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Lucia Whitemore & @Swann McGrath

« Swann ! Swaaaaaannnnn viens voir, là bas je suis sûre que c’est un banc de dauphin ! »

On a passé l'après-midi à Byron Bay et je jurerais que c’était la meilleure journée de ma vie si on me le demandait - et certainement si personne ne me posait la question également. La période de migration des baleines touchant à sa fin, nous avons décidé que Gold Coast et ses parcs attendraient le chemin retour et on a foncé jusqu’à cette plage réputée pour permettre d'observer la migration de cétacés mieux que nul par ailleurs. Évidemment, on a glissé plus de pièce que je ne peux en compte dans les jumelles à disposition du public en haut de la falaise, mais force est d’admettre que quand le site internet dit que la période de migration s’étend de juin à octobre, novembre c’est un peu tard. Alors, je m’émerveille devant tout ce que je vois, du moindre goéland jusqu’à des vagues qui se cassent et me donnent l’impression d’avoir aperçu un banc d’animaux marins.

Lorsqu’il est l’heure de plier bagage pour descendre sur la plage - nous passerons la nuit à proximité, je pousse un soupire digne d’une enfant à qui on aurait retiré des doigts sa console. Je négocie, je marchande et prétend que le soleil ne se couchera pas tout de suite et qu’on a le temps. Mais comme il ne suffit que de quelques baisers et sourire à Swann pour me faire céder je remonte dans le van et branche mon téléphone au chargeur solaire qui s’est doré la pilule toute l’après midi : hors de question de tomber en panne de batterie et de ne pas pouvoir prendre un trillion de photos.  « Faut peut-être qu’on évite les plages les plus touristiques si on veut pouvoir faire un feu. » Ils sont interdits sur toute la côte, mais est-ce ça qui va m’empêcher de manger des chamallows grillés ? Je ne pense pas. « Si on roule encore un peu, en dessous de Broken Head y’a d’immenses plages qu’on peut atteindre en voiture, on aura qu’à garer le van presque dans le sable. » Est-ce que je rêve de me réveiller avec une vue sur l’océan ? Je ne prétendrais pas le contraire. Il est confortable, le van de Deklan. Il l’est encore plus étant donné que j’en emporté à peu près tous les coussins de l’appartement de Swann avant de partir. « Ce sera quoi ton meilleur souvenir aujourd’hui ? » Si je pose la question, c’est que j’ai déjà dégainé mon carnet de voyage acheté pour l’occasion. Chaque jour s’accompagne de petites questions, certaines sont invariables et celle-ci en fait partie, d'autres changent un peu tous les jours et moi, je le remplis rigoureusement. Il n’est fait que pour une personne, mais j’ai évidement tracé deux colonnes : une Lucia et une Swann, ce qui me force à écrire tout petit et de façon presque illisible mais qui donne au carnet violet des allures de souvenir que je conserverai toute ma vie. « Dans la colonne Lucia, j’ai mis les dauphins, même si tu me crois pas et si tu dis que c’était que de l’écûme. » Je fronce les sourcils. « Mais je devrais peut-être pas le remplir aussi tôt si on fait cuire les chamallow ce soir. » Mon meilleur souvenir de la journée serait lié à de l’alimentaire que cela ne surprendrait personne. J’étais à ça de mettre les sandwich poulet avocat pour la journée d’hier. « T’as pris des photos ? » Il a un compte instagram à nourrir - ce qui est peut-être ou peut-être pas ma faute - mais j’ai de toute façon pris assez de photos pour deux.

 

« Swann ! Swaaaaaannnnn viens voir, là bas je suis sûre que c’est un banc de dauphin ! » Il n’en a rien à faire du banc de dauphins, Swann, mais il se contente d’être heureux parce que Lucia l’est aussi et que c’est à son sourire qu’il se raccroche à chaque instant. Ils font toutes les attractions clichés de la côte et testent tous les attrape-touristes, et jamais ô grand jamais ils ne pensent même à ralentir le rythme de leur escapade.Et effectivement cela n’avait rien d’un banc de dauphin mais puisque l’océan a bougé et que la vue est belle - pas autant que Lucia mais presque - alors il n’est pas déçu pour autant. La prochaine fois c’est promis, ils prépareront leurs vacances un peu mieux, pas comme Ginny qui veut voir les cerisiers en fleur au Japon mais s’y prend six mois trop tard. Ce doit être une histoire de génétique, une fois de plus.

Elle est une co-pilote qui refuse souvent de reprendre la route mais elle est une co-pilote en or quand même, une fois qu’elle a cédé. Si ça ne tenait qu’à Swann il se serait sans doute contenté d’acheter une carte et se serait perdu un bon millier de fois mais avec Lucia, tout paraît soudainement bien plus simple - et cela a en effet beaucoup à voir avec le fait qu’elle utilise les dernières technologies. Parfois, il est encore tenté de crier à la sorcellerie, et pourtant il écoute chacune de ses recommandations et s’accorde sur ces dernières sans ne jamais penser le contraire. Après tout, il serait bien le dernier à refuser qu’ils passent la nuit sur une plage immense où ils pourraient possiblement être seuls. Être ensemble mais entouré d’un millier de personnes, ils font déjà ça très bien au DBD et cela ne lui manque pas réellement. Qui plus est, elle parle avec des étoiles dans les yeux et il ne veut pas être celui qui se met en travers de ses rêves.

« Ce sera quoi ton meilleur souvenir aujourd’hui ? » “Toi.” Il sourit sans doute plus que de raison et Lucia va encore lui dire que c’est de la triche, qu’il n’a pas le droit de répondre qu’elle est son meilleur souvenir à tous les jours qui passent puisque sinon son carnet perd en intérêt. Il ne ment pas quand il dit ce genre de choses, pourtant, aussi niais puisse-t-il parfois être. “Toi quand la petite sur la plage t’as offert de sa glace pleine de sable pour se faire pardonner de t’en avoir envoyé dessus.” Elle courait trop vite et trop près de l’australienne alors elle en a eu de partout sur le visage et le corps, alors la version miniature s’est excusée. Son cornet de glace aurait vraiment eu l’air appétissant si elle n’était pas en train de le manger de tous ses doigts sablonneux, en plus. Dans tout ça, Swann ne sait pas s’il souriait plus face à cette proposition amusante que face à toute la bonne volonté dont était imprégnée la petite tête blonde. C’est stupide comme genre de souvenirs parce qu’ils ont vu et fait une infinité de choses, mais c’est cette anecdote là qu’il retient bien avant tout le reste.

Il sourit toujours quand Lucia lui raconte sa journée parce qu’il trouve le principe amusant puisqu’ils ont passé chaque seconde collés l’un à l’autre et qu’elle a vécu tout ce que lui aussi a connu. Pourtant, force est de constater qu’il aime plutôt bien cette tradition, maintenant, et qu’il se prête chaque jour un peu plus au jeu. « Dans la colonne Lucia, j’ai mis les dauphins, même si tu me crois pas et si tu dis que c’était que de l’écûme. » C’était de l’écume et jamais il ne changera d’avis à ce sujet, pas même pour lui faire plaisir. « Mais je devrais peut-être pas le remplir aussi tôt si on fait cuire les chamallow ce soir. » “Quand on fera cuire des chamallow.” Dès qu’il aura trouvé la plage et que Lucia lui aura hurlé que c’est sur celle-ci en particulier et pas une autre où elle souhaite passer la nuit, alors ils s’occuperont de manger les meilleurs chamallow grillés de l’histoire des chamallow grillés. Rien que ça, ouais. « T’as pris des photos ? » Tel un enfant pris sur le fait, il ne sait plus que se pincer pour les lèvres et se taire aussitôt. Tout ce qu’il pourrait dire commence par “alors comment dire”, “c’est à dire que”, “euuuuh”, “oh regarde des dauphins !”. Autant dire que non, il n’a certainement pas pris les photos qu’elle lui a dit de faire. “J’ai pris en photo le bar où on est allé, parce que Matt voulait des chaises pareil.” Mauvais réponse, Swann. “Et aussi le genre de yoyo à lumière avec lequel un enfant jouait, parce que celui de Martin adorerait ça aussi.” Toujours la mauvaise réponse. “Et toi aussi quand tu fais la grimace parce que tu pensais que c’était de la crème chantilly avec tes pancakes et pas un carré de beurre.” Celle là, pour le coup, il la trouve vraiment très drôle. “Je vais certainement oublier de passer sur mon compte dès qu’on sera rentrés à la maison, de toute façon.” Et le voilà qui débute déjà toute sa stratégie de dédouanement : c’est pas sa faute, il le jure, et bientôt plus personne ne s’en rendra compte. “En plus, il ne faudrait pas que mes photos fassent de l’ombre aux tiennes avec le nombre incroyable d’abonnés que j’ai maintenant.” Il doit en avoir dix, à tout casser. Mais trois sont certifiés par instagram, donc ils devraient compter pour autant qu’ils ont d’abonnés à leur tour, non ? Comment ça, tout ne fonctionne pas ainsi ?

“Ici ?” Sable fin, océan, personne pour critiquer le fait qu’ils mettront une éternité à allumer leur petit feu de bois (interdit). Ça semble parfait. Ils peuvent voir les étoiles, en plus.

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« Toi. » Je roule des yeux d’un air excédé qui, bien sûr, n’a rien de sincère et n’est que le résultat d’un mauvais jeu d’actrice. Je fonds à chaque fois que son anecdote a quelque chose à faire avec moi - tous les jours donc - et je rougis de bonheur sy-té-ma-ti-que-ment. « Tu triches. » Et en plus il me donne l’impression d’être ridicule à penser aux dauphins alors qu’il sait pertinemment que ce voyage n’aurait rien à voir sans lui et qu’il sera mon meilleur souvenir de tous. A choisir entre l’observation d’animaux, le surf, les chamallow ou simplement quand il m’attrape la main en conduisant, je choisis ma main dans la sienne, à tous les coups. « Toi quand la petite sur la plage t’as offert de sa glace pleine de sable pour se faire pardonner de t’en avoir envoyé dessus. » J’éclate de rire en me souvenant de cette gamine penaude qui m’a tendu une glace immangeable. J’ai tenté de refuser en lui disant qu’elle pouvait garder sa glace, elle a insisté et est restée pour être sûûûûre que j’en profiterais. Alors, en grimaçant, j’ai léché du bout de la langue avant de tout recracher dès qu’elle a tourné les talons. « Si tu continues je vais mettre ta chute en surf dans ma colonne, quand la planche est revenue sur la plage et que t’étais encore au large parce que t’avais mal accroché la dragonne. » Moi, j’ai éclaté de rire avant de reprendre un air le plus sérieux possible quand il est revenu en prétendant que ”l’eau était trop froide pour faire du surf de toute façon”. « Quand on fera cuire des chamallow. » Je ne sais même pas pourquoi je pose la question tant la nourriture est devenue une sorte de culte pour nous, une secte ou le gourou chocolat régirait nos vies sans qu’on ne s’en plaigne le moins du monde.

Moi, je suis également une victime du culte des réseaux sociaux et, si je n’oublie jamais de vivre les moments présent, je n’envisagerais jamais de ne pas les immortaliser. « J’ai pris en photo le bar où on est allé, parce que Matt voulait des chaises pareil. Et aussi le genre de yoyo à lumière avec lequel un enfant jouait, parce que celui de Martin adorerait ça aussi.» Oui, mais ça ça ne compte pas parce que ce ne sont pas des photos pour lui mais pour les autres. « Et toi aussi quand tu fais la grimace parce que tu pensais que c’était de la crème chantilly avec tes pancakes et pas un carré de beurre. » « Je vais peut-être te confisquer ton téléphone finalement. » Comme une enfant, je lui tire la langue. En même temps, quelle idée aussi de mettre de la chantilly sur des pancakes plutôt qu’un carré de beurre demi-sel. « Je vais certainement oublier de passer sur mon compte dès qu’on sera rentrés à la maison, de toute façon. » A la maison. Chez nous. Je ne m’arrête même plus sur le fait qu’ils parle de son appartement comme du nôtre puisque c’est devenu familier, rassurant, et si rien n’a jamais été dit officiellement j’aime penser que j’y suis autant chez moi qu’à la colocation à laquelle je ne passe de toute façon pratiquement plus. « En plus, il ne faudrait pas que mes photos fassent de l’ombre aux tiennes avec le nombre incroyable d’abonnés que j’ai maintenant. » « Je comprends pas. » Je boude presque cette fois ci. « Je comprends pas comment t’arrives à ce que des comptes certifiés te follow back. » Bon, je boude pour de faux, ok, puisque je lui retourne un sourire insolent. « C’est injuste et c’est juste la chance du débutant. Et de toute façon je mettrais les photos moi-même si tu le fais pas. » Je ne ferais rien de tout ça, je respecte bien trop son intimité pour me le permettre mais j’aime prétendre le contraire.

De toute façon j’ai déjà oublié les photos puisque sous mes yeux défilent des plages de sable bien réelle que je commente à chaque kilomètre parcouru. ”Non pas ici il y a trop de vent”, ”Ici c’est pas assez isolé on va forcément devoir partager la plage avec des touristes” ou encore ”c’est pas assez dégagé pour observer les étoiles”, je suis difficile et exigeante mais parce que j’ai envie que cette soirée ne soit rien d’autre que parfaite. Swann se plie au moindre de mes désirs et quand il ralentit devant une petite crique, la bonne, un immense sourire me mange le visage. « Ici ? » « Ici. » C’est parfait, ça l’est assez pour ce que j’ai en tête en tout cas. Il gare le van en bordure de plage et dès que je sors dehors je sais que je n’ai pas envie de dormir enfermée dedans cette nuit. « Dans le van ou sur la plage ? Si on met les serviettes dessous on peut sortir le matelas non ? » C’est utopique de penser qu’il ne sera pas plein de sable mais n’y ai-je pas toujours été accro aux utopies ? « On est assez loin des villes pour voir les étoiles en plus... » Dis oui, dis oui. « On allume le feu ? Ou tu veux te baigner ? » Le soleil commence à peine à se coucher et il fait encore très chaud, il fera chaud toute la nuit de toute façon puisque le printemps est bien installé. Je sors une boite de cookies de la boîte à gants avant de commencer à grignoter en observant le paysage. « C’est vraiment parfait... » Et moi, je suis vraiment très amoureuse. « Merci d’avoir proposé ce voyage. » Puisque j’avais oublié que ça pouvait être aussi beau, une relation amoureuse. J’avais oublié que je pouvais mériter ce genre de moments et d’attentions.

« Je comprends pas. » Et parce qu’il a vraiment la mémoire courte, Swann relève un sourcil intrigué, prêt à entendre toutes les bêtises qu’il a pu aligner les unes à la suite des autres aujourd’hui - quoi d’autre ? « Je comprends pas comment t’arrives à ce que des comptes certifiés te follow back. » Oh. Il baisse la tête par automatisme, souriant sans même y penser. Il n’avait jamais réellement pensé que, en effet, parmi ses quelques abonnées il pouvait compter des stars du cinéma. Jusqu’à aujourd’hui en tout cas, il s’était contenté de le penser, mais jamais d’en parler à voix haute. “Un magicien ne révèle pas ses secrets.” Il défait ses yeux de la route une seconde pour se tourner vers Lucia, taquin. Il n’est de toute façon pas encore prêt pour lui raconter toute l’histoire, cela va de soi, mais il est persuadé que le jour où ce sera le cas approche à grand pas. « C’est injuste et c’est juste la chance du débutant. Et de toute façon je mettrais les photos moi-même si tu le fais pas. » Ses yeux ont retrouvé la route et cette fois-ci il ne peut pas s’empêcher de rigoler, loin d’être déstabilisé par les mots de sa petite amie. “Seriez vous en train de me menacer mademoiselle Whitemore ?” Il avance, son air faussement outré étant mis à mal par le sourire qui ne se déloge pas de son visage. Et puisqu’il n’a pas à changer les vitesses et que c’est sans danger, il vient finalement prendre la main de Lucia dans la sienne pour la caresser doucement. C’est une promesse de plus qu’un jour il lui en parlera, réellement, de ça comme de tout le reste. “Ce sont des amis, c’est ça l’astuce.” En attendant il la laisse avec cette simple information qui n’a rien de mensongère, quand bien même elle simplifie bien trop la dure réalité des adultes.

D’un « Ici. » partagé ils se mettent finalement d’accord de la plage sur laquelle se garer et passer la nuit. Toutes celles d’avant lui semblaient très bien aussi mais il faut bien avouer que Swann n’est pas du genre à remarquer les détails dans ce genre de toute façon, même s’il se concentre et essaye de tout son coeur. « Dans le van ou sur la plage ? Si on met les serviettes dessous on peut sortir le matelas non ? On est assez loin des villes pour voir les étoiles en plus... » Et à la voir négocier ainsi sans qu’il n’ait eu le temps d’ouvrir la bouche, l’anglais comprend bien qu’elle ne souhaite pas dormir dans le van. A cela il ne voit aucun inconvénient, bien sûr, et si cela peut la rendre heureuse alors il serait bien le dernier à vouloir se mettre en travers de ses envies. Il n’attend pas bien longtemps avant de commencer à sortir le matelas et une paire de serviettes (parmi le nombre bien trop important de toutes celles qu’ils ont emmené avec eux) pour le protéger du sable. Comme ça, elle verra les étoiles. « On allume le feu ? Ou tu veux te baigner ? » Il pensait Ginny bavarde avant de rencontrer Lucia mais maintenant, force est de constater qu’elle lui a fait totalement changer d’avis au sujet de sa sœur. Pourtant il en est loin de s’agacer et la moindre question l’amuse, sans doute même bien plus que de raison. “Et toi, qu’est ce que tu préfères ?” Elle cherche toujours à agir selon ce que désire ou préfère l’anglais mais pour une fois rien ne presse, alors il souhaite réellement qu’elle sache qu’elle a son mot à dire à chaque instant. Pour autant, cela ne l’empêche pas de dérober un cookie de sa boîte en même temps qu’il l’embrasse sur la joue, le fourbe. Elle lui aurait donné s’il l’avait demandé mais ça aurait été bien trop facile, voyons.

Assis à l’arrière du van, les jambes se balançant dans le vide, il attend sans doute qu’un miracle mette en place leur camp de fortune à sa place. Il a néanmoins l’excuse d’être en train de manger son cookie. « C’est vraiment parfait... Merci d’avoir proposé ce voyage. » Cette fois-ci il n’a pas envie de faire aucune blague douteuse ou de l’embêter, Swann la ramène donc doucement près de lui en faisant passer une main dans son dos. Une fois à sa portée, il l’embrasse amoureusement. “J’aurais pas voulu le faire avec qui que ce soit d’autre.” Il assure, murmurant presque, jouant de ses cheveux avec sa main libre. Cette plage est désormais à eux et la nuit avec, et si Swann n’aurait pas voulu faire ce voyage avec personne d’autre, il n’aurait pas non plus voulu passer cette soirée avec une autre personne. Personne ne peut en douter, à en juger par l’intensité de laquelle brillent ses yeux. “Je t’ai fait faire un double des clés pour l’appartement.” Pour que ce soit réellement le sien, pour vrai de vrai, officiellement. “J’étais supposé te le donner là mais je crois que je l’ai perdu quelque part dans le van, en fait.” Il ajoute et reprend, quelque peu pataud, haussant finalement des épaules. On dit que c’est l’intention qui compte, non ?

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Je ne suis pas réellement jalouse : au bingo des péchés capitaux, je coche une case et il ne s’agit pas de l’envie (je crois qu’on sait tous de laquelle il s’agit). Bien sûr, je me suis étranglée en voyant que des célébrités suivaient mon petit ami et son profil parfaitement vide mais lorsque je le mets sur le tapis cela n’a rien de mesquin. « Un magicien ne révèle pas ses secrets. » « Même pas à moi ? » Un air innocent sur le visage, je papillonne des cils et je tente de l’attendrir. « Seriez vous en train de me menacer mademoiselle Whitemore ? » « Non, c’est pas mon genre ! » Je feins un air outré, avant d’avouer que « Je te menace pas. Je dis juste que ça serait presque égoïste de pas faire profiter des paysages à ceux qui sont pas venus avec nous. » Je sous entends surtout que je vais prendre un malin plaisir à montrer à Charlie, Deklan, Matt et Ginny tout pleins de photos de couchers de soleil et de réveils les pieds dans le sable pour les narguer. Ils me manqueront quand j’arrêterais de travailler au DBD, ça me manquera de ne plus les y voir quasiment tous les jours parce qu’ils y bossent ou parce qu’ils y passent leur vie, et sans trop savoir pourquoi, je n’ai pas encore osé dire à Matt que je songeais à me concentrer sur mon activité au sein de l’agence Pearson, maintenant que je sais que je me débrouille. « Ce sont des amis, c’est ça l’astuce. » Je lève un sourcil et, plutôt que d’être plongée dans l’insécurité face à cette déclaration - ce qui serait le cas si je pensais vraiment que Swann fréquentait des gens aussi cools comparés à moi - je le prends comme une blague. « Et moi je suis la cousine de Lady Gaga et la meilleure amie d’enfance de Beyoncé, mais elles ont préféré conserver mon anonymat. » J’éclate de rire et je passe à autre chose, puisque je ne suspecte pas une seule seconde que Swann connaissent vraiment les deux acteurs qui sont au centre de toutes les conversations people en ce moment, encore moins que leur histoire soit si compliquée.

De toute façon, l’endroit où nous nous garons est merveilleux, parfait, et c’est ce sur quoi j’ai envie de me consacrer, pas les faux amis de mon petit ami. Je suis éblouie et déconcentrée, sans quoi il aurait fallu qu’il se lève tôt pour réussir à me voler de la nourriture sans que je ne lui saute sur le dos pour me battre pour récupérer un cookie alors que nous en avons une boite toute entière. « Et toi, qu’est ce que tu préfères ? » Il sait déjà ce que je préfère, c’est écrit sur mon front et tandis qu’il s’installe à l’arrière du van, je m’approche de lui avec des étoiles dans les yeux. « Dormir à la belle étoile ? On l’a jamais fait encore et avec les couvertures il fait assez chaud pour que ce soit agréable. » Et surtout, c’est parfait pour la férue de romantisme que je suis sans avoir honte de l’avouer. J’allumerai la guirlande lumineuse que j’ai embarquée avec nous et l’instant sera parfait, j’y tiens puisque j’ai envie de passer une étape de plus dans notre relation. « J’aurais pas voulu le faire avec qui que ce soit d’autre. » Il me ramène à lui, écarte les cuisses pour me faire une petite place et moi j’enlace sa nuque de mes bras. « Moi aussi, c’est parfait vraiment. Et je t’aime, je crois que je l’avais pas encore dit aujourd’hui. » Bien sûr que je l’avais dit aujourd’hui. J’ai du mal à m’en passer, il m’a donné l’autorisation de le répéter autant de fois que je le veux et le contexte de notre voyage y est propice. Il m’embrasse, et on ressemble à deux enfants qui manipulent des mots d’adultes. Moi, je pose ma tête dans son cou et je profite des caresses de ses mains sur mon dos. « Je t’ai fait faire un double des clés pour l’appartement. » En entendant ces mots, je recule mon visage pour l’observer. J’ai passé ma vie à avoir peur de m’imposer et, alors qu’il m’invite dans son quotidien sans que je n’ai l’impression d’avoir besoin de forcer quoi que ce soit, je suis particulièrement émue. « J’étais supposé te le donner là mais je crois que je l’ai perdu quelque part dans le van, en fait. » Je suis si émue que, dans un premier temps, j'ignore comment réagir. « C’est la faute de Deklan ça, il aurait quand même pu ranger le van avant de te le prêter. » J’ai besoin de quelques secondes de plus avant d’intégrer l’information et de la digérer. « Tu m’as fait un double des clés ? » Pour moi ? Pour que j’y sois chez moi ? « T’es conscient que ça veut dire que tu vas vraiment m’avoir tout le temps dans le coin ? » Je ne vis presque plus à la colocation de toute façon, Leah est partie et je n’ai jamais été aussi proche de Scarlett que ce que je l’étais d’elle. L’idée d’avoir un chez nous me séduit, que ce soit son appartement ou ailleurs. « Et que je vais commencer à remplir le frigo avec tout un tas de trucs de filles ? » Le frigo, la salle de bain, ses placards… Oups, déjà fait. « Je… Je sais pas quoi te dire, si ce n’est que je t’aime, mais tu vas en avoir marre que je le répète à force. » J’espère que c’est faux, il pourrait de son côté le répéter un milliard de fois que je ne m’en lasserais jamais. Je me retourne entre ses bras pour appuyer mon dos contre son torse, et son bras passe autour de mes épaules. « Tu sais j’ai longtemps cru que j’aurais jamais plus envie ou assez confiance en un homme pour envisager de vivre avec lui. » Après Lawrence. « Mais j’ai confiance en toi, vraiment. » De tout mon cœur. Je réalise que je m’avance un peu et, en rougissant, je tourne la tête dans sa direction. « Je dis pas que tu me proposes de vivre avec toi hein ! » Pour une fois, c’est moi qui ai peur d’aller trop vite pour lui. « Je dis que j’ai envie de passer tout mon temps avec toi et que c’est pas prêt de me passer. Alors quand t’auras retrouvé le double, il ira directement sur mon porte clés. » J’en achèterai même un de plus pour l’occasion, quelque chose de bien kitch que je trouverai à la boutique de la plage.

C’est peut être plus simple si elle ne le croit pas, finalement. « Et moi je suis la cousine de Lady Gaga et la meilleure amie d’enfance de Beyoncé, mais elles ont préféré conserver mon anonymat. » Swann ne s’offusque pas de sa blague, au contraire, il se contente de sourire doucement une fois de plus. Il pourrait aisément lui prouver par A + B qu’il a réellement connu les acteurs dont il est question mais ce n’est pas ce qu’il y a de mieux à faire pour le moment. “La classe.” L’anglais reprend finalement sur le même ton, jugeant qu’il est temps de changer de sujet pour ne pas reparler de ces derniers avant longtemps encore. Il lui dérobe donc son attention et un baiser, imaginant déjà qu’elle n’étirera pas cette conversation. C’est ce qu’il y a de mieux à faire pour le moment, rien ne doit venir troubler leurs vacances idylliques.

Pour lui prouver à son tour qu’elle compte bien plus pour lui qu’il ne l’a jamais laissé paraître ces derniers mois, c’est le double des clés de son appartement qu’il lui promet dans un futur proche. Dans le même temps, laisser reposer sur Deklan la faute du van dérangé est le parfait alibi à cela. Fort heureusement pour lui la jeune femme ne semble pas lui en tenir rigueur et il est simplement heureux de pouvoir la garder près de lui si facilement et si naturellement. Ils sont bien, simplement bien, et en plus de ne pas vouloir faire ce voyage avec qui que ce soit d’autre, il ne voudrait pas être nulle part ailleurs en ce moment même. « Tu m’as fait un double des clés ? Pour moi ? Pour que j’y sois chez moi ? » Il sourit un peu plus encore, toujours plus. Elle agit toujours avec tant de délicatesse, Lucia, et cela ne fait que le rendre un peu plus heureux à chaque fois. “Je voulais les donner à Lady Gaga mais elle m’a dit que sa cousine en ferait meilleur usage.” Il replace les cheveux de sa petite amie et l’embrasse une fois de plus, ses éternelles fossettes trahissant son humeur du moment. La vérité, c’est qu’il aurait dû lui donner les clés il y a longtemps déjà. Il aurait dû officialiser son emménagement dès qu’il a compris qu’elle se sentait en sécurité chez lui ; et que lui était heureux de vivre à ses côtés. « T’es conscient que ça veut dire que tu vas vraiment m’avoir tout le temps dans le coin ? Et que je vais commencer à remplir le frigo avec tout un tas de trucs de filles ? » L’anglais rigole aussitôt, amusé qu’elle tente encore de lui laisser une porte de sortie comme s’il n’avait pas déjà pensé à tous les pours et les contres. Maintenant qu’il est sincèrement attaché à la jeune femme, il ne risque pas de faire chemin inverse avant bien longtemps - et c’est comme dire “jamais”. Ils ont encore beaucoup d’étapes à passer mais il ne doute pas qu’ils y arriveront ensemble et le feront pas à pas. “C’est supposé être quelque chose de mauvais ?” A son tour il en rajoute, ironique et faussement étonné. Il est impatient de pouvoir officiellement la compter à ses côtés chaque jour et de voir son frigo se remplir d’un infinité de choses dont il ne comprendra pas le moins du monde leur utilité. Qu’elle s’étale et qu’elle change ce qu’elle veut, tant qu’elle se sent chez elle c’est tout ce qui importe. Swann tient beaucoup à sa petite vie bien rangée mais il tient plus à elle encore.

Lorsque le ton de la discussion devient plus sérieux, il y adapte ses gestes en conséquence et les fait devenir plus doux encore, caressant désormais son bras en osant à peine l’effleurer. « Tu sais j’ai longtemps cru que j’aurais jamais plus envie ou assez confiance en un homme pour envisager de vivre avec lui. Mais j’ai confiance en toi, vraiment. » Ce ne sont pas des mots qu’il a l’habitude d’entendre et pourtant il en comprend toute la portée et l’importance. Cela signifie beaucoup pour lui que Lucia lui dise de telles choses d’elle même et à son tour il se promet une fois de plus de ne jamais la trahir ou lui faire du mal. Il a déjà fait ce genre d’erreur à de bien trop nombreuses reprises mais cette fois-ci, il se le jure, Lucia ne sera jamais laissée de côté pour qu’il soit le seul à pouvoir s’en sortir. Elle mérite d’être heureuse et qu’on la traite comme elle le mérite réellement. Avant de répondre, il la serre un peu plus contre lui. “Tu mérites d’être heureuse.” Il ne sous entend pas qu’il rend les gens heureux, bien loin de là, mais elle semble l’être en imaginant emménager avec lui alors il se raccroche à sa déclaration. « Je dis pas que tu me proposes de vivre avec toi hein ! » Pour calmer cette agitation soudaine, l’anglais pose délicatement ses mains autour de son visage pour pouvoir la regarder dans les yeux. “C’est exactement ce que je te propose Lucia.” Il a eu besoin de longues semaines pour pouvoir accepter ces mots et cette nouvelle étape de franchie et pourtant, il n’a jamais douté que ce serait une bonne idée. “Je t’aime aussi.” Ses mots font écho à ceux de Lucia prononcés il y a plusieurs secondes déjà, lesquels il refusait de laisser sans réponse. Elle a besoin de savoir qu’il restera à ses côtés et qu’il ne la veut qu’un peu plus présente dans sa vie à chaque instant, alors c’est ce qu’il lui laisse petit à petit comprendre à sa manière. “On peut rester comme ça jusqu’à ce qu’on doive repartir, sinon.” Il reprend, le grand imbécile, ses bras posés autour des épaules de la jeune femme et sa joue posé contre ses cheveux. Les chamallows se grilleront à distance, le matelas restera sur le sable, ça ne serait pas si pire que ça en a l’air, non ? Tant que Lucia reste à ses côtés, à vrai dire, il serait prêt à dire qu’il est heureux et ce ne serait pas un mensonge. Il dépose un baiser contre sa nuque et laisse ses lèvres sur sa peau sans insister. "Mais si jamais t'insistes vraiment, on peut allez faire le feu." Pour manger ensuite, pour mieux dormir à la belle étoilé au final. "Et on met en place une règle qui dit que si j'arrive à te voler ton chamallow sur le feu, alors il devient le mien." Notons que la règle ne s'applique pas des deux côtés et qu'il ne peut que gagner sans jamais perdre. Il ne perd jamais le nord, l'anglais.

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Lucia Whitemore & @Swann McGrath

« Je voulais les donner à Lady Gaga mais elle m’a dit que sa cousine en ferait meilleur usage. » Je suis tentée de rétorquer un gna gna gna qui ferait le plus bel effet, simplement pour masquer à quel point je suis touchée par son geste. Nous n’en avons pas vraiment parlé mais à mes yeux, c’était l’étape suivante, celle qui avait des allures d’évidence puisque depuis plusieurs semaines je passe mon temps chez lui et que personne ne s’en plaint, et je suis contente que ce soit le cas aux siens également. Heureuse qu’il l’ait fait de lui même puisque, grâce à ça et pour la première fois, je n’ai la sensation de forcer la main de personne. « Elle peut pas faire les aller retours tous les quatre matins de toute façon depuis Malibu, aucun intérêt. » Là, c’est le moment où je récupèrerais les clés entre mes doigts, les joues rouges et les yeux brillants s’il ne les avait pas perdues à l’intérieur du van. A la place, je dépose un baiser sur sa joue, suivi de près d’un contre ses lèvres. Des baisers qui disent autant je t’aime que merci et je ne m’imagine plus sans toi. Des baisers qui disent ce que l’émotion m’empêche de confier. « C’est supposé être quelque chose de mauvais ? » « C’est pas quelque chose de mauvais si t’aime le lait d’amande, le chou kale et les cheveux dans la douche. » Mais ceux là il n’aura pas à leur faire la guerre : j’ai tellement peur de déranger que je fais depuis des jours mon nécessaire pour qu’il remarque le moins ma présence, sauf quand il s’agit de voler la télécommande ou ce qu’il y a dans son assiette, cela va sans dire.

« Tu mérites d’être heureuse. » Elle est simple cette phrase. Elle est toute simple même mais je ne l’ai pas entendue depuis si longtemps qu’elle m’émeut. Elle m’émeut puisque, après ma rupture, je me suis convaincue que j’avais mérité d’une façon ou d’une autre ma relation douloureuse avec mon ex tout comme sa fin. « C’est exactement ce que je te propose Lucia. » J’avale de travers un morceau du cookie que je recommençais à peine à oser manger, de peur de troubler le moment, et je tourne la tête pour pouvoir attraper son regard.

« Je t’aime aussi. »
« Tu me proposes d’emménager chez toi ? »

Je ne veux pas que mon enthousiasme le force à sauter un cap qu’il n’était pas prêt à sauter. Peut-être pensait-il simplement me donner un double, que je n’ai plus à sonner chez lui, mais pas forcément à m’avoir sur son dos tous les jours. Dois-je déménager ? Conserver un moment mon appartement pour ne pas risquer qu’il panique ? Amener toutes mes affaires chez lui ou continuer les allers retours ? J’ai peur de poser toutes ces questions parce que j’ai peur qu’il se force à me donner les réponses que j’ai envie d’entendre. Moi, je veux avancer au rythme de Swann puisqu’il est si patient avec moi en ce qui concerne tout le reste. « On peut rester comme ça jusqu’à ce qu’on doive repartir, sinon. » La tête posée dans son épaule, je ne vois pas d’objection à apporter à ça. Je suis bien tout contre lui, ses bras passé autour de ma taille qui retombent sur mes hanches. « On peut. On est pas si mal comme ça. » Je risque d’avoir un torticoli mais tant que je sens la chaleur de son corps transpercer mon t-shirt je peux prendre sur moi. Je ne dirais pas que ce que je ressens pour Swann je ne l’ai jamais ressenti  : nous n’avons plus que l’allure d’enfants, nous sommes des adultes avec un passif plus ou moins lourd. Mais ce dont je suis certaine, c’est que je ne me suis jamais sentie autant respectée, autant en confiance et aussi vite. Swann est quelqu’un de bien et j’aimerais qu’il puisse en avoir conscience autant que moi. Lorsqu’il me dit qu’il ne me fera pas de mal je le crois, sans une once d’hésitation et je pense qu’après Lawrence, j’avais besoin de rencontrer quelqu’un comme lui. « Mais si jamais t'insistes vraiment, on peut aller faire le feu. » « J’insiste pas pour me décoller mais… Pense aux chamallows... » Et aux étoiles. Et à toutes ces choses qui sonnent certainement plus romantiques que ce qu’elles ne le sont réellement mais, tant pis. « Et on met en place une règle qui dit que si j'arrive à te voler ton chamallow sur le feu, alors il devient le mien. » « On peut aussi dire que s’il tombe dans le feu tu sautes ton tour ? Un chamallow de moins pour toi. » Je ne suis de toute façon pas une grosse mangeuse - je mange mal, horriblement mal mais peu - et il aura les deux tiers du paquet pour lui tout seul. « On aurait pu compter les chutes en surf aussi, j’aurais le ventre plein ce soir. » Un Swann qui tombe de sa planche et un bonbon qui tombe de sa pique en bois, n’est-ce pas la même chose finalement ?

Une fois les règles du jeu - oui, les règles, vraiment - fixées, j’aide le blond à étaler les serviettes sur le sable et à tirer le matelas du van pour le déposer dessus. J’installe les couvertures, les oreillers (et les chamallows, évidemment) avant de m’installer en oubliant que le feu ne s’allumera pas tout seul. « Un feu, c’est un peu comme un barbecue non ? » Sauf que l’allumage du barbecue a toujours été strictement la tâche de mon père en vacances et en week-end, sa religion même et que moi je n’ai jamais manifesté le moindre don pour ça. « Tu sais allumer un barbecue hein ? » Je pose la question pleine d’espoir, pas parce que Swann est un homme et que la tâche est forcément masculine : non, simplement parce que si ce n’est pas le cas, nous ne sommes pas sortis de l’auberge.

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« Je te propose d’emménager chez moi. » J’avais bien compris donc, je n’ai pas surinterprété ses paroles pour entendre ce que j’avais envie d’entendre, je ne me suis pas fait des idées en imaginant déjà charger mes affaires dans un camion de déménagement pour tout amener chez Swann. Y aura-t-il la place d’ailleurs ? Est-ce vraiment le moment de me poser toutes ces questions logistiques alors que je réalise que, perdue parce que je ne savais que penser et que je ne voulais pas me faire de faux espoirs, je n’ai même pas encore dit oui ? « C’est d’accord. J’en ai envie aussi. » Il faut que je vende mes meubles ? Ce que j’ai acheté il y a à peine un an ? Cartésienne, Hannah me dirait qu’il est bien trop tôt pour que j’envisage de vivre avec mon petit ami, je l’entends déjà dire et s’il te quittait comme Lawrence ? Tu te retrouverais à devoir retourner encore une fois chez papa et maman. Sauf que je m’en fiche d’Hannah et son défaitisme : j’ai foi en Swann et moi et tant pis si ça fait de moi une idiote. Peut-être que je pourrais louer un garde meuble, en attendant de savoir quoi faire. Ou bien pourrais-je sous-louer ma chambre dans la colocation en y laissant le nécessaire. Quoi qu’il en soit, ce sont des soucis qui n’en sont pas, des points sur lesquels je m'interrogerai plus tard puisque pour l’instant j’ai simplement envie de profiter de l’instant. « Tu crois que Pancake accepterait qu’on enlève une ou deux des six gamelles pour que je puisse mettre mes chaussures à l’entrée ? » Pancake n’existe pas encore donc je doute qu’il s’en formalise. « J’ai hâte de le dire à Gabrielle. Et mes parents vont vouloir te rencontrer, j’espère que t’en es conscient. » Hannah risque de vouloir parler avec lui sérieusement mais je ne doute pas de la capacité de Swann à charmer ma famille, comment pourrais-je douter alors que de mon côté je fonds totalement pour lui ? Surtout lorsqu’il négocie déjà de la nourriture, surtout lorsqu’il passe sa main dans mes cheveux pour me faire regretter mes moqueries et qu’il pince mes joues pour les étirer et me faire faire mille grimaces plus hideuses les unes que les autres ? J’éclate de rire et je me dégage doucement pour récupérer le contrôle de mes lèvres et prendre celui des siennes en y déposant un baiser qui dure un peu trop pour ne pas saper toute ma motivation à installer le camp.

Pourtant, puisqu’il est préférable d’avoir tout installé avant que le soleil ne se soit complètement couché, nous nous détachons l’un de l’autre et mettons en place tout ce qu’il nous faut. Moi, j’entrevois déjà que d’ici quelques minutes nous serons en train de déguster des chamallows mais surtout, je pense à mes plans du soir, ceux dont il ne sait rien et je me dis que le cadre est plus parfait que dans n’importe quel conte de fées. « J’ai triché. J’ai pris des allumettes. Prépare tes munitions. » Je pousse un soupir de soulagement. Il faudra qu’il parachève sa technique s’il veut impressionner mon père - pour lui c’est une religion - mais moi, tout ce que je veux c’est pouvoir faire fondre les bonbons que j’enfile déjà sur des piques de bois sur ma langue. Disciplinée, je les enfile par trois sur les piques et je les trie en deux tas parfaitement égaux, bien que consciente que j’ai certainement les yeux plus gros que le ventre. Rapidement le feu crépite, la plupart des australiens pure souche s’en moquerait mais moi j’ai les yeux qui brillent rien qu’à regarder Swann se plier en quatre pour parvenir à obtenir quelques flammes. A tel point que, quand il me vole mon premier chamallow que je viens d’observer cuire impatiemment, je n’arrive pas à lui en vouloir. « Je t’ai pas dit ? Je suis ton goûteur maintenant, je m’assure que personne ne t’empoisonne. » Grande gamine, je lui tire la langue avant de rétorquer. « C’est pas grave, de toute façon j’ai mis les plus petits sur tes brochettes à toi et j’ai gardé les plus gros pour moi. » C’est faux évidemment, je suis même plus du genre à faire l’inverse. « Et je suis sûr que maintenant, ton second essai sera encore plus prometteur. » Fausse boudeuse, je me tourne pour lui montrer mon dos et lorsqu’il tente de s’emparer de ma brochette, je tends les bras pour l’en empêcher. « T’auras le droit d’essayer de me faire couler, c’est ma proposition pour que tu veuilles pas essayer de me tuer d’ici là. » « Pas touche ! » L’hilarité me gagne bien plus que toute contrariété. C’est impossible de rester fâchée contre Swann, surtout quand son sourire fait apparaître ses fossettes et je cède, je lui donne un second bonbon. « Les miens sont meilleurs parce que tu tiens les tiens trop proches du feu. » J’attrape son poignet pour le remonter un peu plus. « Prochaine étape je t’apprends à pas cramer les pancakes ! » J’aime le houspiller quand à la qualité de sa cuisine pour oublier qu’en février il n’était pas si loin de me battre au concours de rainbow crêpes.

Les chamallows cuisent et Swann et moi les mangeons dans un silence religieux. Quand le soleil se couche, il passe un bras par-dessus mes épaules sous prétexte de me tenir chaud - il fait tout sauf froid - mais je me garde du moindre commentaire puisque j’aime le contact de son bras autour de moi. « Dis, quand on sera rentrés, peut-être qu’on pourra manger autour de ton cabinet pour changer... » Pour changer du DBD, lieu de rendez-vous officiel depuis notre rencontre. Je réalise que je m’y prends mal pour en venir au fait et, après une profonde inspiration, je me jette à l’eau. « Ce que je veux dire c’est que… J’envisage d’arrêter de travailler au DBD pour me concentrer sur les mariages. » C’est ce qui me plait vraiment, il s’en est forcément rendu compte en m’entendant faire le compte rendu de toutes mes journées. « Jongler ça me fatigue, et j’aime vraiment ce que je fais chez Pearson... J’en ai pas parlé à Matt encore, je voulais te le dire à toi avant... » Parce que malgré tout le DBD est une famille, ils me manqueront même si j’y passerai encore tout mon temps libre mais j’ai un peu l’impression qu’il me faut la bénédiction de Swann pour être en accord avec ma décision. « Ça changera rien au fait qu’on ira tout le temps… Et pour être complètement honnête j’ai continué si longtemps parce que je pouvais passer du temps avec toi pendant que je bossais... » Je n’ai jamais autant aimé aller travailler qu’à nos début, quand nous n’étions pas un couple et que cela me donnait une excuse pour le voir Swann. « Mais si on vit ensemble, ça changera rien pour nous. » Mais après Lawrence, je suis habituée à ce que mes choix soient critiqués, c’est pourquoi j’ai mis du temps avant de réussir à me jeter à l’eau.

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« Tu pensais à un endroit en particulier ? » Non, bien sûr que je n’ai pas pensé à un autre endroit puisqu’il s’agit simplement d’une façon maladroite de tenter d’amener sur le tapis un sujet que je ne sais pas comment aborder, et j’ignore pourquoi cela me met si mal à l’aise. Après tout, il ne travaille pas non plus au café mon petit ami : et il parvient tout de même à y passer tout son temps libre alors pourquoi serait-il dérangé par le fait que je démissionne ? Pourquoi cesserais-je de faire partie de la famille parce que je n’y travaille plus ? Il n’y a pas de raison et, forte de cette conviction que je tente de marteler dans mon esprit, je me jette à l’eau. J’avoue ce qui me trotte dans la tête depuis un moment : je ne sais pas pourquoi j’en fais un problème alors que ça n’a pas à en être un. « Oh. » Oh. Qu’est ce que cela veut dire “oh”. Est-ce positif ? Négatif ? Un constat ? De la surprise ou encore de la déception ? Je pince mes lèvres dans l’attente de quelque chose de plus, une phrase ou une information qui m’aidera à mieux respirer mais elle ne vient pas alors, bavarde comme à mon habitude, je récite toutes les choses qui font que c’est une bonne décision et que cela n’aura aucun impact sur nous. Qui est-ce que je tente de persuader, lui ou moi ?

Si nous emménageons ensemble, c’est le bon moment pour prendre ce genre de décision. A la genèse de notre relation, quand je n’étais encore qu’une inconnu qui rougit un peu à tout bout de champ avec un bras dans le plâtre et lui le frère du patron avec de jolie fossette, je tentais de l’apercevoir discrètement dès qu’il passait la porte du bar. J’étirais mon coup à l’observer l’air de rien et j’acceptais toute sorte de service si je savais qu’il serait présent. Je me faisais l’impression d’une lycéenne qui croise par hasard son coup de cœur à la sortie de son cours alors qu’elle l’a attendu plus d’une demie heure. « Maintenant je suis là tout le temps. » Je hoche la tête doucement en avalant le dernier chamallow de ma troisième brochette - aka, le presque de trop - et je reprends des couleurs. Il ne trouve pas que ce soit une mauvaise chose. Il l’aurait dit non ? « Et je trouve que c’est une très bonne idée. Vraiment. » Je pousse un soupir de soulagement avant de me blottir contre son torse. « Je suis contente que tu penses ça. Avoue tout, tu le savais que j’acceptais certains service juste pour pouvoir te dire ”bonjour” ou ”comment tu vas ?” C’était écrit sur mon visage non ? » Fichu visage incapable de dissimuler la moindre émotion. « Je suis fier de toi, tu sais. » Cette fois, mes joues rougissent et mon coeur ronronne de plaisir. Peut-être que c’est naturel pour lui, ce genre de déclaration : mais moi je n’ai pas l’habitude et j’ai passé une bonne partie de ma vie de jeune adulte à tenter d’obtenir l’approbation de tout le monde. « Je... » Je relève la tête pour l’observer, la bouche légèrement entrouverte. « Y’a vraiment pas de quoi, mais ça me fait plaisir. » Ca me fait plus que plaisir, mais j’ai du mal à exprimer à quel point. « Tu sais ce que ça veut dire ? Que maintenant on pourra tous les deux s’installer à une table et râler sur Deklan ou Matt parce que le café arrive pas assez vite. Et faire des commentaires à voix haute. Et demande à parler au patron parce que les muffins sont trop secs. » Maintenant, nous pourrons tous les deux profiter de l’endroit, plus moi en tant qu’employé et lui en tant que client / membre de la famille. Je pourrais rester assise à côté de lui pendant des heures à plaisanter avec Matt quand il n’y a personne ou avec l’un des habitués, je n’aurais plus à courir en cuisine ou à m’activer derrière le bar, quand bien même on sait tous que si quelqu’un a un coup de main je serai toujours là pour aider. « J’espère que tu sais que le pire dans tout ça, c’est que Matt va insister pour te faire un pot de départ. Ouais, je sais, ça va pas être facile. » J’écarquille dramatique les yeux avant d’exploser de rire. « Tu crois qu’il va faire des jeux de mot avec mon prénom ou mes traits de caractère pour les cocktails ? J’espère au moins que j’aurais le droit de choisir les chansons du karaoké. » Parce qu’il est capital que son frère arrête de massacrer les grands classiques. « T’en as déjà touché un mot à Evelyn ? » Je secoue la tête doucement. « Pas vraiment. Elle sait que je continuais au café jusqu’à ce qu’on soit sûre que ça marche bien entre elle et moi à l’agence, et ça fait longtemps que c’est le cas. La saison des mariages bat son plein en plus, elle a besoin de moi certains samedi aussi pour les réceptions. » Et moi, je pourrais toujours avoir besoin d’un cavalier à l’occasion. J’enroule mon avant bras autour du bras de Swann avant de poser ma tête sur son épaule et de lui tendre mes deux brochettes restantes. « Si je te les donne, j’ai le droit de coller mes pieds froids contre tes jambes cette nuit ? »

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Il trouvait mon comportement touchant et, comme si nous étions donc automatiquement propulsés plusieurs mois en arrière, je ne peux m’empêcher de rougir lorsqu’il l’évoque. Touchant, c’est positif, dans le sens attendrissant, ou plus mitigé, un peu comme ridicule ? Je me pose la question quand bien même la réponse n’a pas la moindre importance : après tout, il est là, à mes côtés, et c’est quelque chose qui veut tout dire non ? Qu’ils m’ait trouvé attendrissante ou ridicule il a fini par m’apprécier et je n’ai pas besoin de plus, surtout quand il réagit à merveille à mon annonce. Après coup, je m’en veux presque d’en avoir douté : pourquoi en aurait-il été autrement ? Swann n’a jamais jugé mes choix et, au contraire, il pose des questions est s’intéresse à ce que je fais. Il le fait même lorsqu’il est évident qu’il ne comprend pas grand chose et ne veut qu’une chose : que je sois heureuse. Je me promets une chose : ne plus douter de chose aussi bêtes, ne plus avoir peur de lui annoncer des choses aussi anodines puisque c’est manquer de confiance en celui qui ne m’a jamais donné de raison de douter et qui vient également de me proposer d’emménager avec lui. « Avoue, t’as toujours rêvé de faire ça. » « J’ai toujours rêvé de le faire, une fois tu vois. Nous mettre dans un coin et faire passer une journée infernale à ton frère. » Mais pas méchamment, puisqu’il est évident que j’en serais bien incapable. Je ne suis pas plus mesquine que je ne suis méchante. Je me contenterai d’une remarque un peu piquante avant de rougir parce que je suis allée trop loin. « Faudrait presque que ça devienne une tradition, pas uniquement au DBD, genre un restaurant par semaine où on fait les clients chiants. » Ou juste un peu pénibles.

Mais cette fois ci en tout cas je ne finirai pas mon assiette : repue, je lui tends mes deux dernières brochettes déjà parfaitement cuite en ajoutant une condition que j’imposerais qu’il dise oui ou non. « J’ai une meilleure idée : je les mange et ensuite je t’interdis formellement de me faire subir ce supplice. Mieux encore : je les mange et c’est moi qui colle mes pieds contre tes jambes. » « Tu les mérites pas alors ! » Je fais mine de lui retirer les brochettes des mains et je tente même d’attraper l’un des chamallow qu’il a déjà mis dans la bouche. Jeux de mains, je tire sur ses joues et il tente d’attraper mes mains pour m’en empêcher. Le tout se termine dans un baiser sucré, d’abord tendre, puis plus passionné auquel il est le premier à mettre fin. Est-ce parce qu’il ne la veut plus cette proximité ? Qu’il a peur de me brusquer ? Sans trop savoir, je penche pour la deuxième solution, mais j’hésite, je suis d’un coup prise par la peur irrationnelle qu’il me repousse. Et si, à force d’hésiter et d’avoir besoin de temps, nous nous étions enfermés dans une relation platonique ?

Il m’attire avec lui sur le matelas et je pose ma tête contre son épaule, le ventre beaucoup trop plein et le regard tourné vers le ciel. Lui, il se transforme en carte du ciel ambulante et je souris de le voir si concentré sur son étude des constellations. « On voit la Grande Ourse depuis Londres. » Mes doigts dessinent des arabesques sur son avant bras, sans aucune forme particulière. Si je savais dessiner les constellations, j'esquisserais sur sa peau la forme de la couronne australe, d’Hercule ou du centaure. « Et elle ressemble à quoi ? » Je niche un peu plus ma tête dans son cou avant de le regarder lui. Les étoiles sont dans le ciel, les étoiles sont aussi dans mes yeux et je ne tente même pas de m’en cacher. « Là c’est Emu in the Sky. Je pensais pas qu’apprendre ces constellations là allaient me servir un jour. » J’esquisse un large sourire avant de suivre le bout de son doigt. « Il s’appelle Swann junior lui aussi ? » J’ai du mal à apercevoir dans le ciel la forme d’un émeu, et je me dis que ce serait agréable d’apprendre. « Je te propose de répondre “Ah oui ? Oh c’est vraiment ce que je rêvais d’apprendre pendant ces vacances” si tu le savais déjà, c’est pour sauver mon honneur de scout. » « C’est vraiment ce que je rêvais d’apprendre pendant les vacances. » Je l’observe avec un air espiègle sur le visage. « Je me moque même pas. J’adore que tu saches ça, tu m’apprendras ? Je répéterai à personne, parole de scout. » Je lève quatre trois contre mon front au lieu de trois, preuve que je n’y connais pas grand-chose non plus à l’univers des scouts.

Sauf que ce ne sont pas les étoiles que j’ai envie d’observer. C’est lui que je dévore des yeux, et ce sont ses lèvres que j’emprisonne dans les miennes. Ce sont mes doigts qui jouent avec les coutures de son t-shirt, qui glissent dessous bien plus timidement que je ne l’avais imaginé. J’ai envie de parler, de lui dire que cette fois ci je suis prête, mais les mots ne passent pas la barrière de mes lèvres. Alors j’espère que mes gestes parleront pour moi, même s’il sont trop mesurés. J’espère que mon regard, stressé mais déterminé, lui soufflera que j’ai envie que nous soyons ensemble, entièrement.

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Il dessine des constellations sur mes joues, lui, moi, Swann et Lucia junior emménagerons bientôt ensemble (sans oublier pancake) et nous venons de faire griller des chamallows sur une plage de la sunshine coast où nous nous apprêtons à passer la nuit à la belle étoile. L’instant est parfait, Swann est parfait, et je me fais la réflexion que dans un film hollywoodien c’est le moment où, le plus naturellement du monde, je l’embrasserais avant de faire passer notre relation au stade supérieur Sauf que si j’en ai envie, la ressemblance avec une comédie sur grand écran s’arrête là puisque je n’ai pas la moindre idée de comment faire ça le plus naturellement du monde justement. Je me pose 1001 questions qui n’ont pas lieu d’être et tout autant qui sont légitimes mais celle qui arrive en tête est la suivante : me voit-il toujours comme ça Swann ? J’espère que oui, j’espère qu’il ne nous faudra pas forcer les choses avant qu’elles ne nous semblent naturelles puisque je n’ai pas envie que mes craintes et mes traumatismes du passé aient menacé mon futur en nous abimant. Il aurait le droit d’être échaudé : et c’est aussi pour ça que je sais que c’est à moi de faire le premier pas. « Si j’ai ta parole, alors, c’est d’accord. » Mes yeux brillent, et ses joues se creusent. La confession qui me brûle la langue, j’ai du mal à la retenir. « T’es parfait. J’ai pas l’impression de mériter quelqu’un aussi parfait que toi. » Parfait, c’est à la fois un mot fort et pourtant tellement insuffisant pour englober tout ce que je ressens pour lui. Il est tout ce qu’il me fallait pour que je sois capable d’avancer, de mettre Lawrence derrière moi et de parvenir doucement à faire confiance à nouveau.

Alors j’amorce un semblant de quelque chose en espérant qu’il montera dans le train avec moi. J’espère que nous n’avançons pas à deux vitesses : qu’il n’y a pas que moi qui rêve à présent de voir notre relation prendre un tout nouveau sens, un de plus. Je laisse mes doigts jouer avec la couture de son t-shirt pendant une éternité avant d’oser caresser sa peau, son torse et ses flancs. Couchée sur le côté, appuyée sur l’un de mes bras, j’ai autant envie de m’enfoncer dans le sol que de capturer cet instant pour l’éternité. « C’est pas parce que tu les a toutes gagnées jusque là que - oh. » Non Swann, il ne s’agit pas de chatouilles. Et si j’ai gagné toutes les batailles jusque là, c’est certainement parce qu’il a toujours eu peur d’aller trop loin, de me serrer trop fort ou de me brusquer. Sauf que je ne vais pas me casser, c’est le message que j’essaye de lui faire passer, je ne vais pas me casser et je suis prête. Quand il retire son t-shirt, il devient clair qu’il a compris qu’il n'était plus question de jeux d’enfants. Moi, mon coeur s’emballe, se prend les pieds et trébuche mais je me raccroche à ses yeux pour ne pas être terrassée par le stress et l'appréhension. J’aurais souhaité qu’il y ait moins de lumière puisque, éclairée par les étoiles, le feu de camp et le petite lampe que nous avons accrochée au van, je me sens terriblement à découvert, terriblement vulnérable. Mais, couché sur son flanc dans une posture similaire à la mienne, il m’attire pour m’embrasser, pour caresser doucement ma nuque de son pouce avant d’attraper mon visage entre ses mains. « On y va à ton rythme, d’accord ? » Les lèvres entrouvertes, la respiration saccadée, je hoche doucement la tête et je chuchote. « Je suis prête. Si t’en as toujours envie. » Son consentement est aussi important que le mien et je n’ai pas l’intention de passer à côté. Je veux savoir qu’il ne se force pas pour ne pas me brusquer. Je veux savoir que, comme moi, il n’en a pas moins envie que l’autre jour et que, comme moi, il est prêt, puisqu’il aurait eu le droit de reculer de dix pas face à ma réaction. Une main fermement accrochée dans son dos, l’autre enroulée dans sa nuque, je capte son regard entre deux baisers. « Doucement... » Fébrile, je rappelle les fondamentaux et si je me sens ridicule, je sais que j’en ai besoin. J’ai besoin de délicatesse, j’ai besoin qu’il soit tout ce que mon ex n’était pas et dès lors que ses lèvres glissent sous mon t-shirt, qu’il me chatouille de se lèvres sur mon ventre, je m’en veux d’avoir laissé la panique me faire douter : ils n’ont rien en commun, Lawrence et Swann, là où le premier se servait plus qu’il ne partageait une expérience à deux à la fin de notre relation, Swann me caresse et m’embrasse dans les gestes les plus doux que je n’ai jamais connu, tantôt me soutirant un rire presque gêné, tantôt un soupir d’anticipation. Il accompagne mon t-shirt jusqu’à mes épaules et ma nuque et, lorsqu’il le retire, je l’y aide, lorsqu’il presse son corps contre le mien je l’embrasse  bouche que veux tu et je laisse mes doigts se perdre dans les boucles de ses cheveux. Lorsque nos lèvres se séparent, je laisse mon nez caresser doucement le sien avant d’esquisser un immense sourire, gênée, émue et conquise. Mes mains, écrasées entre dos deux corps, descendent jusqu’à la boucle de sa ceinture puisque j’ambitionne de lui prouve que je ne veux pas être spectatrice de ce premier ébat : je ne le fais pas pour lui faire plaisir et au détriment de mes envies mais parce que j’en ai terriblement envie. Je suis amoureuse de lui et, tout naturellement, je ne veux plus me contenter que de sages baisers. Mes gestes sont maladroits, ils sont fébriles et interrompus par la nécessité de retrouver ses lèvres, et je sens le désir se diffuser dans mon corps comme une douce chaleur. Il est rassurant Swann. Il est exactement tout ce dont j’ai besoin, il est la personne qu’il me fallait rencontrer et, quand il fait glisser mon jean le long de mes jambes en déposant ses lèvres sur ma peau, je n’en ai pas le moindre doute : il emporte mes peurs et mes angoisses du bout des lèvres.