Elle est plutôt courte la liste des endroits où tu ne te sens pas à l'aise. Si courte qu'on dirait presqu'elle n'existe pas. Tu es un véritable poisson dans l'eau partout, tout le temps, avec n'importe qui. Même quand l'ambiance est lourde, quand il semble qu'une petite étincelle allumerait un brasier, ça va. Tu trouves toujours le moyen d'alléger la situation. Mais la mort, des funérailles, c'est un gros non. Tu angoisses depuis le jour où tu as reçu l'appel annonçant la mort de Dani. Lui, que tu n'avais pas revue depuis plusieurs années. À la base, c'était plutôt l'ami de Noa et de Liam, mais tu t'étais facilement incrusté dans le petit groupe qu'ils formaient comme si tu en avais toujours fait partie. Il était resté malgré la brisure avec Noa, mais les choses s'étaient un peu compliquées quand tu avais rompu avec Liam ensuite. Tout le monde était brisé, séparé, et tu avais pris la décision à sa place en prenant tes distances d'eux. Tu étais la principale cause de la destruction de ce groupe d'ami. Sans toi, rien n'aurait jamais explosé. Tu étais parfaitement consciente de tes torts et tu les avais toujours assumé.

Pour être parfaitement honnête, tu as eu envie de ne pas venir. Tu t'es inventé des millions de défaites pour ne pas venir. Personne pour garder Abby reste ta carte échappatoire préférée. Tu vas regretter si tu n'y vas pas. Ce qu'elle est chiante Chloe quand elle a raison et qu'elle te vole ta carte de sortie en prenant Abby chez elle, justement. Donc, oui, t'es là aujourd'hui. Tu es sûrement dans les dernières arrivées, puisqu'il y a déjà pas mal de monde ici. C'est qu'il était populaire Dani! Tu réalises à l'instant même que tu ne connaissais pas tellement son entourage. Et il doit avoir changé depuis le temps aussi.

Rapidement, ton regard s'accroche sur une silhouette familière qui s'est un peu isolée des autres. Les années ont passées, mais tu le reconnaîtrais partout, de dos, de face, de côté. N'importe où. N'importe quand. Et de le voir ici parmi tout le reste, ce serait mentir de dire qu'il n'y a pas quelque chose de rassurant. « Tu essaie de te cacher de tout le monde ? » Et c'est temps mieux, parce que c'est aussi ce que tu essaies de faire. C'est chelou les enterrements. « Les… Leslie ? » Ah. Lui, il ne s'attendait clairement pas à te voir ici. La surprise se lit très facilement sur son visage. Tes lèvres se pincent, y retiennent un rire - c'est un enterrement ici, pas de place pour les rires. « Ça doit bien faire quoi, au moins une dizaine d’années que je ne t’avais pas revu… » « Au moins, oui. » Il s'approche, Liam, pour te prendre dans ses bras. C'est un peu déroutant à quel point ses bras et les tiens retrouvent un peu trop naturellement cette place. Comme si hier encore, il te prenait toujours dans ses bras. « Ça va ? Tu tiens le coup ? » L'étreinte que tu ressers quelques secondes avant de t'éloigner pour planter ton regard dans le sien. De vous deux, Liam était sûrement plus proche de Dani que tu ne l'étais, ces dernières années du moins.

Ton regard parcourt de nouveau l'église, chacun des visages inconnus. Et bien sûr, parmi ces centaines de visages inconnus, il n'y en a qu'un qui sort du lot; Noa. À cette seconde précise ton estomac se noue dans tous les sens. Si tu croyais qu'un jour ton chemin allait recroiser le sien…. non, vraiment, tu ne t'y attendais pas une seule seconde. « Tu crois qu'elle nous en veut encore ? » Elle est du genre rancunière Noa ? ou si l'eau a coulé sous le pont depuis ? Tu ne saurais dire. Pourtant, quand son regard se porte finalement sur vous deux, tu ne peux pas t'empêcher de laisser un mince sourire s'afficher sur ton visage alors que tu lui envoie la main pour la saluer. La balle est dans son camp. Tu respectera ses distances si c'est ce qu'elle veut même si tu souhaiterais qu'elle se joigne à vous.

Gregory avait accepté de m’accompagner à l’enterrement de Dani. Il s’était arrangé pour se libérer quand de mon côté j’avais prévenu tout le monde à l’association que je ne serai pas présente aujourd’hui. L’annonce de son décès avait été comme un choc, me ramenant à une époque que j’avais presque occulté. Bien sûre que je n’avais pas oublié Dani, que je n’avais pas oublié Liam, Lesli ou encore Sam. Que les souvenirs étaient encore bien présents, qu’ils soient bons ou plutôt mauvais. Je n’avais jamais pensé devoir revenir en arrière, jamais pensé à ce qu’on puisse se retrouver tous pour se rappeler du bon vieux temps, soi-disant. J’avais simplement accepté que cette vie était bien loin derrière et qu’il ne serait pas possible de se retrouver autour d’une table pour boire un verre et rire de tout ça. Parce que les chemins empruntés par les uns et les autres avaient pris des directions bien distinctes et n’étaient pas voués à se recroiser. Du moins, pas comme ça…
J’ignore comment la mère de Dani avait retrouvé ma trace, j’ignore comment elle s’était procuré mon numéro personnel. Bien sûre que je n’avais pas de téléphone portable il y a 18 ans et que si ça avait été le cas, à force de perdre mes téléphones ou de me les faire voler, j’aurai eu le temps d’avoir eu cinq nouveaux numéros. Son appel avait été difficile à encaisser. Jamais je n’avais dû faire face à la mort d’un proche. Du haut de mes trente sept ans, j’assistait pour la première fois à un enterrement et je n’aurai pu imaginer une seule seconde accompagner un vieil ami de mon âge vers l’autre monde.
Si j’avais demandé à Greg de m’accompagner, c’était aussi parce que je savais qui serait présent à cet enterrement. Je savais qu’il y aurait Liam, je savais que Leslie serait dans le coin, je savais que Samuel serait présent également. Et s’il m’avait conseillé de ne pas y prêter attention, alors même que je pouvais voir Leslie et Liam l’un à côté de l’autre, c’était déjà double peine pour moi. J’étais pourtant persuadée d’être remontée à bloc et de pouvoir passer outre, de faire comme si de rien n’était, qu’après tout ce temps, tout allait bien, mais pourtant, c’était le souvenir d’une souffrance qui me revenait aussi en plein cœur.
Je restais bien dans les rangs, attendant que la cérémonie prenne fin avant d’aller rendre un dernier hommage à notre ami parti bien trop tôt. Dès lors qu’il était temps de quitter les lieux, je me dirigeais vers la sortie avec Greg quand je m’arrêtais en lui retenant le bras. « J’te rejoins à la voiture ? » que je lui demande en jetant un œil vers Leslie et Liam qui étaient toujours côte à côte. Voulant lui épargner des retrouvailles un peu particulières, d’autant plus qu’il avait eu l’historique bien complet de ce qui me liait à ces deux-là. « C’est Liam et Leslie… » et c’est alors que Sam fit son apparition, j’ignorais s’il était là depuis le début ou s’il venait juste de débarquer. « Et Sam. » que j’indique d’un signe rapide du menton en sa direction.
Je me dirigeais vers eux alors que j’avais eu son approbation, bien qu’un brun fébrile, j’ignorai s’il irait directement à la voiture ou s’il m’attendrait juste à quelques mètres de là. « Il aura fallu qu’un de nous nous quitte pour se recroiser… » que je lance à mon ancien colocataire et mon ex-petite amie. « J’espère que vous allez bien. » c’était sincère. Le ventre retourné pour ma part, le cœur prêt à bondir, mais je mettais ça sous le compte de l’émotion.

La cérémonie était magnifique, la popularité de Dani était toujours impossible à remettre en doute quand on voit le monde qu’il y a. Cette foule dont je fais partie, cette foule où je dénote la présence de Leslie derrière moi, une voix que je n’oublierai probablement jamais. C’est tout un flot d’émotions que je n’ai plus ressenti depuis longtemps qui m’a envahi sans vraiment que je ne m’en aperçoive. Mes récentes interventions à l’université m’avaient donné l’espoir de la retrouver à ce moment-là pour prendre de ses nouvelles, voir comment elle s’en sortait, mais rien, impossible de la voir. Qui l'eût cru qu’il nous aura fallu cette situation pour de nouveau se retrouver face à face. C’est sans vraiment y réfléchir et avec tout le naturel possible qui soit que mon premier mouvement réflex est de la prendre dans mes bras. Ce sont des souvenirs qui me reviennent alors en tête quand ses bras me donnaient la motivation de ne jamais rien abandonner, de ne jamais rien lâcher dans les études ou même avec Sam. Si tout est terminé depuis bien longtemps, ce n’est pas pour autant que j’ai oublié tout ce qu’on a vécu et de la retrouver ne fait que me rappeler le bien que ça peut faire de revoir une personne à qui on tient énormément. « Je ne sais pas trop… Pour moi je nous revois toujours dans ce bar à être sorti par le serveur parce qu’on foutait trop le bordel… À voler la voiture du golf avant de la faire couler sans faire exprès dans le mini lac juste à côté… » C’est un sourire nerveux que j’affiche. Si les souvenirs sont là pour ne jamais oublier une personne, ils sont aussi là pour rappeler la douloureuse réalité, celle qu’on ne pourra plus jamais les revoir. « Ça peut paraître con, mais je ne sais pas… Je nous revoyais encore il y a peu à refaire ce même genre de conneries, mais dans trente ans, tous les cinq… Mais sinon toi ça va ? Je ne pensais vraiment pas te voir aujourd’hui, je suis sûr que ça lui fait plaisir de là où il est maintenant. » Je ne crois pas vraiment à tout ce qui est paradis, Dieu, enfer, les âmes etc, mais s’il y a bien un jour où en mon for intérieur j’ai envie d’y croire, envie de croire qu’on se reverra un jour ou l’autre, c’est bien aujourd’hui. Leslie m’arrache à mes pensées alors qu’elle me montre de la tête une nouvelle personne de ce groupe qu’on formait autrefois, une personne qu’on a tous les deux trahie et dont ça fait encore plus de temps que je n’avais pas eu de nouvelles. « Je ne sais pas… Je ne peux pas lui en vouloir si c’est le cas… » Certes on a tous grandi, mûri, mais est-ce quelque chose que l’on pardonne facilement je ne sais pas, je n’ai jamais vraiment été confronté à cette situation. Mais si je m’attendais à ce que Noa décide de ne pas venir nous voir – ce qui aurait été tout à fait compréhensible – ce sont surtout les pas de Sam qui m’étonnèrent. Bien sûr qu’il était là lui aussi, mais comment peut-il oser venir nous voir lui, celui pour qui j’avais une confiance sans faille, celui que je considérais comme mon frère et pour qui je tiens responsable de l’entièreté des problèmes qu’il nous a causés. Peut-être un juste retour de karma pour avoir trahi la confiance de Noa, mais tant qu’il ne s’était pas expliqué, tant qu’ON ne s’était pas expliqué, je n’arriverai jamais à lui pardonner. C’est qu’il en a eu l’occasion en plus, ce n’est pas la première fois que je le revois, le projet sur lequel on travaille ensemble sans notre consentement m’a forcé à revoir ce vieil ami. « Je voulais simplement vous dire que j’étais désolé pour Dani et que… Bref, bonne journée. » Il tourna les talons sans même nous laisser le temps de lui répondre, il était tout autant ami avec Dani que nous l’étions et malgré nos différences, la journée n’était pas à la haine ou aux ressentiments. « Décidément, cette journée va de surprise en surprise… » Je n’ai pas remarqué que Noa se dirige vers nous à son tour beaucoup trop concentré sur cette ombre du passé qui s’éloigne de nous au fil des secondes qui passent, mais encore une fois c’est sa petite voix qui me rappelle à moi. « Oui… et j’en suis le premier désolé, sincèrement. » J’ai de nouveau ce réflexe de la prendre à son tour dans mes bras, comme si c’est moi qui en avais le plus besoin que les deux femmes à côté de moi, comme si j’étais sur le point de m’effondrer complètement, mais le souvenir de Noa, de sa réaction quand elle a appris ce qu’on avait fait, tous ces souvenirs me rappelèrent à l’ordre préférant attendre, attendre d’être certain que ce ne soit pas déplacé et qu’elle ne le prenne pas mal. « C’est difficile, je n’arrive toujours pas à m’y faire, à me dire qu’on ne le reverra plus. Dans ma tête c’était probablement le plus dur à cuire d’entre nous. » Mes yeux suivent maintenant le cercueil sortant de l’église avant d’être rangé dans le corbillard direction le cimetière qui se situe non loin d’ici, on est aussi invité à la ' marche funèbre ' accompagnant notre ami jusqu’à sa dernière maison que sera sa tombe. La marche est lente et seulement quelques minutes plus tard on se retrouvait déjà devant la pierre tombale du défunt. Une fois ce dernier hommage rendu, le silence commençait peu à peu à être rompu par les invités. « Merde, j’arrive toujours pas à… » Alors que j’avais réussi à tenir jusqu’à maintenant, à empêcher les larmes de sortir, à contrôler mon corps, ce dernier se relâche totalement et c’est comme si tout s’effondrait sur moi d’un seul coup. « Excusez-moi je dois… » Je sors du cimetière pour me poser sur un banc à l’entrée de celui-ci, la tête entre les mains. « Merde Dani.. »

« Je ne sais pas trop… Pour moi je nous revois toujours dans ce bar à être sorti par le serveur parce qu’on foutait trop le bordel… À voler la voiture du golf avant de la faire couler sans faire exprès dans le mini lac juste à côté… » Ça te fait sourire qu'il ressasse le bon vieux temps. Là où la vie était relativement simple et que personne ne s'en rendait véritablement compte. Le bout de tes doigts viennent doucement à la recherche des siens. Simplement en guise de soutien. Rien de plus. Bien sûr. « Ça peut paraître con, mais je ne sais pas… Je nous revoyais encore il y a peu à refaire ce même genre de conneries, mais dans trente ans, tous les cinq… Mais sinon toi ça va ? Je ne pensais vraiment pas te voir aujourd’hui, je suis sûr que ça lui fait plaisir de là où il est maintenant. » Tous les cinq. C'étaient un peu trop optimiste en considérant le fait que vous vous étiez tous un peu déchirés entre vous. Enfin, toi, tu avais déchiré tout le monde. Disons les vraies choses. Est-ce qu'une dizaine d'années pouvaient suffir à calmer les blessures ? Était-ce suffisant pour ridiculiser les erreurs ? Peut-être. Peut-être pas. Pour ta part, tu n'as jamais été particulièrement rancunière. L'eau a coulé sous les ponts. Tu n'en veux à personne, ni même à Sam, qui est sans doute le seul que tu pourrais détester dans cette histoire. « Ça va. Je suis contente d'être venue. » Parce que tu y a pensé à plusieurs reprises de ne pas venir. Tu aurais regretté de ne pas l'avoir fait. C'est désormais confirmé. Il s'est rapidement dissipé le malaise qui t'a pris en entrant ici. « Et à toi ? Ça te fais plaisir ? » Que tu sois ici. Il a parlé pour Dani. Pas pour lui. Qu'importe sa réponse, toi, ça te fait très plaisir de le revoir lui après toutes ces années.

« Je ne sais pas… Je ne peux pas lui en vouloir si c’est le cas… » Il y a tellement de choses que tu aimerais lui dire à Noa, tellement que tu aimerais savoir aussi, sur elle, maintenant, sur tout ce que tu as manqué dans sa vie. Tu voudrais assurément la revoir sous d'autres circonstances. Elle accepterait ? Ton regard est tellement fixé sur elle que tu remarques à peine l'approche maladroite de Sam qui repart aussi vite qu'il est arrivé. Tu as du mal à décrocher ton regard d'elle jusqu'à ce que… oh tiens c'est Greg. Juste là. À côté d'elle. Ils sont ensemble ? Ça, c'est rigolo. C'est fou ce qu'on se marre ici. Il y a autant de points d'interrogations dans ton regard que dans celui de Gregory lorsque Noa s'avance finalement vers Liam et toi. « Il aura fallu qu’un de nous nous quitte pour se recroiser… J'espère que vous allez bien. » Tout le monde sait ça que ce sont les mariages et les funérailles qui réunissent les vieilles connaissances qu'on ne voit jamais. Pas de chance pour vous, c'est dans la cérémonie un brin moins joyeuse que vous vous retrouvez. Enfin, "pas de chance" il reste quand même le léger côté positif de se revoir tous les trois. C'est bien ça, non ? D'autant plus que la rancune semble s'être évaporée dans les années qui ont passées. Elle va sûrement ressortir plus rapidement que tu ne le penses. D'ici à ce qu'elle ressorte, toi, il y a encore quelque chose qui te chicote l'esprit. « Oui… et j’en suis le premier désolé, sincèrement. C’est difficile, je n’arrive toujours pas à m’y faire, à me dire qu’on ne le reverra plus. Dans ma tête c’était probablement le plus dur à cuire d’entre nous. » « C'est ton copain ? » Ah oui, voilà, Greg. Son fantôme que tu pointes en retard. Il doit être parti l'attendre à l'extérieur. C'est un peu sorti de nul part cette question. Elle n'avait à la limite aucun rapport dans la discussion. À croire que tu n'écoutais pas vraiment ce qui est en train de se passer, mais il faut avouer que ton attention est resté accroché ailleurs.

Votre petite bulle de retrouvaille est détruite lorsque la famille de Dani commence à sortir le cercueil de l'église, lorsque tout le monde se réunit pour la marche funèbre qui mène jusqu'à la pierre tombale. C'est en voyant le nom de Dani inscrit sur celle-ci que ton estomac se met tout à l'envers. Ça ne peut pas être plus officiel ainsi. Soudainement, ouais, non, tu n'es plus très à l'aise. Ton regard se promène entre Noa et Liam alors qu'aucun d'entre eux ne semble dans un meilleur état. C'est finalement Liam qui craque le premier. « Merde, j’arrive toujours pas à… Excusez-moi je dois… » Et il s'éloigne doucement, va s’échouer sur un banc en retrait se prenant la tête entre les mains. Tu pinces les lèvres en le regardant faire. C'est plus fort que toi, tu viens t'asseoir doucement à ses côtés. Ton bras entoure ses épaules alors que ta tête vient se poser contre son épaule. Parfois, le silence est le meilleur des dialogues. Comme là, à ce moment précis, quand tout ce que tu trouves à faire c'est de tendre ton autre main vers Noa pour qu'elle se joigne à vous. Trop tôt ? Trop vite ? Trop bizarre ? C'est possible d'être juste trois amis sans passé le temps d'une journée ?

« C'était quoi déjà ce truc dégueu qu'il nous forçait à boire ? » Il y a un semblant de rire qui s'échappe de tes lèvres à cette pensée. Ce shooter horrible qu'il était le seul a apprécié. Tu as même toujours douté de la véracité de son appréciation de cet alcool. « On va s'en prendre un. » Pour Dani. Bien sûr.

C’est pas vraiment le moment, c’est pas l’endroit et c’est pas non plus indispensable. On est pas obligé de se parler, en fait, on est pas obligé de faire comme si on était toujours quelqu’un les uns pour les autres. Ca fait des années qu’on a plus eu un seul contact et soit disant parce que notre vieil ami avait quitté ce monde, on devrait tous se prendre la main et oublier ? C’est presque ce à quoi ça ressemblait. Comme si mes tripes m’avaient poussées à venir vers eux. Comme si c’était une conscience aussi petite que le célèbre cricket qui m’avait forcé, parce que quand même, on pouvait faire cet effort-là. Mais Dani, j’pense que ça l’ferait bien rire de nous voir tous les trois comme des idiots à pas savoir quoi se dire. Il nous dirait comme on est ridicule, comme ça ne servait à rien. C’est sûr qu’il nous dirait de pas faire semblant pour lui. J’suis pas certaine qu’on joue la comédie pour autant. Franchement, j’sais pas.
« C’est difficile, je n’arrive toujours pas à m’y faire, à me dire qu’on ne le reverra plus. Dans ma tête c’était probablement le plus dur à cuire d’entre nous. » et ca fait combien de temps qu’on l’avait pas vu Dani ? Moi, des années, surement depuis qu’on avait tous pris des chemins différents. Pour Liam, j’avais aucune idée de ce qu’il s’était passé mais j’avais pas le sentiment que la vie les ait maintenu côte à côte. J’me demande égoïstement s’ils seraient aussi venus pleurer sur ma tombe si j’étais plus là, moi aussi ? Voilà ma question alors que le cercueil de notre ami est mis dans le corbillard. « C'est ton copain ? » Elle me regarde et dévie sur Greg qui attendait plus loin, près de la voiture. Il avait pas l’air bien. J’hausse les épaules, j’dois répondre quoi ? On s’en fou non ? De savoir si c’est mon petit ami ou pas ? Enfin, est-ce que c’est vraiment l’moment ? Est-ce que c’est l’endroit ? « Faut faire les présentations officielles aussi ? » pardon, c’est sortie tout seul. Mais j’comprends pas, est-ce que c’était vraiment le sujet ? J’enclenchais la marche derrière Liam quand le cortège se mis en route.
C’est quand le cercueil se fait recouvrir doucement de la terre ébène du cimetière que mes tripes se tordent à nouveau. Boule au ventre, envie de vomir presque. Pour sa disparition ou pour les souvenir que ça fait remonter ? Bonne question. « Merde, j’arrive toujours pas à… Excusez-moi je dois… » Mes yeux se détournent vers Liam qui prend la fuite, sa sauveuse qui le suit forcément et moi, j’reste là. J’reste comme une con en fait, parce que j’sais pas si j’dois les suivre, j’sais pas s’il faut vraiment rester souder dans cette période, j’sais pas si j’dois m’en aller et vraiment tourner la page sur tout ça. Ceci dit, j’étais persuadé que c’était déjà le cas, mais la simple vision de Liam et Leslie dans l’Eglise avait eu plus d’effet que l’annonce du décès de Dani.
Ok, j’y vais, de toutes façons, c’est fini ici, j’vais laisser les proches – les vrais – se recueillir sur la sépulture de Dani. Moi, j’les rejoins et puis, si ça tourne mal, j’m’en vais. De toutes façons, j’vais pas faire attendre Greg trop longtemps. « … ce truc dégueu qu'il nous forçait à boire ? » je l’ai sur le bout d’la langue. J’vois tout à fait de quoi elle parle. Ce truc français qui a un goût d’anis et que seul lui pouvait supporter. « On va s'en prendre un. » sérieusement Leslie ? Dans quel but ? « Du pastis. Il m’semble. J’vais vous laisser aller boire ça, moi, j’vais y aller. » y a ce goût amer, pire que celui de l’anis d’ailleurs, dans mes paroles. Ca sent presque le reproche. J’aurai parié que j’étais pas rancunière, du moins, que je l’étais plus.

L’ambiance est morose et Liam arrive à peine à tenir sur ses jambes. Ça faisait bien quatre ou cinq ans qu’il avait des nouvelles de Dani que par téléphone, pourtant ils sont toujours restés autant soudés l’un l’autre après toutes les aventures qu’ils ont subies. Leslie retourne évidemment la question vers le Taylor alors que ce sont des sentiments partagés qui se battent à l’intérieur. Heureux de la revoir, heureux d’apercevoir Noa et Sam au fond, tout simplement heureux de se dire que malgré le triste évènement il y a bien une infime chance qu’ils puissent se retrouver tous les quatre autour d’un verre, tous les cinq avec Dani qui sera toujours présent avec eux malgré son voyage vers un monde meilleur. Triste de savoir qu’il n’y aura plus que des souvenirs, de la nostalgie pour le relier à son ami… Il en oublie de répondre à son ex l’historien, puis Noa arrive finalement à trouver la force de venir les rejoindre et malgré cette profonde tristesse qui assaille violemment Liam, il arrive à trouver la force d’afficher un léger sourire, un sourire tout ce qu’il y a de plus vrai, un sourire parce qu’il est content de pouvoir de nouveau adresser la parole à son ancienne coloc. Il ne sait pas vraiment s’il pourra toujours s’adresser à elle une fois la journée terminée, mais au moins il aura réussi à prendre de ses nouvelles. Puis Leslie vient le couper dans sa petite discussion, une question qu’il trouve plus ou moins déplacé quand on sait comment ça s’est terminé entre les deux jeunes femmes il y a une dizaine d’années de ça et Noa a eu la réaction qu’il lui connaissait si bien quand elle n’a pas envie de répondre. Il continue de lutter le Taylor alors qu’il doit se mettre à marcher devant le corbillard, il doit luter pour rester une nouvelle fois debout quand le cercueil descend dans sa tombe. Il ne veut pas être celui qu’on doit rassurer, celui qui lâche sous la pression, l’égo d’un homme peut vraiment être con par moment. Tout solide qu’il est l’historien finit par lâcher prise et la violence de cette tornade d’émotion qui se déchaîne en lui détruit tout. Il arrive cependant à rejoindre un banc un peu plus loin à la sortie du cimetière presque immédiate rejoint par Leslie. Il sent sa tête se poser contre son épaule alors que son bras essaie tant bien que mal d’attraper l’autre. Un mouvement en entraine un autre et Liam attrape la main de la jeune femme ne réfléchissant même pas à ce que pouvait bien ressentir Noa qui était toujours là, à seulement quelques mètres d’eux. La Cohen brise le silence et un léger rire s’échappe de la bouche de Liam alors qu’il essuie encore les quelques larmes qui ont réussi à s’échapper et à perler sur ses joues. « Je crois bien que c’était du pastis oui. » La voix de l’historien reste tremblotante, essayant comme si c’était nécessaire de ne pas paraître faible devant les autres. Il se défait gentiment de l’étreinte de Leslie avant de se relever, il avait déjà trop abusé de la compassion des autres et il ne veut plus être celui qui reçoit de l’aide, mais il veut plutôt être celui qui propose la sienne. Il ne sait pas encore trop commence il va convaincre Noa de venir et de ne pas partir, mais il va falloir qu’il choisisse très vite ses mots. « S’il te plait. » Alors oui on a vu mieux comme mots, on ne peut même pas faire pire, mais Liam se rapproche encore et la prend dans ses bras comme avant quand elle venait de se faire plaquer par quelqu’un avant de connaître Leslie. « J’aimerais sincèrement que tu me laisses l’occasion de m’excuser pour ce qu’on t’a fait. » Lui chuchote-t-il à son oreille avant de lui laisser de l’espace. Il ne sait pas vraiment s’il a réussi ou non, mais il se retourne maintenant vers Leslie qui est déjà partante pour aller trinquer en l’honneur de leur défunt ami. Parce que oui, malgré ce qui s’est passé entre eux Dani n’a jamais jugé personne sur leurs décisions et pour Liam c’est un moyen comme un autre de saluer la fidélité de son ami envers chacun d’eux, fidélité que lui n’a malheureusement pas eu la force d’avoir. « Comme si les choses étaient bien faites le bar n’est qu’à quelques minutes d’ici. » Et la première chose à laquelle pensera sûrement l’historien sera la première fois où il a franchi la porte avec ses vieux amis.

« Faut faire les présentations officielles aussi ? » Alors, c'est un oui. Elles sont plutôt rares les filles auxquelles Greg reste accroché. Enfin, tu dis ça, mais la dernière fois que tu l'as vu, il était avec Alexis-machin-truc la pas sympa - faut bien mettre le fait que vous vous êtes perdu de vue sur la faute de quelqu'un et tu choisis elle. Bon, c'est probablement pas avec Noa dans sa vie que vos chemins risquent de se croiser à nouveau. Loin de là même. Finalement, l'eau n'a pas coulé sous les ponts puisque chacun des mots qui sortent de la bouche de Noa semble sur la défensive. Sa voix est rude. La tienne n'est que douceur. « J'veux bien. » Elles auraient eu lieu les présentations s'il n'aurait pas été déjà reparti ? Probablement pas. De toute façon, la conversation est un peu interrompue lorsque la marche funèbre débute jusqu'au cimetière, jusqu'à ce trou devant la pierre tombale de Dani. Il est horrible le frisson qui se casse le long de ta colonne vertébrale.

Liam part finalement en retrait et tu le suis pas trop loin, jusqu'à venir prendre place à ses côtés. Noa finit par faire son apparition quelques minutes après. Le rire de Liam te fait sourire immédiatement. Bon, au moins un sur deux que la nostalgie rend heureux. C'est déjà ça de gagné. « Du pastis. Il m’semble. J’vais vous laisser aller boire ça, moi, j’vais y aller. » « Je crois bien que c’était du pastis oui. » C'était prévisible qu'elle refuserait l'invitation. Dire que dans une autre vie, elle n'arrivait pas à rien te refuser. On est bien loin de cette vie là. Tu penses à lui proposer de se revoir ailleurs, juste elle et toi, sous de meilleures(?) circonstances. Parce que si tu ne le fais pas maintenant, tu ne la reverra probablement jamais. Tu n'oserais jamais insister pour qu'elle vienne prendre ce shooter. Tout comme tu accepterais qu'elle ne veuille jamais te revoir, qu'elle refuse l'invitation. Toutefois, c'est Liam qui te prend de court quand c'est lui qui insiste d'un « S’il te plait. » pour qu'elle vienne. Pire, il la prend dans ses bras, lui murmure des paroles qui n'arrivent pas à tes oreilles. Il lui a dit quoi ? Elle va changer d'avis ? Nah, sûrement pas. Ce ne sera que Liam et toi. Tu les regardes tout de même, elle et lui, à tour de rôle en attente du verdict final.

« Comme si les choses étaient bien faites le bar n’est qu’à quelques minutes d’ici. » Mon dieu. Un bar. C'est quand la dernière fois que tu as mis les pieds dans un bar ? Tu n'arrives même pas à t'en souvenir. C'en est presque pathétique. Tu es presque aussi excité qu'une lycéenne avec des fausses cartes. Un coup d'oeil rapide vers ton portable, question de faire sûr que Chloe gère - ton moment mère potable du jour. Elle gère. Même si elle ne gérerait pas, elle ne le dirait pas, mais détails. Oh et peut-être que tu en profites pour lancer une dernière pique à Morton. Il flippe. Tu te bidonnes intérieurement. Comme si tu allais lui voler sa petite-amie. « Allez. Juste un. » Ouais, ouais juste un. Personne n'y croit. Tout comme ton regard qui pétille de malice qui ne fonctionne probablement plus. Tu peux quand même essayer. C'est Liam qui a insisté le premier. Tu ne fais que suivre le bal.

Ma mémoire ne me fait pas défaut, c’est bien de cette boisson anisée que parle Leslie et Lima vient le confirmer. Quelle horreur. Et franchement, hors de question que je goute à nouveau cet alcool, même en mémoire de notre vieil ami. Quelle que soit les circonstances, même si nous n’avions jamais perdu contact, je n’aurai pas accepté ce tel sacrifice.
Alors que de mon côté, il m’est impossible de rester et de faire comme si nos souvenirs n’étaient que arc en ciel et licornes en pyjama, Liam semble ne pas l’entendre de cette manière. Pour moi, il était clair que je n’allais pas rester deux minutes de plus dans le coin. « S’il te plait. » rêve pas Liam… mais, j’ai l’impression que celle qui est en train de rêver en ce moment, c’est bien moi. Pas le temps de répliquée que je me trouve enlacée dans ses bras. Et sincèrement, si nous n’étions pas dans ce triste contexte, je crois que je l’aurai envoyé balader avant qu’il n’ose s’approcher de moi. « J’aimerais sincèrement que tu me laisses l’occasion de m’excuser pour ce qu’on t’a fait. » Maintenant ? là ? Quasiment vingt ans plus tard ? T’as pas la sensation que c’est un peu too much Liam ? J’me retiens un rire, un rire bien jaune qui mériterait sa place ici, mais j’vais vraiment prendre sur moi. Je fais un pas sur le côté alors que je me retrouve libre de mes mouvements, en réalité, encore un peu abasourdie par leur façons de faire comme si de rien n’était. Mon téléphone vibre dans la poche de mon jean et je le sors rapidement pour en lire le sms qui s’affiche sur mon écran de veille. Greg s’impatiente, visiblement, il me faut trois secondes pour lui répondre que j’arrive. « Comme si les choses étaient bien faites le bar n’est qu’à quelques minutes d’ici. » « Allez. Juste un. » je secoue la tête alors que mon téléphone retrouve sa place dans ma poche. « Une prochaine fois. » ou pas, je sais pas. Mais là, c’est trop pour moi. C’est ni le moment, ni l’endroit, pas la bonne façon de faire, y a rien qui va, franchement… y a rien qui va. Je les regarde un à un. C’est vrai, que j’aurai pu faire l’effort, parce que c’est un ami qu’on vient de perdre, mais franchement, j’ai pas envie. « On m’attend, en plus. Et on a à faire. » je fuis, on a rien à faire, mais Greg attend vraiment. J’sais pas pourquoi je traine encore là, j’fais enfin un pas en arrière, mes yeux se posant une demie seconde sur Leslie puis dérivent sur Liam. « Une prochaine. » et ca sonne presque comme une promesse. Me faut juste un moment pour avaler tout ça. Pour me remettre les idées en place. J'aurai presque pu ajouter un : prenez soin d'vous. Faut pas abuser non plus.
Je finis par disparaitre de leur champ de vision en retrouvant la voiture de Greg.

Il sait que c’est trop tôt Liam, il sait qu’il ne suffira pas que d’un sourire ou d’une simple accolade pour recoller les morceaux d’une amitié brisée depuis tant d’année. Si les retrouvailles avec Leslie sont moins compliquées, il n’en reste pas moins qu’ils sont toujours très loin de la complicité qu’ils avaient avant, la complicité qu’ils avaient avant-même avant de franchir le pas et de laisser aller leurs sentiments. La mort de Dani l’a véritablement secoué, plus qu’il n’aurait pu l’imaginer. Ils ne se sont pas vus depuis quelques temps et alors ? Il était le dernier de leur ancien groupe avec qui il avait toujours gardé contact, à qui il prenait régulièrement des nouvelles. Il ne veut pas refaire la même erreur avec Leslie ou Noa, il ne veut pas attendre encore des années à laisser tranquillement faire les choses. Maintenant dans sa tête il ne sait pas de quoi sera fait demain, si ça sera sa dernière journée ou s’il aura la chance de vivre un jour de plus, une chance que n’a pas eu Dani. Il ne veut plus repousser ce qu’il aurait dû faire depuis très longtemps, des excuses sincères, renouer une certaine complicité avec Leslie sans oublier de tuer Sam au passage, non ça c’est faux, mais il ne sera pas près pour lui tant que ce dernier ne sera pas près pour parler des dernières années qu’il a passées à pourrir la vie de Leslie et Liam. Une prochaine fois que dit Noa, il la connait très bien Liam, il sait ce que ces mots veulent dire dans la bouche de son ancienne amie, elle ne veut tout simplement ne plus le revoir. Il y a déjà eu une dizaine d’années d’attente derrière eux, une dizaine d’année où Liam a essayé par tous les moyens quand il en avait le courage de la recontacter, mais rien, ce n’était que silence radio. Pour lui ça ne fait aucun doute que l’histoire va se répéter, again. « Je ne vais pas plus forcer. Prends soin de toi. » Liam se rapproche de nouveau de Leslie alors que Noa disparaît petit à petit à l’horizon. Ce mec, Liam n’arrive pas à s’en souvenir, mais sa tête lui dit quelque chose, il est certain de l’avoir déjà vu quelque part seulement il est impossible pour lui de mettre le doigt dessus. L’historien s’assoit de nouveau avant de redresse les yeux vers son ex. « Alors on va se le boire ce verre ? » Il espère qu’elle dise oui, il espère pouvoir boire ce poison dégueulasse avec Leslie, il espère ne pas se retrouver seul avant de rentrer chez lui et pour ce faire il affiche ce petit sourire forcé, celui qui demande oui par pitié.

Il ne leur faut pas beaucoup de temps – comme dans ses souvenirs – pour atteindre le fameux bar avec toujours cette même odeur au moment d’ouvrir la porte, toujours cette même euphorie des jeunes passant la meilleure soirée de leur vie. Ils vont se poser dans un petit coin un peu plus calme, un coin où ils vont pouvoir discuter, ce même coin où ils s’asseyaient tous autour de la table levant leurs verres à leur amitié. « Cet endroit… ça me rappelle tellement souvenirs… » Il ne sait pas vraiment pas où commencer, il devrait le faire par quoi ? Des excuses ? Mais s’excuser pour ? Par quelque chose de plus originale qu’un simple comment ça va ? Il n’a pas vraiment la tête à réfléchir le Taylor et il fait signe au serveur de venir prendre leur commande. « Alors, qu’est-ce que tu deviens après toutes ces années ? » Oui, bon c’est pas forcément mieux, mais l’improvisation ça n’a jamais été son point fort à Liam. Le serveur revient très vite avec ce fameux pastis, l’odeur répugne toujours autant le Taylor alors qu’il commence à lever son verre prêt à se forcer à boire cul sec son breuvage. « À Dani, à cette amitié qui perdurera même de là où il se trouve aujourd’hui. On pensera toujours à toi, on t’aimera toujours. » Un toast un peu spécial, pour une occasion qui l’est tout aussi, vaincre le chagrin dans l’alcool voilà tout ce que veut faire ce soir l’historien. « Vous n’avez qu’à nous laisser la bouteille. » Fait-il signe au serveur.

Noa refuse l'invitation. C'était prévisible, mais tu ne peux quand même pas t'empêcher d'en être déçu. Tu aurais aimé pouvoir avoir une discussion avec elle. Tu aurais aimé pouvoir lui présenter des excuses convenables. Mieux vaut tard que jamais à ce qu'il paraît - elle n'est sûrement pas du même avis. Elle dit une prochaine fois. Tu n'en crois pas un mot, mais tu vas quand même tenter ta chance pour cette fameuse prochaine fois. Tu sais pertinemment que vous ne serez jamais de grandes amies, mais si vous pouvez tourner la page sereinement sur une histoire qui s'est mal terminé, ça te suffit amplement. Il y a longtemps que tu n'avais plus repenser à toute cette histoire. Tu te sens aussi mal que si c'était arrivé hier. Noa disparaît parmi la foule et Liam se tourne alors vers toi. « Alors on va se le boire ce verre ? » « Tu sais bien que j'peux rien te refuser. » Tu as le sourire facile malgré les circonstances plutôt dramatiques. Tu essaies surtout de voir le positif et d'essayer d'oublier les malheurs pour quelques minutes.

C'est d'autant plus étrange quand, un coup arrivé au bar, vous prenez place à cette table où vous aviez l'habitude de vous installez pour prendre un verre. Tu te rappelles des cris de dégoût quand Dani mettait du sien et annonçait la tournée de pastis. « Cet endroit… ça me rappelle tellement souvenirs… » À toi aussi. Ça fait si longtemps que tu as l'impression que ça l'appartient à une autre vie. « Ça me manque. » que tu confis à ton tour. Elle te manque cette époque là. Même si elle était principalement conçue d'un énorme bazar dans ta tête, la vie était définitivement plus simple que la vie d'adulte. « Je m'installais toujours à côté de toi. Tu l'avais déjà remarqué ? » que tu dis en riant doucement. Il n'avait rien remarqué. Il en a des millions de petits détails comme celui-là qu'il n'avait pas remarqué de l'époque de Noa - ou qu'il ne voulait pas le remarquer peut-être. Vous n'êtes que tous les deux aujourd'hui. Tu pourrais prendre place en face de lui. Mais non, pourquoi changer une routine ? C'est à la place juste à ses côtés que tu t'installes encore.

« Alors, qu’est-ce que tu deviens après toutes ces années ? » Ah. La fameuse question qui tue. Qu'est-ce que tu deviens ? Certainement pas ce que tu t'étais imaginé dix ans auparavant. Loin de là même. « Hum, j'enseigne depuis dix ans à l'Université. Le reste du temps j'essaie d'être une mère. » Pas très glorieux dit comme ça. Mais c'est quand même ça ta vie aujourd'hui. Tu n'as jamais le temps pour ça, venir prendre un verre avec un vieil ami. C'est sûrement pourquoi tu l'apprécie autant aujourd'hui malgré l'événement douloureux qui le permet. « Et toi ? » que tu lui relance alors que le serveur vint poser la bouteille de pastis sur votre table. Ton corps tout entier frissonne de dégoût à la simple vue de cette bouteille. Ça fait combien de temps qu'elle moisis derrière le bar ? Impossible que quelqu'un d'autre que Dani commande ce genre de boisson. « À Dani, à cette amitié qui perdurera même de là où il se trouve aujourd’hui. On pensera toujours à toi, on t’aimera toujours. » « À Dani. » Tu viens cogner ton verre contre celui de Liam avant de l'avaler cul sec. Il disparaît très très rapidement ton sourire alors que absolument tous les traits de ton visage se crispe de dégoût. Wow. C'était vraiment ton idée ça ?  « Vous n’avez qu’à nous laisser la bouteille. » Ishhh. La pire idée du monde qu'il a en ce moment Liam. « Ce ne serait pas très raisonnable. » que tu préviens juste. Tu n'as absolument aucune crédibilité de toute façon, toi, la fille la moins raisonnable du monde. Absolument aucune quand le sourire malicieux vient prendre toute la place contre tes lèvres. Il est beau Liam. Autant qu'avant, si ce n'est pas plus. D'être ici, à quelques centimètres de lui, te permet de te remémorer chaque petit détails que tu n'as pas vraiment oublier. Elles ont le même goût ses lèvres ? Nahhh, elles goutent le pastis. Dégueulasse. C'est sûrement pour ça que tu viens de nouveau remplir ton verre et le sien.

C’est tout un sentiment de nostalgie qui s’empare de Liam. Il y a plusieurs années qui ont séparé la dernière fois qu’il avait franchi la porte avec Dani et ce jour-là, mais il y avait toujours cette même odeur, cette ambiance de rock des années 80’. Les propriétaires n’avaient pas changé et c’était vraiment un plaisir pour l’australien de remettre enfin les pieds ici après tant d’années. Cette musique de Bon Jovi où Dani et lui ont passé des soirées à chanter, danser en foutant la honte à tout le petit groupe, c’était ça l’insouciance dont ils faisaient preuve quand ils étaient tous ensemble, une insouciance qui lui paraît bien lointaine aujourd’hui. Leslie vint s’installer à son tour près de lui comme si une fois de plus rien n’avait changé depuis la fac. Ses mots lui arrachèrent un rire, elle devait le savoir mieux que personne, Liam était un moins que rien pour ce qui est de remarquer les signes d’un flirt ou même d’une simple attirance et ce encore moins quand la personne est plus ou moins en relation avec sa colocataire. « Oui, enfin, je veux dire que je le remarquais toujours, mais je me disais simplement que c’était une des nombreuses habitudes qu’on avait tous prises ensemble. » Est-ce qu’il s’attendait à vivre l’une des relations qui lui aura le plus marqué ? Non, même si avec le recul il remarque aujourd’hui tout ce qu’il a perdu en commençant cette aventure avec Leslie, il sait aussi tout ce qu’il a gagné avec elle et ce sont des souvenirs qu’il gardera jusqu’à la fin de sa vie tout comme les sentiments qui sont toujours bien présents. Des sentiments dont il a encore du mal à mettre le doigt dessus, mais une chose est certaine : le temps a passé et même avec toute la volonté qu’il voudrait y mettre, ça ne pourra jamais être comme avant, ça ne pourra plus jamais être sérieux entre eux. « Je me souviens surtout qu’il y avait toujours Noa qui ne trainait pas loin, sûrement de peur que ce qui est arrivé… Enfin, je pense que tu connais tout aussi bien que moi l’histoire. »  Il était pressé de voir la bouteille arriver le Taylor, il n’avait qu’une envie c’était d’oublier cette après-midi qui était sous le signe de la tristesse et des remords. Ça ne lui arrivait pas souvent, mais il voulait simplement mettre son cerveau sur pause, arrêter de penser.

La question pouvait paraître banale à souhait, mais ça faisait tellement de temps, il se souvenait de l’avoir croisé à l’occasion sans vraiment avoir le courage d’aller la voir, mais il ne connaissait plus rien de la brune. C’était comme s’il la redécouvrait après une éternité à ne plus s’être vue. Liam se tourne légèrement vers la Cohen afin de lui faire face, d’admirer une fois de plus son regard qui l’avait déjà fait chavirer la première fois où ils s’étaient rencontrés. Il l’écoutait attentivement, même si son regard pouvait parfois être distrait par les faux espoirs que lui procuraient le serveur sans qu’il ne vienne les servir. « Je me disais bien que je t’y avais vu une fois ou deux et attends… » À qui ça peut arriver d’autre si ce n’est lui de s’étouffer avec sa propre salive ? L’annonce de Leslie lui fit comme un électrochoc, elle était devenue mère ? C’est comme s’il venait de prendre trente ans en une seconde dans la gueule et quand il y pense, il s’approche de la quarantaine et il n’y a pas une seule relation sérieuse qui s’annonce à l’horizon pour le Taylor. « Je, euh, félicitations. C’est ce que je suis censé dire normalement, non ? » Le serveur arriva enfin pour prendre leur commande et Liam commanda une bouteille entière, on ne sait jamais un seul vomi ça ne serait peut-être pas suffisant pour lui. Ils se servent un premier verre, une première torture avant de le lever à la santé du défunt – santé, défunt, vous l’avez ? – et de boire cul sec. « Putain, je déteste toujours autant ce truc, c’est immonde. » Il se forçait à boire ce poison le Taylor et quand il voyait les grimaces de la brune à côté de lui il savait que ses souvenirs ne le trompaient pas et qu’elle détestait ça elle aussi, en fait tout le monde détestait le pastis sauf Dani. « Oh pas grand-chose de bien intéressant. Après la fac, j’ai voyagé un peu en Europe afin de participer à des fouilles archéologiques, puis j’ai accepté le poste de conservateur de Musée au Queesnland Museum. De temps à autre je fais des conférences et j’interviens à la Queensland Univeristy de Brisbane. » Il était vraiment fier de son parcourt Liam et une autre étape allait s’ajouter à son CV. « Et j’ai reçu un mail il n’y a pas si longtemps, l’université de Cambridge me propose un poste de professeur pour un semestre, ou plus intervenant, je ne sais pas trop ce qu’ils ont prévu en réalité, mais ça reste une belle opportunité pour moi. » La perte de son ami a pourtant précipité les choses et si à l’époque du mail il ne savait pas trop s’il allait accepter ou non, depuis le décès il était persuadé qu’il avait besoin de partir, de changer d’air.

« Oui, enfin, je veux dire que je le remarquais toujours, mais je me disais simplement que c’était une des nombreuses habitudes qu’on avait tous prises ensemble. » Tu pouffes de rire. Quel idiot! Il n'avait jamais rien remarqué. Au point où tu avais finit par croire un temps que tu ne lui plaisais pas. « Je me souviens surtout qu’il y avait toujours Noa qui ne trainait pas loin, sûrement de peur que ce qui est arrivé… Enfin, je pense que tu connais tout aussi bien que moi l’histoire. » Tu détournes un peu la tête à cette phrase. Oui, bien sûr, tu assumes complètement ce que tu as fait. Tu prends le blâme qui te revient, mais ce n'est pas pour autant que ce souvenir te rend à l'aise. Tu es bien loin d'être fière d'avoir commis l'adultère ou peu importe ce que c'était. Mais quand même, tu es à peu près certaine que Noa n'a jamais rien suspecté. C'est sûrement pour ça que le coup lui a fait aussi mal. « Qu'est-ce que tu en penses si on se contente des bons souvenirs pour aujourd'hui ? » Vous êtes déjà là ensemble tous les deux parce que l'un d'entre vous est mort. C'est déjà pas top comme situation. Pas besoin de ressasser les erreurs du passé en plus de tout le reste.

« Je me disais bien que je t’y avais vu une fois ou deux et attends… Je, euh, félicitations. C’est ce que je suis censé dire normalement, non ? » Ton sourire s'élargit à le voir mettre autant les pieds dans les plats. Il est toujours aussi beau à le faire soit dit en passant. Qu'est-ce qu'il y a de si surprenant que tu sois devenue une mère ? La plupart des gens avec qui vous êtes allé à la fac sont sûrement mariés avec deux-trois enfants au passage. « Je supposes oui. Merci. » Tu ris doucement. C'est un peu tard pour les félicitations Abby n'est plus un bébé maintenant. Mais il faut quand même dire que tu les apprécie plus les félicitations aujourd'hui qu'avant. Tu as tellement galéré au début. « Et j'imagine que ça veut dire que toi tu n'en as pas ? » que tu conclus face à sa réaction. Tu aurais quand même plus misé sur lui que sur toi pour avoir la vie de famille. Mais tu mises facilement sur toi plutôt que sur lui quand vient le temps de faire des erreurs. C'est ce qu'elle est à la base Abby, une erreure. Tu l'aimes, beaucoup, mais c'est quand même pas une erreure qui est prête à se reproduire dans ta vie.

Le serveur revient finalement avec la bouteille tant convoitée - vraiment débile cette idée - et le premier verre est avalé cul sec. « Putain, je déteste toujours autant ce truc, c’est immonde. » Sa grimace de dégoût fait écho à la tienne. Vraiment ignoble. Tellement ignoble que aussitôt vos deux verres redéposés sur la table, tu les remplis de nouveau. « T'es mieux de t'y faire. Tu as une bouteille à boire. » Et tu ne garantis nullement ta participation pour l'aider à la finir. Tu viens tout de même avaler le deuxième. Non. Le deuxième n'est pas mieux. Pourquoi on dirait qu'il te détruit encore plus l'œsophage que le premier ? Elle finira probablement par moisir chez lui la fameuse bouteille. « Oh pas grand-chose de bien intéressant. Après la fac, j’ai voyagé un peu en Europe afin de participer à des fouilles archéologiques, puis j’ai accepté le poste de conservateur de Musée au Queensland Museum. De temps à autre je fais des conférences et j’interviens à la Queensland University de Brisbane. » Alors, vous fréquentez le même établissement sans jamais vous croiser ? Enfin, lui a dit avoir pensé t'avoir vue. Toi ? Jamais. Sinon, tu serais aller vers lui sans trop réfléchir. Mais à dire vrai, c'est surtout la première partie de sa carrière qui t'intéresse, le musée. « Au musée ? Là, tu m'intéresses. Tu me feras faire un tour ? J'veux voir ce qu'il ne montre pas au public. » Le musée en tant que tel, tu le connais presque par coeur. Tu sais pertinemment que le meilleur est caché aux yeux de tous. Des pièces inédites qu'ils gardent jalousement pour eux pour x et y raisons. Tu serais extrêmement déçu si ce n'est pas le cas. « Et j’ai reçu un mail il n’y a pas si longtemps, l’université de Cambridge me propose un poste de professeur pour un semestre, ou plus intervenant, je ne sais pas trop ce qu’ils ont prévu en réalité, mais ça reste une belle opportunité pour moi. » Ah, l'Angleterre. Il te demandait sûrement pas ton opinion, mais tu vas quand même la lui donner. « Tu devrais accepter. » Et ouais, tu profites de la nouvelle pour remplir les verres pour une troisième fois. Vous avez quelque chose à célébrer là, non ? « Qu'est-ce qui te retiens ici ? » Il n'a pas d'enfant qui le garde chez lui. Peut-être qu'il a une petite-amie qui ne veut pas suivre ? De là son hésitation. En même temps, ce n'est qu'un semestre. Il revient après si ça ne lui plaît pas.

Les mots de la brune arrachèrent de nouveau un sourire au Taylor, elle n’a jamais vraiment aimé sur pencher trop longtemps sur les idées noires ou les pensées négatives, sur ça elle n’avait vraiment pas changé. Pourtant, c’était de ça qu’était emplie la tête de Liam. La présence de Leslie avait comme une aura réconfortent pour lui, comme à l’époque où il devait passer ses exams, une aura qui lui avait bien manqué c’est une certitude. « Ça me va totalement et je suis certain qu’un autre verre m’aidera dans cette voie ! » Il se servit d’un autre verre après avoir bu le dernier d’une seule gorgée – putain de pastis – se dit-il alors que même après toutes ces années il n’arrivait toujours pas à s’habituer au goût de ce poison pour ses papilles. La suite a réellement eu l’effet d’un électrochoc pour l’australien, il n’avait jamais vraiment réfléchi à avoir une vie de famille bien rangée comme il le faut avec une belle maison et un beau jardin. Il s’est toujours mis et perdu corps et âme dans son travail ce qui lui a permis d’en être là aujourd’hui, mais ce fut au prix de quelques sacrifices dont sa vie intime qui n’a pas vraiment évolué depuis plusieurs années même s’il a fait quelques rencontres dont il aura su profiter le temps de la nouveauté avant l’arrivée fatidique de la relation platonique, oui, seulement le temps de la nouveauté. « Effectivement, comment te dire que je viens de prendre un gros coup de vieux en quelques secondes – rit-il – Je me suis tellement enfoui dans mes livres et mes recherches que je n’ai jamais vraiment eu le temps de réellement me poser et c’est peut-être pour ça qu’aujourd’hui il n’y a toujours pas d’alliance à mon doigt. » Il ne désespérait pas le Taylor et il était encore moins résigné à vivre éternellement seul, il avait fait le choix de faire de sa carrière une priorité et il l’assumera jusqu’au bout, mais les reproches de ses parents sur le fait qu’il ne leur avait toujours pas donné de petit-fils alors qu’Amos était déjà père étaient tellement réguliers qu’il ne prêtait même plus attention aux remarques de ce genre, enfin jusqu’à ce qu’il apprenne que de son côté Leslie était déjà devenue mère. « Je suis vraiment content pour toi, je suis certain que ton enfant ne manque de rien. C’est une fille ou un garçon ? » Il ne voulait bien évidemment ne pas trop l’emmerder avec une tonne de questions auxquelles elle ne voulait pas forcément répondre, mais il était toujours curieux le Taylor, toujours à vouloir montrer qu’il s’intéresse aux autres.

« Ne t’inquiète pas pour ça, j’ai peut-être vieilli, mais je n’ai toujours pas perdu la descente que j’avais quand on se retrouvait ici, je te rappelle que je n’ai jamais eu à payer les tournées grâce à ça ! » Après avoir parlé de Leslie, c’était bien entendu venu au tour de Liam de lui donner les quelques détails qui rythment sa vie depuis quelques années maintenant. C’était pour sûr bien moins aussi intéressant d’un point de vue sentimental, mais il en avait à redire sur sa vie professionnelle. Un large sourire s’étira sur les lèvres de Liam, à chaque fois qu’il mentionne le musée, c’est la première chose qu’on lui demande, une visite privée des coulisses et en même temps il est l’un des premiers à le proposer pour ses proches. « C’est surtout un bordel pas possible entre les archives à tenir à jour régulièrement et c’est encore pire dans mon bureau avec tous les bouquins qui trainent, mais ça serait avec plaisir que je te ferai faire une petite visite guidée de ce qui se passe derrière les rideaux. » Sans vraiment le savoir il lâcha une nouvelle information, celle à laquelle il pense de plus en plus à donner une réponse positive, encore plus depuis le décès de Dani et ce besoin insatiable de changer d’air, d’évoluer encore un peu plus en ajoutant une ligne de plus à son CV. Il releva vite la tête avec un air interrogateur alors que Leslie n’hésita pas une seule seconde sur la réponse qu’il devrait donner à cette proposition d’une des plus prestigieuses universités d’Angleterre. « Ce qui me retient ici ? Il est vrai que si on regarde comme ça il n’y a pas grand-chose, mon appartement reste silencieux quand les aboiements du chien s’estompent et que je suis au travail, mais il y a mes frères, on commence tout juste à enfin de nouveau à se revoir, je veux dire à se reparler sans essayer de s’étriper au bout de quelques minutes. » Liam de son côté n’a jamais eu de gros problèmes avec chacun d’entre eux, mais pour certains c’était devenu compliqué de se retrouver dans la même pièce et les rares fois où ça arrivait, c’était-à-dire pendant les rares repas en famille, il y en avait toujours un qui partait très rapidement. « J’ai toujours essayé de faire le bon petit messager qui se met entre pour retenir les derniers liens qui nous unissaient et aujourd’hui qu’on entrevoit enfin de redevenir une fratrie je devrais leur annoncer que je m’envole pour plusieurs mois à des milliers de kilomètres ? »

« Effectivement, comment te dire que je viens de prendre un gros coup de vieux en quelques secondes. Je me suis tellement enfoui dans mes livres et mes recherches que je n’ai jamais vraiment eu le temps de réellement me poser et c’est peut-être pour ça qu’aujourd’hui il n’y a toujours pas d’alliance à mon doigt. » Oh, ton histoire n'a rien à envier si seulement il savait. Peut-être que tu lui en parleras un jour, mais ce jour n'est pas aujourd'hui. On se passera des histoires larmoyantes. La mort de Dani suffit pour le moment. Tu lèves tes deux mains vers lui en faisant bouger tes dix doigts. Aucune bague à tes doigts. Il n'en aura jamais. « Tant fait pas. J'suis pas mieux que toi. » Tu es encore célibataire pour les mêmes raisons. Tu as gâché ta dernière relation exactement pour ça. Tu es assez conne pour te dire que tu ne changerais rien malgré tout. Être avec Sarah et mettre le boulot de côté ne t'aurait pas rendue plus heureuse. « J'ai jamais connu personne d'autre qui comprenait. » que tu ajoutes en haussant les épaules. Parce que Liam comprenait et, mieux, il l'acceptait. Ça ne vous a pas empêché de vous trouver d'autres problèmes par contre. « Je suis vraiment content pour toi, je suis certain que ton enfant ne manque de rien. C’est une fille ou un garçon ? » Tu aimerais dire qu'elle ne manque de rien, que tu combles chacun de ces caprices, qu'elle a tout l'amour qu'elle mérite. La vérité est plus complexe que ça. Tu cours constamment après ton temps. Élever un enfant seul, c'est difficile, mais tu fais de ton mieux. Parfois tu te demandes si c'est suffisant. Abby semble heureuse malgré tout. Tu devrais peut-être juste arrêter d'angoisser à l'idée de ne pas en faire assez pour elle. « C'est une fille. Elle a quatre ans. C'est pas facile tous les jours. » que tu réponds en riant un peu - mieux vaut en rire. C'est sûrement le moment idéal pour avaler un nouveau shot qui est toujours aussi dégueulasse soit dit en passant. « Tu feras un bon papa Liam. » Tu n'en as aucun doute. Tu aurais aimé qu'il soit le père de ta fille. Tu serais sûrement une meilleure mère avec quelqu'un comme lui pour t'épauler.

« Ne t’inquiète pas pour ça, j’ai peut-être vieilli, mais je n’ai toujours pas perdu la descente que j’avais quand on se retrouvait ici, je te rappelle que je n’ai jamais eu à payer les tournées grâce à ça ! » Tu éclates de rire face à ce souvenir. Tu te rappelles surtout les lendemains de cuites et les maux de coeur pour avoir joué la maline à vouloir tenir le rythme. Échec à chaque fois. Tu ne t'essayerais même pas aujourd'hui. Tu sais déjà que tu ne le tiendrais pas. Tu t'endormirais dans un coin avant huit heures du soir. « C’est surtout un bordel pas possible entre les archives à tenir à jour régulièrement et c’est encore pire dans mon bureau avec tous les bouquins qui trainent, mais ça serait avec plaisir que je te ferai faire une petite visite guidée de ce qui se passe derrière les rideaux. » Plus c'est le bordel, mieux c'est. Tu ne pourrais pas rêver mieux comme guide que Liam. Tu sais déjà que tu auras droit à une visite très très détaillé et complète. « J'attends ton invitation. » Il n'a pas intérêt à oublier parce que toi, tu ne l'oublieras pas. Tu comptes pas te gêner pour le relancer s'il ne le fait pas.

« Ce qui me retient ici ? Il est vrai que si on regarde comme ça il n’y a pas grand-chose, mon appartement reste silencieux quand les aboiements du chien s’estompent et que je suis au travail, mais il y a mes frères, on comment tout juste à enfin de nouveau à se revoir, je veux dire à se reparler sans essayer de s’étriper au bout de quelques minutes. » Pas de petite-amie. Pas d'enfant. Il n'y a que ses frères pour le retenir ici. Ce qui est un peu ridicule si on te demande ton avis. Ce n'est pas un adieu. Ce n'est qu'un au revoir pour quelques mois. « J’ai toujours essayé de faire le bon petit messager qui se met entre pour retenir les derniers liens qui nous unissaient et aujourd’hui qu’on entrevoit enfin de redevenir une fratrie je devrais leur annoncer que je m’envole pour plusieurs mois à des milliers de kilomètres ? » « Tu vas regretter Liam si tu n'y va pas. » que tu lui dis, feignant de le connaître comme avant. C'est peut-être le cas. Ce ne l'est peut-être pas. C'est une opportunité en or pour lui. Il s'en voudra de ne pas avoir au moins essayé. « Ce n'est que quelques mois. Ils comprendront. » Ce n'est pas pour toute la vie. Ils sont tous adultes. Ses frères comprendront. Les retrouvailles ne seront que meilleures voilà tout. La décision lui revient. Tu n'es sûrement pas la mieux placée dans sa vie pour lui donner conseil.

« Mince, je dois filer. Je dois aller chercher ma fille chez ma soeur. » que tu lui dis, réalisant soudainement l'heure qui avançait bien plus rapidement que prévu. Tu avais promis à Chloe de ne pas rester trop longtemps. Elle a une entrevue ou un truc du genre. Il est déjà plus tard que tu lui avais promis. « Ça m'a fait très plaisir de te revoir. » Tu souris grandement avant de venir plaquer un baiser contre sa joue. « Tu m'appelle, hm ? » Tu lui tends un bout de papier avec ton numéro griffonné dessus. Depuis le temps, il ne doit plus l'avoir. Tu as supprimer le sien entre deux crises de larmes incontrôlable y'a dix ans - ou peut-être que c'est Chloe qui l'a fait. Un dernier shot pour la route et te voilà qui file en direction de la sortie.