L'initiative était si inattendue qu'elle n'en devenait que sincère. Je ne saurais dire la volonté qui m'a poussé à envoyer un message à Elise Williams, ce matin-là. Jill était partie rejoindre un ami et s'est imposé à moi le fait que les tourments des dernières années n'avaient eu de cesse que de m'éloigner de mon entourage amical. C'est alors imposé l'image de la brune que je n'avais jamais cessé de considérer comme une guère connaissance, mais qui avait su faire preuve d'humilité et de pardon cette fois-là, avec les jumeaux. L'envie fut de la remercier proprement pour son aide, sans enfants qui hurle, sans fatigue intense et le tout autour d'un café. L'invitation avait été lancée sans prétention, au détour d'une phrase, sans une réelle attente de réponse. Il avait tardé à venir le message de réponse tant et si bien que sa confirmation m'avait laissé sans voix. Et c'est comme ça, dans une aisance déconcertante que c'est arranger un rendez-vous sur la plage de Bayside, deux jours plus tard, pour un café que jamais l’on aurait pu envisager auparavant.

Longtemps, je me suis imaginé lui envoyé un autre message pour m’excuser la confusion, lui rappeler qu’en rien, je ne lui impose cet instant. Cela sonne si idiot de se retrouver maintenant, sans véritablement fondement autre qu’une volonté qui m’échappe encore. Je n’ai pas envoyé de message, je me suis arrangé pour que les jumeaux soient avec Jill cette après-midi, là. Toute ma vie semble rimée en une vaste blague ces derniers mois, alors autant donner une chance a cet échange.

C’est comme cela que je suis allé récupérer des cafés au Death Before Decaf avant de rebrousser chemin, direction la plage. Au fond de moi, je ne cessais de penser que j’allais probablement attendre comme un idiot durant de très longues minutes, avant de réaliser son absence. En rien, les différents scénarios qui se jouaient dans un coin de ma tête depuis la veille, avait envisager qu'Elise serait déjà assise sur le sable, à m’attendre. Est-ce que le monde tourne encore rond ?! Tout semble si surréaliste que c’est sans la moindre once d’hésitation que je rejoins la brune. « Bonjour. » que je marmonne un peu gêner malgré tout. Je lui tends le carton contenant nos boissons et prends place sur la roche à ses côtés. « Je pensais pas te trouver. » Elle a l’air épuisée Elise, loin de l’image de cette femme sous contrôle que j’ai pu connaître pour le passé. Tant de choses semblent avoir changé.

@elise williams

Les semaines ont passées sans que jamais tu n'aies aucune nouvelle de Bailey. Jamais il n'est venu réclamer cette aide que tu lui avais proposé. Jusque là, rien d'anormal. C'était prévisible. Ce qui ne l'était pas, c'est ce message qu'il a quand même finit par envoyer. Pour une surprise, c'en était tout une. Il t'invitait à aller prendre un café sur la plage à Bayside. Sans trop savoir pourquoi, tu as dit oui. Probablement parce que toutes les raisons sont bonnes pour partir de cette charmante maison. Et aussi, parce que tu es un brin curieuse. Soyons honnêtes.

Tu es toujours en retard. Partout. Tout le temps. Ce matin là. Tu ne l'es pas. Tu es même à l'avance. Tu es bien loin de te plaindre de ces quelques minutes de solitude à simplement profiter de l'air frais du matin. Saül est encore rentré complètement bourré hier. Son cadavre était toujours bien omniprésent sur le canapé de son bureau quand tu es partie en vitesse ce matin. Le jeu d'un qui évite l'autre était rapidement revenu au rendez-vous. Vous vous évitiez le plus possible. Comme ça, vous ne pouviez pas vous chamaillez. Comme ça, personne ne pouvait dire que cette seconde chance ne fonctionnait pas du tout. Enfin, si, il y avait encore Damon. Tu te détestais à chaque fois que tu lui disais que tout allait finir par rentrer dans l'ordre. C'est juste une mauvaise passe. Pas vrai ?

« Bonjour. » C'est la voix de Bailey qui te fait sortir de tes pensées. Lui qui vient te tendre un café que tu prends rapidement entre tes mains espérant qu'il y ait une double dose de caféine. Demande spécial des traits fatigués de ton visage. « Je pensais pas te trouver. » « Je pensais pas qu'il n'y aurait pas d'enfants pour de vrai. » Son invitation semblait en être une qui supposait que les jumeaux ne seraient pas là, mais, honnêtement, tu n'y a pas vraiment cru une seule seconde. Pourtant, il est bien seul. Et il a l'air nerveux Bailey. Pourquoi il est nerveux ? C'est quand même pas dans ses habitudes. Encore moins avec toi. Il n'y a rien en ce moment qui est dans vos habitudes de toute manière. « Je te rends nerveux ? » C'est plus fort que toi, un petit sourire en coin amusé vient se glisser sur tes lèvres.

J’en suis presque déstabilisé de la trouver sur le lieu de rendez-vous quand je me suis imaginé par cent fois qu’elle m’aurait posé un lapin. Mon message était sorti de nulle part, la proposition de partager un moment de manière volontaire ensemble nous aurait paru surréaliste il y a encore quelques mois de cela. Et pourtant… J’en ai été demandeur et voilà qu’elle a répondu à l’invitation. Il ne reste plus qu’à oser, aller à sa rencontre, s’asseoir à ses côtés et laisser faire entre la douceur d’un café partager et quelques paroles probablement bégayées.

« Je pensais pas qu'il n'y aurait pas d'enfants pour de vrai. » Oh. Elle pensait que j’allais venir les enfants. Elle devait croire que j’avais enfin pris sa proposition de la dernière fois au sérieux. Légèrement mal à l’aise à la réalisation, je me contente de lui sourire un peu avant de trouver les mots. « Ils sont avec Jill. » Parce qu’elle est de retour Jill, parce qu’elle fait tous les efforts du monde pour que tout aille mieux. C’est bien différent de notre dernière rencontre. Tant de choses ont été bousculées lors de ces dernières semaines que j’en ai le tournis rien que d’y penser. Peut-être que je devrais lui expliquer, mais ce n’est pas simple d’engager la conversation avec quelqu’un que l’on a toujours cru détester. En réalité, je crois que c’est le personnage qu’elle c’est toujours efforcer de jouer que je méprisais. Aujourd’hui, le masque semble fissuré de tous les côtés. « Je te rends nerveux ? » Je lâche un rire nerveux avant de hausser les épaules. « Ça parait dingue, un peu, non ? » Dingue que l’on soit les deux à se retrouver. Dingue que l’on soit pas déjà en train de se crêper le chignon. Encore plus fou que je ne ressente pas cette aversion qui était pourtant si caractéristique avec elle, à l’époque où elle voulait faire de Ginny, une version miniature de sa personne. « C’est idiot, mais je tenais à te remercier pour la dernière fois. » que je finis par ajouter avec ce besoin pressant de justifier cette invitation quelque peu saugrenue. « J’ai souvent pensé à t’appeler quand j’étais débordé. » Et pourtant, je ne l’ai jamais fait, mais ça elle le sait parfaitement. « Puis il y a eu l’accident et les choses ont un peu changer. » Jill a eu peur et elle est revenue, alors il a fallu se concentrer sur nous. Je hausse un peu les épaules, préférant fixer les vagues que tourner le regard vers elle. « Non en vrai, je suis nerveux. » que je finis par avouer en explosant de rire.

« Ils sont avec Jill. » Ah. Alors, elle est revenue. Tu ne la connais pas du tout sa femme, mais le contraire t'aurait étonné. Tu ne peux tout simplement pas t'imaginer une mère qui abandonne ses enfants. Ça te semble, impensable, impossible même. C'est l'instinct maternelle. C'est plus fort que tout. « C'est bien, qu'elle soit revenue. » Parce qu'au moins, il n'est plus seul pour s'occuper de tout. Parce qu'il peut s'accorder des nuits de sommeils de temps en temps maintenant. Elle doit bien l'aider s'il est là aujourd'hui sans les jumeaux. C'est bien aussi qu'il l'ait laissé revenir. Parfois la rancune fait faire bien des conneries. « Ça parait dingue, un peu, non ? » « Assez, oui. » Il n'y a pas grand chose dans cette scène qui ne parait pas dingue à vrai dire. Encore moins quand ton rire se mélange doucement au sien.

Mais pourquoi t'es là alors ? Pourquoi il voulait que tu viennes ici ?
« C’est idiot, mais je tenais à te remercier pour la dernière fois. » Ah. Alors, on y est. C'est de plus en plus surprenant. Les traits de ton visage laisse rapidement la surprise les envahir. Tu n'avais pas fait grand chose. « J’ai souvent pensé à t’appeler quand j’étais débordé. » C'est drôle, mais tu n'y crois pas du tout. Tu savais parfaitement qu'en lui faisant la proposition, il n'allait jamais le faire. Mais ça fait rien. Dans le cas contraire, tu aurais probablement agit de la même manière. On ne détruit pas des années de mépris en une seule rencontre. « Puis il y a eu l’accident et les choses ont un peu changer. » Oh. Oui. Ça. Cette accident qui aurait facilement pu être évité s'il avait écouté tes conseils. Tu dois tourner ta langue sept fois pour ne pas lui dire que tu l'avais prévenu.

« Non en vrai, je suis nerveux. » Il rit à nouveau, alors qu'un sourire s'installe sur tes lèvres. « Qu'est-ce qui te rend nerveux ? » Parce que tu ne comprends pas vraiment ce qui le rend si nerveux. C'est quand même pas un rencart. Vous êtes mariés après tout. Ils sont encore ensemble même après son abandon à elle ? « Et c'est rien, pour la dernière fois. Ça m'a même fait plaisir. » Oula. Faites une croix sur le calendrier. En vrai, ça t'avais surtout fait du bien de voir que tu n'étais pas la seule à qui la vie jouait un mauvais tour. On se retrouve dans nos malheurs, parfois. « Comment vont les jumeaux ? » que tu demandes finalement en portant le gobelet de café à tes lèvres.

« C'est bien, qu'elle soit revenue. »
« Elle avait besoin de temps. »

Je lui en ai voulu pour cela, mais désormais, je comprends. Elle avait eu besoin de fuir pour mieux comprendre, pour se remettre les idées en place, pour savoir ce qu’elle avait besoin de faire. Il lui a fallu du temps. Tout comme il a fallu que l’on touche du doigt le point de non-retour pour prendre conscience que l’on avait encore envie de se battre. La situation est plus floue que jamais, mais désormais cela ne regarde que nous. Personne n’a plus jamais à mettre son nez dans notre histoire. Et ce n’est clairement pas le genre de conversation que j’ai envie d’avoir avec Elise tant, son avis m’importe peu quand son couple a toujours été pire que le mien. Mais les apparences sont toujours à sauver.

Tout semble impensable dans cette scène. Bailey et Elise qui partage un café sur une plage comme deux vieux amis de longue date. Qui aurait voulu croire ça ? Pourtant, rien ne me paraît si impensable alors que je cherche tant bien que mal à la remercier pour sa présence la dernière fois. Ce n’était pas grand-chose, elle avait juste donné le biberon à ma fille, mais elle avait su trouver les mots à une période ou je pensais ne jamais réussir dans mon rôle de père. Tout semble affreusement bizarre et en même temps tellement juste. Je me devais de lui dire merci, tout simplement. Qu’importe le fait que tout cela me rende nerveux. « Qu'est-ce qui te rend nerveux ? » Un rire m’échappe alors que je lève les yeux au ciel. C’est moi qui me mets la pression pour rien, tout simplement, mais elle ne peut pas le savoir Elise. « C’est juste idiot. » que je marmonne avant de prendre une gorgée de mon café. « Vraiment idiot, t’es pas un monstre après tout. » que je plaisante en souriant quelque peu. « J’ai passé des années à te détester sans raison, c’est probablement ça qui me rends nerveux. » J’éclate de rire à nouveau tentant de détendre l’atmosphère une bonne fois pour toute. « Et c'est rien, pour la dernière fois. Ça m'a même fait plaisir. » Un hochement de tête et un regard suffiront. On se comprend comme cela.

« Comment vont les jumeaux ? » Et ce sera probablement bien plus simple de laisser la conversation se diriger naturellement. Ne pas forcer le point et juste voir. « Ils vont bien. » que j’admets avec mon sourire de papa poule en prime. « Ils dorment de mieux en mieux et je crois que l’on arrive un peu mieux à se comprendre maintenant. » Et je ne serais pas le père que je suis devenu si je ne sortais pas mon téléphone pour lui montrer une photo ou deux.

Mais le silence retombe et je ne peux m’empêcher de notifier les cernes qui se cachent derrière son fond de teint. « Comment tu vas toi ? »

« Elle avait besoin de temps. » Tu la comprends en un sens, mais pas du tout dans l'autre. Elle a eu besoin de prendre du recul, mais comment on peut avoir besoin de prendre du recul de ses propres enfants ? À sa place, tu aurais foutu le mari à la porte et tu serais resté avec les bébés. C'est comme ça, que tu aurais pris du recul. C'est peut-être juste toi qui a un instinct maternel surdimensionné - Cosimo approuve. « C'est bien que tu l'ais laissé revenir. » Il n'est pas trop rancunier visiblement. Parce que le départ de sa femme semblait l'avoir beaucoup affecté. Il aurait pu ne pas la laisser revenir.

« C’est juste idiot. Vraiment idiot, t’es pas un monstre après tout. » Euh. Quoi ? Il peut répéter ? « J’ai passé des années à te détester sans raison, c’est probablement ça qui me rends nerveux. » Sans raison, vraiment ? Il veut une liste peut-être ? Bon, après, c'est vrai que si tu élimines Ginny de l'équation, lui comme toi n'auraient jamais eu rien à reprocher à l'autre. Elle était le centre même du conflit alors qu'elle n'avait rien demandé du tout. Surtout pas à toi. « Je vais prendre ça comme un compliment. » Faut prendre ce qui passe. Ce n'est sûrement pas prêt de ré-arriver ça. Tu es quand même bien loin d'être un ange. Il peut les reprendre rapidement ses paroles. Le rôle du monstre peut te revenir assez vite. « Ils vont bien. Ils dorment de mieux en mieux et je crois que l’on arrive un peu mieux à se comprendre maintenant. » Le sujet des jumeaux qui revient. Le terrain neutre. Le pire est assurément derrière lui. C'est de plus en plus facile au fils des mois d'élever un enfant, habituellement. Le sourire s'installe rapidement sur tes lèvres lorsque Bailey sort son téléphone pour te montrer une photo d'eux. « Ils ont déjà tellement changés. » Ils changent vite les bambins. Beaucoup trop vite. Un matin tu te lèves et ils ont vingt ans. Le temps passe trop vite. « Ils sont très beaux. Je suis contente que les choses se replacent pour toi. » Quelqu'un à déjà vu des bébés laids ? Surtout pas quand ils viennent en pair.

« Comment tu vas toi ? » Tu l'entends sont comment tu vas qui sonne plutôt comme un je sais que ça ne va pas. Vous en êtes déjà rendu aux confidences ? Pas toi. Pas sur ça. Sur n'importe quoi d'autre, peut-être. Mais pas ça. Le masque a beau s'être fissuré au fil des derniers mois difficiles, il est encore en place. Il craque. Il laisse échapper des informations que tu voudrais garder, mais les mots savent encore être mensonge. « Bien. » Il ne se contentera pas d'un bien quand ça ne va clairement pas. Ou peut-être qu'il s'en contentera parce qu'il n'oserait jamais insister. Tu te sens quand même obligé de te justifier. « C'est juste le père de Saül. Il est malade et c'est pas facile tous les jours. » Ce qui n'est pas tout-à-fait un mensonge. Ce n'est pas facile de s'occuper d'un mourant. Surtout pas maintenant qu'il commence à perdre la boule. Au moins, Damon est là pour te filer un coup de main. C'est clairement pas le fils qui s'occupe du père. Il est trop occupé à se bourrer la gueule.

« Je vais prendre ça comme un compliment. »
« Oh il faut. »

Je plaisante un peu, amène un rire au milieu de cette conversation bien trop sérieuse. C’était idiot d’être aussi nerveux, elle n’est pas un monstre, mais plutôt une femme qui a toujours été dans le paysage sans que je prenne réellement le temps de lui parler. Elle était l’autre moitié d’un mariage bancale. Elle était celle qui se cachait derrière un masque froid et hautain. Tout semble si différent aujourd’hui, il serait temps de laisser tomber les préjugés. On ne fait que discuter autour d’un café, rien de plus. Comme le papa gaga que je suis devenu, j’en viens à lui montrer les photos de mes enfants. On est des parents, c’est simple de parler de tout cela. « Ils ont déjà tellement changés. » « Ils grandissent bien trop vite. » Dans quelques jours, ils auront quatre mois et je n’aurais pas vu le temps passer. L’entrée dans la vie de parent n’a pas été ce que j’avais imaginé durant toute la grossesse. C’était loin du paradis et plutôt proche de l’enfer. « Ils sont très beaux. Je suis contente que les choses se replacent pour toi. » Un léger rire m’échappe alors que je relève le regard vers la jeune femme. « On s’est séparé avec Jill. » Je n’appelle pas cela se placer, mais c’était peut-être la seule issue pour nous. Tout est sur le fil du rasoir désormais, mais elle n’a pas besoin de savoir Elise.

C’est bien plus simple de faire glisser le sujet vers elle, de m’inquiéter de son état à elle lorsque ses cernes laissent sous-entendre que ce n’est pas l’éclate. « Bien. » Mon regard se tourne immédiatement vers elle à nouveau. C’est la pire réponse que l’on pourrait donner ça. Bien. C’est sous-entendre que ce n’est pas le cas, sans vouloir l’admettre à voix haute. C’est me laisser comprendre que je ne devrais pas poser de questions, mais c’est pousser ma curiosité. « C'est juste le père de Saül. Il est malade et c'est pas facile tous les jours. » « Oh. » À croire que c’est la tendance les patriarches qui tombent malades. « C’est grave ? » Je me fiche bien de l’état du père Williams, mais je connais l’effet de ce genre de décès, je viens tout juste de le vivre. « Mon père est décédé y a quelques semaines. » Elle le connaissait mon père. Je ne cherche aucune pitié, c’est une information comme une autre, lâcher là, pour lui faire comprendre que je connais tout cela. Ce n’est pas vraiment le plus important à cet instant précis, pour être honnête. « Tout ce que tu diras ne sortira jamais d’ici. » que je lui annonce bien plus doucement espérant lui faire comprendre qu’elle peut parler sans s’inquiéter.

« Ils grandissent bien trop vite. » « Profites-en. Tu vas te lever un matin et ils entreront à l'Université. » La vie avec des enfants, c'est dix fois plus vite. Tout passe beaucoup trop vite. Tu clignes des yeux une fois et ils sont rendus grands. Tu as l'impression qu'hier encore petit Cosimo n'arrivait pas à boucler ses souliers lui-même est aujourd'hui devenu un beau grand jeune homme avec un avenir prometteur devant lui. Les vingt dernières années ont passé en coup de vent. Bailey se dira la même chose quand son tour viendra. « On s’est séparé avec Jill. » C'est un rire sarcastique qui sort des lèvres de Bailey. Tes lèvres à toi, elles se pincent, regrettant presque les derniers mots que tu leur avais laissé échapper. Tu ne sais pas trop ce qu'il a envie d'entendre, mais ce n'est certainement pas « Peut-être que c'est mieux comme ça. » qu'il a envie d'entendre. C'est peut-être ce qu'il a besoin d'entendre par contre. Peut-être qu'ils feront de meilleurs parents pour leurs enfants en étant séparés. Peut-être que Saül et toi auraient été de meilleurs parents séparés. Peut-être pas.

Et vient finalement le fameux comment tu vas. Faut croire que même avec Bailey tu ne peux pas y échapper. La carte du beau-père malade est pratique quand on a pas envie d'élaborer le reste. Ce n'est qu'un demi-mensonge. « Oh. C’est grave ? » « C'est une question de semaines. » Avant qu'il y passe. Les médecins ne sont même pas certain qu'il passera les fêtes. Son état s'est rapidement dégradé durant les derniers jours. Il devient de moins en moins lucide. La fin approche. « Mon père est décédé y a quelques semaines. » C'est probablement normal à votre âge de perdre vos parents. C'est le cycle de la vie. Normal, mais pas facile pour autant. « J'suis désolée. » Quoi dire d'autre dans ce genre de situation ?

« Tout ce que tu diras ne sortira jamais d’ici. » Sa voix remplit d'une douceur qu'il ne t'a absolument jamais offert en est presque terrifiante. Ta tête se tourne vers lui alors qu'un sourire semi-amusé se glisse sur ton visage. « Tu m'aurais dit ça quelques semaines plus tôt et j'aurais eu peur de me faire poignarder dans le dos. » En fait, non, tu n'aurais pas eu juste peur. Il s'en serait probablement servi contre toi. Tu ne peux pas lui en vouloir. Tu aurais sûrement fait bien pire en situation inverse. Aujourd'hui, curieusement, l'amertume semble être derrière vous. Elle n'est toutefois pas assez loin pour te mettre en confiance du jour au lendemain. « Là, je sais pas quoi en penser. » Chaque chose en son temps.

« Profites-en. Tu vas te lever un matin et ils entreront à l'Université. » Elle est terrifiante de vérité son exclamation, cache sans aucun doute quelques regrets de ne pas avoir assez profité de son fils lorsqu’il avait encore l’âge des jumeaux. Ils grandissent à la vitesse de la lumière nos enfants et c’est de là que naissent les incompréhensions. Comment nos parents ont pu nous laisser si souvent avec des nourrices sans jamais se soucier de nous ? Comment mon père n’a-t-il jamais eu de regret quand il est mort sans réellement savoir qui j’étais… Ce sont des pensées qui me hante depuis que je suis devenu père, une idée peut-être un brin irréaliste de vouloir absolument éviter le schéma familial qu’il m’a toujours été donné de connaître. « Comment va ton fils ? » que j’ose demander à la jeune femme. Il est grand désormais, Damon, il n’est plus un enfant, mais a jamais elle restera sa maman. Elle que je n’ai jamais réellement connue dans ce rôle. Elle a qui j’avoue que mon couple à voler en éclats. « Peut-être que c'est mieux comme ça. » Je hausse les épaules à moitié convaincu par ce qu’elle avance. « Peut-être… » On ne saura jamais vraiment. La vérité est que notre séparation sonne faux, comme un goût d’inachevé quand on aurait tant besoin de se parler. Il faut laisser encore le temps faire son œuvre, il faut être patient.

Elle reste évasive sur sa personne Elise quand elle préfère évoquer l’état de santé de son beau-père. Alors comme ça, le patriarche Williams est mal en point. Il faut croire qu’ils finissent tous par rendre l’âme. Je ne me permettrais pas de juger l’homme que je ne connais absolument pas, mais ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec la situation que je viens tout juste de vivre. « C'est une question de semaines. » Si l’envie d’apprendre à mieux connaître Elise me semble possible, je n’en serai pas à lui demander de transmettre mes pensées à son mari. Je ne connais rien de Saül Williams si ce n’est qu’il est du même acabit que mon frère. Le genre de personne qu’il vaut mieux savoir tenir éloigné dans sa vie, parfois.

Malgré la situation quelque peu inédite, je décide de lui offrir une porte de sortie. Un moyen de parler sans que cela ne revienne jamais aux oreilles de sa belle-famille. Tout finis par se savoir dans le milieu de la bourgeoisie, notamment les potins qui font jaser les femmes entre elles. Saül a été infidèle, une femme plus jeune. Je suis probablement le moins bien placer pour émettre un jugement, mais Elise semble si fatiguée… Alors je lui propose de s’étaler sans jamais rien divulguer. Bien entendu, cela la fait tiquer. « Tu m'aurais dit ça quelques semaines plus tôt et j'aurais eu peur de me faire poignarder dans le dos. » Je ris quelque peu. « Disons quelques mois plus tôt. » Mon avis avait changé sur elle. Non pas uniquement parce qu’elle m’était venu en aide avec les jumeaux, mais parce que je réalise parfois qu’elle n’était que le diable que je m’étais choisi pour mieux m’aveugler des autres. « Là, je sais pas quoi en penser. » L’offre était bien trop rapide, probablement bien mal amorcer. « Je comprends. » que je lui conçois dans un sourire. Mon regard se perd sur l’horizon, lui laissant le temps de ruminer autant qu’elle le souhaite. « Ce n’est pas un piège. » que je lui affirme avec douceur. « Je ne joue plus dans cette cour là Elise. » Les McGrath, les Fitzgerald, les Williams. Ce n’est plus pour moi tout cela, je veux m’en détacher, ne plus être mêlé aux histoires sans fin. « J’ai connu les rumeurs et les on dis, je ne souhaite cela a personne. » Si elle ne me crois pas, je n’insisterai pas d’avantage et lui souhaitera une bonne journée avant de m’éloigner.

« Comment va ton fils ? » Hm. Question compliquée. Pas si mal. Pas si bien. Il a probablement déjà assez de ses problèmes de jeunesse à gérer, mais il doit en plus gérer les frasques de ses parents, ceux qui changent d'idée comme ils respirent, qui annoncent leur rupture pour reprendre des semaines plus tard. Le grand-père mourant n'aidant en rien dans l'équation. Les secrets dont il a conscience sans en connaître l'origine. Ces mêmes secrets qui menacent d'éclater de jour en jour. « Il vit des choses difficiles, mais ça va aller. » que tu lui dis en souriant doucement. Oui, c'est plus toi que tu essaies de convaincre qu'autre chose. Tout va finir par rentrer dans l'ordre. Tout doit rentrer dans l'ordre. Le plus tôt sera le mieux. « Peut-être… » Bailey ne semble pas convaincu de ses paroles, ou de les tiennes plutôt. Toujours difficiles de dire adieu à un être aimé, surtout quand on pensait que c'était la bonne. Il a dû le penser un jour s'il l'a épousé. « Elle va finir par revenir si c'est pas le cas. » que tu tentes de la rassurer - wow vraiment ? tu te surpasses. Mais oui, si deux personnes sont faites pour être ensemble, elles retrouveront le chemin l'un vers l'autre.

« Disons quelques mois plus tôt. » Quelques semaines, quelques mois, peu importe, ce n'est pas suffisant pour gagner une confiance. Tu n'es pas encore assez désespéré pour te vider le coeur sur le premier venu. Ça viendra, malheureusement. Le masque, les fausses apparences, ils éclateront bien plus rapidement que tu ne peux t'y attendre. « Je comprends. Ce n’est pas un piège.  Je ne joue plus dans cette cour là Elise. » Temps mieux pour lui s'il est ressorti de ce monde hypocrite. Tu n'imagines pas qu'un jour toi tu puisses sortir de cette cour là. Tu es prise dedans. « J’ai connu les rumeurs et les on dis, je ne souhaite cela a personne. » Tu hausses les épaules, évite soudainement son regard pour le perdre vers l'horizon. « Peut-être une prochaine fois. » Tu ne dis pas oui aux confidences, mais tu ne dis pas jamais non plus. Avec un peu de temps, la confiance finira par s'installer et la suite viendra toute seule. « Merci pour le café. » que tu lui dis en prenant la dernière gorgée de ton gobelet. « J'dois filer. Mon beau-père arrive cet après-midi. » La garde du patriarche que tous les Williams se passe à tour de rôle. Votre tour revient drôlement vite. Enfin, votre, c'est plus Cosimo et toi qui en preniez soin. Certainement pas son fils. Il est beaucoup trop occupé pour passer les dernières semaines de son père avec lui. C'est donc sur ces paroles que tu quittes Bayside pour retourner direction Spring Hills. Non. Tu n'as pas envie d'y aller. Encore moins qu'avant même.