| Another glimpse of the Warren family. (Collett) |
| | (#)Dim 8 Nov 2020 - 15:04 | |
| Assise sur un banc en retrait de James Street, le visage légèrement incliné vers l’arrière, Colleen accueillait la délicate brûlure des rayons printaniers sur son visage non sans un certain soulagement. Ses paupières closes étaient dissimulées derrière une paire de lunettes de soleil, dont elle avait choisi la monture large et épaisse moins pour son côté esthétique que pour sa capacité à la protéger des regards indiscrets. Alors qu’elle s’efforçait d’ordinaire d’éviter les rues bondées en pleine journée – en particulier ces derniers temps – elle avait décidé de faire fi de sa prudence coutumière pour s’octroyer un moment de détente bien mérité dans le quartier Nord de la ville. Comme souvent, le début de la semaine lui avait laissé peu de répit, et après avoir enchaîné deux nuits de garde consécutives et des consultations à n’en plus finir, profiter de ce jour de repos pour prendre soin d’elle s’était imposé comme une nécessité. La journée avait donc naturellement commencé par une séance de yoga matinale, puis s’était poursuivie chez l’esthéticienne avant qu’elle ne décide de se rendre au salon de coiffure sur un coup de tête. Sereine et parfaitement détendue, elle s’était ensuite dirigée vers Fortitude Valley, qui se situait à l’exact opposé du quartier dans lequel elle vivait depuis plusieurs mois déjà. Cela faisait si longtemps qu’elle n’avait pas osé s’accorder un tel moment en ville qu’elle avait profité de chaque instant. Bien sûr, n’ayant pas la moindre envie d’être reconnue par les passants, elle gardait le visage résolument baissé en permanence, mais elle n’avait pas boudé son plaisir pour autant et se sentait d’autant plus apaisée qu’elle n’avait pas été importunée à une seule reprise – ce qui relevait presque du miracle, au point où elle en était.
Rouvrant les yeux, elle porta la paille de son thé glacé à ses lèvres et en prit une gorgée. Elle profita également de sa pause pour extirper son téléphone portable de sa poche, mais le rangea tout aussi rapidement quand elle n’aperçut pas l’ombre d’une notification sur l’écran de veille. En pleine semaine, cela n’avait rien d’étonnant ; Lou avait repris les cours à l’université, Marius devait enchaîner les siens, et contrairement à elle la plupart de ses amies et collègues travaillaient. Ce n’était pas plus mal ainsi, songea Colleen. Son rythme avait été si intense ces dernières semaines qu’elle avait rarement eu le temps de se retrouver seule, et si ce n’était pas quelque chose qu’elle appréciait particulièrement de manière générale, force était de constater que cela lui faisait actuellement le plus grand bien. Relevant le visage, son regard accrocha la devanture d’une boutique qui, à en juger par l’exposition en devanture, était spécialisée en lingerie féminine. Intriguée, Colleen haussa un sourcil derrière ses lunettes de soleil. Elle n’avait jamais entendu parler de l’enseigne, ce qui à priori n’avait rien d’étonnant s’il s’agissait d’une boutique locale et indépendante comme le lui soufflait son instinct. Alors qu’elle hésitait, ses doigts se mirent à tapoter distraitement le gobelet presque vide qu’ils tenaient encore. Elle n’avait pas spécialement l’intention de renouveler ses sous-vêtements, mais aller jeter un coup d’œil à l’intérieur ne pouvait pas lui faire de mal non plus. Son esprit la ramenant inéluctablement à Marius, elle se mordilla la lèvre inférieure. Son anniversaire aurait lieu dans une poignée de jours, et pour l’occasion elle avait posé trois jours de congé dans l’optique d’une escapade en dehors de Brisbane. Elle n’avait pas encore défini leur future destination, mais elle savait qu’elle n’aurait aucune difficulté à réserver en dernière minute, la période n’étant pas encore tout à fait propice au tourisme. Alors dans la perspective de fêter cet anniversaire dignement, Colleen se laissa tenter et, se levant du banc, se dirigea d’un pas déterminé vers le magasin.
Quand elle franchit le seuil de la boutique, elle se résigna à hisser ses lunettes de soleil sur le sommet de sa tête et esquissa un sourire à l’attention de la vendeuse qui la salua. Seules quelques clientes se trouvaient dans la boutique et, sans leur accorder un regard, Colleen se mit immédiatement en quête d’un ensemble. N’ayant pas de modèle particulier en tête, elle parcourut les rayons avec curiosité et sélectionna plusieurs sous-vêtements au gré de ses envies. « N’hésitez pas si vous avez besoin de conseils » Fit une voix dans son dos. Colleen se retourna et avisa la vendeuse avec un hochement de la tête. « Merci » Lui répondit-elle poliment sans solliciter son aide pour autant. En se détournant, elle croisa le regard d’une autre cliente et fronça les sourcils avant de pivoter sur ses talons, troublée, et de focaliser son attention sur ce qu’elle tenait dans ses mains. Elle était à peu près certaine de ne pas connaître la jeune femme, et pourtant elle lui semblait étrangement familière, sans qu’elle puisse se l’expliquer. Elle fouilla en vain sa mémoire à la recherche d’une justification qui ne lui parvint pas et, abandonnant ses efforts, se dirigea finalement vers les cabines d’essayage. Après avoir tiré le rideau derrière elle, elle ne perdit pas une seconde et se déshabilla pour essayer les différents ensemble dénichés. Le premier était mal ajusté, le deuxième trop sexy, le troisième un peu grand. Elle tournoya sur elle-même, le regard fixé sur son reflet, la moue indécise. Elle n’avait pas la moindre envie de faire appel à la vendeuse pour lui demander une autre taille, mais d’un autre côté la perspective de se rhabiller, retourner dans la boutique pour ensuite rejoindre sa cabine et tout recommencer ne la séduisait pas non plus.
Comme en réponse à son dilemme, un claquement de talons se fit entendre à proximité et, persuadée qu’il s’agissait de la conseillère, Colleen entrouvrit le rideau. « Excusez-moi, est-ce que vous pourriez m’aid– ». Elle s’interrompit brusquement quand son regard se planta dans celui de la brune qu’elle avait aperçu quelques minutes plus tôt dans la boutique. Une brune aux yeux pétillant qui la dévisageait d’un drôle d’air, et qu’elle était persuadée d’avoir déjà vu quelque part. Mais où ? Colleen n’en avait pas la moindre idée. Fronçant les sourcils, elle se rappela subitement qu’elle était en petite tenue et tira légèrement le rideau pour dissimuler sa silhouette. « Pardon, je vous ai pris pour la vendeuse… » S’excusa-t-elle. Elle referma le rideau d’un geste sec et, confuse, fixa son reflet un instant sans esquisser un geste. Dans la cabine voisine, la cliente semblait avoir pris ses aises et elle l’entendait distinctement se déshabiller à son tour. Avec un soupir de soulagement, Colleen retenta l’expérience et, rouvrant le rideau, interpella cette fois la vraie vendeuse qui se fit un plaisir de lui chercher l’ensemble dans sa taille. Convaincue par le dernier essayage, elle opta pour celui-ci et se rhabilla en vitesse, impatiente de quitter l’endroit et de se débarrasser de cette vague impression de passer à côté d’une information importante. Dans la précipitation, elle sortit en trombe de la cabine, se heurta à la cliente brune et fit tomber tous les sous-vêtements par terre. « C’est pas vrai ! » S’agaça-t-elle en se penchant pour récupérer la lingerie. Se relevant, elle avisa la jeune femme. « Je suis vraiment désolée… J’espère que je ne vous ai pas fait mal ». Elle lui offrit un sourire d’excuse tout en serrant les vêtements contre sa poitrine. Elle hésita un instant, puis finit par se lancer : « On s’est déjà vus quelque part ? ».
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| | | | (#)Dim 15 Nov 2020 - 14:02 | |
| Avec toute l'obligeance dont elle était capable, Lucia lui avait assuré que le départ de Leah et son récent emménagement n'étaient qu'une malheureuse coïncidence. Quoique Scarlett la croyait – et ce malgré l'énergie excessive qu'elle déployait pour la ménager – elle se demandait tout de même s'il n'y avait pas eu un quelconque désaccord concernant sa compatibilité dans la colocation. Le drame semblait la suivre comme la peste en ce moment. Entre les coups d'éclat familiaux et le succès grandissant du café, Scar était en pleine remise en question. Elle n'aurait jamais cru le dire un jour, mais les coups répétés que Beth portait à sa fierté avaient fini par l'atteindre. Le DBD était devenu un vrai moulin auquel le monde entier semblait s'intéresser, et la jeune femme en avait forcément conclu qu'elle était remplaçable. Sa sœur avait peut-être raison après tout. Peut-être qu'il était temps de faire preuve d'un peu d'ambition pour une fois dans sa vie, plutôt que de se contenter de la place qu'on daignait bien lui accorder. Elle avait donc décidé de prendre une journée de congés, car si on pouvait lui reprocher le manque d'implication de son service au bar, elle refusait en revanche qu'on puisse questionner son attachement à ceux qui le faisaient vivre à ses côtés. Tout avait fini par se mélanger, et cette pause lui permettrait de se recentrer un peu sur elle et ses envies. Après quelques minutes d'hésitation, elle avait finalement composé le numéro de Charlotte. Si l'exubérante jeune femme n'était pas à proprement parler en haut du classement de son affection, Scar lui était au moins reconnaissante de toujours rendre leurs rencontres aussi superficielles que l'image qu'elle dégageait. Leur virée insouciante, quoique raisonnablement économe, dans les boutiques de Fortitude s'était imposée d'elle-même. L'objectif n'était pas tant de noyer les problèmes dans des achats compulsifs mais plutôt de se vider la tête. Elles avaient donc enchaîné les enseignes et les essayages, sans jamais vraiment rien acheter, suscitant l'air passablement frustré des vendeuses de la rue. Grâce aux bons plans de Charlotte, elles avaient même eu droit à une mise en beauté gratuite à un stand où s'exerçaient des étudiantes, et le résultat avait été passablement convaincant. Le vent avait fini par les mener vers un magasin de lingerie, où Scarlett s'était exclamée à chaque portant, chassant sa première prise pour une nouvelle dans la plus grande indécision. Charlotte n'avait pas manqué de pouffer, arguant qu'elle avait en général les mêmes réactions sur Tinder, et Scarlett n'avait pas pu s'empêcher de trouver ça aussi triste que transposable à sa propre expérience des hommes. Scar avait finalement jeté son dévolu sur deux pièces ; un ensemble de lingerie en dentelle noir et un body particulièrement suggestif au décolleté plongeant. Les deux femmes se précipitèrent dans les cabines en faisant vigoureusement claquer leurs talons sur le sol. Scarlett commença avec le body, qu'elle enfila avec une parfaite maîtrise malgré l'ésotérisme de la coupe. Elle chaussa ses talons pour allonger et parfaire sa silhouette, avant de tirer le rideau avec grandiloquence. Le recul du miroir de la cabine ne la satisfaisait pas, et elle aimait bien trop s'exhiber pour se priver de se pavaner aux yeux des autres clientes. L'une d'entre elle l'apostropha timidement, et son manque d'assurance la disculpa aussitôt d'être Charlotte. Cette dernière s'extirpa peu de temps après de sa cabine, alors que les deux inconnues se dévisageaient. Scarlett savait reconnaître le désir, et ce n'était pas plus par voyeurisme que la cliente la toisait de haut en bas que pour les mêmes raisons qui suscitaient son propre intérêt. Cette femme, que Charlotte lui avait décrite suite à son rendez-vous désastreux avec son frère, et qui avait accompagné le second dans son aventure télévisuelle, avait déchaîné tellement d'ardeur qu'elle avait l'impression de l'avoir rencontrée à plusieurs reprises. Par courtoisie, Scar se garda bien de la dénoncer auprès de Charlotte, dont les déchaînements de passion étaient à peu près aussi dangereux que les siens. Marius lui en voudrait toute sa vie d'avoir déclenché une rixe contre sa dulcinée au beau milieu d'une boutique de lingerie. Elle resta donc plantée là, prête à la tenir en embuscade, tandis que Charlotte s'affairait à essayer l'ensemble encore plus compliqué à appréhender que Scar lui avait déniché. Tournant le dos à la cabine pour ne pas trahir ses intentions, elle en profita pour minauder devant le miroir. Le femme qui l'évitait sans doute sortit en trombe de sa cachette, et Scar esquissa un sourire faussement flatté quand elle se pencha au niveau de sa hanche pour ramasser ses affaires. « Vous parlez de moi ou de mes fesses ? » plaisanta-t-elle en référence à ses activités dénudées devant sa cam, dont elle était de toute évidence la seule à comprendre l'ironie. « Désolée, j'ai un humour un peu graveleux. » s'excusa-t-elle après avoir reculé d'un pas pour ne pas trop effaroucher son interlocutrice. « Scarlett Warren. » dit-elle la main tendue, pertinemment consciente que son patronyme ferait mouche. Elle le réalisa soudain, mais cela faisait deux fois en l'espace de quelques mois qu'elle était fière de réciter son nom complet. « On ne s'est jamais vu, mais j'ai beaucoup entendu parler de vous. Je me serais pas permis la petite blague sinon. Et j'ai entendu que des bonnes choses bien-sûr. » Les présentations lui semblaient superflues, mais elle était trop excitée de pouvoir se faire sa propre idée de Colleen pour laisser filer sa chance. @Colleen Sainsbury |
| | | | (#)Sam 28 Nov 2020 - 9:54 | |
| Troublée par la lueur familière qu’elle percevait dans les grands yeux bruns de l’étrangère, Colleen ne remarqua sa tenue qu’au dernier moment, quand elle tira le rideau derrière elle pour retrouver l’intimité de la cabine d’essayage. L’impression de connaître cette femme était si tenace qu’elle ne parvenait à la chasser de son esprit, en dépit des efforts déployés. Elle aurait pu être l’une de ses patientes – Colleen avait connu un tel succès professionnel ces dernières semaines qu’elle avait multiplié les rendez-vous et ne pouvait se vanter d’avoir mémorisé chacun des visages rencontrés –, mais les courbes glorifiées par ce body minimaliste qui laissait peu de place à l’imagination ne semblaient définitivement pas appartenir au corps d’une femme enceinte, et encore moins d’une femme qui venait d’accoucher. Alors qui était-elle ? L’avait-elle croisée à ses cours de danse ou de yoga ? Colleen avait cessé de s’y rendre début septembre, juste après la première diffusion de Race of Australia, mais l’option n’était pas à exclure. Ou peut-être faisait-elle partie du cercle d’amis de ses proches ? Alors que des éclats de voix féminins retentissaient dans l’espace dédié à l’essayage, Colleen n’y prêta pas la moindre intention et resta debout, parfaitement immobile, les sourcils froncés par la concentration alors qu’elle recherchait un indice susceptible de la mettre sur la bonne voie. Au bout d’un moment elle se mordilla la lèvre, frustrée et vaincue, et se déshabilla pour enfiler le nouvel ensemble apporté par la vendeuse entre-temps, consciente que sa mémoire lui faisait défaut.
Convaincue par les pièces de lingerie choisies, elle enfila ses vêtements en quatrième vitesse, désireuse de quitter la boutique sans s’attarder plus longuement. Dans sa précipitation, elle tira le rideau avec un peu trop d’enthousiasme et se rua à l’extérieur de la cabine, heurtant la cliente brune par la même occasion. Pour la discrétion, autant dire que c’était raté. Les sous-vêtements se répandirent sur le sol et Colleen se pencha immédiatement pour les récupérer, non sans adresser ses excuses à la jeune femme au préalable. Son butin récupéré, elle leva les yeux vers cette dernière et fut de nouveau happée par cette impression qu’elle ne lui était pas tout à fait étrangère. Alors sans trop réfléchir elle lui posa la question qui lui brûlait les lèvres, la question qui la taraudait depuis qu’elle avait croisé son regard la première fois. Lui répondant du tac au tac, la brune ne se laissa pas démonter et confuse, Colleen la fixa sans trop comprendre ce qui lui arrivait. Certes elle avait remarqué la tenue outrageusement sexy de son interlocutrice – objectivement, il était impossible de passer à côté – mais elle ne l’avait pas reluquée pour autant ; ce n’était pas vraiment le genre de la sage-femme. Très premier degré, elle haussa les sourcils et lui répondit : « Je parlais de vous », n’ayant pas saisi la nuance. La jeune femme recula d’un pas et s’excusa pour sa plaisanterie, avant de lui tendre la main et de se présenter. Scarlett Warren. La surprise se peignit sur les traits de Colleen dont les yeux s’arrondirent d’étonnement. La photo de famille que lui avait montrée Marius plusieurs mois auparavant ressurgit soudain dans sa mémoire, et elle se rappela le visage de la petite dernière, Scarlett. Si on ne pouvait pas vraiment dire que Marius et Scarlett se ressemblaient, l’air de famille demeurait indéniable et maintenant que le voile était levé sur l’identité de la belle brune, Colleen se demandait comment elle avait bien pu faire pour passer à côté.
Elle tendit sa propre main pour serrer la sienne, un sourire sincère étirant ses lèvres. « Colleen Sainsbury, enchantée ! ». Malgré les conditions un peu particulières de cette rencontre – Scarlett à moitié nue devant elle, et elle-même serrant contre sa poitrine la lingerie qu’elle venait d’essayer – elle était ravie de faire la connaissance de la sœur de Marius. La plus jeune des Warren lui assura qu’elle avait beaucoup entendu parler d’elle, et en bien de surcroît. Si les souvenirs de Colleen étaient exacts, Scarlett était plus proche de Tommy qu’elle ne l’était de Marius, alors lequel des deux Warren lui avait parlé d’elle ? A moins que Scarlett ne l’ait découverte par le biais de Race of Australia ? Ou alors… Un nouveau souvenir refit surface et faillit lui arracher une grimace : ce soir-là, qui semblait désormais si lointain, au Canvas. Ce soir où elle avait voulu rendre service à Marius en le débarrassant d’une jeune femme visiblement tombée sous son charme. Charlotte ? Marius lui avait dit qu’il s’agissait d’une amie de sa sœur… Avec du recul, il n’était pas si étonnant que Scarlett ait entendu parler d’elle. « Je suis ravie de l’apprendre, moi aussi j’ai beaucoup entendu parler de vous. Et en bien également » Se permit-elle d’ajouter. « Je me souviens que Marius m’a dit que vous étiez, je cite : "un sacré numéro" » Fit-elle avec un sourire, son expression bienveillante lui signifiant qu’il ne s’agissait pas d’une mauvaise chose, au contraire. Marius avait d’ailleurs ajouté que dans un tout autre style, son autre sœur Beth pouvait aussi répondre à cette description. « Vous êtes la troisième Warren que je rencontre, et à chaque fois le hasard s’occupe de bien faire les choses ». Ou alors, le hasard avait un drôle d’humour. « Si je peux me permettre, ça, ehm, vous va très bien ». D’un geste vague, elle désigna la tenue de Scarlett sans la quitter des yeux, ne voulant pas donner l’impression qu’elle la lorgnait. « Je ne pourrais jamais porter la même chose avec autant d’assurance, je suis admirative ».
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| | | | (#)Mar 15 Déc 2020 - 16:55 | |
| L'inconnue familière se figea de stupeur. Ou était-ce une forme d'admiration farouche ? De fait, quand il était question de pudeur, Scarlett avait la fâcheuse manie de la laisser au vestiaire. Elle la négligeait sans la moindre considération, aplatie sous les couches de vêtement dont elle se débarrassait avec autant d'aisance que de complaisance. Pour plaire à son frère, Colleen devait être au moins aussi pudibonde que lui, car Charlotte lui avait déjà fait le rapport de sa virilité opprimée sous un vernis de galanterie. Elle connaissait tout de même assez Marius pour savoir que son anniversaire tombait dans quelques jours, et elle se plaisait à croire que la présence de sa nouvelle conquête dans cette boutique n'était pas qu'une heureuse coïncidence. Si c'était un cadeau que Colleen pouvait considérer à ce stade de leur relation, elle gagnait déjà des points dans la précieuse conquête de son estime. Beth méprendrait son obsession pour l'intimité de ses proches comme une forme de perversion. Pour Scar, ce n'était que l'indicateur le plus manifeste de leur épanouissement personnel. Sans grande surprise, la jeune femme lui répondit avec le même pragmatisme dont Marius aurait usé à sa place. Scarlett laissa couler et s'excusa platement d'un humour subversif dont elle ne se repentait pas le moins du monde. La flatterie avait pris le pas sur ses principes écorchés. Quand on le savait, l'air de famille était indéniable, mais le consensus était rare. Scarlett et Marius ne se ressemblaient ni dans leurs mimiques ni dans les attitudes antagonistes que leurs parents saluaient et condamnaient à la fois. Le lien que Colleen avait pu faire entre eux avait forcément été amorcé par son frère, quoiqu'elle en ignorait encore la raison et les aboutissements. S'il était aussi peu obligeant qu'elle ne l'était, il lui avait déjà dressé la liste non exhaustive de ses prétendus travers. Bien évidemment, la jeune femme qui lui faisait face serait bien trop courtoise pour les lui réciter, et se contenterait des maigres compliments que Marius avait bien pu lui associer. Colleen leva un doute inexistant en attrapant sa main aussi gracieusement que de bon cœur. Elle transpirait la bienveillance. Scar baissa un regard intéressé sur l'objet de son choix, auquel elle s'accrochait fermement comme d'une arme qu'elle tentait de dissimuler à des yeux vagabonds. Il était encore trop tôt pour l'embêter, mais le sourire suffisant que Scar avait esquissé parlait de lui-même. « On croirait l'entendre. Mais je suis curieuse maintenant, qu'est-ce qu'il a bien pu raconter sur moi ? » rétorqua-t-elle un brin cynique quand Colleen cita son frère. Elle s'était de toute évidence réfugié derrière ses paroles pour ménager sa susceptibilité, mais Scar ne s'en formalisa pas. Elle ignorait si ce qualificatif avait une quelconque valeur dans la bouche de son frère, puis supposa que Colleen était assez lucide pour ne pas l'insulter au premier abord. C'était bien mal la connaître, car les gens qui prenaient des gants en sa présence avaient tendance à l'agacer. « Oh ce truc ? Merci ça me touche. C'est pas si compliqué, il suffit de trouver ses atouts et de ne pas avoir peur de les mettre en valeur. » dit-elle en minaudant. Elle avait conscience de ses formes et excellait dans l'art de les sublimer. « Et ça, c'est pour une occasion spéciale ? » demanda-t-elle, les yeux pétillant de malice rivés sur la lingerie qu'elle gardait précieusement contre sa poitrine. « Entre nous, je suis sûre que mon frère apprécie davantage une assurance plus... modeste que la mienne. » Non, elle ne parlait pas de ses seins. @Colleen Sainsbury |
| | | | (#)Lun 28 Déc 2020 - 10:20 | |
| Sans même mentionner la (toute) petite tenue de Scarlett, le cadre dans lequel elles se tenaient était sans doute peu propice à des présentations plus approfondies, maintenant que le voile était levé sur leur identité respective. Pour autant, Colleen était à la fois trop curieuse et trop polie pour tenter de se dérober. De prime abord, malgré un humour dont elle n’avait pas tout à fait saisi les subtilités, la nature enjouée et ouverte de Scarlett lui plaisait. A l’image de son aîné, elle n’avait de toute évidence aucune difficulté à aller vers les autres. A sa différence, elle paraissait bien plus extravertie mais aussi plus dissipée, et si sa posture était d’une quelconque indication, moins modérée que lui. Ses grands yeux expressifs, à la teinte bien plus sombre que ceux de Marius, étaient animés d’une lueur espiègle qui piquait la curiosité de Colleen. L’Anglaise avait eu l’occasion d’entendre Marius mentionner sa cadette, mais de manière toujours relativement évasive. Elle savait d’elle qu’elle n’avait pas la langue dans sa poche et qu’elle avait une fâcheuse tendance à vouloir s’immiscer dans la vie privée de ses aînés. La complexité des liens fraternels échappait clairement à Colleen, qui était fille unique et n’avait eu à son tour qu’un seul enfant, mais elle ne pouvait se défaire de l’impression que le détachement relatif de Marius à l’égard de Scarlett dissimulait aussi une part d’admiration – ou peut-être était-ce tout simplement son sempiternel optimisme qui lui jouait des tours, ce qui n’était pas exclu. Quoi qu’il en fût, elle avait bien l’intention de ne pas se laisser influencer par les sentiments et relations des uns et des autres, et ainsi se forger sa propre opinion de la famille Warren. Sa rencontre avec Tommy sur le tournage de Race of Australia l’encourageait dans ce sens, et puisque le hasard avait décidé de la mettre sur le chemin de la pétillante Scarlett, Colleen n’allait pas bouder son plaisir.
Serrant contre sa poitrine la tenue qu’elle avait choisie d’emporter, elle planta son regard dans celui de la brune et s’amusa de l’entendre s’enquérir des dires de Marius à son sujet avec une curiosité à peine voilée. Bien loin de vouloir esquiver sa question, elle réfléchit un instant. « Je sais que vous êtes beaucoup plus jeune que lui, que vous travaillez dans un café… » Fit-elle sans une once de jugement dans la voix. « Et que vous n’êtes pas très proches l’un de l’autre ». Un euphémisme, à entendre Marius, mais Colleen mettait les formes. « En partie à cause de la différence d’âge, mais aussi parce que vous êtes différents et que vous ne vous comprenez pas toujours. Il m’a aussi dit que vous ne vous souciez pas du regard des autres et vivez votre vie comme vous l’entendez. Tout cela explique sans doute pourquoi il considère que vous êtes un sacré numéro » Conclut-elle avec un sourire. Son résumé était fidèle à ce qu’elle avait entendu Marius dire, et elle n’avait pas l’impression de trahir sa confiance en délivrant cette brève description à sa sœur. Après tout, ces confidences n’étaient pas classées secret défense, et elle n’avait aucune raison valable de mentir à Scarlett. Désignant la tenue de cette dernière, elle lui exprima son admiration avec sincérité. Sans être pudique, Colleen s’imaginait difficilement imiter la jeune femme en déambulant avec la même assurance dans la partie commune de l’espace dédié aux essayages. Pour Scarlett en revanche, il ne semblait s’agir que d’une simple formalité. Elle lui expliqua qu’il suffisait de connaître ses atouts pour mieux les mettre à leur avantage. Colleen hocha la tête sans ajouter quoi que ce soit, puis haussa les sourcils quand la jeune femme désigna à son tour la tenue qu’elle tenait contre elle, à défaut de la porter avec le même aplomb. L’allusion n’échappa pas à sa vigilance ; elle n’était pas sans reconnaître qu’en tant que sœur, Scarlett pouvait difficilement ignorer l’imminence de l’anniversaire de son aîné – et le sous-entendu fut d’autant plus explicite quand elle mentionna directement Marius. Malgré sa réserve naturelle, Colleen ne rougit pas et se fendit même d’un sourire amusé, constatant que son frère n’avait pas tort quand il disait qu’elle n’avait pas la langue dans sa poche. « Peut-être bien » Eluda-t-elle. Elle avait beau éprouver de la sympathie pour Scarlett, cela ne signifiait pas pour autant qu’elle avait envie de divulguer ce qui n’appartenait qu’à Marius et elle. « Mais effectivement, je suis restée plus sobre dans mes choix » Admit-elle sans difficulté. « Je n’avais pas forcément l’intention de repartir avec quelque chose, mais ça me plaisait ». Elle inclina le visage en direction de l’ensemble sombre pour le désigner. « Je ne connaissais pas cette boutique, je viens rarement dans le quartier. Je crois me souvenir que vous vivez à proximité ? » Demanda-t-elle, dans une tentative naïve et peu habile de détourner l’attention de Scarlett de la raison qui expliquait sa présence dans la boutique.
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| | | | (#)Mar 26 Jan 2021 - 13:23 | |
| Un corps dénudé pouvait rarement mentir. Cette vérité, dépouillée de tous ses artifices, Scarlett la trouvait plus révélatrice que celle qu'on masquait tous les jours derrière uniformes guindés et costumes de travail fraîchement repassés. Pourquoi parlait-on de costume d'ailleurs, si ce n'était pas un aveu de tromperie ? Elle était évidemment dans son élément, comme elle l'aurait été dans son plus simple appareil face à une armée de corps complexés, privés de leur autorité synthétique. Les circonstances n'auraient pas pu être meilleures. Pour rencontrer celle dont son frère essayait tant bien que mal de garder pour lui, comme un trésor qu'il craignait qu'on lui dérobe, elle était bien plus à l'aise dans ce décor confidentiel plutôt que dans le cadre formel auquel Marius l'aurait contrainte s'il avait eu le privilège de ce choix. Lors d'un dîner en grande pompe, où son frère aurait manifestement sorti son chéquier pour prouver une supériorité dont il était le seul à vouloir se convaincre, Scarlett aurait brillé par son inconfort. Colleen l'aurait certainement trouvée bien moins assurée, bien moins intéressante et tout aussi opportuniste que Marius l'aurait décrite. Non, cette chance elle voulait l'exploiter jusqu'au bout. Elle voulait qu'une fois leurs chemins séparés, Colleen s'empresse de raconter à Marius comme sa sœur était charmante et, à défaut d'être tout à fait distinguée, une femme résolue et bien plus ambitieuse qu'on le soupçonnait. Ses questions n'étaient pas tout à fait anodines. Les opinions de son frère à son égard tenaient à ce jour de la spéculation, car ils n'avaient jamais été assez proches pour se faire ce genre de confidences. L'estime de Marius prenait sa source dans les souvenirs imprécis de leur enfance, tandis qu'elle gardait avec entêtement cette image d'un frère absent, obsédé par son propre triomphe. Alors elle était bien entendu soucieuse de savoir comment il pouvait la considérer vraiment, quand il n'était pas mis face à son impatience. « Hun, il a dit ça. » résuma-t-elle en hochant imperceptiblement la tête, le regard vaguant par-dessus l'épaule de la jeune femme qui tenait encore ses affaires avec une préciosité farouche. En vérité il n'avait pas divulgué autre chose que des lieux communs, mais Scar était tout de même satisfaite d'entendre qu'il la trouvait assez indépendante pour vivre sa vie comme elle l'entendait. C'était d'ailleurs une qualité répandue dans la famille, même si tous les choix ne se valaient pas pour la majorité. « J'imagine qu'il a raison. A vrai dire je pense que tout ça suffit à faire de moi un "sacré numéro". » conclut-elle en désignant son corps engoncée dans ce body parfaitement ajusté. « C'est vrai qu'on ne se comprend pas beaucoup. C'est sans doute parce qu'on ne s'écoute pas beaucoup non plus. » trouva-t-elle bon de se justifier. En fait, elle avait moins l'impression de répondre à Colleen que de se défendre par orgueil. « Vous avez des frères et sœurs, vous ? » demanda-t-elle soudainement, comme si le monologue intérieur qu'elle avait exprimé à voix haute venait de prendre fin. L'Anglaise – Scarlett avait reconnu son accent, mais ne trouvait pas ce sujet particulièrement intéressant à cet instant – ne cilla pas une fois confondue dans son accès de luxure. Pas si prude, pensa Scar avec suffisance. Elle éluda cependant la question, trouvant même un point de convergence dont elle s'empressa de profiter. Intelligente, en plus de ça. Scar n'en attendait pas moins du béguin de son frère. « J'ai emménagé il y a peu. Une coloc de filles. Du coup je découvre encore le quartier, et à vrai dire je ne connaissais pas non plus cette boutique. D'habitude je fais mes achats sur internet. » Difficile à croire, mais elle n'avait surtout pas envie de dévoiler à la nouvelle conquête de son frère, qui se construisait encore un avis sur sa cadette, qu'elle se faisait offrir sa lingerie par des admirateurs virtuels dont le désir premier était qu'elle se déshabille devant leurs yeux concupiscents. @Colleen Sainsbury |
| | | | (#)Lun 1 Fév 2021 - 8:50 | |
| Son aplomb plaisait à Colleen, et l’amusait même. Tout dans sa posture, son audace, ses accents de voix et même son physique contrastait avec son aîné. Si elle n’avait jamais entendu parler de Scarlett auparavant, elle aurait même pu difficilement concevoir qu’elle soit véritablement la sœur de Marius. Elle comprenait mieux désormais les difficultés rencontrées par la fratrie à communiquer et à accorder leurs violons : ils étaient si différents les uns des autres ! Elle n’avait pas encore rencontré Elizabeth, mais elle avait suffisamment échangé avec Tommy sur le tournage de Race of Australia pour réaliser qu’il n’avait pas grand-chose en commun avec Marius non plus. Le quatuor formé par les enfants Warren détonnait, c’était une certitude. Elle songea un instant à Lou, qui à l’aube de ses onze ans avait eu sa période « Harry Potter » et avait ainsi passé le plus clair de son temps à tenter d’analyser ses proches pour les répartir dans les quatre maisons de Poudlard en fonction de leur personnalité – Colleen s’était ainsi vue attribuer Poufsouffle, August Serpentard, tandis que la fillette s’était auto-proclamée Gryffondor dans l’âme. Elle était certaine que si Lou avait rencontré les quatre Warren à cette période, son choix aurait été catégorique : chacun appartenait à une maison différente. Ainsi, il y avait l’érudit Marius, l’ambitieuse Beth, le réservé Tommy et l’effrontée Scarlett – nul besoin d’être un génie pour en faire les déductions de maison qui s’imposaient. Comment pouvait-on mettre au monde des enfants si différents ? Si elle en avait eu un deuxième, à quel point aurait-il été différent de Lou ? Elle ne pouvait que spéculer, bien sûr, car il était évident qu’elle n’obtiendrait jamais la réponse à cette question ; si elle avait grandi avec le désir de ne pas reproduire ce qu’elle estimait comme l’erreur de ses parents de n’avoir eu qu’un seul enfant, sa grossesse inopinée à dix-neuf ans avait bousculé ses certitudes et lui avait fait réviser son jugement. Elle n’en gardait pas vraiment d’amertume, toutefois elle ne pouvait dissimuler sa perplexité à l’égard des liens fraternels, dont les rouages continuaient de lui échapper.
Scarlett marqua un temps d’arrêt quand elle lui révéla l’opinion de Marius à son sujet, mais elle ne sembla pas vexée pour autant et finit même par approuver. Elle mit en lumière le manque d’écoute entre frères et sœurs, qui selon elle était à l’origine de leur entente fragile. Colleen acquiesça d’un signe bref, sans faire de commentaire. Si sa relation avec Marius devait se poursuivre, elle ne pourrait échapper aux présentations officielles avec sa famille, et là alors elle pourrait véritablement se forger une opinion de chacun de ses membres ainsi qu’une idée plus précieuse de leurs relations. Colleen éprouvait un mélange de curiosité et d’appréhension à cette perspective. La rencontre potentielle avec la mère de Marius, en particulier, la mettait dans tous ses états, le portrait qu’il en avait dressé étant celui d’une femme stricte et exigeante qui prônait des valeurs conservatrices – pour ne pas dire désuètes. Or l’Anglaise, qui en plus d’être une étrangère divorcée était mère d’une adolescente, était bien loin de remplir les critères pointilleux de la mère Warren. Heureusement pour elle, Marius n’avait pas encore évoqué l’idée d’un repas de famille en bonne et due forme, ce qui lui laissait un peu de répit.
La question de Scarlett la ramena à la réalité et elle releva légèrement le menton, son regard se raccrochant au sien. « Non, je suis fille unique. J’ai toujours envié et idéalisé les grandes fratries de ce fait… » Fit-elle, un brin rêveuse. « Pourtant, je n’ai eu qu’une fille à mon tour. Et d’après ce que m’a dit Marius, le fait qu’elle ait dix-huit ans ne devrait pas faire l’unanimité auprès de votre mère » Ajouta-t-elle avec un sourire. En tant que mère, Colleen savait que l’on voulait toujours le meilleur pour ses enfants mais que les idéaux des parents et ceux de leur progéniture ne coïncidaient pas systématiquement. Si la mère de Marius espérait de la compagne de son fils qu’elle soit une véritable poule pondeuse adepte du respect des traditions, alors il était évident qu’elle ne cochait pas les cases. Toutefois, elle ne désespérait pas : avec un peu de chance, les choses se passeraient mieux avec les sœurs de Marius, et cette rencontre avec Scarlett était d’ailleurs plutôt de bonne augure pour la suite. Quand cette dernière essaya peu subtilement de lui tirer les vers du nez concernant les raisons de sa venue dans la boutique, Colleen s’en sortit avec une pirouette. Elle redirigea la conversation sur le quartier, et au lieu d’insister Scarlett répondit volontiers à sa question, lui parlant notamment d’une coloc de filles. Elle fut surprise de découvrir que c’était la première fois qu’elle mettait les pieds dans la boutique, l’aisance avec laquelle elle y déambulait dans ce body minimaliste suggérant plutôt le contraire. « Je crois que je devrais m’en tenir aux achats en ligne aussi, du moins en ce moment ». Elle avait pris un risque en s’accordant une sortie dans les rues de Brisbane à visage découvert – ou presque – et même si les choses s’étaient relativement bien passées jusqu’à présent, elle n’était pas certaine de vouloir renouveler l’expérience de sitôt. Il lui faudrait probablement encore attendre quelques semaines avant de tomber définitivement aux oubliettes et pouvoir sortir dans la rue sans craindre d’être reconnue. « Mais c’est plutôt une bonne surprise » Ajouta-t-elle en désignant la boutique. « En tout cas le quartier est sympa et animé, vous devez vous sentir bien ici. J’habite de l’autre côté de la ville, à Logan City. J’y suis très bien mais c’est vrai que niveau shopping, le choix est plus limité qu’ici ». Bien qu’elle ne regrette absolument pas son choix ; après avoir vécu des années en plein centre de Londres, la sérénité de Logan City lui apportait un certain réconfort, d’autant plus en cette période agitée.
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| | | | (#)Jeu 18 Fév 2021 - 15:47 | |
| Sur le visage de Colleen, dissimulé derrière un voile imperméable, se lisait un vif intérêt. La question de Scarlett n'était pas tout à fait anodine. Le membre de n'importe quelle autre fratrie aurait pu être dérouté par les affres des liens qui unissaient les enfants Warren. Les fondements de leur mésentente – ou plutôt de leur entente en demi teinte – lui semblaient certainement aussi sibyllins que Marius était serein dans l'art de la séduction. Au moins un art dans lequel il n'excellait pas, pensa Scarlett un peu cynique. Colleen l'écoutait forcément avec une concentration décuplée, tandis que dans sa tête se dessinait leur arbre généalogique relié de flèches qui pointaient dans tous les sens, avec en légende un résumé concis mais assez précis de leurs affinités. Scarlett n'aurait pas été surprise que l'ironie fasse de Colleen une fille bien sous tout rapport, qui continuait d'entretenir des liens fusionnels avec une ribambelle de frères et sœurs. C'était souvent dans ces familles recomposées que se complaisaient, pas la force du destin, ceux qui n'avaient pas la chance de recevoir cet amour au sein de leur propre famille. Manque de chance pour elle, les Warren n'étaient définitivement pas ceux qui l'accueilleraient à bras ouverts, cœurs dégoulinant de toute la bonté dont elle rêvait en secret. « L'herbe est toujours plus verte ailleurs. Cela dit c'est quand même bien de pouvoir se serrer les coudes, et ce n'est pas un hasard si on est 4 dans la famille. » trancha-t-elle, s'imaginant le cauchemar intensifié qu'elle vivrait dans un monde où Tommy n'existerait pas. Elle aurait véritablement été seule au monde. La pestiférée de la famille. Le mouton noir qu'on chassait à coup de balais après avoir réalisé que tondre sa laine était une vaine solution. « Si vous faites un jour l'unanimité auprès de ma mère, c'est que quelque chose ne tourne pas rond. Croyez-moi, ça devrait être le cadet de vos soucis. Puis entre nous, elle a un autre cheval de bataille qui est ma vie personnelle et professionnelle. » qu'elle sema au passage, comme une graine qu'elle espérait voir Marius arroser du peu qu'il connaissait de sa sœur. Il fallait qu'elle se rende à l'évidence tout de suite : elle ne pourrait jamais faire l'unanimité dans la famille, parce que leurs opinions ne convergeaient absolument jamais. A choisir, et un peu égoïstement, elle préférait qu'elle coche ses cases à elle plutôt que celles des parents. Une alliée en plus ne serait jamais de trop dans cet éternel conflit. « Peur d'être reconnue ? Il n'y a pas de honte à avoir, les gens doivent bien se douter qu'une femme porte des sous-vêtements. » dit-elle en référence à sa participation à Race of Australia. Tommy avait déjà fait les frais des tabloïds, mais Scar déplorait qu'une femme soit forcée de se cacher d'avoir une sexualité dans la presse alors que c'était un motif de gloire pour les hommes. Il n'y avait pas de victoire sans combat. « C'est vrai que ça fait plaisir de vivre dans un quartier animé. Après en vérité, je vais un peu où le vent me porte... Logan City je connais vaguement, j'y travaille. Le Death Before Decaf ça vous dit quelque chose ? » demanda-t-elle, persuadée que c'était un détail que son frère avec omis, non par honte comme Beth l'aurait fait mais simplement par négligence. @Colleen Sainsbury |
| | | | (#)Mer 24 Fév 2021 - 10:25 | |
| L’idée qu’elle puisse ne pas être acceptée par la famille de Marius n’avait pas encore eu le temps d’inquiéter Colleen. Malgré les liens forts qui les unissaient, leur relation était encore trop récente pour en venir à des présentations formelles avec la belle-famille ; et de son côté, la brune n’avait de toute façon pas grand-chose à offrir à Marius. Lou représentait aujourd’hui à elle seule sa famille. Si ses relations avec ses parents étaient loin d’être conflictuelles, on ne pouvait pas non plus dire qu’elles soient franchement fusionnelles, et les milliers de kilomètres qui la séparaient d’eux depuis plus d’un an maintenant ne faisaient rien pour améliorer les choses. Elle n’en souffrait pas cependant, et les rares conversations téléphoniques qui permettaient encore de maintenir le contact lui suffisaient. Bien sûr, ils n’étaient pas au courant pour Marius, leurs échanges se limitant généralement aux sujets de conversation habituels – la santé de son père, la nostalgie de l’Irlande, la météo capricieuse, les nouvelles des voisins… Et si elle devait être parfaitement honnête avec elle-même, Colleen n’était pas certaine d’avoir un jour le courage de leur avouer qu’elle avait rencontré quelqu’un. Après tout, ils n’avaient jamais vraiment porté August dans leur cœur et elle ne savait pas comment ils pourraient prendre la nouvelle. S’ils venaient un jour à organiser un voyage en Australie, sans doute l’occasion se présenterait-elle, mais Colleen connaissait suffisamment ses parents pour savoir qu’elle avait à peu près autant de chance de les voir débarquer à Brisbane que de recevoir la Reine d’Angleterre en personne pour le thé.
Face à Scarlett, elle se disait qu’en dépit des quelques années qui les séparaient et de leurs tempéraments différents, elle n’aurait aucune difficulté à l’apprécier. Lorsqu’il lui avait dressé le portrait de sa famille, Marius lui avait expliqué que l’entente n’était pas toujours au beau fixe avec son frère et ses sœurs, si bien qu’elle aurait pu aisément se montrer méfiante à leur encontre. Toutefois, ni Tommy ni Scarlett ne lui étaient apparus sous un mauvais jour, et elle se sentait même plutôt à l’aise avec la cadette – alors même que cette dernière se tenait partiellement dénudée face à elle. Ne restait plus qu’à rencontrer la mystérieuse Beth désormais, celle dont Marius se disait le plus proche. Car comme venait de le souligner Scarlett, ils étaient quatre mais bel et bien divisés : les plus âgés d’un côté, les plus jeunes de l’autre. Quatre enfants, c’était effectivement l’assurance de ne laisser personne de côté. « On peut dire que vos parents ont bien fait les choses ». Les siens n’avaient jamais désiré un deuxième enfant et si Colleen ne leur en tenait pas rigueur, elle aurait toujours l’impression d’être passée à côté de quelque chose d’important. « Je ne suis pas encore inquiète, en ce qui concerne votre mère. Chaque chose en son temps comme on dit, on n’en est pas encore là avec Marius. Mais si un jour je devais la rencontrer… Peut-être que je pourrais être une distraction suffisante pour qu’elle vous épargne pendant un temps ? J’ai cru comprendre qu’elle essayait à tout prix de caser Marius avec une certaine Béatrice, je suis sûre qu’elle sera déçue d’apprendre qu’une étrangère lui a volé la vedette » Fit-elle, ses lèvres dessinant un sourire complice. Sous ses airs inoffensifs d’éternelle optimiste, Colleen ne manquait ni de détermination ni de persévérance pour être capable de s’affirmer face à la mère de Marius – sans compter qu’en matière de belle-famille difficile, il ne fallait pas oublier qu’elle était dotée d’une sacrée expérience.
Alors que sous son impulsion la conversation s’orientait vers le quartier et la boutique, Colleen admit qu’à l’image de Scarlett elle aurait tout intérêt à se limiter aux achats en ligne – pour le moment, du moins. En réalité ce n’était pas tant lié à la lingerie en soi, elle préférait simplement éviter les rues commerçantes par mesure de précaution. « Peur d’être reconnue, si on veut, oui. Mais pas parce que j’achète des sous-vêtements. Je regrette juste le temps où je pouvais me balader comme bon me semblait sans craindre de voir ma photo et ma localisation apparaître immédiatement sur les réseaux sociaux. Franchement, qui ça peut bien intéresser en plus ? ». Elle avait participé à une émission, d’accord, mais cela ne devrait pas faire d’elle une cible. Elle essayait de rester positive et de garder à l’esprit que tout cela ne durerait pas, mais parfois même son optimisme ne résistait pas face à l’obstination de certains. Elle chassa néanmoins ces pensées et écouta Scarlett lui parler de Logan City, où elle travaillait justement. « Le nom me dit quelque chose, oui » Répondit-elle à l’évocation de Death Before Decaf. « Mais je n’y suis jamais allée. Je découvre encore le quartier, ça ne fait pas si longtemps que j’y habite, je louais un appart à Redcliffe avant ça. Cela dit je ne suis pas très café, mais si vous servez aussi du bon thé je pourrais être tentée d’y passer un jour » Sourit-elle.
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| | | | (#)Sam 6 Mar 2021 - 11:40 | |
| Chaque minute qui s'écoulait achevait de la convaincre : Colleen et son frère faisaient une paire harmonieuse. La jeune femme était distinguée sans être pédante. Courtoise sans être chaste. Elle semblait relier chaque extrémité de la famille Warren, se dressait comme le pont tant attendu entre les univers diamétralement opposés de Scarlett et Marius. Le médiateur dont ils ignoraient avoir besoin. Le chaînon qui leur avait toujours manqué pour se comprendre véritablement. Ses propos étaient d'une justesse presque académique. Scar l'écoutait avec une attention suspicieuse, presque méfiante de constater qu'elle ne décevait jamais des attentes qu'elle n'avait même pas dix minutes plus tôt. Ce n'était pas faire preuve d'une grande perspicacité de supposer qu'elle puisse être une parfaite distraction aux yeux de la mère Warren, mais sa question avait davantage des allures de promesse que d'hésitation. Elle se sacrifiait déjà sur l'autel de son estime. S'offrait au réquisitoire maternel juste pour s'assurer de plaire à la cadette de la famille. Aux yeux de Scar, il n'existait pas plus beau cadeau que ce renoncement auquel Marius et Beth ne s'étaient jamais rabaissés. Collen l'ignorait peut-être, mais elle venait de gagner une alliée dans le siège qu'elle s'apprêtait à mener pour la bénédiction parentale. « Béatrice, Béatrice... c'est laquelle déjà ? Désolée c'est que les choix de ma mère se ressemblent un peu tous. J'ai tendance à confondre. Tout ça pour dire qu'elle a rien de très remarquable, si ce n'est qu'elle plaît à ma mère. » Une façon un peu subtile de lui faire comprendre qu'elle ne lui arrivait sans doute pas à la cheville. Que sa seule qualité était de se fondre dans la masse paroissiale à laquelle sa mère était attachée. Les choix de sa mère était si conventionnels qu'ils étaient substituables. Béatrice n'était plus disponible ? Il suffisait de tourner le regard pour en trouver une copie conforme. Même jupe plissée et même fadeur. Scarlett ne doutait pas que la femme qui lui faisait face saurait déployer les arguments nécessaires le moment venu. Elle semblait avoir plus d'une corde à son arc. « Vous devriez en profiter. Surfer sur la vague de la popularité, faire des choses nouvelles. Défendre une cause... c'est bien d'avoir une voix qui est entendue parfois. » rétorqua-t-elle, tandis que Colleen s'engonçait un peu plus dans les articles qu'elle dissimulait dans le creux de ses bras. Sa question concernant le DBD était tout à fait inoffensive. Scar connaissant la clientèle sur le bout des ongles n'avait jamais croisé le regard effarouché de Colleen, mais avait voulu tester les limites de sa bienséance. « Avec plaisir, il se peut même qu'il soit offert. » s'engagea-t-elle comme si elle avait le moindre pouvoir hiérarchique. Du pouvoir elle en avait simplement parce qu'elle était sans-gêne. Et ce thé, elle était certaine de pouvoir lui offrir, même si cela impliquait de le mettre sur l'ardoise d'un collègue. Charlotte s'excita enfin dans sa cabine, beuglant pour implorer son aide. Quel enfer lui avait-elle dégoté, s'était-elle exclamée derrière le rideau encore tiré. « Le devoir m'appelle. Je pense que vous devriez passer à la caisse. La fille qui est dans cette cabine sera sans doute moins ravie que moi à l'idée de vous croiser. Le fiasco du restaurant tout ça... bref ce fut un plaisir Colleen. Et, bon choix. » fit-elle remarquer en désignant ses articles d'un coup d’œil équivoque. Ce n'était ni la première ni la dernière fois qu'elle entendrait parler de Colleen. Elle en était sûre. @Colleen Sainsbury |
| | | | (#)Jeu 18 Mar 2021 - 9:34 | |
| De cette rencontre inopinée semblait naître la promesse d’une complicité tout aussi inattendue. Scarlett lui plaisait. Bien loin de la décontenancer, le franc-parler et la spontanéité de la sœur de Marius étaient deux atouts qu’elle avait immédiatement reconnus en elle et appréciés. Elle trouvait ça rafraichissant de s’adresser à une personne qui n’essayait pas de se cacher derrière des faux-semblants. La jeune femme se rangeait définitivement dans la catégorie des personnes que l’on aimait ou haïssait, mais avec qui il ne pouvait y avoir de demi-mesure. Or Colleen avait beau être d’une naïveté sans limite, elle pressentait qu’elle avait pour sa part déjà choisi son camp. Aussi, ce fut tout naturellement et sans arrière-pensée qu’elle offrit à Scarlett l’éventualité d’une future alliance face à sa mère. Elle avait suggéré de jouer les boucliers vivants sur le ton de la plaisanterie, mais quiconque connaissait suffisamment Colleen savait qu’elle n’hésiterait pas une seconde à se sacrifier pour lui offrir un peu de répit. Après tout, elle était consciente qu’elle ne plairait probablement pas à sa potentielle belle-mère ; d’après le portrait que Marius en avait brossé, elle serait à la fois trop vieille, trop « mère » et trop étrangère pour y parvenir. Alors s’il y avait une chance pour qu’elle puisse en revanche s’attirer la sympathie de son frère et de ses sœurs, voire même de son père, elle n’hésiterait pas.
Elle sourit à la remarque de Scarlett à propos de cette fameuse Béatrice dont sa mère n’arrêtait pas de rebattre les oreilles à Marius. A la grimace qui tordit furtivement ses traits, Colleen comprit que Scarlett n’était pas plus fan que son frère des choix de sa mère en matière de partenaire idéal. Qu’elle sous-entende ou non qu’elle ferait pour sa part un choix plus acceptable, l’Anglaise ne pouvait en avoir la certitude, mais la lueur malicieuse logée au fond de ses billes brunes semblait tendre vers cette opinion. Elle prit néanmoins grand soin de ne pas surenchérir ; ne connaissant pas cette Béatrice dont il était question, elle n’avait pas la moindre envie de lui manquer de respect. Ses muscles se décrispant au fil de la conversation, elle desserra spontanément l’étreinte de ses doigts autour des sous-vêtements qu’elle tenait fermement jusque-là. Même si ce n’était pas franchement l’idée qu’elle s’était faite d’une possible rencontre avec la sœur de Marius, elle finit par comprendre qu’elle n’avait pas à redouter son jugement et qu’elle pouvait se détendre. De plus, la boutique était relativement calme : aucun client n’était venu interrompre le fil de leur conversation, et pas une fois Colleen n’avait dû se soucier de détourner le regard par crainte d’être reconnue. Pourtant, si l’expérience de cette virée shopping était loin d’être un échec, la brune préférait demeurer sur ses gardes, et c’est ce qu’elle expliqua à Scarlett quand celle-ci s’étonna de son aveu. Elle lui suggéra de mettre à profit sa popularité par le biais d’une cause à défendre, et Colleen acquiesça vaguement d’un signe de la tête. « Si j’étais plus courageuse, peut-être… Mais la vérité est que je ne le suis peut-être pas tant que ça » Admit-elle. D’autres candidats de Race of Australia excelleraient dans l’art de défendre leurs causes ; elle pensait notamment à Martin, qui n’avait pas attendu l’après-ROA pour se faire le porte-parole de plusieurs associations militantes. Toutefois, en ce qui la concernait, Colleen était bien trop attachée à son anonymat pour profiter des projecteurs braqués dans sa direction. Elle n’avait qu’une hâte et qu’une seule obsession : retrouver une vie normale.
Un nouveau sourire s’invita sur ses lèvres quand Scarlett insinua que le thé qu’elle lui servirait au DBD pourrait lui être offert. « Attention, ce n’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde » Glissa-t-elle avant de se tourner subitement vers les éclats de voix en provenance de la cabine voisine. Scarlett pivota dans un même mouvement, et Colleen comprit que c’était à elle que la femme cachée derrière les rideaux s’adressait. Néanmoins, son sourire s’effaça rapidement quand elle saisit l’allusion de Scarlett et comprit que cette femme n’était autre que son amie Charlotte, celle avec qui elle avait arrangé un rendez-vous à Marius au Canvas, bien des mois plus tôt. Colleen se tendit automatiquement et haussa les sourcils en jetant un nouveau regard aux rideaux tirés. « Mmh, je pense que je vais suivre vos conseils à la lettre et ne pas trop tarder alors ». Ses yeux se posèrent de nouveau sur Scarlett, et elle hocha la tête. « Plaisir partagé en tout cas. Bon shopping » Lui souhaita-t-elle avant de tourner les talons et de se diriger vers la caisse.
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| | | | | | | | Another glimpse of the Warren family. (Collett) |
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