C'est stupide d'être ici.
Oui, mais il t'a invité.
Et tu as refusé.
Pourquoi t'es là, Elise ?

Tu es là parce que cette fameuse deuxième chance avec Saül ne fonctionne pas du tout. Parce que même dans ces moments les plus parfaits - moments qui se font déjà de plus en plus rare soyons honnête - tu n'arrives pas à vraiment t'investir dans cette deuxième chance malgré toute ta conviction à vouloir que ça marche. Ça ne fonctionne pas, parce que ton coeur, il est ailleurs. Il n'arrive pas à tourner la page sur cette idylle qui n'aurait jamais dû commencer.

Le studio semble vide quand tu y entres. Tu réalises que tu n'y avais toujours pas mis les pieds malgré les promesses en l'air de le faire. Ton but premier était qu'il n'y reste plus personne, parce que c'est stupide d'être ici quand tu devrais être ailleurs. Parce que s'il n'est pas là, tu vas juste t'en aller sans jamais revenir. Tu espérais qu'il ne soit pas là, mais tu t'aies quand même changer trois fois. Tu voulais être parfaite au cas où. Bien sûr qu'il est encore là et bien sûr que tu étais convaincu qu'il le serait encore. Personne n'y croit que tu espérais qu'il ne soit pas là. Ce sont les notes de musique qui attirent ton attention jusqu'au bureau de Jack. Il est assis par terre évidemment. Il y a des feuilles partout, mais vraiment partout. Tu comprendras jamais comment il arrive à se retrouver là dedans. L'ambiance bordélique réussis tout de même à te faire décrocher un sourire, parce qu'il est là et c'est déjà suffisant. Oh ce qu'il est beau quand il est dans sa bulle. Okau, ça fait combien de temps que tu restes planter là à mater ?

« Tu joues quoi ? » que tu demandes en entrant dans la pièce. Tu fais attention à chacun de tes pas pour ne rien déplacer jusqu'à te trouver un trou assez grand pour le rejoindre à même le sol. Il n'y comprends rien Jack. Ça se lit parfaitement sur son visage. C'est comprenable. Tu le repousses et reviens sans cesse vers lui. Un jour, il en aura marre et ne te laissera plus revenir. « L'invitation tenait toujours ? » Ouaip on parle toujours de cette invitation que tu as refusé quelques semaines plus tôt. Et puis, peut-être qu'il est déjà trop tard. Peut-être que c'est aujourd'hui qu'il ne te laisse pas revenir dans sa vie. Il en aurait tous les droits et tu comprendrais totalement.

« Tu joues quoi ? » de tout, de rien. Il joue des instruments qui sont éparses autour de lui parce qu'il ne sait plus où donner de la tête aujourd'hui. Les idées fusent sans rester, les mélodies se composent et il les oublie déjà l'instant d'après. Son bureau est dans un état chaotique bien plus pire qu'à l'habitude, si ça peut être possible déjà, et le voilà qui redresse la tête pour la voir elle, à travers tout le reste. Elle est belle Elise, elle l'a toujours été. Et probablement qu'aujourd'hui elle l'est encore plus quand il a l'impression qu'autant dans sa voix que dans son regard, elle veut être ici.

Elle veut, sûrement, mais elle a l'air épuisée. Elle a l'air vidée, le monde entier pèse sur ses épaules. « L'invitation tenait toujours ? » ses pas s'éparpillent à travers les partitions et les notes, elle avance à tâtons ici comme elle avance à tâtons avec lui. Il déteste le trémolo dans sa voix comme il déteste qu'elle pense que son invitation ne compte plus, qu'il est loin le Jack qu'elle a vu l'autre soir. Le Jack au nez enneigé, le Jack qui aujourd'hui a étrangement laissé la coke de côté rien que pour essayer une fois une seule d'écrire sans. C'est un désastre et il allait sniffer, il y était rendu, comme s'il s'agissait de la cavalerie le pire. Mais le voilà qui oublie complètement le plan de base, lorsqu'il se lève, lorsqu'il abandonne ses jambes pliées en tailleur pour aller vers elle.

Oui, l'invitation tient toujours. Et ce qu'il tient aussi, c'est son visage et ses joues glacées à elle entre ses paumes à lui, bouillantes et tâchées d'encre. Le voilà qui l'embrasse, Elise, le voilà qui dépose ses lèvres sur les siennes avec toute la douceur qui le caractérise. Il ne veut pas d'une amie et il ne veut pas qu'elle parte non plus, il ne veut pas la laisser partir quand bien même il ignore s'ils en sont à de nouveaux adieux ou à un nouveau départ. Autant éviter d'en avoir le coeur net pour une seconde et une autre encore, quand il relance le baiser avec un peu plus de tendresse, son insistance se camouflant derrière les doigts du musicien qui compose des chansons improvisés sur la courbe de sa mâchoire, sur la finesse de sa nuque de la brune.

Tu ne t'attendais pas à ça en t'aventurant parmi les partitions gribouillées laissé à la dérive et celles en boules qui couvrent presque l'entièreté du plancher du studio. Tu n'arrives pas à dire si c'est l'inspiration ou le manque d'inspiration qui rend son bureau dans cet état. Tu ne savais pas trop ce que tu venais chercher ici, mais tu ne pensais certainement pas récolter ça.

Ton regard se visse sur lui dès lors, qu'à peine une seconde après ton arrivée, il se relève de sa place pour s'avancer vers toi. Tout ton corps se fige lorsqu'il vient poser ses mains contre ton visage. Il se passe quoi là ? Ton coeur manque un battement à la seconde où ses lèvres viennent trouver naturellement le chemin jusqu'aux tiennes, chemin qu'elles n'ont visiblement pas oublié. Il. Se. Passe. Quoi. Le geste te surprend au vu de vos dernières rencontres nébuleuses, de cette rupture quand même récente qui fait toujours aussi mal. Il te surprend dans cette tendresse soudaine que tu ne sais expliquer. Tu n'y comprends rien, mais tu suis quand même le mouvement quand il relance le baiser dans toute la délicatesse dont il est capable. S'il y a à peine quelques minutes tu redoutais ta présence ici, elle fait totalement du sens quand ton épiderme tout entier s'embrase sous ses doigts qui s'égare de ta mâchoire jusqu'à ta nuque. Elle est là la réponse que tu es venue chercher : c'est pas terminé vous deux.

« Tout va bien ? » que tu murmures pour ne pas venir détruire la petite bulle que vous formez tous les deux. Comme si tu ne voulais pas que personne ne vienne interférer ce moment, alors que vous êtes complètement seul ici. Aucune chance que quelqu'un vienne tout foirer. Enfin, si, il reste encore Jack. Mais passons. Tu devrais probablement la détruire cette proximité entre vous deux, parce qu'elle n'a pas sa place. Il ne peut pas juste t'embrasser et penser que tu vas oublier tout le reste. Ça ne peut pas se passer ainsi cette fois là. Sinon, c'est encore le mur qui vous attend et il frappera encore de plus en plus fort. Pourtant, tu n'en fais rien. Tu l'encourages presque lorsque tu viens plutôt glisser tes mains contre ses avant-bras. Ton visage s'éloigne légèrement du sien simplement pour mieux l'observer, pour venir chercher la réponse dans son regard. C'est que tu t'inquiètes presque sans vraiment savoir pourquoi, sans aucune justification autre que ton intuition qui te joue peut-être des tours. Tu n'arrives pas à mettre le doigt dessus, mais il y a quelque chose de différent ce soir.

« Tout va bien ? » oh la blague, oh l'horreur. Il y a à peine une poignée de minutes il contemplait les poches de sa veste bourrées de sachets de cocaïne qui le tentaient bien plus encore que pendant ses années de sobriété. Il rêvait d'une ligne une seule, la multipliant naturellement - et fatalement - d'une autre, se rendant compte que ses doigts tremblaient qu'à la dernière seconde. Ça serait un calvaire d'aligner la poudre sur son bureau, ça le serait encore plus de la caler sur la clé de sa vieille voiture qui avait vue la guerre. Pourtant dans un scénario comme dans l'autre, il en rêvait le drogué, l'addict, le raté qui ne s'ignore plus. Il sait qu'il écrirait bien mieux une fois dans les vapes, il le sait et ça le répugne, d'être (re)devenu ce type-là. Devant elle.

« Tout va bien ? » rien ne va à la maison. Ellie rentre à peine un soir sur trois, elle s'est fait des potes de merde, bien pires que ceux qu'elle avait avant ça. Elle pue la clope et la vieille bière quand elle passe le pas de la porte, file sous la douche avant de cumuler des dizaines d'heures cachée sous ses oreillers les rideaux tirés sans qu'il ne puisse lui dire quoi que ce soit. Elle ignore les guitares qu'il laisse traîner partout comme autant de drapeaux blancs, se rappelant à quel point en jouer la détendait, avant. Si Epstein père est sur la pire pente qu'il a connue depuis un moment, Epstein fille ne le suit pas trop loin derrière. Et lui le paternel en carton, il la laisse faire.

« Tout va bien ? » Ivy doit taper du pied en ce moment. Ivy qui attend des enregistrements de sa main, de nouvelles musiques et de nouvelles paroles depuis des semaines pour mousser ses réseaux. Il lui a promis une nouveauté exclusive, elle a parié là-dessus et lui, il est là, au beau milieu de son fouillis, à embrasser Elise, à piler sur ses partitions, à perdre le souffle et à recommencer encore. D'une addiction il passe à une autre, d'une drogue il s'en substitue une seconde. La brune a dégagé son visage du sien depuis de longues minutes déjà et il pense encore. Le canadien liste toutes les conneries qu'il a lui-même mises sur son chemin et il dit rien, l'imbécile.

Les mains de la Williams (ancienne?) remontent le long de ses bras, ses mains à lui encadrent ses joues à elle. « J'ai connu mieux. » qu'il souffle, défaitiste, étrangement pessimiste pour un type qui a toujours été connu pour son positivisme largement irritant dans un monde où être objectif devrait être la norme. Quand il lui vole un second baiser tout du moins, c'est contre ses lèvres qu'il concède, parfaitement honnête. « J'ai connu pire. » comme les semaines passées à vivre entre deux, entre l'arbre et l'écorce. Où en est-elle avec Saül? Ont-ils ont divorcé? Ou elle venait lui annoncer le contraire? Et pourquoi tu te demandes ça, Jack? Ça a jamais été le cas jusqu'à maintenant.

Puis, il joue à l'adulte, se détachant d'un pas de recul un seul. « Café, eau, scotch? » reste.

Les secondes passent et le silence te fait automatiquement froncer les sourcils. Quelque chose ne va pas. Tu en es convaincu. « J'ai connu mieux. » Il se serre ton petit coeur, alors que sur ton visage, l'inquiétude se lit très facilement. C'est que tu t'en voudrais presque d'être partie quand bien même tu ne t'aurais pas imaginé faire autrement à cet instant là. Il était là Jack pour ramasser les pots cassés quand tu en as eu besoin. Est-ce à ton tour de lui rendre la pareille ? Es-tu partie quand il avait besoin que tu restes ? Ses lèvres viennent à nouveau trouver refuge contre les tiennes alors qu'un murmure s'y échappe. « J'ai connu pire. » Il a connu pire, mais tout ce que tu retiens, c'est qu'il a connu mieux. Lui. Jack. Avec son éternel sourire en coin. Il n'en a aucun ce soir. Il n'en a aucun depuis quand ? Parle-moi Jack.

« Café, eau, scotch? »
« Scotch. »
Parce qu'il semble en avoir besoin. Tes mains glissent contre ses bras au fil des pas qu'il fait à reculons. Elles viennent s'agripper à ses mains jusqu'à retomber dans le vide quand il se retrouve assez loin de toi. Tu observes chacun de ses mouvements, silencieuse, alors qu'il part à la recherche de verres et de la bouteille. Tu observes chaque micro-geste, chacun des traits de son visage qui pourrait le trahir. Tu observes tout. Ce soir, rien ne va passer sous ton radar.

« Tu veux en parler ? » que tu lui demandes lorsqu'il vient poser le verre dans ta paume. Il va dire non. Tu le vois déjà venir. Mais est-ce que ce sera un non pas maintenant ou un non jamais ? C'est différent. Tu peux accepter d'attendre - il y a plein de choses que tu ne lui as pas dit toi-même - mais tu n'as pas envie de jamais savoir ce qui le tourmente. « Après ça, peut-être ? » Le verre trouve chemin jusqu'à tes lèvres alors que ton regard reste accroché au sien. L'absence de grimace après la gorgée prouve assurément les derniers mois difficiles que tu viens de passer - et qui ne sont toujours pas terminés d'ailleurs. Tu as finis par t'endurcir le palais à force d'en boire avec Jack, et surtout avec Jet ces derniers temps. Mais non, ce n'est certainement pas une bonne chose.

« Café, eau, scotch? »
« Scotch. »

Et scotch ce sera. Il aurait voulu être mieux outillé, Jack, pour le grand retour d’Elise dans sa vie. Plus solide, meilleur. Il aurait stupidement voulu être le grand adulte qui a réussi, qui peut brandir des albums par dizaines sous ses yeux, des artistes émérites et des milliers de dollars à la clé. Rien que pour qu’elle puisse voir qu’il le vaut, même pas pour se vanter de quoi que ce soit. Qu’elle voit qu’il la vaut, elle. Sa logique est stupide et il l’est encore plus, lorsqu’il verse distraitement les scotch et qu’il lui apporte son verre à même ses paumes glacées. Celles de Jack sont brûlantes à défaut d’être tremblantes, et c’est bien la seule victoire de sa journée sans arriver à écrire, dirons-nous.

« Tu veux en parler ? « C’est pas à toi de t’inquiéter pour ça. » pour moi qu’il garde au bout de sa langue, la voix rauque mais le sourire qui tente de rassurer le reste. Il ira mieux Epstein, il finit toujours par aller mieux. L’artiste mélodramatique qu’il personnifie n’a besoin que d’encore quelques heures pour se noyer dans ses idées noires et son malheur. Ne dit-on pas que c’est ainsi qu’on compose les meilleurs chansons? La mélancolie a le dos large, de nos jours. « Après ça, peut-être ? » elle offre une solution Elise, elle en offre toujours une. Probablement qu’elle ne le voit pas elle-même, alors que les derniers mois ont été particulièrement difficiles pour elle et qu’elle a dû être à court d’options. Mais lui, il les voit. Il la sait battante, il la sait forte, il la sait solide aussi.

Du moins, elle en a l’air aujourd’hui.
« T’es belle. » Epstein souffle, entre une gorgée et une autre. Ses yeux ont attrapé ceux d’Elise au vol. « Comment tu vas, toi? » ils parleront de lui, après. Mais d’elle, il en a toujours fait une priorité. « T’as l’air bien. » mieux. « Si c’était une compétition, tu gagnerais à plate couture. » entre eux deux, à savoir qui s’en remet le mieux. De leur rupture.

« C’est pas à toi de t’inquiéter pour ça. » Son sourire qui se veut rassurant n'a absolument pas l'effet escompté de ton côté. C'est lui qui est vraiment nul avec les mots ou c'est toi qui est trop exigeante ? « À qui alors ? » que tu demandes en venant noyer un soupir dans ton verre. C'est à Ivy de s'en inquiéter ? À River peut-être ? Peu importe à qui s'est, ce n'est pas à toi qu'il en donne le droit. C'est ainsi que tu vois les choses, alors que la vérité doit être qu'il ne la donne à personne. Il laissait Jude s'inquiéter pour lui ?

« T’es belle. » Au moins, les dernières heures à se préparer pour venir ici n'auront pas servi à rien. Ta garde-robe au grand complet que tu as foutu à l'envers pour qu'il te trouve belle - pour qu'il regrette de t'avoir laisser partir à de trop nombreuses reprises. Tout ça n'aura au moins pas été en vain quand tout le reste est encore bien nébuleux. « Comment tu vas, toi? » Tu ne serais pas ici si tout irait bien, si tu ne te poserais pas des centaines de questions auxquelles tu ne sais toujours pas si tu arriveras à y répondre. Et il le sait parfaitement. Pourtant, il se laisse facilement berner par l'apparence lorsqu'il ajoute « T’as l’air bien. Si c’était une compétition, tu gagnerais à plate couture. » Au final, il ne te connaît pas tant que ça. Et peut-être que toi non plus. « J'en ai sûrement l'air, oui. » Mais ce n'est absolument pas le cas. Tu n'arrives même pas à te souvenir de la dernière fois où tu as été aussi malheureuse.

Mais s'il ne veut pas parler, toi, tu en as besoin pour tourner la page une bonne fois pour toute ou pour réparer certaines choses et continuer. « J'ai l'impression que tu es parti pour ton émission et que tu n'es jamais revenu. » que tu débutes en venant déposer ton verre sur le bureau du musicien. Tu te souviens des débuts. Tu te souviens d'à quel point il arrivait à te faire sentir bien malgré l'histoire compliquée dans laquelle vous veniez de mettre les pieds. Tu ne l'avais jamais ressenti ainsi. Tout était simple dès la seconde où il entrait dans la pièce. Tu te souviens de ton coeur qui tambourinait si fort dans ta poitrine quand il t'a appelé de là-bas pour la première fois. C'est après ça que tout est devenu compliqué. Que même les bons moments n'arrivaient plus à compenser pour le reste. Que plus tu te détachais de ton ancienne vie, plus la nouvelle faisait mal. « J'arrête pas de prendre des mauvaises décisions. » Laisser Saül revenir dans ta vie et celle de Damon est sûrement la pire d'entre elles. Il ne te suffit que de deux pas pour venir détruire cette distance entre vous deux. Deux pas et le bout de tes doigts peuvent venir se réchauffer contre sa nuque alors que ton front vient s'ancrer au sien. « C'en est une de continuer d'espérer que tu reviennes ? » De là-bas. De retrouver ce que vous aviez avant. Que tout soit simple à nouveau.

« À qui alors ? » elle marque un point, Elise. Il le sait et il s’en mordrait les doigts, s’il s'était le moindrement arrêté à tenter de masquer quoi que ce soit. Mais il ne porte aucun masque avec Elise, jamais n’en a-t-il même eu l'envie. « C’est ma merde, c’est à moi de la gérer. » il ne peut pas être plus simpliste que ça. Il n’autoriserait personne à venir se mettre le nez là, pas par honte ni même par orgueil, mais bien parce qu’il vise d’assumer ce qu’il a bien pu faire pour tout gâcher. Ce n’est qu’ainsi qu’il pourra tout bien réparer.

Le scotch est servi, il la rejoint non pas pour brouiller les cartes mais bien parce que le parfum d’Elise s’en est allé trop longtemps dans sa vie, et que désormais, il ne se sent pas assez fort pour en autoriser son départ à nouveau. « J'en ai sûrement l'air, oui. » « L’air. » il insite, déteste ce mot. Déteste l’impression de ne rien voir d’elle, alors qu’il ne voit qu’elle. Epstein l’aveugle en puissance, Epstein véritable idiot du village en l’instant.

Alors elle parle, Elise. Elle joue aux audltes et lui, il se cale dans les coussins, ramène ses jambes croisées en indien comme s’il était un éternel adolescent. Pour elle, il voudrait avoir la force d’enfin grandir. « J'ai l'impression que tu es parti pour ton émission et que tu n'es jamais revenu. » lui aussi, il le croit. Le scénario dans lequel le joint qui a franchis ses lèvres était autant considéré comme une fin que comme un début y est pour beaucoup, officiellement. Officieusement, il n’est qu’un merdeux qui met la faute ailleurs, quand lui-même en est l’unique cause. « J'arrête pas de prendre des mauvaises décisions. » ses doigts, oh ses doigts. Ils sont glacés sur la nuque bouillante du canadien. À son front à elle s’ancre le sien à lui, ses doigts retrouvant ceux d’Elise derrière son cou pour s’y nouer. « C'en est une de continuer d'espérer que tu reviennes ? » « Non. » qu’il articule, souffle, espère, stupide mélancolique amoureux qu’il peut bien être. Amoureux d’elle.

« Je t’avais promis de rien compliquer, de toujours rendre les choses simples. » ce sont des excuses, là, murmurées à quelques centimètres à peine de ses lèvres sans jamais les voler. Elle mérite bien de l’entendre s’expliquer. « J’ai tout gâché. » encore et toujours. C’en est sa marque de commerce, le label ici ne le souligne que trop bien. « Je veux revenir. » ses doigts se resserrent, il la retient encore un peu. « Mais je veux pas te faire du mal encore plus. » elle ne mérite pas qu’il gache tout, à nouveau.

« Non. » Il a intérêt à ne pas mentir Jack. Il a intérêt à ne pas te faire de faux espoirs. S'il en reste justement de l'espoir de retrouver ce que vous avez perdu, tu vas t'y accrocher aussi longtemps qu'il le faudra, aussi fort que tes doigts qui s'accrochent aux siens. Parce qu'avec ce simple mot, il t'empêche encore de tourner la page sur votre histoire. Il t'empêche de soigner ton coeur brisé - ou d'essayer de le soigner du moins - s'il ment. Tu es foutu. Parce que ce simple mot laisse place à un doux sourire contre tes lèvres, à tes doigts qui chatouillent sa nuque. Tout ce que tu voudrais c'est de venir voler ses lèvres pour ne pas entendre la suite. Tu fais bien d'espérer qu'il revienne. Il l'a dit. Tu ne veux pas entendre la suite, mais il le faut. « Je t’avais promis de rien compliquer, de toujours rendre les choses simples. » Ironiquement, c'est après l'avoir promis que tout était devenu compliqué. Est-ce qu'il y en aura souvent des promesses qu'il ne tiendra pas comme celle-là ? Mieux vaut ne pas y penser. « J’ai tout gâché. » « En effet. » Il a tout gâché. C'est un fait. Il n'a rien réparé. Là est son erreur.

« Je veux revenir. » Alors reviens.
« Mais je veux pas te faire du mal encore plus. » Alors le fait pas.

Tes yeux se ferment doucement à ses paroles, alors qu'un léger soupir s'échappe au même moment que le mais s'échappe des siennes. Pourquoi il y a un mais ? Et qu'est-ce qu'il peut bien vouloir dire ? Pourquoi on dirait qu'il te demande d'attendre ? Encore ? Tu ne veux plus attendre quand même bien ce serait pour le mieux. Tu n'en a pas envie, mais tu le feras quand même si c'est vraiment ce qu'il désire. Le sait-il seulement ce qu'il désire ? Y a t'il pensé depuis la dernière fois ? Tes doigts serrent les siens pour une seconde et une autre de plus avant de les relâcher complètement. Ton visage suit le mouvement en prenant du recul du sien, mais ton regard, jamais il ne quitte le sien. « Je t'aime. » Ça l'aurait dû être prononcée dans un tout autre contexte. Ça l'aurait dû s'échapper distraitement entre un rire et un autre, quelque part entre un baiser et un autre. Certainement pas avec une voix qui se brise sur la fin. Encore moins avec une cage thoracique qui s'oppresse, avec un estomac qui se tord dans tous les sens. Un coeur qui hésite entre se briser et se recoller. Ça l'aurait dû être beau au lieu d'être triste. Mais ce n'est pas moins vrai pour autant.

Il peine à savoir où ses mains à lui se terminent, où celles d’Elise débutent. Il peine à savoir quelles sont les limites, s’ils en ont encore, s’ils ne doivent pas s’en mettre tant rien ni personne ne les comprend en l’instant. Pourtant quand elle expire il fait de même, quand elle ancre son front au sien il réciproque. Son souffle est bouillant, à Elise, il contraste avec son épiderme glacée. Oh que Jack rêve de l’embrasser à nouveau. Oh qu’il a bien fait, d’attendre de voler ses lèvres, d’attendre qu’à son tour, elle lui vole tout bon sens qui puisse rester entre eux.

« Je t'aime. »
« T’es sûre? »

Epstein qui en perdrait ses mots, s’ils n’étaient pas aussi précieux pour l’heure. Elle semble s’excuser, elle semble lui dire adieu, elle semble être au bord du précipice Elise. Il accroche ses doigts un peu plus aux siens, comme s’il arrivait ainsi à la rattraper au vol de cette manière bien lâche, bien insuffisante. La question n’est pas s’il partage ses sentiments, la question est bien plus large, vaste. Elle mérite tellement mieux maintenant qu’elle a la vie devant elle. « Y’a des tas de trucs de moi que tu devrais pas aimer. » la liste est exhaustive, Saül en a une longue copie, Ellie avec. Il est tout sauf parfait, il est merdique en tous points, et pourtant elle ne détourne pas ses prunelles brillantes Elise, et pourtant malgré tout ce qu’il a bien pu lui faire subir elle est encore là et ne bouge pas, plus. « Mon bordel, ma paresse. » un fin sourire se dessine sur ses lèvres, ses arguments sont enfantins mais il sait que l’état apocalyptique de son bureau actuellement ne fait que confirmer à quel point elle doit avoir parfois envie de tout brûler au lance-flamme.

« Mes fringues, mes habitudes. » nous y voilà, un peu quand même. Les habitudes qui stagnent dans le sachet de plastique au fond de la poche de sa veste, la neige d’un canadien qui ne se célèbrera jamais assez d’avoir mis de côté la drogue aujourd’hui. Il ne se serait jamais pardonné de manquer le moindre mot de sa part à Elise, surtout pas ceux-là. « Ce qui vient avec tout le reste. » ce qui vient dans les petits caractères du contrat, ses cassures, ses blessures. Ivy bien sûr, qui est partie prenante d’une grande part de sa vie. Et pourtant, il espère, il avance, il va vite. « Je t’aime aussi. » pourtant il est persuadé que pour une fois, l’entendre dire la vérité est tout ce à quoi elle peut aspirer.

« T’es sûre? » Est-ce vraiment si impensable que, toi, tu puisses être amoureuse de lui ? Si, totalement. Tu en es la première surprise. Jack ne suit pas trop loin derrière. C'est tout de même un mince sourire qui se glisse sur tes lèvres, alors que tu hoches la tête. Oui. Tu en es sûre et certaine. Jamais ces mots n'auraient traversé tes lèvres si tu ne l'aurais pas été. Ce n'est toutefois pas de la meilleure des méthodes que tu l'as réalisé. Tu as compris que tu l'aimais quand tu as vu à quel point votre histoire - ce qu'elle en était devenu plutôt - te faisait mal.

« Y’a des tas de trucs de moi que tu devrais pas aimer. » Il s'agrandit encore plus le sourire sur ton visage. Oh. Tu n'as jamais dit qu'il n'y avait pas quelques petits accrochages ici et là qui te déplaisaient. Il est bien loin d'être selon tes critères débiles de l'époux parfait Jack. Mais l'inverse est aussi vrai. « Mon bordel, ma paresse. » Ah, le voilà enfin le premier rire qui se laisse entendre dès l'instant où Jack commence son plaidoyer. « Je déteste. » Voilà tout tes efforts d'oublier l'endroit chaotique dans lequel tu te trouves réduit à néant. Pour l'instant, cette partie là reste relativement simple. Puisqu'il garde son bordel chez lui et que tu gardes toujours ta maison exagérément bien organisée. Plus tard, quand vous aurez envie de plus, vous allez arriver à trouver un terrain d'entente ? À suivre.

« Mes fringues, mes habitudes. » Ses fringues de pauvre, ses habitudes de pauvre. Vous ne venez pas du même monde et la vie vous le rappelle sans cesse. Tu ne te baigneras jamais complètement dans le sien et lui non plus. Mais ça va, vous êtes quand même arrivé à bien faire les compromis jusqu'ici. Un vol en première classe pour un terrain boueux. « Ce qui vient avec tout le reste. » « J'ai pas peur des défis. » Ce n'est qu'un demi-mensonge, parce que celui-là est particulièrement terrifiant. Parce que si tu te plantes - encore - ça va faire terriblement mal. Tu es prête à te lancer, mais tu ne peux pas dire que tu es prête à encaisser la possible échec qui s'en suivra. Ton petit coeur n'arriverait pas à se remettre d'une brisure de plus. Il a assez souffert.

« Je t’aime aussi. »
« Embrasse-moi »

Il ne te faut pas une seconde de plus pour que ta main retrouve sa place perdue contre sa nuque quelques minutes plus tôt. Main qui l'attire tout aussi rapidement vers toi jusqu'à ce que vos lèvres se trouvent de nouveau réunis, jusqu'à ce qu'il n'y est plus aucun millimètres qui ne sépare ton corps du sien. Il t'aime. Tu l'aimes. Le reste, peu importe ce que s'est, ce n'est pas important.

Elle est belle, dans ses bras à lui. Elle respire un peu mieux alors qu’il fait état de ses tares, qu’il est un imbécile fini profitant de leurs retrouvailles pour lui montrer à quel point il n’est rien de bon, n’est rien du tout. Pourtant avec Elise il se sent complet, il se sent à sa place, il se sent sur son X.  Bon Dieu que son parfum lui avait manqué. « Je déteste. » « Je l’savais. » qu’il nargue, son nez froncé et son sourire qui n’en finit plus de chatouiller ses joues à lui. « J'ai pas peur des défis. » ses joues à elle d’ailleurs, qu’il caresse du bout des doigts. À défaut de savoir si ses lèvres sont les bienvenues là où la peau de l’australienne se révèle sous les prunelels envieuses du musicien.

Il l’aime mais elle est la première à le dire, il l’aime et il finit tout de même par le lui préciser, entre deux soupirs. « Embrasse-moi » le prochain soupir lui, se casse sur les lèvres de la brune. Jack obéit beaucoup plus rassuré qu’il ne l’était lorsqu’elle est entrée. Il se sent pousser des ailes, dès lors que ses paumes viennent se lover contre le dos d’Elise. Le voilà le canadien fougueux, qui la ramène à lui dans un baiser aussi naturel que nécessaire. Les autres à l'extérieur du bureau peuvent passer et toquer à la porte des dizaines de milliers de fois qu’il ne les entendrait pas, Jack, épris entre la respiration de la brune qu’il coupe de la sienne, et des battements de son coeur qui tapent contre ses tempes.

Fût un temps il n’aurait rien dit d’autre, jamais assez ingrat pour pouvoir penser être en mesure de l'implorer. Aujourd’hui pourtant, il affiche un peu plus ses couleurs, chuchotant à l’oreille d’Elise un  « Reste ce soir. » qui leur donnera des heures et des heures ensemble. À reprendre tous les non-dits, à décortiquer tous les noeuds. Ceux qu’elle voudrait défaire, ceux qu’il lui cèdera parce qu’elle le mérite bien plus que qui que ce soit.  « Reste. » à ce soir il fait un pied de nez, le balaie du revers. Ce soir met une limite, une date butoir, une finalité. Ce soir est loin et trop proche à la fois.

Elles font du bien ses lèvres qui retrouve naturellement le chemin jusqu'aux tiennes. Elles réconfortent ses mains qu'il pose à nouveau sur toi. « Reste ce soir. » Ah. Oui. Ça. Il fait mal le retour drastique à la réalité, à l'autre vie qui existe toujours. Il te fait tourner la tête Jack. Au point où tu en as oublié tout le reste. Tout le reste étant Saül qui rentrera à la maison entre une heure et une autre, puis Damon qui se demandera où tu es si jamais tu restes ce soir. S'il a tout compliqué la dernière fois, c'est à ton tour maintenant. Même si, au fond, c'est toi qui complique tout depuis le début. C'est toi la femme mariée. Lui, il n'a aucune attache nul part. « Reste. » Il te brise le coeur à insister. Et tu te détestes de ne pas rester, de choisir le reste plutôt que lui. Pas ce soir, mais bientôt, tu pourras rester tous les soirs qu'il désire. Tu pourras rester jusqu'à ce qu'il en ait marre de toi - espéront que ça n'arrive pas trop rapidement quand même.

« C'est un peu compliqué à la maison ces temps-ci. » Un peu beaucoup, oui. Tu n'as pas particulièrement envie de lui parler du retour de Saül, mais s'il pose des questions tu seras complètement transparente avec lui. Loin de toi, l'idée de lui mentir. Jamais. Surtout pas là dessus. « Laisse-moi quelques jours et je serai tout à toi. » C'est une promesse que tu souffles sur ses lèvres. Lèvres que tu voles de nouveau la seconde suivante. C'est une promesse et tu vas la tenir. Tu as juste besoin de quelques jours. Tu laisses passer le repas de Noël avec les Williams. Tu ne voudrais pas gâcher l'ambiance (lol). Et puis, tu parleras avec Saül. Lui non plus, il n'est pas heureux dans cette seconde chance qui était déjà voué à l'échec soyons honnête. Vous avez essayé et ça n'a pas fonctionné. Il devrait juste s'en aller. Il devrait la retrouver. C'est là qu'il veut être de toute façon. Tu n'es pas idiote. Qu'il aille là-bas que tu puisses rester ici. Puis, il y aura la conversation avec Damon qui sera plus difficile, mais il le faut. Tu ne veux plus terrer ta relation avec Jack en silence. Tu veux la vivre pour de vrai cette fois. Advienne que pourra.

« C'est un peu compliqué à la maison ces temps-ci. » you don’t say. Jack comprend, quand bien même il ne comprendra jamais vraiment. Il n’a jamais tenu ses engagements autrement que sur papier, avec Jude. Il l’aimait comme un fou, mais finissait toujours par passer sa liberté d’avance. Ça n’était pas compliqué pour lui parce qu’il ne faisait pas dans le compliqué ; ça l’horripilait. Epstein qui s’est empêtré dans le complexe depuis quelques semaines - mois - est un peu plus conciliant, quand bien même il ne sait pas du tout face à quoi elle doit se battre. Pourtant il veut tellement aider, il voudrait tellement pouvoir hocher de la tête pour de vrai, avoir les mots qu’il faut pour panser les blessures dont il a été la cause comme la conséquence.

L’épée de Damocles est un peu moins pesante, au-dessus de leurs têtes. Probablement que ça a un lien avec le baiser qu’elle lui vole, celui qu’il quérit à nouveau. Il quitte les lèvres d’Elise strictement pour avoir envie d’y revenir. Soyons honnêtes ; c’est en l’embrassant qu’il s’empêche de dire quelques conneries que ce soit, quelques supplications supplémentaires avec. « Laisse-moi quelques jours et je serai tout à toi. » si ça sonne comme une promesse, c’st que ça en est visiblement une. Et il s’y raccroche à ça, Jack, autant que ses doigts se raccrochent à la nuque d’Elise une seconde de plus, et une poignée d’autres avec. « Prends tout ton temps alors. » il est peut-être bien loin d’avoir un portrait clair et précis de ce qu’on doit faire, de ce qui est correct de faire aussi dans ce genre de situation. Il est loin de connaître la marche à suivre et encore plus de savoir comment l’appliquer. Mais il essaie, il essaie vraiment. Donner du temps et de l’espace, faut croire qu'il est en mesure de le faire. Epstein ne réclamait que ça fût un temps. Aujourd’hui, ses priorités semblent être différentes lorsque ses doigts s’égarent partout où il reprend des marques que les derniers temps lui ont sauvagement retirés. « Je bouge pas. » contre toutes attentes, le nomade a des envies d’être sédentaires.