Tranquillement, la vie de Caelan reprenait son cours. Déjà un peu plus d’un mois s’était écoulé depuis son retour à Brisbane et il n’avait pas chômé. Entre ses visites à l’hôpital et la rotation qu’il faisait avec ses frères et Anwar pour s’occuper des enfants de Norah, il avait pris le temps de reprendre contact certaines personnes qu’il n’avait pas vues depuis plusieurs mois. Maintenant que sa jumelle semblait remonter la pente, il avait décidé qu’il était temps pour lui de se retrouver un travail et un appartement. Sauf qu’il avait eu la surprise de constater que le contrat de location en était plutôt un de colocation, et il avait dû se résoudre à devoir vivre avec Helena qui se retrouvait à avoir travaillé au restaurant où Jessica et lui allaient à presque toutes les semaines depuis des années, il y a quelques années. Sans oublier qu’ils s’étaient recroisés au parc il y a quelques semaines et qu’elle l’avait invité à aller prendre un verre prochainement. Sauf qu’elle ne l’avait pas rappelé, ce qui avait profondément insulté Caelan qui avait beaucoup de difficulté à se rendre disponible sur le marché du célibat. Accepter cette invitation avait été un grand pas pour lui, pour finalement ne rien donner sauf peut-être une bonne dose d’humiliation en tombant face à face avec elle à l’appartement. Sauf qu’il était loin de se douter que cette humiliation n’était rien comparée à celle qu’il avait ressentie le mercredi soir, lorsqu’ils succombèrent à l’attirance qu’ils ressentaient l’un pour l’autre. Après quelques minutes de rapprochements intenses, Caelan avait dû mettre fin à ceux-ci parce qu’il n’arrivait pas à s’enlever son ex de la tête, au point d’être victime d’impuissance. Il s’était alors résolu à lui avouer son secret pour ne pas qu’elle se sente coupable pour rien, ce qui avait été psychologiquement épuisant pour lui. Helena lui avait posé beaucoup de questions et en avait convenu qu’il avait fait une grave erreur mais qu’il en avait pris conscience et qu’il s’en voulait. S’il se fiait aux paroles qu’elle lui avait dites ce soir-là, elle semblait ouverte à lui donner une chance malgré tout. Sauf que s’il se fiait plutôt à ses gestes, elle ne cessait de lui envoyer des signes contradictoires et il ne savait plus quoi penser. D’autant plus qu’il était conscient que son secret devait peser lourd sur elle et il voulait lui laisser la possibilité de prendre du recul pour être certaine de son choix, sans qu’il ne s’impose à elle. Caelan avait toutefois de la difficulté à la suivre et repenser à Jessica avait brassé tout un tas d’émotions en-dedans de lui et ne simplifiait pas sa réflexion.

Caelan profitait alors d’un peu de temps libre pour venir se défouler en se dépensant physiquement. Selon l’horaire qu’il s’était fait, la journée d’aujourd’hui était consacrée au haut du corps. Il fit alors plusieurs séries d’exercices qui faisaient travailler les différent muscles de ses bras et de ses abdominaux. Il s’approcha de la station des haltères et déposa sa serviette à ses pieds. Écouteurs sur les oreilles, il se plaça face au miroir, pour pouvoir vérifier sa forme, et il commença sa série d’haltères. Concentré sur sa musique et sur sa respiration, le jeune homme ne portait pas du tout attention aux bruits qui l’entouraient. Toutefois, alors qu’il se regardait dans le miroir, ses yeux croisèrent ceux d’une jeune femme qui lui semblait familière. Celle-ci semblait parler mais comme il écoutait de la musique, il n’entendait rien. Il ne faisait que voir les lèvres de celles-ci s’activer dans le miroir sans un son. Le trentenaire se pencha alors pour déposer ses haltères et saisit sa serviette en même temps. Il retira ses écouteurs et se retourna face à la jeune femme. « Désolé je n’entendais rien. Quoi? » dit-il en s’essuyant le visage et le cou. C’est à ce moment qu’il reconnut la femme en face de lui. « Eli? » dit-il en souriant. S’il se souvenait bien, leur dernière rencontre datait de près 2002 lorsqu’ils s’étaient séparés – lorsqu’il l’avait plaqué devrait-on dire – après un an de relation. « Ça va? Qu’est-ce que tu deviens? » demanda-t-il poliment. Comme il avait mis fin à leur relation lorsqu’elle avait voulu le présenter à sa famille, il n’avait aucune idée si elle allait être contente d’être tombée sur lui. Il espérait que oui parce qu’il y avait eu assez de drame dans sa vie pour cette semaine.

Caelan était toujours sur ses gardes alors qu’il prenait le temps de scruter le visage de son ex en face de lui. Elizabeth avait vieilli, tout comme lui, mais les quelques années qu’elle avait gagnées lui faisaient incroyablement bien. Il était toutefois étonné de ressentir pour elle une attirance physique aussi forte qu’avant leur histoire, comme si elle l’attirait comme un aimant. Il n’avait jamais réussi à expliquer le lien qui les unissait mais il le savait particulier. La jeune femme réapparaissait dans sa vie à un moment particulier et il espérait qu’elle n’allait pas encore plus embrouiller ses pistes. Effectivement, son cœur était déjà déchiré entre son ex-femme, qu’il aimait toujours, et sa colocataire qui lui envoyaient des signaux plus que contradictoires. Le silence d’Eli le rendait d’ailleurs nerveux. Il se demandait si elle entretenait toujours de la rancune à son égard, après la façon dont il avait mis un terme à leur relation. « Oui ça va super. Et bien écoutes, tout va bien de mon côté. J’ai continué ma vie à Brisbane comme tu peux le constater. J’ai obtenu mon diplôme en terminant majore de ma promotion. J’ai ensuite réussi à obtenir un job à la ABC et j’ai grimpé petit à petit les échelons comme je le voulais » Caelan haussa les sourcils, impressionné par tout ce qu’elle avait réussi à accomplir depuis qu’ils avaient perdu le contact. Il dodelina de la tête, en soutenant son regard, pendant qu’il assimilait toute l’information qu’elle venait de lui donner. « Wow, c’est impressionnant. Je suis content pour toi, que tu aies réussi à te rendre où tu souhaitais. » Son résumé ne concernait que sa vie professionnelle et une partie de lui était tout de même un peu curieuse d’en savoir plus sur ce qu’elle était devenue dans les autres pans de sa vie. Chaque chose en son temps, il aurait probablement l’occasion d’en savoir plus si elle le lui permettait. Pour l’instant, il préférait y aller en douceur pour tâter le terrain, avoir une idée de son ressenti par rapport à lui.

« Et toi alors, comment vas-tu ? Que deviens-tu ? » Il l’avait anticipé, cette question, et après qu’elle lui ait fait part de toutes ses réalisations, il se sentait minable à côté. Il fronça les sourcils, l’air songeur, et passa une main dans ses cheveux ébouriffé. « Par où commencer. » Il rit légèrement tout en posant sa serviette sur son épaule. « J’ai terminé mes études en finances, je me suis marié pour divorcer quatorze ans plus tard, pas d’enfants. Après dix ans dans la même entreprise, j’ai décidé de tout lâcher et je me suis poussé au Canada pendant quelques mois. » Il prit une pause et se pencha légèrement vers Elizabeth, comme s’il allait lui dire un secret. « Tu penses que ça rentre dans la définition de la crise de la trentaine? » dit-il un petit sourire en coin, malgré que ça ne l’amusait pas réellement de se chercher autant à son âge. Il se redressa pour poursuivre son récit. « Me voilà de retour depuis un mois, j’ai décidé de tenter ma chance en construction. » dit-il en pinçant ses lèvres ensemble. Il ouvrit sa bouteille d’eau et en prit une gorgée. « C’est la vie, je ne peux pas dire que je suis rendu où je le voulais. » dit-il en reprenant les mots utilisés par son ex. Il haussa une épaule en souriant légèrement, ne sachant pas tellement quoi rajouter de plus. Il resta immobile un instant, à la fixer sans rien dire. Il aurait sans doute pu faire semblant, plutôt que de lui raconter tout ça, mais il n’avait pas spécialement le goût de jouer la comédie. Il avait au moins gardé les détails les plus importants pour lui, tel que le combat que son cœur menait. Il finit par briser le silence en disant la première chose qui lui passa par la tête. « Je suis vraiment désolé pour ce que je t’ai fait dans le temps, j’étais jeune et immature. Remarque, je suis sans doute encore immature, mais j’essaie de m’améliorer. » lui dit-il en toute sincérité.

Caelan décida de mettre ses cartes sur table en s’excusant de la façon dont il avait mis un terme à leur relation, dix-huit ans plus tôt. Il ne savait pas comment Elizabeth avait vécu leur rupture, mais il n’avait jamais voulu lui faire de mal, même si ça ne paraissait peut-être pas à l’époque avec la façon dont il s’y était pris. Comme on dit mieux vaut tard que jamais. Il jugeait qu’il avait fait beaucoup d’erreurs dans sa vie, spécialement dans les deux dernières années, et il essayait de se reprendre en réparant celles qu’il pouvait. « Je ne vais te mentir, ça ne m’a pas fait sourire à l’époque. De l’eau a coulé sous les ponts depuis. Tu l’as très bien dit, on était jeunes et c’est bien normal de faire des erreurs quand on a cet âge. Mais tes excuses sont très appréciées tout de même, je t'en remercie » La réponse d’Elizabeth lui décocha un sourire rassuré. Il se sentit aussitôt plus léger, comme pouvaient en témoigner ses épaules qui se relâchèrent presque instantanément. Il joignit ses deux mains ensemble devant lui, sur sa bouteille d’eau. « Super, je suis content de t’entendre dire ça. » Pas qu’il pensait à leur rupture fréquemment, mais maintenant qu’il l’avait devant lui, il préférait faire les choses correctement. Malgré que leur histoire n’avait durée qu’un an, le trentenaire avait vraiment apprécié le temps qu’il avait passé en sa compagnie et il n’en gardait que de bons souvenirs. « Ca a du bon d’être encore un peu immature tu sais. J’aimerais savoir plus me lâcher par moments. Je suis tellement prise par mon travail que le sérieux déteint sur ma vie privée » Caelan croisa ses bras contre son torse tout en tenant sa bouteille d’eau du bout des doigts, d’un côté. Il fronça les sourcils, dubitatif. Un petit sourire en coin apparut aux coins de ses lèvres alors qu’il s’apprêtait à parler. « Es-tu en train de me dire qu’Elizabeth Warren est rendue sage et sérieuse? » Il s’humecta les lèvres en secouant la tête négativement. « J’ai vraiment du mal à m’imaginer ça, ce n’est pas le souvenir que j’ai de toi. » En même temps, il ne pouvait pas s’attendre à ce qu’elle ait figé dans le temps, il ne l’avait pas vue depuis dix-huit ans ce qui représentait littéralement la moitié de sa vie.

Elizabeth décida de revenir sur les paroles que Caelan avait précédemment prononcées, sur l’insatisfaction qu’il ressentait quant à l’endroit où il était rendu dans sa vie. « Ca veut dire quoi de toute façon se rendre là où on voulait ? On ne sait jamais réellement où on veut aller. » Il n’était pas vraiment d’accord avec son ex sur ce point. De son côté, il avait des objectifs clairs qu’il souhaitait atteindre dans sa vie personnelle, tels qu’avoir des enfants par exemple. Comme il se rapprochait dangereusement de la quarentaine, il ressentait une certaine urgence de réaliser ce rêve alors qu’il se rendait compte de plus en plus que son corps n'était pas éternel. À son âge, il était de plus en plus difficile de trouver une femme qui souhaiterait en avoir. Une femme qui n’avait pas déjà fait sa propre famille. « J’imagine que c’est relatif à chacun. Je peux te dire qu’il y a certains objectifs de vie que je pensais avoir atteint à trente-six ans que je n’ai pas atteint. » Caelan était aussi convaincu que Jessica était la femme de sa vie, mais il avait tout ruiné. Il croyait encore que Jessica et lui finiraient leurs jours ensemble, à peine deux ans plus tôt. C’était peut-être naïf de sa part alors que les taux de divorce sont de plus en plus élevés dans la société d’aujourd’hui. « C’est là qu’on réalise qu’on ne fait pas juste des erreurs à dix-huit ans. » Au contraire, il avait l’impression de faire de plus grosses erreurs qu’à l’époque. Peut-être parce qu’elles avaient plus d’impacts. « Enfin, ce n’est pas grave. On devrait se réjouir du positif j’imagine. » dit-il en haussant les sourcils, en espérant éviter les questions sur ses échecs. Il était clair qu’il ne comptait pas lui parler de son divorce. « Le plus important c'est d’essayer de faire mieux chaque jour, non ? » Caelan hocha vivement la tête en signe d’approbation. « Tu ne peux pas avoir plus raison. L’important est d’apprendre de ses erreurs et d’essayer de faire mieux la prochaine fois. I drink to that. » dit-il avant de lever sa bouteille devant lui pour prendre une gorgée. À défaut d’avoir de l’alcool, il devrait se contenter de son eau. Le brun regarda autour de lui un instant, alors qu’il devait toujours se déplacer un peu quand d’autres personnes voulaient passer tout près. Il rapporta son regard sur son ex, les sourcils froncés. « Je ne serai pas vexé si tu dis non, mais t’as pas envie d’aller ailleurs? Ça fait tellement longtemps qu’on ne s’est pas parlé. » dit-il le sourire aux lèvres sans la quitter des yeux. Ça lui faisait drôle de la revoir, mais il avait goût d’en savoir plus. « On pourrait prendre notre douche et se rejoindre devant pour aller ailleurs. » Il attendit sa réponse en tapotant sa bouteille d’eau à l’aide de son index.

La curiosité de Caelan l’amena à proposer à Elizabeth d’aller dans un endroit différent où ils auraient plus l’occasion de parler et de rattraper tout ce temps perdu. Il aurait pu s’arrêter au minimum et continuer son chemin mais Elizabeth avait toujours eu un drôle d’effet sur lui et ça ne semblait pas s’être dissipé avec les années. Malgré qu’il ne connaissait presque rien de sa vie depuis qu’ils avaient pris chacun leur chemin, dix-huit ans plus tôt, il avait l’impression de l’avoir toujours côtoyée et que la chimie entre eux n’avait pas changée d’une goutte. Il avait sincèrement envie d’en apprendre plus sur elle et il était convaincu qu’ils allaient passer un bon moment car, dans ses souvenirs, il ne s’était jamais ennuyé avec elle. « Tu sais quoi ? Ca serait avec plaisir. Je pense que je vais m’en remettre si je saute une séance pour une fois. Et puis au pire, on n’a qu’à dire que tu devras te rattraper en me faisant faire une. » Le sourire de Caelan s’agrandit lorsqu’elle répondit positivement à son invitation. Il prit une gorgée d’eau et hocha la tête pendant qu’il l’avalait. « C’est un bon deal. Ça dépendra si t’as encore le goût de m’endurer après aujourd’hui. » dit-il en lui souriant d’un air moqueur. Après tout, rien ne garantissait qu’elle aurait envie de le revoir après avoir passé une partie de la journée avec lui. Peut-être se rendrait-elle compte qu’ils s’étaient séparés pour une bonne raison et qu’ils n’avaient plus rien à faire ensemble. De son côté, Caelan n’avait pas pour habitude de rester ami avec ses anciennes copines. Pas qu’il le faisait exprès, ça avait seulement adonné comme ça à chaque fois. Il resta immobile pendant que le regard d’Elizabeth faisait un aller-retour sur sa personne, se mordillant l’intérieur de la joue pour s’empêcher de sourire comme un idiot. « En tous cas il me semble que tu n’as rien perdu de ta forme et j’imagine de tes capacités sportives et si je me rappelle bien toi et moi dans une salle de sport, ça envoyait du lourd » Alors qu’elle venait à peine de le détailler de long en large avec son regard, le brun n’était pas certain s’il devait comprendre entre les lignes qu’elle faisait référence à leur vie sexuelle. Dans tous les cas, que son commentaire concerne la salle de sport ou la chambre à coucher, il ne pouvait qu’être d’accord avec elle. « Je te retourne le compliment. » répondit-il en accompagnant ses paroles d’un clin d’œil et d’un sourire charmeur avant de se diriger vers les vestiaires pour hommes.

Contrairement à Elizabeth, il ne lui fallut pas autant de temps pour se préparer. Il se contenta de prendre sa douche et d’enfiler ses vêtements qui consistaient en une simple paire de jean et un t-shirt noir. Il tenta de dompter ses cheveux mais dû se rendre à l’évidence qu’il devrait se contenter de ses habituels cheveux ébouriffés étant donné qu’il n’avait pas apporté de pâte avec lui pour les placer. Lorsqu’il sortit du vestiaire, il n’aperçut pas Elizabeth ce qui ne le surprit guère puisque les femmes ont généralement tendance à prendre plus de temps pour se préparer. Il prit donc place sur un banc en l’attendant et s’occupa avec son téléphone.  « Me voilà prête pour partir à l’aventure avec toi. Tu as une idée de ce que tu veux faire de moi ? » Caelan releva les yeux en entendant la voix de son ex et ce fût à son tour de prendre le temps de l’observer, bien qu’il le fit avec un peu plus de discrétion qu’elle. La question de son ex l’amusa particulièrement et lui provoqua un sourire amusé alors qu'une pensée inappropriée lui traversa l’esprit. « T’es toujours aussi belle. » lui dit-il tout de même, toujours aussi franc qu’à son habitude. Il ne put s’empêcher de se demander si elle avait pris le temps de se mettre belle pour lui, mais il n’osa pas lui demander. Il se leva de son banc et mit son sac sur son épaule droite. « Tu avais une idée en tête pour la prochaine destination ? Le brun haussa les épaules et se frotta le menton alors qu’il réfléchissait. « De quoi t’as le goût? Tu veux manger? Aller prendre un verre? Toutes ces réponses? » Elizabeth n’était clairement pas habillée pour aller faire une randonnée pédestre, trouver un restaurant ou un bar lui semblait donc comme plus approprié. Il se passa une main dans les cheveux en réfléchissant aux endroits qu’il connaissait où ils pourraient bien aller. « Connais-tu le restaurant The Burrow? C’est sympa et ils ont un peu de n’importe quoi. C’est à Fortitude Valley. Si tu n’as pas faim on peut aller ailleurs. » Même si son estomac à lui commençait à crier famine après son entraînement. « Si ça te tente, c’est moi qui t’invite. » ajouta-t-il en se penchant légèrement dans sa direction tout en plongea son regard dans le sien.

« Si tu invites alors, je veux bien me sacrifier et accepter » La réponse d’Elizabeth à son invitation le fit rire à gorge déployée. « Ok, parce que tu dois te sacrifier pour passer du temps avec moi. La journée promet. » Il avait bien compris à son clin d’œil qu’elle disait ça pour rire et il se faisait un plaisir à la taquiner sur le choix de mot utilisé en embarquant dans son jeu. À moins qu’elle ait changé à ce point, le brun était persuadé qu’elle n’aurait pas été gênée de refuser son invitation si elle n’avait vraiment pas envie qu’ils passent du temps ensemble. C’était d’ailleurs quelque chose qui l’attirait chez elle, faisant lui-même preuve d’une grande franchise. Sauf peut-être dans les deux dernières années et il ne trouvait pas ça très évident de devoir faire plein d’acrobaties pour esquiver les questions de ses proches. Caelan lui proposa finalement qu’ils se rendent au restaurant The Burrow pour manger un morceau. « En vrai, ça me va très bien tant que je suis en ta compagnie. Et puis je commence à avoir un peu faim. Tu m’emmènes avec toi ? » Le trentenaire hocha la tête puis il ouvrit la porte pour laisser passer Elizabeth en premier, en direction du stationnement. « Oui, pas de problème. Je te ramènerai ici tantôt si tu dois venir chercher ta voiture. » Ou peut-être était-elle venue à pied ou en transport en commun, qu’est-ce qu’il en savait. Sinon il se ferait un plaisir d’aller la porter où elle le souhaiterait, advenant que la journée se passe bien. « M'amener à the Burrow, tu n'as rien perdu de tes repères dis moi. » Alors qu’il déverrouillait les portes de son véhicule, il leva les yeux vers Elizabeth en souriant. « Je ne suis pas con au point de te proposer d’aller quelque part sans savoir où c’est. » Il lui fit un clin d’œil et prit place sur le siège conducteur. Il aurait très bien pu se servir de son téléphone pour s’orienter, le cas échéant, mais il savait très bien où ce restaurant se trouvait. Lorsque la jeune femme ferma sa portière, il prit tout de suite la route vers le restaurant.

« Mais ça doit quand même te faire bizarre d'être revenu ici...Ca doit raviver des souvenirs...Et en plus tu me croises maintenant » Caelan n’était pas parti au Canada très longtemps, sept mois tout au plus, mais c’était effectivement un peu étrange pour lui de revenir en Australie. Surtout parce qu’il savait que plusieurs personnes s’attendaient enfin à obtenir des réponses de sa part, ce que son départ n’avait que repoussé à plus tard. Il sembla pensif un instant, alors que ses yeux étaient rivés sur la route devant eux. « Je n’ai été parti que sept mois tu sais. » dit-il en lançant un regard furtif vers elle. « Mais oui, un peu quand même. C’était un peu bizarre d’être seul, loin de tout le monde. » ajouta-t-il le visage impassible. Il resta ensuite silencieux un moment, ne désirant pas discuter des raisons de son exile avec elle. Du moins pas pour le moment. Il stationna sa voiture à proximité du restaurant et attendit qu’elle en sorte avant de prendre la route vers le restaurant en question. Lorsqu’ils pénétrèrent dans le bâtiment, il demanda une table pour deux où une serveuse les escorta sans tarder. « Je suis vraiment content de t’avoir croisée et de pouvoir avoir de tes nouvelles. Je n’ai que de bons souvenirs avec toi, je suis certain qu’on va passer une belle journée. » dit-il en lui souriant sincèrement. Il attrapa le menu d’alcool d’une main pour choisir un breuvage. « Qu’est-ce que tu bois maintenant? » dit-il en la regardant avec les yeux plissés comme s’il essayait de deviner quels étaient maintenant ses goûts. Alcool ou non, la journée risquait d’être agréable en sa compagnie. Un peu de courage liquide ne ferait que rendre le tout un peu plus amusant.

« Oui, j’ai en effet ma voiture ici. De toute façon, faudra bien que tu me ramènes à un moment ou un autre non ? Tu n’es pas devenu un kidnappeur ? » Pas aux dernières nouvelles en tout cas. Ses paroles le firent rire. Il fit mine de réfléchir en se frottant le menton du bout des doigts. « Pas que je sache mais on ne sait jamais! » Il la regarda furtivement d’un air amusé, contemplant presque l’idée de ne pas la ramener à sa voiture pour vrai. Les derniers jours avaient été plutôt difficiles pour lui et il avait soudainement le goût de s’évader avec Elizabeth, comme ils le faisaient dix-huit ans plus tôt. « Tu sais, tu pourrais avoir une rançon conséquente avec la personne que je suis devenue. » Il haussa les sourcils, l’air intéressé. « Vraiment? Je n’avais pas réalisé à quel point Elizabeth Warren était devenue une personne d’intérêt. Attention, tu commences à me donner le goût là. » Il lui sourit, le regard pétillant de malice. « Enfin, pas que j’aurais quelconques réticences à me faire kidnapper par toi...mais bon, on a encore besoin de moi au travail tu comprends » Caelan passa sa langue sur ses lèvres en riant, toujours autant amusé d’entendre la franchise de la jeune femme. Il tourna alors la tête vers elle, un petit sourire au coin des lèvres. « Ça peut s’arranger. Quel est ton horaire de travail? Comme ça je te détacherai du lit à temps. » Il décida d’embarquer dans le jeu de la jeune femme, il y prenait beaucoup trop plaisir d’ailleurs, nostalgique du bon vieux temps et de la chimie qu’ils avaient partagée. L’assurance de la jeune femme déteignait sur lui et ça lui faisait du bien de retrouver sa confiance en lui d’antan.

Sans plus attendre ils prirent la direction du restaurant où ils avaient convenu de se rendre pour prendre une bouchée. Ils se firent rapidement escorter jusqu’à une table où ils pourraient être tous les deux tranquilles pour rattraper le temps perdu. « Moi aussi je suis vraiment ravie d’être tombée sur toi. J’ai aussi de très bons souvenirs à tes côtés. On n’a pas toujours été très sages. » Le brun pinça ses lèvres ensemble pour se retenir de sourire à pleines dents alors qu’il se remémorait plusieurs souvenirs qu’ils partageaient. « Tu as raison. Et pourtant, je n’ai aucun regret. » Enfin sauf de la façon dont il avait mis fin à leur relation mais ce n’était pas ce dont il était question dans le moment présent. Caelan se souvenait des bons moments où ils avaient lâché leur fou ensemble. Il n’avait peut-être pas été prêt à s’engager avec elle sur le long terme à l’époque, il se souvenait toutefois du plaisir qu’ils avaient partagé ensemble à chaque aventure dans laquelle ils s’étaient tous les deux embarqués. Il avait eu l’impression qu’ils pouvaient braver n’importe quoi. « Tu sais, je pense que tu es un des seuls hommes avec qui je me suis vraiment lâchée. Est-ce que c’était du à l’insouciance du jeune âge ? Ou peut-être que toi et moi on a toujours su faire ressortir un certain lâcher-prise chez l’autre… » Le trentenaire lui sourit affectueusement et haussa une épaule. « Peut-être que c’est un peu des deux. » Ils avaient vieilli, certes, mais il sentait quand même qu’elle lui faisait de l’effet et il se laissait volontiers influencer par elle. Séduire depuis son divorce n’était en rien évident avec la pression qu’il se mettait lui-même mais la belle le mettait en confiance et lui donnait envie de lâcher prise et de se laisser aller.

Caelan porta son attention sur le menu de boissons alcoolisées, se demandant quels étaient les goûts de la jeune femme dix-huit plus tard. « Ca dépend de ce que tu prévois pour la suite de la journée…Je ne suis qu’à un sms de prévenir mon assistante de mon absence cette après-midi » Il haussa les sourcils avec intérêt, laissant un petit hum s’échapper de ses lèvres. Il déposa le menu sur la table et accouda ses deux bras contre celle-ci en plongeant son regard lourd de sens dans celui d’Elizabeth. « Je croyais qu’ils avaient encore besoin de toi au travail? J’imagine que c’est là qu’on va savoir si c’était l’âge ou la mauvaise influence qu’on a l’un sur l’autre. » Il ne lui dirait certainement pas quoi faire mais il espérait au fond de lui qu’elle enverrait ce fameux sms parce qu’il n’avait pas envie de repartir seul de son côté aussi rapidement. « Mais peut-être vas-tu retrouver quelqu’un juste après…Je ne voudrais pas te priver d’une charmante compagnie » Comme dans ses souvenirs, Elizabeth n’avait pas l’habitude de tourner autour du pot lorsqu’elle souhaitait savoir quelque chose. Sans aucune difficulté d’ailleurs, il avait bien compris le sens de la question de la jeune femme. Pendant un moment Helena traversa l’esprit de Caelan mais il balaya cette pensée d’un battement de cils. Son regard s’attarda un peu trop longtemps sur le visage de la jeune femme alors qu’il demeurait silencieux en réfléchissant à ce qui était en train de se passer en ce moment. Il finit par se râcler la gorge et à lui répondre. « C’est en partant que tu me priverais d’une charmante compagnie. La décision te revient mais j’aimerais ça que tu restes. » Maintenant la balle était dans son camp.