J’aurais presque pu me croire dans un film. Ma meilleure amie qui me dit s’être pris une balle dans un bras. Une balle perdue, ou un truc du genre. Mais je vous assure, exactement comme dans les films. Elle n’a pas l’air d’avoir mal et j’avais même l’impression qu’elle prenait les choses à la légère. J’aurais pu me contenter de lui tenir compagnie par sms comme je le fais si bien, continuer à la faire chier – ou à la faire rire – en lui envoyant des memes complètement ridicules, mais j’ai envie de la voir. Enfin pour être tout à fait honnête j’ai surtout envie de la faire chier en direct live, c’est tellement plus drôle, tellement plus fun. Il ne me faut pas beaucoup de temps pour me lever de mon canapé, je délaisse ma console sans trop de difficulté et je suis sûr qu’Adèle serait bien fière de voir ça. J’ai promis à Birdie de lui amener de quoi grignoter, parce qu’en plus je suis sûr que la nourriture de l’hôpital laisse carrément à désirer. Alors je quitte l’appartement pour me rendre à la première destination : un magasin dans lequel je ne passe pas beaucoup de temps. Je sais ce que je veux, je sais où aller. Je lui prends des barres chocolatées, des bonbons et toutes autres sortes de cochonneries qu’elle va aimer, je le sais. Parce que je la connais, Birdie. Sûrement un peu trop. Depuis un peu trop longtemps. Je compte même plus les années, j’ai l’impression de la connaître depuis toujours et c’est pas vraiment qu’une simple impression de toute façon. Elle fait partie de ma vie depuis aussi longtemps que je peux m’en souvenir et je compte bien continuer à la faire chier encore longtemps. Très longtemps. C’est un peu comme une passion pour moi, la faire chier, l’emmerder, être toujours sur son dos, lui envoyer des conneries par messages, des memes, des gifs ridicules. C’est notre mode de fonctionnement et je n’y changerais pour rien au monde.
Deuxième destination ; McDonald’s. J’ai faim, et je suis sûr qu’elle n’a pas bien mangé ce midi. Certes, il est dix-sept heures mais on s’en fiche, non ? Qui a dit qu’on ne pouvait pas manger un Big Mac à dix-sept heures ? Personne. Ou du moins si quelqu’un a osé vous dire ça un jour ne l’écoutez pas et évitez-le comme la peste, ça peut pas être une personne bien. Moi je peux manger un McDo à n’importe quelle heure du jour et de la nuit et je suis sûr que pour Birdie, c’est pareil. Et puis si c’est pas le cas elle me regardera manger mes frites et mon burger. Enfin, la troisième et dernière destination ; l’hôpital. La seule vraie raison pour laquelle je ne suis plus chez moi affalé sur mon canapé, une manette de Playstation dans les mains. Birdie est à l’hôpital, parce qu’elle s’est pris une balle – rime incroyable –, alors je compte bien égayer sa journée en entrant dans sa chambre les bras remplis de chocolat et de fast food. J’avance dans les couloirs assez rapidement, parce que je doute que les médecins et infirmiers soient ravis de me voir débarquer avec un Mcdo et pleins de chocolats, parce que tout ça, c’est pas super bon pour la santé et ils sont censés être là pour prendre soin de leurs patients. Je toque une fois à la chambre que l’on m’a indiquée à l’accueil, et j’entre. « Yo la loser ! » Débordant d’amour, de gentillesse et de délicatesse dans mes propos, comme toujours. – Ou pas – J’entre dans sa chambre avant de refermer la porte derrière moi. Loser, blondie, chou à la crème, birdinette… ce qui est sûr c’est que rares sont les fois où je l’appelle vraiment par son prénom. C’est sûrement les fois où je suis sérieux – donc rarement –, ou bien quand je suis déprimé. Mais ça aussi, ça arrive rarement. Au fond je suis quelqu’un de positif et même quand ça ne va pas, j’essaie de ne retenir que le positif. « Je t’ai ramené plein de trucs, tu vas pouvoir te péter le bide en pensant à moi. » Même si, ne nous mentons pas, elle n’a pas besoin de ça pour penser à moi. J’occupe ses pensées, du matin jusqu’au soir, en passant par le coucher. Si si, je vous assure… «T’as de la chance d’avoir un meilleur pote comme moi. » Et ça c’est vrai quand même, impossible à nier. Je lui amène plein de super nourriture et ma présence jusqu’aussi tard que le personnel soignant me le permet. Je pose sur son lit le sac dans lequel se trouve le chocolat et les bonbons, et puis le sac de fast food. Son menu, plus le mien, on devrait pouvoir manger – un peu, beaucoup tôt – en tête à tête en oubliant le lieu peu joyeux dans lequel on se trouve. « Elle va comment la blessée de guerre ? » C’est pris au second degré, pas vraiment au sérieux alors qu’au final elle a eu beaucoup de chance et ça aurait pu être bien plus grave. J’enlève mes chaussures pour venir m’asseoir en tailleur sur son lit, constant qu’au final, elle n’a pas l’air trop mal. Et heureusement.
« Yo la loser ! » « Yo la déception ! » Il est là, tout pimpant, tout fier, les bras chargés de sacs qui doivent contenir ce que Birdie peut voir comme sa survie. Aussi bien mentale qu’alimentaire. Elle n’a vraiment pas besoin de perdre de poids ; or, la nourriture de l’hôpital ne lui a fait qu’aller se foutre les doigts dans la gorge pour la faire ressortir. Elle va finir les poils sur les os si elle continue à ce rythme–là. Will est certainement un sauveur à ce stade–là. Il doit le savoir alors elle ne prendra même pas la peine de le lui dire ; déjà parce que cela lui ferait trop plaisir, mais en plus, il risquerait de plus pouvoir sortir de la chambre tellement qu’il aura la tête aussi grosse qu’un melon et des chevilles affreusement enflées. En tant que meilleure amie de son statut, Cadburry ne peut vraiment pas lui laisser cette situation arrivée. « Je t’ai ramené plein de trucs, tu vas pouvoir te péter le bide en pensant à moi. » Birdie tend les bras – un peu trop d’énergie dans l’ouvrage, oubliant (encore) son bras endolori et lâchant une grimace. « T’as pensé aux bonbons ? Les langues de chat ? Les fraises tagada ? Et ma revue animalière ? La télé, c’est bien, mais j’aime ma revue animalière. » Elle en rajoute pour ne pas que Will vole trop haut dans son étiquette de sauveur de l’humanité – ou au moins, de Birdie, ce qui n’est pas rien quand même. « T’as de la chance d’avoir un meilleur pote comme moi. » La Cadburn le regarde stoïquement avant de se laisser perturber par l’odeur de la mal bouffe mais ô combien alléchante qui traine dans un des sacs. Okay, Will est génial mais encore une fois, Birdie garde cette info pour elle. Elle se contente de hausser les épaules tout en regardant ce que les sacs posés sur son lit contiennent. « T’as fait ton taf de pote, quoi. C’est bien la moindre des choses pour une pauvre blessée comme moi. A quoi tu servirais sinon ? » La jolie blonde sourit au contenu d’un des sacs, non pas parce qu’il y a un burger et des frites et que son ventre hurle famine à la vision mais juste parce qu’elle n’ignore pas que Will va forcément rebondir dessus et qu’elle prévoit que sa réaction va être hilarante. Parce qu’elle le connait depuis bien trop longtemps pour ne pas savoir ce genre de détails.
« Elle va comment la blessée de guerre ? » Birdie se redresse contre ses oreillers pour laisser la place à la nourriture et maintenant à Will qui vient squatter son lit. « Laisse tomber. C’est une histoire de fou, littéralement. Je m’en sors pas trop mal. A quelques centimètres près, j’aurai pu perdre mon bras. T’imagines ? J’aurai presque pu comprendre le ressenti de Malachi quand il a perdu l’usage du sien mais heureusement, il sera de nouveau opérationnel dans quelques semaines. » Elle sort les burgers du sac et hume l’odeur des frites avec délice. « C’est le meilleur tea time du monde. » Au diable les petits gâteaux et le thé. MacDo à cinq heures, de l’après midi ou du matin, ce n’est pas inhabituel. Encore moins avec Birdie et Will qui ont toujours choisi l’option de facilité à toute heure de la journée, du soir ou de la nuit. « Le plus chiant reste l’hosto. J’ai hâte de rentrer chez moi. Je préfère encore voir la gueule de Carter que supporter les infirmières pénibles. Et pas une seule de jolie, c’est un scandale ! » Comme si cela devait être un critère – absolument, pour remonter le moral des patients. Birdie entame son burger dans un soupir de contentement non dissimulé. « En tout cas, je suis honorée que t’es lâché ta console pour venir à mon secours. »
« Yo la déception ! » Une grimace et une main qui vient se poser sur mon cœur d’un air dramatique. Ouch. Ça fait mal. Ça fait très mal. Mais elle le pense pas, je le sais, je peux le voir dans ses petits yeux bleus. On se connait beaucoup trop pour se mentir, de toute façon et je peux même vous assurer que Birdie, je la connais comme si je l’avais faite. Si, si, je vous assure. Surtout qu’en ce moment elle passe ses journées, allongée sur un lit d’hôpital alors je sais que ma présence dans sa chambre la remplie de joie et de bonheur. D’ailleurs ça se voit, regardez le grand sourire qu’elle a sur les lèvres quand je m’avance vers elle. Ou bien c’est dans ma tête ? Non en fait, elle sourit parce qu’elle est heureuse de me voir arriver les bras chargés de sacs remplis de divers choses pour elle. C’est le contenu des sacs qu’elle a hâte de voir, c’est tout, et ça me brise le cœur. « T’as pensé aux bonbons ? Les langues de chat ? Les fraises tagada ? Et ma revue animalière ? La télé, c’est bien, mais j’aime ma revue animalière. » Elle me bombarde de questions et ça me donne presque mal à la tête. Mes yeux s’écarquillent et avant de répondre je me frotte doucement les paupières. « Minute papillon, tu vas beaucoup trop vite pour moi. » J’essaie de me remémorer chacune de ses questions. Les bonbons ; c’est ok. Les langues de chat, aussi. Les fraises tagada bien sûr que j’y ai pensé, j’en ai même pris plusieurs paquets. Et c’est maintenant une grimace qui prend à nouveau place sur mon visage ; j’ai oublié la revue animalière. Quelle erreur de débutant j’ai faite. Sérieux, c’est quoi mon problème ? Je le sais pourtant, mais j’y ai pas pensé. Je vous assure que je suis à deux doigts de me cogner la tête sur une lampe de chevet comme le fait Dobby. « J’ai oublié ta revue animalière, MAIS… » Peut-être que ce dernier mot je l’ai dit un peu trop fort. Non en fait, c’est sûr. Je l’ai presque crié que les infirmières pourraient débarquer dans la chambre en pensant que quelque chose de grave est en train de se passer. Je plonge ma main dans l’un des sacs pour en sortir une peluche. Pas n’importe laquelle. Un bébé t-rex que je lui tends, fièrement. « … TADAAAAAAM !!! » Encore une fois, peut-être que j’ai été trop bruyant. Heureusement qu’elle n’a pas de voisin de chambre. Cette fois c’est une photo que je lui tends. Une photo de moi, pour continuer dans les conneries. « Comme ça tu pourras toujours penser à moi. » J’attends avec impatience sa punchline, ou bien peut-être qu’elle me fera le plaisir d’entrer dans le délire que je me suis créé tout seul ? Allez, Birdie, ne me brise pas encore le cœur s’il te plaît.
« T’as fait ton taf de pote, quoi. C’est bien la moindre des choses pour une pauvre blessée comme moi. A quoi tu servirais sinon ? » Elle dit ça mais pourtant c’est bien un sourire que je vois se dessiner sur ses lèvres. Ahaha. Elle est trop fière pour me le dire mais elle m’aime et elle est super contente que je lui ai apporté toute cette bouffe. « Tant de cruauté. » Ces quelques mots sont presque murmurés comme pour accentuer le côté drama de mon intervention. Mais en même temps c’est vrai. Elle est cruelle. Ou du moins pas cool, mais j’ai l’habitude avec elle. Sans lui demander son avis, je squatte son lit. C’est elle qui est hospitalisée mais elle doit bouger un peu pour me laisser de la place. Au diable les bonnes manières, on a dépassé ça depuis bien longtemps elle et moi. « Laisse tomber. C’est une histoire de fou, littéralement. Je m’en sors pas trop mal. A quelques centimètres près, j’aurai pu perdre mon bras. T’imagines ? J’aurai presque pu comprendre le ressenti de Malachi quand il a perdu l’usage du sien mais heureusement, il sera de nouveau opérationnel dans quelques semaines. » Je l’écoute me conter ce récit comme si elle était en train de me raconter une de ses dernières théories sur Harry Potter. En gros, je l’écoute avec beaucoup d’attention, hochant de temps en temps la tête de haut en bas avant de lui répondre. « C’est ouf. Et ça fait aussi mal qu’ils le disent dans les films ? » Même si je me doute bien que la sensation n’est pas agréable. Quoique, sait-on jamais. On commence à manger notre burger et je savais très bien qu’elle préférait un Big Mac plutôt qu’un thé vert dans lequel on viendrait tremper des petits gâteaux secs. Ça, c’est la solution de facilité, donc moyennement fun pour nous. « Le plus chiant reste l’hosto. J’ai hâte de rentrer chez moi. Je préfère encore voir la gueule de Carter que supporter les infirmières pénibles. Et pas une seule de jolie, c’est un scandale ! » Ma bouche s’ouvre en formant un petit « o » pour lui montrer mon indignation. « Genre y en a aucune qui est belle, sérieux ? Quelle déception. Donc t’as rien à mater quand elles viennent refaire ton pansement ? » C’est scandaleux. Ça devrait presque – non – être un critère à l’embauche des infirmières. Je suis outré. Ou peut-être pas vraiment, non. « Faut se méfier des gens qui travaillent dans les hôpitaux de toute manière. » Phrase plutôt étrange oui et à la fin de celle-ci je viens boire quelques gorgées de mon coca. Mais pour ma défense, mon ex-femme est pharmacienne dans ce même hôpital et on peut dire qu’on est pas restés en de très bon terme. « En tout cas, je suis honorée que t’es lâché ta console pour venir à mon secours. » Un petit sourire accompagné mon haussement d’épaules. « Toujours pour toi, Birdinette. » Et là pour le coup, je suis sérieux. Elle est sûrement l’une des seules personnes pour qui je peux arrêter une game en plein milieu. « Tu sais, tu comptes plus pour moi que les dinos ou les jeux. » Je la regarde mais je ne peux pas m’empêcher de rire un peu, cette phrase faisant directement référence quelque chose que je lui ai dit quand on était de de jeunes adolescents ; tu sais, tu comptes plus pour moi que les dinosaures. Et c’était vrai, mais maintenant en y repensant, je suis obligé d’en rire.
« Minute papillon, tu vas beaucoup trop vite pour moi. » Pourtant, Will est bien placé pour savoir que Birdie ne perd jamais une minute pour l’ouvrir. Un peu comme lui. Non, clairement comme lui. Dans un autre monde, ils ont sûrement été jumeaux. Peut–être qu’ils ont été séparés à la naissance, qui sait ? Personne mais Birdie se retrouve parfois à le croire tellement qu’ils se ressemblent. Alors que pourtant, rien ne semble pouvoir les amener à se côtoyer, s’apprécier et encore moins à être liés comme cul et chemise (cette expression est tout de même bizarre, elle n’a pas de sens, n’est–ce pas ?) Mais le destin en a décidé autrement et voilà la raison qui pousse ce jour même Will à sortir sa cape de sauveur planquée quelque part sous le canapé qui doit avoir la forme de son petit fessier tellement qu’il doit y passer le plus clair de son temps. « Je peux pas aller trop vite pour toi, t’es censé capter, t’es mon frère siamois, t’es sur le même débit, le même réseau wifi, le même canal, je parle pas si vite que ça, je suis même un peu shootée, c’est toi qui est visiblement à la ramasse, t’as dû passer encore trop de temps devant tes jeux, ou alors les étudiants t’ont foutu quelque chose dans ton verre de lait ce matin ? Non, tu bois plus de lait, t’es plus un gamin, enfin si, mais un grand gamin qui boit pas de lait mais autre chose et– dammit, je crois que ce qu’on me donne me bousille le cerveau, Wiiiiiiiiiiiilll, faut faire quelque chooooooose ! » Elle lui prend le bras de façon dramatique avant que son meilleur ami enchaîne avec la pire des nouvelles. « J’ai oublié ta revue animalière, MAIS… » Elle sursaute parce que « CHUUUUUUUUT, WILLINETTE, TU VEUX QU’ILS NOUS COINCENT ? » d’une voix tout aussi discrète alors que Will plonge la main dans un des sacs pour en sortir fièrement le contenu. « … TADAAAAAAM !!! » « AWWWWWWW, il est siiiiiii mignoooooooooon ! » Peut–être que les médicaments qu’on lui a donné avant l’arrivée de Will commence sérieusement à faire effet. Birdie tend les mains comme une enfant pour prendre le T–Rex tout doux contre elle. « Comme ça tu pourras toujours penser à moi. » Avec la peluche ? Ah, non, car Will lui tend autre chose et la Cadburn éclate de rire en s’écroulant contre son oreiller. « Mais mon bichon, je pense toujours à toi. T’es mon soleil et ma lune, mon astre indispensable pour que je puisse continuer à vivre. T’aurais au moins pu prendre une photo de nous deux, c’est vraiment égoïste, je suis déçue et choquée, Willou. » Mais elle se redresse quand même, enroule ses bras autour de son cou et lui embrasse la joue, avant de mimer le T–Rex contre l’autre joue, comme s’il l’embrasse lui aussi.
« Tant de cruauté. » « C’est mon deuxi– troisième prénom. »
« C’est ouf. Et ça fait aussi mal qu’ils le disent dans les films ? » Birdie installe le T–Rex sur ses jambes croisées – il va falloir lui donner un prénom – alors que l’odeur lui ouvre le ventre, les narines et le gosier. Elle tapote des mains, Will connaissant sûrement son amour pour le poulet, la sauce barbecue et la glace vanille. « On pourrait croire que c’est une caresse de plume mais absolument pas, c’est fou, hein ? J’aurai bien aimé te dire plus sur les sensations que j’ai ressenti mais j’ai été trop occupée à m’évanouir pour ça. J’ai atterri à l’hôpital sans savoir comment. La panique, quoi. On me l’avait pas encore faite, celle–là. Je peux checker dans ma liste ‘to do’ la ligne ‘rencontrer un psychopathe’. » Birdie attrape son burger pour en savourer le goût dans un soupir non dissimulé parce qu’il n’y a aucune gêne à avoir du plaisir, même (surtout) avec de la nourriture. Ce n’est pas Will qui la jugera de toute façon.
« Genre y en a aucune qui est belle, sérieux ? Quelle déception. Donc t’as rien à mater quand elles viennent refaire ton pansement ? » Elle fait la moue, la Cadburn, tout en secouant la tête d’un air faussement triste et abattu. « Rien du tout. A part Les Feux de l’Amour, y a rien de passionnant à faire. » Et Birdie n’est pas du genre à rester enfermée. Elle a besoin d’action, de vie, de liberté. Enfermée dans une chambre, c’est clairement une torture. Même si elle se sent actuellement assez détendue pour ne pas s’en soucier pour l’instant. « Faut se méfier des gens qui travaillent dans les hôpitaux de toute manière. » Que Will rajoute et qui fait arquer un sourcil à son amie. « Tu parles d’expérience, là ? C’est ton côté scientifique qui ressort, pas vrai ? T’aurais pas pu être un médecin de gens vivants plutôt que de t’occuper de trucs qui sont morts y a genre des milliards d’années ? Ça m’aurait été vachement plus utile. » Birdie attrape la paille entre ses lèvres pour s’abreuver de son propre coca – un mélange douteux et peut–être pas recommandé mais on a qu’une seule vie, tant pis. Birdie n’est plus à ça près, et elle a failli voir la mort en face, elle a le droit de faire ce qu’elle veut !
« Toujours pour toi, Birdinette. » Cette dernière le regarde avec toute l’affection qu’elle lui porte avant qu’il rajoute. « Tu sais, tu comptes plus pour moi que les dinos ou les jeux. » Will se met à rire et Birdie se joint à lui tout en prenant son dinosaure en peluche pour le taper avec. « Arrête, tu casses ta déclaration d’amour. C’était beau et t’as tout gâché. Tu perds en crédibilité et du coup, j’y crois moins, c’est très triste, je trouve. » Même si la Cadburn sait ; Will et elle, c’est pour le meilleur mais surtout pour le pire.
Je suis un peu comme un super-héros. Enfin non, je peux même dire que je suis carrément comme un super-héros. Je suis un peu là pour sauver Birdie de son ennui mortel et de son enfermement dans cette chambre d’hôpital. De toute façon, je serai toujours là pour elle et je suis toujours le premier à lui tenir compagnie quand elle en a besoin. C’est toujours agréable passer du temps avec elle, surtout que je la connais comme si je l’avais faite, Birdie. Sérieux on va pas se mentir, Will sans Birdie c’est un peu comme Harry sans sa cicatrice, ça n’a aucun sens et ça fait super bizarre. « Je peux pas aller trop vite pour toi, t’es censé capter, t’es mon frère siamois, t’es sur le même débit, le même réseau wifi, le même canal, je parle pas si vite que ça, je suis même un peu shootée, c’est toi qui est visiblement à la ramasse, t’as dû passer encore trop de temps devant tes jeux, ou alors les étudiants t’ont foutu quelque chose dans ton verre de lait ce matin ? Non, tu bois plus de lait, t’es plus un gamin, enfin si, mais un grand gamin qui boit pas de lait mais autre chose et– dammit, je crois que ce qu’on me donne me bousille le cerveau, Wiiiiiiiiiiiilll, faut faire quelque chooooooose ! » Je pense qu’elle vient de me sortir la phrase la plus longue du monde. Et le pire dans tout ça c’est qu’elle me fait rire, je suis là, à son chevet en train de rire comme un abrutit. Dans le genre drama queen là elle est plutôt bien placée quand même, j’ai presque l’impression d’assister à une pièce de théâtre sur-jouée. « C’est à cause de mes étudiants, ils me fatiguent trop ! Hier ils ont pas été capables de me donner les trois hypothèses qui expliquent l’origine des premières molécules organiques. » J’exagère peut-être un peu puisqu’il n’y a que la dernière hypothèse qu’ils n’ont pas réussi à me donner ; celle de la Panspermie. Mais il faut que je râle moi aussi, parce que hey, c’est pas parce que je ne me suis pas pris une balle dans le bras que je n’ai pas le droit de me plaindre un petit peu. « CHUUUUUUUUT, WILLINETTE, TU VEUX QU’ILS NOUS COINCENT ? » Oh bah oui, et c’est pas comme si elle venait de dire ça en criant en plus. « EH OH ! Ça va, c’est pas comme si je parlais d’une revue porno non plus. » Bah oui quand même. « De toute façon plus personne n’en n’achète, maintenant y a pornhub. » Le pire dans tout ça c’est que je dis ça d’un ton tellement sérieux que je suis sûr que ça pourrait être déroutant. Mais pas pour Birdie. Non clairement pas pour elle. Mais de toute façon l’heure est venue pour moi de lui donner tous ses cadeaux et je commence par ce t-rex en peluche qu’elle semble beaucoup apprécier. « AWWWWWWW, il est siiiiiii mignoooooooooon ! » Je sautille presque sur place comme un gamin tant son excitation est en train de déteindre sur moi. « MAIS JE SAIS T’AS VU ÇA !! » Elle cri, je cris, crions tous, on n’a rien à perdre de toute façon. À part se faire reprendre par une infirmière reloue. Surtout que j’ai un autre cadeau qui lui est en plus encore plus personnalisé, et elle rigole, Birdie, quand elle voit la photo que je lui tends. Moi, et mon sourire d’abrutit. Au moins elle ne m’oubliera pas. « Mais mon bichon, je pense toujours à toi. T’es mon soleil et ma lune, mon astre indispensable pour que je puisse continuer à vivre. T’aurais au moins pu prendre une photo de nous deux, c’est vraiment égoïste, je suis déçue et choquée, Willou. » Mon soleil, ma lune, mon astre, et après on va se plaindre en me disant que j’ai la grosse tête ou que je suis too much, c’est de sa faute aussi. « Pour la prochaine fois j’te ferai un book de photos de nous si tu veux. Puis on en a plein en mode bitch en plus, on enverra des paillettes dans la vie des gens comme ça. » Enfin dans la vie du personnel qui aura l’honneur de voir ces photos de nous. J’ai même le droit à un petit câlin, un bisou sur la joue et à une imitation – ratée mais je lui dis pas – d’un t-rex. Pour l’embêter je grimace tout en portant ma main sur ma joue pour faire mine de l’essuyer, comme si son baiser m’avait dégoûté.
« On pourrait croire que c’est une caresse de plume mais absolument pas, c’est fou, hein ? J’aurai bien aimé te dire plus sur les sensations que j’ai ressenti mais j’ai été trop occupée à m’évanouir pour ça. J’ai atterri à l’hôpital sans savoir comment. La panique, quoi. On me l’avait pas encore faite, celle–là. Je peux checker dans ma liste ‘to do’ la ligne ‘rencontrer un psychopathe’. » Je croque dans mon Big Mac et je réponds presque au tac-au-tac. « T’abuses, t’aurais pu éviter l’évanouissement tu te doutais que je te poserai cette question ! » Bah oui sérieusement, elle abuse quoi. « M’enfin, plus sérieusement je suis soulagé que tu n’aies rien eu de grave. Si tu veux que je te rapporte des affaires à toi dis-moi. » Parce que blaguer comme je le fais depuis le début c’est bien mignon, mais je peux au moins essayer de rester sérieux deux minutes. Au moins deux minutes quoi. J’enchaîne sur un autre sujet sérieux en lui demandant s’il y a de belles infirmières – oui oui, c’est un sujet très sérieux – et sa réponse me rend triste pour elle. « Rien du tout. A part Les Feux de l’Amour, y a rien de passionnant à faire. » Je fais la moue avant d’attraper mon coca et d’en boire quelques gorgées. « Comme ça t’auras ma photo si t’as envie de te rincer l’œil en matant un beau-gosse. » De toute façon on est tous les deux incapables de rester sérieux plus de trente secondes, alors autant continuer les conneries. « Tu parles d’expérience, là ? C’est ton côté scientifique qui ressort, pas vrai ? T’aurais pas pu être un médecin de gens vivants plutôt que de t’occuper de trucs qui sont morts y a genre des milliards d’années ? Ça m’aurait été vachement plus utile. » Moi, médecin des vivants ? Je suis obligé de rire parce que sérieusement, jamais de la vie j’aurais pu faire de la médecine. « Les gens sont trop chiants, au moins les fossiles sont silencieux. Dans le piiiiiiire des cas, j’aurais pu être médecin légiste, ça aurait été fun. » Tellement fun de passer son temps avec des morts. Vous allez me dire au moins qu’ils sont eux aussi silencieux. Silencieux peut-être comme moi j’aurais dû l’être quand à treize ans je lui ai dit qu’elle comptait plus que les dinosaures pour moi ? Non parce que c’est niais quand même. Vrai, mais niais. « Arrête, tu casses ta déclaration d’amour. C’était beau et t’as tout gâché. Tu perds en crédibilité et du coup, j’y crois moins, c’est très triste, je trouve. » Et en plus elle me frappe avec le dinosaure en peluche ? Les sourcils froncés je lui prends des mains, comme si je voulais le rassurer – sait-on jamais, si les jouets et les peluches sont vivants comme dans Toy Story – « T’inquiète pas Pedro, si elle est violente avec toi tu rentreras chez moi. » Oui. C’est à la peluche que je parle. Mais si jamais elle est comme Woody et ses potes et qu’elle prend vie à chaque fois qu’on a le dos tourné, elle se sera contente de savoir que si Birdie l’utilise trop souvent pour frapper des gens, je pourrais l’accueillir chez moi.
« C’est à cause de mes étudiants, ils me fatiguent trop ! Hier ils ont pas été capables de me donner les trois hypothèses qui expliquent l’origine des premières molécules organiques. » Il parle de ses gamins, Will, et Birdie fronce du nez tout en appuyant ses doigts contre sa ride du lion qui se creuse au milieu de ses sourcils. Pourquoi il lui parle de molécules et d’orgasmes ? Elle n’y comprend rien déjà en temps normal mais alors là, c’est comme si son cerveau est en train d’être noyé dans un flot perpétuel qui fout hors service ses neurones déjà mis à mal de base par sa génétique. « Tu parles une autre langue, Willou, fais des efforts pour être plus compréhensibles, c’est pas le moment de me parler de tes élèves et d’orgasmes dans une même phrase, c’est pas logique et complètement indécent. » Ce qui n’est pas logique aussi est sa tête qui est lourde, qui pèse plus d’une tonne – et pourtant que le lit ne craque pas. Il n’y a rien de logique et le rayon de soleil que doit être Will se transforme en un flou artistique que même Picasso et ses visages bizarres envieraient. « EH OH ! Ça va, c’est pas comme si je parlais d’une revue porno non plus. De toute façon plus personne n’en n’achète, maintenant y a pornhub. » Un sourcil blond qui s’arque, les yeux scrutant l’air sérieux de son meilleur ami qui lui parle maintenant de porno et de pornhub. Elle se penche, la petite blonde, pleine de confidence et de questionnement. « T’es en chaleur ? Tu veux un coup d’eau froide ? Y a une douche si y a besoin. Juste làààààà. » Sa main sur la jambe de Will, elle la tapote avec un air compatissant. Après tout, son meilleur ami est différent d’elle pour ça ; il n’est qu’amour qu’avec sa console – la pauvre. Le manque de plusieurs années doit se faire sentir. Elle ne se rappelle pas qu’ils en ont parlé récemment. Il faudrait qu’elle y songe. Si elle s’en souvient. Une fois qu’elle n’aura plus ce brouillard dans la tête. C’est une conversation à tête reposée, ce genre de choses.
« MAIS JE SAIS T’AS VU ÇA !! » Elle voit, elle entend, ils s’ambiancent tous les deux comme si c’est la huitième merveille du monde et sûrement que Birdie le chérira comme si c’est son propre gamin – alors que ce n’est qu’une peluche mais elle le voit déjà trôné avec les autres sur son lit qui en déborde déjà de tous genres et toutes formes. « Faut que je me prenne une balle pour que t’y penses ?! » Au bout de trente ans, ça fait long quand même. « Pour la prochaine fois j’te ferai un book de photos de nous si tu veux. Puis on en a plein en mode bitch en plus, on enverra des paillettes dans la vie des gens comme ça. » Elle accepte totalement ce plan, la Cadburn, mais elle accepte moins qu’il joue le dégoût en essuyant sa joue – chose qu’elle lui rend en lui tapotant la joue et un petit « tu préfères ça, peut–être, pff » lâché dans un soupir vexé.
« T’abuses, t’aurais pu éviter l’évanouissement tu te doutais que je te poserai cette question ! » Birdie lui tire la langue, en adulte médicamentée qu’elle est, à défaut d’avoir la bouche trop pleine pour répondre quoique ce soit. « M’enfin, plus sérieusement je suis soulagé que tu n’aies rien eu de grave. Si tu veux que je te rapporte des affaires à toi dis-moi. » La petite blonde hausse les épaules tout en finissant de mâchouiller son morceau. « Je compte pas m’éterniser ici. Si je te demande de m’amener mon matériel à fabrique, on réussit pas à me déloger d’ici. Mieux vaut pas, tu vois. Je veux faire mes fringues chez moi et pas là où je m’ennuuuuuuuuie comme un rat moooooort. » Puis elle a une expression soudainement en alerte, attrapant le bras de Will. « Si jamais tu croises Elwyn ou une de mes sœurs, tu dis rien, hein. Aurora risque de venir m’achever et Elwyn va péter plus de boulons qu’il n’en possède. » Et Lila risque simplement de venir la congratuler d’être toujours en vie et de savoir ce que ça fait.
« Comme ça t’auras ma photo si t’as envie de te rincer l’œil en matant un beau-gosse. » « EWWWWW, c’est répugnaaaaaaant ce que tu diiiiiis ! » Sérieusement, Will a beau être un garçon agréable à regarder, Birdie ne pourra jamais le voir comme elle avait pu le faire quand elle était adolescente. La petite amoureuse transie – ou du moins, c’est ce qu’elle croyait, naïve et innocente qu’elle était – qui voyait en son meilleur ami au regard clair l’homme de sa vie. Certes, Will est aussi sûrement à sa façon l’homme de sa vie mais jamais elle ne se rincera l’œil en le regardant. C’est comme violer la base même de leur amitié. Intolérable, vraiment. « Tu te branles en pensant à moi, Willette ? » Parce que pour qu’il dise cette connerie, c’est qu’il y a anguille sous roche, n’est–ce pas ? Elle s’excusera des médicaments qu’ils lui ont donné, elle le jure quelque part de son for intérieur encore à peu près sobre.
« Les gens sont trop chiants, au moins les fossiles sont silencieux. Dans le piiiiiiire des cas, j’aurais pu être médecin légiste, ça aurait été fun. » Birdie grimace. « En clair, je t’appelle si je crève, quoi. » Voilà qui est utile, vraiment. Will lui vole son enfant en peluche sous les protestations gamines d’une blonde furieuse et aux lèvres teintées de ketchup, sans oublier les doigts qui baignent dans le fromage fondu du burger. « T’inquiète pas Pedro, si elle est violente avec toi tu rentreras chez moi. » Voilà qui mérite à ce qu’elle pose son burger, qu’elle lèche ses doigts avant de les tendre pour récupérer ce qu’il lui appartient de droit. « Je serai pas violente avec Pedroooooo. Sache que toutes mes peluches ont survécu jusqu’à maintenant. » Bon, certains (la majorité) ont été rafistolé plusieurs mais ils sont toujours présents. Birdie coince Pedro dans la courbe de son bras, comme un petit bébé qu’elle berce doucement. « Donner c’est donner, reprendre c’est voler, prof Dunham. Tu veux le tien, tu vas en acheter un. T’en as plein, en plus ! » Il a des Pedro à foison alors il ne lui piquera pas le sien. C’est son enfant, non mais oh.
« Tu parles une autre langue, Willou, fais des efforts pour être plus compréhensibles, c’est pas le moment de me parler de tes élèves et d’orgasmes dans une même phrase, c’est pas logique et complètement indécent. » Orgasme ? J’ai parlé d’orgasme ? Elle me fait presque douter je vous jure. Je fronce les sourcils et j’essaie de me souvenir de mes mots en détails mais non, je n’ai pas parlé de ça et au lieu de la rectifier je rigole tout en frappant dans mes mains comme un idiot. Mais elle a raison, parler de mes élèves et d’orgasme dans la même phrase c’est pas logique et complètement indécent oui. C’est pour ça que je ne l’ai pas fait. « T’es en chaleur ? Tu veux un coup d’eau froide ? Y a une douche si y a besoin. Juste làààààà. » Cette fois, oui, j’ai vraiment parlé de pornhub, j’ai vraiment fait une référence sexuelle mais hé, je ne parlais plus de mes élèves. « C’est toi qui est en chaleur sérieux. T’es en manque ou quoi ? » Nos vies sexuelles c’est rarement le sujet principal de nos conversations toutes aussi perchées les unes que les autres. Comme par exemple quand on est tous les deux émerveillés devant une peluche d’un Tyrannosaurus comme des enfants parcourant Main Street de Disney World pour la première fois de leur vie. Mais il en faut peu pour nous lancer. Peu pour nous émerveiller. Surtout quand les médicaments rendent mon amie complètement stone – haha, je vous jure que je suis à deux doigts de la filmer discrètement pour lui montrer la vidéo plus tard. – « Faut que je me prenne une balle pour que t’y penses ?! » C’est énergiquement que j’hoche la tête de haut en bas. Bah oui, ou bien dans le pire des cas elle aurait pu avoir cette peluche pour son anniversaire, entre autres, parce que ce jour-là je lui offre pleins, pleins, pleeeeins de cadeaux. Et là normalement vous êtes en train de vous dire que je suis vraiment le meilleur ami du monde, et vous avez raison. Sauf quand je fais mine d’être gêné par son baiser sur ma joue, elle fait comme si elle était vexée en me tapotant la joue. Sauf que je me laisse pas faire, je râle et je pourrais même bouder si je le voulais. Parce que l’excès dans les réactions, c’est la base quand même.
Même si je fais l’imbécile – comme toujours – je n’oublie pas la raison de ma visite à l’hôpital. Comme dans les films elle s’est pris une balle et je reste sérieux environ vingt secondes pour lui dire qu’elle peut compter sur moi s’il faut que je lui ramène quoi que ce soit. « Je compte pas m’éterniser ici. Si je te demande de m’amener mon matériel à fabrique, on réussit pas à me déloger d’ici. Mieux vaut pas, tu vois. Je veux faire mes fringues chez moi et pas là où je m’ennuuuuuuuuie comme un rat moooooort. » Birdie a pris soin mâcher son morceau de Burger avant de parler, contrairement à moi qui lui réponds la bouche pleine. « J’peux te facetimer pendant que je donne des cours si tu veux au moins ça t’occupera ! » Je dis ça en rigolant oui, mais je suis quand même presque sérieux. Même si je sais qu’elle ne trouve pas mon métier spécialement intéressant mais hé, peut-être qu’en participant à des cours de paléontologie elle va se trouver une toute nouvelle passion. Ou pas. Si elle est toujours aussi défoncée aux médicaments qu’aujourd’hui elle est un divertissement à elle toute seule. Birdie m’attrape le bras, elle me fait sursauter, mon hamburger tombe sur son lit. Ses draps sont tâchés. Tant pis, c’est sa faute. « Si jamais tu croises Elwyn ou une de mes sœurs, tu dis rien, hein. Aurora risque de venir m’achever et Elwyn va péter plus de boulons qu’il n’en possède. » Tout ça pour ça ? Mais moi je suis encore concentré sur le hamburger que je viens de perdre – paix à son âme, d’ailleurs. – « MAAAAAAAIIIIIIIIS !!!!! » Je fixe le cadavre de mon hamburger. « Regarde ce que t’as fait ! » Je lui montre mon hamburger, la salade est tombée, la tomate aussi et il est tombé face fromage fondu sur ses draps. « Pour la peine je vais aller cafter à Aurora et tout lui raconter. » Je fronce les sourcils gardant mon air d’enfant.
« EWWWWW, c’est répugnaaaaaaant ce que tu diiiiiis ! » C’est à mon tour d’être vexé, ou du moins de faire semblant de l’être et je lui montre à ma manière. J’entrouvre la bouche comme un « o » et mes deux points frappent l'un contre l'autre comme Ross et Monica Geller le faisaient quand ils étaient petits. C’était leur moyen de se dire fuck entre eux devant leurs parents. « Tu te branles en pensant à moi, Willette ? » Cette fois j’hoche la tête positivement tout en prenant un nugget pour croquer une fois dedans, et cette fois avant de lui répondre je préfère tout avaler. « Yep, tous les lundis et jeudis soirs. » J’aurais bien aimé pouvoir rester sérieux mais je suis faible, alors je ris comme un gamin en levant les yeux vers elle. Non mon astre, je me branle pas en pensant à toi. Mais je suis sûr qu’elle serait triste de l’apprendre. Ou peut-être pas ? « En clair, je t’appelle si je crève, quoi. » Elle m’appelle quand elle veut, Birdie. Mais dans le contexte oui, je suis docteur des fossiles et de tout ce qui est mort depuis bien longtemps. « T’es déjà un fossile alors en soi, tu m’appelles quand tu veux mon sucre d’orge. » Parce que ça m’arracherait la bouche de lui faire des compliments, parce que j’adore l’emmerder alors oui, je suis incapable de rester sérieux plus de dix minutes quand je suis avec elle. Et puis en plus si elle maltraite Pedro je vais lui en vouloir, moi. « Je serai pas violente avec Pedroooooo. Sache que toutes mes peluches ont survécu jusqu’à maintenant. » Mon regard passe de la peluche, à Birdie, et puis inversement. Je la regarde d’un air méfiant mais je fini par lui reprendre la peluche. « T’as intérêt à prendre soin de lui, parce que tu sais Pedro c’est comme dans Toy Story, il prend vie à chaque fois que t’as le dos tourné. Donc si t’es pas sympa avec lui il va finir par te bouffer. » Je termine ses mots en terminant le nugget en une bouchée. Mais dans ce cas-là, du coup, Pedro ressemble plus à Chucky quand même. « Donner c’est donner, reprendre c’est voler, prof Dunham. Tu veux le tien, tu vas en acheter un. T’en as plein, en plus ! » J’en ai pleins, oui. Je prends des frites et je frotte mes mains avant de lui répondre. « J’ai le même ! Il est sur ma bibliothèque à côté de mes figurines. » Parce que ma chambre c’est tout un truc organisé à ma manière, mes fossiles d’un côté et de l’autre mes figurines et peluches.
« C’est toi qui est en chaleur sérieux. T’es en manque ou quoi ? » Birdie attrape le bras de son ami, l’expression la plus sérieuse qu’elle puisse avoir (ce qui ne lui va guère, donc). « Tu crois que c’est ça ? Tu veux m’aider ? » Même si Will serait l’ultime dernière personne sur cette terre qui pourrait ‘‘l’aider’’ dans des difficultés comme ça – si on peut appeler ça ainsi. Elle ignore ce qu’on lui a injecté mais il faut croire qu’avec la présence de son meilleur ami, les effets sont presque autant – aussi meilleurs qu’un petit buvard qui fond sous la langue – les couleurs et les effusions de lave en moins. Mais l’expression sérieuse est honnête et c’est sûrement encore plus perturbant qu’un serpent à sonnette qui débarquerait en susurrant à quel point la nourriture de l’hôpital est absolument délicieuse (quelle information est la plus douteuse, chacun est libre d’avoir sa propre opinion). « J’peux te facetimer pendant que je donne des cours si tu veux au moins ça t’occupera ! » Le temps que les mots montent les étages de ses neurones qui se bousculent pour mettre de la cohérence dans le bazar et Birdie grimace en reculant le buste. « T’entendre parler de dinosaures, de fossiles et tous ces trucs–là vont juste m’endormir. » Elle secoue la main devant elle en secouant énergiquement la tête de droite à gauche. « Les sujets sur la mort, la congélation et tout le bazar, ça me fout des frissons. Je suis à l’hôpital et j’ai failli y p a s s e r, Will. Je peux pas survivre des cours sur des morts, même si elles ont lieu y a des milliooooooooons d’années. C’est pire qu’un film d’horreur. Pire qu’un mauvais goût. Pire que du NOIR. » Alors que le noir, c’est l’ennemi ultime de l’humanité. Cette couleur sombre, symbole même de l’obscurité, elle est si moche, si triste, représentant absolument rien à part… Le néant. La mort, aussi, tiens. Non, vraiment, la Cadburn ne pourrait pas en survivre.
« MAAAAAAAIIIIIIIIS !!!!! Regarde ce que t’as fait ! » Alors elle regarde, s’arrêtant de mâcher, s’exclamant d’un percutant (et stupide) « OOOOOOH, T’ES SI MALADROIT, REGARDE », un bout de salade sortant d’entre ses lippes, les perles bleutées descendues vers la raison du hurlement de Will. « Pour la peine je vais aller cafter à Aurora et tout lui raconter. » Birdie ouvre ses yeux comme des billes, et la bouche aussi, pour un maximum de glamour et de self estime. « T’oserais pas ?! Pour un burger, tu me vendrais comme ça ? » Sa moue devient larmoyante et y a même de vraies larmes qui sortent – en vrai, elle a vraiment l’impression qu’il va la dénoncer et qu’à cet instant précis, c’est encore pire que de frôler de la mort. « C’est méchaaaaant, Will. » Oh. Elle l’appelle même par son prénom, c’est que la situation est plus grave que pensé. Est–ce que ses médicaments du soir ne la rendraient pas plus fleur de peau ? Est–ce que c’est possible comme symptôme secondaire ? Compter sur les Cadburry pour toujours faire des découvertes époustouflantes. « Tu vas être obligé de changer les draps. Je veux pas de draps qui puent le burger. » Une princesse un jour, une princesse toujours.
« Yep, tous les lundis et jeudis soirs. » Oh (encore). « Oh. » Ailleurs que dans une chambre immaculée et avec le sang innocent de tout médicament abrutissant, Birdie l’aurait sûrement frappé quelque part avant de jouer les minaudes en battant des paupières et se frottant à lui tel un chat. Mais le cas de figure étant différent, Birdie se fige presque sur place, les émotions de la seconde précédentes se remplaçant de nouvelles ; l’incompréhension, la flatterie, le doute… Et du dégoût au fin fond d’elle–même, à ne pas en douter. « Et les autres jours ? Y a Pamela, Rosa, Andrea, Julia ? Je suis jalouse d’être bandante que deux jours par semaine. » Des A parce que Will a été marié avec Sofia, qui se finit en A, donc il doit aimer les A – ou peut–être les détester maintenant, qui sait. Espérons qu’il n’en tienne pas rigueur à sa jolie blonde préférée, auquel cas la réaction de cette dernière risque d’être plus qu’imprévisible. « T’es déjà un fossile alors en soi, tu m’appelles quand tu veux mon sucre d’orge. » Elle balance une mèche de cheveu sur son crâne avant de mettre le dernier morceau de burger dans sa bouche. « Je serai quoi, comme genre de fossile, d’après toi ? Une pierre, une grotte, un os ? Je serai le plus joli fossile du mooooonde ! » Birdie n’y connait pas grand-chose en fossiles – c’est bien un sujet qu’elle ne lit ou regarde pas puisque Will est là pour en parler constamment. Il faut croire que ce n’est pas suffisant pour qu’elle s’en rappelle.
« T’as intérêt à prendre soin de lui, parce que tu sais Pedro c’est comme dans Toy Story, il prend vie à chaque fois que t’as le dos tourné. Donc si t’es pas sympa avec lui il va finir par te bouffer. » La petite blonde passe ses doigts remplis de sauce dans sa bouche pour un lavage intempestif avant de tirer la langue à Will. « Je lui apprendrai à reconnaitre ta tête pour qu’il te pique dans les chevilles quand il te voit. » Parce qu’elle, elle en prendra soin, mordicus. « Je suis sympa avec tooooout le monde, en plus, donc je vois pas de quoi que tu parles. » Voilà qu’elle pense clôturer en prenant la paille de sa boisson entre les lèvres. « J’ai le même ! Il est sur ma bibliothèque à côté de mes figurines. » « Bon bah tu vois, pourquoi t’es embêtant, alors ? » Même abrutie, Birdie le connait encore. « Pedro sera le Pedro dino le mieux traité du monde. » Et ça, c’est la vraie conclusion.
« Tu crois que c’est ça ? Tu veux m’aider ? » Mes sourcils se froncent et la plus belle grimace qui puisse me mettre en valeur prend place sur mon visage. « Ewwww non ! » Je lui dis qu’elle est sûrement en manque et elle me demande si je veux l’aider là-dedans ? Elle est folle. Genre, vraiment folle. « À la limite si tu veux, je peux aller chez toi pour te ramener ton sextoy. » En voilà une bonne alternative. Qu’est-ce que je ferais pas pour ma meilleure amie sérieusement ? En tout cas je suis prêt à me trimballer un sextoy dans un sac et le lui ramener jusqu’ici, voire même à aller lui en acheter un si elle me le demandait. En tout cas elle plane, Birdie et je suis presque jaloux de la voir dans cet-état. J’essaie de voir si sous l’effet des médicaments qu’on lui a injecté elle est plus sensible à mes invitations paléontologiques, je lui propose un facetime lors de mon prochain cours mais à en croire sa tête elle est pas assez high pour accepter. « T’entendre parler de dinosaures, de fossiles et tous ces trucs–là vont juste m’endormir. » Je boude comme le ferait un enfant de cinq ans, une moue sur le visage, les sourcils froncés et les bras croisés sur mon torse. « Les sujets sur la mort, la congélation et tout le bazar, ça me fout des frissons. Je suis à l’hôpital et j’ai failli y p a s s e r, Will. Je peux pas survivre des cours sur des morts, même si elles ont lieu y a des milliooooooooons d’années. C’est pire qu’un film d’horreur. Pire qu’un mauvais goût. Pire que du NOIR. » C’est vrai ça, elle a failli y passer. Elle a failli y passer, merde alors. J’angoisse, je suis au bord de la crise de nerfs rien qu’en l’entendant prononcer ces mots-là. À quoi ressemblerait ma vie sans ma meilleure amie ? Sans Birdie Cadburry ? Sans mon astre, ma colombe, mon chou à la crème, mon doudou, mon chaton, sans ma chère et tendre ? Je vous jure que c’est hyper angoissant. « DIS PAS ÇA ! » Je suis maintenant presque en train de l’engueuler. « Hé, t’as pas le droit de mourir avant moi hein. J’te l’interdis formellement ! » Je la pointe du doigt, je le fais passer sur le ton de l’humour mais il y a une part de sincérité dans mes mots. Sauf que spoiler alert : tout le monde meurt un jour. Et ça, ça craint. Presque autant que mon burger que je ne pourrais JAMAIS finir puisqu’il se retrouve maintenant démembré sur les draps de Birdie. Et c’est de sa faute en plus. « OOOOOOH, T’ES SI MALADROIT, REGARDE » J’ai envie d’éclater de rire quand je relève le regard vers meilleure amie pas beaucoup plus douée que moi avec son morceau de salade qui menace de sortir de sa bouche à tout moment. Sauf que je ne le fais pas parce que je lui encore en deuil en pensant à ce Big Mac que je ne finirai jamais. « T’oserais pas ?! Pour un burger, tu me vendrais comme ça ? » Je regarde le burger, puis Birdie, et ensuite le burger et après encore une fois Birdie. Comme si cette danse des yeux allait m’aider à savoir si oui ou non je vais vraiment la balancer à sa grande sœur. « C’est méchaaaaant, Will. » Elle pleure. Elle pleure ? Elle a les larmes aux yeux, elle m’appelle par mon prénom. Merde, je dois faire quelque chose. Alors je lâche tout. Enfin non, je pose mes frites et mon gobelet et je m’approche de ma meilleure amie pour la prendre dans mes bras, moi aussi presque au bord des larmes. « Désolé ma pierre précieeeeuuuuuuse…. » Et c’est sincère. « Promis je te balance pas à tes sœurs. » Ça aussi, c’est vrai. « Tu vas être obligé de changer les draps. Je veux pas de draps qui puent le burger. » Je me défais de cette étreinte, parce que quand même, faut pas craquer non plus. Je vais pas non plus lui faire un câlin qui dure des plombes, même si je l’aime de tout mon cœur. « Je le ferai. » Une main sur le cœur, l’autre en l’air, les yeux fermés. Peut-être un peu trop solennel alors que je lui promets simplement de changer ses draps. Peut-être, oui.
« Et les autres jours ? Y a Pamela, Rosa, Andrea, Julia ? Je suis jalouse d’être bandante que deux jours par semaine. » Je préfère quand même replacer un peu la vérité ici : non je me suis jamais touché en pensant à elle. Ew, quand même pas. Pourtant, Birdie n’est pas moche, loin de là, elle est plutôt très jolie. Mais c’est ma meilleure amie. My bro, mon meilleur pote. « Les autres jours y a Pamela, Julia. Et Aurora. » J’étais obligé. Elle m’a tendu une perche-là, en me citant uniquement des prénoms de femmes commençant par un a. Je rigole, très fort tout en tapant dans mes mains, mais pour diminuer tous les risques que je me prenne son oreiller en pleine face je me calme et je reprends mon sérieux. « Je rigole, j’ai jamais pensé à ta sœur pour ce genre de chose. » Quand même. « Et à toi non plus, d’ailleurs. » Autant le préciser. Même si la Birdie de tous les jours n’a pas besoin de précisions pour me comprendre, elle lit en moi comme dans un livre ouvert. Mais là, elle est shootée aux médicaments. « Je serai quoi, comme genre de fossile, d’après toi ? Une pierre, une grotte, un os ? Je serai le plus joli fossile du mooooonde ! » Je prends sa question très au sérieux puisqu’en me demandant cela elle me permet de pouvoir faire mon gros relou et lui faire un mini court sur les fossiles, les pierres, voire même les dinosaures ? Mon index vient remonter mes lunettes et le verdict tombe. « Tu serais le Bismuth. C’est l'élément chimique de numéro atomique 83. Sa première description chimique a été faite par un pharmacien et chimiste français en 1753. C’est un métal pauvre blanc d'argent, avec des reflets rougeâtres brillants - » Je m’arrête là, parce que je pourrais continuer à en parler encore pendant de bien trop longues minutes, mais je sors au moins mon portable pour qu’elle puisse mettre une image sur ce mot qu’elle va qualifier de bizarre. « Ça peut ressembler à ça ou ça »
« Je lui apprendrai à reconnaitre ta tête pour qu’il te pique dans les chevilles quand il te voit. » Vu que je n’ai plus on Big Mac c’est maintenant à mes nuggets que je m’attaque et je lui réponds la bouche pleine. « Pedro m’adore ! Il me fera jamais de mal. » Comme si on parlait d’une vraie personne, je vous assure j’ai quelque fois l’impression qu’on se rapproche de ce qu’on peut qualifier comme étant une cause perdue. « Bon bah tu vois, pourquoi t’es embêtant, alors ? Pedro sera le Pedro dino le mieux traité du monde. » Pour la centième fois depuis que je suis dans sa chambre d’hôpital, je fronce les sourcils pour lui monter mon mécontentement. « HEY ! Je suis pas méchant ! » Mon poing rencontre son épaule – pas le bras opéré, bien sûr – « C’est toi qui est méchante. » Répartie de gamin, oui je sais.
Will a une tête dégoûtée, exactement la même qu’elle a pu avoir. Mais pourtant, Will, c’est son meilleur ami aussi bien au féminin qu’au masculin, Birdie n’a jamais eu aucun scrupule à lui parler de tout – ou presque. Même s’il se bouche les oreilles, qu’il râle, qu’il donne l’impression de vouloir aller vomir, la Cadburn n’a jamais trouvé aussi meilleures oreilles que le Dunham. « À la limite si tu veux, je peux aller chez toi pour te ramener ton sextoy. » Birdie fait la moue. « Tu ferais ça, mon Willou ? Je savais que tu m’aimaaaaaais. » Parce quel type irait chercher à sa meilleure amie son sextoy, sérieusement ? Et le pire du mieux est qu’il le ferait, évidemment. Mais Birdie est stone, pas en chaleur et il n’y a rien strictement rien pour mettre ses hormones en feu de toute façon donc à quoi bon ? Autant attendre de rentrer chez soi. Peut–être que Will voudra bien à la maison ? Mais pour ça, il faudrait qu’il arrête de bouder comme un enfant, la ride du lion n’allant pas du tout avec le reste. Il fait trop sérieux sur le front alors que le reste ne l’est pas du tout. Malgré les médicaments, elle n’est pas assez dupe pour se laisser berner. « DIS PAS ÇA ! » Birdie se stop, aux aguets et en alerte. « Hé, t’as pas le droit de mourir avant moi hein. J’te l’interdis formellement ! » Son index qui la vise elle, comme si elle a une part de responsabilité dans le bordel ; dans la panique de Birdie, la peur de Will, l’instinct d’Ana, la folie du fou. Birdie lui tape le doigt. « D’abord, c’est pas poli ! Et ensuite, c’est vraiment pas cool de vouloir que ce soit moi qui te pleure et pas l’inverse. Tu sais que j’aime pas tous… Tous ces trucs. » La mort, le deuil, le désespoir, le mal–être, la tristesse et tout ce qui va avec. Des bagages bien trop longs à porter et le manque de sympathie de Will sur le sujet fait bouder Birdie à son tour. Demandez un enfant, vous en récoltez deux.
« Désolé ma pierre précieeeeuuuuuuse... » « Umph. » « Promis je te balance pas à tes sœurs. » « Mmh. » « Je le ferai. » « Oui, tu le feras. Avant de partir. »
Il eut la délicatesse de mettre sa bouffe à côté pour la prendre dans les bras. Son prénom qui s’échappe de ses lèvres n’est pas à prendre à la légère et il l’a compris. Elle a failli y passer et ils ont failli être séparés et il allait le dire à ses sœurs et y a le cadavre de son burger sur ses draps et du ketchup partout sur les doigts et Birdie en a trop dans le sang pour ne pas sentir l’adrénaline des jours passés qui passent en lessive. Mais Birdie était Birdie, elle s’en remettra. Comme toujours.
« Les autres jours y a Pamela, Julia. Et Aurora. » « MAIS ! » La petite blonde lui tape le bras, aussi violemment qu’elle puisse, le visage dégoûté à son tour. C’est une chose de se branler en pensant à elle mais en pensant à sa sœur, c’est beaucoup trop d’informations, plus qu’elle ne l’avait demandé. « Je rigole, j’ai jamais pensé à ta sœur pour ce genre de chose. Et à toi non plus, d’ailleurs. » Birdie le regarde avec suspicion, les yeux plissés. « T’insinues que les Cadburn ne sont pas assez désirables ni à la hauteur de tes attentes, Dunham ? » Après tout, elle peut vite se vexer pour sa fratrie. Elles sont toutes les trois jolies. « Je t’en voudrai pas, ça sera notre secret si tu penses à Aurora. » Elle s’est penchée maladroitement vers Will et lui tapote l’épaule pour lui assurer que son secret est sauf avec elle. Excepté s’il la trahit. Mais ça n’arrivera jamais, ni dans cette vie ni dans les suivantes. Elle l’observe remontant ses lunettes en mâchouillant ses frites qui ont commencé sérieusement à refroidir avant que son ami se met à parler de son sujet préféré. Un peu trop, comme d’habitude, mais Birdie est bien trop perchée pour y mettre un stop, absorbée dans les flots de mots débités à la minute. Elle n’y comprend pas grand-chose mais les lèvres de Will font une danse en les prononçant que cela suffit à l’amuser et garder son attention précaire. Jusqu’à ce qu’il s’arrête, qu’il sorte son téléphone et qu’elle cligne des yeux, qu’elle se redresse et qu’elle regarde l’écran. « Ça peut ressembler à ça ou ça. » Les images sont tout de suite bien plus parlantes et Birdie a les prunelles qui s’agrandissent. « Oooooooooooooh ! C’est joliiiiiiii ! Je veux être le premier ! Il est beaaaau ! Je peux en avoir un ? Il m’en faut un, c’est si joliiii ! » Et ce qui est joli, Birdie le veut, que ce soit un fossile plus vieux que l’humanité ou un bijou de la veille.
« Pedro m’adore ! Il me fera jamais de mal. » La Cadburn secoue les sourcils. « Jamais dire jamaaaaaais. » Elle complotera déjà avec Pedro contre Will pour la forme. Juste pour l’amusement. « HEY ! Je suis pas méchant ! C’est toi qui est méchante. » Il la frappe dans son épaule – le bon, dieu merci – mais cela n’empêche pas la Cadburn de crier un « aaaaaaaaaaaaaaieeeeeeeuh » percutant. « Et après tu dis que t’es pas méchaaaant ? Tu m’as fait bobooooo ! » Faux mais tant pis, la douleur est psychologique donc ça compte tout pareillement, naturellement.
Il y a peu de personnes qui peuvent se vanter d’avoir réussi à réellement entrer dans ma vie. J’ai généralement clairement tendance à m’attacher bien plus facilement et plus vite aux personnages de jeu-vidéos ou des personnages de série. Mais Birdie, c’est différent. C’est spécial. Et oui, si elle me demande d’aller chez elle pour lui ramener son sextoy je le ferai. Peut-être même en exposant son petit jouet dans les couloirs de l’hôpital pour bien montrer à tout le monde à qui il appartient. « Tu ferais ça, mon Willou ? Je savais que tu m’aimaaaaaais. » j’hoche énergiquement la tête de haut en bas tout en posant une main sur mon coeur, je lui réponds. « Bah ouais. Je rêve de toi tous les soirs d’ailleurs. » C’est faux. Mais pourtant je sais pas pourquoi prétendre le contraire c’est assez drôle. Histoire de gonfler faussement son égo et tout casser un peu après. Ouais c’est marrant, ça. Birdie a une excuse pour couvrir son exaltation, elle est stone à cause des antidouleurs que les infirmières lui donnent alors que moi, je n’ai aucun motif à mon excitation soudaine. Enfin si, c’est à cause de Birdie. C’est toujours à cause d’elle de toute façon. Je la pointe du doigt tout en l’interdisant de mourir avant moi, tout est placé sur le ton de l’humour alors qu’au final je suis sérieux. Elle a pas le droit d’aller au paradis – ou en enfer, je sais pas trop – avant moi. Elle me tape le doigt, je râle, elle s’exprime. « D’abord, c’est pas poli ! Et ensuite, c’est vraiment pas cool de vouloir que ce soit moi qui te pleure et pas l’inverse. Tu sais que j’aime pas tous… Tous ces trucs. » Je sais qu’elle a perdu une amie il y a quelques années et elle n’a pas tort sur tous les points. C’est une pensée assez égoïste que j’ai, alors j’essaie de trouver une alternative. Parce qu’un de nous va obligatoirement mourir avant l’autre. « J’ai deux options pour toi. » Je me tais. Je laisse un peu le suspense s’installer, parce que c’est drôle quand même, on va pas se mentir. Je me redresse et boit quelques gorgées de mon soda. Je la regarde et enfin, je reprends. « Numéro un : dès que tu sors d’ici on part à la recherche de la pierre de résurrection comme ça le premier qui crève pourra ressusciter l’autre. » Et je vous jure que ça me semble comme étant une trop bonne idée. « Numéro deux : on fait un remake de Roméo et Juliette. » Encore une fois, pour moi c’est une super idée et je lui laisse le choix entre ces deux options. À moins qu’elle ait une meilleure idée.
Parce qu’on est tous les deux des enfants. On boude pour rien, je la prends dans mes bras pour me faire pardonner et voilà, fin de l’histoire. On passe à autre chose. À la possibilité que je puisse me branler en pensant à elle – ?? – et parce qu’on en fait jamais suffisamment, je lui dis que je pense aussi à une de ses sœurs. « MAIS ! » Elle me frappe, et instinctivement j’amène mes bras vers mon visage au cas où l’idée lui viendrait de vouloir essayer d’abîmer cette magnifique partie de mon corps qui est, ma plus grande arme de séduction – haha. – « T’insinues que les Cadburn ne sont pas assez désirables ni à la hauteur de tes attentes, Dunham ? » J’ai l’impression que c’est une question piège. Pas qu’elle attende une réponse ultra sérieuse mais que si je lui réponds qu’elles ne sont effectivement pas assez désirables, elle pourrait mal le prendre. Je choisis l’humour, comme d’habitude. « Tu sais que je préfère les connasses infidèles. » Oui, c’est une blague. Enfin une bien triste blague centrée sur la réalité de ma dernière relation, mais mieux vaut en rire qu’en pleurer. « Je t’en voudrai pas, ça sera notre secret si tu penses à Aurora. » Je ferme les yeux pour accentuer un faux air dramatique et je lui réponds au tac-au-tac. « Merci…» Je laisse un peu planer le doute, peut-être que je pense vraiment à sa sœur en me masturbant. Ou pas. Elle n’aura jamais la réponse. Par contre, quand elle me demande quel genre de pierre/fossile elle serait, j’y réfléchis avec le plus grand des sérieux pendant un petit instant avant de briser le silence pour lui parler du Bismuth. Parce qu’il y a pas de doute possible, Birdie, elle serait un Bismuth. « Oooooooooooooh ! C’est joliiiiiiii ! Je veux être le premier ! Il est beaaaau ! Je peux en avoir un ? Il m’en faut un, c’est si joliiii ! » Ça fait beaucoup de i, sérieux. « Promis, j’essaie de t’en trouver un pour ton anniversaire. » Une promesse c’est une promesse. Je lui ai dit, je veux vraiment le faire. J’ai qu’une seule parole, elle le sait. Même Pedro le sait. « Jamais dire jamaaaaaais. » Les sourcils de ma meilleure amie bougent, je lève les yeux au ciel et je me remets dans la peau du Will, le gamin. « Gnagnagna…. » Je marmonne encore un truc du même genre ; stupide et incompréhensible. Parce qu’au moins avec Birdie, je peux faire ce genre de chose elle me jugera pas. Je le sais. « aaaaaaaaaaaaaaieeeeeeeuh. Et après tu dis que t’es pas méchaaaant ? Tu m’as fait bobooooo ! » Je vous jure, on croirait entendre des gosses de six ans. « T’as pas eu mal !» Comme si je pouvais le savoir mieux qu’elle. « C’est pas bien de mentir tu sais. Pedro aime pas les menteurs. » Encore une fois, je ramène Pedro dans la conversation parce que c’est un peu de lui qu’on parlait quand même. « Je viens te voir je te ramène plein de trucs et c’est comme ça que tu me remercies ? C’pas cooooool. » Voilà, moi aussi je peux râler.
« Bah ouais. Je rêve de toi tous les soirs d’ailleurs. » Evidemment. On ne peut que rêver d’elle, elle est jolie comme un cœur, Birdie, et Will serait difficile s’il ne veut pas que sa meilleure amie peuple ses rêves. N’importe quel humain avec des yeux en fonction (ou pas d’ailleurs) pourrait avoir envie de la voir en rêve. Alors Birdie sourit avec idiotie parce qu’elle a l’air de commencer à y croire, aux conneries de Will. Ou peut–être qu’elle sourit parce que bientôt, elle songe à quoi il aurait l’air s’il ressemblait à un donut et que c’est carrément hilarant. « J’ai deux options pour toi. » Birdie croise ses jambes contre elle, son buste redressé pour essayer d’écouter ce qu’il va dire – et surtout le comprendre. « Numéro un : dès que tu sors d’ici on part à la recherche de la pierre de résurrection comme ça le premier qui crève pourra ressusciter l’autre. » Ce qui semble être un plan parfait. « Numéro deux : on fait un remake de Roméo et Juliette. » Là, même si Birdie a une dose indécente de morphine (on pourrait presque croire que les infirmières ont surdosé pour être sûres d’avoir la paix cette nuit), elle ne peut s’empêcher de froncer du nez, du front et des sourcils tout en secouant la tête. « Non nononononononononooooon non. Pas de remake. Ni de Roméo et Juliette ni de quoi que ce soit. Nope, hors de question, à part si tu me drogues. Là, on peut renégocier. Mais sinon, c’est N O N. » qu’elle finit en épelant les lettres, juste pour être sûre que Will a bien compris son message à elle. « Je suis pour aller à la recherche de la pierre. » Clairement, la seule alternative qu’elle accepte.
« Tu sais que je préfère les connasses infidèles. » Outch, ça, ça fait mal. Plus pour lui que pour elle mais vu la situation pendant cette période de leurs vies, et de leur amitié, c’est presque une double peine qu’il vient de leur infliger, là. « T’as qu’à mieux les choisir. Les Cadburn font pas ça. » Ha ha ha. Birdie n’est pas connue pour sa loyauté et Topaz, et bien, elle préfère les moules. Donc, il ne reste à Will qu’Aurora mais cela n’est visiblement pas une solution envisageable. « Promis, j’essaie de t’en trouver un pour ton anniversaire. » Birdie clape ses mains entre eux, ravie et comblée – elle espère vraiment se rappeler de la promesse de Will le lendemain, parce que sinon, elle en voudra énormément à l’équipe médicale pour lui avoir fait oublier ces paroles qu’il faut absolument qu’elle enregistre, intègre pour le lui rappeler. Tout le temps, à chaque occasion, jusqu’à son anniversaire.
« T’as pas eu mal ! » « Si j’ai eu maaaaaaaaal ! » « C’est pas bien de mentir tu sais. Pedro aime pas les menteurs. » « Pedro aura qu’à fermer les oreilles ! J’ai pas menti, d’abord ! »
D’accord, elle a menti et d’accord, elle a exagéré. Mais qu’importe, c’est le geste qui compte. « Je viens te voir je te ramène plein de trucs et c’est comme ça que tu me remercies ? C’pas cooooool. » Birdie tire la langue tout en ramenant Pedro contre elle, l’expression digne d’une enfant ne quittant pas ses traits. « T’as qu’à pas être vilain. »
« Désolé de vous déranger mais les heures de visite sont bientôt finies. Il va falloir que vous partiez, jeune homme. » « Nooooooooooooooooooon ! » Birdie lâche Pedro pour s’accrocher au bras de Will. « Il a même pas eu le temps de changer mes draps, il peut pas rester encore un petit peu, je peux pas rester avec les draps sales, hein, dites ? » Les cadavres de leur goûter/repas/collation improvisé(e) sont à pleine vue de l’infirmière, qui soupire tout en secouant la tête. « Je crains que non, Birdie. Votre ami doit partir. Il peut revenir demain s’il le souhaite. » Alors Birdie fait la moue. « D’accord d’accord. » Elle enlace Will, lui glisse un « si tu reviens pas demain, je jette Pedro par la fenêtre, son cadavre sur ta conscience », lui embrasse la joue et se terre dans ses oreillers et ses draps, confortablement installée, tout en chassant les fesses de son ami qui gêne le passage. « Allez, zouuu, Willinette cacahuète, au liiiit ! » Parce qu’elle, elle est prête à rejoindre Morphée. A même pas 19h, la honte.