’une fois et parce que Elise sera toujours aussi étouffante et Saül toujours aussi control freak. Quoi qu’il fasse, cela lui sera reproché, alors autant qu’il soit rouspété pour quelque chose qui lui plait. Je ne voyage pas cette année encore parce que je ne veux pas prendre aucun risque pour Ginny et sa grossesse mais l’an prochain, personne ne me comptera au traditionnel carnage familial.

J’ai des questions de merde qui auraient pu venir de la bouche de n’importe quel touriste de merde, mais j’ai jamais été doué pour tenir une discussion. J’ai jamais cherché à tenir aucune discussion, à vrai dire. S’il n’avait pas été lui, je l’aurais chassé avant qu’il n’ait pu ouvrir la bouche ou je l’aurais observé peindre jusqu’à ce qu’il me traite de weirdo et ne s’enfuie. Pourtant, c’est lui, et tout est différent. « Le Rockfeller, pas tellement. » Ah ouais ? « Le MoMA, en revanche, je connais bien ça. » Y’a un c’est bien mon fils, ça que je retiens du plus profond de mon être. Le coeur y est, pourtant, et puisqu’il ne parle pas souvent, c’est au moins avec intensité cette fois-ci. « Je suis sur que t’aimerais ça, le MoMA. » - “J’en suis sûr aussi.” Mon avis qui suit celui d’un autre, c’est à noter dans les annales. Une fois encore, ce n’est que parce que c’est lui. C’est aussi parce qu’il vise juste. Je jouerais avec les nerfs de tous ceux assis sur une chaise dont le seul job est de s’assurer qu’aucun touriste de merde ne touche leurs oeuvres, mais j’adorerais ça quand même - le musée, pas seulement jouer avec eux (/d’eux). « Tu devrais y aller. Ça plairait à Ginny aussi, je suis sûr. » Il est beau quand il sourit et je ne saurais pas être plus fier de lui en cet instant, quand bien même il n’a rien à prouver ou à me montrer. Il est lui-même, avec ses rêves et ses espoirs, et ce n’est qu’une de ses milliers de facettes que je voudrais apprendre à connaître bien plus chaque jour. “T’as raison. Elle adorerait. Faut pas le dire trop fort, elle serait capable de ramener son gros ventre jusqu’à l’aéroport.” Et je parle bien de l’enfant qu’elle porte depuis huit mois, pas de tous les desserts dont elle a abusé au Japon. Je suis pas un si horrible mari que ça, voyons. « Je t’aurais bien proposé de te prêter mon appartement, mais avec un enfant en bas âge il risque d’être un peu petit. » Ce n’est pas parce qu’une porte est fermée que tout le reste l’est. Ouais, on dirait une expression d’adolescente, je me déteste déjà assez comme ça, pas besoin de le soulever. Manquerait plus que je dise que le plus important n’est pas de se regarder l’un l’autre mais de regarder ensemble dans la même direction et bla, bla, bla. C’est pas le sujet. “On pourrait t’engager comme guide, t’en dis quoi ?” Je n’ai pas envie de réduire à néant tous ses rêves et s’il veut retourner à New York, alors je lui donnerai bien plus de raisons que nécessaires pour que ce soit le cas. “Quand tout sera ok pour tout le monde, dans quelques mois, on pourrait s’organiser ça.” Quand Sloan sera assez grand, quand Ginny sera à nouveau en pleine forme, quand tout ira parfaitement bien dans le meilleur des ombres et que personne n’aura osé ajouter la moindre ombre au tableau. “Et nous on pourrait te faire visiter Berlin. Ou Paris. Ou Kyoto.” Je suis le con qui enchaîne les destinations parce que j’ai même aucune idée de où est ce qu’il a foutu le pied et encore moins de savoir ce que je pourrais bien lui apprendre dans la vie. Pour tout ça et pour bien plus encore, j’arrive trop tard.

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the lines.

@auden williams

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« Si c’est ce que t’as envie de faire tu devrais y aller. Vraiment. » Oh, que les paroles de Auden venaient résonner en lui bien plus que de raison. Elles venaient faire sens d’une façon dont il ne s’attendait pas - après tout, son père lui avait bien assez rabâché de ne pas prendre de conseils de la part de son frère car ces derniers étaient forcément mauvais et égoïstes. Il avait l’impression qu’en l’espace d’une discussion d’une poignée de minutes, il avait réussi à comprendre ce qu’il se passait au sein du jeune Cosimo comme s’ils avaient partagé leur quotidien pendant des années. Ils se ressemblaient bien plus qu’il n’avouerait pouvoir le comprendre, Auden et lui, là en était une fois nouvelle la preuve silencieuse. Alors, étirant un sourire des plus discrets au coin de ses lèvres, Damon ne vint ajouter aucune parole. Ce n'était pas nécessaire en cet instant. Parce-que même s’il désirait repartir d’où il venait, même s’il se sentirait plus à l’aise là où il n’était pas en ce moment même, il savait parfaitement que la situation n’était pas aussi simple que cela. Ou même s’il ne le savait pas avec précision, il pouvait le sentir au fond de lui.

Ce qui était simple, cependant, c’était de savoir que le MoMA plairait autant à Auden qu’il lui plaisait à lui, sans doute aucun. « J’en suis sûr aussi. » Leurs regards se croisèrent et Damon ne put s’empêcher d’avoir un petit sourire en coin. Ils en étaient surs tous les deux et ça semblait si simple, vraiment, pour une fois. « T’as raison. Elle adorerait. Faut pas le dire trop fort, elle serait capable de ramener son gros ventre jusqu’à l’aéroport » Il vint s’autoriser un petit rire et surtout, il vint sans peine imaginer les paroles d’Auden. Ginny était une femme avec un sacré caractère quand elle le voulait, et si elle les entendait parler en cet instant, il y avait fort à parier qu’elle serait même déjà dans l’avion alors qu’ils n’auraient pas encore terminé de choisir entre bleu et vert pour le tableau que Damon avait arrêté peindre pendant un instant. « On pourrait t’engager comme guide, t’en dis quoi ? » La seule expression qui vint orner le minois du jeune Williams désormais fut celle de la surprise. Il ne s’attendait pas à grand chose, de cette discussion - il ne s’attendait surtout pas à ce que Auden lui propose quelque-chose de cette ampleur. Il n’avait pas l’habitude en réalité de passer des instants comme celui en train de se dérouler avec son oncle, la vie ne les avait pas rapprochés avec autant d’ardeur. Ces derniers temps, la chance était de leur côté mais Cosimo ne pensait pas qu’Auden voudrait mettre autant de chances de leur côté. « Quand tout sera ok pour tout le monde, dans quelques mois, on pourrait s’organiser ça. » Il n’avait surtout également pas l’habitude qu’un adulte autre que sa mère lui porte tant d’intérêt. Son père avait toujours préféré passer du temps à s’éloigner de lui plutôt qu’apprendre à le connaître, à faire des plans sur la comète pour à la fin ne pas lui accorder une once d’attention. Il n’était pas habitué à compter de la sorte, et à ce qu’on compte sur lui également. Elise avait beau le couvrir d’amour et faire en sorte qu’il soit la personne la plus importante dans ses yeux, ce n’était pas la même chose - il ne saurait dire comment, mais la différence était notable.

« Et nous on pourrait te faire visiter Berlin. Ou Paris. Ou Kyoto. » Et il continuait sur cette piste là, Auden. Il continuait à lui montrer que de l’importance lui était accordée là où Damon pensait juste que jusqu’alors, il avait prétendu être intéressé par son neveu pour paraitre gentil. Le doute s’était installé une fois, lorsqu’ils étaient tous en Afrique du Sud et que Auden semblait porter un regard nouveau sur lui. Le gamin s’était juste dit qu’il faisait de la sorte car, après tout, ils ne se connaissaient pas. Il n’avait jamais pensé qu’il pourrait s’intéresser à lui pour de vrai, comme le faisait les gens normalement constitués. « Ou même Rome. Je suis sur que tu la connais, toi. » Il vint à la suite de ses mots se racler la gorge, détourner son regard, papillonner des cils un instant. Il était autant à l’aise qu’il ne l’était en rien, présentement. Il ne saurait cependant mettre des mots sur ce qu’il ressentait exactement. « Avant de faire Kyoto, Rome me dirait bien. » Son regard qui vint rattraper celui d’Auden un instant un seul. « Et après New-York, bien sur. » Parce-que l’idée d’aider Ginny et Auden à crapahuter dans la ville qu’il connaissait comme sa poche lui disait bien, évidement. L’idée de pouvoir aussi partager des instants supplémentaires et de vrais instants surtout avec son oncle ne lui déplaisait pas, au contraire. Que quelqu’un lui apporte une telle attention et de façon sincère n’était pas déplaisant non plus.

Puisque l’Australie ne nous convient pas, alors on peut aller ailleurs. Je fuis dès que quelque chose ne va pas, c’est bien vrai, mais puisqu’on prépare le tout à l’avance alors on aura le droit de simplement appeler ça “un voyage”, non ? Lui, moi, Ginny. Noah, s’il veut venir. Sloan, s’il est assez vieux, si on ne part pas longtemps, si, si, si. Et s’il ne vient pas, son baby sitter sera trié sur le volet et aura passé à peu près dix interviews, en plus d’un check-up complet de la maison pour vérifier que tout est en ordre. Ce n’est une partie de l’histoire qui n’a rien à voir avec Damon, de toute façon, et la seule chose dont il aura à s’inquiéter sera de savoir que pays il souhaite visiter en premier. J’ai des rêves plein la tête pour tous les continents, c’est au moins un sujet sur lequel je ne serai pas pointilleux. J’imagine que même l’Italie ne serait pas si horrible que ça, comme choix. « Ou même Rome. Je suis sûr que tu la connais, toi. » En effet. Je connais. Je n’aime pas vraiment, mais je connais et j’hoche de la tête pour lui signifier qu’il n’a pas tort. “Rome, Florence, Le Vatican.” Les musées sont indénombrables, les peintures pire encore. Il y a beaucoup à découvrir, à apprendre, à voir, à aimer. J’espère qu’il pourra comprendre ce que je trouve à toutes ces villes puisque l’ennuyer est bien la dernière chose dont j’ai envie. Tout ça, c’est pour lui.

La discussion sort de nulle part et tout est nouveau pour nous deux mais j’ose espérer qu’on s’en sortira, un jour, et que tout ira mieux à un moment. Pas aujourd’hui, pas demain. Sans doute pas cette année non plus mais j’ai foi en la décennie à venir. « Avant de faire Kyoto, Rome me dirait bien. » Il a tourné ses yeux en ma direction ; il a ceux de sa mère. J’aimerais pouvoir lui dire, un jour. J’aimerais lui dire le moins brutalement possible que ses yeux sont la seule chose dont je me souviens d’elle, bien avant même son prénom. « Et après New-York, bien sur. » Bien sûr. Je souris muettement, avec l’impression d’avoir accompli quelque chose ce soir. Nous sommes bien loin d’avoir la relation dont j’aurais rêvé pour mon fils mais c’est déjà mieux que rien, enfin. On s’est contenté de “rien” pendant vingt ans, pour mon plus grand déplaisir, mais son retour en Australie marque le besoin de changement au sein de notre famille. “Prépare déjà une liste de ce que tu veux visiter dans chaque ville.” Parce qu’on ira, je le jure. On ira à New York, à Rome, à Kyoto. On ira partout et nulle part et ses rêves deviendront la réalité, à ce propos au moins, parce que je lui dois bien ça. En attendant, mes conseils s’appliquent à ses peintures et je nie le temps qui passe, préférant profiter de chaque seconde en sa présence puisque personne n’en saura jamais rien et que par conséquent, nous sommes libres de tout.